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Lyon et le spiritisme

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25 centres ou groupes familiaux accueillant près de 10 000 personnes, soit 10% de la population lyonnaise, tenue informée par plus de 10 journaux ou bulletins traitant de Spiritisme, une crèche pour parents démunis, une caisse de secours pour les vieillards nécessiteux… En 1865, Lyon était bien la première ville spirite au monde. Cet historique du Spiritisme à Lyon nous fait découvrir le Spiritisme, le vrai, sous tous ses aspects : scientifique, philosophique et moral. Mais comment Lyon est devenu le cœur du Spiritisme ? Pourquoi le déclin fut si brutal ? Comme disait Léon Denis, Lyon est-il un rempart du Spiritisme ?

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Mickaël Ponsardin

Le Spiritisme à Lyon(1857 - 1937)

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Léon Denis

Après la MortChristianisme et SpiritismeLe Problème de l’être et de la destinéeLa grande énigme (Dieu et l’Univers)Le génie celtique et le monde invisibleDans l’Invisible : Spiritisme et médiumnité

Allan Kardec tLe livre des Esprits

Le livre des MédiumsL’Evangile selon le Spiritisme

Le Spiritisme à sa plus simple expressionLa Genèse, les miracles et les prédictions

Oeuvres posthumesLe Ciel et l’Enfer

La prière

Disponibles sur la libraire spirite :

www.editions-philman.com

Imprimé en Europe — Dépôt légal : mai 2009ISBN : 978-2-913720-46-6 — EAN : 9782913720466

Chico XavierIl y a 2000 ansNosso LarLes messagersMissionnaires de la lumièreDans le monde supérieurLes ouvriers de la vie éternelleDans les domaines de la médiumnitéAction et réactionEntre la terre et le cielLibérationCinquante ans plus tardAvé ChristRenoncementPaul et Etienne

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Mickaël Ponsardin

Le Spiritisme à Lyon(1857 - 1937)

“Lyon est le rempart du spiritisme”

Léon Denis

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Le Spiritisme à Lyon

PréfaceRetrouver un monde oublié

Le spiritisme n’a rien de mystérieux pour celui qui prend letemps de se pencher sur les trésors qu’il renferme. Lyon, villetournée vers l’avenir peut être fière de son passé, de son histoiredepuis les temps où elle se nommait Lugdunum. Lyon et leSpiritisme n’est que l’histoire qui se répète et résonne des trompettesfunestement glorieuses de l’époque romaine alors que les premiersmartyrs chrétiens enseignaient déjà les paroles de bonté et de charitédu plus grand médium que la terre ait connue.

Ces paroles réapparaissent dans le milieu du XIXème siècle,non pas par la bouche d’un seul homme mais portées aux quatrecoins du monde dictées par les Esprits qui se communiquent par-tout et à tous les peuples. D’innombrables communicationss’établissent entre les hommes et le monde invisible laissant unnombre considérable de messages.

C’est dans ce creuset spirituel qu’est la ville de Lyon, qu’unmouvement spirite mondial trouvera ses racines. Entre la colline quiprie, Fourvière, et la colline qui travaille, la Croix Rousse, naîtra en1804 un apôtre du spiritisme : Léon Denizard Hypolithe Rivail.Mais c’est seulement cinquante ans plus tard que ce professeur droitet honnête découvre le phénomène des tables tournantes, qu’iltransformera grâce à son esprit de synthèse en un enseignementmoral d’une grandeur incontournable. Il prend alors le nom d’AllanKardec. Il vouera les dernières années de sa vie à cette révélation uni-verselle classant dans ses ouvrages les messages du monde spirituel.

C’est à cette époque que des milliers de lyonnais se reconnais-

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8 Préface

sent dans cette doctrine fraternelle. Cet élan spontanée de spiritua-lité, d’amour et de justice entraînant les masses dans son sillonn’avait pas eu d’égale depuis près de 2000 ans.

