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© Masson, Paris, 2005 Ann Pharm Fr 2005, 63 : 17-24
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Séance thématique organisée le 14 janvier 2004 par l’Académie nationale de pharmacieMédicaments actuels et optimisationJ.-Y. Blay
Introduction
Les traitements antinéoplasiques généraux clas-siques ont évolué grâce aux essais randomiséscomparant un traitement innovant à un traite-ment standard et démontrant un avantage ensurvie. Des critères de jugement précoce tels quele taux de réponse ont longtemps été utilisés pourrepérer les thérapeutiques efficaces destinées àêtre évaluées dans ces essais comparatifs. Cetteapproche classique a été récemment réévaluée àla faveur de l’introduction de nouveaux critèresde jugement précoces, tels que la survie sans pro-gression ou le bénéfice clinique, et surtout avecl’introduction des thérapeutiques ciblées sur lesanomalies causales du cancer.
Le terme « thérapeutique ciblée » désigne desthérapeutiques dirigées contre des cibles molécu-laires présentes et supposées jouer un rôle dansla transformation néoplasique de la cellule can-céreuse ciblée. Il ne s’agit pas d’un concept nou-veau en oncologie. Les traitements hormonauxdes cancers du sein et de la prostate correspon-dent à des thérapeutiques ciblées selon cette défi-nition, et sont étudiés de longue date. Depuis30 ans, la mise en évidence d’anomalies caracté-ristiques de certaines cellules néoplasiques, tellesque des translocations spécifiques, des mutationsactivatrices, ou des amplifications géniques aconsidérablement modifié les classifications noso-logiques des maladies néoplasiques. Cette classi-fication moléculaire de certains cancers a débouché
depuis cinq ans sur la mise à disposition et/oul’évaluation de médicaments capables de bloquer,plus ou moins spécifiquement la fonction de cesprotéines activatrices. Ce sont les nouvelles théra-peutiques ciblées, « modernes ».
Thérapeutiques ciblées
Elles peuvent être classées en plusieurs catégories :1) Les thérapeutiques ciblées sur des anomalies
moléculaires causales, directement responsablesde la transformation néoplasique.
2) Les thérapeutiques ciblées sur des anoma-lies moléculaires plus tardives qui contribuent àla progression tumorale mais qui ne constituentpas l’étape initiale de la transformation.
3) Les thérapeutiques ciblées sur des cibles molé-culaires qui ne jouent pas un rôle direct dans latransformation.
Nous allons envisager quelques exemples deces différentes situations.
Les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires causales
Dans cette première catégorie de maladies, lesanomalies moléculaires ciblées sont directementresponsables de la transformation néoplasique. Onpeut citer comme exemples de telles altérationsgénétiques, le gène de fusion BCR-ABL des leu-cémies myéloides chroniques, les mutations acti-vatrices du gène Kit dans les tumeurs stromalesgastrointestinales, le gène de fusion EWS-Fli1 dessarcomes d’Ewing.
Pour les deux premières affections néoplasiquesmentionnées, un inhibiteur de la fonction desenzymes tyrosine kinase impliquées dans la trans-
Unité Inserm 590, Centre Léon Bérard F69008 Lyon, France ; Hôpi-
tal Edouard Herriot, Place d’Arsonval, F69003 Lyon.
Tirés à part : J.-Y. Blay, à l’adresse ci-dessus.
E-mail : [email protected]
J.-Y. Blay
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formation néoplasique, BCR-ABL et kit, l’imatinibmésylate (ou Glivec) a été développé et possèdeune activité tumorale établie. Nous prendronsl’exemple des GIST pour illustrer cette premièrecatégorie de maladies [1-9].
