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MASTER EN FINANCE ISLAMIQUE ﻓﻘﮫ اﻟﻤﻌﺎﻣﻼتLa Crédit immobilier, entre banques classiques et banques islamiques : Cas du Maroc. Professeur : Dr. Ahmed MOUNA Préparé par : Samia ACHERRAT Hind ACHAACH Nahid MOHAMMADI Hanaa MOUAZEN Année universitaire : 2017-2018

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MASTER EN FINANCE ISLAMIQUE

فقھ المعاملاتLa Crédit immobilier, entre banques classiques et banques islamiques : Cas du Maroc.

Professeur : Dr. Ahmed MOUNA

Préparé par :

Samia ACHERRAT

Hind ACHAACH

Nahid MOHAMMADI

Hanaa MOUAZEN

Année universitaire : 2017-2018

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INTRODUCTION GENERALE

Le droit au logement est l’un des droits primaires de tout être humain. C’est un droit universel. Il est reconnu au niveau international et dans plus de cent constitutions nationales dans le monde. C’est un droit reconnu pour chaque personne.

La plupart des Etats ont adopté des lois, élaboré des politiques et créé des programmes pour améliorer l’accès au logement de leur population. Mais une partie d’entre eux seulement l’ont fait dans le but explicite de réaliser le droit au logement de leur population.

Au Maroc, acquérir son propre logement est devenu l’objectif N°1 de toute personne active. Alors qu’autrefois le marocain attendait d’abord de se marier avant de penser à l’acquisition d’un logement, aujourd’hui, dès que le jeune travaille, il pense d’abord à comment financer son propre logement au lieu de le louer.

La facilité d’accès aux crédits immobiliers octroyés par les banques marocaines, a largement participé au développement de ce phénomène.

Afin de réaliser son projet d’acquérir un logement, le citoyen marocain a le choix entre plusieurs méthodes de financement ; le payer d’une seule traite en cash, le payer par tranches, ou bien recourir à la banque pour avoir un crédit immobilier.

Jusqu’à très peu, le citoyen marocain n’avait donc pas de méthode de financement dite islamique afin de financer son projet immobilier. Depuis l’entrée en vigueur des banques islamiques dites participatives, le citoyen marocain a désormais le choix soit de contracter un crédit immobilier classique, soit recourir à une banque participative et contracter un crédit Mourabaha afin de financer son bien immobilier.

- Quels sont les principes de base du crédit en finance islamique ? - Quelles sont les similarités et les différences entre ces deux méthodes de

financement ? (Crédit immobilier classique et Crédit Mourabaha) - Quel est la légitimité du crédit immobilier Mourabaha octroyé par les banques

participatives marocaines du point de vue de la Charia islamique ? - Peut-on légitimer le concours au crédit immobilier pour financer son logement quand

on a le choix de payer un loyer ? Qu’en pensent le Cheikh Al karadawi et le Conseil Européen de la Fatwa ?

Des questions et d’autres, auxquelles nous allons tenter de répondre avec le présent exposé.

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Table des matières INTRODUCTION GENERALE .................................................................................................................2

Chapitre 1 : Principes de base du crédit immobilier en finance islamique ............................................4

Section 1 : Jurisprudence et arbitrage : Aspects juridiques. .............................................................5

1.1 La caducité initiale du principe de nécessité justifiant le recours au crédit immobilier des musulmans .................................................................................................................................6

1.2 L’inopérance de la légitimation du crédit au regard des fondements du système monétaire international : ........................................................................................................................... 11

Section 2 : Aspects Shariatiques .................................................................................................... 15

2.1 Le Conseil Européen de la Fatwa : ........................................................................................ 15

2.2 - la fatwa de sheikh al quardaoui : ....................................................................................... 19

CHAPITRE 2 : Focus sur le crédit immobilier au Maroc ....................................................................... 21

Section 1 : Aspects théoriques du crédit immobilier ...................................................................... 21

1.1 Crédit immobilier classique ................................................................................................. 21

1.2 Contrat Mourabaha : Le crédit immobilier islamique ........................................................... 23

Section 2 : L’offre sur le marché marocain : ................................................................................... 26

2.1 Etude comparative entre l’offre de crédit immobilier classique et islamique........................ 26

2.2 Les limites et perspectives ................................................................................................... 28

CONCLUSION .................................................................................................................................... 30

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................. 31

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Chapitre 1 : Principes de base du crédit immobilier en finance islamique

L’accès à la propriété symbolise pour beaucoup de personnes un moyen de sécurisation, de protection patrimoniale, mais également un acte permettant de s’établir pérennement dans son environnement de vie. Ce sentiment est celui qu’exprime de nos jours, la communauté musulmane dans le monde et au Maroc. Cette communauté encouragée, par la diversité de possibilités de recourir au crédit immobilier offerte à la fois par les banques conventionnelles (pratiquant d’ailleurs des taux d’intérêt historiquement bas) et les banques dite « islamiques » récemment implantées au Maroc, se tourne désormais vers l’investissement immobilier.

Mais cette question reste jusqu'à aujourd’hui problématique pour les fidèles du culte musulman et leurs autorités au Maroc. Car la foi islamique conditionne ce type d’investissement au respect des règles de la sounna et du Coran. En effet, le droit canonique musulman prohibe formellement l’usage de la pratique usuraire dans le domaine de l’économie et de la finance. Or le fonctionnement de l’ensemble du système économique et financier international dans lequel les musulmans sont inclus, ne doit actuellement son fonctionnement qu’à l’usure. Car ce n’est effectivement qu’à la condition d’un remboursement avec intérêts que la plupart des Etats de l’économie du monde capitaliste parviennent actuellement à financer leurs dépenses publiques en recourant à l’emprunt bancaire sur les marchés internationaux. Cette pratique du système interétatique figure d’ailleurs parmi l’une des grandes causes à l’origine de la crise systémique globale actuellement en cours et que les principes islamiques, objet de notre étude, tendent justement à vouloir solutionner. Ainsi, l’interdiction de l’usure pourrait être considérée comme la nouvelle contrainte à imposer au système international et bancaire dans son ensemble et aux ménages musulmans en particulier!

Est-il vraiment possible, dans ce cas, pour les ménages « musulmans » en général et marocains en particulier de pouvoir contourner les contraintes économiques et financières imposées par un tel système usurier ?

Il semble que non. Ce sont d’ailleurs ces contraintes économiques et financières qui incitent les autorités de l’islam, poussé par les requêtes conjointes de leurs fidèles et les pressions croissante des épargnants et investisseur musulmans, à alléger les barrières morales et matérielles imposées par ce système usurier.

En ce sens, la jurisprudence islamique actuellement en vigueur propose plusieurs alternatives, qui consistent d’une part, sur un plan matériel, à mettre à disposition des investisseurs et épargnants intéressés différents instruments financiers véhiculés par des banques qualifiées d’Islamique. Et d’autre part, cette jurisprudence postule une exemption de l’interdiction du prêt à intérêts qu’elle fonde sur le principe coranique de la nécessité.

En ce sens, en réponse aux requêtes formulées par les fidèles du culte musulman et soucieux de pouvoir contribuer à apporter une solution à cette problématique, le conseil de la Fatwa de l’Union des Organisations Islamique de France-UOIF-(relayé par le Conseil européen de la

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Fatwa) a émis la Fatwa 26 (décision 2-4) par laquelle il exempte l’emprunteur musulman de l’interdiction de recourir au prêt bancaire à intérêt lorsque l’investissement vise l’achat d’une résidence principale. Parmi les principales considérations de l’avis motivant la décision du conseil, figure notamment le fait que les fidèles Français du culte musulman seraient dans une situation de minorité justifiant par conséquent une nécessité de survie économique et sociale que le recours à l’emprunt bancaire avec intérêt permettrait.

Au Maroc, vu que nous n’avions aucune alternative aux banques classiques, on peut dire que nous nous trouvions dans la même situation de « minorité musulmane voulant respecter les préceptes de la Sharia ».

Section 1 : Jurisprudence et arbitrage : Aspects juridiques.

La portée de cette jurisprudence ne pourrait donc bien évidement être déterminée sans se référer aux principes fondamentaux reconnus par la foi islamique. Mais l’analyse de la solution dégagée par cette fatwa ne pourrait être complète sans tenir compte aussi de certains éléments structurels nécessaires à une bonne méthodologie d’analyse. En ce sens, il est donc impératif pour nous de tenir compte de l’environnement institutionnel juridique dans lequel cet avis intervient, mais également des mécanismes de fonctionnement du système monétaire international dans lequel le capital financier musulman est intégré.

Il sera alors plus facile pour nous de tirer les conséquences de cette jurisprudence pour mieux comprendre comment l’exemption à l’interdiction de recourir au prêt bancaire s’avère entaché de caducité (1.1) et dans quelles mesure, cette légitimation du crédit immobilier est inopérante, lorsque l’on y inclut le fonctionnement de l’économie monétaire internationale (1.2) notamment.

Nous étudierons donc dans cette section la caducité initiale du principe de nécessité justifiant le recours au crédit immobilier par les musulmans (1.1) et l’inopérance de la légitimation du crédit au regard des fondements du système monétaire international (1.2).

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1.1 La caducité initiale du principe de nécessité justifiant le recours au crédit immobilier des musulmans La légitimité pour les fidèles du culte musulman de recourir au crédit bancaire ne peut être mise en cause sans tenir compte des conséquences juridiques de l’admission d’une offre de crédit qualifié d’islamique (B), contribuant à révéler les apparentes carences méthodologique de la jurisprudence qui la fonde (A).

