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Yassine B. MEMOIRE LA MISE EN PLACE D’UN FONDS D’INVESTISSEMENTS STRATEGIQUE DANS LES TECHNOLOGIES CLES Sous la direction de M. Stéphane R., Maître de Conférences MASTER I INTELLIGENCE ECONOMIQUE Année 2004-2005

MEMOIRE LA MISE EN PLACE D’UN FONDS D’INVESTISSEMENTS

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Page 1: MEMOIRE LA MISE EN PLACE D’UN FONDS D’INVESTISSEMENTS

Yassine B.

MEMOIRE

LA MISE EN PLACE D’UN FONDS D’INVESTISSEMENTS

STRATEGIQUE DANS LES TECHNOLOGIES CLES

Sous la direction de

M. Stéphane R., Maître de Conférences

MASTER I INTELLIGENCE ECONOMIQUE Année 2004-2005

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Remerciements

Je tiens à remercier M. R. pour l’aide qu’il m’a apporté tout au long de l’année, ainsi que l’intérêt qu’il a porté à ce mémoire.

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« Se faire battre est excusable, Se faire surprendre, impardonnable »

Napoléon

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Sommaire

Introduction 3

Partie I : L’Intelligence Economique en France en 2005…………………..8

1- L’émergence d’une Intelligence Economique en France…………………........6

A- Les débuts d’une intelligence économique française

B- Intelligence Economique, compétitivité et cohésion sociale : état des lieux

2- Perspectives et action publique………………………………………………….8

A- Les contraintes de l’entreprise dans une société de l’information

B- L’implication nécessaire de l’Etat

C- Le soutien aux entreprises innovantes

Partie II : La mise en place du fonds d’investissement stratégique…..…13

1- La protection des technologies critiques……………………………………. 14

A- « Japan 2000 », ou le réveil américain

B- Affaire Gemplus : rachat économique, ou pillage technologique ?

2- La mise en place du fonds d’Investissement ……………………………..…..16

A- Les enjeux du fonds d’Investissement

B- Le cas In-Q-Tel (USA) : exemple d’interventionnisme public

3- Le mécanisme de soutien financier……………………………………………18

A- La mise en place effective : quelle procédure ?

B- Caractéristiques du fonds4

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C- Présentation des différents fonds participants

D- Comparaison entre le fonds américain et le fonds français

Partie III : Le fonds d’Investissement dans un environnement global…21

1 Les théories du financement et les phénomènes d’antisélection…………..…22

A- La logique de marché

B- Le rôle des services publics

2- Les problèmes d’antisélection dans un environnement concurrentiel……..23

A- Imperfectibilité des marchés financiers

B- Risque de Path Dependance (dépendance au sentier)

3- L’implication étatique, protectionnisme technologique, ou volontarisme économique ? .................................................................................................…... 31

A- Une stratégie menée au service d’un objectif de sensibilisation …

B- … qui a été atteint

4- Quelle place dans un environnement européen ?...........................................33

A- Le cadre législatif

B- Le cadre institutionnel et économique

Conclusion : vers une nouvelle politique industrielle ? ………………………35

Références………………………………………………………………………..36

Annexes…………………………………………………………………………..37

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Introduction

Les changements tant au niveau socio-économique que politique ont bouleversé l’équilibre mondial depuis une vingtaine d’années.Nous sommes passé à un nouveau type de compétition, qui n’est plus géostratégique ou militaire, mais économique et scientifique.Cela s’est fait paralellement au développement de la « société de l’information », qui a ouvert un nouveau cycle économique.Etre compétitif, pour un Etat c’est détenir le savoir, être en avance sur les autres. Les entreprises sont naturellement les variables stratégiques qui peuvent permettre une évaluation de la position d’un pays par rapport à un autre. Innover, prévoir, intervenir, communiquer, sont à la base même du concept d’intelligence économique.Sa maîtrise est un enjeu majeur pour une économie performante.

Le rapport concernant l’intelligence économique, remis par le député du Tarn Bernard Carayon en juin 2003 a certainement constitué une étape primordiale pour une nouvelle intelligence économique en France.Ce document retrace l’état des lieux de la situation française, et notamment le retard accumulé face à une concurrence féroce dans le secteur de la connaissance et de l’information.Pour apporter des éléments de réponse à cet état de fait et lancer une véritable politique d’intelligence économique, ce que n’a pu faire il y’a dix ans le rapport Martre, le document amène un certain nombre de propositions.

Parmi celles-ci, la création d’un fonds d’investissement stratégique afin d’appuyer les entreprises a fort potentiel technologique, dont l’apport au niveau sécuritaire ou économique pour la France et l’Europe est jugé prioritaire.Il ne s’agit donc en rien d’un fonds traditionnel, avec des investisseurs se référant seulement à la rentabilité de l’activité, mais d’une action stratégique visant à sauvegarder les intérêts nationaux.La justification d’une telle action provient de l’existence d’une politique américaine, jugée « éveillée » et en avance dans le secteur du financement par le public du secteur privé.Pour corroborer les dires, nous étudierons plus particulièrement le cas de la société In-Q-Tel, fonds d’investissement financé par la CIA et actif dans les secteurs de haute technologie.Il est évident que l’élément déclencheur est l’affaire Gemplus, leader de la carte à puce au niveau mondial, et qui a été repris pat le groupe TPG en 2001.B. Carayon n’a pas hésité à ce moment là à parler de « pillage technologique ». Il entend par un discours offensif justifier les raisons d’un fonds sous contrôle étatique. En quoi la mise en place d’un fonds d’Investissement stratégique participe-t-elle d’une démarche d’Intelligence économique ?L’intérêt de cette réflexion est double. D’une part, cela permet de réaliser un tour d’horizon de l’intelligence économique et de son actualité en France, et d’autre part nous pouvons mettre en liaison cette perspective avec une étude du financement de l’innovation par les nouvelles méthodes de participation, ainsi que les risques possibles dans un cadre de marché.Nous allons tout d’abord réaliser l’état des lieux de l’intelligence économique, en abordant notamment le rapport Carayon et les propositions qu’il élabore, avant de porter la réflexion sur la

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création d’un fonds d’investissement stratégique pour les entreprises innovantes des secteurs clés au niveau technologique. Nous réfléchirons enfin sur la place d’un tel dispositif dans un environnement concurrentiel et notamment européen.

Enfin, à titre personnel, ce travail me permet de traiter de deux domaines afférents à ma formation (l’intelligence économique et le financement de l’innovation) dans un cadre d’actualité économique et européenne.

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Partie I : L’intelligence économique en France en 2005

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Le but dans cette section sera tout d’abord d’expliquer l’intelligence économique, ce qu’elle recouvre, puis de présenter son environnement, son actualité, ses nouveautés. Enfin, j’étudierai la dynamique de financement des firmes innovatrices.

1- L’émergence d’une Intelligence Economique en France

A- Les débuts d’une intelligence économique française

Le véritable point de départ a lieu en 1994 avec le rapport Martre. Réunie par le gouvernement français via le Commissariat Général du Plan, la commission est présidée par Henri Martre, président de l’Agence Française de Normalisation.Celle-ci mène une vaste réflexion sur les domaines et enjeux de la société de l’information.Ses conclusions débouchent sur une définition claire de l’Intelligence Economique et démontrent les efforts à réaliser en vue d’obtenir une politique performante dans le domaine.

Le rapport en donne la définition suivante : « L’intelligence économique peut être définie comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques… ».Cette définition est donc large et englobante.

Le rapport insistait sur le retard français en matière d’intelligence économique, et préconisait une mobilisation des acteurs économiques, en mettant en évidence le rôle incitatif que l’Etat doit jouer.

Ce rapport n’a malheureusement pas eu d’impulsion politique, si bien qu’il eu une portée limitée. Le Comité pour la Compétitivité et la Sécurité Economique (CCSE), malgré ses nombreuses propositions, n’a pas les moyens de ses ambitions.

Avec le tournant des années 2000 marqué par l’émergence des nouvelles technologies, et le développement des starts-up, l’information est devenue le paramètre clé, le point central de l’ensemble du système productif.

B- Intelligence Economique, compétitivité et cohésion sociale : état des lieux

« La compétition économique mondiale contraint nos entreprises à des efforts permanents d’innovation, de prospection, de qualité et de rentabilité. Pour conduire au mieux ces actions, les acteurs économiques ont besoin d’une information fiable et prospective, et doivent pouvoir se prémunir contre des accès non souhaités à leurs propres données1 ».

Commandé par le gouvernement au député du Tarn, Bernard Carayon, ce rapport est remis en juin 2003.

Tout d’abord, à la lecture du texte, on relève le caractère clair de la démarche et l’explication des problèmes de fonds.

1 Lettre de mission de J.P. Raffarin à B. Carayon (La documentation Française, 2003)9

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Ce qui frappe en tout premier lieu est la multiplicité de vues concernant le domaine économique. Des sujets différents sont abordés. Cependant, une ligne directrice demeure, représentée dans le titre : la compétitivité à l’échelle internationale.

La problématique de l’intelligence économique ne se résume pas au partage de l’information. Cette vision ne couvre qu’une partie du problème. L’analyse des rapports de force entre blocs, puissances, régions et entreprises est indispensable pour lire à moyen et long terme le dessous des cartes de la compétition économique mondiale. Elle est donc un élément déterminant de la stratégie d’intelligence économique qu’un décideur doit élaborer pour contrer une concurrence particulièrement agressive.

Le rapport Carayon prône donc un discours patriotique et appelle à une politique offensive. Le domaine économique s’apparente ainsi à un champ de bataille où les acteurs sont non seulement les états mais également les entreprises ainsi que l’ensemble de la société. Les politiques mises en œuvres en seraient les stratégies.

Il commence pour cela par réaliser un état des lieux à l’échelle de la société française.Le rapport met ainsi en valeur l’industrie, créatrice d’emploi, avec une référence particulière aux années De Gaulle – Pompidou, époque qui coïncide avec l’existence d’une politique industrielle.Par ailleurs, il met en évidence les carences nationales dans le domaine de l’économie et de l’innovation.Il dresse un tableau des points noirs dans le domaine. Tout d’abord il précise qu’il n’y a pas de véritable liaison entre université et secteur privé. La recherche ne peut donc se développer convenablement.

