66

Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Management de l'Innovation dans

l'Assurance Automobile

Pierre PRÉVOT

Master Recherche de l'École PolytechniqueMention : Économie et Gestion

Spécialité : Projet Innovation Conception

ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Septembre 2005

Cette copie du mémoire est disponible sous réserve que toute personne la consultantaccepte de reconnaître que les droits la concernant restent la propriété de son auteur,et qu'aucune citation du mémoire, ni information en dérivant, ne doit être publiée sansune référence en bonne et due forme.

Page 2: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Management de l'Innovation dans

l'Assurance Automobile

Pierre PRÉVOT

Master Recherche de l'École PolytechniqueMention : Économie et Gestion

Spécialité : Projet Innovation Conception, 2005

Résumé

L'innovation dans le marché fortement concurrentiel qu'est l'assurance est, aujourd'hui, indispensableà l'assureur, tant pour améliorer son anticipation du risque de ses clients, que pour être en mesurede les attirer et de les �déliser par la proposition de services adaptés à leurs besoins. Le domainede l'assurance automobile n'échappe pas à la règle : mieux connaître, en temps réel, la conduite desassurés permettrait, à l'assureur, d'en prédire la sinistralité éventuelle, et d'être capable de proposerde nouveaux concepts de contrats d'assurance. Cet accroissement de la connaissance de la conduite estenvisagé grâce à l'utilisation de la télématique automobile. Une étude expérimentale de son utilisationsuit l'analyse théorique de ses conséquences sur la logique de l'assurance et la stratégie de l'assureur.

Mots-clés: Assurance Automobile, Télématique Automobile, Accidentologie, Pro�ls de Conduite.

2

Page 3: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

To JooBee,for staying by my side,

in the good days, as well as in the bad . . .

3

Page 4: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Remerciements

� À Christophe Midler, pour m'avoir fait con�ance en me permettant de participer au MasterPIC, et en me con�ant ce passionnant projet ; ce que j'ai découvert, cette année, m'a ouvertl'esprit dans bien des domaines ;

� À Sylvain Len�e, pour son enthousiasme sans limite et son aide précieuse ;� À Jacques Van Wittenberghe, Philippe Caton, Patrick Favennec et Laurent Lopez, pour larichesse de leurs remarques, concernant mon travail ;

� À mes parents et mes frères, pour leur inquiétude tout au long de l'année : mes quatre mois debarbe leur auront fait se faire bien des cheveux blancs !

� À Alexis, Olivier, Guillaume, Claire, Christophe, Sophie, Benjamin, Dan, Dheeraj et les autres,pour m'avoir soutenu du début à la �n !

4

Page 5: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Table des matières

Introduction 8

1 Télématique et assurance automobile : les enjeux stratégiques pour l'assureur 91.1 L'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.1.1 Présentation de l'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.1.2 Logique de l'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101.1.3 Les acteurs d'un marché fortement concurrentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . 121.1.4 Le risque automobile et les coûts pour l'assureur . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.1.5 Les problèmes pour l'assureur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

1.2 Le groupe Covéa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201.2.1 Présentation et fonctionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201.2.2 Positionnement et stratégie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

1.3 La télématique : un enjeu stratégique pour Covéa ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221.3.1 Apports de la télématique pour l'assureur : les premières pistes . . . . . . . . . 221.3.2 Création d'un cadre juridique approprié : Covéa Technologies . . . . . . . . . . 241.3.3 Vers une méthodologie d'exploration. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

2 Méthodologie d'exploration 252.1 Introduction de la méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.2 Recherches sur l'accidentologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

2.2.1 Modélisation économétrique du risque routier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262.2.2 Scénarios-types d'accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282.2.3 Di�érents accidents pour di�érentes populations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292.2.4 Typologie des comportements des conducteurs automobiles . . . . . . . . . . . 312.2.5 Comportement de base de l'automobiliste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332.2.6 Ré�exion sur les ressources manquantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

2.3 Introduction de la télématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342.3.1 Présentation des dispositifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342.3.2 Usages possibles de la télématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352.3.3 Limites intrinsèques de la télématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362.3.4 Exemples d'utilisation de dispositifs existants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.4 Ré�exion sur les concepts de contrats d'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . 392.4.1 Modi�cation de la logique de l'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . 392.4.2 Variables de conception d'un service télématique . . . . . . . . . . . . . . . . . 402.4.3 Dominant design de l'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402.4.4 Démarches d'exploration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402.4.5 Caractérisation des o�res et pilotes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 412.4.6 Organisation de l'exploration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

2.5 Synthèse de la méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

3 Méthode de caractérisation des comportements de conduite par la télématiqueautomobile 453.1 Présentation du dispositif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

3.1.1 Collecte des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453.1.2 Géo-localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

5

Page 6: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

TABLE DES MATIÈRES

3.1.3 Communication avec la base de données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463.2 Présentation de la démarche expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

3.2.1 Di�érents conducteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463.2.2 Di�érents trajets-types . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463.2.3 Di�érentes données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463.2.4 Di�érentes étapes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

3.3 Première approche par la représentation graphique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473.3.1 Réduction du volume de données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473.3.2 Véri�cation graphique des résultats de la littérature . . . . . . . . . . . . . . . 47

3.4 Caractérisation statistique d'événements et de situations de conduite . . . . . . . . . . 523.4.1 Principe et mode opératoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523.4.2 Phase d'apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 543.4.3 Phase de test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563.4.4 Exemple d'application de la méthode pour des événements de conduite . . . . . 57

3.5 Problèmes liés à une expérimentation à grande échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603.5.1 Étude de la redondance des variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603.5.2 A�nage des partitions d'événements et situations de conduite . . . . . . . . . . 61

3.6 Proposition d'une démarche de mise en ÷uvre de l'expérimentation . . . . . . . . . . . 623.6.1 Continuité et élargissement de la présente analyse . . . . . . . . . . . . . . . . 623.6.2 Autres aspects à étudier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 633.6.3 Intérêt pour l'assureur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Conclusion 65

Bibliographie 66

6

Page 7: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Table des �gures

1.1 Balance des principaux �ux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.2 Répartition de la charge des sinistres selon la garantie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.3 Évolution du coût des réparations automobiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161.4 Évolution de la valeur moyenne du point d'Incapacité Permanente Partielle . . . . . . 161.5 Évolution de l'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161.6 Évolution des charges de l'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171.7 Évolution du prix des cotisations d'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

2.1 Modélisation du système routier grâce au modèle TAG . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

3.1 Représentation de l'évolution, dans le temps, des données tachymétriques, en prenanten compte toutes les données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

3.2 Représentation de l'évolution, dans le temps, des données tachymétriques, en prenanten compte une donnée sur deux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

3.3 Représentation de l'évolution, dans le temps, des données tachymétriques, en prenanten compte une donnée sur cinq . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

3.4 Représentation polaire de deux occurrences d'un même trajet . . . . . . . . . . . . . . 493.5 Représentation polaire de plusieurs occurrences d'un même trajet e�ectué par la femme

du chercheur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 493.6 Représentation polaire de la conduite du chercheur, et de celle de sa femme . . . . . . 503.7 Représentation polaire de la conduite du chercheur, et de celle de l'étudiant . . . . . . 503.8 Représentation polaire de la fréquence d'occurrence des événements d'un trajet chez le

chercheur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 513.9 Représentation polaire de la fréquence d'occurrence des événements d'un trajet chez la

femme du chercheur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 513.10 Représentation polaire de la fréquence d'occurrence des événements d'un trajet chez

l'étudiant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 513.11 Projection en dimension 2 des événements élémentaires pour l'événement � accélération

en mode normal � . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583.12 Représentation de la fonction de densité de probabilité de l'événement � accélération

en mode normal � . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583.13 Représentation de la probabilité de l'événement � accélération en mode normal �, par

rapport aux événements élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

7

Page 8: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Introduction

L'assurance est, aujourd'hui, au c÷ur de la vie de chacun. Indispensable a�n d'assurer l'intégritédes biens, l'intégrité physique, la capacité à conserver son autonomie, la préparation à la retraite, etc.,elle est, cependant, généralement, perçue assez négativement par le public, qui la considère commeune institution obligatoire, à qui l'on donne de l'argent sans jamais rien recevoir en retour. Cetteperception est, bien sûr, une caricature, qui puise, néanmoins, sa source dans l'analyse de la logiqueactuelle de la compagnie d'assurance, qui établit des contrats où les clients paient d'avance, et espèrene jamais avoir à rendre la somme d'argent perçue. Ainsi, la clientèle, lassée de toujours avoir à payer,s'oriente, de plus en plus, vers les modes de distribution plus spécialisés pouvant lui o�rir les tarifsles plus avantageux possibles. Il apparaît, alors, qu'une compagnie d'assurance � classique �, dont lastructure même lui impose des coûts �xes, en plus des remboursements qu'elle doit e�ectuer auprès deses assurés � car cela arrive, tout de même � ne peut se lancer dans une guerre des prix, sous peine,à terme, de faire faillite, et ne peut donc survivre à cette concurrence acharnée que par une stratégied'innovation, visant, d'une part, à mieux connaître ses clients a�n d'anticiper leur niveau de risque,et, d'autre part, à les ré-attirer vers elle, en leur proposant, non plus un contrat strictement �nancieret juridique, mais un éventail de services adaptés à leurs besoins, et susceptibles de faire évoluer larelation assureur-assuré de la dialectique commerçant-client actuelle, vers un véritable partenariat desolidarité et d'accompagnement de l'assuré dans les méandres de sa vie quotidienne.

Le groupe Covéa, regroupant les deux mutuelles d'assurance MAAF et MMA, n'échappe pas àcette nécessité d'innovation. Dans cette optique, le groupe a, d'ailleurs, engagé une ré�exion sur lesnouvelles technologies de la communication et de l'information, qui, aujourd'hui déjà, bouleversenttoutes les activités économiques, et sont en passe de devenir le c÷ur de l'innovation dans les métiersde l'assurance. Dans le cadre de l'assurance automobile, la combinaison des nouveaux capteurs d'in-formation alliés à la télématique automobile permettrait d'envisager de traiter l'assuré, non plus enfonction de simples suppositions sur sa sinistralité probable, comme c'est le cas actuellement, mais,directement, en fonction de son comportement au volant.

Cette ré�exion est le c÷ur même du mémoire. Après une présentation des enjeux stratégiquesde l'assureur automobile, et de la façon dont la télématique automobile pourrait s'y insérer, l'étudeexplore, successivement, les trois poches de connaissance que sont l'accidentologie, la télématique,et l'assurance, a�n de déterminer, dans un premier temps, les connaissances actuelles sur les risquesroutiers et les comportements de conduite, de présenter, dans un deuxième temps, les possibilités de latélématique automobile en vue d'accroître, d'améliorer, voire de prévoir ces résultats, et de proposer,dans un troisième temps, une démarche de ré�exion sur de nouveaux types de services en matièred'assurance automobile. Une dernière partie, basée sur une étude expérimentale, se penche, en�n,sur une méthode de caractérisation des comportements des usagers de la route, à l'aide de l'apportinformationnel engendré par la télématique automobile.

8

Page 9: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Chapitre 1

Télématique et assurance automobile :

les enjeux stratégiques pour l'assureur

Ce chapitre a pour but de présenter, brièvement, le monde de l'assurance automobile, ses acteurset ses problématiques, avant d'exposer le cas particulier du groupe au sein duquel s'est déroulé leprojet : le groupe Covéa. En�n, il montre en quoi l'introduction de la télématique automobile peuts'insérer dans la logique stratégique de Covéa.

1.1 L'assurance automobile

Cette section présente le cadre général de l'assurance automobile, sa logique de fonctionnement, sesbases théoriques et ses principes de tari�cation. Sont présentés, ensuite, les di�érents acteurs impliquésdans le domaine, ainsi que les problèmes auxquels ils doivent faire face.

1.1.1 Présentation de l'assurance automobile

Le cadre général

Généralités sur l'assurance L'assurance est, généralement, dé�nie comme l'opération par laquelleune personne � l'assureur � s'engage à exécuter une prestation au pro�t d'une autre personne �l'assuré � en cas de réalisation d'un événement aléatoire � le risque � en contrepartie du versementd'une somme donnée � la prime ou cotisation d'assurance.

L'opération d'assurance comporte deux caractéristiques principales :� elle n'est pas isolée : en e�et, elle ne peut exister que parce qu'elle est incluse dans un ensembled'opérations de même nature, l'assureur ne pouvant exécuter ses prestations que parce qu'il y amutualisation des risques par répartition de leur charge sur l'ensemble des assurés ;

� elle se traduit par la formation d'un contrat par lequel, face à un risque donné, l'assuré obtientune garantie en échange du versement d'une prime.

Cas de l'assurance automobile Produit d'assurance le plus connu, l'assurance automobile estun accord écrit obligatoire � le contrat d'assurance � passé entre l'assureur (une compagnie d'assu-rance, en général) et l'assuré (un conducteur ou propriétaire, professionnel ou particulier, de véhiculeautomobile), visant à veiller aux intérêts de ce dernier et à couvrir l'ensemble de ses besoins, au coursdes aléas pouvant survenir tout au long des interactions du dit véhicule avec l'assuré, d'une part, etl'environnement (matériel ou humain), d'autre part.

C'est une o�re basée sur le triptyque suivant :� une couverture juridique, qui protège le conducteur assuré pour tout ce qui concerne ses recoursjuridiques et sa responsabilité civile ;

� une indemnisation �nancière, qui couvre les frais engagés en cas de sinistre (vol, accident, in-cendie, etc.) ; cette indemnisation peut même aller jusqu'au maintien de la valeur du véhicule(certains contrats envisagent, par exemple, une non-décote du véhicule pendant une périodedonnée) ;

9

Page 10: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

� un ensemble de services d'assistance en cas d'accident, de panne, de vol ou de détérioration duvéhicule, à proximité, ou non, du domicile.

Le contrat d'assurance est une modulation de ce triptyque : l'assureur propose à l'assuré une o�recomposée d'un mélange de ces trois éléments, adapté à ses souhaits, d'une part, et à ses besoins (sonpro�l particulier), d'autre part.

Cette o�re, peu sélective, est conçue pour tous les clients, qui n'ont d'autre engagement que depayer un montant annuel (la prime d'assurance) basé sur leurs caractéristiques (les données déclaréesex ante) et les sinistres qu'ils occasionnent (les données déclarées ex post).

Le cadre juridique

On distingue, en général, deux types de contrats d'assurance automobile, en fonction de leur degréd'obligation légale.

L'assurance � Responsabilité Civile �, aussi connue sous le nom d'assurance � Au Tiers � garantiel'indemnisation des dommages matériels (mobiliers ou immobiliers) et corporels causés à autrui par leconducteur du véhicule ou par ses passagers lors d'un accident. Conçue pour permettre aux victimesd'accidents de la circulation d'être toujours et correctement indemnisées, elle est l'assurance minimumobligatoire pour tout automobiliste (art. 211�1 et 211�5 du Code des Assurances), et est donc inclusedans tout contrat d'assurance automobile.

L'assurance � Tous Risques � comporte des garanties plus étendues et couvre, notamment, lesdommages causés au véhicule, quel qu'en soit le responsable, même si c'est le conducteur (excepté,en général, en cas de conduite en état d'ivresse), et même si le responsable n'est pas identi�é (encas de vandalisme, par exemple). L'assurance � Tous Risques � n'est pas obligatoire, mais permet,néanmoins, une meilleure indemnisation que l'assurance � Au Tiers �.

1.1.2 Logique de l'assurance automobile

A�n de mieux comprendre la logique de l'assurance automobile, il convient, tout d'abord, deconsidérer le cas général de l'assurance au sens large, et de présenter ses bases théoriques, avant derevenir au cas particulier, et d'exposer ses principes de tari�cation.

Bases théoriques de l'assurance

La Loi des Grands Nombres constitue la base théorique de l'assurance.

En e�et, l'idée première [4] est de se placer dans le cas idéal d'un monde composé d'une populationhomogène de N agents (ou individus), disposant, chacun, d'une même quantité w de ressources, etpouvant, chacun, être victime d'un accident avec une même probabilité q, induisant une même pertemonétaire r. Cet accident fait donc passer les ressources de l'agent qui le subit de w à w − r.

La Loi des Grands Nombres a�rme que, pour N assez grand, la fréquence des accidents est environégale à la probabilité d'accident, à savoir q. À chaque période, il y a donc qN agents qui subissent unaccident et dont les ressources sont w − r, les (1 − q)N autres ayant un revenu égal à w. Ainsi, lesressources de l'économie sont invariantes et égales à N(w − qr).

On va, alors, ouvrir une compagnie d'assurance. Tout le monde s'assure : chacun verse une primeα et perçoit un remboursement r en cas d'accident. A�n d'assurer l'équilibre budgétaire, il faut doncqu'on ait : α = qr. La prime est, alors, égale à l'espérance de perte : on parle de prime actuarielle(elle assure l'équilibre budgétaire de la compagnie).

En raisonnant ainsi, on a éliminé le risque global pour la population. On parle, alors, d'assurancecomplète.

Ainsi, l'activité d'assurance montre une certaine forme de rendements croissants. En augmentantle nombre de ses assurés, une compagnie d'assurance améliore la diversi�cation de son portefeuille eten diminue la variabilité. Mais, ce faisant, elle accentue l'hétérogénéité de la population qu'elle couvre,ce qui se traduit par une augmentation des transferts entre les di�érents types de risques, augmentant,ainsi, son risque moyen, et donc les primes payées par les assurés.

La théorie montre, ainsi, la nécessité, pour l'assureur, de disposer d'informations sur ses assurés,pour classer les risques en sous-populations homogènes, et se rapprocher, de fait, du cas idéal dedépart, a�n de pouvoir établir un tarif di�érencié.

10

Page 11: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

Le Théorème de la Limite Centrale, appliqué à chaque sous-population, permet, alors, de calculerle montant des réserves nécessaires pour que l'assureur évite la banqueroute.

En outre, il est montré que plus l'information de l'assureur est complète, plus, en situation deconcurrence, il di�érencie ses produits.

Principes de tari�cation de l'assurance automobile

On distingue deux types de tari�cations, pour l'assurance automobile, selon la nature des donnéesconsidérées, la première � tari�cation a priori � permettant de calculer le montant d'une prime debase, qui sera modulé, au fur et à mesure, en fonction des paramètres de la seconde � tari�cation aposteriori �. Ce principe global de tari�cation forme, en fait, un cycle constant, les paramètres de latari�cation a posteriori servant à contrôler, mieux dé�nir et mettre à jour, au �l du temps, ceux dela tari�cation a priori.

La tari�cation a priori : le tarif GTA 1 Basé sur les données déclarées ex ante, le tarif GTAutilise deux types de variables :

� des variables sur le véhicule, d'une part :� son groupe : il y a quatorze groupes, correspondant à la puissance �scale et à la classe duvéhicule,

� son âge : on distingue trois tranches (moins de 2 ans, de 2 à 5 ans, 6 ans et plus) ;� des variables sur l'assuré, d'autre part :� sa zone de résidence,� sa catégorie socio-professionnelle : la population des conducteurs est, ici, divisée en neufgroupes,

� son sexe,� son âge,� l'ancienneté de son permis de conduire,� ses antécédents en tant que conducteur : son coe�cient de réduction/majoration, ou bonus-malus (cf. paragraphe suivant).

Certaines de ces variables peuvent être retrouvées dans un document qui retrace le passé d'unepersonne en tant qu'assuré : le relevé d'informations. Ce document contient les renseignements sui-vants :

� le ou les conducteurs habituels désignés sur le véhicule assuré,� le nombre, la nature et la part de responsabilité des sinistres enregistrés,� l'identité du conducteur responsable du véhicule assuré, ainsi que son bonus-malus.

Ce relevé couvre une période qui est variable selon les compagnies. En outre, l'assureur est obligé dele délivrer à l'assuré quand il y a résiliation de contrat.

À partir de ces variables, l'assureur peut catégoriser les conducteurs en sous-populations plus ho-mogènes, et, ainsi, calculer un coe�cient de tari�cation qui, multiplié par la valeur du point (id estl'unité de valeur tarifaire en assurance), donne le montant de la prime de base de l'assuré. Par exemple,un bon conducteur, ayant un bonus maximum, et étant le seul conducteur d'un véhicule de plus de6 ans sera minoré (id est béné�ciera d'un coe�cient de tari�cation bas), alors qu'un jeune cas socialde moins de 25 ans, ayant moins de trois ans de permis et conduisant un véhicule de moins de 2 anssera, quant à lui, fortement majoré (son coe�cient de tari�cation pourra parfois atteindre 1, 4).

Les études montrent que, malgré cette sophistication, ils subsiste une grande variabilité de risqueà l'intérieur de chaque catégorie (ce qui justi�e la nécessité d'une tari�cation a posteriori).

Qui plus est, il est montré que deux variables ont un pouvoir explicatif du risque très satisfaisant :� le kilométrage parcouru, qui mesure l'exposition au risque : plus un véhicule roule, plus saprobabilité d'accident est élevée ;

� le nombre d'accidents non responsables : une conduite exagérément craintive peut provoquer desaccidents chez les autres.

Ces paramètres, bien que très révélateurs, ne sont, pourtant, pas pris en compte dans la tari�cationGTA, et, de toutes façons, leur obtention ne pourrait, en l'état actuel des choses, être basée que sur

1Groupement Technique Accidents de l'Association Générale des Sociétés d'Assurance Automobile.

11

Page 12: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

la bonne foi du conducteur, à moins, bien sûr, de trouver un autre moyen, plus objectif, d'obtenir desinformations. . .

Henriet et Rocher [6] insistent, en 1991 déjà, sur la nécessité de nouveaux types de critères, quipermettraient d'améliorer la segmentation, mais se penchent aussi sur la question de leur acceptabilité.En e�et, l'assureur ne peut pas tout demander à son client : les données doivent rester synthétiqueset d'un nombre restreint, et les questions posées doivent être légitimes et commercialement justi�ées,et dès qu'il s'éloigne des critères dits � classiques �, il se heurte à l'opposition des associations deconsommateurs.

La tari�cation a posteriori : le système bonus-malus Basé sur les données déclarées ex post,le système bonus-malus permet de recalculer, régulièrement, la partie de la prime qui dépend de lasinistralité passée déclarée.

Le système a trois objectifs principaux :� a�ner la tari�cation a priori,� inciter l'assuré à la non-prise de risque, puisque la prime augmente en cas de sinistre,� réduire les coûts de gestion, en incitant les assurés à ne pas déclarer les petites sinistres.Il existe deux versions du système :� le changement de classe, où l'assuré peut passer d'une catégorie de risque à une autre, et doncd'une prime de base à une autre, supérieure ou inférieure, en fonction de son taux de sinistralité,

� la multiplication de la prime de base, où le taux de sinistralité est converti en un coe�cient deréduction/majoration multiplié, par la suite, à la prime de base.

Le système français est multiplicateur. Depuis 1984, il fonctionne de la façon suivante :� une année sans sinistre entraîne une diminution de 5% de la prime, qui doit, néanmoins, restersupérieure à 50% de la prime de base ;

� chaque sinistre entraîne une augmentation de 25% de la prime, qui doit, néanmoins, resterinférieure à 350% de la prime de base ;

� il existe une clause de retour rapide, permettant de rabaisser la prime à la prime de base aprèsdeux ans sans sinistres.

La fréquence des sinistres est donc considérée comme l'indicateur du risque de l'assuré.

Les études montrent, pourtant, que cette méthode permet, au mieux, de séparer les très mauvaisrisques des meilleurs, mais non d'obtenir une segmentation plus �ne.

Henriet et Rocher [6] montrent qu'en fait, la prime doit dépendre, non seulement, des sinistrespassés, mais aussi de leur répartition dans le temps, les sinistres récents devant être plus pénalisantsque les anciens : en e�et, on peut imaginer qu'une façon de conduire puisse évoluer, au �l du temps,et qu'un automobiliste puisse avoir eu, à une période donnée, une conduite à risque (respectivementsûre), qu'il aurait perdue au pro�t d'une conduite sûre (respectivement à risque), aux caractéristiquesopposées.

1.1.3 Les acteurs d'un marché fortement concurrentiel

Le marché de l'assurance automobile est relativement concentré. Dix grands groupes se partagentprès de 83% du total des primes (en 1997), et les cinq premiers représentent, à eux seuls, plus de lamoitié du marché de l'assurance automobile du particulier.

Au cours des dix dernières années, l'activité de l'assurance automobile a été caractérisée par uneconcurrence très vive dans toutes les branches, ampli�ée par la diversi�cation des modes de distribu-tion.

Les di�érentes formes juridiques

Les sociétés d'assurance automobile (et, même, d'assurance au sens large) se répartissent en deuxgrandes catégories, juridiquement parlant :

� les sociétés d'assurance anonymes, telles que AXA, les AGF 2 ou Générali, qui fonctionnent selonle même schéma que toutes les sociétés commerciales à capitaux propres,

2Assurances Générales de France.

