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14 15 Maria Montessori et la "découverte de l’enfant" A u tout début du XXe siècle, une femme incroyable a dédié son existence à la cause de l’enfant et, aujourd’hui encore, son regard éclairé et bienveillant secoue et nourrit le monde de l’éducation. Maria Montessori, première femme médecin mais aussi psychiatre, philosophe et pédagogue, a consacré sa vie à explorer la richesse de la vie enfantine et n’a cessé de militer activement pour que soient reconnus les droits de l’enfant. À l’époque, ses travaux et leurs applications dans des classes maternelles, étaient tout à fait révolutionnaires. À partir d’une démarche scientifique d’observation et d’expérimentation, elle a mis en évidence les formidables capacités de l’enfant mais aussi les spécificités de son fonctionnement. Elle a ainsi démontré que dans un milieu riche et adapté à ses besoins (un « environnement préparé » sur-mesure), n’importe quel enfant, quelle que soit sa culture ou son éducation, est soumis à un processus de développement naturel (une sorte de programme universel). Il traverse ainsi des étapes clés, propices à certains apprentissages particuliers (des « périodes sensibles ») et communes à toute l’espèce humaine. Son développement global est également étroitement lié à une disposition cérébrale spécifique à l’enfant, un « esprit absorbant » qui lui permet d’intégrer les caractéristiques de l’environnement dans lequel il évolue en s’appuyant sur ses sens mais aussi en utilisant sa main comme l’instrument de son intelligence. Le regard Montessori à l’heure des neurosciences Aujourd’hui, les neurosciences ne cessent de progresser dans la compréhension du fonctionnement du cerveau humain et confirment peu à peu les observations de Maria Montessori. Au cours des cinq premières années de vie de l’être humain, à chaque seconde, ce sont 700 à 1000 nouvelles connexions neuronales qui s’établissent. Tout ce que l’enfant perçoit dans son environnement crée une nouvelle connexion et ce, au moment même où l’enfant développe un intérêt immense pour l’exploration sensorielle. Le cerveau humain se nourrit du monde extérieur La comparaison entre l’enfant et l’adulte est saisissante : l’enfant a environ un million de milliards de connexions neuronales alors que l’adulte n’en présente que 300 milliards. C’est qu’en grandissant le cerveau de l’enfant effectue un tri dans ce dense réseau neuronal : il va renforcer environ un tiers de ses connexions cérébrales et perdre les deux tiers des ses possibilités initiales. Ce n’est pas un tri qualitatif mais une sélection des connexions neuronales les plus sollicitées c’est-à-dire liées aux expériences vécues le plus souvent. Les connexions liées aux expériences les moins répétées vont progressivement s’affaiblir et être éliminées. On peut donc dire que le cerveau humain est totalement structuré par son environnement. Le moteur de cette sélection neuronale est dû à une disposition cérébrale humaine incroyable : Ce sont donc les expériences, quotidiennes, leur qualité et leur fréquence qui « encodent » et structurent l’architecture cérébrale. Maria Montessori insistait donc avec justesse sur l’importance de l’environnement préparé face à l’esprit absorbant de l’enfant. Dr Catherine GUEGUEN – Pour une enfance heureuse, repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau (Ed. Pocket) « Nous savons que notre cerveau est un organe « plastique ». Ce terme de « plasticité » signifie que le cerveau est capable de « remodelage », de développement de nouvelles connexions ou de suppression de circuits sous l’effet des expériences, et cela durant toute la vie. (…) La particularité de l’enfant est d’avoir une plasticité cérébrale beaucoup plus grande que celle de l’adulte. »

Maria Montessori et la découverte de l’enfant A · 2017-11-28 · Maria Montessori, première femme médecin mais aussi psychiatre, philosophe et pédagogue, a consacré sa vie

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Page 1: Maria Montessori et la découverte de l’enfant A · 2017-11-28 · Maria Montessori, première femme médecin mais aussi psychiatre, philosophe et pédagogue, a consacré sa vie

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Maria Montessori et la "découverte de l’enfant"

Au tout début du XXe siècle, une femme incroyable a dédié son existence à la cause de l’enfant et, aujourd’hui encore, son regard éclairé et bienveillant secoue et nourrit le

monde de l’éducation.Maria Montessori, première femme médecin mais aussi psychiatre, philosophe et pédagogue, a consacré sa vie à explorer la richesse de la vie enfantine et n’a cessé de militer activement pour que soient reconnus les droits de l’enfant. À l’époque, ses travaux et leurs applications dans des classes maternelles, étaient tout à fait révolutionnaires.

À partir d’une démarche scientifique d’observation et d’expérimentation, elle a mis en évidence les formidables capacités de l’enfant mais aussi les spécificités de son fonctionnement. Elle a ainsi démontré que dans un milieu riche et adapté à ses besoins (un « environnement préparé » sur-mesure), n’importe quel enfant, quelle que soit sa culture ou son éducation, est soumis à un processus de développement naturel (une sorte de programme universel). Il traverse ainsi des étapes clés, propices à certains apprentissages particuliers (des « périodes sensibles ») et communes à toute l’espèce humaine. Son développement global est également étroitement lié à une disposition cérébrale spécifique à l’enfant, un « esprit absorbant » qui lui permet d’intégrer les caractéristiques de l’environnement dans lequel il évolue en s’appuyant sur ses sens mais aussi en utilisant sa main comme l’instrument de son intelligence.

