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Le pays des reves Nouvelle édition M.A.Brook

M.A.Brook Le pays des reves

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Le pays des revesNouvelle édition

M.A.Brook

38.96 644039

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 528 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 38.96 ----------------------------------------------------------------------------

Le pays des rêves Nouvelle édition

M.A.Brook

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PROLOGUE

Il y a un point commun entre tous les êtres vivants sur cette terre. Ils dorment tous, plus ou moins...

Le sommeil est important pour le repos de notre corps et parfois de notre esprit.

Bien entendu, comme tous les humains, vous dormez et vous appréciez ce moment de votre journée où vous allez enfin vous reposer. Vous fermez les yeux, commencez à imaginer des choses plus ou moins réelles en revivant votre journée et en l'améliorant si possible. L'évènement marquant du jour va vous envahir et ne plus sortir de votre tête. Si celui-ci vous a déplu, ou bien vous a fait du mal, vous n'attendrez plus qu'une seule chose, vous endormir et rêver.

Super héros, chanteur, danseur, acteur, riche membre de la Jet-Set, habitant d’une île paradisiaque ou simplement une vie calme et parfaite sans le moindre petit problème. Les exemples sont multiples et infinis car il n’y a aucun frein à notre imaginaire. Cependant, vous ne maitrisez rien. Votre esprit fonctionne en mode automatique en mélangeant les expériences vécues dans la journée, la semaine, l’année, la vie, afin de créer à vous et vous seuls, un moment privilégié et unique.

Personne d'autre ne pourra traverser ce que vous vivez. Personne à votre réveil ne pourra discuter avec vous de ces

instants magiques que vous venez de passer, car elle n'en faisait

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pas partie, n'était pas présente, et ne le sera jamais. Il est souvent amusant de raconter un rêve car il nous arrive

d’incroyables aventures impossibles dans le monde réel. Mais il est parfois frustrant de se réveiller et de voir qu'en réalité ce n'était que notre imagination.

Alors ? Est-ce si bien que cela de rêver ? Est-ce si bien que cela de vivre une vie meilleure dans un monde imaginaire qui s'effacera à notre réveil ?

Vous aimez rêver, c’est certains, mais vous aimeriez que ce soit réel.

Il arrive souvent de ne pas vouloir se réveiller, car on passe un moment sympathique et heureux… ou pas… car malheureusement il y a aussi les cauchemars, ces moments angoissants et horribles que nous fait vivre notre esprit, sans que nous puissions agir. Nous y sommes seuls et lors du réveil, on est heureux, car ce n'était qu'un cauchemar. On se sent apaisé, content d'être de retour dans le monde réel.

Alors, qu’est-ce qui est finalement le plus intéressant ? Les rêves ou les cauchemars ?

Passer un moment heureux imaginaire pour se réveiller et être déçu ?

Ou subir un dur moment et être heureux de se réveiller pour vivre cette douce sensation de soulagement ?

La terre, la planète bleue, le monde sont beaucoup de

noms pour définir notre lieu de vie. Elle est surement l’appareil le plus complexe et le plus « High-Tech » existant. Steve Jobs n’aurait de son vivant certainement pas pu faire mieux en créant un « i-earth »…

Tout y est très bien étudié : jour, nuit, temps, pluie, soleil, neige, océans, terre, sécheresse, végétation… Une multitude de choses que l'homme a toujours tenté de comprendre et d’en donner une explication. Car lorsque la logique et l'analyse

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scientifique sont là, on y croit. Tout suit un cycle extrêmement bien construit. Focalisons-nous sur elle et laissez-vous emporter par votre

imagination. Vous fermerez les yeux à mon top. Plaçons-nous dans une ambiance adéquate. Nous nous

trouvons assis sur un siège très confortable sur la lune, en observant la planète bleue, placés devant la face montrant l’Europe et l’Afrique. Le ciel est très dégagé, il n’y a pas l’ombre d’un nuage pour nous troubler la vue et quelques lumières commencent à éclairer la nuit qui approche.