12

Page 13: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

� les sociétés d'assurance à forme mutuelle, sans capitaux propres, et dont les assurés sont so-ciétaires (à ne surtout pas confondre avec les mutuelles dites � 45 �, qui interviennent dans ledomaine de la protection sociale complémentaire).

Les di�érents modes de distribution

Les modes de distribution des produits de l'assurance automobile se sont diversi�és, depuis unevingtaine d'années, autour de deux fonctionnements opposés : la présence ou l'absence d'intermédiaires.

La distribution avec intermédiaires Les intermédiaires sont les agent généraux et les courtiers.L'agent général, professionnel indépendant, est mandaté par une compagnie pour apporter à celle-

ci des clients, qu'il conseille et dont il gère les contrats. À cet égard, ses actes engagent, normalement,la responsabilité de la compagnie qui l'emploie. Sa rémunération est constituée de commissions, del'ordre de 16% des primes hors taxes en assurance automobile. Mandataire exclusif, il doit apportertout sa clientèle à la compagnie mandante, sauf dans le cas des risques qu'elle ne pratique pas ; il peut,dans ce cas, être mandataire de plusieurs sociétés.

Le courtier, souvent appelé � assureur-conseil �, est un commerçant indépendant mandaté par sesclients pour placer leurs risques aux meilleures conditions, auprès d'une compagnie d'assurance. Ils'adresse donc, en principe, à plusieurs compagnies. Il est propriétaire de son portefeuille et est rému-néré par une commission d'environ 15% sur le montant hors taxe des primes automobiles. À ce titre,il engage sa propre responsabilité lorsqu'il commet une faute dans l'exercice de son mandat.

Au sein des SAI 3, on retrouve aussi bien des sociétés anonymes � classiques � (mais pas toutes),que des mutuelles rattachées professionnellement à la ROAM 4, telles que les groupes MMA 5 ou Azur,qui ressemblent aux sociétés anonymes et sont ouvertes à tous types de clientèle.

La distribution sans intermédiaires Les canaux de distribution sans intermédiaires sont variés :� MSI 6, regroupées professionnellement au sein du GEMA 7, et qui représentent la majeure partiedes SSI 8 ;

� réseaux salariés de sociétés anonymes d'assurance ;� réseaux bancaires (ou bancassurances), tels que Banque Populaire, Crédit Mutuel ou CréditAgricole, qui s'appuient sur leurs agences pour distribuer des produits issus de leur �liale as-surance (Paci�ca pour le Crédit Agricole, par exemple), ou des produits issus d'un partenariatassureur-banquier, dans le cadre d'une �liale commune (comme MAAF et Banque Populaire) ;ces banques sont particulièrement bien placées lorsqu'il s'agit de proposer des produits d'as-surance automobile (ou même d'assurance habitation), qu'elles vendent comme un pack, auxpropriétaires dont elles �nancent déjà les biens, de par la relation client qu'elles entretiennentdéjà et, donc, la légitimité qu'elles ont d'intervenir dans la vie quotidienne du client, d'une part,et le coût marginal que ces produits représentent dans le budget du banquier, d'autre part ;

� vente directe (par téléphone, courrier ou internet), qui réussit à proposer des primes très compé-titives, en attirant les meilleurs risques, par une sélection sur des critères sélectifs et clairementa�chés ;

� grande distribution, tel que Carrefour, précurseur en la matière, qui distribue, depuis 1984,via sa �liale bancaire (S2P), des produits d'assurance du groupe AXA, et qui a créé, en 1991,une �liale assurance (CARMA), en association avec MMA, et développé son o�re produit à unprix compétitif, sous la marque Assurances Carrefour, faisant, ainsi, jouer son image de marqueauprès du grand public ;

� autres canaux, comme les réseaux de constructeurs automobiles, par exemple.Le succès des SSI est tel qu'en une trentaine d'années, elles sont passées d'une représentation de

20% (en 1976) à près de 55% (en 2002) du marché automobile !

3Sociétés Avec Intermédiaires.4Réunion des Organismes d'Assurance Mutuelle.5Mutuelles du Mans Assurances.6Mutuelles Sans Intermédiaires.7Groupement des Entreprises Mutuelles d'Assurance.8Sociétés Sans Intermédiaires.

13

Page 14: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

En outre, il est intéressant de remarquer le fort potentiel (en matière de consommation d'assu-rances) de la clientèle des SSI, composée de � jeunes urbains bien insérés �, de � cols blancs bieninstallés �, d'� âges moyens aisés "cigales" �, de � fonctionnaires d'âge mûr "fourmis" � ou encorede � jeunes couples de la France profonde �, par opposition aux perspectives limitées des clients deSAI, principalement des � seniors modestes �, des � provinciaux d'âge mûr �, des � urbains isolésprécaires � et des � veuves pauvres urbaines �, qui, par leur nom même, re�ètent une situation depauvreté relative.

Le cas des MSI

Les MSI représentent, depuis les années 60, une part du marché français de l'assurance (automobile)qui n'a cessé d'augmenter et qui atteint, à elle seule, les 37% du marché de l'assurance automobiledu particulier. Leur extraordinaire développement s'explique par la standardisation de leurs produits,et l'homogénéité de leurs adhérents (l'un des critères d'adhésion étant, à l'origine, la profession), cequi leur permet de pratiquer des tarifs très adaptés aux caractéristiques de leur portefeuille, qui serapproche, ainsi, du cas � idéal � décrit Section 1.1.2. L'avantage de ces mutuelles est, également, dedisposer d'une structure de coût légère, suivant une démarche industrielle, proposant des produitssimples, et étant dirigée, bien souvent, par des bénévoles (du moins dans les débuts). Henriet etRocher [6] montrent, ainsi, que le développement des mutuelles sur le marché de l'assurance suitquasi-parfaitement le type de risque des assurés.

Les premiers à avoir créé une mutuelle d'assurance automobile sont les agriculteurs avec la CCMA 9

en 1920, puis les fonctionnaires et les enseignants avec la GMF 10 et la MAIF 11 en 1934 ; viennentensuite les artisans avec la MAAF 12 en 1950, et les industriels et commerçants avec la MACIF 13 en1960. Elles ont été créées dans l'ordre croissant des risques. À l'origine toutes destinées à certainesprofessions, certaines d'entre elles, telles que la MACIF et la MAAF, se sont, pourtant, étendues àun public plus généraliste, tandis que d'autres, comme la MAIF et la GMF, restent, tout de même,réservées aux professions concernées.

On a là une illustration de l'intérêt qu'ont les personnes à risques similaires à se regrouper pouréviter de subventionner les hauts risques. Autrement dit, quand une compagnie d'assurance diversi�ebeaucoup son portefeuille, certaines populations ont intérêt à faire sécession et à se regrouper.

Les autres acteurs du marché

Au sein du marché de l'assurance automobile, il ne faut pas oublier certains acteurs, ne vendantpas de produits d'assurance, mais pouvant faire pression sur les compagnies.

Les pouvoirs publics Il s'agit, principalement, de la Direction des Assurances, par laquelle toutesles décisions et contrats doivent passer, ainsi que la Commission Européenne. Cela n'est, cependant,pas spéci�que à l'Union Européenne : en e�et, aux États-Unis, par exemple, les compagnies d'assurancedoivent en référer aux gouvernements des États (et non au gouvernement fédéral), ce qui peut impliquerdi�érentes lois selon les États.

Les constructeurs automobiles Les constructeurs automobiles ont une logique contraire à celledes assureurs : en e�et, ces derniers tentent de minimiser les coûts des réparations, par exemple, paropposition aux constructeurs, qui font le maximum pour défendre la marge de leur réseau. Ainsi, lesassureurs font des expériences dans des ateliers d'essai, a�n de véri�er les temps et coûts réels despièces et de la main d'÷uvre nécessaires à certaines réparations courantes (le changement du pare-choc, par exemple). De leur côté, les constructeurs reprochent souvent aux assureurs de ne pas tenircomptent des e�orts qu'ils entreprennent pour améliorer la sécurité des véhicules qu'ils produisent,e�orts qui entraînent, donc, outre une diminution du nombre de tués sur les routes, une augmentationdes coûts.

9Caisse Centrale de Mutuelle Agricole.10Garantie Mutuelle des Fonctionnaires.11Mutuelle Assurance des Instituteurs de France.12Mutuelle Assurance Artisanale de France. À l'origine, il s'agissait de la MAAAF (Mutuelle d'Assurance Automobile

Artisanale de France), qui a perdu un � A � en élargissant son o�re, en 1960.13Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France.

14

Page 15: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

1.1.4 Le risque automobile et les coûts pour l'assureur

Cette section a pour but de présenter, succinctement, la question du risque automobile et de lasinistralité, du point de vue de l'assureur automobile.

Il convient, tout d'abord, de s'intéresser aux coûts pour l'assureur, présentés dans la balance des�ux de la Figure 1.1. On voit, ici, que les coûts pour l'assureur sont composés, à près de 75%, de la

Fig. 1.1: Balance des principaux �ux.

charge des sinistres. Ainsi, maintenir des prix compétitifs revient à réussir à faire baisser ces coûts, enaméliorant l'anticipation des risques.

Ces sinistres automobiles peuvent être répartis en plusieurs catégories, selon la garantie d'assurancequ'ils font intervenir (les chi�res présentés ci-dessous correspondent au nombre de cas recensés pourl'année 2003) :

� Responsabilité Civile matériels : 1 600 000,� Responsabilité Civile corporels : 167 000,� Incendie - Vol : 450 000,� Bris de glaces : 2 950 000,� Dommages tous accidents : 1 750 000.

On notera que ces nombres de sinistres sont en baisse.Paradoxalement, la répartition de la charge des sinistres, représentée par la Figure 1.2, selon la

garantie qu'ils font intervenir, est toute autre. En e�et, on constate que, bien que le nombre des sinistres

Fig. 1.2: Répartition de la charge des sinistres selon la garantie.

corporels recensés représente 3% du nombre total des sinistres indemnisés, leur coût représente 28%du coût total des sinistres.

De plus, bien que leur nombre diminue, les coûts des sinistres matériels (cf. Figure 1.3) et corporels(cf. Figure 1.4) sont en constante augmentation. Ainsi, à titre d'exemple, le coût moyen d'un blesséavec Incapacité Permanente Partielle est d'environ 18000 euros. . . celui d'une personne à l'état végétatifétant d'environ 2, 3 millions d'euros !

15

Page 16: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

Fig. 1.3: Évolution du coût des réparations automobiles.

Fig. 1.4: Évolution de la valeur moyenne du point d'Incapacité Permanente Partielle.

Ainsi, la charge globale des sinistres ne cesse d'augmenter, malgré la diminution du nombre dessinistres, comme il est résumé à la Figure 1.5. Chaque sinistre coûte donc, en moyenne, de plus en

Fig. 1.5: Évolution de l'assurance automobile.

plus cher !Cette hausse de la charge des sinistres s'accompagne, malheureusement pour l'assureur, d'une

hausse, présentée à la Figure 1.6, de ses autres charges (coûts d'acquisition et d'administration descontrats, frais de gestion, etc.), coûts �xes représentant 30% des cotisations, ainsi que d'une diminution(relativement à l'indice des prix à la consommation) des cotisations, comme le montre la Figure 1.7.

Il s'avère, ainsi, essentiel, pour l'assureur automobile, de tenter, à tout prix, de gagner des partsde marché, a�n de conserver un certain niveau de portefeuille.

16

Page 17: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

Fig. 1.6: Évolution des charges de l'assurance automobile.

Fig. 1.7: Évolution du prix des cotisations d'assurance automobile.

1.1.5 Les problèmes pour l'assureur

Les problèmes rencontrés par l'assureur automobile sont de deux natures :� les problèmes inhérents à tout type d'assurance, d'une part,� les problèmes spéci�ques à l'assurance automobile, d'autre part.

Les problèmes généraux

Le principal problème rencontré par tout assureur est l'existence d'une asymétrie d'informationentre l'assuré et lui.

Mise en évidence par Akerlof [1], cette asymétrie n'est pas spéci�que au monde de l'assurance, maispeut apparaître dans le fonctionnement de tout marché, dès lors qu'il y a incertitude sur la qualitéd'un produit. En e�et, dans ce cas, l'acheteur ne peut déterminer la qualité d'un produit donné : levendeur est le seul à disposer de cette information, mais ne parvient par à en prouver la validité. Ainsi,le vendeur possède un avantage informationnel, et l'acheteur, un désavantage informationnel, d'où leterme d'asymétrie.

Si c'est le type du produit qui est concerné, on parle de � sélection adverse � ; si c'est son évolution,on parle d'� aléa moral �.

L'� adverse selection � 14 A�n de bien comprendre le concept de sélection adverse, il peut êtreintéressant, dans un premier temps, de se placer dans un cas très concret : le marché des véhiculesautomobiles d'occasion. Akerlof [1] remarque que, le propriétaire d'un véhicule étant le seul à connaîtreavec exactitude sa qualité, les véhicules d'occasion de gamme et d'âge équivalents se vendront à unmême prix moyen, qu'ils soient de bonne ou mauvaise qualité, l'acheteur potentiel n'ayant aucun moyende véri�er avec précision. Aussi les propriétaires de véhicule de bonne qualité sont-ils découragés de

14En français : � sélection adverse �.

17

Page 18: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

vendre : ils préfèrent garder leur véhicule, plutôt que de le vendre à un prix, de toutes façons, inférieur àsa véritable valeur, et risquer l'achat d'un nouveau véhicule, dont ils n'ont, à leur tour, aucun moyen devéri�er la qualité, et donc la véritable valeur. Ainsi, ne restent, sur le marché, que les � lemons � 15, dontle prix moyen de vente baisse, forcément. Akerlof va même plus loin, en considérant le problème, nonplus de manière binaire et discrète (où la qualité est soit bonne, soit mauvaise), mais de façon continue,avec les véhicules de bonne qualité chassés du marché par les véhicules de moins bonne qualité, euxmême chassés par les véhicules de qualité moyenne, et ainsi de suite, en terminant la spirale par lesvéhicules de la qualité la plus mauvaise qu'il soit, et dont personne ne voudra, provoquant, ainsi, ladisparition du marché.

C'est exactement ce qui se passe pour l'assurance. Le vendeur est, ici, l'assuré (potentiel) ; l'ache-teur, l'assureur ; le véhicule à vendre, le risque à assurer ; le prix de vente, la soustraction du montantde l'indemnisation éventuelle du risque par le montant des primes versées. Ainsi, le cas de l'assuranceautomobile donne la situation suivante. L'assureur n'a aucun moyen de connaître le véritable risqued'un assuré potentiel appartenant à une certaine population. Il va, alors, �xer un même montantmoyen de prime de base pour tout individu de cette population, basé sur l'estimation du risque glo-bal de la population. Ce montant sous-estimera donc le risque de la partie la plus � à risque � de lapopulation (id est les � mauvais � conducteurs), et sur-estimera celui de la partie la plus � sûre � (idest les � bons � conducteurs). Découragés par un montant de prime trop élevé, les bons conducteursde la population décident, alors, de ne pas s'assurer, et deviennent, ainsi, soit des piétons légaux, soit,ce qui est beaucoup plus grave, des conducteurs illégaux, qui n'auront aucune protection en cas desinistre. Mais ce n'est pas tout. Vu qu'il ne reste, sur le marché, que les � mauvais � conducteurs,l'assureur se trouve face à deux solutions :

� continuer la spirale décrite plus haut en augmentant le montant de la prime de base, ce qui, àson tour, découragera les � moins mauvais � conducteurs, et ainsi de suite, jusqu'à la disparitiondu marché de cette population,

� ne pas augmenter le montant de la prime, a�n de stopper la spirale, mais s'exposer, ainsi, aurisque majeur de ne pas être en mesure de couvrir, �nancièrement parlant, les indemnisationsde la population restante, dont le risque global a augmenté, et donc de faire faillite.

La nécessité de trouver un moyen a�n d'obtenir des informations objectives sur le risque véritabledes conducteurs se fait, ici, très fortement sentir.

Le � moral hazard � 16 Imaginons, dans l'exemple précédent du marché des voitures d'occasion,que, lorsqu'une vente est signée, l'acheteur ne récupère pas tout de suite le véhicule, mais doit patienterune certaine période, durant laquelle le vendeur peut tout à fait continuer à l'utiliser. Le contrat devente étant signé, le montant que touchera le vendeur sera le même, quel que soit l'état dans lequelil livre le véhicule à l'acheteur. Il peut, ainsi, au cours de la période en question, ne pas entretenir levéhicule, le malmener, l'accidenter, en faire une épave, sans subir aucune conséquence.

Il en est de même pour l'assurance : l'assuré peut très bien changer de comportement après lasignature du contrat d'assurance. Le problème est que ce n'est, en général, pas un changement enbien : en e�et, l'assuré se sait couvert, donc, tel le vendeur de véhicule, il peut � en pro�ter �.

On distingue deux types d'aléa moral :� l'aléa moral ex ante, où la probabilité du dégât augmente, du fait de la diminution de l'activitépréventive de l'assuré, qui, se sachant protégé, n'hésite pas à prendre des risques qu'il n'auraitpas pris sinon,

� l'aléa moral ex post, où c'est le niveau de dédommagement qui augmente, du fait de la surcon-sommation de l'activité curative de l'assuré, qui, sachant que l'assureur couvrira ses dépenses,n'hésite pas à surévaluer l'importance du dégât, ajoutant des dépenses qui n'étaient pas néces-saires.

Ici encore, on retrouve le besoin, pour l'assureur, de pouvoir véri�er, de façon objective, le com-portement de l'assuré après la signature du contrat.

On peut remarquer que les systèmes de tari�cation décrits Section 1.1.2 sont un premier palliatif àces problèmes. En e�et, l'assureur tente, d'abord, d'estimer le risque de l'assuré, et de le catégoriser,avant la signature du contrat, grâce au tarif GTA, luttant, ainsi, contre la sélection adverse. Une fois

15Voitures de mauvaise qualité, en argot américain.16En français : � aléa moral �.

18

Page 19: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

le contrat signé, il peut suivre les évolutions de l'assuré grâce aux données sur les sinistres déclarés,luttant, alors, contre l'aléa moral. Le problème majeur reste que les données que l'assureur peutrecueillir ne sont que déclaratives : il y aura remontée d'information en cas de sinistre, bien sûr, maispas dans le cas d'une conduite dangereuse quotidienne qui, par pure chance, n'aura pas engendré desinistre.

L'assureur a, cependant, cherché à pallier à cette subjectivité des données, en instaurant dessystèmes comme la franchise (où on ne dédommage que le montant du dégât qui dépasse un certainmontant �xe), qui lutte contre l'aléa moral ex ante, incitant, ainsi, le conducteur a être plus prudent auquotidien, ou le ticket-modérateur (où on ne dédommage qu'une proportion �xe du dégât), qui luttecontre l'aléa moral ex post, décourageant l'assuré ayant causé un sinistre (donc n'ayant pas eu uneconduite assez prudente) de toute tentative de majoration des dégâts visant à dépasser le montantminimal de la franchise. Toutefois, un conducteur dangereux, ne prenant aucune précaution, maisn'ayant eu, jusqu'à présent, aucun accident responsable, ne sera pas détecté, et béné�ciera ainsi d'unebonne prime avec de bonnes garanties, ce qui est un problème, car, le jour où sa chance tournera, lesfrais seront tous à la charge de l'assureur.

Les problèmes spéci�ques

Aux problèmes inhérents à tout type d'assurance, s'ajoutent des problèmes spéci�ques à l'assuranceautomobile, qui, souvent, découlent des problèmes précédents.

L'un des principaux problèmes de l'assureur est le coût très élevé des gros sinistres, qui a unimpact direct sur les coûts de la compagnie d'assurance. En e�et, ces gros sinistres, bien que peufréquents impliquent, en plus d'une indemnisation exorbitante, une enquête visant la reconstitutiondes faits, et la désignation du ou des responsables (ce qui est loin d'être très évident, 5 à 10% des casrestant totalement incompréhensibles), entraînant, alors, des mois de tractations juridiques entre lescompagnies assurant les di�érentes parties impliquées, tout ceci étant très lourd en frais de gestion,surtout pour un seul assuré ! À titre d'exemple, un seul cas d'accident peut coûter jusqu'à six millionsd'euros. En outre, pour couvrir le coût des cinq plus gros sinistres, il faut l'équivalent de 15 000 primesannuelles d'assurance.

S'ajoutent à cela, paradoxalement, le fait que l'assurance soit obligatoire, et l'augmentation de lasécurité des voitures modernes. En e�et, le conducteur, assuré par sa compagnie, et rassuré par toutela technologie mise en place dans son véhicule pour le protéger, n'hésite plus à courir de gros risquesqu'il n'aurait jamais pris sinon, ceux-ci pouvant entraîner un grave accident, dont il se sortira vivant,grâce aux dispositifs de sécurité de sa voiture, mais, peut-être, très gravement blessé, voire paralyséà vie, ce qui donnera lieu à des coûts très importants pour l'assureur (cf. Section 1.1.4). Ainsi, tandisque, depuis 2000, le nombre des cotisations d'assurance automobile a augmenté de 3 à 6% par an, lescoûts des sinistres engageant des dommages corporels ont augmenté, en moyenne, de 4% par année.

Un autre problème majeur, pour l'assureur automobile, est le vol de véhicule. Non-priorité desforces de l'ordre, béné�ce pour les constructeurs (qui produisent plus), ce risque, s'élevant, chaqueannée, à 400 000 véhicules (o�cieusement), est très lourd à supporter pour les assureurs qui sont,dans 99% des cas, obligés de payer. D'un au côté, la sophistication des dispositifs technologiques, ence qui concerne les systèmes anti-vols, crée, cette fois, un autre problème. En e�et, la quasi-inviolabilitéde ces systèmes conduit à une augmentation de la violence avec le � car jacking � 17, qui, en plus ducoût élevé du remboursement du véhicule (dans ces cas-là, haut de gamme), peut impliquer des coûtsthérapeutiques liés à d'éventuels dommages corporels, voire psychiques (dus au choc de l'agression).

Un autre problème est, comme il est exposé plus haut, la di�culté à assurer les populations � àrisque �. Parmi les populations les plus � à risque �, on retrouve, principalement, les jeunes et lesvieux. En ce qui concerne les jeunes, et notamment les jeunes de 18 à 21 ans ayant moins de deux ansde permis, impliqués dans neuf des dix accidents corporels les plus graves, le processus de sélectionadverse décrit plus haut fait qu'ils peuvent se voir in�igées des surprimes � jeunes conducteurs �, voiremême n'être acceptés que chez les assureurs qui assurent déjà leurs parents. En e�et, s'il fallait lesassurer au coût réel du risque, il faudrait multiplier la prime d'assurance par 7. Ainsi, les jeunes sontpénalisés, d'une part, et déresponsabilisés, d'autre part, ce qui peut être, d'un côté, une bonne chose,au niveau marketing, pour ces assureurs, qui �délisent, ainsi, les parents (qui paient), mais, de l'autre,une mauvaise chose pour les autres assureurs, qui perdent, alors, l'occasion de gagner des parts sur le

17Prise de possession du véhicule par la force, par analogie au hijacking (dans les airs).

19

Page 20: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

marché de demain.

Une fois encore, on voit que certains de ces problèmes pourraient être résolus grâce à une connais-sance accrue des comportements routiers, et à la disposition d'informations �ables, objectives, voire� temps-réel �, sur les conducteurs et leur véhicule.

1.2 Le groupe Covéa

1.2.1 Présentation et fonctionnement

La SGAM 18 Covéa a été créé, en 2003, par les six entités constitutives des groupes MAAF (MAAFAssurances, MAAF Santé, Force et Santé), d'une part, et MMA (MMA IARD 19, MMA Vie, DAS 20),d'autre part.

MAAF Assurances, MAAF Santé et Force et Santé sont les trois principales entités composant legroupe MAAF. MAAF Assurances est une société d'assurance mutuelle contrôlant un pôle de plusieurs�liales présentes, essentiellement, dans le domaine de l'assurance dommages et de l'assurance-vie.MAAF Santé et Force et Santé sont, respectivement, une mutuelle et une union mutualiste, toutesdeux dédiées à la santé et à la prévoyance. Le groupe MAAF a réalisé, en 2002, un chi�re d'a�airestotal consolidé de 2, 4 milliards d'euros, exclusivement en France.

MMA IARD, MMA Vie et DAS sont les trois sociétés d'assurance mutuelle composant le groupeMMA. Chacune de ces sociétés est à la tête d'un pôle de plusieurs �liales. Les pôles MMA IARD, MMAVie et DAS interviennent, principalement et respectivement, dans les domaines de l'assurance dom-mages IARD, de l'assurance vie et de la capitalisation, et de la protection juridique. Le groupe MMAa réalisé, en 2002, un chi�re d'a�aires total consolidé de 4, 2 milliards d'euros, quasi exclusivementdans l'Union Européenne, et dont 3, 8 milliards d'euros en France.