Parallèlement, il effectue un tour d’horizon de ce qui se fait à l’échelle internationale, notamment aux Etats-Unis et dans les pays Anglo-Saxons. Il souligne également la faiblesse chronique dans certains domaines : le marché du conseil, la certification…

Finalement, Il s’agit de mettre en place une véritable politique nationale afin de protéger au mieux les intérêts du pays. Cette démarche d’intelligence économique est souple et peu coûteuse. Cela doit passer par un développement plus important des réseaux, des circuits de l’information. Seule une mobilisation effective des secteurs publics peut permettre une avancée substantielle dans ces domaines. Il souligne également le rôle des administrations, les liens entre elles, la coordination appelée à se développer, le soutien aux entreprises par l’intermédiaire d’opérations régionales de sensibilisation.

2- Perspectives et action publique

A- Les contraintes de l’entreprise dans une société de l’information

La concurrence est omniprésente et exacerbée, qu’il s’agisse de maintenir ses positions, de gagner des parts de marché ou encore de conquérir de nouveaux horizons.

A cet égard, il est important de cerner le milieu dans lequel évolue l’entreprise :10

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CONCURRENCE

ETAT EN PARTENAIRES

CLIENTS

Passage à une économie de l’immatériel

L’entreprise se trouve au milieu d’un environnement dont elle doit maîtriser les contraintes.Comment faire preuve d’une démarche dynamique et active si elle ne prend pas en compte le principal paramètre : l’information, et donc l’intelligence économique ?

Celle-ci connaît un développement croissant mais connaît tout de même une certaine résistance, liée surtout à l’ignorance de ses pratiques.Il existe une véritable nécessité de passer d’un processus de veilles multiples (stratégique, concurrentielle…) à un ensemble cohérent.Il est à noter que 90% de l’information critique est disponible librement. Reste à savoir la capter, l’exploiter, la diffuser.

En fonction de cette analyse, nous pouvons distinguer deux niveaux d’Intelligence Economique :

Micro : la veille stratégique ne concerne que l’entreprise. L’intelligence économique englobe une approche plus globale, avec une dimension nationale, voire internationale.Il faut donc passer d’une approche défensive à une approche plus active.

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ENTREPRISE

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Les différentes démarches de l’intelligence économique

PASSIVE

Veille Veille Veille VeilleTechnologique Marketing Commerciale Juridique

ACTIVE

Renseignement Renseignement Renseignement RenseignementTechnologique Marketing Commerciale Juridique

L’intelligence économique regroupe les deux types de recherche d’information dans toutes les activités de l’entreprise.

Macro : à ce niveau, plusieurs niveaux d’action sont envisageables :- politique d’influence, et lobbying.- mobilisation large d’acteurs dans l’entreprise, et l’extérieur.- culture collective de l’information.

B- L’implication nécessaire de l’Etat

L’Etat doit définir des priorités au niveau économique et scientifique afin de donner aux entreprises nationales les moyens de faire bonne figure face à la concurrence.

Pour cela, il faut considérer l’intelligence économique comme un outil nécessaire à l’affirmation d’une certaine puissance ou tout du moins existence géo-économique.En effet, la fin du monde bipolaire a amené un questionnement sur les nouveaux rapports inter-Etats dans une perspective économique.

Cependant, le véritable talon d’Achille au niveau des entreprises, surtout les plus petites est leur manque d’information par rapport aux dangers qu’elles encourent. Sur le terrain, au quotidien, les entreprises de toutes tailles sont confrontées à des risques réels de déstabilisation : attaques au niveau des fournisseurs ou des réseaux de distribution, fuites de cerveaux, fausses informations et offres d'emplois, tentatives d'intrusion dans le système d'information, ingénierie sociale

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(récupération d'informations) auprès des collaborateurs, déclenchement d'une crise interne syndicale...

La solution à ce genre de problème doit donc être avant tout informative : il existe des dangers certains, et il faut pouvoir les éviter.Pour cela, il faut adopter une véritable politique nationale cohérente, avec la fixation de certains objectifs clairs.

Bernard Carayon formule donc trente huit propositions pour placer l’intelligence économique au cœur d’une politique publique d’Etat afin de construire « une France plus riche, mieux protégée, mieux respectée » *.Parmi ces propositions, on retiendra la nécessité pour l’Etat de définir les secteurs économiques stratégiques « en terme de souveraineté, d’emploi et d’influence », ainsi que les technologies qui en dépendent.

Le document de Carayon est direct : « il est temps de passer d’une posture statique et réactive (la défense) à une démarche active (la sécurité économique) engageant tous les services de l’Etat, et en premier lieu les services de renseignement et de sécurité » 2.

Intéressons-nous champ d’action étatique. Le gouvernement a fixé des axes d’action prioritaires :

- remédier aux lacunes du traitement de l’information stratégique par les administrations.

- développer une véritable culture de l'intelligence et mettre en place des formations initiales et continues cohérentes en intelligence économique.

- recenser et améliorer les outils de veille publics et privés.

- densifier le réseau de coopération d’un véritable maillage territorial.

- recenser et améliorer les outils de veille publics et privés.

- apporter un soutien aux entreprises privées.

- diminuer la vulnérabilité des secteurs stratégiques à des prises de contrôle étrangère non souhaitées.

Parallèlement à cela, a été crée en fin d’année passée la Délégation générale de l’Intelligence Economique.Celle-ci a été créée par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie et est dirigée par François Asselineau, inspecteur général des finances.

Sa vocation est claire : « fournir au gouvernement, comme aux entreprises, des analyses et des réflexions prospectives renouvelées en matière économique, financière, commerciale et industrielle afin de mieux faire face aux effets de la mondialisation sur l’économie française et sur l’emploi. Ces analyses lui permettront de proposer une démarche stratégique et des mesures tactiques en conséquences.»

2 Intelligence Economique, compétitivité et cohésion sociale (2003)

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Lui est donc assigné trois objectifs :

- aider le gouvernement à affiner ses choix stratégiques en matière économique, commerciale et industrielle.

- mettre sur pied une veille concurrentielle sur les nations fondées sur une approche pluridisciplinaire, intégrant à des analyses économiques et financières des remises en perspectives de nature historique, sociologique et culturelle. Cela dans le but de mieux cerner la stratégie politico-économique des principales nations et les moyens de toute nature qu’elles mettent en œuvre à cette fin.

- anticiper les évolutions ou les décisions prises par des organisations internationales, des gouvernements ou des entreprises étrangères qui auraient pour effet de nuire aux intérêts économiques et industriels de la France.

En résumé, les pouvoirs publics ont l’intention d’aller dans la lignée du rapport Carayon, à savoir proposer les outils nécessaires à une action publique aux services des entreprises et administrations.

Après ce rappel, nous allons nous intéresser aux firmes innovatrices, leurs caractéristiques, et leur besoin de financement.

C- Le soutien aux entreprises innovantes

Il s’agit de présenter la dynamique du financement des innovations. On s’intéresse ici aux petites entreprises capables d’innover, de prendre des risques dans les domaines en devenir. Ce rôle leur est dévolu, les grandes entreprises prenant moins de risques par nature.

En effet, si les grandes entreprises bénéficient des gains d’échelle, et si leur organisation (laboratoires, effectifs, multiplicité des métiers) leur confère un avantage certain concernant la routinisation de l’innovation, leur difficulté à remettre en cause l’ordre établi (ex : une technologie répandue) du fait des conséquences financières qu’elles peuvent avoir limite un peu le champ de recherche.

L’avancée technologique est largement favorisée par le dynamisme des PME innovantes. L’Etat, au travers de commandes publiques et les grands groupes industriels participent à leur développement. Cependant, il est à constater que cet effort n’est pas optimal.L’Etat se doit de concentrer son attention sur les quelques PME dont la technologie relève de la protection de sa souveraineté. Cela ne peut être le cas qu’au travers d’un volontarisme économique et industriel. Il est avéré qu’un petit nombre de hautes technologies constitue les fondements de nombreux procédés industriels. Ces technologies sont très souvent développées par des PME. Il faut donc être vigilant à ce qu’elle ne soit pas la proie de convoitises de fonds d’investissements étrangers.

Les petites firmes, qui quant à elles ne bénéficient pas des avantages précédents, tirent leur force de la facilité de circulation de l’information inhérente aux petites structures, à la faiblesse des coûts et à la vitesse des échanges.Elles sont également par nature plus aptes à s’approprier une innovation.

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Nous pouvons avoir en exemple le développement des start-up au cours des années 90, et la mise en place d’un marché dédié aux nouvelles technologies, le Nasdaq aux Etats-Unis.Cependant, ne bénéficiant pas de larges marchés existants, l’accès aux marchés financiers ne leur est pas facilité.

Comment les firmes se financent-elles ? Comment mobiliser les ressources ?La théorie orthodoxe considère les formes de financement équivalentes, sous l’hypothèse que « les marchés de capitaux sont parfaits » (théorème de Modigliani - Miller)3.La levée de cette hypothèse donne tout sons sens à la question.Les études empiriques ont démontré que les activités d’innovation ne sont pas financées de la même façon. Ainsi des instruments spécifiques ont été développés. Cela car l’innovation présente deux caractéristiques spécifiques. Tout d’abord le risque d’échec est plus élevé. En effet, en cas d’échec, les investisseurs perdent tout. En cas de succès… ?Ensuite, l’information est incomplète.Ainsi ni les banques, ni les marchés obligataires ou d’action ne sont favorables au financement de l’innovation.

A partir de la, subsistent deux solutions : l’autofinancement, ou le recours à des institutions particulières.

Le capital-risque est une technique de financement spécifique qui ne se contente pas d’apporter des fonds, mais également une assistance au management de la société qui devrait jouer à tous les stades de développement de l’entreprise.Différant du crédit bancaire, car le capital risque est remboursé en fin de programme d’investissement par une « sortie » et selon une valorisation qui intègre la participation au bénéfice réalisé (sans aucune garantie au moment de la prise de participation) et en cas de difficulté peut être perdue en partie ou intégralement. Les entreprises innovatrices de petite taille n’ont pas cette culture routinière de la recherche et de sa mise en pratique.

