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Perspective monde, Note de recherche, décembre 2016 1 Médias sociaux et recours à la force contre l'État islamique: existe-t-il un « effet Twitter » 1 Karine Prémont, Université de Sherbrooke 2 Décembre 2016 Les médias traditionnels, en particulier la télévision, ont souvent été accusés d’exercer une pression indue sur les décideurs américains lorsqu’il est question de recourir à la force, que ce soit pour con- traindre Washington à intervenir (Kosovo, 1999) ou encore pour exi- ger un retrait des troupes quand la situation dégénère (Somalie, 1993), ce que les chercheurs ont appelé l’ « effet CNN ». Depuis quelques années, l’omniprésence des médias sociaux tels Facebook et Twitter, notamment en raison de leur instantanéité et de leur connec- tivité, obligent une redéfinition de l’effet des médias sur les décisions d’interventions militaires. Certains analystes craignent une politique étrangère américaine basée sur une opinion publique de plus en plus volatile, dont les désirs sont amplifiés par des plates-formes complè- tement décentralisées. Mais qu’en est-il vraiment? Pour le détermi- ner, nous analyserons le cas de l’intervention contre l’État islamique autorisée par le président Obama en septembre 2014. 1 L’auteure remercie Jean-Herman Guay, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, de même que deux étudiants de l’Université de Sherbrooke, Youri Lambert-Milot (étudiant à la maîtrise en politique appliquée) et David De Grandpré (étudiant à la maîtrise en génie électrique et informatique) pour leur aide précieuse et leur travail acharné lors de la collecte des données. 2 Professeure ajointe à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, Karine Pr é- mont est également chercheure à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Ses recherches portent surtout sur le processus décisionnel en pol itique étrangère américaine, sur le rôle des médias durant les élections présidentielles et sur la vice-présidence des États-Unis. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur les États-Unis, dont La télévision mène-t- elle le monde ? (PUQ, 2006), L’erreur : l’échec américain en Irak cinq ans plus tard (en collabo- ration avec Charles-Philippe David et Julien Tourreille, Septentrion, 2008), et Les secrets de la Maison-Blanche (PUQ, 2012), en plus d’avoir dirigé l’ouvrage La politique étrangère : l’impossible convergence des intérêts (PUL, 2011). Elle a également contribué à plusieurs ou- vrages sur la politique américaine, dont plus récemment Political Parties in the Digital Age (dirigé par Guy Lachapelle et Philippe J. Maarek, De Gruyter, 2015) et Théories de la politique étrangère américaine (dirigé par Charles-Philippe David, PUM, 2012).

Médias sociaux et recours à la force contre l'État …...abondamment sur les réseaux sociaux que dans les médias traditionnels. Notons toutefois que même si lappui à une intervention

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Perspective monde, Note de recherche, décembre 2016

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Médias sociaux et recours à la force contre l'État

islamique: existe-t-il un « effet Twitter »1

Karine Prémont, Université de Sherbrooke2

Décembre 2016

Les médias traditionnels, en particulier la télévision, ont souvent été

accusés d’exercer une pression indue sur les décideurs américains

lorsqu’il est question de recourir à la force, que ce soit pour con-

traindre Washington à intervenir (Kosovo, 1999) ou encore pour exi-

ger un retrait des troupes quand la situation dégénère (Somalie,

1993), ce que les chercheurs ont appelé l’ « effet CNN ». Depuis

quelques années, l’omniprésence des médias sociaux tels Facebook et

Twitter, notamment en raison de leur instantanéité et de leur connec-

tivité, obligent une redéfinition de l’effet des médias sur les décisions

d’interventions militaires. Certains analystes craignent une politique

étrangère américaine basée sur une opinion publique de plus en plus

volatile, dont les désirs sont amplifiés par des plates-formes complè-

tement décentralisées. Mais qu’en est-il vraiment? Pour le détermi-

ner, nous analyserons le cas de l’intervention contre l’État islamique

autorisée par le président Obama en septembre 2014.