La création de Covéa est le prolongement des liens étroits tissés entre MAAF et MMA, tous deuxprésidés, depuis 1998, par la même personne : Jean-Claude Seys. En e�et, les deux groupes ont, aucours des dernières années, mis en place plusieurs �liales communes de plein exercice, notamment dansles domaines de l'assurance de �otte de véhicules d'entreprise (Covéa Fleet) et du courtage (CovéaRisks).

Covéa est administré par un conseil d'administration composé de membres désignés par une assem-blée générale et présidé par Jean-Claude Seys, aidé de cinq présidents délégués. L'assemblée généraleaccorde une part égale des droits de vote à MAAF et MMA.

Obéissant à une logique de groupe, Covéa présente, en matière �nancière, une responsabilité soli-daire entre MAAF et MMA, qui relèvent d'une unité économique commune, et dé�nit et coordonnela stratégie du groupe.

Le groupe ainsi constitué rassemble 1 200 agents généraux MMA, 500 agents salariés MAAF, ainsique des courtiers.

1.2.2 Positionnement et stratégie

La problématique d'un marché ultra-concurrentiel

Comme il a été exposé plus haut, le marché de l'assurance automobile est fortement concurrentiel,tant au niveau de l'o�re que de la distribution. On observe, en e�et, la forte pression des banques etde la grande distribution, le développement de la vente à distance, la concentration du secteur avecla création de partenariats, etc. Il est même probable de voir, dans un avenir proche, arriver, sur lemarché français, des groupes étrangers.

Par ailleurs, les banques et la grande distribution disposent d'importants moyens �nanciers, d'ex-cellents réseaux de distribution, et d'un avantage indéniable sur les compagnies d'assurance classiques,de par la fréquence des contacts qu'ils ont avec les consommateurs. Ce sont donc des concurrents par-ticulièrement dangereux.

18Société de Groupe d'Assurance Mutuelle.19Incendies, Accidents et Risques Divers.20Défense Automobile et Sportive.

20

Page 21: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

Dans ce contexte, le groupe Covéa est placé parmi les premiers du marché, avec, environ, cinqmillions de véhicules assurés. La problématique à laquelle il est confronté est donc assez classique :comment faire face à cette concurrence, et garder sa place sur le marché, voire, même, gagner desparts de marché ?

Dans cette situation de banalisation de l'o�re et de baisse des prix, une logique de guerre des prixn'est pas acceptable pour le groupe, car elle peut, à terme, en menacer la rentabilité. Dans ce cadre,Covéa a donc préféré choisir une stratégie di�érentiation, a�n de passer d'un marché de masse à unmarché de niches.

Les axes stratégiques du groupe

Innovation Pour apporter des solutions concrètes, et pas seulement �nancières, aux attentes de sesclients, le groupe MAAF-MMA va à leur rencontre a�n de comprendre leurs besoins, et devient unassembleur de produits et de services, l'objectif étant de créer de la valeur (et non de brader celle quiexiste déjà), tout en se di�érenciant.

Depuis sa création, le groupe conçoit ses o�res comme des réponses audacieuses à l'évolution desmodes de vie, en s'attachant, non seulement, à l'assurance des biens, mais aussi au client et à sa façonde vivre, a�n de lui fournir la solution la plus compétitive et la plus adaptée possible. Ainsi, on peutciter, à titre d'exemple, la nouvelle o�re automobile MAAF Assurances, qui assure le conducteur etses proches aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du véhicule, selon leur mode de vie, avec un � PackAuto � aux avantages � à la carte �, ou encore les � Séries Spéciales � de chez MMA, qui sont deso�res � tout en un � qui protègent la mobilité et le budget des clients concernés, en fonction du pro�lde la relation qu'ils ont avec leur véhicule.

Cette innovation de produits et de services côté client s'accompagne, en interne, d'initiatives vi-sant à stimuler la créativité de l'entreprise a�n d'anticiper, d'innover et d'améliorer ses performances.Une cellule de veille stratégique a, par exemple, été mise en place au sein des directions marketinget informatique, a�n d'identi�er des tendances (sociologiques, technologiques, managériales, etc.) etd'étudier les nouvelles technologies et les moyens de �uidi�er l'information, en multipliant les applica-tions pilotes, que cela concerne la télévision interne, les technologies CTI 21 et SVI 22, la GED 23, ouencore la mobilité (avec le Wi-Fi, le GPRS 24, etc.).

Dans cette optique, le groupe place donc les nouvelles technologies au service de la connaissance dela société et de ses besoins, et au c÷ur de la création de produits performants, adaptés et innovants.

En outre, le groupe a reçu, en 2004, le Grand Prix des Trophées Entreprises et Sociétés de l'In-formation du Monde de l'Informatique, pour la réussite d'un projet mettant à pro�t les ouverturestechnologiques au service de la stratégie d'entreprise.

Expertise Une expertise reconnue ne su�sant, aujourd'hui, plus, la di�érentiation passe aussi parl'excellence du service, que l'on veut toujours plus simple, toujours plus ciblé, toujours plus riche, ettoujours moins cher.

À cette �n, le groupe a créé, en 2002, la plus importante organisation centralisée de gestion dessinistres en France : AIS 25, dont le but est de réaliser, avec les onze partenaires du groupe, deséconomies d'échelle, mais aussi de renouveler l'approche du métier d'expertise. L'objectif est de limiterles coûts et d'assurer la continuité de la prise en charge, en passant, ainsi, d'un simple service après-vente, à un service à valeur ajoutée. Cela est passé par la création d'un plateau d'expertise automobileet l'expérimentation du principe d'� interlocuteur unique �, qui o�re au client, sur un simple coup de�l, une réponse à la fois globale et ciblée, en assistance, indemnisation et services.

À ce titre, le groupe a reçu, toujours en 2004, l'Argus d'or de l'innovation pour sa gestion dessinistres par AIS.

Proximité La qualité de la relation clientèle conditionnant la pérennité d'un portefeuille, l'organi-sation du groupe est orientée vers l'enrichissement et l'exploitation des échanges avec le client, a�n demieux le connaître, pour répondre plus vite et mieux à ses attentes, le but �nal étant sa �délisation.

21Couplage Téléphonie-Informatique.22Serveurs Vocaux Interactifs.23Gestion Électronique de Documents.24Global Packet Radio Service.25Assistance Indemnisations Services.

21

Page 22: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

Outre la proximité des agences traditionnelles, les modes de relation du groupe sont diversi�és,sur des registres et auprès de publics di�érents, grâce à l'introduction des nouvelles technologies.Précurseur en matière d'internet et de devis en ligne, le groupe �uidi�e et �abilise le partage del'information, et en automatise le traitement, par le développement de la GED, favorisant, ainsi, laréactivité et l'objectivité des réponses.

La proximité avec le client est aussi atteinte de façon psychologique, grâce à l'image jeune, dyna-mique et décontractée de MAAF et MMA, notamment grâce à l'impact de leurs campagnes publici-taires. En e�et, en mettant en scène des personnalités proches du public visé, comme Stéphane Bern,Geneviève de Fontenay et Miss France, le tout sous la direction du réalisateur Alain Corneau, ainsique les dessins du Chat de Philippe Geluck, sans parler, bien entendu, du célèbre slogan � zéro Tracas,zéro Blabla � (pour MMA), ou en recréant l'univers de la série télévisée Palace, de Jean-Michel Ribes(pour MAAF Assurances), les deux mutuelles cumulent pas moins de 50% du souvenir publicitairedes Français !

Cette forte communication, en vue de changer son image, a, en outre, permis à MAAF de gagner120 000 clients, au niveau assurance automobile (qui est sa principale activité), depuis début 2005.

Éthique Depuis sa création, le groupe cultive une culture de l'engagement, qui repose sur sa volontéd'être un acteur de la vie sociale et sur son sens des responsabilités.

À ce titre, la prévention routière est une de ses priorités. Par exemple, l'association MAAF Préven-tion et Sécurité développe ses outils et ses formations, et mène plus de 300 actions pédagogiques paran, auprès du grand public, des seniors, et surtout des jeunes, notamment par l'opération Vigicarottemenée dans les discothèques.

La réinsertion sociale et professionnelle des victimes de la route fait, également, partie des convic-tions du groupe, au travers de sa fondation pour � revivre ensemble �.

Coopérations � Se rassembler sans se ressembler � : telle est la philosophie du groupe, qui a choisi,pour se développer, de privilégier la voie de la coopération à celle des acquisitions.

Ainsi, grâce à un rapprochement récent (un simple accord, et non une fusion juridique) avec Azur-GMF (présidence commune depuis le 11 juin 2005), Jean-Claude Seys, dorénavant à la tête d'unensemble de près de 11 milliards d'euros de chi�re d'a�aires, a pour objectif réaliste de constituer,pour le 1er juillet 2006, au plus tard, un groupe d'assurances qui sera le leader reconnu du marchéfrançais de l'assurance automobile et habitation des particuliers.

Pour résumer, la ligne stratégique du groupe Covéa est de faire la di�érence par les services, grâceaux nouvelles technologies et à la connaissance du client, tout en restant �dèle à son éthique.

1.3 La télématique : un enjeu stratégique pour Covéa ?

1.3.1 Apports de la télématique pour l'assureur : les premières pistes

La Section 1.1.5 fait clairement état d'un des problèmes centraux de l'assureur automobile : leproblème d'asymétrie de l'information entre l'assuré et lui, qui fait apparaître la non-�abilité desinformations dont il dispose sur l'assuré et son véhicule. En e�et, dans la logique actuelle, il arriveque ce dernier puisse déclarer ce qu'il a envie de déclarer, et déformer ce qu'il veut déformer. Parfois,même, ce n'est pas de façon consciente.

Imaginons, maintenant, qu'il soit possible, par un moyen technique quelconque, de communiquerdirectement, et sans limites, avec un véhicule automobile, sans passer par l'intermédiaire du conduc-teur. Imaginons que l'assureur dispose de ce moyen technique, et que le véhicule de l'assuré en soitéquipé. Ceci permettrait de résoudre le problème d'asymétrie d'information, l'assureur n'ayant plusqu'à piocher dans la base de données du véhicule a�n d'obtenir les informations dont il a besoin.

Ce moyen technique existe, du moins en partie. Il s'appelle : télématique automobile.

Littéralement, le mot � télématique � signi�e � informatique à distance �. Par dé�nition, c'est unterme qui recouvre l'ensemble des applications associant les télécommunications et l'informatique.

Concernant, plus spéci�quement, la télématique automobile, c'est le fruit de l'union de l'automo-bile avec la télécommunication : il s'agit de l'ensemble des services nécessitant une communication

22

Page 23: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

d'informations entre un véhicule et une autre entité, pouvant être le conducteur ou un passager, unautre véhicule, une infrastructure routière, un centre d'appel, la base de données d'un assureur, quisait. . .

Suivants les usages envisagés, la télématique automobile peut prendre di�érentes formes, tellesqu'un système embarqué dans le véhicule, disposant d'un écran ou non, directement installé par leconstructeur ou ajouté par la suite tel un auto-radio, ou bien un PDA 26, ou encore un simple télé-phone portable, relié au véhicule par un kit adaptateur.

Les utilisations possibles de la télématique sont multiples. Elle pourrait, par exemple, permettre :� des services de dépannage et d'aide d'urgence :� gestion à distance d'accidents ou d'alertes, grâce à l'émission automatique d'un appel d'urgenceaux services de secours,

� service localisé de dépannage, suite à une demande depuis le véhicule ;� des moyens d'action à distance :� géo-localisation d'un véhicule volé, grâce à la technologie GPS 27,� contrôle et maintenance à distance du véhicule ;

� une aide à la mobilité :� collecte d'informations sur l'environnement (météo, embouteillages, etc.),� navigation et pilotage vers des points d'intérêt (adresse d'hôtel, parking, lieu touristique, etc.) ;

� la communication avec l'extérieur (téléphonie, visio-conférence, messagerie électronique, etc.) ;� des loisirs :� téléchargement de �chiers multimedia (musique, vidéo, etc.),� fourniture de services pratiques ou ludiques adaptés au contexte et au goût des passagers(l'� infotainment �) ;

� la mise en place d'une base de données, basée sur la collecte d'informations sur la façon deconduire ;

� etc.On peut, tout de suite, remarquer que certaines des ces applications pourraient, très bien, être uti-

lisées par l'assureur, notamment en ce qui concerne la gestion d'accidents, la localisation de véhiculevolé ou la collecte d'informations sur la conduite.

Tâchons de voir en quoi l'introduction de la télématique pourrait changer la donne et être unesolution aux problèmes de l'assureur automobile, exposés Section 1.1.5.

Théoriquement parlant, tout d'abord, l'apparition de la télématique bouleverse la relation assureur-assuré. En e�et, avec le bon dispositif, qu'il installerait dans le véhicule assuré, l'assureur pourraitrécupérer des données �ables, précises et objectives sur le véhicule et connaître, quasiment en tempsréel, le comportement de l'assuré, éliminant, ainsi, toute possibilité d'asymétrie d'informations aprèssignature du contrat d'assurance, c'est-à-dire permettant la disparition de l'aléa moral. Il pourrait,ainsi, déterminer des paramètres plus élaborés pour sa tari�cation, a�ner la segmentation de la popu-lation, accélérer le processus d'a�nage des tarifs, véri�er le respect de certaines clauses du contrat, etc.

Ensuite, la possibilité, en cas d'accidents, d'émettre un appel d'urgence a�n de transmettre laposition et l'état du véhicule aux services de secours pourrait être crucial pour la vie des victimes, quine tient, parfois, qu'à la rapidité d'intervention des secouristes. Outre le point de vue éthique sur lavie des conducteurs et passagers, l'assureur trouverait un intérêt certain à cette application : garderses clients en vie, c'est conserver sa clientèle, d'une part, et leur éviter le handicap à vie, est, pourl'assureur, une baisse considérable sur les coûts d'indemnisation.

Un autre problème rencontré par l'assureur concerne le vol de véhicules. Un dispositif de traçabilitédu véhicule permettrait de pouvoir le récupérer, sans trop de délai, et donc de dommages, évitant,ainsi, à l'assureur d'en payer le remboursement.

En�n, la télématique pourrait être, pour l'assureur automobile, un atout marketing original :l'image d'une assurance vivant avec son temps, utilisant les technologies de demain pour les mettreau service des clients d'aujourd'hui, tout en gardant les valeurs d'hier. . .

26Personal Digital Assistant.27Global Positioning System.

23

Page 24: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 1. TÉLÉMATIQUE ET ASSURANCE AUTOMOBILE : LES ENJEUX. . .

1.3.2 Création d'un cadre juridique approprié : Covéa Technologies

Comme présenté à la Section 1.2.2, la veille stratégique et la ré�exion prospective revêtent, pourCovéa, une importance stratégique capitale. Il n'est donc que très peu surprenant que le groupes'intéresse à la question de la télématique automobile.

Pour ce faire, Covéa a pris la décision de créer une structure juridique dédiée de type SAS 28, pourles trois raisons suivantes :

� sur le plan strict du droit, une mutuelle d'assurance n'a pas, dans son objet social, la possibilitéde commercialiser des services télématiques ; une structure juridique ad hoc était donc nécessaire ;

� sur le plan de la mutualisation des dépenses avec des tiers partenaires, la forme juridique enSAS rend la structure plus crédible et plus pérenne qu'une simple société en participation ;

� sur le plan de la gouvernance de projet, un cantonnement des dépenses, ainsi que la possibilitéde mesurer les résultats, sont une bonne chose.

A, ainsi, été créée, début 2005, au sein du groupe, une structure de SAS, Covéa Technologies,réunissant les spécialistes des nouvelles technologies de MMA et MAAF Assurances, a�n de favoriserla cohérence de leurs développements dans les di�érents métiers, en proposant de nouvelles solutionsaux équipes des marchés. Son objectif est donc de favoriser, grâce à la technologie, la création denouvelles o�res, qui permettront aux sociétés partenaires actuelles et futures de Covéa SGAM degagner des parts de marché en se di�érenciant par de nouvelles segmentations des clients, de nouvellesgaranties d'assurance et de nouveaux services.

La SAS a pour rôle de rechercher, d'analyser et de quali�er les technologies, de dé�nir des concepts,de sélectionner les fournisseurs et les partenaires, d'assister la mise en ÷uvre et de commercialiser toustypes de services à base de technologies.

1.3.3 Vers une méthodologie d'exploration. . .

C'est dans le cadre de l'étude de l'impact des nouvelles technologies, et, en particulier, de latélématique automobile, sur le monde de l'assurance automobile, que Covéa Tech' 29 a mis en placeun pilote, a�n de voir en quoi la collecte d'informations, sur un ensemble de véhicules automobiles,peut in�uencer la logique de l'assurance.

La question est de savoir comment la remontée d'informations, telles que la vitesse, l'accélérométrieou la position GPS, à l'aide, par exemple, d'un boîtier installé dans le véhicule des assurés, pourrait êtremobilisée dans la stratégie d'un assureur automobile, et l'aider à mieux comprendre les comportementsroutiers et les raisons d'accidents, a�n de mieux segmenter sa clientèle, de réduire ses coûts, et depouvoir proposer de nouvelles o�res, mieux adaptées et plus innovantes.

Aussi le Chapitre 2 présente-t-il une méthode d'exploration des di�érents champs mis en friche parl'introduction de la télématique dans le monde de l'assurance automobile.

28Société par Actions Simpli�ée.29Covéa Technologies.

24

Page 25: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Chapitre 2

Méthodologie d'exploration

2.1 Introduction de la méthodologie

Ce chapitre a pour but d'étudier la méthodologie d'exploration de la question posée par l'intro-duction de la télématique automobile dans la logique de l'assureur.

Comme expliqué à la Section 1.3.3, la question est de voir en quoi la remontée de données depuisun ensemble de véhicules automobiles peut aider l'assureur dans la segmentation de sa clientèle et laréduction de ses coûts.

Il a été expliqué, dans la Section 1.1.4, que les coûts, pour un assureur automobile, sont dus, enmajeure partie, aux coûts des sinistres. On peut donc penser qu'une connaissance sur les phénomènesde production des sinistres pourrait l'aider à mieux les anticiper. Le but est donc de voir en quoi lesdonnées remontées via la télématique pourraient être reliées à cette connaissance sur l'accidentologie.

Jusqu'à présent, les données sur l'accidentologie ne peuvent être reliées qu'aux données � tradi-tionnelles � (décrites Section 1.1.2) dont dispose l'assureur automobile. On se retrouve donc dans unereprésentation du type :

Coûts del'assureur

oo //oo // Accidents oo //Caractéristiques� tradition-nelles � duconducteur

Donnéesobservées viala télématique

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _�

�_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _?

A�n d'e�ectuer la liaison, on introduit la notion de pro�l de conduite, que l'on dé�nit, pour l'instant,comme la façon de conduire du conducteur. Il est raisonnable de penser que ce pro�l de conduite, s'ilexiste, pourrait être relié aux caractéristiques � traditionnelles � du conducteur , d'une part, et auxdonnées observées via la télématique, d'autre part.

On se retrouverait donc dans la représentation suivante, montrant bien la possibilité de faire lelien entre les données observées et les prévisions en terme de coûts pour l'assureur :

Coûts del'assureur

oo //OO

�������

//______

oo //OO

�������

//______

Accidents oo //Caractéristiques� tradition-nelles � duconducteurOO

oo

OO

ooPro�l deconduite

OO

��Données

observées viala télématique

Le but est, alors, d'explorer, à la fois, les di�érents blocs, et les relations entre eux, a�n de répondre,si possible, aux questions suivantes :

� Existe-t-il des pro�ls de conduite ?

25

Page 26: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

� Si oui, sont-ils liés aux caractéristiques traditionnellement observées dans l'assurance ?� La télématique permet-elle de détecter ces caractéristiques ?� Quels sont les liens entre les pro�ls de conduite et les causes d'accidents ?� Comment varient les pro�ls de conduite selon les populations de conducteurs ?� Pour un conducteur donné, comment évolue le pro�l de conduite ?� La connaissance des pro�ls de conduite permet-elle de prévoir l'occurrence des accidents ?� Si oui, peut-on mettre en place des dispositifs permettant d'en diminuer le nombre et la gravité ?� Ces dispositifs peuvent-ils permettre la dé�nition de nouvelles o�res d'assurance automobile ?� Etc.Les blocs sur les coûts de l'assureur et les caractéristiques � traditionnelles � du conducteur ayant

déjà été abordés, respectivement, Section 1.1.4 et Section 1.1.2, on se penchera, en priorité, sur l'acci-dentologie et la notion de pro�l de conduite, d'une part, et sur ce que l'on pourrait tirer des donnéescollectées par la télématique, d'autre part.

Ainsi, ce chapitre étudie, en premier lieu, le domaine de l'accidentologie en utilisant les recherchesexistantes sur le risque routier, la production d'accidents, les pro�ls de conduite, etc. Sont, ensuite,présentés les modes opératoires possibles de la collecte de données par l'assureur automobile, via latélématique, ainsi que ses usages possibles et ses limites. En�n, le chapitre conclut par une ré�exionsur les concepts de produits envisageables par l'assureur automobile.

La question de savoir ce que l'on peut tirer des données collectées par la télématique est étudiée,dans le Chapitre 3, par une méthode de caractérisation expérimentale des comportements de conduitepar la télématique.

2.2 Recherches sur l'accidentologie

Cette section présente une recherche bibliographique, qui part d'une ré�exion macroscopique surle risque routier, puis l'a�ne en introduisant la notion de scénarios-types d'accidents. On considère,ensuite, la façon dont pourraient être reliés ces accidents aux di�érentes catégories de la population.En�n, une segmentation de la population en plusieurs comportements de conducteurs est envisagée.

2.2.1 Modélisation économétrique du risque routier

Approche macroscopique par le modèle TAG 1

Le modèle TAG [7] est un modèle économétrique sur séries chronologiques, qui vise à prédire, àcourt et moyen terme, l'évolution du risque routier collectif.

Le modèle distingue quatre dimensions hiérarchisées du risque routier :� l'exposition,� le comportement,� les accidents,� la gravité des accidents.L'exposition est basée sur le kilométrage parcouru par an. En e�et, il est vraisemblable que plus un

véhicule roule, plus la probabilité qu'il ait un accident est élevée. Cette exposition varie selon plusieursdimensions :

� le �l des années : depuis 1957, le kilométrage annuel a connu une très forte augmentation ;� la répartition dans une année : le kilométrage mensuel connaît de très fortes variations tout aulong de l'année, avec des pics en juillet-août (on retrouve, ici, la haute fréquence des accidentsde départ et retour des grandes vacances) ;

� le type de route : le risque engendré par un kilomètre parcouru sur autoroute n'est pas le mêmeque celui engendré par un kilomètre sur nationale ou route de campagne.

Le risque lié au comportement est évalué par la vitesse moyenne. L'évolution de la vitesse moyenneest très irrégulière, depuis 1974, mais a une tendance à la hausse, ralentie, néanmoins, par les nouvelleslois en vigueur.

1Tra�c - Accident - Gravité.

26

Page 27: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Les accidents sont divisés en deux catégories : les accidents corporels non-mortels et les accidentscorporels mortels, dont le nombre, après un pic en 1973, est à la baisse.

La gravité des accidents est répartie en trois niveaux : légère (blessés légers), lourde (blessés graves)et mortelle (au moins un mort).

À partir de là, le système routier est modélisé comme décrit par la Figure 2.1.

Fig. 2.1: Modélisation du système routier grâce au modèle TAG.

L'intérêt du système est qu'il montre la diversité des facteurs expliquant la sécurité routière, enprenant en compte de nombreuses variables explicatives :

� l'exposition au risque,� les caractéristiques des véhicules,� les caractéristiques des usagers de la route : proportion des 18-25 ans par rapport à la populationadulte,

� les variables de comportement : vitesse moyenne estimée, taux de port de la ceinture de sécurité,consommation de vin,

� les réseaux (types de routes),� les prix,� le chômage,� les motifs de déplacement des personnes,� les motifs de déplacement des marchandises,� les principales lois sur la sécurité routière,� les variables climatiques,� les variables de temporalité,

qu'il s'agit, ensuite, de relier, systématiquement, à leur impact sur chacune des quatre dimensions durisque routier.

Néanmoins, ce modèle est limité du point de vue de la problématique étudiée. En e�et, il intègrebeaucoup de variables très macroscopiques, comme l'activité économique ou le prix de l'essence, maiscomporte peu de choses sur la segmentation de la population (la seule caractéristique de l'usagerest son âge, réduit à la seule distinction � plus ou moins de 25 ans �) et sur le comportement duconducteur (seule la variable � vitesse moyenne � pourrait être rapprochée des variables collectées viala télématique).

Accidents de la route et distance au domicile

Une étude menée dans la capitale bruxelloise [15] analyse les liens existants entre les accidents etla distance au domicile situé en zone urbaine.