La ville s’enflamme d’une piété nouvelle pour ce qu’elleconsidère non pas comme une religion mais comme une révélationfaite au monde. Les hommes voient dans cette philosophie, danscette doctrine, un principe égalitaire qui dépasse les races, les fron-tières et le concept de l’unicité de la vie physique. Outre la surviede l’âme, acceptée par les religions mais non explicité, le spiritismeapporte l’explication des inégalités terrestres par la loi universelle decause à effet qui engendre la théorie des vies successives. La raisonet les faits constatés l’emportent sur des siècles d’obscurantisme etune foi sincère éclaire le cœur des hommes. Parallèlement les nom-breux phénomènes provoquées par les médiums viennent secouer lemonde scientifique qui trouvent les preuves d’une autre dimensionpour l’humanité. Ecrivains et poètes apportent également leur pierreà l’édifice.

Un lent déclin succèdera à cet enthousiasme après la mort ducodificateur en 1869. Ce n’est que 200 ans après sa naissance, en2004, qu’Allan Kardec reçoit un hommage solennel dans sa ville :un monument en forme de menhir a été érigé à sa mémoire sur lesquais du Rhône dans le prolongement de la rue Sala àl’emplacement de la maison où il naquit. Une plaque commémo-rative est également apposée sur le mur des bas ports.

Progressivement, l’être humain s’est de nouveau détourné deces messages d’espoir pour notre humanité, mais le monde desEsprits apporte par vagues successives les connaissances qu’elle peutassimiler à chaque époque de son évolution. Les vagues se rappro-chent et l’on peut déjà entendre le roulement de celle qui bientôtenvahira d’une nouvelle ferveur Lyon la spirituelle.

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Le Spiritisme à Lyon

Introduction

A partir du 15 octobre 2004, une exposition intitulée « Lyon,cœur du Spiritisme » a été organisée à la Bibliothèque municipalede Lyon à l'occasion du bicentenaire de la naissance d'un lyonnais :Allan Kardec(1).

Combien de Français, combien de lyonnais connaissent-ils cenom ? Combien savent que c'est sous sa plume qu'apparut pour lapremière fois le mot spiritisme ? Très peu. Et pourtant, unerecherche sur Google(2) avec le nom de Kardec indique que celui-ciest cité dans environ 70 200 pages sur Internet ! D'où viennent cesmilliers de pages consacrées à Allan Kardec ? ! Du monde entiermais surtout du continent sud-américain et plus particulièrementdu Brésil.

Allan Kardec est le Français le plus lu au Brésil, avec plus detrente millions d'ouvrages vendus et déjà trois timbres nationauximprimés à son effigie. Des dizaines de milliers de sociétés ou asso-ciations sont consacrées au Spiritisme, la plupart sous l'égide de laFédération Spirite Brésilienne (FEB)(1). Avec une action sociale trèsmarquée, « le Spiritisme gère aujourd'hui un très grand nombred'écoles professionnelles, de crèches, d'ateliers de couture,d'orphelinats, de cliniques, d'hôpitaux, d'asile, de centres de dis-tribution gratuite de médicaments homéopathiques ainsi que desmaisons de retraite pour les personnes âgées.(2) » Selon le sociologuebrésilien Reginaldo Prandi, il existait en 1990, dans le seul État de

(1) Cette exposition sur l'Histoire du Spiritisme à Lyon a eu lieu à la Bibliothèque de

la Part-Dieu pour une durée de trois mois à partir du 15 octobre 2004.

(2) Google est le moteur de recherche le plus utilisé sur Internet. Environ 2/3 des

recherches sur Internet sont effectuées avec cet outil.

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10 Introduction

São Paulo, deux mille cinq cents centres spirites. L'un des plusimpressionnants est le siège de la Fédération Spirite de l'État de SãoPaulo (FEESP). Bâtiment de onze étages, il est « ouvert toutel'année, sauf pendant le carnaval, il reçoit entre 6 000 et 10 000personnes par jour (…). 3 000 familles sont hebdomadairementassistées, recevant notamment des soins et de la nourriture(3) ».

