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MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes Agricoles et Agroalimentaires Durables au Sud (SAADS) Option Développement Agricole Rural au Sud (DARS) Parcours Ressources, système agricoles et développement (RESAD) Le Programme de Transfert de Technologies Agricoles (PTTA) peut-il améliorer durablement les revenus agricoles des bénéficiaires ? Etude d'impact sur les systèmes de production de Milot, Haïti Directrice de mémoire : Mme. RASSE-MERCAT Maître de stage : Bruno JACQUET Présenté par Xuan Lai DAO

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Page 1: MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes

MEMOIREPourl’obtentiondudiplômed’ingénieur

SystèmesAgricolesetAgroalimentairesDurablesauSud(SAADS)

OptionDéveloppementAgricoleRuralauSud(DARS)ParcoursRessources,systèmeagricolesetdéveloppement(RESAD)

LeProgrammedeTransfertdeTechnologiesAgricoles(PTTA)

peut-ilaméliorerdurablementlesrevenusagricolesdesbénéficiaires?

Etuded'impactsurlessystèmesdeproductiondeMilot,Haïti

Directrice de mémoire : Mme. RASSE-MERCAT Maître de stage : Bruno JACQUET

Présenté par Xuan Lai DAO

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RESUME

Le projet Programme de Transfert de Technologie Agricole (PTTA) a identifié des zones favorables dans le département du Nord pour appuyer l’agriculture paysanne et pour augmenter durablement le revenu des paysans. Des agriculteurs de Milot, ont été sélectionnés pour recevoir des paquets techniques via une subvention ponctuelle. Deux campagnes ciblées sur l’appui aux systèmes agroforestiers ont eu lieu, l’une basée sur l’association cacao/igname/banane et l’autre sur le paquet igname/banane. Dans le but d’évaluer la pertinence technique et l’impact économique sur les systèmes de production et les systèmes d’activité, une évaluation d’impact qualitative a été réalisée. L’étude s’est déroulée en plusieurs étapes : compréhension du milieu biophysique et des dynamiques agraires, caractérisation fine des systèmes de culture et d’élevage, modélisation et évaluation des performances économique des systèmes de productions et d’activité. Il a été montré que le paquet technique universel promu n’est pas adapté à la diversité agroécologique de Milot : c’est dans les systèmes vivrier et agroforestier de morne qu’il est le plus susceptible d’augmenter la productivité de la terre, zones d’exploitation qui concernent aussi les populations les plus précaires qu’il convient de cibler. Le paquet peut augmenter la performance des systèmes si toutes les conditions sont favorables par ailleurs. Dans un contexte de grandes variations climatiques interannuelles, fournir un appui financier et technique sur le moyen terme augmenterait leurs chances d’améliorer durablement leur revenu. La subvention ponctuelle peut sécuriser la trésorerie des plus vulnérables. D’autre part, une ouverture des paquets sur l’élevage pour améliorer l’intégration agriculture/élevage leur offrirait un moyen de capitaliser et d’augmenter la résilience des systèmes de productions vis-à-vis des aléas climatiques et d’un environnement économique changeant. Mots clés : Haïti – agroforesterie – système de culture – paquet technique – diagnostic agriaire

ABSTRACT

The PTTA project identified several suitable areas in the Northern Region to assist farmers and durably increase their income. Some farmers in Milot were selected in order to receive technical packages via a one-time subsidy scheme. Two campaigns focusing on the assistance to agroforestry systems were organised, one focusing on the intercropping of cocoa / yam / banana and the other on the association of yam / banana. In order to assess the technical suitability and the economic impact on the cropping systems and livelihoods, a qualitative impact assessment was conducted. The study was carried out in several steps: first, understanding the biophysical environment and the agrarian dynamics at play; second, characterizing the cropping and animal rearing systems; and third, modelling and assessing the economic performances of the cropping systems and broader livelihoods associated with these systems. It was shown that the technical packages were not adapted to the agroecological diversity of Milot: it is indeed in the agroforestry systems and the food systems in the mornes that it is the most likely to increase land productivity, which happens to be the places where the people at the bottom of the socio-economical ladder dwell. These people are also the people who would most benefit from increases in productivity. The package can improve the systems performance but only under the required climatic conditions. In a context of great year-to-year climatic variations, providing financial and technical support on a longer-term period would durably improve their chances increase their income. A one-time subsidy scheme can strengthen their economic situation and can avoid decapitalization. On the other hand, providing packages focusing on breeding to improve agriculture/breeding integration would give them the means to capitalise and increase the resilience of these cropping systems in the face of changing climatic conditions. Keywords : Haiti – agroforestery – crop system – technological package – agrarian diagnosis

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Elisabeth Rasse-Mercat pour la visite de terrain, l’encadrement et le soutien sans faille à la rédaction, ainsi que Christian Barranger Bruno Jacquet pour l’offre de stage et la facilitation faite tout au long de celui-ci Bruno et Manon pour les moments de franche camaraderie, l’aide pour les enquêtes de trésorerie, leurs conseils, leur soutien, ainsi que Rodrigo Bulaman et Jery Rambao. L’équipe de stagiaires haïtiens pour l’aide fournie Les habitants de Lakou Lakay pour leur accueil chaleureux et leur hébergement Et tous les paysans de Milot qui sont à la fois le moyen et la fin de ce rapport Ainsi que le centre de documentation Regards de Bordeaux pour m’avoir facilité le travail bibliographique