A. Les carences méthodologiques d’une jurisprudence extra-juridique.

a. Le recours illégitime au concept de la loi des minorités inopérant au regard du contexte socio-économique international

La situation de domination économique de la communauté musulmane résulterait selon le Conseil de son statut de minorité. Ce concept de minorité est ainsi le principal fondement justifiant cet avis d’exemption. Or le droit de recours au crédit postulé par le Conseil doit cependant pouvoir résister à l’examen de la réalité d’un tel statut.

Placer le statut des fidèles français du culte musulman au rang de minorité suggèrerait que ces derniers ce reconnaissent unanimement dans cette catégorie, questionnant ainsi la qualité de leur citoyenneté, leur place dans la société et du même coup leur place et leur importance dans l’économie.

Or les citoyens musulmans ne pourraient être considérés comme une composante minoritaire de leurs propre pays. La revendication d’une législation d’exception au profit de ces derniers contribue à entretenir la marginalisation de leur communauté sur le plan social et économique en le fondant sur une distinction religieuse, mais également raciale et ethnique. De plus, l’utilisation de ce concept à l’endroit des musulmans semble contraster trop fortement avec le fait que le culte islamique puisse être bientôt, ou le soit déjà, la première religion de France. Cette évolution se constate également sur le plan européen, où l’Islam semble détrôner peu à peu le christianisme pour lui briguer bientôt la place de première religion d’Europe. La jurisprudence d’exemption actuelle se fonde sur une distinction partielle et partiale de l’appartenance de la communauté musulmane au reste de la société et ne fait que légitimer le recours à l’emprunt d’un point de vu individuel.

Laissons donc aux sociologues le soin de débattre de cette question pour nous concentrer plutôt sur la portée juridique du critère de minorité tel qu’il est conçu dans la méthodologie mise en œuvre par la jurisprudence du conseil. En effet le conseil considère que « La minorité musulmane n'est pas tenue de respecter le droit musulman en matière d'affaires sociales, économiques et politiques, dans une société qui n'adopte pas la vision musulmane ». Il considère donc qu’il est possible « d'autoriser les minorités musulmanes à entreprendre des transactions illicites au regard du droit musulman ».

Par conséquent, le fondement de l’exemption serait déduit du fait que l’encadrement d’une pratique économique et financière conforme aux règles du droit canonique par les musulmans en France (et en Europe) serait inenvisageable. Le conseil considère donc l’exemption comme étant fondée et légitime par le fait que le droit canonique musulman ne soit pas invocable par les fidèles en Europe. Ce qui est inexacte au regard du principe de séparation entre le spirituel

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et le temporel actuellement en vigueur dans la plupart des pays d’Europe et qui permet une large marge de manœuvre aux autorités spirituelles concernant l’organisation de leur prérogative avec l’Etat. Ainsi, la non invocabilité actuelle n’est pas une impossibilité matérielle ou juridique résultant des contraintes du droit commun mais elle résulte d’une carence institutionnelle empêchant la règle de droit canonique de produire son effet.

De plus, le conseil va plus loin dans la carence méthodologique en considérant dans l’affirmation mentionnée plus haut que les musulmans sont fondés à déroger au droit musulman parce que la société n’adopte pas la vision musulmane. Ce raisonnement est en effet vicié du fait qu’il déduit la non invocabilité du droit canonique musulman de l’inapplicabilité de ce même droit à l’ensemble de la société en général, remettant ainsi en cause le principe même de la séparation entre le spirituel et le temporel qui régule la société en France (Et en Europe). Ce raisonnement semble donc entacher la décision d’exemption d’un défaut de base légale.

Par ailleurs, le conseil affirme que « le droit musulman qui s'impose aux minorités musulmanes est restreint à la sphère privée » et restreint du même coup le champ d’application du droit canonique musulman à la sphère privée. C'est-à-dire à la seule sphère de l’individu sur lequel pèse l’obligation. Le recours au crédit serait donc légitimé par la seule fonction qui soit juridiquement reconnue au fidèle qui est celle de simple consommateur. La jurisprudence admet par ce considérant l’ineffectivité de l’obligation communautaire et collective qui pèse sur les fidèles en admettant et reconnaissant que ces derniers ne pourraient être armement de constituer une force de proposition économique et financière. L’origine de l’obligation commune pesant sur les musulmans est ainsi conçue comme émanant d’une règle de droit étrangère à l’ordre public français.

Le critère de l’obligation collective pesant sur la communauté musulmane n’est pas des moindre. Ce dernier prime sur l’obligation individuelle et figure parmi les principes fondamentaux reconnus par la foi islamique. L’appréciation de la légitimité de l’exemption de la fatwa ne peut donc être faite qu’au regard des possibilités économique et financière de cette communauté représentant plusieurs millions d’individus à travers toutes l’Europe.

Par conséquent, cette jurisprudence vient fonder son exemption en limitant l’effet de l’obligation du droit canonique musulman à la seule sphère de l’individu sans prendre en compte les avantages économiques, financier et juridique que sa composition numérique lui permettrait en Europe.

La situation de nécessité imposant ce nouveau droit individuel à la propriété peut-il alors l’emporter sur l’obligation collective pesant sur les fidèles du culte musulman en matière financière? Pour répondre à cette question il convient d’inclure certains critères économiques supplémentaires à notre analyse

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b. Nécessité : la primauté du droit d’accès à l’emploi sur le droit de propriété. Peut-on considérer dans ce contexte que le recours au crédit immobilier puisse constituer une sécurité matérielle et morale pour l’emprunteur musulman ? Le droit au logement du musulman peut-il être garanti par le recours au crédit permettant l’accès à la propriété ? Ou encore, l’accès à la propriété serait-il préférable à la location ?

Dans sa volonté de renforcer sa légitimation du droit au recours individuel au crédit bancaire usuraire, la Fatwa dans son premier argument postule un droit au logement individuel et familial qui serait confirmé par la tradition canonique en affirmant que « le prophète insère la bonne habitation parmi les trois…sources de bonheur de la personne ». Le Conseil prolonge son raisonnement en discréditant la location, impropre à assurer un tel bonheur selon le Conseil, qui invoque « les risques d’expulsion » d’un locataire qui « n’aurait pas le sentiment d’être chez lui ». Le Conseil prend donc position en faveur du droit de propriété en affirmant que « l’accès à la propriété épargne les musulmans de ces désagréments ».

Mais ce dis crédit à l’endroit de la location reste critiquable. Car l’accès à la propriété comme l’accès à la location, reste tributaire de la situation économique du demandeur en France, et dans la plupart des pays du monde. Il convient donc de critiquer la position du Conseil sur la garantie du droit au logement en rappelant l’exemple de la crise hypothécaire américaine à l’origine de la crise actuelle.

La crise des subprimes née aux Etats-Unis en 2007 et ayant précipité la crise financière et économique actuelle est étroitement liée au problème d’insolvabilité des emprunteurs américains qui se sont retrouvés en difficulté face à leurs dettes. Les emprunteurs ne pouvaient plus assurer le remboursement de celle-ci en raison de la dégradation de la situation de l’emploi aux Etats-Unis. La principale cause de cet emballement économique et financier tenait au fait que d’une part, les banques accordaient ces crédits à des emprunteurs désireux d’accéder à la propriété de logements vendus à des prix très attractifs mais sans se soucier de la capacité de remboursement de ces mêmes emprunteurs. Et d’autre part, l’octroi de ces crédits ruineux par les banques américaines était motivé par les mécanismes de fonctionnement du système financier international, qui permet au système interbancaire international de titriser chaque créance de dette détenue par une banque sur un débiteur pour la transformer en un produit (un titre) financier négociable sur le marché boursier. C’est finalement le défaut de paiement des emprunteurs qui précipitera la chute des cours des valeurs boursières, entrainant une brutale dévalorisation des titres de dettes détenues par les banques, avec une extension du phénomène à tout le système financier international.

Par conséquent, les banques exercent leur droit hypothécaire en expulsant les propriétaires de leur logement. Nous pourrions développer un peu plus longuement sur les effets domino que la crise du marché immobilier américain a entrainé sur le reste de l’économie mondiale jusqu'à aujourd’hui. Mais nous nous contenterons de démontrer par cet exemple que la propriété par le crédit n’est pas plus garantie que la location dans la mesure où l’achat du logement implique une capacité économique et financière de payer des mensualités étalées sur plusieurs années. Ainsi, rien n’empêche la banque d’expulser le débiteur en cas d’incapacité

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de ce dernier de rembourser son prêt. Car en effet, l’effet du droit d’hypothèque exercé par la banque le déchoira de son droit de propriété.

B. La caducité du droit au crédit conventionnel par l’admission d’un crédit « islamique sharia compliant ».

a. Le conflit de loi engendré par le statu quo de la jurisprudence canonique en vigueur. L’augmentation de la demande de crédit exprimée actuellement par la communauté musulmane qui recourt à cette jurisprudence d’exemption pour l’accès à la propriété est renforcée par une autre jurisprudence qui postule, concurremment à ce droit individuel au crédit immobilier conventionnel, l’existence d’instrument de financement dit sharia complaint et jugée conforme au principe de la finance islamique.

