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Communication Ma ve ´ rite ´ , leurs ve ´ rite ´s. Re ´ flexions sur l’influence du contexte sur un fait judiciaire My truth, their truth. The influence of context on a legal case Jean-Christophe Seznec 15, rue des Halles, 75001 Paris, France Annales Me ´ dico-Psychologiques 171 (2013) 460–463 INFO ARTICLE Mots cle ´s : ACT Me ´ dia Responsabilite ´ Ve ´ rite ´ The ´ rapie comportementale et Cognitive Keywords: ACT Cognitive and Behavioral Therapy Media Responsibility Truth RE ´ SUME ´ Le contexte a un ro ˆle pre ´ ponde ´ rant sur les comportements et leurs significations, ce d’autant que certaines facettes de celui-ci sont distordues, amplifie ´ es ou instrumentalise ´es par les me ´ dias. Ce contexte est de plus en plus difficile a ` appre ´ hender du fait de la the ´a ˆtralite ´ de notre socie ´ te ´ . Il favorise parfois certaines exactions, cre ´ e des culpabilite ´ s, donne une lecture partiale des e ´ ve ´ nements avant tout jugement source de rationalisme morbide. Orchestre ´ par le monde me ´ diatique se situant de plus en plus dans une temporalite ´ de l’instant sans re ´ trocontro ˆle, celui-ci est de plus en plus virtuel. La re ´ alite ´ suivante se construit sur la chime ` re pre ´ ce ´ demment construite, ce qui met la vie dans un temps de plus en plus de ´ cale ´ avec le temps judiciaire, quitte a ` fro ˆler l’absurde. En outre, le contexte est difficile a ` appre ´ hender par les juges. En effet dans de nombreux jugements, notamment les affaires aupre `s des juges des familles, seuls les avocats ont le droit a ` la parole et le volume de travail offre peu de temps a ` sa compre ´ hension. Le mode ` le de la matrice ACT est un outil qui peut e ´ clairer la compre ´ hension de certaines actions qui leur donnent des sens diffe ´ rents selon les individus en rapport avec ce qui est important pour eux et leur besoin. Une e ´ tude du contexte semble capitale dans la compre ´ hension d’un fait judiciaire et pour comprendre sa re ´ alite ´ . De plus, dans de nombreuses plaintes du quotidien, le temps de l’e ´ coute et de la me ´ diation e ´ viterait des jugements qui complexifient celui-ci. En outre, si le contexte ne peut e ˆtre a ` la barre, il est inte ´ ressant de s’inte ´ resser a ` la responsabilite ´ des me ´ dias dans la mise en sce `ne de l’environnement afin de construire un contexte utile au monde du spectacle. ß 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. ABSTRACT The context has an important role on the behaviors and meanings that even some aspects of it are distorted, amplified or manipulated by the media. These contexts are increasingly difficult to understand because of the theatricality of our society. Sometimes it promotes certain abuses, creates guilt and gives a biased reading of events before any judgment source of morbid rationalism. Orchestrate by the media world located more in a temporality of the moment without feedback, it is increasingly virtual. The reality that builds on the previously constructed chimera is life in a time of increasingly shifted with the judicial time left to graze the absurd. In addition, the context is difficult to grasp by the judges. Indeed, in many judgments, including cases with families of judges, only lawyers have the right to speak and the volume of work has little time to understand it. The matrix model ACT is a tool that can illuminate our understanding of certain actions that give them different meanings depending on the individual in relation to what is important to them and their needs. A study of the context seems crucial in understanding a judicial fact and to understand its reality. In addition, in many complaints daily time listening and mediation avoid judgments which complicates it. In addition, if the context cannot be at the helm, it is interesting to look at the responsibility of the media in the staging environment to build a useful context to the show. ß 2013 Published by Elsevier Masson SAS. Adresse e-mail : [email protected] Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0003-4487/$ – see front matter ß 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.05.022

Ma vérité, leurs vérités. Réflexions sur l’influence du contexte sur un fait judiciaire

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Annales Medico-Psychologiques 171 (2013) 460–463

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Communication

Ma verite, leurs verites. Reflexions sur l

’influence du contexte sur un fait judiciaire

My truth, their truth. The influence of context on a legal case

Jean-Christophe Seznec

15, rue des Halles, 75001 Paris, France

I N F O A R T I C L E

Mots cles :

ACT

Media

Responsabilite

Verite

Therapie comportementale et Cognitive

Keywords:

ACT

Cognitive and Behavioral Therapy

Media

Responsibility

Truth

R E S U M E

Le contexte a un role preponderant sur les comportements et leurs significations, ce d’autant que

certaines facettes de celui-ci sont distordues, amplifiees ou instrumentalisees par les medias. Ce

contexte est de plus en plus difficile a apprehender du fait de la theatralite de notre societe. Il favorise

parfois certaines exactions, cree des culpabilites, donne une lecture partiale des evenements avant tout

jugement source de rationalisme morbide. Orchestre par le monde mediatique se situant de plus en plus

dans une temporalite de l’instant sans retrocontrole, celui-ci est de plus en plus virtuel. La realite

suivante se construit sur la chimere precedemment construite, ce qui met la vie dans un temps de plus en

plus decale avec le temps judiciaire, quitte a froler l’absurde. En outre, le contexte est difficile a

apprehender par les juges. En effet dans de nombreux jugements, notamment les affaires aupres des

juges des familles, seuls les avocats ont le droit a la parole et le volume de travail offre peu de temps a sa

comprehension. Le modele de la matrice ACT est un outil qui peut eclairer la comprehension de certaines

actions qui leur donnent des sens differents selon les individus en rapport avec ce qui est important pour

eux et leur besoin. Une etude du contexte semble capitale dans la comprehension d’un fait judiciaire et

pour comprendre sa realite. De plus, dans de nombreuses plaintes du quotidien, le temps de l’ecoute et de

la mediation eviterait des jugements qui complexifient celui-ci. En outre, si le contexte ne peut etre a la

barre, il est interessant de s’interesser a la responsabilite des medias dans la mise en scene de

l’environnement afin de construire un contexte utile au monde du spectacle.

� 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.

A B S T R A C T

The context has an important role on the behaviors and meanings that even some aspects of it are

distorted, amplified or manipulated by the media. These contexts are increasingly difficult to understand

because of the theatricality of our society. Sometimes it promotes certain abuses, creates guilt and gives a

biased reading of events before any judgment source of morbid rationalism. Orchestrate by the media

world located more in a temporality of the moment without feedback, it is increasingly virtual. The

reality that builds on the previously constructed chimera is life in a time of increasingly shifted with the

judicial time left to graze the absurd. In addition, the context is difficult to grasp by the judges. Indeed, in

many judgments, including cases with families of judges, only lawyers have the right to speak and the

volume of work has little time to understand it. The matrix model ACT is a tool that can illuminate our

understanding of certain actions that give them different meanings depending on the individual in

relation to what is important to them and their needs. A study of the context seems crucial in

understanding a judicial fact and to understand its reality. In addition, in many complaints daily time

listening and mediation avoid judgments which complicates it. In addition, if the context cannot be at the

helm, it is interesting to look at the responsibility of the media in the staging environment to build a

useful context to the show.

� 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Adresse e-mail : [email protected]

0003-4487/$ – see front matter � 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.05.022

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J.-C. Seznec / Annales Medico-Psychologiques 171 (2013) 460–463 461

1. Introduction

Je voudrais tout d’abord preciser que ma proposition de« focusser » cette contribution sur l’importance du contexte dansla lecture d’un fait judiciaire tient au fait que je pratique lestherapies appartenant aux therapies comportementales dite detroisieme vague [6] :

� l

[(Fig._1)TD$FIG]

FiW

es therapies dites de premiere vague etaient centrees sur lescomportements et leurs modifications (Modele de Pavlov) ;

� l es therapies dites de deuxieme vague sont centrees sur les

cognitions, le reperage des pensees automatiques et la restruc-turation cognitive ;

� q uant aux therapies dites de troisieme vague, elles sont centrees

sur les emotions, l’accueil de celles-ci et leur acceptation. Dans cegroupe, on retrouve le Mindfulness ou la pleine conscience et lestherapies par l’action (ACT).

A travers cette approche therapeutique, le patient admet quela souffrance est inherente a la vie et, de ce fait, apprend aobserver si ses actions le rapprochent ou l’eloignent de ce qui estimportant pour lui et/ou de la personne qu’il a envie d’etre, quelleque soit celle-ci. Il observe ainsi qu’une meme action, selon lecontexte, rapproche comme peut eloigner [1], qu’elle n’est pasporteur du meme sens et que chaque action ne peut secomprendre qu’en fonction du contexte de la personne quil’engage.