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LISTE DES ACRONYMES BID : Banque Interaméricaine de Développement PTTA : Projet de transfert de technologie agricole MARNDR : Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural Paquet NP : Paquet nouvelle plantation Paquet R : Paquet régénération Paquet JC : Paquet jardin créole EA : Exploitation agricole SAF : système agroforestier SC : Système de culture SP : Système de production SE : Système d’élevage PB : Produit Brut CI : consommation intermédiaire VAB : Valeur ajoutée brute VAN : Valeur ajoutée nette RA : Revenu agricole HJ : Homme-jour (ou quantité de travail fourni par un actif pendant une journée) TK : Technico-économique Cx : carreau

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GLOSSAIRE Carreau : unité de mesure des surfaces agricoles en Haïti. 1 carreau = 1,29 ha Combite : forme de travail en groupe Déchoukaj : période de trouble à la chute de Jean-Claude duvalier, ayant mené à une réforme agraire informelle. Aujourd’hui, les occupants bénéficient de l’usus et du fructus mais pas de l’abusus. Bien que sans propriété foncière, il y a un marché foncier. Ecolaj : scolarisation Homme-jour : durée de travail équivalent au travail d’un homme pendant 5h Rampono : équipe de travailleurs agricoles payés à la journée pour une durée de 5h

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LISTE DES ESPECES RENCONTREES

Nomcommun Nomvernaculaire Genre Espèce Famille Importancerelative1

Anacardier PieNwa Anacardium occidentale Anacardiaceae

Arbreàpain Pielabapen Artocarpus Incisa Moracea +

Arbrevéritable Pielabveritab Artocarpus Incisa Moracea +

Avocatier Zaboka Persea americana Lauraceae

Bananeplantain Bananemiske Musa paradisiaca Musaceae +++

Banane Bananepoban Musa - Musaceae +++

Banane BananeFig Musa acuminata Musaceae +++

Banane BananeMachine Musa - Musaceae +

Banane Bananeloupgarou Musa - Musaceae +/-

Cacao Cacawo Theobroma cacao Sterculiacea

Café Cafe Coffea - Rubiacea

Canneàsucre kann Saccharum oficinarum Poeaceae

Chène Bwachene Catalpa longissima Bignoniaceae

Cocotier Cocoye Podocarpus angustifolius Poaceae

Frène Bwablan Simarouba Glauca Simaroubaceae

Haricotnoir poisnoir Phaseolus vulgaris Fabaceae

Ignamesigin Yam Dioscorea - - +++

IgnameGuinée Yam Dioscorea - - +/-

Ignamecaracol Yam Dioscorea - - +/-

IgnametêteàNeg Yam Dioscorea - - +

Maïs Mai Zea mais Poaceae

Manguier Mango Mangifera indica Anacardiaceae

ManiocAmer Manyokanme Manihot utilisima Euphorbiaceae

Maniocdoux Manyokdou Manihot cassava Euphorbiaceae

Monbin Monbin Spondias mombin Anacardiaceae

Oranger Zorange Citrus Sinensis Rutaceae

Pamplemoussier Piéshadek Citrus grandis Rutaceae

Patatedouce Patate Ipomoea batatas Convolvulaceae

Poisd'Angole Poiscongo Cajanus indicus Leguminosae

Poisgenois Poisneg Vigna unguiculata Leguminosae

Saman Saman Samanea Saman Mimosaceae

Sucrin Poisdoux Inga Vera Fabaceae

1Importanceentermedereprésentativitédelavariétéauseindetouteslesvariétésprésentes

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TABLEDESMATIERESTABLEDESMATIERES...................................................................................................................7INTRODUCTION...............................................................................................................................9

1. Leprojetdetransfertdetechnologieagricole(PPTA).......................................................92. Lestagedeterrain..............................................................................................................................9

PARTIE1:ELEMENTSDECONTEXTE...................................................................................10I. PAUVRETEETRELANCEDUSECTEURAGRICOLEENHAÏTI.............................................................10II. LEPROGRAMMEDETRANSFERTDETECHNOLOGIEAGRICOLE(PTTA)...................................113. Modalitésd’interventionetmécanismed’action................................................................114. LePTTAàMilot.................................................................................................................................125. Genèseetcompositiondespaquets...........................................................................................13

PARTIE2:PROBLEMATIQUEETMETHODOLOGIE..........................................................16I. PROBLEMATIQUEETOBJECTIFDEL’ETUDE.......................................................................................16II. HYPOTHESES:........................................................................................................................................16III. DEMARCHEETOUTILSMISENPLACE...............................................................................................17