Nous allons nous concentrer sur une ville. Savez-vous où se trouve Paris ?

Centrez-vous sur la Ville lumière. Le soleil se couche dans trois minutes et Paris n'est encore qu'un point lumineux parmi tant d’autres. Attendons quelques heures que la nuit s'installe complètement.

Soyons patients, elles arriveront... Aucun bruit ne vient troubler le calme qui règne en ce lieu

où l’on ne peut se sentir qu’apaisé. La terre tourne très lentement devant nos yeux. La face que l’on observe devient de plus en plus sombre et l'homme s'éclaire de plus en plus. L'Europe et l'Afrique se mettent à scintiller, clignoter, comme si plusieurs feux d’artifice se mettaient à jaillir en même temps.

Soudain, une étrange sensation nous traverse, comme s'il y avait eu un coup de vent que l'on n'aurait pas senti. Elles sont là...

Autour de la grande bleue et de vous, vous apercevez des formes, pas plus grosses que des ballons de baskets — comme des auras.

Elles approchent à une vitesse fulgurante de la terre. Vous tournez la tête, car elles semblent arriver de derrière vous, mais on ne repère pas leurs points de départ. Elles vous effleurent, vous traversent, mais vous ne les sentez pas. On peut distinguer

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deux couleurs : blanc-grisâtre et mauve-rougeâtre. Imaginez et concentrez-vous pour obtenir un visuel dans

votre tête. Top… Nous volons maintenant près de ces formes lumineuses. La

Terre nous apparait de plus en plus grosse, à l’allure où nous nous approchons d’elle. Nous passons la stratosphère, vous voyez approcher la terre ferme de la capitale française et on commence même à distinguer des formes, ainsi que des silhouettes humaines. Dans Paris, il fait nuit noire et les éclairages des voitures font vivre cette immense fourmilière endormie. Autour de vous, vous voyez les formes lumineuses se diriger chacune vers un lieu précis. Il y en a des milliers, avec des trajectoires différentes. Nous continuons de voler pour nous poser en haut de la tour Eiffel afin d'avoir un regard sur cette immensité. Le ballet des formes ajoute un côté magique à la ville lumière et notre vue est d’un coup multipliée par cent.

Personne, aucune des personnes dehors durant cette nuit ne semble faire attention aux auras.

De notre point d’arrêt, on voit des visages de couples heureux, se tenant main dans la main et longeant les quais de Seine.

Une femme dans la chambre de son enfant lui lisant une histoire pour l’endormir.

Un homme vêtu de noir courant très rapidement un sac à main sous le coude et une femme hurlant à une cinquantaine de mètres derrière lui.

L’ombre d’un couple se disputant derrière un rideau en agitant leurs bras rapidement.

De jeunes gens sortant d'un pub en riant et un autre s'étant allongé sur un banc trop saoul pour continuer sa route.

Mais aussi tous ces gens endormis. Les formes rodent et s’infiltrent partout : appartements,

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bureaux, commissariats, casernes, hôpitaux, les rues en sont infestées. D’un seul coup, c’est votre ouïe qui devient plus fine et vous entendez des cris, des hurlements, des rires ainsi que des pleurs par dizaine. Vous percevez des coups, des gens qui baragouinent des choses incompréhensibles, des souffles courts, des respirations saccadées, des ravalements de salive, de légers sourires, des rires d'enfants, des mains qui bougent, des corps remuant rapidement de gauche à droite…

Nous sautons du haut de la tour et nous errons au milieu des rues, laissant tour à tour les formes se diriger vers leurs destinations.

Nous approchons d’un appartement situé au dernier étage d’un petit bâtiment et entrons par la fenêtre entrouverte. Il y a là un couple allongé et endormi, seule la lumière rouge du réveil indiquant l'heure, éclaire la chambre. Un cri aigu se fait entendre derrière une autre porte et nous apercevons trois auras quittant les lieux. Le couple ouvre les yeux au même moment. L'homme se lève, il regarde le réveil qui indique, 0 h 16. Il embrasse sa femme sur le front et lui dit qu’il s’en occupe.