Elles peuvent donc avoir besoin de conseils et de soutien pour leur démarrage et expansion.Ce sont des secteurs hautement innovants, où l’Etat a donc un intérêt stratégique. Il doit donc intervenir sous peine de voir certaines activités être victime de pillage technologique (cf : Gemplus). Il y’a donc possibilité de faire collaborer le secteur public, qui aura pour vocation de limiter les imperfections de marché, et le secteur publics qui apporte ses fonds et son savoir-faire en matière en capital-risque.Tout cela passera par une politique cohérente, qui définira tout d’abord les secteurs clés, et apportera ainsi les réponses qui puissent favoriser le développement des activités high-tech.

3 Economie de l’innovation (Dominique Guellec)15

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PARTIE II : La mise en place du fonds d’investissement stratégique

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Dans cette partie, j’étudierai le fonds français : son origine, sa mise en place, le dispositif, et sa constitution.Nous terminerons en tentant de rapprocher le fonds américain du fonds français.

1- La protection des technologies critiques

Aux origines de cette notion, et même du rapport de Bernard Carayon, nous pouvons nous pencher sur un cas similaire qui s’est produit aux Etats-Unis

A- « Japan 2000 » ou le réveil américain

En 1991, le congrès américain commande à la CIA un rapport concernant le principal allié des Etats-Unis : le Japon.

Ses conclusions sont sans appel : le Japon est le premier ennemi économique. Il produit une grande part des machines outils et voitures présentes aux Etats-Unis.De plus, il est en avance dans le domaine des systèmes d’information et investit massivement dans les entreprises technologiques américaines.

Pour combler le retard, le rapport préconise certaines dispositions à prendre.Tout d’abord il met le doigt sur une constante dans le domaine de l’information : l’Américain a une culture individuelle en la matière. Il faut donc que l’Etat y remédie.Pour cela, les services publics ont appelé à plus d’esprit patriotique, à l’instar de ce qui se fait au Japon, avec comme priorité le soutien aux Pme innovantes, à l’emploi ainsi qu’au bien être des citoyens.

En outre, sont clairement définies les technologies de pointe pour le XXIème siècle (une vingtaine) : aéronautique, énergie, nano-fabrication…

L’objectif est de créer des zones réservées aux industries américaines afin d’assurer la domination économique et stratégique des Etats-Unis.

Pour cela, le gouvernement américain considère que les industries de haute technologie (qui logiquement devraient obéir aux lois du marché) sont des industries stratégiques. Elles garantissent, sur le plan économique, une base industrielle et technologique innovante favorisant le dynamisme économique américain, tout en contribuant à la sécurité nationale. Si on compare ces éléments et les conclusions du rapport Carayon, on peut constater qu’il y’a eu manifestement une volonté de faire preuve de « patriotisme » économique.Pour appuyer mes dires, nous allons présenter un cas qui a largement contribué la prise de conscience des risques inhérents aux prises de participations étrangères.

B- Affaire Gemplus : rachat économique ou pillage technologique ?

La société Gemplus a suscité un vif émoi en 2002. Leader mondial de la carte à puce, elle a été fondée par Marc Lassus il y’a une vingtaine d’année et a bénéficier à ses débuts de fonds publics (près de 100 millions d’euros).

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En 2001, entre au capital un fonds d’investissement américain, Texas Pacific Group (TPG), à hauteur de 550 millions d’euros (26% des voix au conseil d’administration).Ce dernier fini par prendre le contrôle de la société et impose une nouvelle direction. Le siège social est transféré au Luxembourg.Alex Mandel en devient le PDG. Cependant, l’attention est attirée par le fait qu’il fut l’ancien administrateur d’In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la C.I.A. Cela a finit par alimenter la crainte de voir un transfert de technologie à destination des Etats-Unis.Certains ont évoqué un transfert du savoir-faire français en la matière, combiné aux connaissances en cryptologie de la C.I.A. pour devenir leader dans le domaine de la sécurité informatique.

Cette affaire a eu néanmoins pour effet de faire prendre conscience de l’importance de protéger le « patrimoine » national, lorsqu’il relève d’un domaine sensible. Il trahit cruellement le manque de réactivité des pouvoirs publics.Bien que ceux-ci n’aient pas pour vocation à intervenir directement financièrement, ou d’une toute autre façon, ce genre de situation exceptionnelle nécessite une mobilisation des pouvoirs publics, afin de trouver des solutions « intérieures ».

A partir de ces éléments se pose une question : que faire ?Si l’on sent tiens à une politique volontariste de protection des activités nationales, il apparaît que l’Etat a un rôle à jouer. Tout d’abord, il faut que l’Etat soit informé à temps. Il doit apporter des réponses à ce genre de problème et prévenir ce type d’investissement. Pour cela, il doit définir les secteurs « à risque ». Cela n’est possible qu’en créant des structures capables d’être à l’écoute des firmes innovantes, qui sachent les conseiller et les orienter.

Pour éviter de tomber en porte à faux avec la législation européenne (concernant les aides publiques) et pour « maximiser » les savoir-faire de chacun, on s’orienterait vers un partenariat public-privé, avec le soutien et la participation de grands groupes (Dassault, Thalès…). En effet ces derniers sont au fait des mutations technologiques et disposent de savoir-faire incontestables.Tout cela participe d’un objectif de compétitivité nationale. Le but étant de favoriser l’accès à ces fonds aux entreprises localisées dans les technologies clés.

Intéressons-nous à présent à la mise en place effective, et aux modalités de fonctionnement.

2- La mise en place du fonds d’Investissement

A- Les enjeux du fonds d’Investissement

Après la définition des objectifs et secteurs-clé, il s’agit de mettre au point un système de financement de l’innovation des technologies jugées critiques.

Le SGDN a été chargé par le Premier ministre, le 16 juillet 2003, de conduire une réflexion interministérielle sur les prises de contrôles par des capitaux étrangers d'entreprises françaises liées à la défense ou la sécurité nationale, susceptibles de menacer notre autonomie technologique dans certains secteurs particulièrement sensibles et stratégiques. Ceci afin de pourvoir élaborer des solutions alternatives.

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L’originalité du concept réside ici sur l’intervention publique dans un domaine traditionnellement dévolu au privé (rôle des investisseurs capital-risque).Cela est justifié par le côté stratégique de cette intervention. L’Etat disposant d’un droit de regard sur ce qui se fait en la matière. Il est de plus garant du bien fondé de ces actions innovantes qui peineraient à décoller ou dont l’avenir serait encore incertain.

En plus d’Eads qui participe directement, Thalès, Sagem ainsi que le groupe Dassault pourraient intervenir directement ou via des holdings dans ces participations. L’intérêt, outre que financier, avec ces leaders européens des technologies, de bénéficier de connaissances techniques des secteurs jugés stratégiques, de leur environnement, ainsi que de leur évolution.

B- Le cas In-Q-Tel (USA) : exemple d’interventionnisme public

● Les débuts d’IN-Q-Tel

Il est intéressant d’étudier ce qui se fait à l’étranger, notamment aux USA.Parmi les nombreuses options mises en place, nous pouvons nous intéresser plus particulièrement à la société In-Q-Tel. Il s’agit d’un fonds d’investissement stratégique, créé en 1999 et financé par la CIA.Le fonds a été crée par, Georges Tenet, directeur de la CIA à l’époque, Buzzy Krongard, le directeur exécutif, et Norm Augustine, le dirigeant du groupe Lokheed Martin. Cela après avoir constaté que les start-up avaient finit par mettre au point et posséder des technologies supérieures à celle de la CIA.Ils placèrent donc Gilman Louie à la tête de la nouvelle société. Le fonds fut baptisé In-Q-Tel, en référence au monsieur gadget dans les films de James Bond (« Q ») placé au centre du mot « Intel » (abréviation d’intelligence). Enfin le fonds est situé dans deux bureaux : l’un à Washington, l’autre, plus prêt des activités technologiques, à Menlo Park, dans la Silicon Valley

● Ses activités

Ce fonds est donc destiné à investir dans les start-up donc les activités sont reconnues comme prioritaires par la CIA (ex : sécurisation des données).In-Q-Tel s’est fait connaître en France au travers de l’affaire Gemplus, qui a posé la question du pillage technologique.Bernard Carayon estime que les secrets de Gemplus ont été transférés aux USA, et en Chine.Cependant, il est intéressant de constater que Gemplus n’a pas été sélectionné par les pouvoirs publics US pour la mise en place d’une carte à puce américaine, au contraire d’autres fabricants européens.

● Ses caractéristiques

Tout d’abord, ce qui est frappant est le ratio entre le nombre de demandes de financement reçues (3200) et le nombre d’acceptations (une quarantaine).Ensuite, examinons les montants alloués : entre 1 et 3 millions de dollars; cela concerne donc en général des petites et moyennes entreprises, innovantes et à fort potentiel de croissance.

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In-Q-Tel ne devient à priori jamais actionnaire majoritaire : elle se contente donc d’avoir une vue sur ce qui se fait.Au travers des dossiers déposés, In Q Tel a donc pu disposer d’informations intéressantes sur ces entreprises et leurs secteurs d’activité. De plus elle n’est pas tenue de les garder confidentielles, les entreprises ayant été retenues peuvent donc y avoir accès.Elle-même dispose d’une vue globale sur les technologies avancées.

Les entreprises dans lesquelles In-Q-Tel investit sont particulièrement innovantes et essentiellement spécialisées dans la conception de logiciels et de moteurs dédiés à l'analyse linguistique, la récupération de données sur les réseaux informatiques, la sécurité et, depuis peu, les biotechnologies. La société investit environ 30 millions de dollars (25 millions d'euros) chaque année dans des sociétés innovantes.De plus, la société de capital-risque travaille en liaison avec des grands organismes américains des hautes technologies, tels que la Science Application International Corporation (SAIC).

Concernant ses résultats, il est à noté qu’une quarantaine de compagnies financées sont viables, et surtout que 22 nouvelles technologies ont été insérées dans 40 programmes du gouvernement.

Etudions à présent les buts et intérêts d’une telle organisation. Nous pouvons déceler trois types de rôles.

Rôle de veille : permettre à la C.I.A. d’avoir une vue d’ensemble sur ce qui se fait en matière de technologie de l’information.