PARTIE3:RESULTATS..............................................................................................................21I. MILOT,UNEZONEENTREPLAINEETMORNE....................................................................................211. Latopographie,unélémentclefpourcomprendrelazone...........................................212. Uneimportantevariabilitépluviométriqueinteretintra-annuelleetunebaissetendancielledesprécipitations............................................................................................................213. Unréseauhydrographiquedensemaispasd’irrigation.................................................234. Lesdifférentesoccupationsdusol.............................................................................................245. Unegrandediversitédezonesagroécologiques.................................................................25

I. ENTREPLAINEETMORNES:DEUXDYNAMIQUESAGRAIRESMARQUEESPARUNACCESINEGALAUFONCIER,FACTEURDECAPITALISATION...............................................................................................301. Aprèsl’occupationaméricaine(1934-1957):uneexploitationcapitalistedanslaplaineetunedifférenciationsocialedéjàmarquéedanslesmornes..................................302. SouslesDuvalier(1957-1986):Continuationdessystèmeslatifundiairesdanslaplaine,baisseduprixducafétouchantlespetitspropriétairesdesmornes...................333. AlachutedesDuvalier(1986ànosjours):Réformeagraireinformelledanslaplaine,crisedanslapaysanneriedesmornes................................................................................384. L’accèsaufoncieretaucapitalbiologiquequereprésententlesagroforêts,principalfacteurdedifférenciationdesexploitationsagricoles...........................................42

II. UNEDIVERSITEDESYSTEMESDUCULTURESDONCDESRESULTATSDUPTTAINEGAUX.......451. Dessystèmesagroforestiersdebas-fondtrèsproductifs................................................452. Unediversitédesystèmesagroforestiersdeversant........................................................533. Dessystèmesvivriersdemornepourassurerl’alimentationdelafamilleetdégagerunrevenusupplémentaire...................................................................................................584. Plusieurssystèmesdeplainepourplusieursstratégies...................................................645. Comparaisondesdifférentssystèmesdeculture................................................................72

III. UNEDIVERSITEDESYSTEMESD’ELEVAGEPOURDIVERSFONCTIONSDANSLESEXPLOITATIONSAGRICOLESETDANSL’ECONOMIEDESMENAGES........................................................741. L’élevagedevolaillepourdesdépensesponctuellesetpourl’alimentationfamiliale.........................................................................................................................................................742. L’élevagecaprinnaisseur,unecapitalisationintermédiaireplusflexible..............753. L’élevageporcin,uneactivitégénératricederevenumaisexigeanteentemps...764. L’élevageéquin,unrevenucomplémentaireliéautourisme........................................775. L’élevagebovinnaisseur,épargnepourlesbesoinsfinanciersexceptionnel.........78

IV. LAPLURIACTIVITE,CONDITIONVITALEPOURCERTAINS,CHOIXPOURD’AUTRES...................791. Lespetitsmétayer/propriétairesdesmornes......................................................................80

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2. Lesmoyenspropriétairesdesmornes......................................................................................893. Lesnouveauxpropriétairespluriactifsetpatronaux.......................................................91

V. LEPTTA,DENECESSAIRESREORIENTATIONSPOURATTEINDREL’OBJECTIFD’UNEAUGMENTATIONDURABLEDESREVENUS...................................................................................................941. Lessystèmesagroforestiers,unecibled’interventionpertinente................................942. Maisunenécessairerévisionducontenudespaquetsselonleszonesagroécologiques….....................................................................................................................................943. …Etuneautonomisationdespaysanssurlaproductiondeplantules/fumier/..954. Unrecentrageduprojetsurlespopulationsquienontleplusbesoins....................965. ….Etunappuifinancierettechnique2ou3anssuccessifspouraugmenterleschancesd’améliorationdurabledurevenu....................................................................................966. Uneouvertureversl’appuidessystèmesvivrierssylvopastoraux?...........................977. …Accompagnement,valorisationetmarchécomposanteimportantepourl’améliorationdurabledesrevenus...................................................................................................97

CONCLUSION..................................................................................................................................99BIBLIOGRAPHIE.........................................................................................................................100

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INTRODUCTION

1. Le projet de transfert de technologie agricole (PPTA)

Le programme initié en 2013 s’inscrit à la suite d’une série de projet (PMDN, Avance) ayant la volonté de décentraliser l’aide au développement auparavant concentrée sur Port-Au-Prince. Ainsi, les départements du Nord et du Nord-Est ont été identifiés comme potentiellement intéressants pour accroitre la productivité agricole en raison de facteurs bio-pédo-climatiques favorables et de leur proximité avec des marchés de biens alimentaires en croissance (Ouanaminthe, Cap-Haïtien).

L’objectif du programme PTTA est d’augmenter durablement le revenu des agriculteurs. Il fait l’hypothèse que les agriculteurs sont enfermés dans cercle vicieux de la pauvreté et qu’une impulsion ponctuelle permettra de les mettre sur cycle vertueux du développement. Pour cela, le programme subventionne des paquets techniques à l’intention des agriculteurs. En appliquant ces paquets techniques, les agriculteurs pourront améliorer leur rendement et réinvestir ce gain de revenu dans l’appareil productif et ce de manière durable. La première campagne d’intervention a commencé en 2014 à Milot, zone entre plaine et montagne du département du Nord, pour une durée de 3 ans avec l’objectif d’appuyer le développement des systèmes agroforestiers à base cacao.