Non loin de là, un enfant pleure car il se sent seul et effrayé par sa chambre sombre. Les jouets joyeux et colorés qui égayent d’ordinaire ses journées deviennent horriblement froids et dangereux à ses yeux. Il ne les voit plus de la même manière et a l’impression qu’ils le regardent. Il imagine des formes et des visages différents de ce qu’ils sont habituellement. C’est noyé dans la peur qu’il se cache sous sa couverture imprimée de robots, en pensant que c’est la meilleure protection possible.

Il pleure encore, mais ne crie plus, car il pense que s’il lève la voix, quelque chose de mauvais peut lui arriver.

Nous suivons le père qui se dirige sans trop faire de bruit vers la chambre du petit. Il ouvre la porte et parle d'une voix calme et rassurante.

Sous la couverture, l'enfant voit que tout devient plus clair.

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— Kevin ? C’est la voix de son père. Le petit Kevin sort de sa cachette

et saute dans les bras de son sauveur qui lui caresse les cheveux en le rassurant.

— Chut, ce n’était qu’un cauchemar...

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Remerciements

Remerciements à :

Sophie Kinsella, Aurélien Berda, Sylvain Espagnet, Emilie Hamm, Benjamin Daugeron, ma famille et amis.

Couverture : Emilie Hamm

D’après une idée originale de M.A.Brook

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À Sophie et Sandra, mes muses…

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Chapitre 1 Les mystères d’un matin

Au nord de Manchester, en Angleterre, dans un petit village à 4h30 du matin.

Un cri sourd et perçant résonne dans la sombre douceur de l’aube…

Des souffles, des pas rapides et élancés parcourent un chemin inondé par la pluie en s’enfonçant dans la boue, glissant et éclaboussant les trottoirs ainsi que les quelques fleurs qui survivent…

Ce village ne compte qu’une vingtaine de maisons. La grande ville la plus proche, Manchester, se trouve à une trentaine de kilomètres. Ceux qui vivent ici n’aspirent qu’à une vie calme et paisible, loin de la pagaille urbaine.

Une maison se trouve sur la plus haute colline du village. C’est un cottage anglais, avec un grand jardin. La façade est recouverte de lierre comme des veines parcourant un corps humain.

Il y a une belle petite cabane en bois incrustée dans un grand arbre surplombant un beau toboggan et une balançoire grinçante, donnant à ce jardin une allure fantomatique.

Non loin de l’entrée, une belle fontaine blanche sur un pied pointu, si éclatante qu’elle apporte un soupçon de lumière.

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La cheminée fume, mais tout est sombre à l’intérieur. Aucune lumière ne sort de cette maison d’où vient ce cri, qui est vite suivi par d’autres.

Les pas de course s’enfoncent dans la boue de ce lieu humide. On distingue quatre pieds qui courent. Les souffles qui les accompagnent sont saccadés et sans rythme – ce n’est pas un footing matinal. Ils se rapprochent lentement de la maison malgré leur vive allure.

Au premier étage, non loin des cris, il y a une chambre qui arbore une décoration enfantine avec des jouets soignés et bien rangés. Les murs sont recouverts d’un beau papier rose pâle avec le bel aspect bleuté de la lumière du matin qui envahit les lieux. Une moquette grise, douce et épaisse orne le sol de cette charmante petite pièce. Un superbe lit à baldaquin y trône au milieu, fait de bois clair et voiles blancs. Il tremble légèrement en agitant de petits grelots accrochés à son montant, diffusant une petite musique douce dans cette atmosphère quelque peu lugubre. La couverture blanche, qui recouvre normalement le gros matelas, s’est comme recroquevillée sur elle-même et forme une boule vers la tête du lit.

Ça tremble toujours… C’est la chambre d’une petite fille qui est emmitouflée sous

la couverture et qui respire très rapidement. Ses yeux sont bien fermés et extrêmement plissés pour lui offrir une protection visuelle. Elle tient aussi, bien serrés, les coins de la couverture dans ses mains pour garantir aucune ouverture.