Rôle sélectif : permettre à la C.I.A de sélectionner les technologies-clés.

Rôle informationnel : permettre aux entreprises sélectionner de savoir où en sont les concurrents (ceux dont le dossier a été refusé).

Le fait qu’In-Q-Tel soit liée à la C.I.A, et donc à l’Etat américain démontre bien la démarche d’intelligence économique appréhendée au niveau national.

3- Le mécanisme de soutien financier

A- La mise en place effective : quelle procédure ?

On va s’attacher à présenter le déroulement du système, du dépôt de dossier à l’acceptation du soutien financier.

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Dossier ETAT (2)

(1) Analyse Technologique (3)

Avis

Evaluation par le comité de suivi et sélection

(4) Si favorable PRIVE

Examen par une société de Gestion

(5) Si décision d’investissement

Financement par unfonds spécialisé

B- Caractéristiques du fonds

Quelle est la procédure d’attribution des financements ?

En tout premier lieu, le côté public va déterminer les secteurs stratégiques, et les besoins. Une quinzaine de secteurs a été présentée comme sensible. Evidemment des secteurs restent secrets pour ne pas éveiller l’intérêt de la concurrence, étant donné l’intérêt national donné au projet.Les entreprises concernées vont demander un financement et déposer des dossiers.Les projets sont adressés au comité de sélection et de suivi, chargé d’évaluer leur caractère stratégique. Le public va donc étudier les demandes, les traiter, il est garant de la faisabilité du projet. Il se porte en quelque sorte caution de l’intérêt de l’activité concernée. Il va de plus mettre en relation les entreprises avec le fonds d’investissement.

Ce comité est présidé par Alain Juillet, et comprend des représentants des ministères concernés (Industrie, Recherche, Finances, Défense et Intérieur). Celui-ci procède à une expertise, concernant son caractère innovant et la viabilité du projet.

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Si l’avis est positif le dossier est transmis au domaine privé, c'est-à-dire aux fonds concernés. Ceux-ci procèdent à une expertise financière, qui si elle s’avère positive débouche sur un financement.

Concernant le budget prévisionnel, une enveloppe d’environ 250 millions d’euros pour l’année, chaque projet recevant entre 100 000 et 1 million d’euros.L’accent est mis sur le rôle organisationnel, avec le partage de compétences entre public et privé.Autre caractéristique essentielle : sa réactivité. En effet, le fonds peut intervenir très vite, en quelques semaines.

C- Présentation des différents fonds participants

Ces différents fonds sont plutôt des fonds d’amorçage, c'est à dire un investissement en capital lors du début de projet de l'entreprise à sa création et pendant ses premières années, une fois que ses marchés potentiels et sa technologie sont validés.

Concernant les demandes de financement, une fois les dossiers acceptés, ceux-ci sont transmis à trois sociétés de gestion (ACE Management, Occam et Emertec gestion), choisies par les fonds de financement sélectionnés. Ceux-ci sont au nombre de cinq :

- Emertec 2 : crée en janvier, il s’agit d’un fonds de capital amorçage dédié à l'investissement dans des entreprises innovantes à fort contenu technologique et à fort potentiel, positionnées dans le secteur des micro et nanotechnologies (micro-électronique, génie électrique…), aux tous premiers stades de leur existence.Son statut est celui d’un fonds commun de placement à risque (FCPR) à procédure allégée, dune durée de 10 ans, visant une taille de 40M€. Son principal actionnaire est le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).Le fonds réalise des investissements en fonds propres en prenant des participations minoritaires au capital des entreprises cibles.

- ACE Management : gestionnaire de la financière de Brienne, il s’agit d’un fonds crée en 2000. Il ne réalise que quelques investissements par an, toujours en position minoritaire. Il a un plutôt un rôle de fonds de conseil et d’amorçage. Dans notre cas, il agit au travers d’Aerofund, détenu entre autre par EADS.Ses secteurs de prédilection sont les télécoms, les biotechnologies, la Défense.

- Occam1 : financé par le groupe Eads, il est chargé d’appuyer les projets relatifs technologies de l’information et de la sécurité (sécurité informatique, sécurité des infrastructures, des moyens de transports, des process industriels et des personnes).

- Sécurité : crée en 2001 au sein du groupe Thalès, il va se charger du domaine de la sécurité globale (protection, notamment informatique, des grandes entités).

- La Financière de Brienne : Fonds d'investissement public spécialisé dans les PME de hautes technologies duales à potentiel de croissance positionnées sur les secteurs stratégiques, notamment de l'Aérospatial, de la Défense et de la Sécurité Commune. L’Etat s’assure une participation dans ces fonds à travers la Caisse des dépôts et Consignations, structure dévouée au financement de l’innovation. Il peut ainsi avoir en même temps avoir le contrôle au niveau évaluation des projets, ainsi qu’avoir des vues, voir des responsabilités sur leur financement.

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Cette procédure a permis à Bercy et à Bruxelles de valider le projet en début d’année.

D- Comparaison entre le fonds américain et le fonds français

Remarque : l’Etat n’intervient pas directement comme financeur. On a là une différence avec In-Q-Tel, financé lui par la CIA.

Son but est de financer les projets innovants dans les secteurs déterminés comme stratégiques.La taille de ces entreprises serait assez réduite, ce qui ne leur permet pas de s’adresser au mode de financement traditionnel (marché des capitaux).

Si l’ambition première de ce fonds est la protection des activités dites stratégiques, ne pouvons nous pas déceler d’autres caractéristiques ?Le fonds américain quand on y regarde de prêt a pour objectif un rôle de veille, c'est-à-dire chargé de récupérer toute information stratégique concernant les avancées technologiques des entreprises high-tech, américaines ou non d’ailleurs. On peut y voir la une vraie démarche offensive d’intelligence économique.Il est à noter d’ailleurs que le contexte international, notamment depuis 2001 a donné une nouvelle impulsion au fonds, notamment pour aider au développement des technologies de sécurité (par exemple informatique), et militaires.Celui de son homologue français est chargé de protéger les technologies nationales sensibles. On a donc un rôle affiché, comme défensif, réactif.

Cependant on peut se demander si le but n’est pas d’aller plus loin, c'est-à-dire sinon de favoriser une certaine orientation des activités technologiques, au moins de fixer des domaines stratégiques et de permettre leur développement, sans qu’ils ne soient victime d’une sélection sur les marchés financiers, ou même sur le marché des technologies.

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Partie III : Le fonds d’Investissement dans un environnement global

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Nous allons à présent nous intéresser au sujet plus large du financement des activités innovantes.Nous présenterons les écrits classiques sur le sujet, avant de m’intéresser aux éventuelles imperfections de marché qui peuvent nuire au financement.Enfin nous mettrons en lumière le rôle de l’Union Européenne sur le sujet.

1- Les théories du financement

A- La logique de marché

Dans le cadre des nouvelles technologies, l’innovation n’intéresse pas que les seules grandes entreprises performantes.

Si l’on s’en réfère à G. Dosi (Finance, Innovation and Industrial Change)4, les institutions financières jouent un rôle actif dans le processus micro-économique d’allocation des ressources et elles sont susceptibles d’influencer les performances des entreprises.

Freeman* démontre que seulement 1 sur 10 des projets de R-D est un succès commercial et prêt d’une firme industrielle sur deux engagée dans un programme d’innovation ne trouve pas d’activité profitable.

Du fait de ce risque et malgré les besoins considérables en ressources financières des entreprises qui souhaitent développer des programmes d’innovation la communauté financière et bancaire refuse le plus souvent d’approcher les concours nécessaires.

Quel rôle peut jouer le secteur public ?

Dans ce cas la, l’Etat a le rôle important d’informateur au niveau des secteurs porteurs, innovants, stratégiques.

B- Le rôle des services publics

Nous nous proposons d’étudier les propriétés de ces fonds, notamment vis-à-vis du rôle de l’Etat en me posant une question : Quel est le rôle de l’Etat dans le financement ?

L’Etat apparaît normalement comme le régulateur de l’économie. Le marché étant le financeur, il est censé apporter des réponses optimales.

Etudions maintenant le rôle des intermédiaires financiers.L’existence d’investisseurs financiers s’explique par la contribution qu’ils peuvent apporter au niveau des fonctions de filtrage et de contrôle du financement.

Deux voies d’action sont possibles :- confier à des intermédiaires financiers publics des missions de sélection et de contrôle des projets et à assurer la prise en charge de tout ou partie du risque engendré par l’activité d’innovation.

- en ce qui concerne les aides indirectes aux premières phases du cycle, le service public peut améliorer significativement le potentiel de financement des entreprises innovantes par

4 Financer l’innovation des PME , Jean Lachman25

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l’octroi de garanties qui au-delà de la participation au risque, joue un rôle de signal et réduit l’incertitude perçue par les investisseurs privés.

Une troisième voie est envisageable : promouvoir le développement d’une intermédiation financière spécifique, telle le venture capital ou fonds commun de placement à risques.En principe, le rôle moteur pour le développement de ces intermédiaires échoit au secteur privé.

On peut dire que concernant ce cas, les trois voies sont regroupées. Cependant, il est évident qu’il faut l’existence d’un contexte institutionnel et législatif adéquat.La commission présidée par Alain Juillet doit jouer ce rôle.

L’Etat a un rôle à jouer dans l’orientation des financements des activités innovantes qu’il juge pour lui stratégique.Ceci est différent d’une politique interventionniste. L’état ne participe pas directement au financement.

Nous allons nous intéresser aux effets néfastes qui peuvent découler du marché

2- Les problèmes d’antisélection dans un environnement concurrentiel

Le rôle du fonds susnommé est avant tout stratégique : ne pas pénaliser les projets innovants qui n’ont pas de rentabilité ou d’intérêt immédiat.

Nous allons traiter dans cette section de deux contradictions issues de l’équilibre de marché.Nous allons donc m’intéresser aux phénomènes d’antisélection, en mettant l’accent tout d’abord à l’imperfection des marchés financiers, avant de poursuivre sur les risques de « path dependance ».

A- Imperfectibilité des marchés financiers

Le fonds peut avoir également un rôle sélectif : déterminer les secteurs-clés, ce que ne font pas les investisseurs institutionnels.