1 L’auteure remercie Jean-Herman Guay, professeur à l’École de politique appliquée de

l’Université de Sherbrooke, de même que deux étudiants de l’Université de Sherbrooke, Youri

Lambert-Milot (étudiant à la maîtrise en politique appliquée) et David De Grandpré (étudiant à la

maîtrise en génie électrique et informatique) pour leur aide précieuse et leur travail acharné lors de

la collecte des données. 2 Professeure ajointe à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, Karine Pré-

mont est également chercheure à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand

de l’UQAM. Ses recherches portent surtout sur le processus décisionnel en politique étrangère

américaine, sur le rôle des médias durant les élections présidentielles et sur la vice-présidence des

États-Unis. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur les États-Unis, dont La télévision mène-t-

elle le monde ? (PUQ, 2006), L’erreur : l’échec américain en Irak cinq ans plus tard (en collabo-

ration avec Charles-Philippe David et Julien Tourreille, Septentrion, 2008), et Les secrets de la

Maison-Blanche (PUQ, 2012), en plus d’avoir dirigé l’ouvrage La politique étrangère :

l’impossible convergence des intérêts (PUL, 2011). Elle a également contribué à plusieurs ou-

vrages sur la politique américaine, dont plus récemment Political Parties in the Digital Age (dirigé

par Guy Lachapelle et Philippe J. Maarek, De Gruyter, 2015) et Théories de la politique étrangère

américaine (dirigé par Charles-Philippe David, PUM, 2012).

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Problématique

Les relations entre les médias, l’opinion publique et le pouvoir exécutif aux États-

Unis sont souvent difficiles à analyser en raison de l’interdépendance, voire de la

symbiose entre ces acteurs (Rosati et Scott, 2011, pp. 463-505), d’autant plus

qu’elles sont généralement tributaires de nombreux facteurs, tels que le contexte

de politique intérieure, l’existence d’une crise, la polarisation idéologique ou en-

core la popularité du président en exercice. Il est encore plus ardu de mesurer

l’influence qu’ils exercent les uns sur les autres, surtout lorsqu’il est question de

politique étrangère. Il est clair toutefois que les médias ne sont pas uniquement

des courroies de transmission entre le pouvoir exécutif et l’opinion publique amé-

ricaine : ils peuvent, à certains moments et à l’intérieur de certains paramètres,

former l’opinion publique, accélérer le processus de prise de décision et par le fait

même, orienter certaines décisions. En raison de ce phénomène, particulièrement

évident depuis la guerre du Vietnam, on a vu se développer la perception de mé-

dias tout-puissants, capables d’imposer leurs visions du monde au pouvoir exécu-

tif américain. Toutefois, la guerre contre l’Irak, en 2003, va clairement poser les

limites d’une telle indépendance médiatique : on verra alors les journalistes

s’abreuvés presqu’exclusivement à la source exécutive et ce faisant, perdre leur

sens critique en même temps que l’appui du public (Bennett et al., 2007; Isikoff et

Corn, 2006; Massing, 2005).

Considérations théoriques

Dans les années 1990, la fin du consensus bipartisan sur les questions de politique

étrangère et le développement des chaînes d’information continue vont permettre

la publication de nombreuses études sur le rôle des médias en politique étrangère

des États-Unis et sur les liens complexes entre le pouvoir politique, l’opinion pu-

blique et les médias (Prémont, 2012). Deux grands modèles théoriques vont naître

de ces réflexions. Le modèle pluraliste, d’une part, soutient que les médias se

trouvent en amont de la décision politique grâce à la multiplication des tribunes,

elle-même possible grâce à la fin de la guerre froide et aux développements tech-

nologiques (Robinson, 2012). Ainsi, les journalistes seraient maintenant plus cri-

tiques du pouvoir politique en raison de leur indépendance accrue et donc, plus

influents. De ce modèle pluraliste émanent les théories de l’effet CNN qui stipu-

lent que les médias permettent non seulement la mise à l’agenda des événements

mais, surtout, qu’ils peuvent forcer la Maison-Blanche (Gowing, 1994; Li-

vingston, 1997; Robinson, 2002) – par le biais des images qu’ils diffusent – à in-