La finance islamique est une finance dit sharia compliant qui propose aux ménages et investisseurs, via différents instruments juridiques (musharaka, mudaraba, ijara…etc) des produits de financement conformes aux principes du droit musulman. Ces offres de financement incluent également la possibilité de contrats de reventes avec paiement différé, incluant uniquement une marge bénéficiaire sur laquelle la banque intermédiaire se rémunère en remplacement de l’intérêt.

Le financement sharia complaint se distingue donc du financement conventionnel par la prohibition de l’intérêt mais surtout par la substance de la règle de droit qu’elle met en œuvre, à savoir un droit résultant de la sharia.

Or l’attribution d’une substance canonique sharia compliant à cette finance ainsi qu’aux établissements bancaires qui la véhiculent implique une obligation pour ces banques d’être placées sous le contrôle prudentiel des autorités de l’Islam permettant de garantir leur conformité à la norme canonique. Ce que la jurisprudence a admis à travers l’acception des instances sharia board qui encadrent l’activité normative de ces banques.

Par conséquent, cette reconnaissance par la jurisprudence sur un même territoire en Europe de l’existence concurrente d’une part, d’une offre de financement et de crédit jugée sharia compliant et d’autre part d’un crédit immobilier conventionnel légitime par nécessité entraine un inévitable conflit de loi. Ce conflit introduit l’existence de deux droits dont la nature respective diverge fondamentalement. La jurisprudence de notre Fatwa établit un droit dont la substance n’est pas islamique. Le Jurisprudence Sharia Compliant établit un droit dont la substance est islamique.

Dès lors, un tel conflit de loi suggèrerait que la jurisprudence puisse donner la primauté à la règle de loi Sharia complaint sur la règle de droit conventionnel (non islamique). En effet, le droit de la finance islamique fait également parti du dispositif du droit canonique musulman. En l’espèce, la nature du droit établi par la finance sharia complaint se rapproche plus du droit canonique musulman que la nature conventionnelle du droit au crédit conventionnel. Cette proximité naturelle de la première règle entraine la caducité de l’exemption qui devient dès lors illégitime.

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Cette caducité de l’exemption du droit individuel au crédit conventionnel entrainerait-t-elle la naissance d’une nouvelle forme d’obligation pesant sur les fidèles du culte musulman ?

b. Mise en cause du lien fondamental unissant la banque et l’emprunteur musulman : la théorie du rattachement personnel.

Nous avons déjà pu préciser plus haut que l’obligation collective établie par le droit canonique musulman primait sur l’obligation individuelle. Aussi, le droit établis par la Fatwa de recourir au crédit à intérêt s’adresse à l’emprunteur à titre individuel. Notre analyse a permis d’établir la caducité initiale d’une telle exemption par l’effet de la concurrence du droit sharia compliant. Ceci nous pousse tout de même à revenir aux conditions établies par cette Fatwa pour déterminer si l’offre de crédit sharia compliant répond aux conditions établies par la Fatwa ?

En effet, la Fatwa subordonne le droit de recourir individuellement au crédit à intérêts dans deux conditions : « quand la maison doit servir de résidence principale » et que « l’acquéreur ne doit pas disposer d’un autre moyen que le crédit à intérêt pour acheter sa maison »

Nous ne retiendrons ici que la deuxième condition relative à l’existence de moyens alternatifs empêchant le recours au crédit à intérêt. Autrement dit, l’offre de crédit sharia compliant peut-t-elle être classée comme moyen alternatif permettant d’éviter l’usure ?

Les contrats de paiement différé avec élévation de prix correspondent à cette exigence comme le relève le conseil lui-même, donc ce type de contrat s’avère correspondre à l’offre proposée par la finance sharia complainte (murabaha). Il existe donc une alternative au prêt à intérêt. Ce constat amène alors une autre interrogation ?

L’existence d’une offre de crédit qualifié de sharia compliant entraine-t-elle une restriction de la liberté individuelle dans le droit de choisir une offre entre une banque conventionnelle et une banque islamique ?

L’ijtihad déployé par le conseil dans son avis s’est principalement axé sur les possibilités de dérogation à l’interdit qui est né d’un environnement économique et social que la communauté musulmane n’a pas encore réussi à conquérir en tant qu’agent économique. Or, bien que la naissance d’une telle demande puisse être imputée à l’existence d’un certain taux d’épargne accumulé par les musulmans résidant en Europe, et en France notamment, ce capital a été jusqu'à aujourd’hui placé dans des banques conventionnelles. Et le placement du capital dans ce type de banque n’a fait jusqu'à nos jours que renforcer le pouvoir d’accumulation de ces banques, faisant du déposant musulman un complice du système usurier en permettant à ces banques conventionnelle de renforcer le pouvoir d’accumulation.

Par conséquent , les musulmans ayant accès à des banques offrant des financements sharia compliant sont-ils tenus de recourir à ces dernières conformément à l’obligation financière commune établie par le droit canonique musulman (référence à la zakat notamment) ?

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L’interdiction de la présence d’intérêt dans la gestion financière des capitaux islamiques implique que ces mêmes établissements soient eux-mêmes régis par le droit islamique, ou du moins, que les normes qu’il met en œuvre reste sous l’empire du droit canonique musulman. Une telle condition s’impose au regard du statut personnel du fidèle du culte musulman qui se trouve en droit d’exiger que la gestion de son patrimoine et celle de ses dépenses ne concours d’aucune façon au développement du capital usurier.

Cette situation nous permet de constater la relation juridique unissant le déposant musulman à l’établissement bancaire sharia compliant qui est fondée sur un lien étroit entre le statut personnel du fidèle du culte musulman et la substance islamique de la règle de droit canonique régissant l’établissement. L’édiction de cette règle de droit canonique s’imposant à l’établissement doit donc être formulée par le groupement religieux établis dans le territoire d’activité de l’établissement. Ce qui fait de cette règle de droit, une règle de droit interne. Elle n’est donc pas une règle de droit étrangère tel que la méthodologie erronée du Conseil de la Fatwa le formule plus haut. Cette règle de droit interne constitue alors la norme sous l’empire de laquelle l’activité de l’établissement bancaire est régulée.

En l’espèce, le droit régulant l’activité des banques sharia compliant n’est pas une règle de droit Française. D’ailleurs la plupart des banques islamiques sont actuellement situés hors de France. Dès lors, ces établissements sharia complaint peuvent-ils garantir une gestion saine des capitaux musulmans et garantir du même coup une offre de crédit dénuée d’usure ? Il convient désormais d’examiner cette question dans notre seconde partie.

1.2 L’inopérance de la légitimation du crédit au regard des fondements du système monétaire international :

A. L’illicéité général du recours au crédit résultant de la nature frauduleuse du système monétaire international.

a. Le caractère usurier (Riba) du crédit libellé en monnaie fiduciaire : Euro /dollar. Dans la première partie, nous avons pu remettre en cause la légitimité du droit de recourir au crédit immobilité fondé sur une nécessité qui faisait prévaloir la propriété sur la location. Nous avons pu également mettre en évidence le conflit de loi engendré par l’admission jurisprudentielle d’une offre de crédit concurrente qualifiée de sharia complaint.

Or en l’état actuel, l’emprunteur musulman reste libre de choisir individuellement telle ou telle solution disponible sur le marché de l’offre bancaire. Dès lors, le recours individuel au crédit conventionnel et/ou le recours au financement sharia complaint permet-il vraiment au fidèle du culte musulman d’échapper à l’oppression économique et financière imposé par le capital usurier des banques ?

Parmi les principes fondamentaux reconnus par la foi islamique, en matière économique et financière figure celui de la « loi de la valeur ». Cette loi sous-tend des injonctions morales comme celle interdisant par ex : de fausser la juste mesure, de tricher, de mentir dans le serment…etc. Ainsi la finance islamique rejette sans appel toute possibilité de créer du capital

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à partir du capital par le jeu de l’intérêt. En ce sens, la monnaie n’est pas considérée comme un bien, elle est un instrument d’échange permettant de mesurer la valeur marchande des richesses. A ce titre, la finance islamique ne reconnait comme monnaie légal que : l’Or, l’Argent, ou encore le blé, le riz, et les dattes par exemple. Ces monnaies contiennent une valeur intrinsèque qui conserve la valeur du capital travail qui a permis de les acquérir.

En l’espèce, dans un cas comme dans l’autre, le crédit contracté par l’emprunteur musulman restera toujours libellé en euro ou en dollar (deux monnaies à l’apparence concurrentielle).

Depuis la création de la zone euro en 1999 le capital musulman est intégré dans une économie capitaliste marchande mondialisée dont la devise est l’euro. Cette monnaie est régulée par le système de banque centrale européen (S.E.B.C) qui bénéficie du monopole bancaire (compétence normalement dévolue à l’Etat nationale). La situation est identique pour l’économie américaine ou l’émission du Dollar est une compétence de la Réserve Fédérale (qui est une banque privé !). La particularité du dollar est qu’il s’est imposé comme principale monnaie de réserve de l’économie mondiale capitaliste. Et l’euro quant à lui, est une monnaie unique imposée à différentes économies qui se concurrencent entre elles sur un même espace toute en étant inégales sur le plan de la production de richesse. Cette monnaie, actuellement en effondrement (comme le dollar), repose sur la mutualisation des déficits des pays membre de l’U.E sans contribuer à aucune production de richesse de par sa nature frauduleuse. L’Euro, tout comme le dollar, sont donc fondés sur le principe de la dette. Cet endettement correspond à celui contracté par les différentes banques centrales du système S.E.B.C à travers la constitution d’un capital commun détenu et gérer par la B.C.E et que les différends Etats membres se procurent par le recours à l’emprunt usuraire sur les marchés financiers internationaux, comme nous l’avons mentionné plus haut.