Les tumeurs stromales gastrointestinales (GIST)sont des tumeurs rares, pouvant se localiser àtous les étages du tractus digestif. Leur incidenceestimée est voisine de deux nouveaux cas pour100 000 habitants par an. Les GIST représententune entité nosologique particulière depuis ladécouverte de leur lien avec les cellules de Cajal,les cellules pacemakers de la motricité digestive.Sur le plan phénotypique, les cellules tumoralesde GIST sont caractérisées par l’expression dumarqueur CD34, commun aux cellules de Cajal,et par l’expression du récepteur tyrosine kinasec-kit (CD117) sous une forme mutée et/ou acti-vée. Ces mutations sont de survenue précoce etconstituent même probablement l’évènementoncogénétique initial de la maladie [10-13].
La protéine c-kit, produit du proto-oncogènec-kit, est un récepteur trans-membranaire à acti-vité tyrosine kinase dont le ligand naturel est lefacteur de croissance stem cell factor (SCF) [14]. Legène Kit est situé sur le bras long du chromo-some 4 [14]. Ce récepteur appartient à la familledes récepteurs tyrosine-kinase de type III, et pré-sente d’importantes homologies structurales avecles récepteurs du macrophage colony stimulating fac-tor 1 (M-CSF-1) du platelet derived growth factor(PDGF).
Les mutations de Kit sont classées [14] en deuxcatégories : 1) les mutations dans les zones régu-latrices portant sur les portions extracellulaires dela molécule ou sur les zones transmembranaireset juxtamembranaires impliquées dans la diméri-sation, 2) les mutations dans le domaine kinase,souvent peu sensibles à l’imatinib. Ces mutationsimpliquent potentiellement des voies de signali-sations intracellulaires différentes qui mériterontd’être explorées dans un proche avenir [11, 20].Dans les GIST, les mutations de ce gène, obser-vées dans 85 à 90 % des GIST sont responsablesd’une activation spontanée de c-kit indépendam-ment de sa liaison avec son ligand spécifique. Cesmutations sont rencontrées dans la lignée germi-nale dans les rares cas familiaux de GIST, et dansla majorité des tumeurs à un stade précoce ouavancé. Dans les tumeurs GIST dépourvues de
mutations détectables du gène Kit, une activationconstitutionnelle de la kinase est observée [13].Les mutations de kit, et d’une manière plus géné-rale son activation, pourraient jouer un rôleoncogénique initial dans le développement decette maladie.
Dans les GIST, les mutations sont le plus sou-vent situées dans l’exon 11, plus rarement dansl’exon 9 et exceptionnellement dans les exons 13,17, 14 [14-20]. La grande majorité de ces muta-tions se trouvent de part et d’autre de la régiontransmembranaire du récepteur, impliquée dansla dimérisation de la kinase après fixation de sonligand. La nature des mutations semble influen-cer le devenir des GIST, y compris avant l’ère del’imatinib [21-28]. La mise en évidence de cesmutations dans des GIST de petite taille (< 1 cm)et dans des GIST familiaux soulignent la précocitévoire la causalité de cet événement génétiquedans la carcinogenèse des GIST [11, 20]. Cepen-dant d’autres anomalies génétiques apparaissentsecondairement, notamment des altérations etdes pertes de segments du chromosome 14, 22, 1[18, 29]. Une analyse récemment effectuée parmicroarray d’expression a conduit à l’identifica-tion d’autres gènes surexprimés et potentielle-ment activés in vivo dans les GIST [30]. Leur rôledans la progression tumorale reste à établir.
Avant l’introduction de l’imatinib (STI571, Gli-vec®), la chirurgie était le seul traitement efficacede cette pathologie, la chimiothérapie restantglobalement inopérante, et la radiothérapie nonapplicable.
En 2001, ont démarré les premières études dephase I puis II et III évaluant l’efficacité de l’ima-tinib dans le traitement des GIST en phase avan-cée ou métastatique. Les données disponiblesactuellement montrent que l’imatinib induit untaux de réponses objectives de 60 % à 70 % avecl’imagerie conventionnelle (TDM/IRM), avec15 % à 20 % de maladies stabilisées et 10 % à15 % de résistance primaire. L’imagerie fonction-nelle par PET scan est probablement la meilleureméthode d’évaluation de l’efficacité de l’imatinibdans cette affection. Des résistances secondaires(re-progression après réponse initiale) sont désor-mais rapportées chez 10 % à 30 % des patients.Certains de ces patients vont répondre à d’autresinhibiteurs de tyrosine kinase plus actifs, et à pluslarge spectre.