Pour formaliser cette action engagee en fonction de ce quel’on percoit, ce que l’on ressent interieurement et ce qui estimportant pour soi, Benjamin Schoendorff a developpe le modelede la matrice [5]. A travers cette matrice, chacun constate ou il sesitue en fonction de ses choix et la facon dont varie sa souffrance(Fig. 1).

g. 1. La matrice developpee par Kevin Polk Ph, Jerold Hambright, PhD, Mark

ebster, Marie-France bolduc, Benjamin Schoendorff (2009–2010).

2. Verite et contexte

Notre apprehension d’une situation ou d’un evenement estfacilement entravee par notre cerveau qui nous distrait de la realitea travers des phrases comme « je me dis », « je sens que », etc. Cespensees hamecons, fabriquees par notre machine a resoudre lesproblemes, sont stimulees par notre systeme emotionnel. Ceshamecons nous emportent dans un imaginaire qui distord notreperception et notre gestion de l’instant. Il est donc necessaire desensibiliser les patients au fait que toutes les perceptionscognitives ne sont pas des verites et qu’il ne faut pas toujourscroire notre cerveau. Ce travail de discernement est necessaire afinde s’adapter au mieux a notre contexte.

« L’intime conviction » des juges qui est l’une des pierresfondamentales de notre justice peut facilement etre polluee par unimaginaire attise et insuffisamment distingue de la realite.

Exemple : L’exercice suivant est un grand classique pour

mettre en evidence les erreurs de notre cerveau :

� Devant une feuille blanche, on demande a une personne

qu’elle en est la couleur.

� Ensuite, on lui demande ce que boit une vache.

Le contexte de la premiere question induit qu’une tres large

majorite de personnes repond « du lait » alors qu’elles savent

pertinemment qu’elle boit de l’eau.

La notion de verite n’est pas directement accessible et sarecherche est source d’interpretations dont le modele psychanaly-tique a ete le chantre, avec toutes les derives possibles. En fait, entenant compte de cette approche contextuelle, nous pouvons nousdemander si « la verite » existe en tant que telle. En tout cas, le sensd’une action depend du contexte de la personne qui l’entreprend.Une chaise a trois pieds est une chaise dysfonctionnelle pourbeaucoup de personnes mais source de jeu pour le clown ou utilepour une personne qui travaille sur des notions d’equilibre. Lecontexte de chacun fait differer la perception de cet objet.

Dans De la part de la princesse morte de Kenize Mourad [4],l’auteur raconte l’histoire d’une princesse indienne qui, sous leprotectorat anglais, rentre dans son pays. Une petite fille qui lacroise lui demande de devenir son esclave. L’assistante de laprincesse lui rappelle qu’elle ne peut pas accepter cette demandecar l’esclavagisme est considere comme scandaleux par les Anglais.La princesse repasse le lendemain et retrouve cette petite fille avecune jambe en moins. Dans le contexte de cette epoque, certainspour survivre n’avaient le choix que entre etre esclave ou etremendiant avec une infirmite. On voit a travers cette histoirecomment differe le contexte des Anglais par rapport a celui de lapopulation indienne a cette epoque mais aussi quel est l’impact decette difference sur cette fillette.

Donc, le regard que l’on porte sur une action depend de qui l’onest, de ses representations et de ce que nous raconte notre cerveau.Les mots utilises renvoient a nos representations. Si le langage faitla pensee, l’idee precede habituellement le langage a travers desimages. Cependant le langage appauvrit la realite. Si je dis que cettefeuille est blanche, je perds de nombreuses informations autour decet objet et sa fonction. Si les categorisations sont utiles, il estnecessaire de prendre conscience de leur impact et de leursimplification. Le langage est juste une facon economique decommuniquer, car il est porteur d’implicite. A chacun de bien lemettre en correlation avec son contexte afin qu’il ne soit pas sourced’interpretation abusive.

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3. Impact de la societe du spectacle sur la perceptioncontextuelle

La verite dans notre societe de communication est portee le plussouvent par la parole des medias. Or ces derniers ont aussi leurscontextes qui interferent sur le message transmis. Leurs missionsd’information et de communication ont beaucoup evolue, a l’aunede la societe du spectacle et des enjeux economiques. En effet, lesmedias sont pris dans un systeme insecurisant du fait des rachatset des fusions qui les entraınent dans une dynamique de survie. Lesjournalistes qui y travaillent ont de plus en plus des emploisprecaires. Les lignes editoriales ont disparu et les systemesd’information se sont considerablement acceleres. A cet emballe-ment du systeme mediatique, oblige de vendre pour survivre, iln’existe aucun systeme de retrocontrole : code deontologique,ethique ou conseil de l’ordre. Les messages qu’ils portent sontextremement pervertis par ce contexte, ce qui entraıne unrationalisme morbide de l’information portant les angoisses dela societe. La misere symbolique de notre epoque mise en avant parle philosophe Bernard Stiegler [7] prive le plus souvent de tout sensl’information qui est transmise. Les medias finissent par n’etre quedes dealers de mots et de representations.

