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via 8 | 2011 22 A u moment où les Marseillais feront sauter les bouchons pour célébrer le statut de capitale européenne de la culture de leur ville dans la nuit de la Saint- Sylvestre 2012, plus de 3,5 milliards d’euros auront été investis dans la métamorphose du paysage urbain de la cité phocéenne. Sur plus de trois kilomètres carrés, le projet tita- nesque baptisé Euroméditerranée – le plus grand chantier du sud de l’Europe – prévoit de transformer en profondeur l’architecture, l’infrastructure et le visage social de quatre quartiers de la ville. Cela va sans dire, Marseille est une ville qui bouge. D’importants fonds publics ont été débloqués à cet effet: en 2013, la métro- pole inaugurera ainsi plusieurs institutions culturelles flambant neuves. Toutefois, cer- tains ne verront pas la couleur de cet argent, à commencer par la dynamique scène cultu- relle underground, qui donne à la ville son caractère si singulier. C’est ce que déplore Eric Pringels, graphiste et activiste artistique suisso-belge, ayant grandi à Bruxelles, qui étudie la cité au quotidien depuis près de sept ans. De l’architecture qui se mange Eric nous a donné rendez-vous dans une ga- lerie du quartier branché de la Plaine qui a accueilli le concours de pâtisserie «Archica- keture», dont l’objectif était de reproduire sous forme de gâteaux et de biscuits les nou- veaux projets architecturaux de la ville, puis de déguster les réalisations. Il comptait par- mi les membres du jury. «Ici, tout le monde a le droit à sa part du gâteau», nous confie- t-il en riant, avant de picorer un dernier mor- ceau des décombres du nouveau gratte-ciel dessiné par l’architecte vedette Zaha Hadid. Ville des paradoxes On est vendredi, il est près de minuit. Nous nous dirigeons vers le café culture WAAW, à quelques pas, pour y siroter une bière corse. «S’il y a bien une chose qui caractérise Mar- seille, ce sont ses paradoxes, s’exclame Eric. Ville cosmopolite mais esprit villageois, ville portuaire ouverte sur le monde mais tour- née vers l’intérieur, ville monde mais qui ne pense qu’à Paris, ville incontrôlable mais pré- visible, ville raciste mais solidaire, ville qui exclut mais qui intègre…» On a du mal à l’ar- rêter quand il se lance dans l’énumération des contradictions de Marseille, qui sonne comme une déclaration d’amour à sa ville d’adoption. A quelques encablures du WAAW, nous allons déguster des petits poissons «mange- tout» et du poulpe frits dans le troquet Chez Gilda. Sur trois mètres carrés, une douzaine de clients issus des quatre coins du globe se mettent à chanter et à danser gaiement. «Marseille m’a attiré comme par magie», ex- plique le quadragénaire avant de se confier sur son engagement d’artiste. Il est en effet à l’origine d’un mouvement underground mi-subversif, mi-ironique qui, avec son pro- jet OFF, compte faire sortir de sa réserve le comité officiel de la capitale de la culture. Dans cette perspective, avec ses com- plices, il a déposé les noms de domaines www.marseille2013.com, -.fr et -.org et la marque «Marseille 2013» dès 2004, avant même la candidature officielle de Marseille au titre de capitale européenne de la culture. «Nous avons cherché le dialogue avec l’orga- nisation officielle et leur avons proposé de collaborer, mais ils nous ont toujours écon- duits, cordialement mais sûrement, nous ex- plique Eric. Il y a ici un grand nombre d’ar- tistes qui n’ont pas la chance d’être entendus et nous souhaitons leur donner la possibili- té de présenter leur travail à un public venu du monde entier. C’est là, selon nous, le véri- table enjeu d’une capitale européenne de la culture.» Leur enthousiasme rebelle a gagné un grand nombre d’acteurs de la scène artis- tique et culturelle de Marseille qui leur ap- portent leur soutien. Un «joyeux bordel» Bernadette Rochat, 41 ans, soutient, elle aussi, le projet OFF. Cette Lausannoise arrive à Mar- seille en 2008 avec l’idée d’y acheter un petit pied-à-terre, pour s’échapper un peu de son travail en Suisse. Mais le destin en décide au- trement: elle tombe amoureuse de David Ka- roubi, gérant de l’auberge dans laquelle elle est descendue, et ancien ensemblier dans la seconde métropole de l’industrie du film en France. Il y a deux ans, après une relation à dis- tance entre Lausanne et Marseille et «des heures et des heures de TGV», Bernadette dé- cide de céder le café-théâtre Le Bourg et le légendaire Bar Tabac pour venir s’installer dans le Midi de la France. Une fois sur place, cette chineuse invétérée et son compagnon ouvrent non loin de la gare une magnifique maison d’hôtes dans une bâtisse cossue qu’ils baptisent Pension Edelweiss. Mais comme si cela ne lui suffisait pas, elle prend les commandes du Comptoir Du- gommier, l’un des plus anciens restaurants de la ville, et en fait rapidement une adresse très en vogue. «Marseille est un joyeux bor- del», lance-t-elle en riant avant d’ajouter: «C’est justement ce qui me plaît dans cette ville, probablement parce que pour nous autres Suisses, elle est tellement exotique.» Texte: Simon Bühler Photos: Emanuele Cremaschi/LUZphoto M comme métamorphose Marseille est à l’image de son célèbre apéritif, un mélange épicé. Et de même que le pastis appelle une bonne rasade d’eau, Marseille ne serait pas Marseille sans la mer. Via s’est laissé guider dans la future capitale européenne de la culture par deux personnalités créatives aux racines suisses. Portrait d’une cité portuaire en pleine ébullition. Trois jours à Marseille A faire Une randonnée à travers le cadre romantique des calanques. A éviter Vouloir boire une bière avec des Marseillais en arborant un maillot du Paris-Saint-Germain.