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tervenir à l’étranger (effet push comme en Bosnie, 1995) ou à mettre fin prématu-

rément à une intervention (effet pull, comme en Somalie, 1993) (Strobel, 1997),

ce qui donnerait l’impression d’une perte de contrôle politique au profit des mé-

dias. Le modèle élitiste, pour sa part, dépeint plutôt des médias qui sont à la re-

morque des décideurs (Chomsky et Herman, 2003): ce serait en fait les élites –

politiques, économiques, militaires – qui formeraient les perceptions des médias

et donc, du public. La théorie de l’indexation, issue de ce modèle, affirme que les

médias adoptent généralement le point de vue de la Maison-Blanche jusqu’à ce

que des voix crédibles expriment une forte dissidence (Bennett, 1990; Entman,

2004; Mermin, 1999). Les exemples de la guerre du Vietnam et de la guerre en

Irak de 2003 servent généralement à illustrer cette théorie (Hallin, 1986; Olsti,

2011).

Ces théories semblaient suffisantes pour comprendre le rôle des médias en poli-

tique étrangère des États-Unis jusqu’à l’arrivée d’Internet et des médias sociaux.

Ceux-ci vont certainement complexifier l’analyse des liens et des influences entre

les médias, l’opinion publique et la Maison-Blanche puisqu’il semble évident que

ces réseaux ont un effet sur les façons de faire et sur l’environnement politique.

D’une part, ils renforcent le sentiment de proximité entre les citoyens et les élus

durant les campagnes électorales mais aussi lors de mobilisations citoyennes (dont

le mouvement Occupy et les révolutions du Printemps arabe sont des exemples

probants (Shirky, 2011; Drezner, 2010; Aday et al., 2010; Fox et Ramos, 2011) et

« amplifient les émotions politiques (Dagnes, 2010, p. 114)». D’autre part, ils

augmentent assurément l’imprévisibilité de l’environnement informationnel

(Hoskins et O'Loughlin, 2010), ce qui fait dire à certains auteurs que nous vivons

actuellement « la fin de la télévision », c’est-à-dire l’émergence d’un environne-

ment politique dans lequel le pouvoir étatique ne contrôle plus l’information, ce

qui permet la circulation d’un flot transnational d’informations (Price, 2011, pp.

355-363). Nous assisterions donc à la naissance d’une plus grande diversité des

débats et à une compétition plus féroce entre les sources d’informations et ce fai-

sant, ces nouveaux médias permettraient de contourner le discours officiel

(comme l’a fait Edward Snowden en 2013, par exemple) et donc, de réduire

l’effet de l’indexation. Ces changements sont en partie imputables aux compo-

santes mêmes des médias sociaux : ils sont à la fois contenant (infrastructures et

outils nécessaires à la production et à la distribution de l’information) et contenu

(sous formes de messages personnels, de nouvelles, d’idées), mais comprennent

aussi les individus, les organisations et les entreprises qui produisent et consom-

ment les outils et le contenu (Howard et Parks, 2012, p. 359). Ces changements

technologiques modifient de manière durable les liens entre les citoyens, les mé-

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dias et le pouvoir politique. Pour celui-ci, la plus grande difficulté est sans aucun

doute le contrôle de l’information : alors qu’à une certaine époque – pas si loin-

taine –, le président des États-Unis pouvait demander personnellement à un rédac-

teur en chef de ne pas publier une information sensible (comme cela fut le cas

durant la crise des missiles de Cuba en octobre 1962, par exemple), Internet et les

médias sociaux signifient très clairement une perte de contrôle du pouvoir poli-

tique sur son image, d’abord, mais surtout sur l’information. Selon les termes de

Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’État au sein de l’administration Clin-

ton, vouloir contrôler l’information à l’ère des médias sociaux s’apparenterait en

fait à « tenter de clouer du Jell-O sur un mur (Kluver et Chinn, 2013, p. 537) ».