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La survie à un an des formes avancées était voi-sine de 35 % avant l’imatinib. Elle est désormaisvoisine de 90 %. La survie globale, sans progressionet la réponse au traitement sont influencées parla nature des mutations de kit sur les cellulestumorales, les mutations de l’exon 11 étant asso-ciées à un pronostic plus favorable. L’imatinib n’aen revanche pas d’activité antitumorale établiedans les autres sarcomes non-GIST CD117 néga-tifs et/ou dépourvus de mutations activant uneboucle autocrine PDGF.
Deux études majeures de phase III, réalisées enmoins de deux ans et rassemblant respectivement946 et 756 patients ont été rapportées à l’ASCO2003 : elles comparaient deux doses d’imatinib,400 mg et 800 mg par jour pour le traitementdes GIST avancées. L’étude rapportée par Benja-min et al. [31] n’a pas mis en évidence de diffé-rence entre les deux doses, en terme de taux deréponse, de survie sans progression et de survieglobale. En revanche, l’étude de Verweij et al. [32],avec un nombre de patient supérieur et une duréede suivi légèrement supérieure a souligné uneamélioration significative de la survie sans progres-sion dans le bras 800 mg. À 24 mois, la survie sansprogression est de 55 % dans le bras 800 mg vs40 % dans le bras 400 mg. Ces deux études étaientdestinées dès leur conception à être réunies et ana-lysées ensemble dans une méta-analyse « pro-grammée ». Cette analyse est plus que jamaisnécessaire. L’anatomie moléculaire des mutationsde kit reste l’élément essentiel corrélé au pronosticet à la réponse au Glivec. Heinrich et al. [33] ontprésenté une mise à jour de leurs données surl’étude B2222 rapportée il y a huit mois dans leJournal of Clinical Oncology [34] montrant, sur 127tumeurs, que les GIST porteurs de mutation del’exon 11 ont un taux de réponse, une survie sansprogression, et une survie globale supérieure àcelle des patients porteurs de mutations situéesdans l’exon 9, ou dans d’autres parties de la molé-cule. L’information nouvelle est ici la corrélationentre la nature des mutations de PDGFRA et laréponse à l’imatinib, le même groupe ayant ulté-rieurement démontré [29] la présence de muta-tions du PDGFRA chez 36 % des GIST indemnesde mutations de kit. Ici, la présence de muta-tions de PDGFRA dans l’exon 18, notamment lamutation D842V, est associée à une absence deréponse au traitement par imatinib.
Les GIST constituent désormais un modèle enoncologie solide, représentant la première tumeursolide traitée par une thérapeutique ciblée surl’anomalie moléculaire causale. Les modèles tumo-raux rentrant dans cette catégorie sont en nombrelimité : on peut citer le Glivec dans les LMC, lesleucémies myélomonocytaires chroniques asso-ciées à une translocation impliquant le récepteurdu PDGF, les dermatofibrosarcomes de Darier etFerrand, caractérisés par une translocation impli-quant la chaîne béta du récepteur du PDGF, cer-tains syndromes hyperéosinophiliques [35, 36].Lorsque l’anomalie moléculaire est initiale, la thé-rapeutique ciblée possède une activité antitumo-rale importante, en monothérapie.