Penchons-nous sur les travaux d’Akerlof concernant l’asymétrie de l’information.Si l’information est asymétrique, il peut y avoir une certaine difficulté pour évaluer la valeur des projets. Dans un cadre néoclassique du marché financier, la notion principale est celle d’équilibre du marché. Celle ci est reliée au postulat d’une concurrence pure et parfaite.Cinq hypothèses sont délivrées pour y aboutir :

- une atomicité du marché : un grand nombre d’agents.- homogénéité des produits;- libre entrée et sortie de l’industrie ou de la branche;- parfaite transparence du marché : l’information circule librement sur les prix, les quantités et la nature des produits;- parfaite mobilité des facteurs de production.

Il est donc mentionné une parfaite transparence de l’information. Or dans le marché du financement entre autre, celle-ci n’est pas forcément complète.Nous allons le voir avec l’exemple que donne Georges Akerlof.

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Georges Akerlof (Prix Nobel d’économie 2001) analyse la dynamique de sous-information d'une des parties d'un contratSelon lui, il peut ne pas y avoir de transaction, alors que les deux parties y auraient eu intérêt.

Akerlof5 étudie le marché des voitures d'occasion et indique que les acheteurs et les vendeurs sont en situation d'asymétrie d'information. Les vendeurs connaissent mieux l'état de leur véhicule que les acheteurs et le dissimulent s'il est mauvais. Si l'on ne peut distinguer les bons des mauvais véhicules un prix unique s'établira sur le marché. A ce prix, les possesseurs de voitures en bon état refuseront de vendre, jugeant qu'ils pourraient obtenir un meilleur prix. Il ne reste donc plus sur le marché que les mauvaises voitures. Les acheteurs, en raisonnant de façon similaire, penseront n'avoir à faire qu'à des véhicules en mauvais état et n'achèteront pas au prix du marché. Ainsi, lorsque les individus ne disposent pas de la même information, les mécanismes de marché peuvent conduire à des impasses.

Dans son modèle, Akerlof présente un marché où coexistent deux types d’agents, acheteurs et vendeurs, un type de produit (voitures de bonne et mauvaise qualité), sans intermédiaire régulant l’activité.

La logique est qu’il y’a une difficulté de détermination d’un équilibre de marché lorsque les acheteurs potentiels ne sont pas à même de distinguer la qualité des produits offerts.

Modélisons ces concepts. Soit :

« U » : valeur d’une voiture de bonne qualité, pour l’acheteur. « u » : valeur d’une voiture de mauvaise qualité.

« V » valeur d’une voiture de bonne qualité, pour le vendeur.« v » : valeur d’une voiture de mauvaise qualité.

« f » : proportion de bonnes voitures.

- Cas lorsque l’information est symétrique :

Pour que les échanges aient lieu, il faut v<u et V<U. Le surplus « u-v » est alors positif.Entre ces limites, le prix dépend du pouvoir de négociation. Cela en relation avec la qualité des voitures, qui est observable.Une transaction au prix « p » donne à l’acheteur un surplus « u-p » et au vendeur « p-v »

- Cas lorsque l’information est asymétrique

Les acheteurs sont incapables d’observer la qualité des voitures. Ils assignent donc une moyenne [ü = f(U) + (1-f) u]

Aucun acheteur n’est prêt à payer plus que cette valeur moyenne.Supposons que les vendeurs de bonnes voitures ne soient pas prêts à vendre à ce prix.

V>ü : d’autant que la proportion de bonnes voitures est faible.A partir de là, considérons deux groupes d’individus (1 et 2) distingués par la valeur différente donnée à une voiture.On remplacera la notion de voiture par celle de projet.

5 The market for lemons: quality uncertainty and the market mechanism, 197027

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- Etablissons la fonction d’utilité « U » du groupe 1 (les financeurs) :

U1 = m + ∑ qi (avec n: nombre de voitures consommées, qi la qualité et m un quantité de bien composite)

On peut dans notre cas considérer U comme le nombre de projets que seraient prêts à financer les intermédiaires financiers.

- Attachons nous à présent à élaborer la fonction du groupe 2 (les entreprises innovantes) :

U2 = m + (3/2) ∑qi

Cela indique que ce groupe a une plus forte valorisation, une meilleure idée de ses projets.

- La qualité des voitures (des projets) varie continûment : elle est distribuée dans l’intervalle [0,2].

- Le groupe 1 dispose de « N » voitures (=> nombre de dossiers qu’il est prêt à financer). Le groupe 2 de 0, évidemment.

Chaque groupe maximise son espérance d’utilité sous contrainte d’un budget.

G1 = R1 et G2 = R2

Avec cette formulation linéaire des fonctions d’utilité, les demandes dépendent de la qualité moyenne, « q² » et du prix « p ».

- La demande émanant du groupe 1 :

D1 = R1/p si q² > ou = p : si le financeur estime le projet rentable.D1 = 0 si q² < p : s’il l’estime non rentable.

L’offre de financement émanent du groupe est : O1 = pN/2 si p< ou = 2,La qualité moyenne de cette offre sera q² = p/2.

- La demande émanant du groupe 2 :

D2 = R2/p si (3/2) q² > ou = p : si les firmes estiment que la qualité est supérieure au coût, elles vont demander un financement.

D2 = 0 si 3/2 < p : sinon 0

D2 = 0 : pas de projet, pas de d’investissement demandé.

La demande totale, somme des demandes de chaque groupe sera ainsi :

D(p) = (R1 + R2) p si p < ou = q² : on a l’équilibre offre – demande de voiture (=> financement des projets)

D(p) = R2/p si q² < p < ou = 3/2 q² : le projet est de mauvaise qualité, seule la firme a intérêt à demander le financement.

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n

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D(p) = 0 si q² < p : si la qualité du projet est inférieure au prix, le projet n’est pas bon, personne ne demande son financement.

Un prix p engendre un qualité égale a p/2.Pour p compris entre 0 et 3, il y’a des individus du groupe 2 prêts à acheter et du groupe 1 prêts à vendre, mais la transaction n’a pas lieu : l’asymétrie de l’information détruit le marché.

Les voitures de bonne qualité vont se retirer du marché. Ne restent donc que les mauvaises.

Les bonnes voitures sont victimes du processus de « sélection inverse » ou « anti-sélection » :L’asymétrie d’information fait qu’il est impossible que s’établisse un prix auquel les vendeurs de bonnes voitures auraient intérêt à conclure une transaction.Trois types de marchés illustrent les dysfonctionnements liés à l’asymétrie de l’information : - marché de l’assurance. - marché du travail. - marché du crédit.

L'anti-sélection est source d'inefficience. En effet elle empêche que se nouent des relations mutuellement bénéfiques. On peut donc naturellement parler de « d’imperfectibilité de marché », ce qui contredit les théories néoclassiques, notamment le concept de concurrence pure et parfaite chère à Léon Walras et à son concept d’équilibre général.Le mécanisme autorégulateur peut donc être rompu. Cela réhabilite donc l’Etat, dont l’intervention peut être source d’efficience.

Cette caractéristique d’asymétrie de l’information est très présente dans le cadre des marchés financiers.En effet les emprunteurs (qui dans notre cas sont les firmes innovatrices) ont davantage d’informations sur la valeur et le risque de leurs projets. Ils ont donc intérêt à choisir des investissements risqués : en cas de réussite, ils en sont les principaux bénéficiaires. En cas d’échec le perdant est le prêteur.

Appliquons cette réflexion au monde du financement des entreprises. Il existe deux types d’agents : des financeurs et des entreprises. Si l’information est asymétrique, les bonnes firmes seront sous-évaluées, et les mauvaises surévaluées.

Cette sous-évaluation dépend, dans notre modèle simplifié, des propagations de bonnes et mauvaises firmes à la recherche d’un financement.

Cependant, apparaît une distinction avec le modèle de G. Akerlof. En effet dans le cas des marchés des voitures, le vendeur en connaît les caractéristiques intrinsèques.Ce n’est pas le cas dans le cadre d’un projet d’investissement. Ni le financeur ni le financé ne peut connaître exactement la valeur de l’investissement. Le financeur aura les informations que le financé voudra bien lui donné, sachant que lui-même fait des estimations futures.Trois voies sont donc ouvertes pour permettre à l’entreprise de surmonter l’obstacle de la sélection adverse :- s’autofinancer.- utiliser des instruments financiers peu sensibles à l’asymétrie de l’information.- se différencier en émettant des « signaux » qui permettent aux incertitudes d’aboutir à une évaluation plus correcte.

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La difficulté pour les projets innovants est donc double :Tout d’abord, il faut se « signaler » comme innovants.Il faut ensuite démontrer la qualité du projet, notamment sa viabilité financière.

Nous avons à travers ce modèle une des caractéristiques de la difficulté à financer des projets innovants et stratégiques d’un point de vue national. Le problème que l’on vient de cerner concerne le manque d’information dans agents financeurs qui n’ont pas les mêmes visées qu’un organisme public, à savoir protéger les technologies sensibles. De plus ceux-ci sont souvent internationaux, et dans un contexte de globalisation ce genre de critère est vite oublié.Dans notre cas, les domaines d’activité sont définis par les pouvoirs publics.Objectifs nationaux, leur sélection n’est donc pas fondée sur des critères de rentabilité immédiate.Or le marché a normalement lui-même ce rôle de sélection.Nous avons donc là une contradiction pour l’économie néo-classique.

Les intérêts étatiques peuvent t’il s’accommoder de ceux du privé ?

L’Etat a un rôle à jouer à partir du moment où les petites entreprises innovatrices, en raison de l’imperfectibilité des marchés, elles ne peuvent trouver de financement approprié de la part du marché financier traditionnel.

L’autre raison, précisément dans notre cas, est la volonté de garder ces activités innovatrices sous influence française et éviter les prises de contrôle étrangères non souhaitées.

Cependant si on adopte un point de vue plus globaliste de la compétitivité et de l’avenir technologique de la France, la mise en place d’une telle structure peut s’avérer intéressante.Le rôle de la partie publique sera stratégique en amont en fixant les évaluations selon les priorités. Ces priorités étant de long terme.Le début des années 2000 a démontré les difficultés liées au financement des start-up.L’approche ne doit pas être court termiste. En ce sens l’Etat se porte garant de l’avenir de ces technologies. donc rôle de sélection.

