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LA FRANCE AGRICOLE 3431 - 46 - 13 AVRIL 2012 MACHINISME Une lecture simple et rapide permet de mieux comprendre les caractéristiques du moteur qui équipe son tracteur et d’optimiser son utilisation au travail. L es courbes moteurs sont repré- sentées sur un graphique que l’on retrouve dans les brochures commerciales des tractoristes, ou lors d’une acquisition de données après le passage au banc du tracteur. La lecture se concentre sur trois courbes : la puissance, le couple et la consommation. Quelques notions de vocabulaire technique et de petites formules permettent d’analyser les courbes moteurs. Seules quelques minutes sont nécessaires pour déchif- frer rapidement les caractéristiques du moteur qui équipe votre tracteur. LA PUISSANCE EN KW La puissance est égale au couple multiplié par la vitesse radiale du moteur (régime). Elle est exprimée en kilowatt (kW). Un cheval vapeur est égal à 0,736 kW. Sur le graphique, elle est représentée par la courbe qui est croissante de gauche à droite. Sur les tracteurs de dernière géné- ration, le sommet de la courbe se situe à un régime inférieur au régime nominal. Ceci s’explique par le paramétrage de la cartographie électronique qui gère l’injection. La puissance maximale est atteinte dans une zone où la consomma- tion est plus faible grâce au régime moteur inférieur au régime nominal (92 kW, soit 125 ch à 1 900 tr/min pour notre exemple). Dans les années quatre-vingt, les courbes de puissance étaient linéaires. Plus le régime moteur augmentait et plus il y avait de puissance. Dans les années quatre-vingt-dix, les motoristes ont proposé des moteurs à plage de puissance constante. Entre 1 800 et 2 300 tr/min, selon les marques, la puissance était approximativement la même. Aujourd’hui, pour bon nombre de tractoristes, la première puissance donnée est la puissance maximale, qui se situe autour des 1 900 tours. La surpuissance d’une quinzaine de chevaux est la différence entre la puissance maximale et la puissance au régime nominal. Quant à la puissance additionnelle, également appelée « boost », elle est fournie par une augmentation de l’in- jection de gasoil dans les cylindres. LE COUPLE EN NM Le couple fourni est la conséquence de l’effort de travail demandé au moteur et s’exprime en Newton mètre. Le couple maximal dépend de la cylindrée, du taux de remplis- sage des cylindres (turbo, 4 soupapes par cylindre), de la qualité de com- bustion (taux d’oxygène, rampe commune, haute pression) et de la quantité de gasoil injecté dans les cylindres. Lorsque le moteur fonc- tionne au régime nominal, la réserve de couple exprime sa capacité à faire face à une augmentation de l’effort résistant sans caler. Elle correspond au rapport entre le couple moteur au régime nominal et le couple maxi- mal qu’il peut délivrer. Exemple du schéma : 525-390/390 = 35 %. Pour mieux comprendre la réserve de couple, voici une comparaison avec un cycliste. En descente, il atteint sa vitesse maximale et ses jambes tournent très vite. Une fois dans la montée, soit le cycliste a suf- fisamment de force dans les jambes et grimpe la côte sans changer de vitesse. Dans ce cas, cela correspond à un moteur ayant une réserve de couple importante (> 35 %). On dit alors qu’il est coupleux. Si le cycliste n’a pas la force de mon- ter la côte, il change de vitesse afin de trouver le bon régime de pédalage pour gravir la montée. Dans ce cas, le moteur bénéficie d’une faible réserve de couple (< 25 %). En agricole, la réserve de couple est surtout utile lors d’une utilisation à la prise de force et à la traction. C’est la raison pour laquelle certains tractoristes proposent une augmen- tation de la puissance (boost) pour mieux passer ces pics de besoins de puissance, favorisant ainsi la capacité d’un moteur à conserver son régime sans changer de vitesse. Cependant, Analyser les courbes moteur d’un tracteur A QUOI CORRESPONDENT LES NORMES DE PUISSANCE MOTEUR ? La puissance donnée par les tractoristes est prise directement à la sortie du vil- lebrequin, et ce pour toutes marques confondues. Sur un tracteur annoncé à 110 ch, après passage au banc, il en ressort une puissance de 98 ch à la prise de force (norme OCDE), soit plus de 10 ch de diffé- rence avec la donnée du constructeur. La puissance aux roues est encore plus faible après entraînement de la boîte de vitesses et des accessoires (climatisation, faisceaux électrique...). Norme SAE J1995 ISO 14 396 SAE J1349 ECE R 24 DIN 70020 OCDE Caractéristiques Puissance brute, sans accessoire Puissance brute, sans ventilateur mais avec alternateur, silencieux et filtre à air Puissance nette avec ventilateur mais sans alternateur et sans le ventilateur viscostatique Puissance nette avec ventilateur et alternateur Puissance moteur disponible, comme ECE R 24 mais le ventilateur viscostatique est embrayé Puissance nette utilisable à la prise de force Exemple de puissance New Holland TS 110 112 108 105 104 101 98 Groupe France Agricole, 8 cité Paradis, 75493 Paris Cedex 10, Tél.: 01 40 22 79 00. http://www.lafranceagricole.fr