Question et hypothèse

Malgré l’importance et la rapidité de ces transformations médiatiques, il existe

peu d’études sur les liens entre les médias sociaux et la politique étrangère des

États-Unis. Les avancées les plus intéressantes concernent surtout le développe-

ment de la diplomatie numérique, notamment en raison du Internet Freedom Ini-

tiative mis en œuvre en 2010 par l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton

(premier mandat d’Obama) et visant notamment à favoriser l’utilisation des mé-

dias sociaux pour rejoindre les populations à l’étranger (Ross, 2011, pp. 451-455).

Pourtant, une question fondamentale doit être posée : en raison de ces change-

ments aussi rapides qu’inéluctables, les grands modèles qui expliquaient jusqu’ici

le rôle des médias traditionnels en politique étrangère des États-Unis peuvent-ils

encore s’appliquer et nous aider à comprendre les effets des médias sociaux sur la

prise de décision ?

Notre hypothèse est la suivante : puisqu’ils sont considérés comme des médias et

comme des vecteurs de l’opinion publique, les médias sociaux devraient donc

avoir à la fois un effet CNN (mise à l’agenda d’une crise et effet push) et un effet

d’indexation (en reflétant les opinions du public et des élites en temps réel).

Méthodologie

Pour vérifier cette hypothèse, nous avons étudié l’intervention américaine contre

l’Organisation de l’État islamique (appelée ISIS en anglais), lancée en septembre

2014 dans le but de comparer la couverture médiatique de l’ISIS par les médias

traditionnels (New York Times, Washington Post, ABC, CBS, NBC, CNN, Fox

News) et l’occurrence de ce terme sur Twitter. Nous avons ensuite superposé ces

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résultats avec les données de sondages concernant une intervention contre l’ISIS

en Syrie ou en Irak, sans troupes au sol, du 1er juin au 30 septembre 2014

(moyenne des sondages effectués par Gallup, Rasmussen, Polling Report, Pew

Research Center et les médias traditionnels). Bien qu’il nous ait été impossible de

vérifier la propriété réelle des comptes Twitter ou de faire la distinction entre un «

gazouillis » favorable et un « gazouillis » défavorable, nous avons néanmoins

voulu voir si les médias sociaux se comportaient différemment des médias tradi-

tionnels et pouvaient avoir joué un rôle indépendant au sujet de l’intervention

américaine contre l’ISIS.

Twitter et l’État islamique

Les résultats obtenus sont plutôt surprenants : ainsi, bien que « les médias sociaux

eux-mêmes existent en-dehors de la machine médiatique traditionnelle (Garnous

et Wagner, 2013, p.1) », on constate néanmoins que Twitter suit

presqu’exactement la couverture des médias traditionnels et que tous ces médias

sont très sensibles, très collés à l’opinion publique, à tout le moins en ce qui con-

cerne le recours à la force contre l’Organisation de l’État islamique. En ce sens, il

faudrait donc donner raison à Philip Seib, qui soutient que les médias ne sont «

que des outils, rien de plus (Seib, 2012, p.3) ».

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Tableau 1 - Résultats des sondages sur la possibilité

d'une intervention militaire aérienne contre l'ISIS, que

ce soit en Syrie ou en Irak (juin à septembre 2014)

Période Pour Contre NSP

18 au 30 juin 38 % 56 % 6 %

8 au 14 juillet 39 % 55 % 6 %

7 au 18 août 54 % 35 % 11 %

19 août au 1er septembre 62 % 17 % 21 %

2 au 9 septembre 71 % 19 % 10 %

10 au 22 septembre 63 % 22 % 15 %

23 au 30 septembre 66 % 30 % 4 %

Sources: Gallup, Rasmussen, Polling Report et Pew Research Center

Si on revient à notre hypothèse, la première question à poser est celle-ci : Twitter

a-t-il eu un effet CNN ? Il semble que la réponse soit mitigée. Tout d’abord, la

thèse de Warren Strobel et de Glenn Hastedt – qui stipule que les médias suivent

plutôt que précèdent les décisions politiques (Strobel, 1996, p. 358; Hastedt, 2014,

p. 134) – s’applique également à Twitter dans le cas de l’intervention contre

l’Organisation de l’État islamique. À cet égard, le réseau social a réagi de la

même façon que les médias traditionnels, malgré une petite longueur d’avance,

sans doute attribuable à la nature instantanée de Twitter : le nombre de « gazouil-

lis » a augmenté après les annonces gouvernementales plutôt qu’avant. Toutefois,

en ce qui concerne l’effet push, on remarque effectivement un intérêt plus élevé

des utilisateurs de Twitter après le discours du 7 août et après la décapitation de