Par conséquent, l’absorption par la banque (qu’elle soit conventionnelle ou sharia compliant) du capital produit par la valeur travail du fidèle musulman via le dépôt ou l’emprunt contribue à renforcer le potentiel d’accumulation de ces banque leur offrant les moyens de continuer leur oppressions économique et financière sur l’ensemble du système monétaire international. Ce qui favorise du même coup le phénomène de dépossession des dénominateurs sur les dominés du système, dont la communauté musulmane fait malheureusement partie.

Ces considérations sont applicables à tout l’actif détenu par l’ensemble des banques internationales (conventionnelles ou sharia compliant) qu’il soit libellé en Euro ou en dollar. Car le principe islamique de prohibition de l’usure condamne toute la chaine de production de la Riba, partant de l’emprunteur au prêteur, en passant par l’intermédiaire de crédit. Les raisons de cette prohibition absolue résultent de l’effet corrosif de l’usure sur la valeur intrinsèque de la monnaie qui se déprécie sous l’effet de cette dernière et sur la santé de l’économie que l’usure détériore irrémédiablement.

Le préjudice causé par cette dilution de la valeur travail dans une monnaie usuraire et frauduleuse porte ainsi atteinte à l’intérêt général et fondamental de l’ensemble de la société, et ne se limite pas à la seule « minorité musulmane » comme le postule la Fatwa dans son argument 2, deuxième partie, qui affirme que « l’interdiction des transactions illicites…est

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préjudiciable aux minorités musulmanes » limitant ainsi naïvement l’effet du préjudice de l’usure aux seule intérêts de la communauté des musulman.

b. La contrariété fondamentale à l’intérêt collectif communautaire par le recours individuel au crédit.

La contrainte pesant sur le fidèle du culte musulman face à l’interdiction de l’usure dépasse donc la simple limite de l’interdiction de recourir à l’intérêt mais s’étend à tous les actes de la vie économie susceptible d’entrainer l’usage d’une monnaie intrinsèquement usuraire et frauduleuse comme l’Euro ou le Dollar, via le recours au crédit, qu’il soit immobilier ou mobilier, conventionnelle ou sharia compliant.

Aussi, l’analyse de l’injustice engendrée par le fonctionnement de ce système économique et financier oppressant doit-il nous aider à mieux déceler le véritable intérêt collectif de la communauté ? L’intérêt dont il est question ici n’est-il pas un intérêt économique et financier?

En effet, les besoins d’accumulation d’un capital purement islamique qui permettrait la constitution d’une banque sharia law doivent se mesurer au regard du manque à gagner que constitue pour un la communauté le transfert (par le dépôt ou l’emprunt) du capital des fidèles dans le patrimoine financier des banques conventionnelles.

Les possibilités d’ériger un établissement bancaire pratiquant une finance suffisamment équitable pour permettre au fidèle musulmans (et aux gens en général) de bénéficier de crédits immobiliers accessibles dépendent donc de la disponibilité du taux de créances que la masse de clients potentiels musulmans constitue mais qui reste actuellement capté par les banque conventionnelles. Il serait donc de ce point de vu, assez préjudiciable pour les autorités de l’islam d’encourager le droit individuel des musulmans de recourir au crédit conventionnel. D’autant que ces musulmans n’ont aucun contrôle sur la politique d’investissement des banques. Ni même d’ailleurs sur la politique monétaire de leur pays.

B. L’absence d’infrastructure mondiale essentielle à l’exercice du culte islamique : la bancarisation de la Oumma.

a. L’urgence d’une bancarisation islamique des contribuables musulmans dans le monde Les musulmans ne peuvent échapper à la consommation d’usure entachant la monnaie légale actuellement en cours. Ce contexte d’usure entachant l’ensemble de l’économie globale ne saurait être atténué par la légitimation du droit individuel au crédit immobilier conventionnel en le fondant sur la nécessité. Il n’existe pas non plus actuellement de véritable alternative financière permettant de contourner les effets du système capitaliste financier. La seule véritable alternative sur laquelle la jurisprudence islamique doit se pencher concerne les champs institutionnels. Ce qu’il faut entendre par là c’est le besoin urgent d’établir de véritables banques permettant le financement de l’économie réelle et l’accès au crédit immobilier.

En ce sens, il serait peut-être opportun de placer la communauté des fidèles du culte musulman devant la responsabilité historique qui pèse sur elle, en la confrontant au

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fonctionnement de ce système qui remet directement en cause la validité de la pratique de son culte. On ne peut en effet, rester indifférent face à la nature frauduleuse et usurière du système monétaire dans lequel le capital musulman est intégré sans songer aux répercutions qu’un tel système peut avoir sur la valeur de la zakat, qui demeure une dépense cultuel pour les fidèle mais qui est encore de nos jours acquittée et perçue en euro ou en dollar. Nous rappelons bien entendu que la zakat peut être acquitté en nature, comme il fut mentionné ci-dessus, mais les besoins de l’économie moderne impliquent de prendre en charge l’aménagement financier permettant l’acquittement et la gestion financière de cette dépense cultuelle.

Ce constat si il est admis par le Conseil de la Fatwa et le Conseil Européen de la fatwa (comprenant l’ensemble des autorités légitimement admises par les fidèles) fait naitre le besoin fondamental d’une institution financière sharia law qui aille au-delà du simple critère sharia compliant de la règle de droit fondant le statut islamique d’un tel établissement.

Il faut comprendre par-là que cette exigence ne peut se contenter du seul critère de compatibilité à la règle de droit que suggère la qualification sharia compliant pour exiger une conformité substantielle de l’ensemble des actes cultuels et autres activités économico-financière des fidèles du culte musulman à la règle de droit, dont la nature ne peut être que sharia law, autrement dit d’origine substantiellement canonique.

Quel sont les moyens juridiques et financiers à disposition des fidèles du culte musulman permettraient d’établir de telles institutions ? L’avènement d’une finance sharia law en Europe et en France est-elle possible ? Si oui, quelles en sont les modalités ?

b. La condition d’établissement d’une finance « sharia Law » favorisant le crédit. Nous avons déjà pu souligner plus haut les carences méthodologiques entachant la validité de la méthodologie mise en œuvre par le Conseil ayant entaché la validité de la Fatwa. Ces carences méthodologiques tiennent notamment au fait que la jurisprudence conçoive la source légal du droit canonique qu’elle met en œuvre comme étant d’origine étrangère. Alors que la présente étude suggère plutôt de considérer la source de ce droit comme étant d’origine nationale.

La reconfiguration de l’origine de la règle de droit canonique comme étant d’émanation nationale permettrait ainsi aux autorités juridiques de l’Islam de déterminer le champ d’application de leur autorité juridictionnelle et définir ainsi plus précisément le champ d’application matériel de son droit, notamment en ce qui concerne la finance islamique. Par voie de conséquence, la délimitation de champs d’application du droit canonique émanant de ces juridictions pourrait alors être plus facilement localisée permettant au droit canonique de produire pleinement son effet.

L’application concrète de ce principe permettrait de rendre applicable et opposable à tous une loi d’émanation nationale mais produite par les fidèles du culte musulman et ses autorités sur le fondement du libre exercice du culte. Cette législation permettrait donc d’une part, de produire l’ensemble des règles nécessaires à la régulation des fonds issus des dépôts de la zakat et des investissements internes et étrangers. Et d’autre part, de pouvoir envisager une défiscalisation totale de la zakat en tant que dépense du culte dans la mesure où l’attribution

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de la compétence de juridiction est rendu possible pour ces autorités et que la zakat soit reconnue comme étant destinée aux dépenses nécessaires à l’entretien du culte islamique.

Section 2 : Aspects Shariatiques

2.1 Le Conseil Européen de la Fatwa :

Le conseil a étudié cette question qui constitue une difficulté notoire en Europe et dans l’ensemble des pays occidentaux, à savoir, l’achat des maisons par un prêt contracté auprès des banques traditionnelles.

Plusieurs feuilles ont été présentées à ce sujet au Conseil, entre approuvant et désapprouvant. Ces feuilles ont été lues et discutées avec profondeur par l’ensemble de ses membres. Après quoi, le Conseil est parvenu aux conclusions suivantes à la majorité de ses membres :

o Le conseil confirme le consensus de la communauté dont fait l’objet l’interdiction de l’usure « ar-riba » qui fait partie des sept péchés majeurs. L’usure constitue en effet un péché majeur qui provoque pour celui qui s’en rend coupable, une guerre de la part de Dieu et de Son Messager. Le Conseil confirme ainsi les décisions des différents comités de droit musulman assimilant les intérêts bancaires à l’usure illicite.

o Le Conseil invite les musulmans d’occident à s’employer à trouver des alternatives juridiquement légales qui ne présentent aucune controverse et ce, dans la mesure de leur possible en ayant recours par exemple au contrat de « mourabaha » utilisé par les banques islamiques, ou en fondant des sociétés d’immobiliers islamiques qui prennent en charge la construction de ces maisons avec des conditions accessibles pour la majorité des musulmans …etc.

o Le Conseil invite également les différentes organisations et institutions musulmanes à négocier avec les banques européennes traditionnelles pour trouver à cette transaction financière une forme islamiquement acceptable comme « bey’ at-taqsit » (la vente par facilité) selon lequel un supplément est appliqué au prix initial pour le délai supplémentaire accordé. Ceci permettra aux banques d’attirer un grand nombre de clients musulmans avec qui ils organiseront leurs relations commerciales sur cette base, ce qui se fait déjà dans certains pays européens. Par ailleurs, nous avons déjà vu un certain nombre de grandes banques occidentales ouvrir des filiales dans les pays arabe procédant en conformité aux préceptes islamiques comme c’est le cas au Bahreïn et dans d’autres pays.

o Le conseil peut contribuer à ceci en lançant aux banques un appel afin de réviser leur attitude à l’égard des musulmans.