La facon dont ces medias peuvent reconstruire la realiteprovoque une hysterisation collective qui entretient la peur. Celaaboutit a des rumeurs et des proces d’intention dont le seulbenefice est de pouvoir continuer a vendre du papier pour survivre,au mepris d’une realite plus exacte et des consequences de cettedesinformation.

Par exemple, le contexte de peur suite a l’affaire du sangcontamine a amene les hommes politiques a des mesures deretraits de medicaments (exemple de la Diane 35) en depit d’unebonne connaissance de la realite pharmacologique et des enjeuxsanitaires de tel ou tel medicament.

Ces medias ont une forte influence sur notre perception de larealite en jouant constamment sur notre contexte emotionnel. Leurimpact est fort du fait de :

� l’

importance des ecrans ; � la puissance de repetition des messages ; � l’ impossibilite de verifier les propos.

Toute reponse a une sollicitation mediatique est recuperee parla societe du spectacle pour enfoncer chacun dans des sablesmouvants inextricables. Lors de l’affaire de la viande de cheval,cette annee, il a ete fabuleux de voir la facon dont plus les mediassollicitaient les freres Spanghero pour leur faire preciser qu’ilsn’avaient plus rien a voir avec l’entreprise Spanghero et plus leurnom etait symboliquement accroche a cette affaire.

Finalement, tout cela donne l’impression que dans une telle societela verite est de plus en plus la verite mediatique. Ce d’autant quequiconque voudrait s’opposer judiciairement a une verite deformeeverrait que tres tardivement celle-ci restituee. Le temps judiciaire esttres en retard sur le temps mediatique actuellement instantane.

« La verite est le nom que les plus forts donnent a leur opinion »(Alphonse Karr) [2].

4. Les contextes en jeu dans le theatre judiciaire

Nous avons vu ici l’impact de la societe mediatique et de lasociete du spectacle sur la focalisation contextuelle et la perceptionde la verite. Maintenant, il est important de se poser la memequestion sur l’ensemble des intervenants de la scene judiciairedans la construction d’une verite. Que ce soit les juges comme lesavocats, quels sont leurs contextes, leurs valeurs et leur

deontologie ? Autant d’elements importants de comprehensionde leurs comportements.

Voici quelques exemples de l’influence du contexte dans laperception d’une verite :

� Il

y a quelques annees, dans un contexte mediatique de violenceraciste, une voyageuse a dit qu’elle s’etait fait attaquer dans unRER. Le jour meme de cette information, politiques et journa-listes sont montes au creneau avec virulence et indignation pourque l’on apprenne par la suite par la justice que la personnes’etait elle-meme violentee. � D ans l’affaire dite du Mediator, qui n’est pas encore jugee au

moment ou j’ecris ces lignes, on a pu observer, a travers lesmedias, la culpabilite du laboratoire. Cette culpabilite partageepar les medias entraıne des comportements agressifs. Desmembres du personnel de ce laboratoire se sont vus exclurede certains magasins parce qu’ils portaient leur badge profes-sionnel. Une visiteuse medicale s’est fait transmettre un motvenant d’un medecin par un patient dans une salle d’attentecomme quoi son employeur etait un assassin. . . Pourtant, de tresnombreux cardiologues tiennent un discours different autourdes allegations habituellement exprimees sur ce produit. De plusd’autres medicaments non montres du doigt ont plus d’effetsindesirables sur les valves que le Mediator, sans pourtant fairel’objet d’une telle vindicte collective. La pretendue verite de laculpabilite du produit est suffisamment admise pour qu’un livrede science pour les eleves de terminales propose un exercicepour le bac sur le scandale du Mediator [3]. Qu’en dira au final lajustice ? Je n’en sais rien au moment ou j’ecris ces lignes, maiscomment pourra-t-elle juger sereinement alors que le procesmediatique semble deja avoir eu lieu.

� L e ministre de la Sante a entame une campagne contre les

depassements d’honoraires des medecins. Presentes ainsi enrapport aux normes de la Securite sociale, ils sont percus parcertains comme scandaleux. La presentation de ces depasse-ments est decontextualisee de leur origine afin de les rendrescandaleux. En effet, aucun media ne reprend le fait qu’ils sontuniquement dus au fait que les tarifs des medecins ontsimplement suivi l’evolution des prix tandis que le prix dereference de la Securite sociale s’est arrete au prix propose dansles annees 1980.