MACHINISME Analyser les courbes moteur d’un tracteur · du moteur qui équipe son tracteur et d’optimiser son utilisation au travail. L es courbes moteurs sont repré-sentées

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1 6001 000 1 100 1 200 1 400 1 500 1 700 1 800 2 000 2 100 2 2001 9001 300

Puissance

Consommation

Régime moteur en tr/min

Couple560

540

520

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480

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235240

230

225220215210

100

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70

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55

50

en kW (kilowatt)en Nm (newton mètre)

en g/kWh (grammes par kilowattheure)

Puissance maxi : 92 kW

Consommation mini : 217 g/kWh(rendement optimal)

Couple maxi : 525 Nm

(boost)

Plage d'utilisation optimaleZone de calageRégime nominal

Courbes : tracteur lambdaImage : Perkins

Puissanceadditionnelle

LA FRANCE AGRICOLE 3431 - 46 - 13 AVRIL 2012

MACHINISME

Une lecture simple et rapide permet de mieux comprendre les caractéristiques du moteur qui équipe son tracteur et d’optimiser son utilisation au travail.

Les courbes moteurs sont repré-sentées sur un graphique que l’on retrouve dans les brochures commerciales des

tractoristes, ou lors d’une acquisition de données après le passage au banc du tracteur.La lecture se concentre sur trois courbes : la puissance, le couple et la consommation. Quelques notions de vocabulaire technique et de petites formules permettent d’analyser les courbes moteurs. Seules quelques minutes sont nécessaires pour déchif-frer rapidement les caractéristiques du moteur qui équipe votre tracteur.

LA PUISSANCE EN KWLa puissance est égale au couple multiplié par la vitesse radiale du moteur (régime). Elle est exprimée en kilowatt (kW). Un cheval vapeur est égal à 0,736 kW. Sur le graphique, elle est représentée par la courbe qui est croissante de gauche à droite.Sur les tracteurs de dernière géné-ration, le sommet de la courbe se situe à un régime inférieur au régime nominal. Ceci s’explique par le paramétrage de la cartographie électronique qui gère l’injection. La puissance maximale est atteinte dans une zone où la consomma-tion est plus faible grâce au régime moteur inférieur au régime nominal (92 kW, soit 125 ch à 1 900 tr/min

pour notre exemple). Dans les années quatre-vingt, les courbes de puissance étaient linéaires. Plus le régime moteur augmentait et plus il y avait de puissance.Dans les années quatre-vingt-dix, les motoristes ont proposé des moteurs à plage de puissance constante. Entre 1 800 et 2 300 tr/min, selon les marques, la puissance était approximativement la même. Aujourd’hui, pour bon nombre de tractoristes, la première puissance donnée est la puissance maximale, qui se situe autour des 1 900 tours. La surpuissance d’une quinzaine de chevaux est la différence entre la puissance maximale et la puissance au régime nominal.Quant à la puissance additionnelle, également appelée « boost », elle est fournie par une augmentation de l’in-jection de gasoil dans les cylindres.

LE COUPLE EN NMLe couple fourni est la conséquence de l’effort de travail demandé au moteur et s’exprime en Newton mètre. Le couple maximal dépend de la cylindrée, du taux de remplis-sage des cylindres (turbo, 4 soupapes par cylindre), de la qualité de com-bustion (taux d’oxygène, rampe commune, haute pression) et de la quantité de gasoil injecté dans les cylindres. Lorsque le moteur fonc-

tionne au régime nominal, la réserve de couple exprime sa capacité à faire face à une augmentation de l’effort résistant sans caler. Elle correspond au rapport entre le couple moteur au régime nominal et le couple maxi-mal qu’il peut délivrer. Exemple du schéma : 525-390/390 = 35 %. Pour mieux comprendre la réserve de couple, voici une comparaison avec un cycliste. En descente, il atteint sa vitesse maximale et ses jambes tournent très vite. Une fois dans la montée, soit le cycliste a suf-fi samment de force dans les jambes et grimpe la côte sans changer de vitesse. Dans ce cas, cela correspond à un moteur ayant une réserve de couple importante (> 35 %). On dit alors qu’il est coupleux.Si le cycliste n’a pas la force de mon-ter la côte, il change de vitesse afi n de trouver le bon régime de pédalage pour gravir la montée. Dans ce cas, le moteur bénéfi cie d’une faible réserve de couple (< 25 %). En agricole, la réserve de couple est surtout utile lors d’une utilisation à la prise de force et à la traction. C’est la raison pour laquelle certains tractoristes proposent une augmen-tation de la puissance (boost) pour mieux passer ces pics de besoins de puissance, favorisant ainsi la capacité d’un moteur à conserver son régime sans changer de vitesse. Cependant,

Analyser les courbes moteur d’un tracteur

A QUOI CORRESPONDENT LES NORMES DE PUISSANCE MOTEUR ?