On distingue, ici, deux types de milieux :� urbain : bâti, et dont la vitesse est limitée à 50 km/h exclusivement ;� non-urbain : bâti ou non, ayant une densité de population plus faible et présentant des change-ments de limitations de vitesse.

27

Page 28: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

On sait, par ailleurs, que 85% des déplacements domicile-travail et 95% des déplacements scolairesont moins de 10 km.

L'étude montre, alors, que la distance au domicile joue un rôle déterminant dans la probabilitéd'accident :

� la majorité des accidents (86, 5%) se situe à moins de 10 km du domicile ; il sont, très majori-tairement, de faible gravité : ce sont surtout des accidents matériels, à vitesse réduite ;

� l'élargissement de la couronne à un rayon de 15 km (comprenant, ainsi, le lieu de travail de 97%des Bruxellois) se traduit par une augmentation signi�cative de la probabilité cumulée d'accident,qui passe de 86, 5% à 95% ; les accidents, dans cette zone, sont beaucoup plus graves : le passaged'une région urbaine à une région non-urbaine semble être un facteur très aggravant ;

� au-delà de 30 km, la probabilité d'accident n'augmente plus que très progressivement.On peut donc conclure que :� plus on s'éloigne du domicile, plus la probabilité d'accident augmente, et plus cet accident estgrave ;

� deux variables agissent :� la distance au domicile,� le type d'environnement dans lequel s'inscrit l'accident : plus le milieu est hétérogène (mixteurbain/non-urbain), plus la probabilité d'accident augmente, et plus cet accident est grave.

Cette étude met donc en scène la localisation géographique de la conduite, ce qui pourrait, dansla problématique de la télématique, être rapproché, par exemple, d'une donnée GPS envoyée par levéhicule.

2.2.2 Scénarios-types d'accident

D'après ce qui précède, le risque d'accident semble pouvoir être expliqué par un ensemble defacteurs plus ou moins macroscopiques, ainsi que par des di�érences de milieux géographiques etde types de routes. Doit donc être étudiée, maintenant, la raison de l'occurrence d'un accident, et lephénomène qui le produit. En e�et, on peut se demander pourquoi telle situation entraîne un accident,alors qu'une autre, similaire, en apparence, n'en entraîne pas.

Dans une étude détaillée de 392 accidents survenus dans la région de Salon-de-Provence, Van Els-lande [16, 17] montre que les accidents résultent de l'interaction entre les di�érents éléments du systèmesuivant :

Homme66

vvnnnnnnnnnnnn hh

((PPPPPPPPPPPPActivité deconduite

����Environnement oo // Véhicule Résultante

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _�����

�����

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Défaillance

fonctionnelle//

où :� l'� Homme � fait référence à l'expérience, à la motivation, à l'intention, à l'émotion, à l'attention,à la vigilance, etc. du conducteur ;

� le � Véhicule � désigne l'ensemble des paramètres du véhicule pouvant intervenir : les pneuma-tiques, le freinage, la direction, les amortisseurs, etc. ;

� l'� Environnement � est tout ce qui est extérieur au couple {Homme, Véhicule}, à savoir lavisibilité, la saillance d'un virage, la lisibilité de la signalisation, la complexité d'une intersec-tion, etc. ;

l'ensemble aboutissant à la production d'une défaillance fonctionnelle, et où :� l'� Activité de Conduite � est l'ensemble des fonctions et opérations engagées dans la conduitelors de l'apparition d'une défaillance fonctionnelle, id est la perception qu'a le conducteur de lasituation, sa connaissance de la conduite et des règles de sécurité, et sa capacité de réaction etd'exécution d'une man÷uvre d'urgence ;

� la � Résultante � est la somme de tous ces paramètres, par rapport à la défaillance survenue, etle degré d'ajustement de la conduite à la situation, le résultat étant assez binaire : la réalisation,ou non, d'un accident.

A�n, d'a�ner le processus, Van Elslande découpe la phase de pré-accident en di�érentes situations,qui se succèdent :

Situationd'origine

//// Situationde conduite

//// Situationd'accident

// // Situationd'urgence

//// Situationde choc

28

Page 29: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

où :� la � Situation d'origine � désigne les conditions du déplacement, tels que le motif du trajet, lechoix de l'itinéraire, etc. ;

� la � Situation de conduite � est le comportement en approche du lieu du futur accident : c'estla situation de conduite � normale et stable � ;

� la � Situation d'accident � est le moment où une rupture se produit : la défaillance en question ;� la � Situation d'urgence � est la période où le conducteur tente de revenir à la normale, enengageant une man÷uvre d'urgence ;

� la � Situation de choc � désigne la nature et la con�guration du choc.En�n, Van Elslande distingue di�érents modes de défaillances :� défaillance de perception (33, 4% des cas) liée à l'environnement (éclairage, gène à la visibi-lité, etc.) ou au sujet (âge, conduite automatique, impatience, consommation d'alcool, etc.), àsa focalisation sur un aspect de la situation, etc. ;

� défaillance de diagnostic (22, 7% des cas) : problème d'évaluation ou de compréhension de lasituation (di�culté d'un virage, perte d'adhérence, comportement d'autrui, site, impatience,alcool, inexpérience, âge, etc.) ;

� défaillance de pronostic (17, 1% des cas) : mauvaise anticipation du comportement des autresusagers (arrêt, non-démarrage, sur-expérience, alcool, distraction, etc.) ;

� défaillance de la décision d'engagement d'action (10, 2% des cas) : violation contrainte (liéeau site), intentionnelle (52, 5% des cas, avec conduite à risque type dépassement limite) ouinvolontaire (� l'erreur �, comme le changement brutal de direction, suite à l'injonction d'unpassager) des règles de sécurité ;

� défaillance de l'exécution de l'action (6, 1% des cas) : perte de contrôle du véhicule, souvent enligne droite, liée à une perturbation externe ou à l'usager (distraction, alcool, vitesse, etc.) ;

� défaillance globale (10, 5% des cas) liée au conducteur (alcool, âge, assoupissement, man÷uvreaberrante telle que la prise de l'autoroute à contresens, etc.), ampli�ée, parfois, par l'environne-ment.

Van Elslande conclut que, dans 90% des cas, il y a intervention d'une erreur humaine, mais que lescas où celle-ci est seule en cause sont minoritaires (28, 6%), de même que les cas où l'environnementest seul en cause (16, 6%). Ainsi, lorsqu'on analyse les circonstances dans lesquels ces erreurs se pro-duisent, on constate qu'elles proviennent, en majorité (54, 8%), d'une interaction entre les variablesendogènes (conducteur) et exogènes (véhicule, environnement), ce qui souligne la di�culté d'analyserle phénomène accidentel à partir d'une approche mono-causale : une analyse des données collectéesvia la télématique ne sera donc jamais su�sante, à elle seule, pour expliquer un accident.

2.2.3 Di�érents accidents pour di�érentes populations. . .

Malaterre et Fontaine [10] tentent de relier di�érents types d'accidents aux populations qui en font,en général, l'expérience.

Ils identi�ent, ainsi, six catégories mettant en scène les trois variables de segmentation : conduc-teurs � véhicules � accidents.

Les 18�25 ans en perte de contrôle

Cette catégorie, représentant 15% de l'ensemble, est composée de mâles peu expérimentés, avecun taux d'alcoolémie illégal. Plus du tiers sont des ouvriers.

Ils sont accidentés lors d'une perte de contrôle, leur véhicule, seul, heurtant un obstacle �xe, ensection courante, dans un virage hors agglomération. Les accidents surviennent, le plus souvent, lanuit, le week-end, par mauvais temps, sur route départementale, lors d'un trajet de loisir.

Les véhicules sont petits, peu puissants, anciens, souvent prêtés par la famille ou des amis, et avecplusieurs passagers à bord.

Ces accidents sont graves et mettent en évidence un besoin concernant la surveillance de l'état duconducteur, la détection de di�cultés liées à la route, l'estimation de la vitesse adaptée à la situation(le calcul des distances de sécurité, par exemple).

29

Page 30: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Les 35�65 ans hors agglomération

Cette catégorie, représentant 19% de l'ensemble, est composée d'hommes, avec une sur-représentationdes professions libérales, n'habitant pas le lieu de l'accident et impliqués dans une collision sur auto-route, route nationale ou, dans une moindre mesure, départementale.

Ces accidents ont lieu en section courante, par mauvais temps.Les véhicules sont récents et puissants. Ils sont impliqués dans des collisions en chaîne, des dépas-

sements ou des ralentissements étant, souvent, à l'origine de l'accident.Ces accidents sont graves et mettent en évidence le besoin d'une détection d'obstacles et d'un

régulateur de vitesse intelligent.

Les trajets de loisirs en agglomération

Cette catégorie, représentant 19% de l'ensemble, est composée, pour moitié, d'ouvriers. Ce sontdes hommes, de 18 à 35 ans, habitant le département du lieu de l'accident, impliqués par beau temps,le week-end, ou la nuit.

L'alcoolémie illégale est sur-représentée, mais moins que chez les jeunes.Les véhicules sont de puissance moyenne, et âgés d'une demi-douzaine d'années. Ils sont plusieurs

à être impliqués.Ces accidents sont sans graves conséquences, et mettent en évidence le besoin de détection trans-

versale, des obstacle et des trajectoires critiques.

Les femmes en agglomération

Cette catégorie, représentant 21% de l'ensemble, est composée de conductrices locales, cadresmoyens, impliquées en intersection dans des collisions arrière ou en chaîne, le véhicule étant à l'arrêtou en ralentissement.

Ces accidents ont lieu de jour, en semaine, la conductrice étant seule à bord, les accidents avecpiétons étant sur-représentés.

Les véhicules sont petits, peu puissants et âgés de 6 à 9 ans.Ces accidents mettent en évidence le besoin de détection des piétons ou de détection transversale.

Le trajet domicile-travail en agglomération

Cette catégorie, représentant 17% de l'ensemble, met en scène des accidents de jour, par beautemps, en intersection. Le conducteur, le plus souvent un homme de 25 à 65 ans, est seul à bord. Lesprofessions libérales, les cadres moyens et les chau�eurs professionnels sont sur-représentés.

Le véhicule est récent, plus gros et plus puissant que la moyenne, et n'appartient pas au conducteur.Les accidents piétons sont plus représentés que la moyenne.Ces accidents, aux conséquences peu graves, mettent en évidence le besoin de détection latérale et

de détection des piétons.

Les conducteurs âgés de plus de 65 ans

Cette catégorie, représentant 9% de l'ensemble, met en scène un homme à la retraite, circulant dejour dans le véhicule du ménage, lors d'un trajet de loisir, avec un passager à bord.

Ces accidents ont lieu à une intersection. Ils mettent en évidence le besoin de détection d'obstacleset de trajectoires critiques.

Cette segmentation de la population est particulièrement intéressante, car elle tente d'établir le lienentre les caractéristiques � classiques � de l'usager (données que l'assureur automobile possède et utilisedéjà) et l'accidentologie. Malheureusement, ces données sont toujours un peu trop macroscopiquespour être reliées, directement, du moins, à d'éventuelles données collectées via la télématique. Ainsi,il est impératif d'obtenir une segmentation au niveau des comportements psychologiques de conduiteproprement dits, pour tenter de faire le lien.

30

Page 31: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

2.2.4 Typologie des comportements des conducteurs automobiles

Après l'étude d'une typologie de scénarios-types d'accidents, il peut être, maintenant, intéressantde considérer l'hypothèse d'une typologie des comportements.

Labiale [8] se demande comment les représentations psychologiques in�uencent le comportementdes conducteurs dans di�érentes situations de conduite. Il fait l'hypothèse que les comportements auvolant dans di�érentes situations de conduite sont régulés par certaines représentations psychologiquessur l'automobile, le conduite, et les problèmes énergétiques, et par certains traits de personnalité desconducteurs.

À l'aide de questionnaires basés sur quatre critère :� comportement et vécu au volant,� représentations et pratiques en matière d'économie de carburant,� automobile et ses représentations,� caractéristiques signalétiques et traits de personnalité,

il met en place une typologie de la population en cinq classes.

Les conducteurs tranquilles, disciplinés et économes

Représentant (26, 3%) de la population, ces conducteurs ne sont jamais pressés quand il conduisent,ils prennent leur temps, ils ne roulent jamais vite, et même, souvent, très lentement, ils n'accélèrentjamais à fond, et ne poussent jamais leur moteur à fond. Ils prévoient les événements de la circulation,ralentissent à une intersection, même s'ils ont la priorité, ils ralentissent dès qu'ils voient le feu passerau rouge, ils restent dans leur �le et laissent s'insérer les voitures devant eux, dans le �ux de lacirculation.

Ces conducteurs décrivent leur conduite habituelle comme tranquille, douce, régulière, � pépère �,modérée, et leur comportement au volant comme attentif, discipliné, calme et patient. Ils considèrent,d'ailleurs, que leur style de conduite ne dépend jamais de leur humeur.

N'aimant pas ressentir des sensations au volant, ils ont, souvent, peur sur les routes, et conduiren'est pas particulièrement un plaisir.

Ils cherchent à conduire de manière économique et à faire des économies de carburant ; ainsi, leurstrajets sont réduits (moins de 5000 km par an), et leur conduite tranquille.

Les critères d'achat de leur véhicule sont un entretien réduit et une faible consommation.La voiture n'est pas particulièrement valorisée, et même perçue comme source de soucis et d'ennuis.Souvent âgés de plus de 45 ans, ces conducteurs sont, en majorité, des retraités, au standing

plus modeste. Dans la vie, en général, ils sont très respectueux des règlements, ils sont économes etconciliants avec les autres, et ils n'ont pas l'esprit de compétition.

Les conducteurs modérés et plutôt économes

Représentant (28, 1%) de la population, ces conducteurs ont un comportement au volant semblablesà ceux de la classe précédente, mais en un peu moins sécuritaire et économe. Par contre, ils considèrentque la conduite est, assez souvent, un plaisir, et leur style de conduite dépend rarement de leur humeur.

Moins convaincus et déterminés que les premiers en matière d'économies de carburant, la conduiteéconome leur apparaît détendue, et le comportement économe, ré�échi.

Leur critère d'achat est le volume intérieur du véhicule. Ils en possèdent, d'ailleurs, souvent deux.Avec un kilométrage annuel de 5000 à 10000 km, leur véhicule est perçu comme un endroit où on

se sent bien.Âgés entre 35 et 44 ans, ces conducteurs sont des agriculteurs ou des ouvriers, aux traits de

caractères semblables à ceux de la première catégorie.

Les conducteurs rapides mais prévoyants

Représentant (22, 9%) de la population, ces conducteurs prévoient les événements de la circulation :ils ralentissent avant un virage ou une intersection (même prioritaire), lâchent l'accélérateur quand lefeu, au loin, passe au rouge, et ne roulent pas très près des voitures précédentes dans la circulation.Cependant, ils roulent très souvent vite, et changent souvent de �le sur autoroute, mais ils n'accélèrentjamais à fond et roulent à allure régulière assez souvent.

31

Page 32: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Ils décrivent leur conduite comme étant aisée et régulière, et leur comportement comme attentif,responsable, réaliste, et se faisant respecté.

Une partie d'entre eux est susceptible de changer son style de conduite, alors que l'autre n'y estpas favorable. Pour une majorité d'entre eux, conduire est un plaisir, et ils n'ont pas peur, sur lesroutes.

Ces conducteurs ne cherchent pas spécialement à faire des économies de carburant, même si unemajorité d'entre eux pense conduire de façon plutôt économique. Ils peuvent décrire le comportementéconomique comme rationnel et agréable, et leur comportement économe, comme coopératif.

Avec un kilométrage annuel compris entre 15000 et 20000 km, le principal critère d'achat d'unvéhicule est, pour eux, le confort : la voiture est, selon eux, un endroit où on se sent bien.

N'appartenant pas à une classe d'âge, ni à une catégorie socio-professionnelle particulière, la ma-jorité d'entre eux n'est, dans la vie, en général, ni pressée, ni économe : ces conducteurs considèrentqu'ils ne se laissent pas marche sur les pieds, et aiment assez les expériences et sensations nouvelles.

Les conducteurs performants, sportifs et non économes

Représentant (15, 1%) de la population, ces conducteurs sont souvent pressés et prennent rarementleur temps : ils roulent vite, enfoncent, assez souvent, l'accélérateur à fond au démarrage, il leur arrive,même, assez souvent, d'accélérer et de passer, au feu orange. Cependant, ils essaient de prévoir, unpeu, certains événements de la circulation.

Ces conducteurs dé�nissent leur conduite comme sportive, performante, débrouillarde, changeante,nerveuse, et leur comportement au volant, comme e�cace, décidé, pressé, impatient, énergique, irri-table et agressif. Ils sont plutôt d'accord pour considérer qu'ils ne changeront pas leur comportementde conduite. La conduite est, pour eux, assez souvent, un plaisir, et ils aiment avoir des sensations auvolant.

Reconnaissant l'importance de leurs dépenses en carburant, ils ne cherchent, pourtant, pas à fairedes économies, considérant la conduite économe comme ennuyeuse, et le comportement économecomme contrôlé.

Le critère d'achat de leur véhicule étant une belle ligne et une forte reprise, ces conducteurschangent assez souvent de voiture, avec, en moyenne, plus de deux voitures possédées depuis cinq ans.Ces conducteurs ont une représentation positive de la voiture, considérée, une fois encore, comme unendroit où on se sent bien.

Âgés entre 18 et 34 ans, ces conducteurs (des professions libérales, des technico-commerciaux, etc.)sont, dans la vie en général, plutôt pressés, ils ont l'esprit de compétition, et ne sont pas économes.

Les conducteurs fonceurs, agressifs et �ambeurs

Représentant (7, 6%) de la population, ces conducteurs sont très souvent pressés et ne prennentjamais leur temps, au volant : ils roulent vite, enfoncent l'accélérateur à fond au démarrage, aimentpousser le moteur à fond et passer les vitesses quand le moteur est à fond. Ils changent très souventde �le de circulation, ne laissent jamais les voitures s'insérer devant eux, roulent très près des voituresprécédentes et ne ralentissent jamais à l'avance dans un virage. À un feu orange, ils accélèrent etpassent, et ils ne peuvent attendre derrière une voiture qui ralentit son allure ou reste à l'arrêt. Ilsont de fortes réactions coléreuses lorsque les autres conducteurs font des erreurs, et klaxonnent lesconducteurs qui les obligent à ralentir.

Ils dé�nissent leur conduite comme débrouillarde, rapide, sportive, nerveuse, performante, et leurcomportemement au volant comme impulsif, agressif, énergique, pressé, compétitif, impatient, et sefaisant respecter. Ils considèrent que leur façon de conduite est dans leur nature, et qu'ils ne veulentpas en changer.

Aimant avoir des sensations au volant, conduire est, pour eux, un plaisir, et ils adorent � piloter �.Ils n'ont jamais peur sur les routes, et ils considèrent que leur style de conduite dépend de leur humeur.

Ils ne cherchent pas à faire des économies et déclarent ignorer comment conduire de façon économe,conduite qu'ils considèrent lente, ennuyeuse, �egmatique, soumise, passive et contraignante.

Les critères d'achat sont, pour eux, une belle ligne et une forte reprise. Ils changent souvent devoiture, avec plus de deux véhicules possédés en cinq ans, et les équipent d'accessoires (volant � sport �,boîte de vitesses à six rapports, etc.).

32

Page 33: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Ils roulent beaucoup, avec un kilométrage annuel compris entre 20000 et 40000 km : en e�et, lavoiture est, pour eux, un endroit où on se sent bien, un moyen d'évasion et d'aventure, d'indépendanceet de liberté. C'est aussi le re�et d'une situation sociale, auquel on consacre beaucoup d'argent.

Divisés selon deux groupes d'âges, les 18�24 ans et les 35�44 ans, ces conducteurs ont, plutôt,un standing de vie élevé, même si on peut y trouver des employés. Dans la vie, en général, ils sont,très souvent, pressés, ont l'esprit de compétition, aiment les sensations et les expériences nouvelleset excitantes, préfèrent les personnes vives à celles qui sont calmes, et ont tendance à faire ce qu'ilsveulent quand ils en ont envie. Ils reconnaissent qu'ils ne respectent pas les règlements, et ne sont pasdu tout économes.

Sur les di�érentes questions posées à la population sondée, on note que le nombre d'accidents dé-clarés sur les trois dernières années n'est pas discriminant, même si le comportement des conducteursde la dernière classe constitue des risques d'accidents importants.

On retrouve, ici, un lien possible entre les caractéristiques � traditionnelles � du conducteur (l'âge,le type de véhicule, la catégorie socio-professionnelle, etc.), des données purement techniques (le ki-lométrage annuel, la consommation de carburant, le régime-moteur, etc.) et des éléments révélateursd'une psychologie de conduite (l'agressivité, la tranquillité, la régularité, etc.). Cette étude montre,donc, un lien possible entre les trois briques : données collectées via la télématique, pro�ls de conduite,et caractéristiques � traditionnelles � du conducteur.

2.2.5 Comportement de base de l'automobiliste

Alors qu'ont pu être mis en évidence di�érents pro�ls de conducteurs, il est apparu que, pourcertains conducteurs, le comportement peut changer selon l'humeur, le moment, la situation, etc. Onpeut, alors, se demander s'il est possible de trouver, au sein d'un même pro�l de conducteur, dessous-catégories re�étant di�érentes pro�ls de conduite � du moment �.

La question est étudiée par Biecheler et Moget [2, 12], qui introduisent la notion de � comportementde base � du conducteur. Ils dé�nissent le comportement de base du conducteur comme l'ensemble desmodalités habituelles de circulation de l'usager dans di�érentes situations de conduite. Ce comporte-ment peut être décrit comme la mise en ÷uvre, par le conducteur, d'un système de règles de conduite,à la fois légales et informelles, auxquelles il se conforme généralement.

Le comportement de base est donc, pour un automobiliste, la façon habituelle (si elle existe) dontil conduit. Les études montrent que ce comportement de base existe, pour chaque conducteur, et eststable, c'est-à-dire que chaque conducteur conduit, en général, de la même façon, au �l du temps. Onpeut ainsi dé�nir, pour chaque conducteur, une � zone de con�ance �, correspondant à l'ensemble descaractéristiques déterminant son comportement de base.

Selon les situations, les humeurs, les impulsions, etc, le comportement de conduite peut di�érerdu comportement de base : on parle, alors, de comportement occasionnel de conduite. Le conducteursort, alors, de sa zone de con�ance, pour se retrouver dans une � zone border line � ou � zone limite �.

Les études montrent que la zone limite est la zone la plus dangereuse : en e�et, c'est la zone oùle conducteur maîtrise le moins sa conduite (il y est moins souvent). C'est le cas, par exemple, del'automobiliste qui roule sur une route qu'il connaît parfaitement, de jour comme de nuit, en conduitemodérée ou pressée, mais qui est énervé (pour cause d'une dispute avec sa conjointe, par exemple) etdonc qui n'est pas dans son état normal et peut commettre un écart pouvant donner lieu à un accident.

Il s'avère, maintenant, possible d'a�ner les notions de pro�l de conduite, pro�l de conducteur etcomportement de base.

Le pro�l de conducteur peut être dé�ni comme la � signature � d'un conducteur, ou d'un typede conducteur. On peut, ainsi, penser, d'après la littérature, que le pro�l des jeunes conducteursdi�érerait de celui des autres, que celui des cadres supérieurs ne serait pas le même que celui desouvriers, que celui des hommes se distinguerait de celui des femmes, etc.

Ce pro�l de conducteur, pour un conducteur ou type de conducteur donné, peut, d'après lesrecherches bibliographiques, varier, ou non, en fonction de l'humeur, de la situation, etc. Ainsi, unmême pro�l de conducteur peut être composé de plusieurs � facettes �, ou façons de conduire, quel'on pourra, alors, appeler pro�ls de conduite. Ces pro�ls de conduite sont, par exemple, une conduite

33

Page 34: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

agressive, par opposition à une conduite modérée, une conduite assurée, par opposition à une conduitecraintive, etc.

Le comportement de base d'un conducteur, ou type de conducteur, donné correspond, alors, aupro�l de conduite apparaissant le plus fréquemment au sein d'un pro�l de conducteur.

Le pro�l de conducteur pourra, ainsi, être représenté par une partition de di�érents pro�ls deconduite, la partie la plus grande correspondant à son comportement de base.

2.2.6 Ré�exion sur les ressources manquantes

L'introduction de ce chapitre présente un diagramme des poches de connaissance à explorer et desliens entre elles. On peut le reprendre, et faire l'état de ce que la recherche bibliographique a apportéà la problématique.