Trouver un brésilien qui n'ait pas entendu parler d'AllanKardec et du spiritisme, voilà un exploit qui relève du défi. Lors deleurs séjours en France, ils constatent avec étonnementl'importante méconnaissance d'Allan Kardec dans son propre pays.De passage à Lyon, ils se rendent rue Sala, où Allan Kardec a vu lejour, où tout de même, ils peuvent découvrir une plaque commé-morative à sa mémoire, ainsi qu’un menhir.

C'est pourtant à Lyon que les idées contenues dans lesouvrages d'Allan Kardec trouveront le plus d'échos au XIXème siècle.Fort de plusieurs milliers de membres, le mouvement spirite lyon-nais sera le foyer spirite le plus important de France et peut-êtremême du monde entier comme l'écrira Allan Kardec lui-même. Lesgones de Lyon composeront, dans la ville natale d'Allan Kardec, unmouvement spirite dynamique, persistant sur plusieurs généra-tions. C'est cette histoire, aujourd'hui oubliée ou sous-estimée, queces pages ont pour objet de retracer dans les grandes lignes.

Le spiritisme est resté un tabou en France. Universitaires etjournalistes l'abordent rarement sans émettre des opinions person-nelles ou des préjugés qu'une étude plus approfondie montreraitsouvent comme erronés ou faux. Contrairement à la coutume,l'auteur a choisi de rester objectif dans cet ouvrage et de se limiteraux faits de l'histoire.

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(1) François Laplantine et Marion Aubrée, La Table, le Livre et les Esprits, p. 169.

(2) François Laplantine et Marion Aubrée, La Table, le Livre et les Esprits, p. 166-167.

(3) François Laplantine et Marion Aubrée, La Table, le Livre et les Esprits, p. 171.

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Chapitre 1Les phénomènes spirites

Avant le spiritisme… le magnétisme

Les ouvrages spirites fixent habituellement la naissance du spi-ritisme en 1848, date à laquelle le récit d'une maison hantée vadéfrayer la chronique en Amérique puis en Europe. Cette histoiresera à l'origine de la célèbre vogue des tables tournantes. Avec lerecul de notre époque, cette date apparaît inexacte. En effet, plu-sieurs décennies avant que les tables tournantes soient à la mode,les phénomènes dits du magnétisme étaient déjà considérablementrépandus en Europe. La presse foisonnait d'articles relatifs à cethème, pour ou contre. Il était alors de circonstance de bien diffé-rencier le magnétisme, qui était connu depuis plusieurs généra-tions et qui était déjà populaire, du spiritisme nouveau, et dont lesconséquences philosophiques allaient bien au-delà. Mais, pour nosyeux contemporains, nous retrouvons parmi les expériencesmagnétiques la plupart des phénomènes qui se reproduiront dansles expérimentations spirites. Si tous les magnétiseurs n'étaient passpirites, nous verrons que la majorité des spirites étaient aussimagnétiseurs.

Le magnétisme fut fondé par Franz Anton Mesmer, médecinautrichien qui s'installa à Paris en 1778. Il avait soutenu une thèseintitulée De planetarum influx où il postulait que tous les corps,minéral, végétal ou organique, sont soumis à des flux d'énergie,appelés « fluides » et que la répartition harmonieuse de ce fluide estgarante de la santé physique et mentale(1).

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(1) Nicole Edelman : Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France, p. 16.

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Une des méthodes pour rétablir l'équilibre est l'utilisation d'unaimant, d'où le nom de magnétisme. Après avoir constaté que lemême effet est obtenu avec les mains, l'aimant sera abandonné auprofit des « passes ». La circulation d'énergie sera alors rétablie pardes attouchements ou des pressions locales du magnétiseur sur lepatient.