Si rien de ceci n’est possible à présent, le Conseil, à la lumière des arguments, des règles et des considérations juridiques, ne voit aucun inconvénient à avoir recours à ce moyen, c’est-à-dire au prêt bancaire avec intérêt en vue de l’acquisition d’une maison dont le musulman et sa

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famille ont besoin comme résidence, à condition qu’il ne possède pas une autre maison qui suffit à ses besoins, que la maison en question soit sa résidence principale et qu’il n’a pas en sa possession une épargne lui permettant de l’acquérir sans recourir à ce moyen.

En édictant cette fatwa, le conseil s’est appuyé sur deux fondements :

Le premier fondement : la règle juridique (la nécessité lève l’interdiction) : Il s’agit d’une règle consensuelle tirée du Coran à cinq endroits dont le verset situé dans sourate « al-an’am » (les bestiaux) : « Il vous a détaillé ce qu’Il vous a interdit, à moins que vous ne soyez contraints d’y recourir » (les bestiaux : 119), et le verset situé dans la même sourate après l’énumération de quelques nourritures illicites : « Quiconque est contraint, sans toutefois abuser ou transgresser, ton Seigneur est certes Pardonneur et Miséricordieux » (les bestiaux : 145). Or, les jurisconsultes « fouqaha » stipulent que le besoin peut être assimilée à la nécessité qu’il soit spécifique ou général.

Le besoin « al-haja » ; son absence fait en sorte que le musulman se trouve dans une situation de gêne même s’il est en mesure de vivre, et ce, contrairement à la nécessité « ad-daroura » dont l’absence rend la vie impossible. Or, Dieu a épargné la gêne à cette communauté à travers les textes coraniques à l’instar du verset dans sourate « al-hajj » (le Pèlerinage) : « Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion » (Le Pèlerinage : 78) et du verset de la sourate « al-ma-idah » (la table servie) : «Allah ne veut pas vous imposer quelque gêne » (La table servie : 6).

Or, l’habitation qui permet au musulman de repousser la gêne est l’habitation adéquate quant à son emplacement, son espace et son ameublement de telle sorte qu’elle soit considérée comme une habitation digne de son nom.

Par ailleurs, Si le Conseil s’est appuyé sur la règle de la nécessité ou du besoin assimilé à la nécessité, il n’a pas négligé l’autre règle qui vient la délimiter et la compléter, à savoir (ce qui est permis par nécessité doit être estimé à sa juste valeur). Aussi, le Conseil n’a pas permis l’acquisition de locaux pour commerce ou autre.

L’habitation constitue sans aucun doute une nécessité pour l’individu musulman et pour la famille musulmane. D’ailleurs, Dieu rappelle ce bienfait à ses serviteurs en disant : « Et Allah vous a fait de vos maisons un lieu de quiétude » (Les abeilles : 80). Le Prophète (BSDL) a fait de l’habitation spacieuse l’un des quatre ou trois éléments constitutifs du bonheur. Or, l’habitation locative ne répond pas à tous les besoins du musulman et ne lui procure pas un sentiment de sécurité bien qu’elle lui coûte énormément étant donné ce qu’il paie au propriétaire. Le musulman continue alors de payer pendant des années et des années sans pour autant ne posséder de l’habitation ne serait-ce qu’une seule pierre, et demeure en dépit de cela exposé à l’expulsion si le nombre de ses enfants ou de ses invités augmentent. De même, s’il prend de l’âge ou si ses revenus diminuent ou s’estompent, il devient exposé à être jeté dans la rue.

Acquérir son habitation permet d’épargner au musulman ce souci. De plus, cela lui permet de choisir une habitation à proximité de la mosquée, du centre islamique ou de l’école musulmane, et offre à la communauté musulmane une occasion de se rapprocher, ce qui

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permettrait à leur enfants de s’entre-connaître, de développer les liens qui les unissent et de s’entraider à vivre fidèlement aux enseignements de l’islam.

Ceci permettrait également au musulman l’aménagement de son habitation de façon à répondre à ses besoins religieux et sociaux puisqu’il en est le propriétaire.

A côté de ce besoin individuel pour tout musulman, il y a un besoin collectif relatif à l’ensemble des musulmans qui vivent en minorité en dehors de la terre d’Islam, et qui consiste à améliorer leurs conditions de vie et à élever leur niveau. Ils présenteront alors une image rayonnante de l’islam. Cela consiste également à se libérer des contraintes financières qu’ils subissent pour s’acquitter de leur devoir de « da’wa » et contribuer à l’essor de la société dans son ensemble. Or, cela implique que le musulman ne doit pas consacrer tout son effort et toute son énergie à payer ses charges locatives et le coût de sa subsistance quotidienne, ne trouvant plus ainsi l’occasion de servir sa société ni sa religion.

Deuxième fondement : L’avis d’Abou Hanifa et de son élève Mohamed ibn al-Hassan ash-Shaybani, qui est l’avis adopté au sein de l’école hanafite. C’est également l’avis de Sofiane ath-Thawri, de Ibrahim an-Nakh’i. C’est aussi l’un des avis relaté d’après Ahmed ibn Hanbal auquel Ibn Taymiya accorde la prévalence – selon les dires de certains hanbalites – à savoir, la permission d’établir des contrats faisant intervenir l’usure « ar-riba » et de tout autre contrat juridiquement invalide, entre les musulmans et les non-musulmans en dehors de la terre d’Islam.

La prévalence est accordée ici à cet avis pour plusieurs considérations dont :

1- Le musulman n’est juridiquement pas tenu de s’acquitter des prescriptions juridiques d’ordre civil, financier, politique et de toute autre prescription relevant de l’organisation générale de l’état musulman lorsqu’il se trouve dans une société non-musulmane, car ceci ne lui est pas possible, et Dieu n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité. Or, l’interdiction de l’usure est du nombre des prescriptions relatives à l’identité de la société, à la philosophie de l’état et à son orientation sociale et économique.

Le musulman n’est tenu de s’acquitter que des prescriptions d’ordre individuel comme les prescriptions relatives au culte, à la consommation, à l’habillement, ainsi que les prescriptions concernant la mariage, le divorce, la révocation, le délai de viduité, l’héritage et autres prescriptions relatives au statut personnel, de sorte que si des restrictions lui sont imposées dans ces questions au point de se trouver dans l’incapacité totale de pratiquer sa religion, il serait de son devoir de quitter cette terre dans la mesure de son possible.

2- Si le musulman n’a pas recours à ces contrats juridiquement invalides (en terre d’Islam) – dont l’usure – sa conformité à l’islam sera la cause de son affaiblissement au niveau économique et la source de ses pertes financières. Or, en principe, l’islam est sensé le renforcer et non pas l’affaiblir, l’enrichir et non pas l’appauvrir, lui profiter et non pas lui nuire. D’ailleurs, certains savants parmi les pieux prédécesseurs ont permis au musulman d’hériter un parent non-musulman en se référant au hadith : « L’islam rajoute et ne diminue pas » , c’est-à-dire, il accroît les biens du musulman et ne les diminue pas, ainsi qu’au hadith : « L’islam élève et rien ne s’élève au-dessus de lui » . En outre, si le musulman n’as pas

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recours à ce genre de contrat qui font l’objet d’accord entre les non-musulmans, il sera toujours contraint à s’acquitter de ce qu’on lui demande, mais ne tirera aucun profit en contre partie. Il met ainsi en application les lois et les effets des contrats et ce qu’elles renferment de désavantages, et ne les appliquent pas dans son avantage. Par conséquent, il subit toujours les désavantages et n’en tire jamais profit. Le musulman se trouvera ainsi constamment dans la position de victime de l’injustice financière et ce, à cause de sa conformité à l’islam. Or, l’islam n’a pas pour but d’opprimer le musulman à cause de sa fidélité, en le laissant – en dehors de la terre d’islam – telle une proie dont on peut profiter, lui interdisant de tirer profit, à son tour, de ce qu’offrent les différentes transactions selon les contrats répandus et reconnus auprès des non-musulmans.

Quant au fait de dire que l’école hanafite autorise les transactions usuraires en cas de réception et non pas en cas de remise, dans la mesure où la remise ne présente aucun intérêt pour le musulman, or, les hanafites n’autorisent les transactions commerciales par le biais de contrats juridiquement invalides qu’à deux conditions : La première : Elles doivent présenter un avantage pour le musulman. La deuxième : Elles ne doivent pas renfermer de tromperie ni de trahison à l’encontre du non-musulman. Or, ici, l’intérêt du musulman n’est pas avéré.