Coûts del'assureur

oo��������1

//OO

�������

//______

oo��������1

//OO

�������

//______

Accidents oo��������2

//OO ��������5�����

Caractéristiques� tradition-nelles � duconducteurOO

��������3oo

OO

��������3ooPro�l deconduite

OO ��������4��Données

observées viala télématique

Comme il a été mentionné précédemment, les coûts de l'assureur et le lien ��������1 sont abordés dans lesSections 1.1.4 et 1.1.5, et les caractéristiques � traditionnelles � du conducteur, dans la Section 1.1.2.La Section 2.2.1 aborde la poche de connaissance sur les accidents, et tente d'établir un premier lien ��������2 .La Section 2.2.2 approfondit la poche de connaissance sur les accidents. La Section 2.2.3 présente unetopologie pour le lien ��������2 . La Section 2.2.4 explore la poche de connaissance sur les pro�ls de conduite,et apporte des éléments pour les liens ��������3 et ��������4 . La Section 2.2.5 approfondit la poche de connaissancesur les pro�ls de conduite.

On s'aperçoit, alors, qu'il y a, pour l'instant, des ressources manquantes, et qu'il faudra, par lasuite, explorer.

D'abord, les éléments dont on dispose pour le lien ��������2 ne sont, en fait, qu'une mise en parallèle(instructive, certes) entre les typologies d'accidents et les catégories de population, mais ne donnentpas plus d'indication sur la notion de risque par rapport à un comportement : on ne sait pas dé�nirune conduite � sûre �. L'étude d'un lien ��������5 est donc nécessaire, mais rien, dans la littérature, n'y faitréférence.

Ensuite, les recherches bibliographiques apportent quelques (rares) éléments concernant le lien ��������4 ,sans mentionner la télématique, bien sûr, mais n'établissent pas, véritablement, de caractérisation depro�ls de conduite par les données issues du véhicule. Ce problème sera abordé dans le Chapitre 3,qui présentera une méthode expérimentale de caractérisation des pro�ls de conduite par les donnéescollectées via la télématique.

2.3 Introduction de la télématique

Ce chapitre a pour but de présenter les di�érents types de dispositifs utilisables dans le cadre del'étude de l'impact de la télématique automobile sur l'assurance. Les usages possibles, ainsi que leslimites théoriques, des dispositifs seront mentionnés.

2.3.1 Présentation des dispositifs

Les di�érents types de données

Les dispositifs existants présentent diverses fonctionnalités, qui peuvent être séparées en deuxcatégories, selon la nature des données qu'elles relèvent.

34

Page 35: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Les données de géo-localisation La géo-localisation est assurée par un système GPS. Le systèmeGPS est un système de positionnement par satellite, qui permet de connaître la position de toutmatériel qui en est équipé, n'importe où sur la surface du globe (ou dans les airs). Le système GPSdes dispositifs permet, ainsi, de connaître, à chaque seconde, la position du véhicule qui en est équipé,ce qui permet, entre autres, de connaître le type de route (milieu urbain ou rural, autoroute, routenationale, etc.) qu'il emprunte.

Les données internes du véhicule Les capteurs des dispositifs permettent d'accéder aux donnéestachymétriques du véhicules, à savoir la vitesse (pour les systèmes de base), ou encore le régime-moteur,l'accélération, la consommation de carburant, l'état d'ouverture ou de fermeture des portières, le portou non de la ceinture, et bien d'autres (pour les systèmes plus évolués).

A�n de capter ces données, il existe, à l'heure actuelle, deux types de dispositifs. Le premier typeest un boîtier, relié à des capteurs physiques du véhicule, à savoir, par exemple, le compteur de vitesse,le régime-moteur, un éventuel accéléromètre (à installer, le cas échéant), etc. Le second type est unsimple module relié, directement, au bus CAN 2 du véhicule, par branchement, par exemple, sur leport OBD-II 3. L'avantage de cette seconde solution, par rapport à la première, est la facilité d'accèsau bus CAN, et la simplicité (et, donc, le moindre coût) d'installation du dispositif, qui y est justeplugué, ce qui permet, en un seul branchement, d'avoir accès à toutes les données de contrôle duvéhicule.

Les di�érents protocoles de communication

Les données collectées peuvent être envoyées à une base de données distante en suivant di�érentsprotocoles, selon leur nature.

GSM 4 Le GSM est la norme de télécommunication sans �l de deuxième génération utilisée parles réseaux de téléphonie mobile. Un dispositif peut, ainsi, disposer d'une puce GSM, semblable àcelle d'un téléphone portable, qui émet des appels vers la base de données, a�n de lui transmettre lesdonnées GPS collectées.

GPRS Le GPRS est une norme de téléphonie mobile plus évoluée que le GSM, o�rant des capa-cités de transmission supérieures. Il peut être utilisé, sur certains dispositifs de type boîtier, pourtransmettre les données tachymétriques à la base de données distante.

USB 5 et IP 6 Ce protocole de communication, en deux temps, est utilisé pour transmettre lesdonnées tachymétriques collectées par un module relié au bus CAN. Dans un premier temps, lesdonnées sont téléchargées sur un ordinateur personnel via un port USB. Codées et inexploitables parun tiers, elles doivent, alors, être prises en charge par un logiciel d'interprétation des données. Dansun deuxième temps, elles peuvent, ou non (au choix), être transmises à la base de données distante,via Internet (courrier électronique, compte utilisateur, etc.).

2.3.2 Usages possibles de la télématique

Sachant les données que les dispositifs télématiques peuvent transmettre à l'assureur, on peutenvisager di�érentes utilisations.

2Controller Area Network. Le bus CAN est un bus système série d'échange de données entre les di�érentes unitésélectroniques de contrôle d'un véhicule, développé par Bosch pour l'automobile et présenté avec Intel en 1985. Son objectifest de réduire la quantité de câbles dans les véhicules en faisant communiquer les di�érents organes de commande surun bus unique, et non plus sur des lignes dédiées, ceci devant permettre de réduire le poids des véhicules. Très �able,de par ses excellentes capacités de détection d'erreur et de con�nement, le bus CAN a un �ux de données pouvantatteindre 1 Megabit par seconde, et permettant, ainsi, une utilisation pour des applications temps-réel. Sur le bus, peutêtre branché tout appareil en respectant les spéci�cations.

3On-Bord Diagnostics.4Global System for Mobile communication.5Universal Serial Bus.6Internet Protocol.

35

Page 36: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Par exemple, on peut accroître la �abilité des variables � traditionnelles � utilisées par l'assureur,comme la zone de déplacements du véhicule assuré, le kilométrage parcouru, etc., dans une logique devéri�cation des déclarations de l'assuré faites avant la signature du contrat.

On peut, aussi, envisager l'amélioration de la réactivité de l'assureur, dans une logique pédagogique,en particulier chez les jeunes, dont le comportement varie lors des 5 000 premiers kilomètres : en e�et,les données peuvent être disponibles, pour l'assureur, quasiment en temps-réel.

On peut, également, innover sur les contrats destinés à des populations très ciblées, les jeunes,par exemple, en les intéressant à la réalisation (ou non-réalisation) d'événements perceptibles par undispositif télématique. Cela sera développé dans la Section 2.4.

On peut, en�n, tenter de prouver le caractère discriminant d'un petit nombre de données, jusqu'icipeu utilisées, dans la segmentation de la population en di�érents comportement de conduite. Parexemple, on peut penser qu'un comportement nerveux pourrait être décelé par un grand nombred'accélérations brutales, des freinages violents, des régimes-moteur élevés, etc.

2.3.3 Limites intrinsèques de la télématique

Les résultats de la recherche exposée dans la Section 2.2 mettent en évidence certaines limitesintrinsèques de la télématique.

En e�et, la littérature montre clairement que les accidents résultent de l'interaction des facteursconducteur � véhicule � environnement, et que les modes de défaillance sont de natures très di-verses (degré d'expérience de la conduite, inattention, assoupissement, mauvais diagnostic de la situa-tion, etc.).

Le problème est que les dispositifs télématiques, tel qu'ils sont à l'heure actuelle, ne peuvent capter :� les données environnementales : la con�guration de la route, la visibilité, la clarté de la signali-sation, etc. ;

� les données sur les autres véhicules : la distance, les événements de la circulation, etc. ;� les données sur l'état du véhicule équipé d'un dispositif : le gon�age et l'usure des pneumatiques,l'état des amortisseurs, des plaquettes de freins, etc. ;

� les données caractéristiques des comportements � sûrs � ou � à risque � et dont ne disposent pasl'assureur (sauf en entrant dans un interrogatoire � policier �, dans lequel il n'a pas sa place) :� la consommation de drogue ou d'alcool,� les centres d'intérêt : la pratique religieuse ou l'intérêt pour la politique, par exemple, sontassez discriminants d'une conduite � sûre �, car ils sont le signe du respect de certaines règles,d'une insertion dans la société,

� l'insertion sociale : l'instabilité familiale ou professionnelle ou l'insatisfaction de sa conditionsont assez présents chez les pro�ls � à risque �.

Par conséquent, la télématique ne peut capter qu'une petite partie des informations explicativesdes accidents.

L'autre problème majeur de l'utilisation de la télématique, dans la seule logique de caractérisationde pro�ls-types, est l'infrastructure gigantesque à mettre en place pour récupérer, traiter et exploiterles données sur une population de plusieurs milliers de véhicules (sachant qu'il y a remontée d'unedonnée par seconde !), et le coût (en plus du coût du matériel et son installation) qu'elle pourraitengendrer. . . qui dépasserait, peut-être, le gain que l'assureur pourrait en tirer.

En�n, on peut distinguer une dernière limite, et non des moindres, de l'utilisation de la téléma-tique par l'assureur, limite non plus matérielle, mais économique. En e�et, l'assureur se trouve face àplusieurs types d'interlocuteurs :

� les fournisseurs, qui fournissent et installent les dispositifs : le but, pour l'assureur, est, alors,de pouvoir trouver un compromis et choisir le dispositif le plus complet possible, au meilleurprix, et pour un coût d'installation moindre ; dans cette optique, la solution du module relié aubus CAN est assez performante (malheureusement, l'accès au bus CAN n'est, pour l'instant,généralisé qu'aux États-Unis, mais pas encore en Europe) ;

� les SSII 7, qui élaborent les logiciels susceptibles de pouvoir interpréter et traiter les données

7Sociétés de Services en Ingénierie Informatique.

36

Page 37: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

recueillies ;� les opérateurs téléphoniques, qui �xent les coûts de la communication des données (sauf dans lecas des données transmises via USB et IP) ;

� les constructeurs automobiles, qui défendent, jalousement, leur territoire, et qui voient, en l'ins-tallation et l'utilisation de dispositifs télématiques par l'assureur, un risque de perte de leurimportance dans le processus de recueil de données sur les véhicules ;

� les pouvoirs publics (la CNIL 8, pour la France), qui élaborent les lois régissant l'utilisation desdonnées personnelles à des �ns commerciales ;

� les partenaires potentiels (constructeurs automobiles, fournisseurs de données cartographiquesnumériques, gestionnaires de �ottes automobiles, agences de location de véhicules, compagniespétrolières, etc.), le but étant de préparer l'avenir en envisageant, par exemple, une extension desfonctionnalités des dispositifs télématiques, ou bien encore une généralisation de ces dispositifs,en les intégrant � de série � à l'ensemble des véhicules neufs, etc. ;

� le public, en�n, qui accepte, plus ou moins facilement, le fait d'avoir, dans son véhicule, une� boîte noire �, souvent perçue comme un véritable � mouchard �, qui enregistre ses faits etgestes.

2.3.4 Exemples d'utilisation de dispositifs existants

TripSense TM de Progressive

L'entreprise Entreprise créée en 1937, Progressive est le troisième assureur automobile des États-Unis. Très axée sur l'innovation et les nouvelles technologies de l'information et de la communication,l'entreprise est la première à proposer, en 1997, la souscription d'assurance en ligne, ainsi qu'à prendreen charge, dès 2003, l'intégralité du processus de réclamation/réparation pour le client. En outre, elleest la première à tester l'assurance à l'usage, via un système GPS, au Texas, entre 1998 et 2001,programme qui a suscité l'intérêt des consommateurs pour une baisse de la prime d'assurance, maisqui a dû être arrêté du fait de coûts trop élevés et de logistiques d'installations trop complexes.

Le dispositif télématique et les pilotes engagés C'est dans cette logique que Progressive acréé le concept de TripSense TM, contrat d'assurance proposant à l'assuré de brancher un module(le TripSense TM Sensor) sur le port OBD-II, relié au bus CAN, de son véhicule, comme décritprécédemment, de les télécharger les données recueillies sur son ordinateur personnel et, s'il le souhaite,de les lui envoyer, ceci pouvant, le cas échéant (selon sa � bonne � conduite), occasionner une réductionde sa prime d'assurance.

Un premier pilote, lancé début 2004, auprès de 250 assurés du Minnesota, pendant 30 jours,proposait, tout d'abord, un bonus de 25 dollars, mais n'avait pas d'impact réel sur le contrat. Unsecond pilote, lancé depuis mi-août 2004, propose, à 5 000 assurés du Minnesota, une réduction de laprime.

Le module (TripSensor) mesure, pour chaque trajet e�ectué par le véhicule, les données suivantes :� les heures de chaque connexion et déconnexion du module au port OBD-II,� les heures de début et de �n de trajet,� la durée du trajet,� la distance parcourue,� la vitesse moyenne sur des intervalles de 10 secondes,� le nombre d'accélérations et décélérations agressives survenues lors du trajet (que l'entreprisen'utilise, pour l'instant, qu'à titre indicatif, a�n de mieux comprendre leur incidence sur laprédictabilité des accidents futurs).

L'utilisation des données L'assureur peut, sur réception des données, ajuster la prime lors durenouvellement du contrat d'assurance, en fonction de la fréquence, des heures et de la vitesse deconduite de l'assuré. La prime peut se voir allégée de 5% à 25% pour les assurés conduisant peufréquemment, peu rapidement ou à des heures peu dangereuses. Dans tous les cas, celle-ci ne pourrapas être réévaluée à la hausse. Cet ajustement suppose, de la part de l'assureur, une connaissancedes liens entre le risque, d'une part, et la fréquence de conduite, la vitesse et les di�érentes heures deconduite, d'autre part.

8Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés.

37

Page 38: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

La diminution de la prime d'assurance est calculée à partir de trois facteurs :� le � usage discount � 9, basé sur les heures de conduite et la façon de conduire ;� le � safety adjustment � 10, basé sur le pourcentage du temps de conduite où la vitesse dépasse

75 miles à l'heure ;� le � upload bonus � 11, qui récompense les assurés pour le partage de leurs données avec Progres-sive.

Outre le fait de pouvoir évaluer le montant de la réduction occasionnée par l'envoi éventuel deses données à l'assureur, l'assuré peut visualiser, via le logiciel fourni, des rapports détaillés sur seshabitudes de conduite. Il peut, ainsi, voir quelle distance il a parcourue sur une journée donnée, etexaminer les détails d'un trajet particulier. Il peut, également, comparer, anonymement, via le siteWeb, ses habitudes de conduite à celles d'autres groupes de participants au programme, ce qui luipermet de se positionner par rapport à eux, et, le cas échéant, d'apprendre de ses erreurs et, dans unelogique pédagogique, de modi�er sa façon de conduire.

Selon Progressive, les participants au pilote ont, en moyenne, béné�cié d'une réduction de 7, 5% surleur prime d'assurance. On peut remarquer que ce résultat est assez proche des 5% acquis par simpleupload bonus, ce qui peut donner une première idée sur les habitudes de conduite des Américains. . .

Pay As You Drive TM de Norwich Union

L'entreprise et le pilote engagé Premier assureur britannique, Norwich Union, en partenariatavec IBM et Orange, propose, à plus de 5 000 clients, depuis janvier 2005 et jusqu'à �n 2005, un contratd'assurance automobile baptisé Pay As You Drive TM. Ce contrat rend obligatoire l'installation, dansle véhicule, d'un terminal de surveillance de type � boîte noire �. L'entreprise propose, ainsi, à sesclients, de réajuster, chaque mois, le montant de leur prime d'assurance, en fonction de l'usage qui estfait du véhicule.

Le dispositif télématique Le dispositif télématique utilisé par Norwich Union est une boîte noire,et non plus un simple module, contrairement à celui de Progressive, de la taille d'une cassette vidéo,installée dans le co�re ou sous le siège du passager. Celle boîte noire dispose d'une antenne GPS (gé-néralement installée sur la face intérieure du pare-brise, côté passager), servant, également, à e�ectuerles communications, de manière automatique (contrairement au dispositif de Progressive), vers la basede données distante de l'entreprise, via le protocole GSM. Un raccordement est également e�ectué surla batterie et l'allumage du véhicule, a�n de déterminer les heures de début et de �n de trajet. Cedispositif requiert, ainsi, une installation assez lourde, qui doit être e�ectuée par le fournisseur, parexemple, contrairement à celui de Progressive, qui peut être installé par l'assuré lui-même.

Les données recueillies proprement dites ne sont que des données GPS. Les autres paramètresrelatifs à l'utilisation du véhicule, comme le kilométrage ou la vitesse, sont dérivés de calculs e�ectuésà partir des données GPS. L'entreprise récolte, ainsi, pour chaque trajet, entre autres :

� la géo-localisation,� le kilométrage parcouru,� le type de parcours (ville, autoroute, zones statistiquement dangereuses, ou non, etc.),� le respect, ou non, des limitations de vitesse.

L'utilisation des données À partir des données collectées, l'assureur peut réajuster, mois par mois,le montant de la prime d'assurance en fonction de la fréquence, des heures et des lieux d'utilisation duvéhicule. Contrairement au TripSense TM de Progressive, le Pay As You Drive TM de Norwich Unionne tient pas compte de la façon, à proprement parler, de conduire, mais, uniquement de l'utilisation,en elle-même, du véhicule. Son nom est, d'ailleurs, une analogie au système de � pay as you go � 12

utilisé en téléphonie mobile, et très prisé des faibles consommateurs.Ainsi, en proposant un tel contrat, Norwich Union incite, �nancièrement, les assurés à moins se

servir de leur véhicule, s'ils veulent pouvoir béné�cier de réduction sur leur prime d'assurance.

9En français : � réduction sur l'utilisation �.10En français : � ajustement de sécurité �.11En français : � bonus à l'envoi �.12Paiement par � carte à points �, par opposition au paiement par forfait.

38

Page 39: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

L'assureur va, même, plus loin, en proposant, aux jeunes de 18 à 23 ans (population la plus à risque,s'il en est), un système heures pleines/heures creuses. En e�et, il a été remarqué que les populationsjeunes ont plus de chances d'avoir un accident sérieux, voire mortel, entre 23 heures et 6 heures,qu'entre 6 heures et 23 heures. Ainsi, la prime d'assurance est payée au kilomètre parcouru, avecun tarif heures pleines de 23 heures à 6 heures, et un tarif heures creuses de 6 heures à 23 heures,exactement comme pour un contrat de téléphonie mobile à la carte.

2.4 Ré�exion sur les concepts de contrats d'assurance automo-

bile

Le but de cette section est de montrer comment l'utilisation d'un dispositif télématique de type� boîtier � peut être mobilisée dans la dé�nition de concepts de nouveaux contrats d'assurance auto-mobile.

2.4.1 Modi�cation de la logique de l'assurance automobile

La logique de l'assurance automobile, décrite Section 1.1.2, peut être résumée dans le schémasuivant :

Caractéristiquesobservables

et/ou déclaréesde l'assuré

// // Estimationde la classede risque

// // Caractéristiquesdu contratproposé

// //Observationa posteriori

des sinistres(bonus-malus)

//// Adaptationde la primed'assurance

Comme décrit précédemment, le boîtier est susceptible de modi�er la logique de l'assurance, enintroduisant de nouveaux modes d'observation du comportement de l'assuré :

� plus précis, grâce aux données de comportement individuel ;� plus sûrs, puisqu'on peut véri�er si ce qui est déclaré est vrai ;� plus réactifs, puisqu'on peut constater rapidement le comportement réel du conducteur.Ainsi, on peut envisager di�érentes logiques, sous réserve de l'acceptation, par l'assuré, de l'usage

de la télématique. Par exemple :� l'a�nage de la tari�cation a posteriori grâce aux informations collectées par le boîtier :

Caractéristiquesobservables

et/ou déclaréesde l'assuré

// // Estimationde la classede risque

//// Caractéristiquesdu contratproposé

//

//

//

//

Observationa posteriori

des sinistres(bonus-malus)

////Adaptationde la prime

d'assurance etdu contrat

Observation ducomportementvia le boîtier etdétermination

du pro�lde conduite

////

� la précision de la sélection des assurés par l'instauration d'un période d'observation préalable àla signature du contrat dé�nitif :

Caractéristiquesobservables

et/ou déclaréesde l'assuré

//

��������1����

//

��������1����

Estimationde la classede risque

//// Caractéristiquesdu contratproposé

//

//

//

//

Observationa posteriori

des sinistres(bonus-malus)

// //Adaptationde la prime

d'assurance etdu contrat

Observation ducomportementvia le boîtier etdétermination

du pro�lde conduite

__

��������2�����

//__

__

��������2�����

//__

Validation desobservationspréliminaires

////

Le problème, ici, est que, comme mentionné dans la Section 2.2.6, certains liens ne sont pas établis.En e�et, on ne sait pas établir le lien ��������1 entre le comportement et les caractéristiques observables, nile lien ��������2 entre le comportement et la dangerosité.

Ainsi, on ne peut pas utiliser le boîtier que pour a�ner les critères actuels de segmentation : ilfaut aussi qu'il intervienne dans la dé�nition de nouveaux contrats/services d'assurance.

39

Page 40: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

2.4.2 Variables de conception d'un service télématique

Avant de pouvoir dé�nir de nouveaux types de contrats d'assurance liés à l'utilisation de la télé-matique, il convient de rappeler la démarche de conception d'un service (télématique).

Selon la théorie C-K d'Hatchuel et Weil [5], concevoir des services innovants, c'est explorer deuxespaces :

� les concepts de produits/services : l'espace des C 13 ;� les connaissances sur les di�érentes variables de conception : l'espace des K 14.

Cette théorie est un cadre méthodologique qui permet :� de caractériser les services actuels,� d'expliciter les trajectoires d'innovation sur ces deux espaces,� d'évaluer les innovations selon la valeur du concept et l'apprentissage qu'elles génèrent.Ainsi, pour concevoir des contrats télématiques d'assurance automobile innovants, il faut connaître

les variables à étudier.Dans son exploration de la conception de services télématiques, Len�e [9] décrit, dans l'espace des

connaissances, les variables de conception d'un service (télématique) :Un type de clientèle visée : �ottes, particuliers, etc.

Un produit support : véhicule et équipements embarqués

Un contrat : spéci�cation des droits et obligations des parties

Un processus de front-o�ce : réseau, call-center, etc.

Une infrastructure de back-o�ce : interne et/ou externe

Un modèle économique de �nancement du service

.

2.4.3 Dominant design de l'assurance automobile

L'introduction des variables de conception d'un service permet, maintenant, de synthétiser lesremarques faites, sur l'assurance automobile, dans la Section 1.1, et d'exprimer, dans l'espace desconnaissances, le dominant design actuel en matière d'assurance automobile :

Produit conçu pour tous les clients, en :

� distinguant, essentiellement, ex ante les jeunes conducteurs ;

� segmentant selon les caractéristiques observables � classiques �.

Pas de produit support.

Contrat :

� peu sélectif (à l'exception des jeunes conducteurs), et nécéssitant peu d'engagement ;

� incitatif, �nancièrement parlant, via le système bonus-malus.

Front-o�ce : agents, courtiers, etc.

Back-o�ce : AIS (pour l'exemple de MAAF-MMA).

Modèle économique :

� loi des grands nombres ;

� paiement, par l'assuré, d'une prime annuelle.

.

2.4.4 Démarches d'exploration

Comme on peut le voir plus haut, le dominant design actuel en matière d'assurance automobile necomporte pas de produit support. L'intérêt est, alors, d'étudier l'impact de l'introduction d'un produitsupport � le boîtier télématique �, donc d'une modi�cation des variables de conception, sur l'espacedes concepts de produits d'assurance automobile.

Méthodologiquement parlant, on peut distinguer deux usages complémentaires du modèle :� le premier est la caractérisation des o�res et pilotes existants ou en cours ;� le second est l'organisation de l'exploration du champ d'innovation � télématique et assurance �,par une réouverture de l'espace des concepts.

13Pour Concept.14Pour Knowledge.

40

Page 41: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

2.4.5 Caractérisation des o�res et pilotes

On caractérise, ici, des exemples d'o�res et pilotes existants ou en cours, en fonction des variablesde conception d'un service télématique.

Exemples d'o�res des compagnies étrangères

TripSense TM de Progressive Le concept global est l'adaptation de la prime d'assurance à l'usageréel du véhicule, comme présenté précédemment. Les connaissances mises en ÷uvre sont caractériséesde la façon suivante :

Usage et population visée : Tous conducteurs.

Produit support : Module d'enregistrement sur port OBD-II.

Clauses du contrat : Remontée volontaire de l'information.