James Foley. Cela peut s’expliquer simplement par le fait que les images (par-

tielles ou complètes) de la mort de Foley circulaient beaucoup plus librement et

abondamment sur les réseaux sociaux que dans les médias traditionnels. Notons

toutefois que même si l’appui à une intervention augmente suite à ces deux déca-

pitations (Sobel, 2001), il y a tout de même beaucoup plus d’indécis que de gens

qui affirment être contre une intervention après la deuxième décapitation (celle de

Steven Sotloff). On peut donc penser qu’il y a eu un effet accélérant de Twitter,

mais qui ne se démarque pas de l’effet des médias traditionnels.

La deuxième question liée à notre hypothèse est la suivante : est-ce que les résul-

tats observés sur Twitter peuvent s’expliquer par la théorie de l’indexation ? La

réponse est plus complexe. Tout d’abord, il faut rappeler que le 28 août, le prési-

dent Obama a prononcé un discours dans lequel il affirmait ne pas avoir de straté-

gie pour contrer l’ISIS. Ensuite, on remarque déjà un fort consensus bipartisan en

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faveur d’une intervention quelques semaines avant l’annonce des frappes aé-

riennes (60 % des Démocrates et 64 % des Républicains) (Doherty, Tyson et Wei-

sel, 2014). On peut donc penser que la théorie de l’indexation peut expliquer la

décision d’intervention, alors que les médias – traditionnels et sociaux – ont servi

à la reconnaissance du problème en parlant des décapitations de citoyens améri-

cains. Cependant, l’indexation est très difficile à mesurer sur les médias sociaux.

S’il est ardu d’isoler le rôle des médias sociaux des autres paramètres – les médias

traditionnels, les élites, le Congrès, l’opinion publique, la pression des alliés, le

barbarisme de l’acte posé contre les otages américains, etc. – qui peuvent avoir

pesé sur le président Obama, ces résultats, bien que préliminaires, nous offrent

assurément des pistes de réflexions intéressantes. Trois constats doivent cepen-

dant être faits pour mieux comprendre le contexte et l’environnement des don-

nées. En premier lieu, les manipulations de Twitter sont non seulement possibles

mais probables : près de 12 000 comptes Twitter ont été créés par l’ISIS en 2014

(dont 404 aux États-Unis), ce qui représente près de 60 % du nombre total des

comptes de cette organisation (Berger et Morgan, 2015). Parmi ces comptes, le

plus grand nombre a été créé en août et septembre 2014, soit au plus fort du pro-

cessus décisionnel.

En deuxième lieu, les utilisateurs de Twitter ne sont pas représentatifs de

l’opinion publique américaine mais constitueraient plutôt une « foule d’élites

(Kirkpatrick, 2011, p. 55) ».

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On constate en effet que la majorité des utilisateurs de Twitter sont des décideurs

(62 % d’entre eux utilisent Twitter pour s’informer), des journalistes (80 %

s’informent sur Twitter) et des universitaires (environ 60 % des professeurs, des

post-doctorants et des doctorants vont sur Twitter pour s’informer) (Amit et al.,

2012, p. 24), alors que seulement 16 % des citoyens américains possèdent un

compte Twitter et que de ce nombre, seulement 8 % l’utilise pour s’informer sur

des questions politiques. À cela, il faut ajouter que la démographie de Twitter est

tout à fait à l’opposé des autres médias sociaux, notamment Facebook, qui est le

plus populaire. Par exemple, on retrouve plus d’hommes, de jeunes et de gens

éduqués sur Twitter que sur Facebook (majorité de femmes, de personnes âgées

de plus de 50 ans et sans éducation post-secondaire) (Matsa et Mitchell, 2014). On

peut donc se questionner sur l’impact réel que peut avoir Twitter sur la politique

étrangère des États-Unis étant donné sa faible représentativité et son peu de

rayonnement en dehors des sphères déjà politisées, d’autant plus que les médias

sociaux contribuent à la fragmentation de l’opinion publique (Robinson, 2012, p.