La réponse est que ceci est contestable comme l’indique les propos de Mohamed ibn al-Hassan ash-Shaybani dans « as-sayr al-kabir » ainsi que la portée générale des propos des plus anciens parmi les savants de l’école. De plus, le musulman, bien qu’il donne l’intérêt, est ici le bénéficiaire étant donné qu’il finit par posséder la maison.

Par ailleurs, les musulmans vivant dans ce contexte affirment, par audition directe ou par courrier que les mensualités qu’ils paient à la banque sont identiques au loyer qu’ils paient au propriétaire, et parfois même inférieures.

Par conséquent, si nous interdisons les transactions usuraires avec la banque, nous privons le musulman de posséder un logement pour lui et pour sa famille, or ceci fait partie des besoins vitaux pour l’être humain comme le stipule les jurisconsultes « fouqaha ». D’autant plus qu’il peut payer un loyer pendant, vingt, trente ans ou plus, mensuellement ou annuellement sans rien posséder, alors qu’il pouvait, en vingt ans ou moins, acquérir une maison.

Et si cette transaction n’était pas permise selon l’école hanafite et ceux qui partagent son avis, elle le serait pour tous au nom du besoin qui peut être parfois assimilé à la nécessité.

Notamment, qu’ici, le musulman fait consommer l’usure et ne le consomme pas lui-même, c’est-à-dire, il donne l’intérêt mais ne le prend pas, or l’interdiction concerne principalement la consommation du produit de l’usure comme l’énonce expressément les versets coraniques. Quant au fait de faire consommer l’usure, son interdiction relève de la précaution, à l’instar de l’interdiction de sa mise à l’écrit ou d’en porter témoignage. L’interdiction de faire consommer l’usure relève donc de l’interdiction des moyens, non pas de l’interdiction des finalités.

Or, il est notoirement connu que la consommation du produit de l’usure ne peut être en aucun cas permise. Quant au fait de le faire consommer (au sens de le donner), il est permis en cas

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de besoin comme le stipulent les jurisconsultes qui permettent, par ailleurs, le recours à un prêt usurier lorsqu’aucune voie licite ne se présente.

Parmi les règles juridiques les plus célèbres à ce sujet : Ce qui est interdit en soi ne peut être autorisé que par nécessité, et ce qui est interdit par précaution est permis par besoin.

2.2 - la fatwa de sheikh al quardaoui : Certains savants (parmi les savants contemporains, cette opinion a été adoptée notamment par Cheikh Qaradâwi; son avis a d’ailleurs été retenu par la Commission Européenne de l’Iftâ qu’il préside, lors de sa session d’Octobre 1999)) autorisent exceptionnellement au musulman qui vit dans un pays non musulman le recours à un emprunt à intérêts lorsque celui-ci est pour lui le seul et unique moyen d’obtenir une somme d’argent suffisante pour répondre à une nécessité vitale(« dharoûrah »- dont la non prise en compte fait peser un risque sur la vie de l’individu) ou à un besoin réel(« hâdjah »- dont la non prise en considération a pour conséquence de créer une gêne difficile à supporter; il est à noter que ibnou noudjaïm al misri (rahimahoullâh), l’illustre savant hanafite, a également cité dans un de ses ouvrages un avis autorisant à celui qui est confronté à un besoin réel d’avoir recours à un emprunt à intérêts (voir « al achbâh wan nadhâïr » – Page 100), et ce, dans la limite de la nécessité ou du besoin (« adh dharourah toutaqaddarou biqadridh dharoûrah »)…

C’est suivant cette approche que les savants cités autorisent au musulman qui vit en terre non musulmane d’avoir recours à un emprunt à intérêts pour acquérir un logement décent, et ce, sous deux conditions:

– Il ne dispose d’aucun autre moyen licite pour satisfaire ce besoin.

– Le logement qu’il va acheter lui servira d’habitation principale.

Leur avis à ce sujet repose sur deux arguments:

1/ a) La nécessité vitale (adh dharoûrah) fait loi et elle permet de lever certaines interdictions: Les juristes musulmans sont unanimes à ce sujet.

b) Un besoin réel (hâdjah) peut, lorsqu’il se généralise, atteindre le statut de la nécessité vitale (« al hâdjah tounzalou manzilatidh dharoûrah idhâ ‘âmat ») et permettre également la levée temporaire d’une interdiction.

c) Le fait d’être propriétaire de son logement pour un musulman qui vit en terre non musulmane constitue justement un besoin réel de nos jours, essentiellement pour les raisons suivantes:

– l’accession à la propriété est le moyen pour lui de se mettre à l’abri du risque de se retrouver un jour à la rue avec sa famille (s’il est, pour une raison ou une autre, expulsé du logement

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qu’il loue par exemple; ou encore, s’il n’est plus en mesure de payer son loyer suite à une baisse conséquente de ses revenus (perte d’emploi…));

– dans le cas où plusieurs musulmans feraient l’acquisition d’un logement dans un même quartier (autour d’une mosquée ou d’un centre islamique par exemple), celui-ci pourrait devenir un espace propice pour le développement d’activités religieuses et le renforcement des liens de fraternité entre eux;

– l’acquisition progressive de logements par de plus en plus de musulmans peut également contribuer à l’élévation du niveau de vie de la minorité qu’ils représentent: A long terme, cette démarche pourrait aider la communauté musulmane à se libérer de certaines contraintes économiques auxquelles elle est confrontée et, lui permettre ainsi de disposer de plus de moyens pour apporter une contribution positive à l’amélioration de la société entière;

C’est en considérant ces trois points que les savants cités sont arrivés à la conclusion mentionnée précédemment, et ce d’autant plus que, selon certains oulémas, la prohibition de l’emprunt à intérêts est motivée uniquement par le principe du « sadd oudh dharaï' », en ce sens qu’il implique forcément un prêt à intérêt (qui est l’acte visé directement par l’interdiction du « ribâ »).

2/ D’illustres savants (selon le rapport de Al Qaradâwi, cet avis était celui de Soufyân Ath Thawri (rahimahoullâh), de Ibrâhim an nakhaï (rahimahoullâh), de Abou Hanîfa (rahimahoullâh), de Mouhammad Ach Chaybâni (radhia Allâhou anhoum) et d’une partie des oulémas hambalites; il semble bien que la plupart des savants hanafites passés 1 ainsi que certains contemporains 2 soutiennent aussi cette opinion)ont autorisé au musulman de faire des transactions (sous certaines conditions) contenant du ribâavec un non musulman au sein du dâr oul harb (pays qui est en état de belligérance avec les musulmans), et ce, suivant ce qui est apparemment énoncé dans un hadith moursal 3 cité par l’Imâm Mouhammad Ach Chyabâni r.a. dans un de ses ouvrages (« as siyar oul kabîr »): Pour Cheikh Qaradâwi et ceux qui partagent sa position, cette opinion –même si elle est minoritaire- peut être adoptée dans le cas présent pour renforcer l’argumentaire précédent. (Pour plus de détails concernant cet avis et son argumentaire, voir « Fatâwa Mouâsirah » – Volume 3 / Pages 625 à 630).

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CHAPITRE 2 : Focus sur le crédit immobilier au Maroc

Section 1 : Aspects théoriques du crédit immobilier

1.1 Crédit immobilier classique Le crédit immobilier est un crédit à long terme obtenu auprès d'un établissement de crédit et qui est destiné à financer tout ou partie d'un achat immobilier, d'une opération de construction immobilière, ou des travaux pour un bien immobilier. Le crédit immobilier est un moyen de financement pour lequel le prêteur de deniers (établissement de crédit) réclame à l'emprunteur en contrepartie de son financement une garantie de remboursement du type hypothèque, privilège du prêteur de deniers ou caution logement.

1.1. Définition du crédit immobilier classique

Les prêts immobiliers classiques sont proposés par les établissements de crédit aux personnes souhaitant acquérir un bien immobilier (maison, appartement, terrain…) ou réaliser des travaux d’amélioration de leur bien.

Il n’existe aucune réglementation concernant l’octroi de prêts immobiliers. Pour obtenir un prêt immobilier, vous devez en faire la demande à votre banque. Celle-ci vous proposera ensuite une offre de prêt, en prenant en compte le montant de votre apport, la composition de votre ménage, le niveau de revenus et d’autres critères

1.2. Caractéristiques du prêt immobilier classique Solution de financement la plus couramment utilisée, le crédit amortissable séduit par sa simplicité et son apparente sécurité.

a. Que peut-on financer avec un prêt amortissable ou classique

Peu contraignant, le crédit classique permet de financer :

l'acquisition d'une résidence principale ou secondaire,

l'achat d'un terrain,

financer les frais de rénovation d'un bien,

acheter un bien neuf ou ancien.

a. L'apport personnel

Pour se rassurer quant à votre implication dans votre projet d'achat, la banque vous demandera de contribuer directement à l'achat du bien en apportant une part du capital nécessaire à son acquisition. Le montant de l'apport personnel exigé représentera 10% à 20% du montant total de l'opération, frais de notaires inclus.