Front-o�ce : Réseau et site Web pour l'envoi de l'information.

Back-o�ce : Interne à Progressive.

Modèle économique : Prime selon usage constaté.

.

Pay As You Drive TM de Norwich Union Le concept est, ici, le même que pour Progressive,avec, néanmoins, une contrainte en plus pour les jeunes conducteurs. L'espace des connaissances n'estdonc pas très di�érent :

Usage et population visée : Distinction des jeunes conducteurs.

Produit support : Boîtier télématique.

Clauses du contrat : Remontée automatique de l'information.

Front-o�ce : Réseau Norwich Union et souscription Web.

Back-o�ce : Norwich Union et Telco.

Modèle économique : Prime selon utilisation & Heures pleines/creuses.

.

Exemples de pilotes MAAF-MMA

Les pilotes présentés ci-dessous sont liés à l'étude, par Covéa Tech', de l'impact de la mise enplace d'un boîtier télématique dans un ensemble de véhicules automobiles sur la logique de l'assuranceautomobile. Dans ce cadre, l'assureur a utilisé deux types de boîtiers. Tout d'abord, de premiers tests,ainsi que l'étude présentée au Chapitre 3, ont été e�ectués avec un boîtier Siemens VDO, présentantune remontée de données GPS et tachymétriques (comprenant l'accélérométrie), via GSM et GPRS, etutilisant le logiciel Fleet Manager. Ce boîtier, très complet mais très coûteux, a, ensuite, été remplacé,pour une expérimentation à grande échelle, par un boîtier France Télécom � Magneti Marelli, qui necomporte, lui, qu'une remontée de données GPS, via GSM. Les détails techniques sont ceux décrits àla Section 3.1, et sont rappelés dans le Chapitre 3.

Le � pilote Jeunes v2 � de MAAF-MMA Le concept du pilote est l'étude du remboursementde la surprime des jeunes conducteurs, en fonction du respect, ou non, d'une charte de conduitepré-établie et véri�able grâce aux données remontées du boîtier télématique.

Usage et population visée : Conducteurs principaux,

de moins de 25 ans et moins de deux ans de permis.

Produit support : Boîtier télématique FT-MM.

Clauses du contrat : Pédagogie volontaire.

Front-o�ce : Agence Sud-Ouest, IMA (Inter Mutuelles Assistance) & installateur.

Back-o�ce : MAAF-MMA & IMA.

Modèle économique : Identi�cation des � bons � jeunes,

entraînant une diminution du risque et une �n de la surprime.

.

41

Page 42: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Le � pilote Vol v2 � de MAAF-MMA Le concept du pilote est l'étude d'un engagement, moyen-nant paiement mensuel, de l'assureur à récupérer le véhicule de l'assuré, en cas de vol.

Usage et population visée : Propriétaires de véhicules à risque de vol élevé.

Produit support : Boîtier télématique FT-MM.

Clauses du contrat : ?

Front-o�ce : Agence Sud-Est & installateur.

Back-o�ce : MAAF-MMA, IMA, Police, etc.

Modèle économique : Paiement par le client.

.

Ainsi caractérisés, ces o�res et pilotes peuvent être comparés, selon plusieurs critères :

Auto-sélection Incitation Pédagogie Di�érenciation

Contrat � clas-sique �

Faible. Financière, via lebonus-malus.

Aucune. Faible.

Tripsense TM

& Pay As You

Drive TM

Qui choisit cescontrats ? A priori,ceux qui utilisentpeu leur véhiculeet/ou respectent lescontraintes.

À conduire moins, enrespectant les vitesses,et aux heures peurisquées& Quasi couvre-feupour les jeunes(Norwich Union).

Permet de comparerson pro�l de conduite àdes cas types (Progres-sive). Quel est l'impactsur le comportement ?

Importante : n'existepas en France.

Pilote Jeunes Quels jeunes vont lechoisir ? A priori les� bons �.

Financière, via le rem-boursement de la sur-prime et les concours.

Forte, via une logiquede � capital conduite �.

Importante : logique du�rst-mover.

Pilote Vol Des véhicules à hautrisque, ou des � angois-sés �.

À la protection du vé-hicule (via le boîtierGPS/GSM).

Aucune. Importante : logique du�rst-mover.

2.4.6 Organisation de l'exploration

La caractérisation des o�res et pilotes existants ou en cours permet d'identi�er les questions clésà explorer, les connaissances à développer, qui pourront, ainsi, permettre de proposer de nouveauxconcepts de contrats d'assurance automobile.

Aussi, ce processus de conception est composé de trois niveaux :� le Functional Design, qui présente une ré�exion sur les concepts et expose le cahier des chargesfonctionnel d'un contrat d'assurance automobile ;

� le Conceptual Design, qui traduit ce cahier des charges en termes de variables de conception, enutilisant le modèle C-K ;

� le Detailed Design ou Embodiment, qui décrit concrètement le contrat, ses clauses, etc.C'est dans cette démarche que devront être, par la suite, dé�nis et développés les nouveaux conceptsde contrats.

Identi�cation des questions à explorer et interaction concepts/connaissances

À titre d'exemple, la caractérisation des o�res et pilotes existants ou en cours a pu faire appa-raître di�érents critères discriminants, comme les idées d'auto-sélection des assurés, de pédagogie,d'incitation à un changement de comportement, etc.

42

Page 43: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

Il est, alors, possible de rouvrir l'espace des concepts, a�n de tenter d'y intégrer ces idées nouvelles.

Assuranceautomobile

Pas de sélectionpar l'assureur

Sélection parl'assureur

Contratclassique

Contratcoercitif

Populationà risquehomogène

Populationà risque

hétérogène

Couvre-feuParcoursd'insertion

. . .

Couverturejuridique

Indemnisationdommages

Servicesd'assistance

Contratpédagogique

. . .

Part �xede la prime

Part variablede la prime

Bonus-MalusTari�cationà l'usage

. . .

On peut, alors, se demander, par exemple :� ce qu'un � contrat pédagogique � peut mettre en ÷uvre en matière de processus pédagogique,et quel impact il peut avoir sur le comportement routier ;

� si, pour un contrat utilisant une � tari�cation à l'usage �, il est possible de dé�nir un modèledécrivant les liens entre l'usage, le risque et la tari�cation, et si un tel contrat a un impactpédagogique sur le comportement routier ;

� quel impact les clauses des contrats ont sur l'auto-sélection des assurés, et de quelle manière ilsincitent ceux-ci à changer de comportement ;

� en quoi toutes ces ré�exions permettent de :� réviser les modèles actuariels et autres critères de sélection des risques,� créer de nouveaux concepts.

Exemples de Functional Design de concepts de produits d'assurance automobile

D'après ce qui précède, il apparaît, désormais, possible de dé�nir de nouveaux concepts de produitsd'assurance automobile. Quelques exemples sont, rapidement, présentés ici.

Contrat incitatif Le concept d'un contrat incitatif est basé sur l'idée que l'assuré qui le choisitadapte son comportement en fonction d'incitatifs économiques et �nanciers. C'est la logique du bonus-malus, mais de façon généralisée, et ne prenant pas en compte uniquement les données déclarées expost.

Contrat auto-sélectif L'idée d'un contrat auto-sélectif suit la logique du fait que le conducteurchoisit le contrat, qui est �nancièrement attractif mais techniquement contraignant, car il sait qu'ilpourra s'adapter à ses conditions, et en respecter les clauses. C'est une façon déguisée de trier les� bons � conducteurs des � mauvais �.

Contrat à responsabilité partagée Le contrat à responsabilité partagée spéci�e la part de res-ponsabilité de chacune des parties en cas d'accident, et les moyens de contrôle de ces responsabilités.C'est un moyen de faire augmenter la population assurable, sans, pour autant, faire exploser le risquemoyen.

Contrat à l'usage La notion de contrat à l'usage est basée sur l'idée que l'assuré paie en fonctionde l'usage réel qu'il fait de son véhicule. C'est le concept, présenté plus haut, du TripSense TM deProgressive et du Pay As You Drive TM de Norwich Union.

Contrat pédagogique L'idée première est, ici, que l'école de conduite, telle qu'elle existe à l'heureactuelle, n'enseigne que la maîtrise technique des manoeuvres de conduite, mais ne s'intéresse pas àdes niveaux plus élevés, tels que la gestion et la compréhension des situations routières, ou encore

43

Page 44: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 2. MÉTHODOLOGIE D'EXPLORATION

les motivations poussant un individu à conduire, à prendre son véhicule plutôt qu'un autre moyen detransport, etc. Or ces questions sont tout aussi importantes, s'il s'agit d'acquérir une maîtrise totale dela route. Aussi, peut-être est-ce le rôle de l'assureur, qui, �nalement, suit l'assuré pendant de longuesannées, que de l'accompagner dans son apprentissage de la route, en :

� lui imposant, pourquoi pas, dans un premier temps, des limites horaires ou géographiques,� analysant, avec lui, ses habitudes de conduite (par le biais de rapports élaborés grâce à desdonnées remontées via la télématique) et en essayant de les améliorer,

� lui donnant accès à des formations exposant des mises en situation,� lui proposant des modes de mobilité alternatifs, dans certaines circonstances où la prise duvéhicule serait déraisonnable, voire illégale et/ou dangereuse (en sortie de boîte de nuit, parexemple),

� etc.Ce contrat pédagogique permettrait, donc, au conducteur de faire évoluer son comportement de

conduite avec l'aide de l'assureur, sans pour autant que ce dernier ne lui impose, véritablement, quoique ce soit : l'assureur serait juste un accompagnateur, un guide dont l'assuré pourrait choisir, ou non,de suivre les conseils (sachant que suivre ces conseils pourrait occasionner des avantages �nanciers).

Au niveau du Conceptual Design, en terme de variables de conception, ce contrat pourrait êtredécrit par :

Usage et population visée : � Jeunes & Hauts risques ;

� Connaissances sur le comportement et la psychologie

des jeunes conducteurs, la pédagogie, etc.

Produit support : Boîtier télématique.

Clauses du contrat : � Population concernée ;

� Connaissances préalables (aucune, test préalable, etc.) ;

� Durée du contrat ;

� Conditions à respecter (couvre-feu, zones géographiques, etc.).

Front-o�ce : Équipes en charge du suivi des jeunes ?

Back-o�ce : � Système de suivi ;

� Dispositifs de formation ;

� Système de transport alternatif ?

Modèle économique : Raisonnement sur le cycle de vie d'un assuré ?

.

2.5 Synthèse de la méthodologie

Le chapitre a exploré les trois poches de connaissances que sont l'accidentologie, la télématique et lesconcepts de contrats d'assurance automobile. Partant d'un approche macroscopique, pour redescendre,graduellement, sur une approche microscopique, la recherche bibliographique sur l'accidentologie a misen évidence les phénomènes de production d'accidents, qui ne sont dus qu'en partie au facteur humain,avant de présenter une topologie des correspondances entre les di�érents types d'accidents et lesdi�érentes catégories de populations, ainsi qu'une typologie des di�érents comportements de conduite ;en outre, la recherche a fait apparaître des di�érences de comportement au sein même de certainsconducteurs. Ainsi, la question qui se posait était de savoir ce que la télématique pouvait déceler de cesdi�érents comportements. Aussi, a suivi une présentation succincte des di�érents types de dispositifstélématiques actuels (incluant des exemples concrets de dispositifs utilisés par des assureurs étrangers),ainsi que les possibilités et les limites qu'ils présentent. En�n, une ré�exion sur les concepts de contratsd'assurance automobile a proposé une méthode d'exploration de la question de la conception denouveaux contrats issus de l'utilisation de la télématique, en caractérisant l'o�re actuelle de l'assuranceautomobile, d'une part, et en organisant la divergence de celle-ci avec des o�res nouvelles, d'autre part.Ici, on supposait que la télématique pouvait apporter quelque chose, en terme de caractérisation descomportements de conduite décrits par la recherche bibliographique.

Ainsi, le travail restant doit, maintenant, s'e�ectuer sur deux niveaux :� l'exploration du champ d'innovation � télématique et assurance �, en vue de l'identi�cation etdu développement des nouveaux concepts d'assurance automobile ;

� la caractérisation des comportements de conduite révélés par la littérature, grâce à des donnéesremontées via des dispositifs télématiques. Une méthode tentant d'apporter des éléments deréponse à cette dernière question fait l'objet du Chapitre 3.

44

Page 45: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Chapitre 3

Méthode de caractérisation des

comportements de conduite par la

télématique automobile

Le but de ce chapitre est de présenter une méthode d'approche du problème de la caractérisationde situations et comportements de conduite, grâce aux données remontées via un boîtier télématique.Après une brève présentation du dispositif, une démarche expérimentale est proposée, et une dé�nitionsystématique des concepts d'événement et de situation de conduite est donnée. Suit une approche gra-phique du problème, permettant de véri�er certains résultats issus des recherches bibliographiques. Estalors présentée une méthode de caractérisation statistique des événements et situations de conduite,grâce à l'utilisation de réseaux de neurones. Les problèmes liés à l'application de la démarche à uneexpérimentation à grande échelle sont alors envisagés, et des pistes de solutions sont proposées. En�n,la proposition d'une démarche de mise en oeuvre concrète de l'expérimentation n'écarte pas les possi-bilités non-abordées par l'étude, mais néanmoins envisageables, et conclut sur l'intérêt de l'ensemblepour l'assureur automobile.

3.1 Présentation du dispositif

Dans le cadre de son pilote � Télématique �, Covéa Tech' envisage la mise en place, sur un millierde véhicules, d'un dispositif de type � boîtier �, installé dans chaque véhicule.

Le boîtier actuellement utilisé 1 comporte trois fonctions :� la collecte de données tachymétriques sur le véhicule,� la géo-localisation du véhicule,� l'envoi des données à une base de données distante,

con�ée, chacune, à un dispositif matériel di�érent, et dont il gère, telle l'unité centrale d'un ordinateur,la coordination.

3.1.1 Collecte des données

La collecte des données tachymétriques est assurée, dans le cas présent, par un raccordement aucompteur de vitesse et de régime-moteur, d'une part, et par la mise en place d'un accéléromètre,d'autre part. L'ensemble recueille donc, à chaque seconde :

� la vitesse du véhicule,� le régime-moteur du véhicule,� l'impact frontal du véhicule, id est ses accélérations et décélérations,� l'impact latéral du véhicule, id est les courbes ou virages qu'il prend.

1Boîtier Siemens VDO, utilisant le logiciel Fleet Manager.

45

Page 46: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

3.1.2 Géo-localisation

La géo-localisation est assurée par un système GPS. Le système GPS est un système de position-nement par satellite, qui permet de connaître la position de tout matériel qui en est équipé, n'importeoù sur la surface du globe (ou dans les airs). Le système GPS du boîtier permet, ainsi, de connaître,à chaque seconde, la position du véhicule qui en est équipé, ce qui permet, entre autres, de connaîtrele type de route (milieu urbain ou rural, autoroute, route nationale, etc.) qu'il emprunte.

3.1.3 Communication avec la base de données

La communication avec la base de données est assurée par un système GSM et GPRS. Le GSM estla norme de télécommunication sans �l de deuxième génération utilisée par les réseaux de téléphoniemobile. Le GPRS est une norme de téléphonie mobile plus évoluée que le GSM, o�rant des capacités detransmission supérieures. Le boîtier dispose, donc, d'une puce GSM, semblable à celle d'un téléphoneportable, qui émet des appels vers la base de données, a�n de lui transmettre ce que le boîtier acollecté, utilisant la norme GSM pour l'envoi des données GPS, et la norme GPRS pour l'envoi desdonnées tachymétriques.

3.2 Présentation de la démarche expérimentale

La méthode présentée ici s'appuie sur une analyse des données tachymétriques recueillies via unboîtier télématique installé sur un véhicule-test.

3.2.1 Di�érents conducteurs

Les tests sont basés sur la conduite :� principalement : d'un homme de 50 ans, chercheur au CNRS 2, intégré socialement ;� occasionnellement :� d'une femme aux caractéristiques similaires (son épouse),� d'un jeune homme de 23 ans, étudiant, intégré socialement.

Les trajets sont e�ectués sur un seul et même véhicule 3, appartenant au conducteur principal, etque sa femme et lui ont l'habitude de conduire, par opposition au troisième conducteur, qui ne l'autilisé qu'à une seule reprise.

Peut-être cette diversité de conducteurs, sur un même véhicule, pourra-t-elle faire apparaître, grâceà l'analyse, des di�érences au niveau :

� du sexe du conducteur,� de l'expérience du conducteur.

3.2.2 Di�érents trajets-types

Les données recueillies correspondent à des trajets-types, parcourus, tour à tour, de manière plusou moins détendue, et présentant :

� plusieurs types de route : milieu urbain (Paris intra-muros), milieu péri-urbain (Boulevard Pé-riphérique), milieu semi-urbain (ville de banlieue parisienne) ;

� plusieurs contextes de conduite : route �uide ou non.Cette diversité permet, ainsi, de considérer plusieurs types de situations et comportements de conduite.

3.2.3 Di�érentes données

Les données analysées sont les données tachymétriques disponibles à partir du boîtier utilisé, àsavoir :

� la vitesse du véhicule,� le régime-moteur du véhicule,

2Centre National de la Recherche Scienti�que.3Un monospace. Une étude plus complète nécessiterait une expérimentation sur plusieurs types de véhicules, de

gabarits divers.

46

Page 47: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

� l'impact (ou accélération) frontal du véhicule,� l'impact (ou accélération) latéral du véhicule.

3.2.4 Di�érentes étapes

L'analyse se présente en trois temps :� dans un premier temps, l'application d'une méthode graphique permet de véri�er certains résul-tats issus des études sur l'accidentologie ;

� dans un deuxième temps, une méthode statistique tente d'établir une reconnaissance d'événe-ments et de situations de conduite ;

� dans un troisième temps, une démarche est proposée en vue de la mise en place d'une expéri-mentation à grande échelle.

3.3 Première approche par la représentation graphique

3.3.1 Réduction du volume de données

Avant de commencer, on peut tenter d'aborder le problème du volume des données. En e�et, leboîtier collecte des données toutes les secondes, ce qui entraîne un volume conséquent de données.Le problème, relativement peu important dans le cas d'un seul véhicule, dont on ne considère quequelques trajets, peut vite devenir insurmontable, lorsqu'il s'agit de monitorer, 24 heures sur 24, unensemble de plusieurs milliers de véhicules.

En considérant les Figures 3.1 et 3.2, on peut s'apercevoir que la non-prise en compte d'une donnéesur deux ne modi�e pas les traits caractéristiques des courbes. On peut s'apercevoir, par contre,

Fig. 3.1: Représentation de l'évolution, dans le temps, des données tachymétriques (vitesse en rouge,régime-moteur en bleu, impact frontal en mauve, impact latéral en vert) d'un trajet donné, en prenanten compte toutes les données.

grace à la Figure 3.3, qu'un maillage plus large que celui-ci fait perdre, aux courbes, des informationsimportantes. Ce résultat peut, d'ailleurs, être justi�é par une simple observation des tableaux � bruts �de données : en e�et, le parcours de ces tableaux révèle un très faible nombre de � lignes singulières �,id est de cas où un phénomène (une valeur non nulle de l'impact frontal ou latéral, par exemple)ne s'étale pas sur plus d'une seconde. Le nombre de cas où un tel phénomène s'étale sur plus deuxsecondes est, en revanche, relativement faible.

On pourra donc, par la suite, se contenter de cette approximation, en réduisant, ainsi, le volume desdonnées de moitié, mais il ne faudra pas réduire d'avantage. Dans le cas présent, les trajets considérésétant limités à un petit nombre, et pour un seul véhicule, toutes les données ont été conservées.

3.3.2 Véri�cation graphique des résultats de la littérature

Rappel des notions et mode de représentation

Les notions abordées ici sont issues de l'exploration bibliographique sur l'accidentologie. On dis-tingue :

47

Page 48: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Fig. 3.2: Représentation de l'évolution, dans le temps, des données tachymétriques (même code decouleurs) d'un trajet donné, en prenant en compte une donnée sur deux.

Fig. 3.3: Représentation de l'évolution, dans le temps, des données tachymétriques (même code decouleurs) d'un trajet donné, en prenant en compte une donnée sur cinq.

48

Page 49: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

� le pro�l de conduite : ensemble des caractéristiques propres à un certain type de conduite ;� le pro�l de conducteur : ensemble des caractéristiques propres à la conduite d'un conducteur ;� le comportement de base du conducteur : ensemble des caractéristiques � habituelles � de laconduite d'un conducteur, par opposition au comportement occasionnel.

La représentation des données est une représentation dite � polaire �, pour laquelle la distanceau centre (à l'origine des graphes) des points représente la vitesse, et l'angle par rapport à l'axe desabscisses positives, mesuré dans le sens trigonométrique, représente le régime-moteur.

Les �gures présentées ci-dessous ne sont ici qu'à titre indicatif : les premières sont commentéesmanuellement, les secondes peuvent être di�cilement lisibles (notamment en noir et blanc).

Existence d'un pro�l de conduite

La Figure 3.4 montre que, pour un même trajet, et un même conducteur, on remarque deux façonsde conduire � pro�ls de conduite � bien distinctes :

� la première, en bleu, correspond à une conduite calme et détendue,� la deuxième, en rouge, correspond à une conduite, pressée, tendue, brusque et hachée.

Fig. 3.4: Représentation polaire de deux occurrences d'un même trajet e�ectué par le chercheur, l'une(en bleu, petits points), de façon détendue, l'autre (en rouge, gros points), de façon pressée et tendue.

Malgré ses deux pro�ls de conduite assez di�érents, le chercheur fait preuve d'une certaine régularitédans la zone de conduite normale, où tous les points des deux pro�ls se chevauchent.

Sa femme, quant à elle, ne présente qu'un seul pro�l de conduite, mais qui est moins régulier,comme le montre la Figure 3.5.

Fig. 3.5: Représentation polaire de plusieurs occurrences d'un même trajet e�ectué par la femme duchercheur.

49

Page 50: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Existence d'un pro�l de conducteur

Les Figures 3.6 et 3.7 mettent en évidence des di�érences entre les façons de conduire du chercheur,conducteur habituel du véhicule, pris comme référence, et de :

� sa femme, qui présente des di�érences au démarrage (pour les faibles vitesse, forte variabilité durégime-moteur), notamment,

� l'étudiant, qui présente des irrégularités tout au long de la conduite.

Fig. 3.6: Représentation polaire de la conduite du chercheur (en bleu et rouge, comme précédemment),et de celle de sa femme (en vert, petits points).

Fig. 3.7: Représentation polaire de la conduite du chercheur (en bleu et rouge, comme précédemment),et de celle de l'étudiant (en vert, petits points), sur un même trajet.

Existence d'un comportement de base

La Figure 3.8 (respectivement 3.9, respectivement 3.10) présente la fréquence d'occurrence des évé-nements lors de la conduite du chercheur (respectivement de sa femme, respectivement de l'étudiant).

Pour le chercheur, on remarque une sur-représentation des points verts (points de forte occurrence),qui correspondent au comportement de base, très régulier, contre une plus faible représentation despoints oranges (points d'occurrence plus faible), correspondant à un ou plusieurs comportementsoccasionnels. La conduite de sa femme, au contraire, présente une sur-représentation de points rouges,correspondant à des événements exceptionnels : c'est une conduite très irrégulière, que l'on pourraitquali�er d'� éparpillée � (tous les points du plan, ou presque, apparaissent au moins une fois).

On s'aperçoit, aussi, que pour l'étudiant, cette représentation est toute autre : assez régulière surune large étendue de vitesse, et pour des régimes-moteur variant très peu, et présentant de nombreuxpoints exceptionnels au démarrage, cette conduite est assez typique de la conduite � auto-école �,où l'on fait attention au moindre détail, a�n de régler, le plus proprement possible, ses passages devitesse, etc., mais où l'on n'a pas encore les habitudes du démarrage.

50

Page 51: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Fig. 3.8: Représentation polaire de la fréquence d'occurrence des événements d'un trajet chez lechercheur. Les points apparaissant fréquemment sont signalés en vert, les points plus rares en orange,et les points exceptionnels en rouge.

Fig. 3.9: Représentation polaire de la fréquence d'occurrence des événements d'un trajet chez la femmedu chercheur. Le même code de couleurs est utilisé.

Fig. 3.10: Représentation polaire de la fréquence d'occurrence des événements d'un trajet chez l'étu-diant. Le même code de couleurs est utilisé.

51

Page 52: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Ainsi, on s'aperçoit qu'on peut, a priori, reconnaître des di�érences :� d'expérience de conduite,� d'habitude du véhicule,� d'appréhension du dégât matériel,� de sexe (apparemment).

3.4 Caractérisation statistique d'événements et de situations

de conduite

Le but est, ici, de présenter une méthode statistique permettant de caractériser des événements etsituations de conduite, pour un véhicule équipé du boîtier télématique.