74).

En dernier lieu, il ne faut surtout pas négliger le rôle de la télévision (Baum, 2003;

Baum et Potter, 2015), même si celle-ci perd de sa prééminence comme source

principale d’information des Américains.

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La télévision, comme source principale d’information des plus de 30 ans – égale-

ment la tranche de la population qui vote davantage – est beaucoup plus difficile à

ignorer, pour les décideurs, que ne peuvent l’être les médias sociaux. Ainsi, la

couverture offerte par les médias traditionnels a un effet plus grand que les ten-

dances qu’on peut voir sur Twitter, à tout le moins pour l’instant, ce qui pourrait

vouloir dire que les médias sociaux sont davantage des systèmes de sensibilisation

que des médias au sens strict du terme (Markopoulos, Ruyter et Mackay (dir.),

2009).

Discussion

Les résultats obtenus au sujet du rôle de Twitter dans la décision d’intervention

militairement contre l’Organisation de l’État islamique ne nous disent pas grand-

chose sur le rôle plus large des médias sociaux – s’il y en a un – en politique

étrangère des États-Unis. Ils sont toutefois suffisamment intéressants et intrigants

pour nous inciter à aller plus loin dans nos recherches. Il reste évidemment beau-

coup de travail à faire pour étoffer la littérature et mieux comprendre l’impact des

changements médiatiques sur les relations entre le pouvoir politique, les médias et

l’opinion publique, en particulier en politique étrangère. Il faudrait tout d’abord

réaliser plus d’études de cas pour vérifier si le même phénomène de concordance

entre la couverture médiatique traditionnelle et l’intérêt des médias sociaux se

répète. Par exemple, qu’en est-il de l’intervention en Libye en 2011 et la non-

intervention en Syrie en 2013 ? Les médias sociaux et les médias traditionnels

sont-ils toujours à la remorque de l’opinion publique et des décisions politiques

ou ont-ils influencé les débats ?

Pour répondre à ces questions de manière satisfaisante, il faudrait également pou-

voir distinguer les « gazouillis » qui sont en faveur d’une intervention gouverne-

mentale de ceux qui sont contre : il serait alors plus facile d’en mesurer l’impact

et de vérifier si les médias – traditionnels ou sociaux – suivent toujours les fluc-

tuations de l’opinion publique.

Il faudrait aussi préciser le rôle de cette opinion publique en politique étrangère

américaine, mais aussi ses comportements sur les médias sociaux : que signifie un

« retweet » ou un « j’aime » ? En 2002, des études affirmaient que 70 % des pré-

occupations des citoyens en matière de politique étrangère reflétait ce qu’ils

avaient vu à la télévision au cours de la semaine précédente (Paletz, 2002, p. 157).

Est-ce que cette affirmation est toujours vraie étant donné les nombreux change-

ments dans la consommation de l’information depuis les dix dernières années?

Finalement, il faudrait inclure les données d’autres médias sociaux, notamment

Facebook et YouTube, qui sont les plus largement utilisés par les Américains et

donc, plus représentatifs : 77 % des Américains ont un compte Facebook et de ce

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nombre, 48 % l’utilisent pour s’informer ; 63 % des Américains vont régulière-

ment sur YouTube, dont 14 % pour obtenir de l’information politique (Michell et

Weisel, 2014, p. 26).

En somme, les prochaines années sont prometteuses parce qu’elles permettront

sans doute de mieux circonscrire les relations entre le pouvoir politique, les mé-

dias et l’opinion publique américaine et du même coup, de mieux comprendre

comment les décideurs sont influencés et dans quelle mesure ils sont sensibles aux

variations des médias sociaux.

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