Un disciple de Mesmer, le marquis de Puységur, va faire unenouvelle découverte en magnétisant un de ses domestiques, VictorRace. Celui-ci « tombe en état de sommeil profond, mais restecapable de parler lucidement. Il décrit l'intérieur de son corps, dia-gnostique sa maladie, se prescrit soins et médicaments et (…) gué-rit(1) ». Le marquis de Puységur annonce sa découverte en mai 1784sous le nom de « somnambulisme provoqué » ou « somnambulismemagnétique ». En effet ce phénomène nouveau s'apparentait ausomnambulisme naturel, à la nuance près qu'il était provoqué àvolonté. Dans cet état, quelques expérimentateurs observeront chezleurs sujets des phénomènes troublants comme l'anesthésie oul'hyperesthésie, partielles ou complètes, la vue malgré les yeuxfermés, la vue à distance, la vue à travers les corps, la faculté de lireles pensées, etc.(2)

A Lyon, en 1784, Jean-Baptiste Willermoz fonde une sociétéde magnétisme animal, s'inspirant de la découverte du marquis dePuységur, la Concorde. Des expériences seront produites sur des ani-maux malades pour confirmer la vue des somnambules à travers lescorps. Ainsi après que le somnambule ait fait son diagnostic sur lanature de la maladie de l'animal, celui-ci est abattu et autopsié(3).Une des somnambules, Jeanne Rochette, va intriguer les membresde la Concorde. A partir de février 1785, celle-ci commença à avoirdes visions qui s'affineront peu à peu : « Elle voit les âmes des bien-heureux, les parents et amis morts, les proches disparus de ceux qui

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(1) Nicole Edelman : Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France, p. 18.

(2) Voir à ce sujet l'ouvrage de Bertrand Méheust : Somnambulisme et médiumnité.

(3) Nicole Edelman : Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France, p. 19.

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la magnétisent. Elle les voit entourés de flammes ou baignés delumière. Elle les dit « délivrés » ou encore dans le tourment. Ainsila mère de Willermoz :

“Cette ombre noire, c'est votre mère. Ah ! qu'elle souffre etdepuis longtemps, elle a bien été oubliée, cette pauvre femme, elleme fait pitié.” Le négociant raconte même que la somnambule luia fait part d'événements qui avaient eu lieu entre sa mère et lui, etdont personne n'était au courant(1). »

Après quelques mois, Jeanne Rochette n'a plus besoin d'êtremagnétisée par un assistant pour entrer en somnambulisme, cetétat sera provoqué directement par les Esprits. Jeanne Rochette estce que l'on nommera, soixante ans plus tard, une médium. LesEsprits utiliseront directement sa voix pour se communiquer maisaussi sa main, puisque de nombreux cahiers seront écrits par écri-ture automatique.

En 1847, Louis-Alphonse Cahagnet publia Arcanes de la viefuture dévoilés, ouvrage qui rassemble de nombreux entretiens éta-blis entre Cahagnet et divers Esprits à travers la somnambule AdèleMaginot. A la sortie de ce livre, le baron du Potet, célèbre magné-tiseur, écrivit dans une lettre privée à Cahagnet : « Vous traitezvingt ans trop tôt de ces questions : l'homme n'est pas préparé àles comprendre(2). »

« En effet, si l'on consulte les traités de magnétisme animal,on trouve bien des traces des préventions qu'entretenaient à cesujet les magnétiseurs ; préventions qu'explique leur crainte que lesmanifestations de cette nature fissent surgir de nouveaux obstaclesà leur tâche de convaincre le monde des guérisons merveilleusesobtenues par les pratiques magnétiques. Mais il n'est pas moinsvrai que, malgré les préventions, les manifestations d'entités dedéfunts par l'entremise somnambulique se réalisaient assez sou-

Les phénomènes spirites

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(1) Christine Bergé : L'au-delà et les Lyonnais, p. 39.

(2) Ernest Bozzano : A propos de l'introduction à la métapsychique humaine, p 9.

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vent. M. Deleuze(1) lui-même, dans sa correspondance avec le doc-teur Billot, le reconnaît dans les termes suivants : « Je ne vois pas deraisons pour nier la possibilité de l'apparition de certaines per-sonnes qui, ayant quitté cette vie, s'occupent de ceux qu'elles ontchéris et viennent se présenter à eux pour leur donner des avis salu-taires. Je viens d'en avoir un exemple, le voici…

« Et Deleuze expose le cas d'une somnambule à laquelle sonpère décédé se manifesta deux fois pour la conseiller au sujet del'époux qu'elle devait choisir ; ses conseils impliquaient la réalisa-tion d'un fait encore éloigné dans le temps, et qui se réalisa ponc-tuellement à l'époque indiquée(2).»