2. Le stage de terrain Cette étude de mi-parcours a eu pour but:

• d’avoir une compréhension plus approfondie du fonctionnement agricole de la zone ; • d’avoir des éléments scientifiques concrets pour discuter de la pertinence du projet, de ses résultats intermédiaires et des possibles (ré-)orientations à donner pour améliorer son efficacité ; • de se doter d’un outil de suivi technico-économique des exploitations agricoles de la zone.

Pour remplir à bien ces objectifs, l’outil du diagnostic agraire a été identifié avec l’intégration d’une composante d’évaluation de projet. Une première approche du milieu biophysique et des dynamiques agraires a été initiée pour comprendre le contexte et émettre les premières hypothèses de compréhension de la zone. Ensuite, une phase d’enquêtes qualitatives a eu lieu pour caractériser les différentes exploitations en présence et comprendre les mécanismes d’action et les premiers effets du PTTA sur celle-ci. Une évaluation des performances technico-économique des systèmes avec ou sans PTTA a été réalisée pour comprendre la pertinence et l’impact de celui-ci. Le stage s’est divisé en deux phases : une phase de terrain, de collecte de données d’avril 2015 à fin aout 2015, entrecoupée d’une visite de nos professeurs Mme Elisabeth Rasse-Mercat et M. Christian Barranger, et une phase de traitement et de rédaction du mémoire de mi-septembre à fin-octobre. L’étude qui suit est divisée en 3 parties : une partie de contexte permettra de comprendre le cadre d’intervention du projet, suivi de la problématique du stage, enfin les résultats du stage seront discutés dans la dernière partie.

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PARTIE1:ELEMENTSDECONTEXTE

I. Pauvreté et relance du secteur agricole en Haïti

Haïti partage avec la République Dominicaine l’île d’Hispaniola, la deuxième plus grande île des Antilles ; elle est bordée au sud par la mer des caraïbes, à l’ouest par le canal du vent qui la sépare de Cuba et au nord par l’océan atlantique. Située dans la partie occidentale de l’île, elle y occupe un tiers soit 27 750 km2. D’après le recensement de 2012, il y aurait près de 10 millions d’haïtiens pour une densité moyenne de 375 hab/km2. Longtemps dénommée « la perle des Antilles », Haïti a connu une histoire mouvementée et des bouleversements politiques qui ont profondément marqué son agriculture. Ancienne colonie française tournée vers les cultures d’exportation selon un modèle colonial, Haïti est passé par plusieurs phases successives : coexistence de grands domaines agro-exportateurs et d’exploitations familiales, plusieurs vagues d’émigration et d’exode rurale sous fond de crises paysannes, période de protectionnisme et enfin une libéralisation « débridée » depuis 1986. Haïti connaît depuis lors une dépendance croissante aux importations alimentaires en même temps qu’une chute de la production intérieure. Malgré plusieurs décennies d’intervention d’agence de développement, d’ONG, et malgré une timide amélioration de la situation (diminution de la pauvreté extrême, augmentation du taux de scolarisation), Haïti figure parmi les pays ayant le plus faible indice de développement humain (PNUD 2014) et est le pays plus pauvre d’Amérique. L’agriculture représente aujourd’hui 25 % du PIB et emploie 60% de la main d’œuvre nationale. Aujourd’hui, 1 million de familles subsiste avec moins de un hectare. La situation est difficile d’autant que depuis quelques années, le pays est touché de plein fouet par des catastrophes naturelles et soumis à une variabilité climatique importante, ce qui a accentué la faiblesse des services étatiques et la vulnérabilité des ménages les plus pauvres. Depuis quelques années, le gouvernement a initié des plans d’investissement dans le milieu agricole soutenu par de nombreux bailleurs internationaux. C’est dans ce contexte de renforcement du secteur agricole que s’inscrivent les efforts de la BID pour appuyer la relance agricole avec notamment le programme de transfert de technologie agricole.

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II. Le Programme de Transfert de Technologie Agricole (PTTA)

Le programme PTTA a pour objectif général de contribuer à une amélioration durable des revenus agricoles et de la sécurité alimentaire de petits agriculteurs dans les départements du Nord et du Nord-Est. Les fondements théoriques du programme font appel à deux concepts : « la trappe à pauvreté » et le « big push » (Rostow, 1959).

« La trappe à pauvreté » : les pauvres sont pris dans le cercle vicieux de la pauvreté (trappe à pauvreté) dont ils ne peuvent pas s’extraire sans aide. En cause, une série de facteurs : faible capital humain, faible ou absence d'accès au crédit, manque de moyens de productions, maladies, aléas climatiques. Etant donné que tous les revenus sont injectés dans les biens de consommations répondant à des besoins primaires, les paysans n'ont pas la capacité d'épargner ni d'investir dans des moyens productifs et sont donc incapable de se libérer de cet engrenage.