Les thérapeutiques ciblées sur des anomalies moléculaires plus tardives
Il s’agit là, d’anomalies moléculaires contribuant àla progression tumorale, mais ne constituant pasl’étape initiale de la transformation. Ces anomaliesmoléculaires ne sont pas observées dans toutes lestumeurs d’un même type histologique, elles ontvolontiers une valeur pronostique, généralementdéfavorable. Les amplifications du gène erb-B2dans les adénocarcinomes du sein constituent unexemple caractéristique de ce type de pathologies.Retrouvées dans 15 % à 20 % des tumeurs, ellessont associées à un pronostic défavorable et à unemoins bonne réponse aux traitements antinéopla-siques. Le trastuzumab est un anticorps humanisédirigé contre la partie extracellulaire de cette molé-cule. Administré de manière hebdomadaire, ildonne des taux de réponse voisins de 10 % enmonothérapie, mais permet d’augmenter significa-tivement le taux de réponse et la survie chez lespatientes dont les tumeurs sont porteuses de l’ano-malie moléculaire précitée recevant une chimio-thérapie par paclitaxel [36, 37]. Dans ce type desituations, c’est-à-dire une anomalie molécu-laire tardive, la thérapeutique ciblée donne desrésultats moins impressionnants en monothé-rapie, avec un taux de réponse limité et peu oupas de long survivants. En revanche, utilisée encombinaison avec une chimiothérapie conven-tionnelle, elle permet d’améliorer la survie sansprogression, la survie globale et le taux deréponse (cf. exemple du trastuzumab dans lecancer du sein, du bevacizumab ou du cetuximabdans l’adénocarcinome du côlon).
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Le traitement par médicament anti-angiogéni-que constitue un autre exemple de thérapeutiqueciblée sur un évènement moléculaire vraisembla-blement plus tardif [38]. La fabrication de néo-vaisseaux sanguins est une étape indispensable àla croissance tumorale lorsque le volume des cel-lules tumorales doit dépasser 2 mm3. La densitédes néovaisseaux, évaluée par immunohistochi-mie par l’évaluation de l’expression du facteur VIIIou de CD31 est un facteur pronostic pour larechute et la survie dans de nombreuses affectionsnéoplasiques, notamment l’adénocarcinome dusein, du côlon, du poumon, de la prostate, les sar-comes. La néoangiogenèse est en outre nécessaireà la croissance des cellules tumorales dans les sitesdistants, pour donner des métastases. La néoan-giogenèse est sous la dépendance de cellules tumo-rales qui, en réponse à une situation d’hypoxie ouà l’accumulation d’anomalies moléculaires sup-plémentaires (p53), vont produire des facteurs decroissance qui vont permettre le bourgeonnement,la mise en place, la maturation des néo-vaisseauxet, plus tard, assurer la survie des cellules endothé-liales. Le vascular endothélial growth factor (VEGF)est le premier facteur contrôlant la fabrication deces néo-vaisseaux : il permet notamment l’aug-mentation de la perméabilité vasculaire, la prolifé-ration et la migration des cellules endothéliales et,lorsque la néo-vascularisation est installée, la sur-vie des cellules endothéliales qui les composent. LePDGF, FGFb, les angiopoiétines sont d’autres fac-teurs importants pour le processus de fabrication,de maturation et de maintien des néo-vais-seaux. Jusqu’ici, les thérapeutiques anti-angio-géniques, principalement celles basées sur desinhibiteurs des récepteurs tyrosine kinases desfacteurs de croissance, n’avaient pas démontréd’efficacité clinique significative dans les modèlestumoraux testés. En revanche, deux étude récentesont démontré l’intérêt thérapeutique d’inhibiteursdu VEGF.
La première, rapportée en 2003 dans le NewEngland Journal of Medecine par Yang et al. [39] éstune étude randomisée de phase II comparantdeux doses de l’anticorps anti-VEGF bevacizumab(Avastin®), à un traitement par placebo chez114 patients porteurs d’adénocarcinome du reinmétastatiques. Les patients traités avec une dosede 10 mg/kg/15 jours présentaient une surviesans progression significativement supérieure au
bras placebo et au bras faible dose avec une surviesans progression à huit mois de 30 % vs 14 % et5 % dans les deux autres bras. Cette étudedémontre l’activité antitumorale d’un inhibiteurde l’angiogenèse, et sa capacité à retarder la pro-gression tumorale dans une tumeur pour laquellela production de VEGF est un facteur pronosticétabli [40].