Le Dr Billot décrira en réponse à Deleuze un phénomène mer-veilleux qu'il a constaté : l'apport d'une plante médicinale quitomba sur les genoux de sa somnambule par l'intervention d'unEsprit(3).

Le magnétisme aura largement préparé les Esprits à la venuedu spiritisme, ainsi que le prouve le journal lyonnais Le Somnambule,journal de magnétisme qui, en 1843, reprend en exergue une citationattribuée à Deleuze : « Le magnétisme démontre la spiritualité etl'immortalité de l'âme(4). »

Les sœurs Fox

En 1848, le cas d'une maison hantée à Hydesville, hameauaméricain dans l'état de New York, va connaître un retentissementmondial. Depuis le 11 décembre 1847, cette maison est habitée parla famille Fox composée des deux parents et de deux filles,

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(1) Note de l'auteur : Jean-Philippe-François Deleuze (1753-1835) était un magnéti-

seur très célèbre.

(2) Ernest Bozzano : A propos de l'introduction à la métapsychique humaine, p 8.

(3) Ernest Bozzano : A propos de l'introduction à la métapsychique humaine, p 9.

(4) Christine Bergé : L'au-delà et les Lyonnais, p. 64.

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Margaret, quatorze ans, et Kate, onze ans. Bientôt, des bruits res-semblant à des coups frappés sur une porte vont importuner la viede cette famille. L'histoire de la famille Fox, reprise dans tous lesouvrages historiques du spiritisme, a été si souvent réinterprétéeque l'on peut trouver tout et son contraire à son sujet. ArthurConan Doyle, le père de Sherlock Holmes, a mené sur cette ques-tion une enquête documentée qu'il nous livre dans Histoire duSpiritisme : « Les bruits ne semblent pas avoir gêné la famille Foxjusque vers la mi-mars 1848. A partir de ce moment, ils aug-mentèrent sans cesse d'intensité. Parfois ce n'était qu'un simplecoup ; à d'autres moments on aurait dit qu'on déplaçait desmeubles. Les enfants se sentaient tellement inquiets qu'ils refusè-rent de dormir seuls, et qu'on les installa dans la chambre de leursparents. Les bruits vibraient si fort que les lits tremblaient. Onprocéda à toutes les recherches : le mari fit le guet d'un côté de laporte tandis que la femme se tenait de l'autre ; les coups conti-nuaient, continuaient sans désemparer. On remarqua bientôt quela journée ne favorisait pas le phénomène et cela renforça naturel-lement l'idée d'une supercherie ; mais on essaya toutes les solutionspossibles, sans succès. Finalement, la nuit du 31 mars, il y eut uneéruption puissante et continue de bruits inexplicables. Cette nuitlà, (…) la jeune Kate Fox mit au défi la puissance invisible de répé-ter son claquement de doigts.

« Le défi de l'enfant, quoique lancé d'une voix peu respec-tueuse, reçut une réponse immédiate. A chaque claquement dedoigts répondait un coup en écho. (…) Mme Fox était abasourdiepar ce premier pas, mais le second augmenta encore son étonne-ment : on découvrit que la force voyait apparemment aussi bienqu'elle entendait car, quand Kate claqua des doigts sans faire debruit, un coup répondit pourtant. La mère posa une série de ques-tions et les réponses données par chiffres, montrèrent une plusgrande connaissance de ses propres affaires qu'elle n'en avait elle-même ; car les coups insistaient sur le fait qu'elle avait sept enfantstandis qu'elle protestait n'en avoir mis au monde que six, jusqu'à

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ce qu'un septième, mort précocement, lui revînt en mémoire(1). »

La nuit même, alors que la rumeur se répand dans le village,les voisins accourent en foule dans la maison. En l'absence des deuxfilles et de la mère qui dormirent ce soir-là chez des voisins, la foulepassa une bonne partie de la nuit à poser des questions àl'intelligence invisible. Un homme, nommé Duesler, eut l'idéed'épeler l'alphabet afin d'obtenir des réponses plus précises : pourformer chaque mot, les lettres retenues étaient celles sur lesquellesun coup était frappé lors de l'épellation. On apprit ainsi quel'intelligence qui s'appelait elle-même « esprit » avait été un hommeassassiné et enterré dans cette maison pour de l'argent alors qu'ilexerçait son métier de colporteur.