Le secteur financier sera apte à juger du côté gestion du projet.A travers le dispositif mis en place, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une « intermédiation » financière entre des sociétés innovatrices aux forts besoins en capitaux, mais qui butent sur des difficultés liées à l’incertitude de leur activité, et des investisseurs « stratégiques » qui recherchent l’efficience du marché des financements et des activités technologiques.

Cela nous amène à une seconde réflexion.

B- La Path Dependance

Nous pouvons relever un autre type d’imperfection, ayant trait à la diffusion des technologies de réseau.

La sélection constitue un élément déterminant la dynamique d’évolution d’une industrie.

Dans ce contexte, nous pouvons créer un cadre d’analyse pour étudier le phénomène.

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Il existe une hétérogéinité des firmes au sein d’un secteur d’activité. Nous n’avons donc pas « d’agent représentatif ». Cela suppose donc différentes stratégies, différents moyens, différentes performances…Logiquement, le processus de sélection s’accomplit à travers un processus de marché aboutissant à la sortie de certaines firmes.L’environnement sélectionniste peut être plus ou moins fort ou faible selon la concurrence, les modes de régulation, la compétition technologique.

Cependant, la mémoire du passé produit quelques régularités comme l’irréversibilité, les phénomènes d’inertie, de dépendance du chemin.A travers un processus de sélection non linéaire, sont sélectionnées des technologies, et produites de nouvelles technologies. A partir de ces réflexions, étudions le phénomène de verrouillage en lui-même.Pour appuyer mes dires, nous nous sommes servi d’un modèle intitulé « dynamique du réplicateur de deux technologies de réseau en concurrence ».

Dynamique du réplicateur

Il s’agit d’un modèle évolutionniste de compétition de réseau qui prend appui sur une dynamique de réplication. La dérivation est tirée de K. Binmore (1992)

- on va supposer deux firmes se partageant un marché (continuum de consommateurs [0,1]), leurs technologies n’étant pas compatibles. Les interactions entre utilisateurs étant assez fréquentes, un accroissement de l’une entraîne une diminution de l’autre. On suppose qu’elles ne sont pas parfaitement équivalentes en terme de caractéristiques et parts de marché.

- On suppose que la technologie « 1 » coûte plus chère. Cependant, son efficacité est supérieure : c1 > c2>0.

- L’utilité de chaque consommateur (dont la stratégie est fixe) est sujette non seulement du prix, mais également de l’efficacité de chaque réseau : e1-c1 > e2-c2.

- On va supposer que l’externalité de coût est compensée par l’externalité de réseau : Et notons a = e1-c1, b = -1, d = e2-c2, et c = -c2.

Résumons les utilités obtenues au moment des interactions au sein de la matrice :

1 2 1 (a, a) (b, c) 2 (c, b) (d, d)

(avec a > c, d > b et a > d).

Deux équilibres de Nash apparaissent : (1, 1) et (2, 2).

- L’effet agrégé de l’externalité et de la concurrence qui en découle entre les deux technologies va se dérouler sur plusieurs périodes.

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T = 0, T, 2T, 3T…

- A chaque période, chaque utilisateur interagit avec un autre tiré au hasard.On va obtenir x1 [0, 1], la masse d’utilisateurs de type i, avec x1 + x2 = 1, taille de la population.

- L’utilité espérée d’un utilisateur de type 1 (et 2) lorsque le profil de population x = (x1, 1 – x1) est :

E [Π (1, x)] = x1a + (1-x1)b

E [Π (2, x)] = x1c + (1-x1)d

On obtient à partir de là une proportion x* = (x1, 1- x1) telle que E [Π (1, x)] = E [Π (2, x)]

x1* = > 0

- Cet équilibre correspond au cas où les deux technologies sont parfaitement équivalentes : aucun

utilisateur n’a intérêt à changer sa stratégie (3eme équilibre de Nash).

- Pour décrire la dynamique de réplication, on va introduire une troisième fonction d’utilité :

l’utilité moyenne de la population face au profil x :

E [Π (x,x)] = x1 E [Π (1,x)] + (1 - x1) E [Π (2,x)]

Ces deux utilités vont former les variations du flux de réplication 1 (reproduction asexuée) par

unités de temps T. A chaque période, une fraction des descendants d’un individu va survivre,

l’autre disparaissant (1-T).

La variation de la proportion d’un réplicateur i dans la population est proportionnelle à la

différence entre la valeur adaptative des réplicateurs 1 et la valeur adaptative moyenne :

Pour tout xi différent de 0, on aura :

E [Π (1,x)] > E [Π (x, x)] alors dxi / dT > 0

En effet, si E [Π (1,x)] > E [Π (x, x)] => x1 x E [Π (1,x)] + (1- x1) x E [Π (2, x)], 1 = 1,2

alors E [Π (1,x)] > E [Π (2, x)]

Si l’augmentation de l’utilité de chaque consommateur compense l’augmentation du coût et si cette augmentation est supérieure à la moyenne, invariablement à chaque étape, la technologie « 1 », étant supérieure à sa concurrente, elle va se diffuser invariablement.Finalement, nous obtenons de façon triviale un équilibre de standardisation sur une seule technologie.

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d - b

a – c + d – b

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Conclusion : plus une technologie est efficace, plus elle se diffuse et devient le standard.

Points d’équilibres (3)

«X» X : population (position)

| Tech. 1 : standardisation sur « 1 » Tech. 2 : standardisation sur « 2 ».

Tech. 1 Tech. 2 «<» et «>» : forces de diffusion

Commentaires

La supériorité d’une firme sera basée sur sa capacité d’adaptation et son niveau de diffusion, ce qui entraînera un verrouillage sur une technologie, pas forcément la plus efficiente. Nous pouvons prendre en exemple les écrits de Paul David.

Path dependance et choix de la technologie inefficiente : Paul David et Arthur

Paul David s’intéresse aux phénomènes de verrouillage technologique dans les technologies de réseaux.Il prend pour exemple la standardisation sur les claviers « QWERTY ».

Celui-ci a été choisi au départ car permettant une frappe « lente » qui évite le blocage de la machine à écrire (1860’s).Or de nos jours cela n’a plus lieu d’être étant donné l’informatique.En se penchant sur l’histoire des claviers, on constate que d’autres types de frappes ont été conçus (ex : DSK), plus efficaces, mais Qwerty est demeuré standard.

Pourquoi y’a-t-il eu un phénomène de verrouillage sur la technologie non efficiente ?

L’hypothèse centrale est que le poids du hasard et la nécessité de l’évolution verrouillent le marché sur une technologie.

En effet, la technologie (ici Qwerty) n’a pas été choisie car la plus efficace mais elle l’est devenue du fait de sa diffusion.D’où l’importance des petits « évènements historiques ».On se retrouve à un moment donné face à un paradigme technologique. L’orientation prise à ce moment-là a des conséquences inéluctables et définitives sur la suite.

Toute la question ici est donc l’efficience du marché, c’est à dire son aptitude à détecter les technologies efficientes technologiquement et économiquement.

Cela sous la contrainte de quelques constatations :

- le marché privilégie le court terme.- nous avons vu qu’il existe possibilité d’un verrouillage technologique inefficient.- l’intérêt du marché n’est pas forcément compatible avec celui de l’Etat.

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Page 34: MEMOIRE LA MISE EN PLACE D’UN FONDS D’INVESTISSEMENTS

L’émergence des technologies de l’information depuis une quinzaine d’années accentue le phénomène d’interdépendance de ces outils. Informatique, télécommunications, logiciels sont ainsi reliés de façon certaine. Le problème de leur efficacité et compatibilité se pose forcément. Comment éviter les phénomènes de verrouillage sur des technologies inefficientes ?Ici aussi c’est au marché de définir les trajectoires efficientes. Cependant les objectifs de rentabilité immédiate peuvent ne pas favorisé le choix de la technologie la mieux adaptée.L’Etat peut donc ici aussi intervenir en désignant les technologies dites « stratégiques ».Si l’on s’en tient à l’exemple fourni par le cas américain, on retient qu’une vingtaine de technologies ont été adoptées par les programmes gouvernementaux, ce qui montre l’intérêt du passage du stade de recherche à l’application civile, voire militaire des nouvelles technologies.Cependant, comment déterminer ces dernières? Quelles en sont les conséquences ?

L’Etat va tenter d’orienter le financement des technologies viables et efficientes.Cependant, n’est ce pas au marché là aussi de déterminer les firmes susceptibles d’élaborer les technologies efficientes ?

Devant ce type d’imperfection, la méthode à prôner est celle d’une «autorégulation du marché», en définissant des axes de recherche privilégiés à partir de la réunion de différents agents (services publics, de recherche, grands groupes) qui prendraient le soin de définir une politique commune en matière technologique afin d’obtenir des bases d’où débuteraient les différents paradigmes.On pourrait parler à ce moment la d’une « intermédiation » technologique, qui tout en tentant de placer le marché au centre des décisions stratégiques, aurait pour vocation à le stabiliser pour éviter les défaillances.

3- L’implication étatique, protectionnisme technologique, ou volontarisme économique ?

A- Une stratégie menée au service d’un objectif de sensibilisation …

Cette opération de sensibilisation s’est révélée être une excellente promotion des dangers économique, et surtout une remarquable leçon d’intelligence économique, donnée par les leaders eux même : Bernard Carayon et Alain Juillet.

En, en examinant le déroulement des faits, qui débutent avec le choc Gemplus, il n’y a aucune difficulté à se rendre compte de l’importance accordée cette entreprise par les pouvoirs publics.

Dans son numéro du 5 novembre 2002, le quotidien Le Monde cite les services d’Etat, dont le Ministère de l’Economie et des Finances, qui ont suivi l’affaire. Une phrase conclut l’article intitulé Les services secrets américains cherchent-ils à mettre la main sur la carte à puces? : « Tous, sans voir la main de CIA et de la NSA derrière TPG, estiment dommage qu’une technologie française stratégique puisse être « délocalisée » mais disent ne pouvoir intervenir dans le cadre d’une société privé ».Cet aveu signe l’impuissance non seulement des hommes politiques, qui sous couvert de libre concurrence laisse filer le patrimoine technologique français, mais également du système financier qui ne peut mettre à disposition des fonds français pour prévenir ce genre de tentative.