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A u moment où les Marseillais feront sauter les bouchons pour célébrer le statut de capitale européenne de la

culture de leur ville dans la nuit de la Saint-Sylvestre 2012, plus de 3,5 milliards d’euros auront été investis dans la métamorphose du paysage urbain de la cité phocéenne. Sur plus de trois kilomètres carrés, le projet tita-nesque baptisé Euroméditerranée – le plus grand chantier du sud de l’Europe – prévoit de transformer en profondeur l’architecture, l’infrastructure et le visage social de quatre quartiers de la ville.

Cela va sans dire, Marseille est une ville qui bouge. D’importants fonds publics ont été débloqués à cet effet: en 2013, la métro-pole inaugurera ainsi plusieurs institutions culturelles flambant neuves. Toutefois, cer-tains ne verront pas la couleur de cet argent, à commencer par la dynamique scène cultu-relle underground, qui donne à la ville son caractère si singulier. C’est ce que déplore Eric Pringels, graphiste et activiste artistique suisso-belge, ayant grandi à Bruxelles, qui étudie la cité au quotidien depuis près de sept ans.

De l’architecture qui se mangeEric nous a donné rendez-vous dans une ga-lerie du quartier branché de la Plaine qui a accueilli le concours de pâtisserie «Archica-keture», dont l’objectif était de reproduire sous forme de gâteaux et de biscuits les nou-

veaux projets architecturaux de la ville, puis de déguster les réalisations. Il comptait par-mi les membres du jury. «Ici, tout le monde a le droit à sa part du gâteau», nous confie- t-il en riant, avant de picorer un dernier mor-ceau des décombres du nouveau gratte-ciel dessiné par l’architecte vedette Zaha Hadid.

Ville des paradoxesOn est vendredi, il est près de minuit. Nous nous dirigeons vers le café culture WAAW, à quelques pas, pour y siroter une bière corse. «S’il y a bien une chose qui caractérise Mar-seille, ce sont ses paradoxes, s’exclame Eric. Ville cosmopolite mais esprit villageois, ville portuaire ouverte sur le monde mais tour-née vers l’intérieur, ville monde mais qui ne pense qu’à Paris, ville incontrôlable mais pré-visible, ville raciste mais solidaire, ville qui exclut mais qui intègre…» On a du mal à l’ar-rêter quand il se lance dans l’énumération des contradictions de Marseille, qui sonne comme une déclaration d’amour à sa ville d’adoption.

A quelques encablures du WAAW, nous allons déguster des petits poissons «mange-tout» et du poulpe frits dans le troquet Chez Gilda. Sur trois mètres carrés, une douzaine de clients issus des quatre coins du globe se mettent à chanter et à danser gaiement. «Marseille m’a attiré comme par magie», ex-plique le quadragénaire avant de se confier sur son engagement d’artiste. Il est en effet à l’origine d’un mouvement underground mi-subversif, mi-ironique qui, avec son pro-jet OFF, compte faire sortir de sa réserve le comité officiel de la capitale de la culture.