Il faudra attendre 1904 pour qu'un corps soit découvert dansla cave de la maison. Ce fait est raconté par le Boston Journal du 22novembre 1904 : « le squelette de l'homme censé avoir causé lescoups entendus pour la première fois par les sœurs Fox en 1848 aété découvert dans les murs de la maison occupée par les sœurs, etles innocente de la seule ombre de doute qui ternissait encore leursincérité dans la découverte de la communication avec les esprits.(…) William H. Hyde, propriétaire de la maison, (…) découvrit unsquelette humain presque complet entre la terre et les murs crou-lants de la cave, indubitablement celui du colporteur(2). »

Les coups frappés se produisaient partout où se rendaient lessœurs Fox et il apparut rapidement que leur présence était néces-saire pour que l'agent invisible puisse se manifester. La nouvelle serépandit rapidement en Amérique du Nord. Sceptiques ouconvaincus, tous ne parlaient que de cette étrange aventure. Deuxpremières commissions de citoyens étudièrent ces phénomènesinhabituels et « échouèrent à découvrir aucun moyen par lequel onaurait pu les obtenir. (…) »

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(1) Arthur Conan Doyle : Histoire du Spiritisme, p. 56.

(2) Arthur Conan Doyle : Histoire du Spiritisme, p. 62.

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« Le rapport final déclara que “les bruits étaient entendus etque leur examen complet avait montré de façon décisive qu'ilsn'étaient produits ni par un mécanisme ni par ventriloquisme,bien que, sur la nature de l'agent qui les produisait, ils fussent inca-pables de se prononcer”(1). »

Une troisième commission fut choisie parmi les opposants lesplus virulents à ces phénomènes. « Leur enquête fut totale, jusqu'àla brutalité, et un comité de dames y fut associé. Elles déshabillè-rent les fillettes terrifiées, qui pleuraient amèrement sur leur misère.On noua ensuite fermement leur robe autour des chevilles et on lesplaça sur du verre et d'autres isolants. Le comité fut obligé de rap-porter : “Quand elles étaient debout sur des coussins avec du mou-choir solidement noué au bas de leur robe autour des chevilles,nous avons tous entendu distinctement les coups sur le mur et surle sol”. Le comité témoigna ensuite que leurs questions, certainesposées mentalement, avaient reçu des réponses exactes(2). »

L'histoire des sœurs Fox se propagea rapidement en Amériqueet de nouveaux « médiums » se déclaraient chaque jour. Si bienqu'en 1854, on estime à trois millions le nombre d'adeptes de cequ'on appellera leModern Spiritualism, et à dix mille le nombre demédiums. Un congrès sur le Modern Spiritualism se tiendra àCleveland en 1852, il sera alors décidé d'envoyer des délégués enAngleterre pour propager cette découverte. C'est à partir de cepays que les phénomènes des tables tournantes déferleront surl'Europe.

L'étude des phénomènes spirites

L'étude de ces phénomènes révéla l'existence d'une grandediversité de médiums : médiums écrivains, médiums auditifs qui

Les phénomènes spirites

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(1) Arthur Conan Doyle : Histoire du Spiritisme, p. 67.

(2) Arthur Conan Doyle : Histoire du Spiritisme, p. 67.

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entendent les Esprits, médiums voyants qui les voient, médiums àeffets physiques qui peuvent produire des coups frappés, des mou-vements d'objets sans contact ou des matérialisations d'Esprits, etc.