La deuxième étude est celle de Hurwitz et al.présentée à l’ASCO 2004 [41], qui porte sur uneétude multicentrique randomisée, comparantchez 815 patients présentant un cancer colorectalmétastatique un traitement de première ligne parle 5FU, la leucovorine et le CPT11, selon leschéma Saltz, à la même chimiothérapie en asso-ciation avec le bevacizumab (Avastin®). Le brasexpérimental s’avère significativement supérieur,en terme de réponse (45 % vs 35 %, p = 0,0029)aussi bien qu’en terme de survie (médiane20,3 mois vs 15,6 mois, p = 0,00003 et survie sansprogression 10,6 mois vs 6,24 mois, p < 0,00001).Une hypertension est observée plus fréquem-ment avec le bevacizumab. Il s’agit de la premièreétude positive démontrant l’intérêt d’un traite-ment anti-angiogénique pour une tumeursolide. D’autres études rapportées à l’ASCO 2003confortent l’intérêt du bevacizumab dans cetteindication.
Benson et al. [42] ont fait état d’une étude ran-domisée de phase III comparant un protocoleFOLFOX4 classique au protocole FOLFOX4+beva-cizumab, chez 229 patients porteurs de cancerscolorectaux en échappement après irinotecan.Sur l’ensemble des études évaluant le bevacizu-mab, la toxicité générale du traitement paraîtlimitée, avec une augmentation possible de l’inci-dence des hémorragies et d’accidents vasculairesqui reste inférieure à 1 %.
Au total, ces études tendent à justifier la placedu bevacizumab, en tant que traitement de réfé-rence dans le cancer du rein et du côlon, soit enmonothérapie, soit en combinaison avec la chi-miothérapie standard de l’affection. Ces donnéesétablissent que les traitements anti-angiogéniquespeuvent avoir une activité antitumorale signifi-cative, et constituent le deuxième exemple dethérapeutique ciblée sur un événement molécu-laire tardif permettant d’améliorer significative-ment la survie dans deux affections.
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Le troisième exemple que l’on peut citer danscette catégorie est celui du gefitinib (Iressa) pourle traitement des cancer pulmonaires non àpetites cellules de stade avancé. L’expression dela tyrosine kinase HER1, ou récepteur de l’epider-mal growth factor (EGF), est là encore inconstantesur les cellules tumorales. En deuxième ou troi-sième ligne thérapeutique, après échec des médi-caments conventionnels, l’administration degefitinib à 250 mg ou 500 mg par jour permetd’obtenir un taux de réponse voisin de 10 % etune amélioration significative de la qualité de viepour certains patients [40]. En revanche, encombinaison avec la chimiothérapie en premièreligne, le gefitinib n’a pas permis d’améliorer signi-ficativement les paramètres de survie ou laréponse au traitement dans deux grands essais dephase III.
De multiples essais cliniques d’inhibiteurs del’EGF sont en cours ou ont été rapportés, utilisantdes inhibiteurs de tyrosine kinase et des anti-corps. Les critères de sélection des patientscomportent plus fréquemment l’expression dela cible à la surface des cellules tumorales. Parailleurs, il semble de plus en plus établi que latoxicité cutanée est corrélée à l’activité antitumo-rale en clinique, quelle que soit la pathologieconsidérée. Parmi les molécules les plus avancées,on peut citer le cetuximab, un anticorps antiEGFR1.
Cunningham et al. [43] ont rapporté les résul-tats d’une étude de phase III multicentrique ran-domisée chez 329 patients présentant un cancercolorectal EGFR+ échappant à un traitementcomportant du CPT11 comparant CPT11 + cetuxi-mab vs cetuximab en monothérapie. Le taux deréponse avec le bras combiné est significative-ment supérieur (22,9 % vs 10,8 %, p = 0,0074)ainsi que la survie sans progression (4,1 mois vs1,5 mois, p < 0,0001). L’incidence des diarrhéesainsi que des neutropénies de grade 3-4 plusimportant dans le bras combiné. La survenued’effets secondaires classiques du cetuximab (rashcutané ou acnéiforme) est un facteur prédictif debénéfice tant pour la réponse que la survie sansprogression. En combinaison avec le FOLFIRI, lecetuximab est bien supporté et confère un tauxde réponse encourageant en première ligne, avecsurtout un nombre limité de progressions immé-diates sous traitement. Des résultats encoura-
geants ont également été soulignés dans les cancersde la tête et du cou en combinant cetuximab etradiothérapie [44].