Dans l'hypothèse où vous ne disposeriez pas d'apport personnel, vous pouvez substituer cet apport par l'obtention de prêts aidés comme le prêt à taux zéro, ou obtenir auprès de certaines banques un financement à 110% comprenant le prix du bien + les frais de notaire

b. Durée

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Cet emprunt est souscrit sur une durée préalablement définie laissée à la discrétion de l'emprunteur (10, 15, 20, 25 ans voire plus)

Plus la durée du prêt sera longue, plus le montant emprunté pourra être important, mais plus le coût du crédit sera cher.

d- Taux d'intérêt

Le crédit amortissable se voit assorti d'un taux d'intérêt déterminé contractuellement à la signature du contrat. Le taux d'intérêt proposé par la banque ne pourra en cas aucun dépasser le seuil d'usure fixé par la banque centrale.

e- Mensualité

La mensualité sera fixe durant toute la durée de remboursement de l'emprunt. A la signature du contrat de prêt, le banquier vous remettra un échéancier des mensualités, aussi appelé tableau d'amortissement du prêt.

La répartition entre le capital remboursé et le remboursement de la charge d'intérêts évoluera tout au long de la durée du contrat. La part des intérêts sera plus importante durant les premières années, pour laisser progressivement place à une part de remboursement du capital plus importante.

f- Taux d'endettement

Avant d'octroyer une somme d'argent conséquente à un particulier, la banque devra tout d'abord s'assurer que celui-ci sera en mesure de la rembourser. Avec les renseignements qui lui seront fournis par son futur client, le professionnel calculera entre autre son taux d'endettement (soit la part que représentera chaque mois le remboursement du crédit dans le budget du ménage) et son quotient familial.

Si l'on a coutume de dire qu'une banque considèrera un taux d'endettement de 30% comme une limite au-delà de laquelle elle hésitera à accorder son prêt, ce seuil pourra toutefois grandement fluctuer en fonction des établissements, du profil de l'emprunteur ou encore du contexte économique général. Comparez donc plusieurs établissements en cas de refus de financement.

1.3. Comment souscrire un prêt immobilier amortissable ?

Pour contracter un crédit immobilier classique, vous disposez de deux solutions :

Les banques : de proximité ou en ligne via internet, tous les réseaux bancaires vous proposeront un crédit immobilier amortissable.

Les courtiers en crédits immobiliers : de proximité ou via internet, le courtier s'occupera de toutes les démarches et cherchera pour vous le meilleur taux du marché.

Une fois la demande de prêt déposée, l'établissement prêteur vous adressera son offre de prêt par courrier. Vous disposerez alors d'un délai de 30 jours pour en prendre connaissance et l'accepter ou la refuser. A ce stade, nous ne pouvons que vous conseiller de comparer cette offre de prêt à celle proposée par la concurrence.

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Le prêt immobilier amortissable est un formidable produit d'appel pour les banques, car il permet de fidéliser un nouveau client sur toute la durée de remboursement de son emprunt. Votre banquier sera donc plus enclin à faire certaines concessions pour vous séduire.

1.4. Les coûts cachés du crédit classique

a- La garantie

Afin de s'assurer que son prêt lui sera remboursé, l'établissement pourra imposer la mise en place d'une garantie. Celles-ci pourront prendre la forme d'une hypothèque, d'un PPD (Le privilège de prêteur de deniers, appelé aussi PPD, est une garantie très voisine de l'hypothèque. ... C'est une garantie qui donne à la banque la priorité sur tous les autres créanciers et toutes les autres garanties) ou du recours à une société de cautionnement. b- L'assurance emprunteur

Destinée à prendre le relai de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci dans le remboursement de son prêt, cette assurance (également appelée assurance de prêt) se révèlera un passage obligé pour espérer obtenir le crédit de la banque. c- Les frais de dossier

Facturés tant par le banquier que le courtier, les frais de dossier ne correspondent pas au même service :

Pour le banquier, il s'agit d'une double rémunération, celui-ci se rémunérant déjà sur le taux d'intérêt de votre prêt. Vous avez donc toute latitude pour les négocier.

Pour le courtier, les frais de dossier correspondent au travail effectué pour vous trouver le meilleur taux et suivre le bon déroulement de votre dossier auprès de l'établissement que vous aurez sélectionné.

1.4. Avantages du crédit classique

Généralement souscrit à taux fixe, le prêt immobilier classique joue pleinement la carte de la sécurité pour séduire les éventuels emprunteurs. Le taux d'intérêt n'évoluant pas et les mensualités restant constantes tout au long de la durée d'engagement, l'emprunteur connait donc le montant qu'il devra verser chaque mois et ce, dès la souscription du crédit. .

1.2 Contrat Mourabaha : Le crédit immobilier islamique

L’islam prohibe et interdit formellement toute transaction basée sur l’usure et l’intérêt, refuse tout profit abusif et condamne la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns au détriment des autres.

Plusieurs versets et hadith ont traité expressément cette question :

« Ceux qui mangent de l’intérêt ne font que se lever comme se lève celui que le toucher du diable accable. Cela parce qu’ils disent : « Rien d’autre : Le commerce ; c’est comme l’intérêt ……….. »

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« Allah anéantit l’intérêt et fait fructifier les aumônes et Allah n’aime aucun ingrat pécheur »

« Ho, les croyants ! Craignez Allah et renoncez au reliquat de l’intérêt si vous êtes croyants »

L’islam prohibe totalement le riba parce qu’il est profondément injuste, mais il a autorisé d’autres formes de financement. Parmi elles figure La Mourabaha ou vente à marge ou encore vente à bénéfice.

1) Définition :

Cette forme est la plus utilisée des modes d’intervention en usage dans les banques islamiques. Son poids relatif est estimé à plus de 70% de l’ensemble des financements accordés par les banques islamiques.

Le terme Mourabaha est dérivé du mot ribh qui veut dire en jurisprudence islamique, bénéficie. Ce sens désigne la vente au prix de revient majoré d’une marge bénéficiaire.

Les ventes dans la jurisprudence islamique se divisent en deux grandes catégories qui sont les suivantes:

a) Vente avec négociation (mousawama) : c’est la vente à un prix établi d’un commun accord entre le vendeur et l’acheteur sans référence explicite au prix de revient de la chose vendue.

b) Vente fiduciaire (ba’i al-amana) : Elle exige la déclaration par le vent à un prix d’achat (ou de revient) de la chose vendue. Elle peut prendre trois formes :

la tawliya ou vente au même prix fixe déclaré par le vendeur sans bénéfice ni perte.

la wadhi’ah ou vente avec un rabais sur le prix déclaré.

la Mourabaha ou vente avec un bénéfice Sur le prix déclaré.

La Mourabaha est donc une vente fiduciaire basée sur la confiance de l’acheteur dans la parole du vendeur. Elle rentre dans le cadre général de la vente dont la licéité est explicitement reconnu par le verset 275 de la Sourate al-Baqara. Cette licéité est confrontée par la Sunna du Prophète (paix et salut soient sur lui) et par l’opinion unanime des jurisconsultes.

2) Les conditions générales et spécifiques de la vente Mourabaha

Le contrat de vente n’est variable que si certaines conditions sont réunies. Ces conditions portent sur :

Le consentement des deux parties du contrat de vente, c’est-a-dire l’offre de l’un d’eux et l’acceptation de l’autre.

Les deux contractants (le vendeur et l’acheteur).

L’objet de la vente.

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En particulier, les deux contractants doivent jouir de la capacité juridique de contracter et leur volonté libre de toute sorte de pression. L’objet du contraire doit être connu qualitativement et quantitativement, car l’absence de connaissance de l’objet de vente entraine automatiquement la nullité du contrat. L’objet de vente doit aussi être d’un usage licite.

A ces conditions s’ajoutent d’autres qui sont spécifiques à la vente Mourabaha.

Elles sont :

La connaissance parfaite du prix d’achat initial des charges additionnelles, de la part de l’acheteur. Si celui-ci découvre qu’il a été trahi dans le prix, il a le plein droit de dénoncer l’acte de vente. Certains jurisconsultes lui donnent le droit de rejeter toute augmentation illicite du prix.

La connaissance parfaite du montant du bénéfice qui fait partie intégrante du prix de vente, ce bénéfice peut être exprimé en unités monétaires comme il peut être exprimé en pourcentage, mais la pratique bancaire se dirige plutôt vers cette dernière formule.

la validité du premier acte d’achat.

3) Mourabaha pour le donneur d’ordre dans les banques islamiques

Dans le but d’offrir la possibilité aux clients d’acquérir les équipements et les marchandises qui leur sont utiles avec des facilités de paiement, les banques, islamiques ont développé la forme de vente Mourabaha qui se déroule en général comme suit :

Le client présente à la banque un dossier pour obtenir le financement d’un bien déterminé. La banque commence par étudier le dossier. En cas de décision positive, elle procède à l’achat du bien demandé.

Auparavant, le client signe avec la banque une promesse d’acheter le bien demandé conformément aux caractéristiques techniques mentionnées.

Cette formule a été introduite par les banques islamiques dans le but de trouver des alternatives licites au riba interdit. (Cela ne concerne pas seulement le crédit immobilier mais c’est intéressant de la mentionner).

Mais cette formule de vente peut dans la pratique être détournée et utilisée comme un expédient juridique pour contourner l’interdiction du riba. Des précautions doivent donc être prises pour pas arriver à une telle éventualité.

Nous pouvons illustrer cela par un exemple pour montrer comment le système peut être détourné : l’acheteur bénéficiaire du financement pourrait s’entendre avec le fournisseur pour ne pas prendre possession du matériel prétendument commandé et disposer de l’argent liquide destiné à la transaction. Pour éviter de tels détournements, la banque doit prendre des mesures nécessaires pour s’assurer de la livraison réelle du matériel commandé.