Ces manifestations, les matérialisations, sont assurément lesplus impressionnantes et les plus rares. Elles consistent en lacondensation partielle ou complète du corps de l'Esprit : le péris-prit(1). Les assistants de ces phénomènes constatent souvent la for-mation d'une sorte de brouillard qui se condense de plus en pluspour former des mains, des visages ou des corps entiers, qui sontalors visibles par tous. Lorsque l'Esprit est entièrement matérialisé,il marche, respire, son pouls bat, rien ne le distingue d'un êtrevivant. Ainsi William Crookes, brillant physicien et chimisteanglais récompensé par un prix Nobel, a étudié les phénomènes dematérialisation de 1870 à 1873 grâce à la médiumnité de FlorenceCook. Celle-ci avait 14 ans au début de leurs expériences et un desEsprits matérialisés par son intermédiaire se fit appeler Katie King.« La photographie est aussi impuissante à dépeindre la beauté par-faite du visage de Katie, que les mots le sont eux-mêmes à décrireles charmes de ses manières. La photographie peut, il est vrai, don-ner un dessin de la pose ; mais comment pourrait-elle reproduire lapureté brillante de son teint, ou l'expression sans cesse changeantede ses traits si mobiles, tantôt voilés de tristesse lorsqu'elle racontaitquelque amer événement de sa vie passée, tantôt souriant avec toutel'innocence d'une jeune fille, lorsqu'elle avait réuni mes enfantsautour d'elle, et qu'elle les amusait en leur racontant des épisodesde ses aventures dans l'Inde(2). » Bien que tangible, les matérialisa-tions supportent difficilement la lumière. Florence Marryat, quiassista aux expériences de William Crookes, raconte dans son livreLe monde des Esprits : « Au cours d'une séance, on demanda à Katie

Le Spiritisme à Lyon

(1) Note de l'auteur : Selon la doctrine spirite, le périsprit est le corps spirituel de

l'Esprit, invisible à nos yeux. L'homme est composé du corps physique, du périsprit

et de l'âme. Le périsprit est l'intermédiaire entre l'âme et le corps physique.

(2) William Crookes : Recherches sur les phénomènes du Spiritualisme, p. 193.

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de se dématérialiser en pleine lumière. Elle consentit à se sou-mettre à l'épreuve, bien qu'elle nous dit ensuite que nous luiavions fait beaucoup de mal. Elle alla se placer contre le mur dusalon, les bras étendus en croix. Trois becs de gaz furent allumés.L'effet produit sur Katie fut terrifiant. A peine la vit-on encorependant une seconde, puis elle s'évanouit lentement. Je ne puismieux comparer son effondrement qu'à une poupée de cire fon-dant devant un brasier. D'abord, les traits de la figure, vaporisés etconfus, semblaient entrer l'un dans l'autre. Les yeux tombaientdans leurs cavités ; le nez disparut et le front se brisa. Les membreset la robe eurent le même sort ; tout descendait de plus en plusdans le tapis, comme une maison qui s'écroule. A la lumière destrois becs de gaz, nous regardions fixement la place que Katie Kingavait occupée(1). »

L'expérience la plus renommée en France sur les phénomènesde matérialisation fut établie par un médecin diplômé de la Facultéde médecine de Lyon, le Dr Gustave Geley. Celui-ci repris un testcréé en Amérique par le professeur Denton en 1875 ayant pourbut de démontrer la réalité objective des matérialisations : le mou-lage de membres matérialisés.

« Rappelons en quoi consistent les moulages de paraffine : unbaquet contient de la paraffine fondue flottant sur de l'eau chaude.Il est placé près du médium pendant les séances. “L'entité” maté-rialisée est priée de plonger une main, un pied, ou même une par-tie de son visage, à plusieurs reprises, dans la paraffine. Il se forme,presque instantanément, un moule exactement appliqué sur cemembre. Ce moule durcit rapidement à l'air ou au contact de l'eaufroide contenue dans un baquet voisin. Puis la partie organique enjeu se dématérialise et abandonne le gant aux expérimentateurs.

« Plus tard, il est loisible de couler du plâtre dans ce gant, puisde se débarrasser de la paraffine en plongeant le tout dans l'eau

Les phénomènes spirites

Le Spiritisme à Lyon

(1) Léon Denis : Dans l'Invisible, p. 350.