La puissance donnée par les tractoristes est prise directement à la sortie du vil-lebrequin, et ce pour toutes marques confondues. Sur un tracteur annoncé à

110 ch, après passage au banc, il en ressort une puissance de 98 ch à la prise de force (norme OCDE), soit plus de 10 ch de diffé-rence avec la donnée du constructeur. La

puissance aux roues est encore plus faible après entraînement de la boîte de vitesses et des accessoires (climatisation, faisceaux électrique...).

Norme SAE J1995 ISO 14 396 SAE J1349 ECE R 24 DIN 70020 OCDE

Caractéristiques Puissance brute, sans accessoire

Puissance brute, sans ventilateur mais avec alternateur,

silencieux et filtre à air

Puissance nette avec ventilateur mais sans alternateur et sans le ventilateur viscostatique

Puissance nette avec ventilateur et alternateur

Puissance moteur disponible, comme ECE R 24 mais le ventilateur viscostatique est embrayé

Puissance nette utilisable à la prise de force

Exemple de puissance New Holland TS 110 112 108 105 104 101 98

Groupe France Agricole, 8 cité Paradis, 75493 Paris Cedex 10, Tél.: 01 40 22 79 00. http://www.lafranceagricole.fr

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MACHINISME

LA FRANCE AGRICOLE 3431 - 47 - 13 AVRIL 2012

1 6001 000 1 100 1 200 1 400 1 500 1 700 1 800 2 000 2 100 2 2001 9001 300

Puissance

Consommation

Régime moteur en tr/min

Couple560

540

520

500

480

460

440

420

400

380

360

235240

230

225220215210

100

95

90

85

80

75

70

65

60

55

50

en kW (kilowatt)en Nm (newton mètre)

en g/kWh (grammes par kilowattheure)

Puissance maxi : 92 kW

Consommation mini : 217 g/kWh(rendement optimal)

Couple maxi : 525 Nm

(boost)

Plage d'utilisation optimaleZone de calage

Réserve de couple (en %)

Régime nominal

Courbes : tracteur lambdaImage : Perkins

Puissanceadditionnelle

Une évolution de la puissance liée à l'électronique

100

90

80

2 3002 1001 900

en kW

en tr/min

Années 80100

90

80

2 3002 1001 900

en kW

en tr/min

Années 90100

90

80

2 3002 1001 900

en kW

en tr/min

2000 - 2012

La puissance est proportionnelle à l'accélération.

Grâce à l'électronique, les motoristes ont su proposer des courbes à puissance constante, puis une puissance maximale à un régime moteur inférieur au régime nominal.

cela entraîne une augmentation de la consommation. Cette fonction peut généralement être déverrouillée en cabine depuis le terminal du tracteur.

LA CONSOMMATION EN G/KWHLa consommation est représentée par la courbe incurvée en bas du graphique. La consommation spé-cifi que indique, pour chaque kW fourni par le moteur, la consom-mation de carburant en grammes par heure. Elle permet de comparer l’énergie absorbée (en grammes de carburant) avec l’énergie méca-nique restituée par le moteur en kWh.Plus la consommation spécifi que est faible, meilleur est le rende-

ment. Par conséquent, au régime de puissance maximal, on obtient toute la puissance du moteur mais la consommation spécifique est élevée et le rendement médiocre. Au régime où la consommation spécifique est la plus faible, on obtient le meilleur rendement mais le moteur ne développe pas toute sa puissance.Pour connaître la consommation théorique à la puissance maxi-male, il suffi t de la multiplier par la consommation lue sur le gra-phique (220 g/kWh). Le résultat en g/h doit être multiplié par la densité du gasoil (0,850) et divisé par 1 000 pour connaître la consommation en l/h. Dans notre

exemple : 220 x 92 = 20 240 g/h, soit 17,2 l/h. Pour une conduite éco-nomique, il faut adapter le régime du moteur et le rapport de vitesse en fonction de la puissance nécessaire. Lorsque l’outil ne nécessite pas toute la puissance, il faut choisir un rapport de boîte de vitesses élevé, afi n d’aug-menter la charge du moteur. Mais il faut également faire fonctionner le moteur à un régime intermédiaire pour obtenir un meilleur rendement et limiter la consommation. Sur les tracteurs de dernière génération, cette conduite est gérée par le sys-tème de management du tracteur, qui choisit le rapport de boîte de vitesses en fonction de la charge moteur. Henri Etignard

Groupe France Agricole, 8 cité Paradis, 75493 Paris Cedex 10, Tél.: 01 40 22 79 00. http://www.lafranceagricole.fr