Dans cette perspective, avec ses com-plices, il a déposé les noms de domaines www.marseille2013.com, -.fr et -.org et la marque «Marseille 2013» dès 2004, avant même la candidature officielle de Marseille au titre de capitale européenne de la culture. «Nous avons cherché le dialogue avec l’orga-nisation officielle et leur avons proposé de

collaborer, mais ils nous ont toujours écon-duits, cordialement mais sûrement, nous ex-plique Eric. Il y a ici un grand nombre d’ar-tistes qui n’ont pas la chance d’être entendus et nous souhaitons leur donner la possibili-té de présenter leur travail à un public venu du monde entier. C’est là, selon nous, le véri-table enjeu d’une capitale européenne de la culture.» Leur enthousiasme rebelle a gagné un grand nombre d’acteurs de la scène artis-tique et culturelle de Marseille qui leur ap-portent leur soutien.

Un «joyeux bordel»Bernadette Rochat, 41 ans, soutient, elle aussi, le projet OFF. Cette Lausannoise arrive à Mar-seille en 2008 avec l’idée d’y acheter un petit pied-à-terre, pour s’échapper un peu de son travail en Suisse. Mais le destin en décide au-trement: elle tombe amoureuse de David Ka-roubi, gérant de l’auberge dans laquelle elle est descendue, et ancien ensemblier dans la seconde métropole de l’industrie du film en France.

Il y a deux ans, après une relation à dis-tance entre Lausanne et Marseille et «des heures et des heures de TGV», Bernadette dé-cide de céder le café-théâtre Le Bourg et le légendaire Bar Tabac pour venir s’installer dans le Midi de la France. Une fois sur place, cette chineuse invétérée et son compagnon ouvrent non loin de la gare une magnifique maison d’hôtes dans une bâtisse cossue qu’ils baptisent Pension Edelweiss.

Mais comme si cela ne lui suffisait pas, elle prend les commandes du Comptoir Du-gommier, l’un des plus anciens restaurants de la ville, et en fait rapidement une adresse très en vogue. «Marseille est un joyeux bor-del», lance-t-elle en riant avant d’ajouter: «C’est justement ce qui me plaît dans cette ville, probablement parce que pour nous autres Suisses, elle est tellement exotique.» Texte: Simon Bühler

Photos: Emanuele Cremaschi/LUZphoto

M comme métamorphoseMarseille est à l’image de son célèbre apéritif, un mélange épicé. Et de même que le pastis appelle une bonne rasade d’eau, Marseille ne serait pas Marseille sans la mer. Via s’est laissé guider dans la future capitale européenne de la culture par deux personnalités créatives aux racines suisses. Portrait d’une cité portuaire en pleine ébullition.

Trois jours à Marseille

A faireUne randonnée à travers le cadre romantique des calanques.

A éviterVouloir boire une bière avec des Marseillais en arborant un maillot du Paris-Saint-Germain.

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via 8 | 2011

Doux rebelle: en 2013, Eric Pringels espère faire sortir de sa réserve le comité officiel de la capitale culturelle avec un projet mi-ironique.

Le nouveau Marseille avec Euroméditerranée. Marseille et sa douceur de vivre. Avant-goût de printemps sur le Vieux-Port.

Pittoresque: Chez Gilda, les oiseaux de nuit…

… trouvent poissons et poulpe en friture. Bernadette Rochat dans sa pension Edelweiss.

Trois jours à Marseille24

via 8 | 2011

Marseille et son charme maritime

Capitale de la culture 2013

Marseille-Provence 2013Le programme officiel prévoit des centaines de manifestations culturelles et artistiques à travers la Provence: danse, musique, arts plastiques, théâtre, expositions, art de rue, conférences, littérature, art numérique et cuisine. | www.marseille-provence2013.fr

Marseille 2013 OFFEric Pringels et sa bande d’activistes artistiques entendent pallier les lacunes de l’agenda officiel de la capitale de la culture en proposant des manifestations et des projets conjuguant originalité et ironie et un programme under-ground très varié.| www.marseille2013.org

Marseille exposCe collectif de 23 galeries a fondé en 2007 une foire baptisée «Printemps de l’Art Contemporain» afin de promouvoir le travail d’artistes à Marseille (la prochaine édition se tiendra du 17 au 20 mai 2012). Avec la galerie Hors les murs située dans le quartier historique du Panier, il dispose depuis mai 2011 de son propre espace d’exposition. 20, rue Saint Antoine, 13002 Marseille| www.marseilleexpos.com

Friche La Belle de Mai Un petit air de Berlin: dans l’ancienne manufacture de ciga-rettes Gauloises et Gitanes, le long des voies de chemin de fer à l’entrée de Marseille, l’un des laboratoires multiculturels les plus dynamiques en Europe a vu le jour: théâtre, danse, ateliers artis- tiques, galeries, salles de concert et restaurants se côtoient.