3.4.1 Principe et mode opératoire

L'objectif de l'analyse est de tenter de retrouver, grâce aux données collectées par le boîtier, cequ'il se passe � réellement � pour le véhicule et son conducteur, c'est-à-dire :

� où le véhicule se trouve,� ce qu'il se passe � autour � du véhicule,� ce que le conducteur fait,� la manière dont il le fait.Cette � réalité � de la conduite peut, ainsi, être modélisée, à chaque instant, selon quatre variables,

partionnées, chacune, en une liste de valeurs.

Le type de route

La variable � type de route � prend les valeurs généralement rencontrées sur les routes, à savoir :� milieu urbain : grosse agglomération intra-muros,� milieu péri-urbain : boulevard périphérique ou voie rapide péri-urbaine,� milieu semi-urbain : banlieue de grosse agglomération ou petite ville de province,� milieu rural,� autoroute,� autre.

Le contexte de conduite

La variable � contexte de conduite � prend en compte l'état de la route par rapport à la quantitérelative du nombre d'autres usagers. On distinguera, ainsi :

� circulation �uide,� circulation non-�uide,� autre.

Il n'est pas exclu de vouloir, pour une expérience future, préciser les valeurs, en distinguant, parexemple, une � circulation �uide � sur une route avec quelques voitures ou sans voiture du tout, ouune � circulation non-�uide � ne présentant que de simples ralentissements ou, au contraire, totalementbouchée.

L'action du conducteur

La variable � action du conducteur � décrit l'impact des actions internes du conducteur sur lecomportement du véhicule, c'est-à-dire :

� accélération,� décélération,� maintient de la vitesse,� prise de virage,� autre.

Pour des raisons de simplicité (et d'imprécision), la valeur � virage � regroupe les virages à droite età gauche ; il peut être envisageable de distinguer, par la suite, le sens des virages, ainsi que leur angle

52

Page 53: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

(un virage de courbe légère n'a pas le même impact qu'un virage à angle droit, ou qu'un virage en� tête d'épingle �).

Le mode de conduite

La variable � mode de conduite � décrit la façon dont le conducteur conduit. Simple en apparence,cette variable est pourtant celle qui pose le plus de problème à décrire, de par sa subjectivité, contrai-rement aux trois autres, qui sont déterminées de façon objective. En e�et, la question qui se pose estde savoir si l'on doit se baser sur une di�érenciation � comportement de base � / � comportementoccasionnel �, ou sur une dé�nition plus standard, type � conduite normale � / � conduite rapide � /� conduite lente �.

Prendre en compte une décomposition relative, c'est-à-dire basée sur le comportement de base duconducteur et ses déviations, reviendrait :

� d'une part, à être obligé de connaître, d'emblée, le comportement de base d'une conducteurdonné, a�n de pouvoir juger dans quel cas celui-ci se trouve, ou non, dans un comportementoccasionnel ;

� d'autre part, à retrouver, par l'expérience, toujours la même décomposition entre les deux (onrappelle qu'une des hypothèses émises est la stabilité du comportement de base), ce qui, nonseulement, ne permettrait pas d'apprendre grand chose sur son évolution, mais aussi ne pourraitdonner aucune information sur le comportement global (dans l'absolu) du dit conducteur.

L'idée est, ainsi, de prendre en compte une décomposition dans l'absolu, basée, par exemple,sur une conduite objectivement parfaite, du type � professeur d'auto-école en dehors des heures decours �, c'est-à-dire une conduite sûre, adaptée à chaque situation et type de route, respectueuse desréglementations et des autres usagers, mais pas trop lente et forcée à l'extrême (contrairement à laconduite pendant les heures de cours).

La variable � mode de conduite � peut, alors, être décrite par les valeurs :� mode � normal � : une conduite relaxée, automatique, détendue et respectueuse des réglemen-tations ;

� mode � rapide � : une conduite hachée, brusque, tendue, dépassant les limitations de vitesseet/ou les règles de sécurité ;

� mode � lent � : une conduite particulièrement molle et/ou craintive, respectant, par exemple,� trop � les réglementations de vitesse ;

� autre.Ces valeurs sont celles utilisées dans la présente étude, mais elles peuvent, le cas échéant, être préciséeslors d'une étude ultérieure. En e�et, le mode � rapide � pourrait, par exemple, être partagé entre uneconduite � rapide mais prévoyante � (dépassement des limitations de vitesse, mais tout en gardant unecertaine maîtrise de la situation et des règles de sécurité) et une conduite � de fonceur et/ou de �am-beur � (accélérations excessives avec crissement de pneumatiques, grillage de feux tricolores, etc.), quin'ont, certainement, pas les mêmes répercutions au niveau de la notion de danger. Il en est de mêmepour le mode � lent �, où l'on peut distinguer, par exemple, le comportement d'un conducteur fatigué,voire somnolant, qui chercherait à minimiser le risque en conduisant lentement, de celui d'un jeuneconducteur peu assuré, voire craintif, qui respecterait à la lettre � et à outrance � les réglementations.

Ces partitions de valeurs sont données à titre indicatif et peuvent, tout à fait, être complétées,a�nées ou modi�ées, au �l des tests. On notera la nécessité d'obtenir des partitions parfaites, d'oùle rajout, pour chaque variable, de la valeur � autre �, indiquant l'ensemble des valeurs qui n'ont puêtre caractérisées.

Cette modélisation permet, ainsi, de combiner les variables, a�n d'étudier divers aspects de laconduite. La présente analyse s'attache, ainsi, à deux aspects :

� la situation de conduite, dé�nie comme une combinaison des variables � type de route �, � contextede conduite � et � mode de conduite � ;

� l'événement de conduite, dé�ni comme la combinaison des variables � action du conducteur � et� mode de conduite �.

Ici aussi, on notera la nécessité d'un partitionnement parfait, quitte à rajouter une valeur � autre �.

L'analyse s'e�ectue, alors, en deux temps.

53

Page 54: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Dans un premier temps � la phase d'apprentissage � les données issues du boîtier télématiquesont comparées, pour une série de trajets donnés, à la � réalité � de ces trajets (id est à ce que leconducteur ou ses passagers ont perçu, vécu ou ressenti pendant la conduite, et, plus précisément,aux événements et situations de conduite), consignée dans un � carnet de bord � (document écrit,enregistrement vocal, etc.). Cette phase permet d'étalonner le boîtier.

Dans un deuxième temps � la phase de test � les données issues du boîtier sont comparées auxrésultats de l'étalonnage, a�n de déterminer, statistiquement, les événements, les situations, voire,même le conducteur, correspondant à un trajet donné.

3.4.2 Phase d'apprentissage

La phase d'apprentissage s'e�ectue une seule fois, au début de l'analyse. Elle doit prendre encompte un certain nombre de trajets, sachant que :

� plus le nombre de trajets est élevé, plus l'étalonnage sera précis, et les résultats signi�catifs ;� plus le nombre de trajets est élevé, plus le processus d'élaboration du carnet de bord (id estla partie non-automatisable de l'analyse) sera lourd et coûteux, et plus les résultats sur lecomportement du conducteur apparaîtront tard.

Une fois toutes les données de la phase d'apprentissage recueillies, l'analyse suit la démarchesuivante.

Augmentation de l'information des événements élémentaires

Comme il a été décrit précédemment, les données brutes du boîtier se présentent sous la formed'une succession de vecteurs, chacun dé�ni, à chaque seconde, par :

V : VitesseRM : Régime-MoteurIF : Impact FrontalIL : Impact Latéral

.

Le problème d'un tel vecteur est que l'information qu'ils contient n'est pas discriminante d'unconducteur à l'autre, d'une situation à l'autre, d'un événement à l'autre. En e�et, il n'est qu'un� point �, une seconde, qui, telle une photographie instantanée, ne donne pas de renseignement surl'évolution du phénomène.

Ce problème peut être résolu par l'application d'un algorithme de traitement à l'ensemble desdonnées brutes, permettant de donner du � sens � à chaque vecteur. En e�et, à chaque seconde,l'algorithme exprime la di�érentielle de la vitesse sur un intervalle de deux secondes, puis regroupeles � points � consécutifs ayant une di�érentielle de même signe, et, en�n, décrit le conglomérat ainsiobtenu � l'événement élémentaire � par un vecteur de dimension 10, dé�ni par :

dt : Durée de l'événement élémentaireV : Vitesse pseudo-initialedV : Di�érentielle de la VitessedVdt : Dérivée de la Vitesse

RMmax : Régime-Moteur maximaldRM : Di�érentielle du Régime-MoteurIFmax : Impact Frontal de plus grande amplitudeIFmean : Moyenne des Impacts FrontauxILmax : Impact Latéral de plus grande amplitudeILmean : Moyenne des Impacts Latéraux

.

Ainsi, un événement élémentaire, contient des informations sur :� sa durée : dt ;� sa vitesse et son évolution : V , dV , dV

dt ;� son régime-moteur et son évolution : RMmax, dRM ;� son accélération frontale : sur quelques secondes, IF pouvant changer du tout au tout, il estutile de prendre en compte sa moyenne IFmean, pour avoir la tendance globale sur la durée dt,et son amplitude maximale IFmax, pour obtenir une valeur plus caractéristique ;

54

Page 55: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

� son accélération latérale : ILmean et ILmax, pour les mêmes raisons.Un tel traitement permet, outre d'augmenter le volume d'information de chaque vecteur, de :� diminuer le bruit inhérent aux données brutes : en e�et, chaque di�érentielle est exprimée surun intervalle de deux secondes, et non d'une seconde, éliminant, ainsi, les � pics � accidentelséventuels ;

� diminuer le volume des données : en e�et, on regroupe les points � similaires � ;� de repérer d'éventuelles variables redondantes : il peut être, en e�et, utile d'avoir, en mêmetemps, dRM et dV , ainsi que IFmax et dV

dt (l'accélération étant, logiquement, la dérivée de lavitesse), a�n de les comparer, et de voir si l'une d'entre elles ne pourrait pas être éliminée ;ceci peut s'avérer particulièrement intéressant au cas où, comme peut le laisser sous-entendre àla Section 3.1, on ne dispose pas d'accéléromètre ou de remontée du régime-moteur ; cela seramentionné à la Section 3.5.1.

Recherche des caractéristiques signi�catives de la conduite globale

La conduite est représentée par un ensemble d'événements élémentaires. Le but est, maintenant,de chercher les caractéristiques � communes � de ces événements élémentaires, c'est-à-dire les élémentsauxquels ils sont le plus corrélés.

Une ACP 4 permet de � projeter � les événements élémentaires (qui, pour mémoire, ne sont autresque des vecteurs de dimension 10) sur les � directions � les plus signi�catives, appelées � composantesprincipales �, de la conduite, id est sur les facteurs � expliquant � le mieux l'information qu'ellecontient.

Ainsi, les événements élémentaires, de dimension 10, sont projetés sur un nombre d'axes comprisentre 1 et 9, suivant leur degré de corrélation, sachant que :

� moins il y a d'axes, plus la perte d'information est importante ;� plus il y a d'axes, moins l'ACP est e�cace : passer d'un espace à 10 dimensions à un espace à

9 dimensions n'a pas beaucoup d'intérêt.Il existe diverses méthodes mathématiques [11] pour trouver le nombre optimal de composantes prin-cipales de l'ACP.

L'ACP permet donc d'éliminer de l'information qui n'est pas signi�cative, tout en diminuant ladimension de l'espace vectoriel de dé�nition des événements élémentaires, donc en diminuant le volumedes données.

Segmentation selon les événements de conduite réels

L'étape suivante consiste à comparer les événements élémentaires (de dimension réduite) ainsiobtenus aux éléments du carnet de bord.

Les données peuvent, ainsi, être partionnées de deux façons di�érentes, une première partitioncorrespondant aux situations de conduite (conduite normale dans un bouchon urbain, conduite hachéesur un boulevard périphérique périphérique �uide, conduite au ralenti en milieu rural, etc.), unedeuxième, aux événements de conduite (accélération anormale, freinage normal, etc.).

On se retrouve, ainsi, avec des groupes, composés d'événements élémentaires, et représentant,chacun, un événement ou une situation de conduite.

Pour un usage futur, la proportion de chaque événement (respectivement situation) Ci (C pourclasse) au sein de la partition des événements (respectivement des situations) sera appelée le prior,ou � probabilité a priori de Ci �, et notée p(Ci).

Expressions � uni�ées � des événements et situations

Chaque événement ou situation est, dorénavant, représentée par un ensemble d'événements élé-mentaires plus ou moins corrélés. L'objectif est, maintenant, d'� uni�er � les événements élémentairescomposant un même événement ou situation, a�n de pouvoir les exprimer par une seule et mêmeexpression mathématique.

Une solution est de modéliser, pour chaque événement ou situation, les événements élémentairesavec une somme de courbes gaussiennes, à l'aide, par exemple, d'un GMM 5. On notera qu'il n'y a

4Analyse en Composantes Principales.5Gaussian Mixture Model.

55

Page 56: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

pas de méthode pour calculer automatiquement le nombre optimal de gaussiennes utilisées pour lamodélisation, celui-ci ne devant être ni trop faible (sous peine de perte de précision), ni trop élevé(sous peine de perte d'e�cacité, voire d'� over�tting � 6). Par expérience, et par habitude, le nombrechoisi sera, ici, de 3.

Le résultat obtenu, pour chaque événement ou situation de conduite, est une � fonction de densitéde probabilité �, id est une fonction représentant la répartition des événements élémentaires au seinde l'événement ou situation.

Probabilité d'un événement ou situation de conduite

La densité de probabilité trouvée précédemment est appelée activation, et peut être notée :

p(x|Ci),

(à lire � (densité de) probabilité de x, sachant Ci �), où x est un événement élémentaire (id est unvecteur des données), et Ci un événement ou une situation de conduite que l'on considère. Cettenotation fait donc référence à la répartition des événements élémentaires x, sachant que l'événementou situation considéré est Ci.

Il peut être, alors, intéressant de déterminer, pour un événement élémentaire x donné, la probabilitéqu'il appartienne à l'événement ou situation Ci, dite posterior, ou � probabilité a posteriori (de Ci,sachant x) �, à savoir :

p(Ci|x).

Ceci peut être résolu grace au Théorème de Bayes, qui s'énonce comme suit :

p(Ci|x) =p(x|Ci)p(Ci)∑Cj

p(x|Cj)p(Cj),

où p(Ci) est la probabilité a priori de Ci chez le conducteur considéré, (id est la proportion de Ci

dans la partition considérée, comme il est dé�ni plus haut), et les Cj sont les di�érents événementsou situations rencontrés chez le conducteur considéré. On notera que la somme se fait soit sur tousles événements, soit sur toutes les situations, selon que Ci est un événement ou une situation.

La phase d'apprentissage a donc permis de dé�nir, pour un conducteur donné, la probabilité qu'un� point � des données (l'événement élémentaire) corresponde à un événement ou situation de conduitedonné.

3.4.3 Phase de test

La phase de test s'e�ectue pour chaque trajet que l'on veut confronter aux résultats de l'étalonnage.

Comme pour l'étalonnage, la première étape est d'appliquer, aux données brutes issues du boîtier,l'algorithme de traitement précédemment mentionné, a�n d'obtenir une succession d'événements élé-mentaires.

L'hypothèse est, alors, faite que le conducteur en présence est le même que le conducteur considérélors de la phase d'apprentissage.

La projection obtenue par l'ACP lors de la phase d'apprentissage est, alors, appliquée à l'ensembledes événements élémentaires, a�n d'en réduire la dimension et de ne garder que l'information la plus si-gni�cative. On rappelle qu'il faut IMPÉRATIVEMENT que la projection utilisée soit la même que lorsde la phase précédente, sous peine de se retrouver dans un espace di�érent, et donc incohérent. Cetteremarque met l'accent sur la nécessité de disposer d'un nombre su�sant de données d'apprentissage,car ce sont elles qui conditionnent toute l'analyse.

Ainsi, pour chaque événement élémentaire x obtenu, on peut trouver la probabilité qu'il corres-ponde à l'événement ou à la situation Ci, en appliquant le calcul du posterior p(Ci|x), présenté à la�n de la Section 3.4.2.

6En français : � sur-apprentissage �. C'est un problème dû au sur-nombre des paramètres utilisés pour modéliser unjeu de données.

56

Page 57: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

En appliquant ce calcul aux di�érents Cj , on peut obtenir une estimation statistique de l'événementou de la situation de conduite auquel correspond l'événement élémentaire x : il s'agira, statistiquementparlant, du Ci dont le p(Ci|x) est le plus élevé (en e�et, il ne faut pas oublier que les Cj forment unepartition de l'ensemble de la conduite). On prendra bien soin de remarquer, ici, que ce résultat est uneestimation, et non un résultat juste : aussi, l'application, assez tentante, d'un tel résultat à l'ensembledes événements élémentaires x, en vue de retrouver une nouvelle partition des Cj (en calculant, pourchaque Ci, le ratio du nombre de x lui correspondant, par le nombre total de x) ne serait qu'uneregrettable erreur 7 !

Ainsi, pour retrouver une nouvelle partition des Cj (id est � mettre à jour � les priors), il fautcalculer, pour chaque Ci, une moyenne (pondérée par le volume de données considéré) de l'ancienprior p(Ci) et de la moyenne, sur tous les x, du posterior p(Ci|x). En faisant cela pour chacun desdeux types de classe (événement et situation), on se retrouve, ainsi, avec deux nouvelles partitions desévénements et des situations de conduite.

La question qui se pose, alors, est de savoir si ces deux nouvelles partitions, obtenues par le calcul,correspondent aux partitions initiales (obtenues grâce au carnet de bord) : mathématiquement parlant,on se demande si les nouveaux priors sont égaux aux anciens. En e�et, l'obtention des deux nouvellespartitions est conditionnée par l'hypothèse faite plus haut que le conducteur est identique, et queson comportement est stable. Ainsi, si les deux nouvelles partitions sont identiques aux partitionsétablies lors de l'élaboration du carnet de bord, l'hypothèse se véri�e, et, de plus, on peut se dire quele conducteur est dans son � état normal � ; on véri�e, qui plus est, le bien fondé du raisonnement surla stabilité du comportement de base du conducteur. Par contre, si les deux nouvelles partitions nesont pas identiques aux partitions initiales, on peut imaginer que soit le conducteur n'est pas dansson � état normal � (on a alors a�aire à un comportement occasionnel), soit, si les partitions di�èrentdu tout au tout, que le conducteur en présence n'est pas le conducteur considéré lors de la phased'étalonnage.

Cela reste, bien sûr, théorique : en e�et, cela présuppose que les priors trouvés lors de la phased'apprentissage sont parfaits et très précis, ce qui ne sera jamais le cas dans la réalité. Néanmoins, laSection 3.5.2 propose une méthode a�n de remédier à cette imprécision.

3.4.4 Exemple d'application de la méthode pour des événements de conduite

On tente, ici, d'appliquer la méthode proposée aux événements de conduite rencontrés lors destrajets du véhicule-test, conduit par le chercheur du CNRS.

Dans la phase d'apprentissage, après une application de l'algorithme de traitement aux donnéesbrutes, une ACP est e�ectuée sur les événements élémentaires, qui sont, alors, projetés sur les deuxaxes principaux (seulement deux axes ont été considérés, par souci de représentation, d'une part, maissurtout de capacité de calcul, d'autre part). On notera que ce choix de deux axes, seulement, peut,malheureusement, avoir une incidence sur la précision et la justesse des résultats, mais une étudeconsidérant plus de dimensions nécessiterait un matériel plus puissant (un cluster 8, par exemple).

La comparaison des événements élémentaires avec le carnet de bord établi lors des trajets révèle,alors, une première partition des événements de conduite :

� accélération en mode normal : 13, 42% ;� décélération en mode normal : 11, 16% ;� maintient de la vitesse en mode normal : 31, 79% ;� prise de virage en mode normal : 5, 64% ;� accélération en mode rapide : 3, 72% ;� décélération en mode rapide : 3, 16% ;� maintient de la vitesse en mode rapide : 1, 69% ;� prise de virage en mode rapide : 3, 04% ;� décélération en mode lent : 0, 90% ;

7. . . aux yeux d'un statisticien : en e�et, les probabilités considérées, depuis le début, sont des probabilités au sensbayésien du terme (id est un degré de croyance) ; l'application de l'estimation trouvée, ici, reviendrait à considérer lesprobabilités au sens fréquentiste du terme (id est une fraction du nombre d'occurrences d'un cas par rapport au nombretotal des cas).

8Ensemble constitué de plusieurs processeurs mis en parallèle.

57

Page 58: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

� autre (catégorie regroupant les événements n'ont pu être quali�és) : 25, 48%.Ainsi, la projection, sur le plan dé�ni par les deux axes de l'ACP, des événements élémentaires

relatifs, par exemple, à l'événement � accélération en mode normal � est représentée par la Figure 3.11.

Fig. 3.11: Projection en dimension 2 des événements élémentaires pour l'événement � accélération enmode normal �.

L'application d'un GMM aux événements élémentaires composant l'événement � accélération enmode normal � permet de calculer la fonction de densité de probabilité, représentée par la Figure 3.12.

Fig. 3.12: Représentation de la fonction de densité de probabilité de l'événement � accélération enmode normal �.

En�n, l'application du Théorème de Bayes à cette densité de probabilité permet de calculer la pro-babilité d'appartenance des événements élémentaires à l'événement � accélération en mode normal �,ce qui est représenté par la Figure 3.13.

On remarquera que les �gures ne sont présentées qu'à titre illustratif, a�n de donner une idée dece dont on parle, mais ne sont pas utilisables en tant que telles.

La phase de test permet, maintenant, d'appliquer les résultats de la phase d'apprentissage :� au même trajet, toujours e�ectué par le chercheur,� à un trajet di�érent, e�ectué par sa femme,� à un trajet similaire au premier, e�ectué par l'étudiant.Les partitions obtenues (exprimées en pourcentages), dans chaque cas, sont présentées dans le

tableau suivant :

58

Page 59: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Fig. 3.13: Représentation de la probabilité de l'événement � accélération en mode normal �, parrapport aux événements élémentaires.

Carnet de bord Chercheur Test Chercheur Test Épouse Test Étudiant

Accélération mode normal 13, 42 16, 97 15, 34 17, 77Décélération mode normal 11, 16 12, 30 11, 67 10, 28Maintient vitesse mode normal 31, 79 13, 52 16, 42 15, 78Virage mode normal 05, 64 04, 09 05, 09 05, 15Accélération mode rapide 03, 72 08, 45 07, 93 08, 51Décélération mode rapide 03, 16 07, 57 06, 00 06, 48Maintient vitesse mode rapide 01, 69 00, 97 01, 24 01, 03Virage mode rapide 03, 04 04, 87 04, 76 05, 01Décélération mode lent 00, 90 00, 34 00, 54 00, 47Autre 25, 48 30, 93 31, 03 29, 53

Le tableau met en évidence de grosses di�érences entre la partition issue du carnet de bord, et lespartitions issues de la phase de test. Paradoxalement, il semblerait, même, que les partitions concernantla femme du chercheur et l'étudiant soient plus en adéquation avec la partition du carnet de bord ;néanmoins, il ne faut pas s'y tromper : ce n'est qu'une apparence, et le fruit du hasard.

Ce phénomène de non-concordance peut s'expliquer par les raisons suivantes :� le faible nombre des trajets expérimentaux lors de la phase d'apprentissage : en e�et, trois trajets,seulement, ont béné�cié de l'élaboration d'un carnet de bord ;

� le manque de synchronisation entre le carnet de bord, la réalité, et l'horloge interne du boîtier :ainsi, la conduite étant ce qu'elle est, il su�t de quelques secondes d'écart pour que les résultatssoient totalement faussés ;

� la di�culté de l'élaboration du carnet de bord : en e�et, il est di�cile de repérer et caractérisertout ce qu'il se passe ; il y a beaucoup de choses que l'on ne voit pas, que l'on ne peut pas voir,que l'on ne pense pas à relever systématiquement, ou bien, même, que l'on voit, mais que l'onn'a pas le temps de relever, tellement le �ot d'informations est important (et, qui plus est, sil'observateur et le conducteur ne font qu'un).

Il est, alors, intéressant de noter que l'erreur la plus importante concerne l'événement � maintiende la vitesse constante en mode normal �. Ainsi, l'observateur a sur-évalué son importance lors del'élaboration du carnet de bord, au détriment des événements d'accélération et de décélération (et,en particulier, en � mode rapide �), ce qui est parfaitement compréhensible : en e�et, le phénomènede changement d'allure est, parfois, imperceptible, surtout à grande vitesse, et l'esprit humain a tôtfait de � gommer � ces petites variations pour ne percevoir qu'une seule et même allure constante.L'exemple typique est celui de la voie rapide ou de l'autoroute, que l'esprit perçoit comme une lignedroite, monotone, et à allure constante, alors que ce n'est pas le cas.