La fillette n’est pas seulement effrayée par les cris provenant d’une autre pièce près de sa chambre, car elle peut au moins les identifier, mais aussi et surtout par une voix qui lui parle.

Celle-ci semble aussi proche qu’éloignée, comme étouffée par une main qui l’empêcherait de parler. La petite fille comprend néanmoins certains mots : « Maman, moi, aimera… »

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Le reste est incompréhensible. Elle met ses petites mains sur ses oreilles pour atténuer encore plus le bruit et ne plus l’entendre.

Cette voix, il lui semble l’avoir déjà entendue, au plus profond de ses souvenirs, mais elle ne lui a jamais paru aussi forte. Elle a toujours pensé que c’était son imagination, car elle ne comprenait aucun mot. Ce soir, pourtant, elle semble bien réelle…

Ce sont deux hommes qui courent vers la maison et ils ne sont maintenant qu’à quelques mètres du portail. L’un porte des chaussons, ainsi qu’un gros duffle-coat noir qui lui recouvre le corps et le haut de la tête. En dessous, il est vêtu d’un simple tee-shirt blanc et d’un bas de pyjama rayé. Derrière lui, l’autre homme qui semble nettement plus âgé, le suit tant bien que mal. Il porte des chaussures de ville en cuir marron, un vieux pantalon en tweed, un gros pull en laine colorée, un pardessus beige et tient bien serrée sous son bras une sacoche en cuir vieilli.

La course a fatigué le plus âgé des deux. Il s’arrête quelques secondes, la main posée sur un banc près d’un lampadaire qui vient de s’éteindre, pour reprendre son souffle. Le jeune homme voit son ainé, le rejoint, et en essayant d’être le plus correct possible, le relève. Celui-ci, voyant le désarroi et la peur dans le regard du jeune homme, reprend la course tant bien que mal.

Le grincement du portail retentit dans le village. Dehors, seul le bruit des feuilles des arbres remuants au souffle du vent apporte un signe de vie à cet environnement glauque. Il reste encore un chemin composé de pierres plates à parcourir avant d’atteindre la porte d’entrée de la maison.

Proche de la chambre d’enfant, derrière une porte en bois clair, se trouve la fameuse pièce d’où proviennent les gémissements et d’autres cris perçants.

Dans un lit inondé par la sueur, il y a une femme dont le sommeil semble très agité. Elle a les yeux fermés et paraît souffrir

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terriblement. Son visage rouge de douleur est marqué par la fatigue et ses traits lui donnent des allures de vieille femme. Ses mains tremblent et s’accrochent au drap blanc qui la recouvre. Après un long silence, elle se met soudainement à pleurer, mais sans larme…

La porte d’entrée de la maison s’ouvre d’un seul coup et la fatigue de la course se voit sur le visage des hommes, qui s’arrêtent tous les deux en adoptant la même posture : le dos courbé, les mains posées sur les genoux et une respiration énergique. Mais, pas le temps de se reposer, il faut faire vite. Montant les marches de l’escalier trois par trois, le plus jeune devance rapidement son ainé et malgré ses chaussons imbibés d’eau boueuse, la lourdeur de ses pas résonne dans toute la maison. Le vieil homme le suit tant bien que mal, une main sur la rampe et l’autre tenant fermement la sacoche.

La petite fille est effrayée par les cris, la porte et le bruit lourd des pas frappant le sol. Elle ferme les yeux en espérant pouvoir s’endormir et ne plus rien percevoir. Elle rabat de plus en plus sur elle la couverture, tentant de ne laisser aucune ouverture possible capable de la mettre en danger.

La voix est toujours présente et continue de lui parler. Elle devient légèrement plus claire et la petite fille distingue, aisément, que c’est une voix d’enfant. Mais elle sait qu’il n’y a pas d’autre enfant dans la maison.

La petite voix ne cesse de répéter une phrase qu’elle ne comprend pas. Plus aucun mot n’est compréhensible et, noyée dans la peur, elle ne se souvient plus des mots qu’elle avait à peu près compris.