« Le big push » : le seul moyen de sortir ces paysans de la trappe à pauvreté est de les soumettre à des impulsions ou "big push" qui consistent à fournir des inputs nécessaires à lever les contraintes responsables de leur pauvreté. Ce cadre conceptuel prédit qu'une fois l'impulsion donnée, les bénéficiaires retrouveront le chemin de la croissance durable sans qu’il y ait besoin d’autres interventions ultérieures. Dans le cadre du PTTA, ces concepts reposent sur l’idée qu’une subvention ponctuelle visant la promotion et l’adoption de nouvelles technologies agricoles peut servir d’impulsion (« big push ») à une augmentation durable des rendements. De cause à effet, l’augmentation de rendement via un transfert technologique se répercute sur le revenu agricole permettant un réinvestissement productif, enclenchant ainsi un cercle vertueux de développement (« welfare trap ») avec en bout de chaîne une sortie de la « trappe à pauvreté ». Le fonctionnement du PTTA selon ces concepts repose sur 2 hypothèses :

- que les subventions augmentent durablement le revenu dans les saisons suivant l’appui des subventions - que l'augmentation de la production, en plus des connaissances apportées et des nouvelles techniques de production sera suffisante pour assurer un usage continu des nouvelles pratiques dans les saisons qui suivront la subvention

3. Modalités d’intervention et mécanisme d’action Des appuis financiers directs aux agriculteurs (incitations) sont octroyés par le biais de coupons (vouchers) qui permettent d’acquérir auprès de fournisseurs agréés les biens et services agricoles nécessaires pour l’adoption de paquets techniques. Ces derniers sont susceptibles d’augmenter la production agricole de certaines filières et le revenu des producteurs bénéficiaires. Selon les critères d’éligibilité établis par le PTTA (Annexe 1) et sur la base du volontariat, les bénéficiaires sont sélectionnés puis enregistrés. Ils reçoivent des coupons qui leur donnent accès à des intrants et à des services agricoles sur les opérations

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culturales les plus coûteuses (labour, désherbage) qu’ils échangent auprès de fournisseurs de biens et services référencés. Les subventions sont fixées sur la valeur monétaire des intrants et travaux nécessaires pour inciter le producteur à adopter un nouveau paquet technique. Elles sont guidées par les principes de base suivants : - Aucune subvention n’est accordée à 100% (cf composition du paquet technique) - Le niveau de subvention est le même pour tous les agriculteurs ; - Elle n’est accordée qu’une seule fois au même agriculteur pendant toute la durée du projet. La BID finance le programme qui est coordonné par le Ministère de l’Agriculture et des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR). Sur le terrain, des opérateurs de services (OPS) sont chargés de sa mise en œuvre ; 4 ONG se répartissent entre les différentes zones :

- CA 17 à Fort-Liberté (Nord-Est) - AAI et CECI (Nord) - AFSI (Nord)

Ce sont des bureaux de consultants et de techniciens chargés de référencer les producteurs et les fournisseurs éligibles au PTTA ainsi que de distribuer les coupons. Au sein du département du Nord, il y a deux zones principales : Milot (où se déroulera ce diagnostic) constitué essentiellement d’agroforêts diversifiées et Saint-Raphaël, plaine maraichère et rizicole, objet d’une autre étude conduite en parallèle par Manon Ruffy en 2015.

4. Le PTTA à Milot

Figure 1 : Carte d’Haïti avec localisation de la zone d’étude / source : atlas Milot (figure 1) est une zone à dominance de systèmes agroforestiers composé de cacaoyers, arbres à pain, ignames, taros, agrumes, manguiers, bananier, et bois d’œuvre (Alex Bellande). L’appui du PTTA se concentre sur le cacao avec des aides concernant les cultures associées.

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On distingue deux niveaux dans les aides :

- les subventions à proprement parler qui permettent à l’agriculteur d’obtenir des biens et services ; - le paquet technique qui correspond aux recommandations techniques devant s’appliquer. Depuis le lancement opérationnel en janvier 2014, le PTTA totalise trois campagnes. La première et la deuxième campagne ont été achevées respectivement fin 2014 et début 2015, quant à la troisième, elle était encore en cours en août 2015. Le contenu des subventions n’a pas cessé d’évoluer depuis le lancement du projet tant au niveau des paquets proposés, qu’au niveau de leur contenu et des montants correspondants aux intrants/services. Ces évolutions soulignent à la fois la marge d’amélioration dans le temps, mais aussi la dimension itérative de la conception des paquets face aux contraintes rencontrées sur le terrain.