41, rue Jobin, 13003 MarseilleTél. +33 (0)4 95 04 95 04| www.lafriche.org

WAAW«What An Amazing World»: Fred Levy a réussi à créer un office du tourisme d’un nouveau genre, réunissant un café, un bar qui sert une cuisine bio et un site d’infor-mation sur des concerts, des lec- tures et d’autres manifestations. Un must pour tous ceux qui veulent découvrir les dessous de la ville. Aux dires de son fondateur, c’est un lieu et un site web pour ne plus dire: «Il n’y a rien à faire à Marseille!»Du mardi au samedi de 10 h à 21 h17, rue Pastoret, 13006 MarseilleTél. +33 (0)4 91 54 08 79| www.waaw.fr

Découvrir

Les CalanquesMême en hiver, une randonnée sur les falaises des calanques s’im- pose. Le bon plan pour les gour- mands: le restaurant Chez le Belge dans la calanque de Marseilleveyre, ouvert toute l’année. Accessible en bateau ou en bus (lignes 19 et 20).

Se restaurer

Chez LouryLes amateurs de bouillabaisse trouveront leur bonheur au petit restaurant Chez Loury situé entre le Vieux-Port et le cours d’Estiennes d’Orves. Rares sont les cuisiniers à célébrer le poisson avec autant de sincérité et de générosité.3, rue Fortia, 13001 MarseilleTél. +33 (0)4 91 33 09 73| www.loury.com

ToinouCoquillages Toinou, on ne peut pas faire plus frais si l’on veut des fruits de mer. Avec son étal face au restaurant, c’est l’adresse pré- férée des Marseillais. 3, cours Saint-Louis, 13001 MarseilleTél. +33 (0)4 91 54 08 79| www.toinou.com

Le Ventre de l’ArchitecteUn incontournable pour les passion-nés d’architecture, la Cité radieuse, à proximité du stade Vélodrome de l’Olympique de Marseille, est l’un des rares immeubles d’habitation réa- lisés par Le Corbusier. Au troisième étage, un hôtel (de 69 à 135 euros la chambre) et le restaurant ultra- raffiné Le Ventre de l’Architecte (menus de 30 à 65 euros), tous deux prévus par le concepteur. 280, boulevard Michelet, 13008 MarseilleTél. +33 (0)4 91 16 78 00| www.leventredelarchitecte.com| www.hotellecorbusier.com

Hammam

La Bastide des BainsParfait en hiver: l’accès de cet établissement de style à proximité du port est réservé aux femmes du lundi au samedi en journée. Le soir et le dimanche, les hommes sont les bienvenus. Le jeudi soir, des nocturnes mixtes sont organisées jusqu’à 22 h 30.19, rue Sainte, 13001 MarseilleTél. +33 (0)4 91 33 39 13| www.bastides-des-bains.com

Louer, habiter, acheter

Terrasse en ville Avec «Mars en ville», l’équipe de l’agence immobilière Terrasse en

A ne manquer sous aucun prétexte

S’y rendre

Pour tous ceux qui ne veulent ou ne peuvent rallier Marseille par les mers, à bord d’un navire de croisière ou d’un cargo, comme il se doit, le TGV est la meilleure option. Plusieurs liaisons depuis Genève (3 h), Bâle/Mulhouse (3 h 30) et Paris (4 h) vous amènent au cœur de la cité phocéenne à la gare de Marseille-Saint-Charles. | www.cff.ch

ville signe un projet original: une plate - forme Internet proposant tout un tas d’astuces pour les citadins et des annonces immobilières invitant à la rêverie. Dans le show-room de l’agen- ce, un espace est dédié aux meubles vintage chinés par Bernadette Rochat. Du lundi au samedi, de 9 h 30 à 19 h 3026, rue des Trois Frères Barthélémy, 13006 MarseilleTél. +33 (0)4 96 12 22 91 | www.marsenville.com

Se reposer

Pension EdelweissOriginaire de Lausanne, Bernadette Rochat est arrivée à Marseille il y a trois ans pour y rejoindre l’élu de son cœur. Infatigable restauratrice, c’est aussi une entrepreneuse hors pair qui a mis sur pied avec son partenaire un magnifique B&B de quatre chambres. A deux pas de là, elle est aux com- mandes du Comptoir Dugommier, quand elle ne joue pas les brocan-teuses dans l’agence immobilière Terrasse en ville.6, rue Lafayette, 13001 MarseilleTél. +33 (0)9 51 23 35 11| www.pension-edelweiss.fr

Le restaurant Le Ventre de l’Ar-chitecte de l’hôtel Le Corbusier.

Les crustacés les plus frais sont au restaurant Coquillages Toinou.

La Friche, haut-lieu de la culture underground.

Repas de minuit Chez Gilda dans le quartier branché de la Plaine.