Malgré l’étrangeté du moment, elle reste curieuse et de temps en temps, elle relâche la pression sur ses oreilles pour tenter de saisir les mots.

Com… oi… man… ra… plus… que… nait… pas…

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Elle ne peut écouter, elle est effrayée et hésite même à se réfugier sous son lit, mais l’idée de quitter sa coque protectrice est inenvisageable.

– Elle est là… S’il vous plaît Docteur, faites quelque chose… Le vieux médecin s’approche lentement de la femme qui est

maintenant allongée calmement, mais il reste horrifié par ce visage meurtri qu’il connaît tant. Stéthoscope placé sur les oreilles, il commence son diagnostic. Il demande au mari de trouver des serviettes pour éponger sa femme, car elle transpire énormément. Il fait toutes les petites analyses possibles : vérification de son rythme cardiaque, tension, hydratation… il ne trouve rien d’anormal.

Elle est agitée et il y a un réel problème, mais elle n’a aucun mauvais symptôme. Son sommeil est très instable, mais c’est un cas qu’il ne connaît pas et il ne pense pas qu’il soit prudent de la réveiller.

– Depuis combien de temps est-elle dans cet état Peter ? demande le vieil homme.

– Ça fait plusieurs mois, mais elle ne se souvient de rien à son réveil. Je n’arrive pas à en tirer quoi que ce soit… je suis dans le flou, je ne sais pas quoi faire.

– Il faut malheureusement attendre son réveil, je ne peux rien faire. Tout cela dépasse mes simples compétences de généraliste. Pourquoi n’êtes-vous pas venu me consulter avant ?

Peter ne sait pas quoi répondre. Il est vrai qu’il aurait pu demander beaucoup plus tôt au médecin de venir, mais la situation lui semblait si irréelle qu’il ne voulait pas passer pour un fou.

Les deux hommes se regardent un instant. Le jeune homme attendant un mot de réconfort et le vieil homme cherchant quelque chose de positif à lui dire. Mais rien !

Peter est maintenant sur le lit, regardant sa femme, de ses yeux clairs et épuisés. Il lui éponge le front délicatement, tentant

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peut-être d’effacer ces rides qui ne lui appartiennent pas d’ordinaire. Le vieil homme est, quant à lui, assis sur un fauteuil club proche du lit.

C’est en admirant le visage, maintenant, calme de sa femme que le jeune homme prend soudain conscience de quelque chose. Elle a les mêmes yeux que sa fille, et il a oublié qu’elle est là, dans sa chambre, très certainement effrayée par la situation inhabituelle qui touche leur famille. Il se lève d’un coup, prévient le médecin et se rend auprès d’elle tranquillement.

Devant la porte, il tente de récupérer une attitude positive et bienveillante. Il ne faut pas lui faire peur ou l’inquiéter. Il tourne lentement la poignée, entre et allume. Une belle lumière rosée se diffuse doucement, apportant un peu plus de tranquillité dans la chambre enfantine.

– Sophie ? C’est papa. Cette voix familière laisse place rapidement à un sentiment

de sécurité chez la petite. Elle sait que cette voix peut la protéger. Elle sort alors de sa cachette et court vers son père en lui sautant dans les bras.

– Ma puce, je sais que tu as peur. Mais ne t’inquiète pas. Tout va bien. Ta maman est juste un peu malade. D’accord ?

La petite fille acquiesce d’un léger signe de tête. – Papa, il y a un garçon qui me parle. – Chuuut, papa est là, il n’y a personne. Maman est un peu

malade, mais tout va bien se passer, le docteur est là maintenant, lui dit-il d’une voix tremblotante.

– Mais papa, j’ai entendu le garç…. – Je vais retourner voir maman, je suis juste à côté. Il est en sueur et s’efforce de faire des phrases courtes pour

ne pas bafouiller. Il ne veut absolument pas montrer son inquiétude devant sa fille, alors il garde une attitude positive et ne prête, malheureusement, aucune attention à ce qu’elle lui a

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dit. La petite fille ne rajoute pas un mot et étrangement, pense beaucoup plus à la voix qu’aux cris de sa mère.