Ainsi, tout ce qui a été proposé ne reste qu'une méthode opératoire, et n'est en aucun cas unrésultat � juste � dans l'absolu : c'est une méthode statistique, qui nécessite un grand nombre dedonnées, et donc un grand nombre de tests, a�n d'être expérimentée, validée, voire améliorée, oumême rejetée.

59

Page 60: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

3.5 Problèmes liés à une expérimentation à grande échelle

Le but est, ici, d'étudier la résolution des problèmes liées à l'application de la méthode de caracté-risation présentée à la Section 3.4 à une expérimentation à grande échelle par l'assureur automobile.

En e�et, l'expérimentation, à grande échelle, en situation réelle, présente, contrairement à l'étudeprécédente, plusieurs contraintes :

� une contrainte matérielle, liée au boîtier sélectionné pour l'expérimentation, et à la nature desdonnées qu'il peut recueillir ;

� une contrainte en terme de back-o�ce, c'est-à-dire de capacité de traitement des données re-cueillies ;

� une contrainte de temps : en e�et, s'il est vrai que � le temps, c'est de l'argent �, il paraîtimportant d'obtenir des résultats sur la conduite rapidement ;

� une contrainte de disponibilité de l'observateur, et de la di�culté inhérente à l'élaboration d'uncarnet de bord.

Comme il est présenté ci-dessous, ces problèmes peuvent être amoindris grâce à une étude dela redondance de certaines variables, d'une part, et d'un processus d'a�nage du partionnement desévénements et situations de conduite, d'autre part.

3.5.1 Étude de la redondance des variables

Comme il a été mentionné à plusieurs reprises, l'un des problèmes d'une expérimentation à grandeéchelle est le volume de données qu'elle peut engendrer.

La Section 3.3.1 permet, d'hors et déjà, de fournir un élément de réponse, à savoir la possibilité,sans risquer de perdre trop d'information, de réduire le volume des données par deux, en ne prenanten compte qu'une donnée sur deux (id est une donnée toutes les deux secondes). Malheureusement,cette méthode n'a pas pu être validée lors de l'analyse actuelle, au vu du trop petit nombre des trajets-tests : en e�et, quand le nombre des données est trop petit (comme c'est le cas, déjà, pour certainsévénements de conduite), il est impossible de les modéliser à l'aide d'un GMM, et ce pour la raison,déjà mentionnée, de l'over�tting.

Il existe, néanmoins, un autre moyen de diminuer le volume des données, en réduisant, non lesdonnées brutes, mais, cette fois-ci, les événements élémentaires. En e�et, les événements élémentairesont été dé�nis, dans la Section 3.4.2, comme des vecteurs de dimension 10, ce qui présente l'avantagede les caractériser avec précision, mais le désavantage d'augmenter le volume des données. L'ACPconsidérée à la Section 3.4.2 permet de résoudre, en partie, ce problème.

Une autre solution serait de pouvoir repérer, parmi les 10 dimensions, des variables redondantes,c'est-à-dire des facteurs expliquant la même information. Pour ce faire, il faut étudier la matrice decorrélation des événements élémentaires. Calculée sur un ensemble de trajets pris au hasard, cettematrice révèle une corrélation :

� très forte (0, 8987) entre dVdt et dV ,

� assez forte (0, 7518) entre RMmax et V ,� très forte (0, 8827, respectivement 0, 8331) entre dRM et dV (respectivement dRM et dV

dt ),� assez forte (0, 7931) entre IFmean et IFmax,� assez forte (0, 7929) entre ILmean et ILmax.

Ce résultat permet d'envisager de ne décrire les événements élémentaires que par un vecteur dedimension 5, dé�ni par :

dtVdV

IFmax

ILmax

.

Ce résultat est particulièrement intéressant, car il permet d'envisager une étude avec un boîtier neprésentant pas de remontée du régime-moteur, ce qui est le cas du boîtier choisi par Covéa Tech' 9.

9Boîtier France Télécom - Magneti Marelli, ne comportant pas de remontée de régime-moteur, ni d'accélérométrie.En fait, ce boîtier ne comporte pas de remontée de donnée tachymétrique, à proprement parler : en e�et, l'obtentionde la vitesse est e�ectuée par un calcul de dérivation des données remontées via le GPS, et non par branchement aucompteur de vitesse.

60

Page 61: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Une étude plus approfondie de la matrice de corrélation révèle un palier entre les corrélations fortes(supérieures à 0, 75) et les corrélations faibles (inférieures à 0, 4), ce qui con�rme que le corrélationsprises en compte sont bien signi�catives.

De plus, les corrélations faibles les plus élevées (comprises entre 0, 3 et 0, 4) correspondent auxrelations entre :

� IFmax et dV , dVdt , dRM ,

� ILmax et IFmax, IFmean,� ILmean et IFmean.

Ce résultat peut donner un espoir, bien que très faible, d'être en mesure de se passer de la remontréaccélérométrique, bien que cela reste à prouver.

Ainsi, une étude, sur le même parcours, de la partition des événements, selon que l'on retire, ounon, les données sur le régime-moteur et sur l'accéléromètrie, donne le tableau suivant :

Test original Test sans RM Test sans IF -IL Test sans RM ni IF -IL

Accélération mode normal 16, 97 20, 76 07, 76 07, 07Décélération mode normal 12, 30 10, 76 09, 65 07, 63Maintient vitesse mode normal 13, 52 10, 12 08, 80 10, 29Virage mode normal 04, 09 06, 29 02, 78 02, 36Accélération mode rapide 08, 45 11, 64 26, 18 28, 13Décélération mode rapide 07, 57 11, 74 25, 32 07, 79Maintient vitesse mode rapide 00, 97 00, 67 00, 45 01, 29Virage mode rapide 04, 87 05, 64 01, 73 01, 41Décélération mode lent 00, 34 00, 25 00, 34 00, 28Autre 30, 93 22, 12 16, 98 33, 74

On s'aperçoit, ainsi, que le test sans régime-moteur reste relativement en adéquation avec les testinitial, alors que les tests sans accélérométrie s'en éloignent beaucoup plus.

Pour une expérimentation à grande échelle, il sera, ainsi, possible de se passer de la remontéedu régime-moteur, sans perdre trop d'information. Se passer de la remontée accélérométrique, mêmesi on tente de modéliser celle-ci par la dérivée de la vitesse, sera, en revanche, plus problématique.Néanmoins, il reste cette petite corrélation entre les accélérations et la di�érentielle de vitesse, qui, pourun volume de données plus important, peut donner des résultats intéressants : en e�et, une projectiondes données sur la (ou les) dimensions de forte corrélation des deux pourrait permettre (par une étudetopologique) de trouver des propriétés communes, que l'on pourrait chercher à extrapoler sur le restede l'espace.

3.5.2 A�nage des partitions d'événements et situations de conduite

Un autre problème est celui du temps nécessaire pour élaborer le carnet de bord (indispensablepour la phase d'apprentissage), et de la di�culté de cette élaboration. Toute la di�culté est de pouvoirtrouver assez de trajets susceptibles d'être caractérisés avec précision : en e�et, c'est bien le manquede précision qui a fait que les résultats de la Section 3.4.4 étaient peu �ables.

Ce manque de précision des partitions a priori peut, néanmoins, être pallié par un a�nage aposteriori. En e�et, si l'on refait, en boucle, la phase de test pour un même trajet, id est si on ré-applique, en boucle, le Théorème de Bayes en lui ré-injectant, à chaque itération, les nouveaux priorsmis à jour, on peut voir converger ces derniers vers une limite. Ainsi, si la partition élaborée grâce aucarnet de bord est relativement juste, les résultats convergeront, assez rapidement, vers une partitionlimite, qui devra, normalement, être stable (validant, par la même occasion, les considérations sur lastabilité du comportement de base du conducteur).

Une simulation, sur le même trajet, pour di�érents nombres d'itérations, donne le tableau suivantdes partitions (exprimées en pourcentages) des événements de conduite :

61

Page 62: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

1 itération 10 itérations 20 itérations 50 itérations 100 itérations

Accélération mode normal 16, 97 09, 56 07, 97 06, 36 06, 30Décélération mode normal 12, 30 12, 75 10, 37 08, 66 08, 62Maintient vitesse mode normal 13, 52 04, 62 02, 43 00, 49 00, 36Virage mode normal 04, 09 00, 36 00, 04 00, 00 00, 00Accélération mode rapide 08, 45 02, 61 02, 81 03, 72 03, 76Décélération mode rapide 07, 57 02, 41 01, 87 02, 40 02, 45Maintient vitesse mode rapide 00, 97 05, 62 10, 07 12, 55 12, 62Virage mode rapide 04, 87 01, 76 00, 93 00, 08 00, 04Décélération mode lent 00, 34 00, 94 00, 90 00, 15 00, 09Autre 30, 93 59, 37 62, 60 65, 59 65, 76

On distingue, ici, une stabilisation relative de la partition des événements de conduite, pour un nombred'itérations supérieur 50. Comme d'habitude, ce nombre reste assez élevé, dû au manque de précisioninitial du carnet de bord.

Ainsi, la durée de la phase d'apprentissage (pouvant être, dans le cas de l'assurance automobile,une période d'observation préalable à la signature du contrat, c'est-à-dire une période pendant laquelleon ne peut pas encore appliquer de résultat) peut être raccourcie, en considérant qu'elle est achevéelorsque le carnet de bord est relativement précis, et non plus extrêmement précis. Ce résultat permet,également, à l'observateur d'avoir droit à une marge d'erreur.

3.6 Proposition d'une démarche de mise en ÷uvre de l'expéri-

mentation

3.6.1 Continuité et élargissement de la présente analyse

L'expérimentation, par Covéa Tech', du pilote sur l'utilisation de la télématique impliquera unensemble d'un grand nombre de véhicules, chacun équipé d'un boîtier télématique. Ce boîtier devraprésenter une remontée de la vitesse (que ce soit par branchement sur le compteur de vitesse ou pardérivation des données GPS), d'une part, et, pour être e�cace, le rattachement à un accéléromètre ;il n'est pas nécessaire qu'il soit couplé avec le compte-tour. Le boîtier retenu ne possédant pas d'accé-léromètre, une étude mathématique plus poussée sur la corrélation des variables doit être envisagée.

Chaque conducteur (ou assuré) devra élaborer, sur un maximum de trajets possibles, et pendantune certaine période, un relevé de ces actions (le carnet de bord), qui devra être relativement précis.Cette élaboration pourra être faite soit par un passager, qui retranscrira les actions du conducteur etses conséquences sur le comportement du véhicule, soit par le conducteur, directement, à l'aide, parexemple, d'un dictaphone ; dans ce cas, le conducteur devra, ultérieurement, retranscrire son compte-rendu audio sur papier. A�n d'en améliorer l'e�cacité, ce carnet de bord pourra suivre une chartepré-dé�nie, présentant l'exemple-type des partitions des événements et des situations de conduite ; cespartitions-types pourront, bien sûr, être complétées par le conducteur, en fonction des événements etsituations rencontrées. Un même véhicule pourra être conduit par plusieurs conducteurs ; dans ce cas,plusieurs carnets de bord devront être élaborés.

A�n d'améliorer la précision des carnets de bord, d'en augmenter l'e�cacité, tout en diminuantla durée d'élaboration, il est, également, possible d'envisager la mise en place de scenari -types, pré-sentant, par exemple, des trajets-types (choisis en libre arbitre par le conducteur ou mis en place surun circuit d'essai), à e�ectuer dans des situations-types, et proposant une grille à choix multiples surles di�cultés rencontrées, le type de conduite adoptée, les événements exceptionnels survenus, etc.En un mot, cela reviendrait à automatiser au maximum la phase d'apprentissage, qui, pour l'instant,reste trop subjective : laisser le conducteur le moins libre possible, c'est supprimer un aléa, le conduc-teur étant lui-même un aléa. Cela présenterait, également, l'avantage de ne pas avoir à monitorer laconduite globale du conducteur, processus trop long, d'une part, et aléatoire, d'autre part : en e�et,la comparaison des données recueillies sur des trajets de nature di�érente peut donner des résultatsimprécis, ce qui serait moins le cas avec des trajets-types.

62

Page 63: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

Au terme de la période mentionnée, le conducteur (ou assuré) devra remettre, à Covéa Tech', son(ou ses) carnet de bord. Covéa Tech' procédera, alors, à l'analyse décrite à la Section 3.4, en compa-rant les carnets de bord aux données collectées, a�n d'obtenir, tout d'abord, une première partitiondes événements et situations, puis en a�nant celle-ci, grâce au procédé décrit plus haut. L'analysenécessitera, d'une part, une grande capacité de stockage, et, d'autre part, une grande puissance decalcul (l'utilisation d'un cluster pourra s'avérer indispensable). Néanmoins, une continuation du rai-sonnement proposé en vue de la réduction du volume des données pourrait se révéler très prometteuse.

Au �l du temps, les données recueillies sur les nouveaux trajets devront être ajoutées aux don-nées recueillies lors de la phase d'apprentissage, et ré-injectées dans la boucle de calcul précédemmentdécrite. Au bout d'un certain temps (déterminé par une stabilité plus ou moins totale des partitionsobtenues), les nouvelles données recueillies pourront être, directement, appliquées aux résultats ducalcul, sans qu'il y ait besoin d'avoir recours aux anciennes données.

L'assureur aura, ainsi, obtenu, pour chaque véhicule une, ou plusieurs, partitions d'événements etsituations de conduite, selon le nombre de conducteurs assurés sur le véhicule, d'une part, et le nombrede comportements occasionnels repérés, pour chaque conducteur, d'autre part.

3.6.2 Autres aspects à étudier

Deux points intéressants n'ont pas (ou très peu) été abordés jusqu'à présent.Le premier est celui de la géo-localisation. En e�et, celle-ci, bien que non-utilisée dans la pré-

sente analyse, permet de préciser les données tachymétriques, de les comparer avec la réalité, sansl'intermédiaire (subjectif) du conducteur. La remontée d'une donnée GPS permet de comprendre,immédiatement, certaines �uctuations de la vitesse, de la consommation d'essence (car certains dis-positifs permettent de relever cette dernière), etc. Ainsi, un passage de 130 à 50 km/h n'aura plus demystère si l'on est capable de le faire concorder, instantanément avec la sortie d'une autoroute, parexemple, ou, au contraire, il pourra faire l'objet d'une alerte s'il ne correspond à rien de tel (s'il alieu en plein milieu de l'autoroute, et non à sa sortie, ou sur une petite route, etc.). De plus, il existedes dispositifs permettant de matcher les données du véhicule aux informations relatives au relief, auxdonnées météorologiques, à l'état du tra�c, etc. Disposer de telles informations permettrait d'automa-tiser encore plus l'élaboration du carnet de bord, qui ne serait plus, dans l'idéal, qu'une con�rmationde ce que les alertes, convenablement paramétrées, auraient déjà indiqué.

Le deuxième point est la possibilité de l'utilisation d'un logiciel comme CogniFit-DriveFit. Déve-loppé par l'armée israélienne, ce logiciel se base sur des expérimentations conduites par des psycho-logues. Il ne s'agit plus, seulement, de savoir comment le conducteur conduit : il s'agit de comprendrepourquoi il conduit d'une façon et non d'une autre, d'une part, et de déterminer comment améliorercette façon de conduire, d'autre part. Un tel logiciel, couplé aux données recueillies par un boîtiertélématique, permettrait non plus, seulement, de savoir ce que le conducteur fait, mais, aussi, de sa-voir pourquoi il le fait, et ce qu'il va faire ensuite. Le but ultime serait de pouvoir dé�nir un modèlemathématique permettant de décrire les interactions synaptiques de chaque individu !

3.6.3 Intérêt pour l'assureur

Avant d'en arriver au stade futuriste précédemment décrit, on peut, d'hors et déjà, se penchersur les résultats actuels, qui, bien que plus basiques, présentent des intérêts majeurs pour l'assureur.En e�et, avec une théorie plus poussée et des tests plus nombreux, induisant, donc, une plus grandeprécision des résultats sur les partitions des comportements de conduite, deux questions pourront seposer, pour l'assureur.

La première sera de se demander ce que, dans l'absolu, de telles partitions peuvent bien signi�eren terme de risque. En e�et :

� du point de vue de la partition des événements, que pourra-t-il être déduit du fait que laconduite considérée comporte tel pourcentage d'accélérations brusques et de freinages brusques ?Le conducteur appartient-il, par exemple, à la catégorie des fonceurs, agressifs et �ambeurs ?

� du point de vue de la partition des situations de conduite, que pourra-t-il être tiré du fait quele conducteur se retrouve, en majorité, en milieu urbain, ou, au contraire, en milieu rural ? enheures creuses, ou toujours en heure de pointe ? Cela pourra-t-il être rapproché de la catégorie de

63

Page 64: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

CHAPITRE 3. MÉTHODE DE CARACTÉRISATION DES COMPORTEMENTS. . .

population à laquelle il appartient, et la combinaison des deux éléments pourra-t-elle permettrede prévoir quel type d'accident il sera le plus susceptible d'avoir ?

On peut noter que cette première question pourra déjà être posée lors de l'élaboration du carnet debord, lors de la phase d'apprentissage.

La deuxième question sera de savoir si l'on peut véri�er que le conducteur en présence est bienle même que celui considéré lors de la phase d'étalonnage. Ceci pourra, en outre, mettre en évidencedes changements de comportement du même conducteur (si les partitions varient peu), voire révélerla présence d'un autre conducteur (ce qui peut être particulièrement intéressant, par exemple, si levéhicule n'est assuré que pour un conducteur, etc.).

Au vu de ces considérations, l'assureur pourra, alors, déterminer de nouvelles classes de risques,ou a�ner les classes existantes, et, ainsi, établir des montants de primes plus adaptés.

64

Page 65: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Conclusion

Bouleversant la logique de l'assurance automobile, la télématique permet la dé�nition de nouveauxconcepts de produits d'assurance, grâce à un accroissement de la connaissance, en temps-réel, de laconduite de l'assuré.

Cependant, les apports de la télématique se limitent au comportement du véhicule, et non à cequi l'entoure : ainsi, les facteurs humains inhérents au comportement global de l'assuré, à son état defatigue ou d'ébriété, par exemple, ne peuvent être décelés. Il en est de même pour les caractéristiquesliées à l'environnement, comme les conditions météorologiques, l'état de la chaussée, la visibilité de lasignalisation, et aux composantes matérielles du véhicule, telles que l'état des pneumatiques ou desamortisseurs. Ainsi, la connaissance apportée par la télématique sur la situation globale de la conduitene pourra être que partielle. De plus, le lien entre le comportement de conduite et la classe de risquede l'assuré restera à établir.

Néanmoins, il est envisageable de penser que, dans un futur plus ou moins proche, il existera desbornes, réparties tout le long des routes de France (et du monde), capables de cartographier toutesles zones dangereuses, que chaque véhicule sera équipé d'un dispositif télématique permettant, tellela boîte noire d'un avion, un diagnostique technique complet et détaillé de son bon fonctionnement,de son � état de santé �, ainsi que d'un détecteur d'obstacles, permettant d'évaluer les distances avecles autres véhicules et l'environnement, etc. Cette situation, nécessitant une coopération avec, entreautres, les pouvoirs publics et les constructeurs automobiles, est, pour l'instant, hypothétique, maispas irréalisable, et elle permettrait, alors, une connaissance quasi-totale des comportements routiers,des phénomènes de production d'accidents, etc.

Cependant, le facteur humain resterait, toujours, une inconnue, à moins d'aller encore plus loin,et de ne plus limiter la télématique au simple monitoring du véhicule, mais à l'assuré lui-même, quipourrait être suivi, en continu, grâce à son téléphone portable, à son palm, ou même à toute instal-lation télématique touchant à la domotique. . . Mais cela reste, à l'heure actuelle, une vision futuristed'un monde qui n'existe pas � en�n, pas encore. . .

En�n, l'assureur doit garder à l'esprit certains problèmes liés à l'introduction de la télématiquedans sa logique.

Une contrainte matérielle doit, tout d'abord, être satisfaite : la mise en place d'une structure deback-o�ce solide, permettant la collecte, le stockage, et la gestion de toutes les données recueillies, ledanger étant, ici, de se retrouver avec un coût de mise en place et de traitement ne pouvant être couvertpar les gains potentiels résultant de l'utilisation de la télématique. Ceci fait, clairement, apparaître lanécessité de l'établissement d'un business model � télématique et assurance �.

La contrainte humaine ne doit, également, pas être oubliée : en e�et, la proposition de la miseen place d'un dispositif télématique dans le véhicule des assurés potentiels peut avoir un e�et derejet sur l'inconscient collectif, les usagers pouvant avoir peur de se retrouver face à un processus decontrôle de leur vie privée, et, ainsi, donner, à la compagnie, une image sarkoziste de Big Brother,ce qui aurait un e�et dévastateur sur sa réputation si chèrement acquise. Néanmoins, un assureuravisé pourrait retourner cette contrainte à son avantage. En e�et, nous vivons dans un monde en pleinbouleversement, et nous ne pouvons, désormais, plus ignorer ce constat simple : l'avenir est incertain,et la seule certitude qu'il présente est qu'il n'aura plus rien à voir avec le monde que nous connaissonsaujourd'hui. Qu'il soit plus technologique, ou, au contraire, plus chaotique, le monde de demain nesera plus alimenté par les ressources d'aujourd'hui. Aussi une gestion moderne et e�cace des biens etdes capitaux y jouera-t-elle une place prépondérante, et proposer une vision nouvelle de l'assurance,utilisant dès aujourd'hui les technologies de demain pour y parvenir, pourra-t-il s'avérer primordial. . .

65

Page 66: Management de l'Innovation dans l'Assurance Automobile Mma.pdf · s'insérer dans la logique stratégique de Covéa. 1.1 L'assurance automobile Cette section présente le cadre général

Bibliographie

[1] George A. Akerlof. The Market For �Lemons� : Quality Uncertainty And The Market Mechanism.Quarterly Journal of Economics, 84(3) : 488�500, 1970.

[2] M. B. Biecheler-Fretel et M. Moget. Le comportement de base de l'automobiliste : un critèreintermédiaire de prédictibilité du risque d'infraction et d'accident. Revue Recherche TransportSécurité (RTS), (24) : 35�42, décembre 1989. INRETS.

[3] T. Brenac et D. Fleury. Le concept de scénario-type d'accident de la circulation et ses applications.Revue Recherche Transport Sécurité (RTS), (63) : 63�73, avril�juin 1999. INRETS.

[4] Club Cuisine Expérimentale. Théorie des Contrats. Deuxième année � Majeure Économie,ENSAE, 2002.

[5] Armand Hatchuel et Benoît Weil. La théorie C-K : Fondements et usages d'un théorie uni�ée dela conception. In Colloque � Sciences de la conception � � Lyon, 15�16 mars 2002.

[6] D. Henriet et J. C. Rocher. Microéconomie de l'Assurance. Economica, 1991.

[7] Laurence Jaeger. L'évaluation du risque dans le système des transports routiers par le dévelop-pement du modèle TAG. Thèse de doctorat, Université Louis Pasteur, Strasbourg, 1999.

[8] Guy Labiale. Typologie des comportements des conducteurs automobiles. Étude par enquête.Revue Recherche Transport Sécurité (RTS), (21) : 25�32, mars 1989. INRETS.

[9] Sylvain Len�e. L'innovation dans les services : les apports de la théorie de la conception. In 11th

International Product Development Management Conference � Dublin, 20�22 juin 2004.

[10] G. Malaterre et H. Fontaine. Les aides à la conduite : quels enjeux pour la sécurité ? RevueRecherche Transport Sécurité (RTS), (35) : 43�54, septembre 1992. INRETS.

[11] Thomas P. Minka. Automatic choice of dimensionality for PCA. Media Laboratory PerceptualComputing Section Techical Report 514, MIT, December 2000.

[12] M. Moget-Monseur et M. B. Biecheler-Fretel. Le comportement de base du conducteur. Cahierd'Études 64, ONSER, avril 1985.

[13] D. Richaudeau. La modélisation du risque routier sur données individuelles : les modèles decomptages. Revue Recherche Transport Sécurité (RTS), (60) : 39�53, juillet�septembre 1998.INRETS.

[14] F. Saad et al. Analyse des comportements en situation réelle de conduite : le franchissementd'intersections. Rapport 158, INRETS, octobre 1992.

[15] P. Thirian et I. Thomas. Accidents de la route et distance au domicile. Approche quantitativepour Bruxelles. Cahiers Scienti�ques du Transport, (23), 1997. Université Catholique de Louvain.

[16] Pierre Van Elslande. L'erreur humaine dans les scénarios d'accident : cause ou conséquence ?Revue Recherche Transport Sécurité (RTS), (66) : 7�31, janvier�mars 2000. INRETS.

[17] Pierre Van Elslande et al. Scénarios-types de production de � l'erreur humaine � dans l'accidentde la route. Problématique et analyse qualitative. Rapport 218, INRETS, juin 1997.

66