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bouillante. Il reste alors un plâtre reproduisant tous les détails de lapartie matérialisée(1). »

Ces expériences concluantes furent faites à l'aide du médium polo-nais Franek Kluski, à Paris en 1920 et à Varsovie en 1921. Desdizaines de moulages de pieds et de mains furent obtenus, certainsde dimensions anormalement grandes ou petites. Or, ces moulesétaient impossibles à obtenir naturellement car un membre humainne pourrait se retirer du moule de paraffine sans le désagréger.Ainsi, plusieurs artistes mouleurs ayant examiné les moules certi-fieront : « Nous avons fait de nombreuses tentatives pour produireartificiellement, par les moyens les plus divers, des gants analoguesà ceux qui nous avaient été soumis. Elles ont complètementéchoué. Nous concluons qu'il nous est impossible de comprendrecomment les moules de paraffine du Dr Geley ont été obtenus.C'est pour nous un mystère(2). »

Quelle explication théorique peut-on proposer pour expliquerces faits ? L'interprétation qui prévaut aujourd'hui est celle del'inconscient, celui-ci serait à l'origine de tous les phénomènes ditsspirites. Cependant cette interprétation n'a jamais fait l'unanimitéchez ceux qui ont expérimenté les dits phénomènes, en premier lieule Dr Gustave Geley. Au sujet de l'hypothèse de l'inconscient, le DrGeley écrit « il est facile de se rendre compte que cette hypothèsen'explique rien : ni les faits d'extériorisation, ni les facultés trans-cendantales, ni les connaissances subconscientes(3) ».

En outre, le Dr Geley remarque que les phénomènes obéissentà une volonté intelligente et que, à chaque fois que cette volonté estinterrogée sur sa nature, elle a pour prétention d'être esprit et jamaisinconscient. Si l'inconscient est bien à l'origine de ces phénomènes,« il est nécessaire d'admettre une erreur volontaire ou involontaire

Le Spiritisme à Lyon

(1) Dr Gustave Geley : L’Ectoplasmie et la Clairvoyance, p. 240.

(2) Dr Gustave Geley : L’Ectoplasmie et la Clairvoyance, p. 278.

(3) Dr Gustave Geley : L'Etre subconscient, p. 88.

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21Les phénomènes spirites

Le Spiritisme à Lyon

Moulage de mains matérialisées

obtenus par le Dr Gustave Geley

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presque constante de la subconscience, relativement à l'origine desphénomènes, puisqu'elle attribue aux esprits des morts ce qui vientd'elle en réalité(1) ».

Regroupant l'ensemble des phénomènes spirites dontl'authenticité à été prouvé, le Dr Geley constate : « Ce qui me frappeprécisément, c'est qu'aucun de ces phénomènes n'est compréhen-sible en dehors de l'hypothèse nouvelle ; et que, réciproquement,cette hypothèse une fois admise, tous les autres phénomènes per-dent leur apparence de merveilleux et s'expliquent, aussi facilementque les premiers(2). » Cette hypothèse nouvelle dont parle le Dr Geley,et pour laquelle il n'a jamais caché sa sympathie(3), c'est le spiritisme.Cette hypothèse n'est alors pas si nouvelle, il y a plus de soixante ansqu'elle a été exposée par un pédagogue lyonnais : Allan Kardec.

Le Spiritisme à Lyon

(1) Dr Gustave Geley : L'Etre subconscient, p. 76.

(2) Dr Gustave Geley : L'Etre subconscient, p. 134.

(3) Dr Gustave Geley : Essai de revue générale et synthétique du Spiritisme, p. 103

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Table des matières

Préface 7

Introduction 9

Chapitre 1 - Les phénomènes spirites 11

Chapitre 2 - Un Lyonnais méconnu 23

Chapitre 3 - Les années Kardec 37

Chapitre 4 - L'essoufflement 51

Chapitre 5 - La Fédération Spirite Lyonnaise 57

Chapitre 6 - Le Spiritisme en marche 71

Chapitre 7 - Le déclin 93

Conclusion - Le Spiritisme lyonnais aujourd’hui 105

Chronologie 109

Bibliographie 113

Le Spiritisme à Lyon

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