Que se passe-t-il dans sa tête d’enfant ? Son esprit lui dit que sa mère crie de détresse. Mais ce petit garçon qui lui parle et qu’elle entend. D’où vient-il ?

Son père la serre fort dans ses bras et la reconduit tranquillement dans son lit. Il remet en place les draps et la couverture sur son petit corps tremblant. Il lui dégage les cheveux de son visage, regarde quelques instants ses beaux yeux verts noisette semblant attendre une réponse, lui dépose un baiser sur le front et quitte la chambre.

La mère est toujours dans un profond sommeil, dans un calme préoccupant. Le vent, lui-même, semble s’être arrêté de souffler. Le médecin a les paupières lourdes et est à deux doigts de s’endormir. Le mari regarde tour à tour le vieil homme et sa femme, puis contemple la pièce : sa chambre. Elle semble si douce et paisible avec ses livres, ses photos de famille heureuse, le blanc, le bois ainsi que la belle plante verte. Comment un si bel environnement peut-il accueillir un évènement aussi étrange et angoissant ? Ses yeux commencent eux aussi à se fermer. Puis, d’un seul coup.

– NON…

Un hurlement de la mère qui a maintenant les yeux grands ouverts rivés vers le plafond. Le vieux médecin sent qu’il a frôlé l’attaque cardiaque. Peter tient la main, puis le visage de sa femme et la regarde droit dans les yeux. Elle ne dort plus du tout, mais n’est pas tout à fait consciente. Elle a le regard fixé vers un objectif, mais il semble vide. Elle observe quelque chose avec une telle intensité qu’on croirait qu’elle fixe quelqu’un droit dans les yeux. Mais ce n’est pas son mari, qui est pourtant face à elle. Le docteur se lève et se met à lui éponger le visage, car elle transpire toujours énormément.

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Dans son lit, la petite fille s’est de nouveau créé une forteresse impénétrable et ne cesse de se répéter : « Maman est malade et tout va bien. C’est papa qui l’a dit. » Mais la voix de l’enfant reprend de nouveau le dessus. Cependant, elle ne veut plus l’entendre. Il y a trop d’anormalité ce soir pour une petite fille de huit ans.

La mère semble maintenant suivre quelque chose du regard qui se rapproche rapidement, puis ferme les yeux. Soudain, un bruit lourd retentit, comme si quelqu’un s’acharnait sur la porte d’entrée de la maison. Les deux hommes sortent de la chambre simultanément et le mari prend au passage un long parapluie noir qu’il espère utiliser comme une arme. Mais contre qui ?

Ils dévalent l’escalier et arrivent rapidement en bas. Le vent souffle de nouveau, comme si la tempête faisait rage. Proches de la porte, ils se regardent, apeurés. Le médecin tient fermement la poignée et s’apprête à ouvrir. Son jeune acolyte est à ses côtés et prêt à frapper. Il ne sait pas pourquoi il a peur, ne sait pas à quoi il va devoir se confronter, mais il serre si fort sur le manche du parapluie que ses ongles commencent à percer la chair de ses mains.

Les terribles rafales font éclater les gouttes de pluie sur les fenêtres et à l’extérieur, l’orage déchire les nuages de cette matinée.

La porte s’ouvre soudain d’un seul coup, faisant virevolter les tableaux et relevant les tapis de l’entrée. Dehors, on a du mal à percevoir quoi que ce soit avec ce mélange de gouttes d’eau et de feuilles mortes. Sans réfléchir, le jeune homme donne un grand coup, mais dans le vide : personne… Étrange…

Étrange, car les coups sur la porte ont bien été entendus. Les deux hommes sont sur le pas de la porte, près de la

fontaine blanche, en tentant de regarder alentour s’il n’y a pas quelqu’un. Peter avance, armé de son parapluie, le vieux médecin le suivant de très près, et ils ne font pas attention à ce