5. Violence et contexte

La non suffisamment prise en compte du contexte par la societeet la justice entraıne une violence sociale du fait de la colere et de lafrustration qu’elle engendre, avec tous les risques de passages al’acte possibles. Dans le cadre des affaires familiales, de nombreuxperes sont amenes a des actions excessives du fait d’un sentimentde ne pas avoir ete entendus. En effet, il est trop frequent dans cetype d’audience que seuls le juge et les avocats aient le droit des’exprimer, privant de parole les principaux interesses, les parents.Ces jugements decontextualises de la realite des parentsn’engendrent que de la frustration qui, au lieu d’apaiser lestensions familiales, ne fait que les envenimer. Si le contexte dutrop-plein d’affaires et du souhait de ne pas perdre du temps par lajustice comme « solution » est comprehensible, cela aboutit a nepas octroyer un temps d’expression aux parents pour construire uncompromis. Le resultat de cette dynamique est que cette solutionentretient la guerre entre les parents et qu’elle favorise lamultiplication des procedures du fait de l’insatisfaction des parties.

6. Confiance et verite

La justice s’organise sur le mythe de la verite. Celui-ci ne trouve-t-il pas difficilement sa place dans la societe du spectacle ?

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[(Fig._2)TD$FIG]

Fig. 2. Le modele « cible » : retour au sens.

J.-C. Seznec / Annales Medico-Psychologiques 171 (2013) 460–463 463

Comment, dans ce contexte, proteger le citoyen et la societe viaun systeme judiciaire fonctionnel ?

Le systeme judiciaire a comme objectif de proteger le collectifcomme l’individu. Pour qu’il soit operant, il necessite un certainniveau de confiance de la part de la population en celui-ci toutcomme dans la verite qui est annoncee.

Definition de la confiance : assurance, sentiment de securite,pouvoir se fier a l’autre. Les synonymes a ce mot sont la foi ou lasurete. La confiance ne peut pas etre un objectif mais laconsequence d’actions. Elle est un resultat et non pas une actionavec le risque que plus on la recherche et plus elle risque des’echapper. Elle s’obtient par le regard et l’ecoute.

Quel regard et quelle ecoute propose le systeme judiciaire quiest pris entre le contexte mediatique et le contexte politique ?Derriere l’enjeu de la verite se joue la confiance en l’autre, en lajustice, et en la societe !

Les antonymes de la confiance sont le doute, la crainte, lamefiance, le soupcon, la suspicion, avec le risque de ressentir unemenace ou de construire un bouc emissaire a nos peurs (Fig. 2).

7. Conclusion

La verite est une notion contextuelle. Le sens de sa recherche estde construire une confiance en la societe et son systeme judiciaire.Cette construction est importante pour renforcer le lien social et lesentiment d’appartenance. La societe du spectacle joue enpermanence sur la perception du contexte a un evenement pourses besoins propres de survie. Le risque de la non-prise en comptedu contexte de chacun par un compromis collectif est de generer dela frustration, de la colere, de la violence et d’alimenter desrumeurs que le temps judiciaire ne pourra pas corriger. Il apparaıtdans certaines situations comme aupres des juges des familles quel’organisation de la justice ne permet pas l’expression contextuelle,au risque d’aggraver les situations. Pour que la confiance en lajustice se renforce, il est necessaire qu’elle prenne le tempsd’integrer cette notion de contexte et qu’elle sache s’adapter aucontexte mediatique pour ne pas perdre son efficience et sacredibilite.

Declaration d’interets

L’auteur declare ne pas avoir de conflits d’interets en relationavec cet article.

References

[1] Harris R. Passez a l’ACT. Bruxelles: De Boeck; 2012.[2] Karr A. Une poignee de verites; 1858.[3] Livre de chimie, terminale S. Paris: Belin; 2012.[4] Mourad K. De la part de la princesse morte. Edition Poche; 1989.[5] Schoendorf B, Grand J, Boluc MF. La therapie d’acceptation et d’engagement,

guide clinique. Bruxelles: De Boeck; 2011.[6] Seznec JC. J’arrete de lutter avec mon corps, votre therapie par l’action. Paris:

PUF; 2011.[7] Stiegler B. De la misere symbolique. Paris: Gallilee; 2006.