5. Genèse et composition des paquets En amont de la première campagne, une réunion participative entre les cadres du projet et certains agriculteurs a été réalisée pour concevoir les paquets et les références technico-économiques associées. Les paquets se divisent en plusieurs composantes : les intrants qui comprennent le matériel végétal et le fumier, les opérations techniques allant de la préparation du sol à la plantation en passant par l’assistance technique portée par un technicien aux paysans (elle se résume à un piquetage pour respecter les distances de plantations). Cependant tous les coûts correspondants aux paquets techniques ne sont pas tous subventionnés par le PTTA puisqu’une partie est à la charge du paysan. Les paquets sont calculés pour une surface d’un carreau (tableau 1), les subventions sont ensuite dimensionnées au prorata de la surface éligible. Deux paquets ont été proposés lors de la première campagne en 2014 : le paquet nouvelle plantation et le paquet régénération. Ils sont tous les deux inspirés des systèmes de cultures existants dans la zone qui sont des systèmes agroforestiers multi-étagés diversifiés associant plusieurs peuplements : arbres de couverture, arbres fruitiers et bois d’œuvre, cacaoyers, bananiers et ignames. Le paquet nouvelle plantation (tableau 1) est prévu pour être implanté sur des terrains pas ou peu boisés pour effectuer une transition vers des systèmes agroforestiers diversifiés à base de cacaoyers-bananiers-ignames (figure 2).

Figure 2 : schéma d’un système agroforestier promu par le paquet nouvelle plantation

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Tableau 1 : Le paquet théorique « nouvelle plantation », 1ère campagne (janvier 2014)

Type d’opérations/Intrant

(par carreau) Opération/Intrant Qua

ntité Unité

Prise en charge

agriculteur (htg)

Prise en charge

PTTA (htg)

Préparation sol

défrichage 1 - 12 000 dessouchage 1 - 15 000 labour 1 - 12 000 rampe - - 10 000

Matériel végétal

plantule cacao 806 plants 20 150 drageons bananiers 806 drageons 16 120 plant d’igname miniset 387 plants 7 740 arbres couv./fruitiers 129 plants 3 225

Plantation

transport plantules 62 voyage en âne 15 500

cacaoyers 806 trous 4 030 bananiers 806 trous 4 030 ignames 129 buttes 1 935 arbre couv/fruitiers 129 trous 645 mise en terre 36 h-j 7 200

Fertilisation fumier organique 64,5 sac 22 575 application fumure 5 h-j 1 000

TOTAL 58 405 94 745 Le paquet régénération ou paquet de regarnissage (tableau 2) a été pensé dans le but de regarnir un espace déboisé au sein d’un système agroforestier déjà existant. L’hypothèse qui a été faite durant l’élaboration du paquet veut que sur une surface d’un carreau, la surface à regarnir soit d’un quart de carreau. On considère que ce quart de surface à regarnir est dû à une trouée (mortalité, tempête, coupe).

Tableau 2 : Composition du paquet théorique « régénération », 1ère campagne (janvier 2014)

Type d’opérations/Intrant

(par carreau) Opération/Intrant Quantité Unité Coût

Agri (htg) Coût PTTA

(htg)

Taille taille arbre couverture 4 h-j 2000 taille cacaoyers 5 h-j 2500 nettoyage 10 h-j 2500

Matériel végétal

plantule cacao 202 plants 5050 drageons bananiers 202 drageons 4040 plant d’igname mini-set 97 plants 1940 arbres couv.e/fruitiers 33 plants 825

Trouaison/ Plantation

tr. cacaoyers 202 trous 1010 tr. bananiers 806 trous 1010 tr. ignames 32 buttes 480 tr. arbre couv.e/fruitiers 33 trous 165 mise en terre 9 h-j 1 800

Fertilisation fumier organique 16,125 sac 5 643,75 application fumure 5 h-j 1 000

TOTAL 3 985,00 31 448,75

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La différence entre les deux paquets réside dans la quantité de matériel végétal distribuée, ainsi que sur la subvention sur la préparation du sol. Pour le paquet NP qui est censé s’implanter sur une parcelle pas ou peu boisé, une préparation du sol lourde est prévue : défrichage, dessouchage, labour, tandis que le paquet R ne comporte qu’une préparation de sol légère ainsi qu’une taille sanitaire pour les arbres déjà présents. De plus la quantité de plantules est quatre fois plus élevée pour le paquet NP que pour le paquet R, toute proportion entre espèce égale par ailleurs. La composition variétale des paquets, que ce soit pour le paquet NP ou le paquet R est une variable qui dépend plus de l’offre particulière des fournisseurs que d’une stratégie réfléchie. C’est pour la banane que la question de la variété aura le plus d’impact sur le système puisqu’on distingue les variétés de plein soleil et celles d’ombrage qui n’ont pas les mêmes développements, ni les mêmes productivités selon l’environnement dans lequel elles sont situées. En revanche, pour les cacaoyers, la diversité variétale des plantules distribuées n’impacte pas la conduite technique du système. Dans les faits, les deux paquets n’ont pas touché le public cible de la même manière (tableau 3). Le paquet nouvelle plantation, du fait de son nombre plus important de plantules et des frais de préparation du sol hautement subventionnés, a été beaucoup plus plébiscité que le paquet régénération, et ce indifféremment des systèmes de cultures dans lesquelles il s’insérait.