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Quelques mois plus tard, les médias montent au créneau, et n’hésitent pas à parler d’«Affaire Gemplus ». Comme si cette société focalisait toute les aspirations et craintes liées à la mondialisation des capitaux, et à l’immobilisme étatique en matière économique.

Un seul mot d’ordre : si aucune action n’est menée dans les prochaines années, le patrimoine économique français sera menacé. Apparemment il a été entendu.

B- … qui a été atteint

Gemplus a donc été un remarquable accélérateur dans le changement de mentalité liée à la guerre économique : l’ennemi est partout, peut être allié (Etats-Unis), et civil (fonds d’investissement).

Aucune voix ne s’élève ouvertement contre une possible tentative d’interventionnisme sous couvert de sécurité nationale.

Bien au contraire, un large consensus se dégage pour conclure de la nécessité de protéger les entreprises à intérêt national.

Cela permit entre autre la publication du rapport Carayon en mars 2003, ainsi que qu’une large publicité des pratiques de l’intelligence économique.

On peut voir que depuis plusieurs mois les choses sont en train de changer.Nous en avons pour preuve ce qui s’est déroulé l’an passé avec les sociétés Saft et Arisem.Arisem, petite société spécialisée dans les logiciels d’analyse sémantique, était convoitée en 2003 par un fonds canadien, Calgary.Le gouvernement, lui-même client via le ministère de la défense, a réagis, et en quelques jours a favorisé le rachat du capital par Thalès en avril 2004. Un autre exemple nous vient de Saft, filiale d’Alcatel, spécialisée dans les batteries industrielles, utilisées notamment par les satellites, et lanceurs de missiles.Elle a été rachetée par le britannique Doughty Hanson, contre l’avis du ministère des finances, qui a finalement donné son aval sous condition : maintenir les activités sur le territoire français.

Nous voyons donc que la France passe petit à petit à une culture plus réactive et surtout rapide.

4- Quelle place dans un environnement européen ?

Législation UE est inflexible sur ce point : pas de fonds publics à quelque société que ce soit (concurrence déloyale).

L’intelligence économique est pour un Etat l’expression de la défense de ses intérêts nationaux. Il apparaît donc logique qu’elle ait du mal à s’accorder avec la philosophie et certaines règles de l’Union Européenne. Cela explique même les raisons du retard en la matière par rapport aux Etats-Unis.

A- Le cadre législatif

L’Union Européenne interdit formellement les aides financières directes accorder par les Etats aux entreprises, pour éviter de fausser la concurrence (Art. 85 et suiv. du Traité de Rome).

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«Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité.»6

Sauf dérogations donc, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres où au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

La législation est donc claire : sont interdites les aides de l'Etat qui faussent ou menacent de fausser la concurrence, en favorisant notamment les entreprises nationales.Le but est donc une transparence dans les financements des entreprises de manière à obtenir une concurrence libre.

On voit bien à travers cette réglementation l’impossibilité pour l’Etat d’intervenir directement et financièrement. C’est ce qui justifie la participation de groupes privés.

B- Le cadre institutionnel et économique

Il existe une réflexion globale européenne : objectifs du sommet de Lisbonne pour 2010.

En mars 2000, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE se sont fixé un objectif particulièrement ambitieux : permettre à l'Union européenne de devenir, à l'horizon 2010, "l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale"7.

Pour cela on peut dégager deux axes de priorité économique :

- l’investissement dans les réseaux et la connaissance : lancement des projets prioritaires approuvés dans le cadre de l'Initiative de croissance européenne;

- le renforcement de la compétitivité dans l’industrie et les services : en particulier dans les domaines de la politique industrielle, du marché des services et des technologies environnementales.

Concernant la politique d’intelligence économique, il est à constater que l’Europe a plus été un obstacle qu’un atout. L’Union Européenne s’est construite sur la base d’une politique concurrentielle rétive à la constitution de champions nationaux ou communautaires, ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis.

Cela n’est pas sans conséquences sur certaines activités, preuve en est le rachat d’Acom par Intel. Cette société venait de mettre au point un nouveau type de microprocesseur grâce à des financements communautaires, juste avant de se faire reprendre par le géant américain.

Cependant, « l’abus de position dominante » est interprété de manière moins restrictive.

6 Art. 90 du Traité de Rome (1957)7 Sommet de Lisbonne, Conclusions de la Présidence - 23 et 24 mars 2000

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Certains à Bruxelles, tel Günther Verheugen, le commissaire européen en charge de l’industrie ont pris conscience de l’intérêt à voir l’émergence de leaders mondiaux supranationaux.

Alain Juillet estime pour sa part que d’ici dix ans, une intelligence économique européenne verra le jour, la multiplication des entreprises européennes, type EADS créera un besoin de favoriser des échanges entre responsables nationaux d’Intelligence Economique.Cela ne peut que favoriser la coordination entre les Etats, et pourquoi pas une gestion par la commission européenne elle-même.Un tel fonds à l’échelle européenne serait souhaitable et dans la lignée d’une véritable politique industrielle européenne.

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Conclusion : Vers une nouvelle

Politique industrielle ?

Nous venons de voir à travers ce travail la concrétisation d’une démarche d’intelligence économique au niveau politique.Si ce fonds a vu le jour en mars et devrait être opérationnel cet été, plusieurs questions peuvent nous interpeller.Tout d’abord nous pouvons nous intéresser au réalisme et à la portée des objectifs poursuivis.En effet, y’a-t-il comme certains politiques le prétendent un réel pillage technologique ?

Un des grands arguments de la mise en place de ce fonds à été l’affaire « Gemplus ».Si on compare les modalités et conditions pour pouvoir être financer à la situation de Gemplus, on se rend vite compte qu’il y’a de grandes contradictions.Si Gemplus avait réellement besoin de fonds, c’était plus pour se développer, notamment à l’international, que pour démarrer dans une activité où elle est déjà leader.De plus son besoin en fonds dépassait largement les critères du fonds concerné. Il ne s’agit pas d’une somme inférieure à un million d’euros mais beaucoup plus.

Bernard Carayon estime que les secrets de Gemplus ont été transférés aux Etats-Unis, et en Chine.Cependant, il est intéressant de constater que Gemplus n’a pas été sélectionné par les pouvoirs publics américains pour la mise en place d’une carte à puce américaine, au contraire d’autres fabricants européens. Finalement, la mise en exergue des menaces extérieures n’est-elle pas qu’une simple justification et raison pour rallier les milieux politiques et économiques à la cause commune de compétitivité et d’interventionnisme ?

Par ailleurs, les pouvoirs publics auront comme rôle en amont de déterminer les secteurs clés : en sont-ils capables ? L’innovation n’est-elle pas un processus par essence aléatoire et qui donne lieu à différentes trajectoires, selon l’environnement et le hasard ?

Toute la démarche présentée ici s’appuie sur une action étatique. On pourrait à travers cette étude conclure d’un renouveau de la politique industrielle, trop souvent absente ces dernières années.Si les moyens d’action ont changé, notamment à cause du cadre européen (législatif, et contrainte budgétaire), le but reste le même : assister les secteurs en lesquels les pouvoirs publics reconnaissent le caractère stratégique.A ce titre, la création des pôles de compétitivité peut être un bon moyen de rassembler les connaissances entre entreprises, sous l’œil attentif des pouvoirs public, à l’échelle territoriale.

Cependant malgré toutes ces implications, une dernière question peux nous venir à l’esprit : finalement, les entreprises réellement concernées, vont-elles suivre ?

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Références

Sources théoriques :

- Cours de Gestion de l’innovation, Philippe Solal, 2004.- Dictionnaire des grandes oeuvres Economiques, X. Greffe, J. Lallement, M. de Vroey, Editions Dalloz, 2002- George Akerlof : « The market for lemons: quality uncertainty and the market mechanism », Quarterly Journal of Economics, 1970, n°84, pp. 488-500- Arthur : « Clio and the economics of Qwerty » (1985)- Paul David : « Competing technologies and lock-in by historical events » (1983)

Documents :

- Intelligence Economique, compétitivité, et cohésion sociale, Bernard Carayon, juin 2003.- Rapport d’information déposé par la commission des Finances, de l’Economie générale et du Plan et présenté par Bernard Carayon, le 9 juin 2004.- Agenda pour la politique sociale, la stratégie de Lisbonne 2010, Commission Européenne.- Traité de Rome (1957) : art. 85 et suiv.

Ouvrages :

- Les secrets de la guerre économique, Ali Laïdi, éditions Seuil, mai 2004.- Les pratiques de l’Intelligence Economique, Jean-Louis Levet, Economica, 2002- Economie de l’innovation, Dominique Guellec, 1999, éditions La découverte, Paris.- Economie Européenne, intégration et politiques communes, Jérôme Trotignon, Hachette, 1997- La veille technologique et l’intelligence économique, Daniel Rouach, Que sais-je ? 1996.- Financer l’innovation des PME, Jean Lachman, édition Economica, 1996.- Le financement de l’innovation technologique, Théorie économique et expérience européenne, Marie-Christine Adam et André Farber, édition Puf, 1994.

Sites Internet :

- http:/www.in-q-tel.com- http://www.infoguerre.com- http://www.lexpansion.com- http://www.zdnet.fr- http://www.intelligenceonline.fr- http://www.guerreco.com- http://www.neteconomie.com- http://www.lesechos.fr- http://www.financieredebrienne.fr

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Annexes

Extraits du Rapport Carayon

Proposition 14

Favoriser la stabilité des entreprises à intérêt stratégique significatifL’actualité économique met régulièrement en évidence la sous-capitalisationdes entreprises françaises, notamment des entreprises de croissance,et leur exposition aux prises de participations hostiles.Dans le cas d’entreprises à intérêt stratégique significatif, par leur objetou leur activité ou du fait de leur accès à certains marchés, il n’existe pasaujourd’hui de fonds d’investissement français généraliste mobilisablerapidement.