Le regard Montessori à l’heure des neurosciences

Aujourd’hui, les neurosciences ne cessent de progresser dans la compréhension du fonctionnement du cerveau humain et confirment peu à peu les observations de Maria Montessori.

Au cours des cinq premières années de vie de l’être humain, à chaque seconde, ce sont 700 à 1000 nouvelles connexions neuronales qui s’établissent. Tout ce que l’enfant perçoit dans son environnement crée une nouvelle connexion et ce, au moment même où l’enfant développe un intérêt immense pour l’exploration sensorielle.

Le cerveau humain se nourrit du monde extérieur

La comparaison entre l’enfant et l’adulte est saisissante : l’enfant a environ un million de milliards de connexions neuronales alors que l’adulte n’en présente que 300 milliards.

C’est qu’en grandissant le cerveau de l’enfant effectue un tri dans ce dense réseau neuronal : il va renforcer environ un tiers de ses connexions cérébrales et perdre les deux tiers des ses possibilités initiales. Ce n’est pas un tri qualitatif mais une sélection des connexions neuronales les plus sollicitées c’est-à-dire liées aux expériences vécues le plus souvent. Les connexions liées aux expériences les moins répétées vont progressivement s’affaiblir et être éliminées. On peut donc dire que le cerveau humain est totalement structuré par son environnement.

Le moteur de cette sélection neuronale est dû à une disposition cérébrale humaine incroyable :

Ce sont donc les expériences, quotidiennes, leur qualité et leur fréquence qui « encodent » et structurent l’architecture cérébrale. Maria Montessori insistait donc avec justesse sur l’importance de l’environnement préparé face à l’esprit absorbant de l’enfant.

Dr Catherine GUEGUEN – Pour une enfance heureuse, repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau (Ed. Pocket)

«  Nous savons que notre cerveau est un organe «  plastique  ». Ce terme de «  plasticité  » signifie que le cerveau est capable de «  remodelage  », de développement de nouvelles connexions ou de suppression de circuits sous l’effet des expériences, et cela durant toute la vie. (…) La particularité de l’enfant est d’avoir une plasticité cérébrale beaucoup plus grande que celle de l’adulte. »

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les fonctions exécutives, signes avant-coureurs de la réussite

Ces fonctions exécutives sont les expériences cognitives qui nous permettent d’agir de façon structurée afin de réaliser un objectif. Véritables fondations biologiques de l’apprentissage, les chercheurs du monde entier considèrent aujourd’hui qu’elles sont véritablement prédictives de réussite, bien plus que le quotient intellectuel par exemple.

On désigne par « fonctions exécutives » trois compétences cérébrales :

la mémoire de travail (la capacité à garder en mémoire et à organiser des informations)le contrôle inhibiteur (le fait de rester concentré en contrôlant par exemple ses gestes ou ses émotions)et la flexibilité cognitive (la capacité à ajuster ses stratégies en cas d’erreur).

Chaque individu nait avec le potentiel de développer ces fonctions exécutives indispensables à tout apprentissage mais leur développement n’est pas automatique : l’enfant doit pouvoir exercer ces trois fonctions au bon moment de son développement (lors d’une « période sensible » c’est-à-dire une opportunité cognitive à ne pas manquer) et dans un environnement favorable.

Les chercheurs ont montré que les environnements les plus favorables sont

ceux où l’adulte encourage très tôt et de manière progressive l’enfant vers l’autonomie.

Les activités du quotidien, appelées « activités de vie pratique » en pédagogie Montessori, permettent à l’enfant de 0 à 6 ans d’explorer son environnement en réalisant des tâches réelles, avec un but précis par le développement de mouvements volontaires simples, structurés et logiques pour apprendre progressivement à faire seul et gagner en autonomie.

Céline ALVAREZ, linguiste et professeur des écoles, à l’origine d’une expérimentation « Classe Montessori en milieu scolaire » (lamaternelledesenfants.wordpress.com)

«  Lorsque nous encourageons l’enfant à faire seul, à se chausser seul, à ranger ses affaires seul, à se savonner seul, ou à écosser des petits pois à nos côtés, nous l’aidons à exercer ses fonctions exécutives : il doit atteindre un objectif précis et pour cela il doit focaliser son attention, contrôler les gestes ou les émotions inappropriées, planifier ses actions, et rester flexible en cas d’erreur. Il n’y a que lui, par sa propre activité, qui puisse construire son intelligence exécutive. L’adulte ne peut que l’encourager (…) à faire lui-même ce qu’il peut faire lui-même, en l’accompagnant sans faire à sa place, en l’encourageant, puis en s’effaçant progressivement. Rien de plus. Nul besoin d’aller chercher des activités extraordinaires, à 3 ans, l’ordinaire est extraordinaire »