La Mourabaha telle que pratiquée par les banques islamiques est juridique et composée d’une promesse d’achat et de vente et d’un contrat de vente Mourabaha.

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Tant que le bien objet de la vente n’est pas en possession de la banque, l’opération reste toujours dans le cadre d’une promesse de la part du client d’acheter aux conditions arrêtées auparavant, et de la part de la banque de conclure cette vente aux mêmes conditions.

Section 2 : L’offre sur le marché marocain :

2.1 Etude comparative entre l’offre de crédit immobilier classique et islamique 1) Comparaison du financement Mourabaha au crédit classique

Certains prétendent que l’opération de financement Mourabaha n’est qu’une opération de crédit à un terme classique et qu’au-delà de quelques différences de forme sans importance, il n’y aurait aucune différence de fonds : même méthode de calcul, même échéancier et même finalité.

Cette confusion est encore une fois citée dans le Saint Coran :

*… Cela, parce qu’ils disent : (Rien d’autre : le commerce c’est comme l’intérêt !) Alors que dieu a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt !...

Il existe bien une différence entre la vente de l’intérêt même si elle n’est pas très évidente pour certains. Elle est importante et comporte de nombreuses implications.

Malgré la ressemblance apparente entre les deux modes de financement beaucoup de points de divergence peuvent être identifiés.

Le tableau suivant commente les principaux aspects de divergence entre les deux modes de financement.

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Elément de

comparaison

crédit à intérêt Mourabaha

relations client-banque Relation débiteur-

créancier

Relation débiteur-

créancier Objet de la relation

clients-banque

Crédit d’argent liquide

pour la plupart des cas

sauf quelques

financements pour le

développement à

destination connue.

L’existence d’un

équipement ou d’une

marchandise spécifiée en

possession du vendeur

(Banque) est imprévue.

Rendement de la banque

dans cette opération

intérêt fixé en fonction d

montant et de sa durée et

non du rendement de

l’activité du client pour la

plupart de cas.

Marge fixée en commun

accord après

connaissance parfaite du

prix de revient et ses

composantes. les

conditions du marché et

de la conjoncture sont

prises en ligne de compte

dans la fixation de cette

marge. Retard ou non paiement

à terme échu

Des intérêts de retard

s’ajoutent à la datte. Tous

les moyens sont bons

pour préserver l’intérêt de

la banque sans prendre

en considération des

causes du retard ou du

non paiement et ses

mobiles.

On distingue deux cas : -Le non paiement à des

problèmes de force

majeure. Dans ce cas (déconfiture

ou faillite) on doit

accorder un délai au

débiteur qui se trouve

dans la gêne. -Le non paiement dû à la

mauvaise volonté. La

banque mettra tout en

œuvre pour faire

respecter ses droits. Garanties Elément fondamental

pour une banque

classique. C’est ainsi

qu’on classifie et évalue

les crédits suivants les

garanties qui s’y

rattachent

Les garanties doivent être

exigées en fonction de la

capacité du client et de la

nature de l’opération et

son objet. La moralité du

client et dans ce cas

déterminante.

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2) Cas des banques marocaines (banque classique/banque islamique)

Dans le cadre de notre exposé, nous avons approché à la fois les banques classiques et les banques participatives afin de faire une simulation de crédit immobilier et comparer les deux offres.

La simulation chez une banque classique ; AttijariWafa Bank en l’occurrence pour un prêt immobilier d’un montant de 1 MDHS sur une durée de 25 ans (300 mois), à taux fixe de 5.95 nous a donné des mensualités de 6780 et un coût global de 2.034.000 Dhs.

Avec les mêmes conditions et caractéristiques de crédit, chez Assafaa Bank, l’homologue « islamique » d’AttijariWafa Bank, la simulation nous a donné des mensualités de 6854 Dhs et un coût global de crédit de 2.056.500 Dhs. Le responsable d’agence nous a donc expliqué que cette différence est imputée aux frais d’enregistrement et de notaire payés en double lors d’une vente Murabaha.

2.2 Les limites et perspectives Cette formule de vente a donné lieu à plusieurs débats et discussions sur sa licéité du point de vue islamique.

Cette discussion tourne autour de quelques principaux arguments :

• La Mourabaha pour le donneur d’ordre constitue une vente d’un objet qui n’est pas en possession du vendeur. Certains disent que la promesse contraignante pour les deux parties vaut contrat même si rien n’a été signé entre elles, ce qui veut dire que la banque vend ce qu’elle ne possède pas.

Cet argument a été réfuté, car les banques islamiques ne concluent pas la vente avant qu’elles n’achètent la marchandise et même, dans certains cas comme les produits alimentaires, avant d’en prendre possession.

En outre, les jurisconsultes musulmans ne sont pas unanimes sur ce sujet et certains d’entre eux admettent que si le vendeur peut à tout moment acquérir et posséder facilement la marchandise, il peut conclure sa vente avant de la posséder.

• Le prophète (paix et salut sur lui) a interdit de conclure deux ventes dans une seule. Si la promesse est obligatoire, elle vaut une vente qui s’ajoute à la vente elle-même, il y aurait donc 2 ventes dans une seule.

Ce hadith a reçu plusieurs interprétations. Plusieurs savants de l’islam pensent que ce hadith se réfère à l’adhrar au comptant d’un bien qui sera immédiatement racheté par le vendeur pour une somme supérieure payable à terme. La différence avec la Mourabaha pour le donneur d’ordre évidente et l’argument ne tient pas.

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• Certains disent que la promesse n’est pas obligatoire ou qu’elle ne l’est que dans les actes de bénévolat. Son extension aux opérations d’échange introduirait une nouvelle forme du contrat ignorée de la jurisprudence islamique.

En réalité l’obligation de la promesse est fondée sur le principe de la nécessité d’honorer les engagements. En effet, plusieurs versets coraniques et hadith ont exhorté les croyants à honorer leurs engagements. En définitive, chaque banque a le choix d’opter pour l’obligation ou la non obligation de la promesse.

Par ailleurs, en finance classique, plus le délai de règlements augmentent et plus le montant dû s’élève, or, c’est interdit en finance islamique. En effet, dans le contrat Mourabaha, une fois le prix fixé, il ne peut pas être augmenté à cause d’un retard de paiement.

Alors la tentation est grande pour le client de retarder son paiement volontairement, sachant qu’il ne va pas être financièrement sanctionné. Bien sûr, dans le fichier des banques, ce client peut être signalé comme mauvais payeur et voir sa note dégradée.

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CONCLUSION

Eu égard de ce qui a précédé, il convient d’admettre que les contrats nommés repris par la jurisprudence islamique, qui ont été, faut-il le rappeler, d’incroyables innovations pour les temps au cours desquels ils ont été imaginés, ne peuvent avoir qu’un usage limité en matière financière. Le contrat Murabaha en revanche, l’analogue du contrat d’un crédit immobilier classique, à l’époque où il a été développé, il n’a pas été spécifique à l’acquisition d’un bien immobilier pour une habitation principale.

Aujourd’hui, à l’heure où l’acquisition de son propre logement est devenue une nécessité pour tout citoyen. Et où le moyen alternatif pour financer son crédit immobilier d’une manière islamique est le contrat Murabaha, il faudrait que la jurisprudence lui apporte quelques modifications afin qu’il soit adéquat aux exigences contemporaines des musulmans. A défaut de ces modifications et mises à jour on risque de dépouiller ce contrat de son efficience. A la base, un contrat dit islamique doit alléger le musulman et non l’alourdir ! Quand on remarque qu’un crédit conventionnel revient moins cher qu’un crédit Murabaha, que peut-on déduire ?

Si les choses restent telles qu’elles sont actuellement, et que les contrats ne connaissent pas une refonte de la part de la jurisprudence, la finance islamique risque d’être vue comme une réplique inefficace de la finance conventionnelle, affichant toujours un décalage par rapport à cette dernière.

Si elle ne parvient pas à se démarquer et afficher une véritable valeur ajoutée en tant qu’alternative financière, elle court le risque de devenir une simple note de bas de page de l’histoire financière.

L’alternative que nous préconisons dans des études plus poussées est de tenter de comprendre et d’appliquer l’essence profonde de la loi islamique. Cela peut être accompli en ayant une bonne compréhension des fonctions économiques que sont censés remplir les contrats nommés dans le contexte de la jurisprudence islamique. Cette initiative pavera la voie pour développer des produits financiers qui répondent tant aux besoins des musulmans sans pour autant se cacher derrière l’étiquette « islamique » des différents contrats nommés.

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BIBLIOGRAPHIE

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Aldo Lévy, Finance Islamique ; Opérations financières autorisées et prohibées. Vers une finance humaniste – Gualino éditeur, Lextenso éditions - 2012.

Geneviève Causse-Broquet, la finance islamique, Editions Point Delta – 2012.

Jean-Paul Laramée, la finance islamique à la française ; un moteur pour l’économie, une alternative éthique, Editions Bruno Leprince – 2008

Mahmoud A. EL-GAMAL, La banque et la finance islamiques, Ed Boeck - 2012.

https://ribh.files.wordpress.com

https://fr.wikipedia.org/wiki/Crédit_immobilier

http://www.labanqueislamique.fr/mourabaha.htm