Tableau 3 : Nombre de bénéficiaires touchés par paquet, 1ère campagne, janvier 2014

Paquet

Nouvelle plantation

Régénération

Nombre de bénéficiaire 735 49

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PARTIE2:PROBLEMATIQUEETMETHODOLOGIE

I. Problématique et objectif de l’étude Ce stage consiste en l’analyse systémique des impacts agronomiques et économiques du projet PTTA sur les systèmes de cultures et de production de la zone de Milot. La problématique retenue est la suivante : Pour qui, et à quelles conditions les paquets TK promus via une subvention annuelle du PTTA peuvent-ils améliorer durablement les revenus agricoles des bénéficiaires ?

II. Hypothèses : • H1 : Le programme PTTA répond à une demande de matériel végétal de la part des agriculteurs :

- en cacao pour agriculteurs ayant des parcelles agroforestières peu denses dans les mornes - en bananiers pour tous les agriculteurs (culture phare) en plaine et en morne - en ignames pour tous les agriculteurs ayant des parcelles agroforestières

• H2 : Les EA sont diverses en fonction des milieux qu’elles exploitent et de leurs moyens et stratégies de production. Le paquet technique n’est pas adapté à la diversité des situations. L’efficacité des subventions du PTTA varie en fonction de ces situations.

• H3 : Le PTTA est un soutien financier ponctuel aux bénéficiaires. Il permet une rentrée de trésorerie qui limite le surendettement et la décapitalisation pour les ménages en situation de vulnérabilité (peu de capitaux, SAU faible, aléas climatiques etc.) ; une augmentation du revenu agricole ponctuelle qui peut être réinvestie dans l’agriculture ou pas pour les autres ménages.

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III. Démarche et outils mis en place Ayant fait l’hypothèse que les paquets techniques universels portés par le projet n’ont pas les mêmes impacts selon les différents milieux et qu’ils ne touchent pas de la même manière toutes les personnes cibles, il convient de se doter d’un outil méthodologique qui puisse nous éclairer sur la nature des différents types d’agriculteurs et sur la diversité des milieux de la zone. Non seulement il importe de comprendre ces diversités, mais aussi de comprendre les dynamiques qui les ont amenées à la situation actuelle, de comprendre quels facteurs ont été déterminants dans la différenciation des systèmes présents. C’est seulement en ayant une compréhension plus fine du fonctionnement agricole de la zone que l’on pourra comprendre plus avant l’insertion du paquet PTTA et son impact sur l’agriculture Milotienne, et ce à plusieurs échelles d’analyse: parcelle, exploitation agricole, petite région agricole. A cette fin, l’approche systémique apparaît comme la réponse la plus appropriée. Elle vise l’analyse des relations, la mise en évidence des niveaux d’organisation des systèmes de productions. Afin de clarifier ces notions, il convient de s’arrêter sur les différents concepts qui seront mobilisés : - l’analyse des systèmes de productions (SP) consiste à comprendre les pratiques des agriculteurs compte tenu des moyens dont ils disposent, les logiques qui les président et à évaluer leur résultats (performances techniques et résultats économiques). Un système de production « est mis en œuvre par des exploitations qui possèdent la même gamme de ressources (même gamme de superficie, même niveau d’équipement, même taille de l’équipe de travail), placées dans des conditions socio-économiques comparables (entre autres même mode d’accès à la terre, au travail, à l ‘équipement) et qui pratiquent une combinaison comparable de productions » (Cochet & Devienne, 2004). -l’analyse des systèmes de culture et d’élevage se fait à une échelle inférieure c’est à dire au niveau de la parcelle. En effet, le système de production peut être considéré comme une combinaison organisée de différents systèmes de culture et de différents systèmes d’élevage. L’objectif ici, est de rentrer finement dans les pratiques des agriculteurs en regards des conditions biopédoclimatiques, socio-économiques ou des contraintes physiques. Un système de culture (SC) est défini comme « l'ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles cultivées de manière identique. Chaque système se définit par : la nature des cultures et leur ordre de succession, et par les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures, ce qui inclut le choix des variétés » (Sébillotte, 1990). L'itinéraire technique ayant été lui-même défini comme « combinaison logique et ordonnée de techniques qui permettent de contrôler le milieu et d'en tirer une production donnée. » (Sebillotte, 1974). A la même échelle d’analyse, le système d’élevage (SE) est défini comme « un ensemble d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en vue de valoriser des ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour en obtenir des productions variées (lait, viande, cuirs et peaux, travail, fumure...) ou pour répondre à d’autres objectifs. » (Landais, 1992). Les « explications des choix et pratiques des agriculteurs ne sont pas à rechercher au niveau du seul fonctionnement du système d’élevage ou de culture » (Cochet & Devienne, 2004), mais nécessite de faire un zoom arrière au niveau système de production pour comprendre les logiques à l’œuvre. -l’analyse des systèmes d’activité (SA), « qui permet de resituer l’exploitation agricole comme un maillon d’une combinaison d’activités, de ressources et d’acteurs, représentée par le système d’activité, échelle à laquelle s’établit et s’interprète le domaine de cohérence de la rationalité de l’agriculteur » (Paul et al., 1994). Cela permet d’avoir une vision plus globale sur les différentes stratégies économiques des ménages à partir de la combinaison de plusieurs activités.