D’autres anticorps anti-HER1 et/ou HER2sont actuellement en cours de développement(EM72000, 2C4, GW572016, ABX).
Dans ces différents modèles, l’activité antitu-morale de la thérapeutique ciblée n’est pas obser-vée chez tous les patients. Il reste donc essentield’identifier les paramètres moléculaires (ou autres,plus simples, tels que la toxicité) corrélés à laréponse au traitement afin, d’une part de mieuxsélectionner les patients, d’autre part, de mieuxcomprendre les modalités d’action de ces médi-caments pour améliorer leur index thérapeuti-que. C’est l’enjeu de ces prochaines années.
Les thérapeutiques ciblées sur des cibles moléculaires qui ne jouent pas un rôle direct dans la transformation
Deux cas de figure peuvent être envisagés dansces modèles :
1. Lorsque la thérapeutique ciblée est dirigéecontre une enzyme qui n’est pas nécessaire pourla survie d’une cellule, cette thérapeutique vaêtre en général inopérante. Ceci explique que lesessais de Glivec contre des tumeurs kit+, ou PDGFR+ ont globalement été négatifs à quelquesexceptions près sur des observations cliniquesmarginales. Ceci a été particulièrement bien illus-tré dans l’étude 62001 de l’EORTC où les patientsporteurs de GIST ou d’autres types de sarcomesrecevaient de l’imatinib à la dose de 800 mg/j. Endépit de l’expression constante du récepteur duPDGF (une des cibles de l’imatinib) sur les cellu-les tumorales conjonctives, aucune réponse n’aété observée pour les tumeurs autres que les GIST[9]. La présence de la cible moléculaire n’est doncpas suffisante : il faut que celle-ci contribue à latransformation pour que les thérapeutiques cibléespuissent être efficaces.
2. En revanche, l’immunothérapie adoptivepar anticorps monoclonaux peut être dirigéecontre des déterminants antigéniques, générale-ment de surface, qui ne sont pas nécessairementdes molécules de survie pour la cellule tumorale.Parmi les cibles utilisées ou actuellement en éva-luation, on peut citer les antigène CD20 ou lesmucines exprimées à la surface des cellules épi-théliales. Le rituximab, un anticorps anti CD20,
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a ainsi permis d’améliorer significativement lasurvie des patients porteurs de lymphomes B àgrandes cellules CD20+ en combinaison avec unechimiothérapie par CHOP, devenant ainsi unstandard thérapeutique dans cette affection. Cesanticorps déclenchent alors l’apoptose des cellulestumorales en impliquant des effecteurs du sys-tème immunitaire, complément ou cellules effec-trices de l’ADCC [45, 46], ou par le biais demolécules cytotoxiques ou radioactives qui leursont associées. Des anticorps anti CD22, CD30,CD33, CD80 sont ainsi en développement enhématologie, tandis que des anticorps anti CA125,mucine, PSA, G250 sont en évaluation dans lestumeurs solides.
Conclusion
Les thérapeutiques ciblées sont désormais desstandards thérapeutiques pour plusieurs affec-tions néoplasiques (LMC, GIST, adénocarcinomedu sein, lymphomes) et plusieurs molécules dis-posent dès à présent d’une autorisation de misesur le marché. Plusieurs dizaines de médicamentsciblant de nouvelles cibles sont en évaluation. Lesinhibiteurs de tyrosine kinase et de leurs ligandsauront de toute évidence une place importantedans le traitement des tumeurs solides dans lesannées à venir. Il reste à identifier les paramètresbiologiques corrélés à la réponse et à l’efficacitéde ces thérapeutiques pour mieux sélectionnerles patients. À cet égard, les techniques d’analysemoléculaires à haut débit, de type microarraysd’expression ou protéomique, auront probable-ment un rôle majeur à jouer.
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