Proposition 15

Créer un fonds à capitaux mixtes, appuyé sur la Caisse des Dépôts etConsignations (CDC). Ce fonds, sélectif et suffisamment attractif, seraprioritairement dédié aux entreprises de croissance. Il aurait vocationà devenir l’embryon d’un fonds européen appuyant les programmescommunautaires.

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Un "In-Q-Tel" à la française d'ici l'été 2005

Par Estelle Dumout ZDNet France 29/11/2004 URL: http://www.zdnet.fr/actualites/business/0,39020715,39185970,00.htm

Pour contrer les prises de contrôle de sociétés françaises "sensibles" par des intérêts américains, Alain Juillet, Monsieur intelligence économique à Matignon, propose de créer un fonds d’investissement stratégique.

Alain Juillet, le haut responsable chargé de l’intelligence économique auprès du Premier ministre, veut créer un «In-Q-Tel à la française». Il fait ainsi référence au fonds d’investissement américain du même nom, spécialisé dans les nouvelles technologies, et créé en septembre 1999 – au grand jour – par la CIA, l'équivalent américain de la DGSE.

S’exprimant chez nos confrères de L'Expansion, il explique qu’il s’agit là de l'une des grandes priorités de la France en 2005 en matière d’intelligence économique.

Rappelons qu’en décembre 2003, Jean-Pierre Raffarin a nommé Alain Juillet à ce poste, suivant en cela les recommandations du rapport parlementaire "Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale", rédigé par le député UMP Bernard Carayon. Lequel estimait que la France avait pris un dangereux retard par rapport aux autres pays dans ce domaine, risquant de nuire fortement à la compétitivité des entreprises (rapport à télécharger au format PDF).

Se doter d’une société similaire à In-Q-Tel est l’un des moyens préconisés par Alain Juillet pour combler ce retard. L’objectif est de disposer d’un bailleur de fonds, qui puisse épauler des start-up françaises travaillant dans des secteurs hautement stratégiques tels que la cryptologie, les biotechnologies ou l’aéronautique.

Le cas Gemplus érigé en exemple

Encore faut-il définir la future structure de cette société. Car la législation européenne risquerait de considérer tout financement accordé par une telle structure comme une aide publique déguisée, une forme de discrimination économique contraire aux principes édités par les traités de l'UE... Pour éviter cela, le gouvernement doit «trouver un montage adapté à nos réglementations», explique Juillet à L'Expansion. Selon lui, associer la Caisse des dépôts et consignations à des entreprises privées pourrait être une solution.

Elle devrait être opérationnelle d’ici juin 2005. Beaucoup évoquent aujourd’hui le cas Gemplus pour justifier une telle démarche française. En été 2002, la société française, à la recherche de capitaux frais depuis plusieurs mois, s’apprête à nommer PDG Alex Mandl, sur recommandation du fonds d’investissement américain TPG, principal actionnaire de la société avec 26% du capital.

L’homme est tout de suite pris en grippe par les salariés, déjà échaudés par la prise de pouvoir de TPG. Ils affirment qu’il «était membre d'une société ouvertement liée à la CIA» et que l’actionnaire veut «transférer nos technologies outre-Atlantique». En fait, Alex Mandl est bien administrateur d’In-Q-Tel à l’époque, mais démissionne de ses fonctions dès sa nomination à la tête de Gemplus. Il n’en faut toutefois pas plus pour faire de Gemplus, qui depuis a retrouvé plus de sérénité, l’exemple idéal des ambitions américaines sur le territoire français.

Cette période tendue en matière de technologies sensibles a été aussi à l'origine de la création d'un pôle franco-français en matière de certification électronique, baptisé d'abord Infrasec et finalement Keynectis SA. De quoi rassembler les compétences de La Poste, Dassault, France Télécom, Bull, Sagem, mais aussi Gemplus. Pour mieux se démarquer de la mainmise de l'Américain Verisign. Logiquement, un fonds d'investissement "stratégique" à la française aurait pu être en mesure d'accélérer la constitution de Keynectis, qui a mis presque deux ans à voir le jour.

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La CIA investit dans la création d'entreprises High Tech

C'est une des étranges mutations qui ont résulté d'un des programmes gouvernementaux américains les plus radicaux d'aujourd'hui : In-Q-Tel est le brasCapital-Risque de la CIA.C'est vrai : la CIA investit dans des start-up technologiques. Alors que la CIA est sous le feu des critiques pour défaillances d'intelligence, In-Q-Tel apporte la promesse d'une technologie qui pourrait aider l'agence à détecter les troubles plutôt et faire moins d'erreurs.

In-Q-Tel, établie en 1999, investit environ 35 millions de $ par an dans de jeunes compagnies créant une technologie qui pourrait améliorer la capacité des Etats Unis à espionner sa Nemesis. Elle a gardé un profil bas et n'est pas très connue en dehors de la communauté de l'Intelligence et de la Silicon Valley.

Bien qu'In-Q-Tel ait commencé comme une expérience de cinq ans, elle a eu tant de succèsque la CIA veut étendre la charte d'In-Q-Tel. Cela dépend du Congrès, qui va vraisemblablement approuver. In-Q-Tel est devenu un nouveau chouchou à Washington.Dans quoi investit In-Q-Tel? "Ce n'est pas comme dans les films de James Bond, rendre une voiture invisible ou autre" dit Gilman Louie, qui dirige In-Q-Tel. A la place, un grand nombre de technologies s'occupent de trouver, trier ou classer les données – un problème gigantesque pour les agences d'intelligence. Toutes les trois heures, l'intelligence US balaie assez d'information pour remplir la bibliothèque du Congrès.Le conseil d'administration d'In-Q-Tel est un mix de capitalistes francs-tireurs célèbres et d'agents politiques, comme James Barksdale qui fut CEO de Netscape Communications,Norm Augustine, ancien CEO de Lockheed Martin et William Perry, qui était secrétaire de la Défense sous le Président Clinton. Se retrouver à la pointe

In-Q-Tel existe parce que la CIA savait qu'elle n'était plus à la pointe de la technologie de l'information.En décembre 1998, le directeur de la CIA George Tenet et son directeur exécutif, BuzzyKrongard appelèrent Augustine, le constructeur respecté de Lockheed Martin. Tenet expliqua que la CIA et les laboratoires gouvernementaux avaient toujours été à la pointe de la technique. Mais le boom Internet avait entraîné l'investissement de tant d'argent dans les startup high tech, que les start-up avaient dépassé la CIA. Les scientifiques et technologues qui avaient des idées innovantes décidaient de devenir entrepreneurs et de s'enrichir – ils ne voulaient pas des salaires du gouvernement à la CIA.

La plupart des compagnies high tech ne pensaient jamais à contacter la CIA. Elles ne savaient pas ce dont la CIA pouvait avoir besoin et la CIA n'avait aucune idée de ce que les compagnies high tech inventaient – une déconnexion dangereuse avec des vies en jeu.Augustine, Tenet et Krongard – un ancien banquier d'investissement – proposèrent une solution potentielle. " C'était avec un nouvel ingrédient qui n'avait jamais été essayé auparavant," dit Augustine. "Nous allions créer une compagnie qui prendrait des actions dans ces petites compagnies high tech."

Louis prit le job et lança In-Q-Tel. Le nom est un hommage à Q, le scientifique des films deBond aux caméras en boutons de manchettes et chaussures-armes à feu. In-Q-Tel est "intel" – abréviation d'intelligence – avec Q au milieu."Nous avons eu un démarrage difficile parce que c'était si différent," dit Augustine. Les entrepreneurs technologiques suspectaient les intentions de la CIA. Puis le 11 septembre arriva. Ce fut le tournant", dit Augustine.

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Le facteur 11 septembre

Louie et la plupart des employés In-Q-Tel travaillent en dehors de la zone de bureaux deWashington, hors de vue. Plus visible est le bureau In-Q-Tel de la Silicon Valley avec huit personnes. A Menlo Park, il est situé Sand Hill Road, là où résident les principales firmes à capitaux risques (VC). Un signe sur la porte indique "In-Q-Tel".C'est à cette porte que frappèrent les entrepreneurs high tech après le 11 septembre.Trois à quatre business plans arrivaient chaque jour – des gens qui auparavant n'avaient pas pensé aider la CIA sentaient soudain un besoin de contribuer.La CIA accueillit la ruée à bras ouverts.A peu près à la même époque, un autre facteur rapprocha In-Q-Tel et l'industrie high tech : l'éclatement de la bulle. Vers 2001, l'argent des sources traditionnelles pour démarrer de nouvelles compagnies high tech était épuisé.In-Q-Tel avait l'argent de la CIA à investir. Cela générait un marché avide de technologie – la CIA en avait besoin –à un moment où les acheteurs de technologie coupaient les vivres.Vers 2002, In-Q-Tel était adopté comme un acteur de la Silicon Valley.In-Q-Tel est devenu connu pour être minutieux mais furtif. Ces temps-ci, quand une jeune compagnie fait une présentation à un événement, un homme ou une femme inconnue peut entrer, écouter attentivement puis disparaître. La mystique de In-Q-Tel est telle que les entrepreneurs souvent croient que ce sont des "scouts" In-Q-Tel même s'ils ne le sont pas.Les compagnies In-Q-Tel vendent aux entreprises et aux consommateurs, pas seulement à la CIA et au gouvernement. C'est important. In-Q-Tel travaille à rendre ces compagnies viables, prospères. "L'agence serait réticente à dépendre de technologies développées par des compagnies fragiles," dit Stephen Mendel, qui dirige le bureau In-Q-Tel de la Silicon Valley.Il est difficile de mesurer la réussite d'In-Q-Tel. Va-t-elle faire de l'argent? Probablement. Un certain nombre de compagnies d'In-Q-Tel se portent bien. Sur 59 investissements, 39 compagnies tournent.Mais l'argent n'est pas ce qui importe ici. La véritable mesure de la réussite d'In-Q-Tel est combien de technologie elle introduit dans la CIA et si elle aide l'effort US d'intelligence.Louie présente ce résumé: In-Q-Tel a investi 150 millions de $, et le résultat est 22 nouvelles technologies insérées dans 40 programmes de gouvernement.

M.B.

http://www.mireille.boris.free.fr/Articles/An2004/CIA1.pdf

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