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Une fois les outils méthodologiques définis pour la compréhension globale du système, il convient d’analyser l’impact du PTTA sur les agriculteurs cibles de la zone d’action. Nous avons vu que la stratification des niveaux d’analyse est à la base de l’approche. Ces nombreux changements d’échelles nous incitent donc à évaluer le projet à plusieurs niveaux. L’échelle d’action du PTTA correspond à la parcelle puisque la subvention est valable pour une parcelle donnée et dimensionnée selon la taille de celle-ci. Il est donc naturel de commencer l’évaluation de ses impacts à l’échelle du système de culture. La pertinence du paquet, son utilisation réelle, ses impacts sur les performances technico-économiques sont des axes qui guident l’analyse. Certaines subventions dépasse le cadre du système de culture strict ce qui nécessite d’élargir au niveau des systèmes de productions pour comprendre l’utilisation de celle-ci. Enfin pour avoir une vision globale, il faut considérer l’impact du PTTA sur la région agricole de Milot notamment sur le plan du marché et des débouchés. Ces grandes lignes d’analyse se construiront au fil des différentes étapes de la méthodologie. Avant de décrire les différentes étapes, il faut souligner le caractère itératif d’une telle démarche. En effet, la conception d’un dispositif de recherche a priori risque de masquer une partie des spécificités du terrain, non décelables avant la collecte des données. Pour cela, même si les étapes paraissent bien définies et ordonnées les unes par rapport aux autres, elles sont beaucoup moins fixes qu’elles n’y paraissent autorisant un aller-retour incessant entre elles, les unes éclairant les autres au fur et à mesure de l’étude, brisant l’idée d’un ordre chronologique établi. L’étape préliminaire a consisté à faire une révision bibliographique des données existantes sur le terrain pour commencer à construire des hypothèses sur les diversités (agroécologique, des trajectoires historiques, typologique) de la zone et les facteurs de différenciation.

Zonageagroécologique,bibliographieetcontexteagricole.L’hétérogénéité agroécologique de la zone de Milot (entre plaine, piedmont et morne) a justifié la nécessité de faire un zonage afin d’identifier et de caractériser les différentes unités du milieu, de décrire les différents modes d’exploitation de ces unités et de comprendre l’organisation spatiale de l’espace exploité. Une observation du paysage à partir des points hauts dans les mornes, des parcours le long de transects mornes-plaines pour croiser une diversité maximum de milieu et un repérage à partir de carte satellite ont été réalisés. Cette phase a été cruciale pour se familiariser avec le milieu paysan haïtien et avec les cultures rencontrées. A partir de cette phase, un modèle explicatif de la diversité des conditions du milieu a pu être réalisé ainsi que des transects pour illustrer la diversité des unités agroécologiques. En parallèle, des réunions auprès des opérateurs du projet ont été organisées pour comprendre les paquets techniques et le cadre du projet.

Compréhensiondeladynamiquehistoriquedesexploitationsagricolesdelazoned’étudeLe croisement entre la diversité agroécologique et les évolutions du système agraire permettent de comprendre les grands facteurs de différenciation qui peuvent expliquer la diversité actuelle des systèmes de production. Pour comprendre l’évolution du paysage agricole, des modes d’exploitations, ainsi que les grandes transformations économiques, sociales et politiques, les premières enquêtes historiques ont été menées auprès d’une quinzaine d’agriculteurs agés. Elles ont été complétées d’entretien auprès de personnes ressources ayant une autre approche de l’histoire : entretien auprès d’une maison d’exportation historique de denrées commerciales, auprès d’acteurs de coopérative de vente de cacao et d’un anthropologue. Ces données disparates croisées avec une littérature plus ou moins abondante ont permis de reconstituer le puzzle de l’évolution agraire de la zone. Une

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typologie élaborée après l’identification des facteurs de différenciation et confirmée par les étapes suivantes, a pu être esquissée.

Caractérisationqualitativedessystèmesdeculturesetdessystèmesd’élevagePour comprendre la répartition des différents moyens de productions au sein des SP et donc les stratégies en place, 20 enquêtes qualitatives précises ont été réalisées réparties équitablement entre les mornes, la zone de piedmont et la plaine. Cette phase a été l’occasion d’avoir une compréhension qualitative du fonctionnement des systèmes de culture et d’élevage. Les premiers éléments de compréhension du PTTA nous ont été livrés pendant cette phase par les paysans.

Caractérisationquantitativesdessystèmesdeculturesetdessystèmesd’élevagepuisdessystèmesdeproductionetd’activitéenlienaveclePTTAFace à la complexité des systèmes agroforestiers présents, éléments clefs de la zone, une phase de caractérisation quantitative pointue de ces systèmes de cultures a été entreprise : comptage systématique des espèces présentes sur la parcelle, mesure de la circonférence à hauteur de poitrine, schéma de la surface de couverture des couronnes. Suite à des problèmes de travail et de coordination avec le binôme haïtien, une partie de ces données n’a pas pu être traitée. En tout 20 enquêtes sur le fonctionnement technique et économique des systèmes de culture et d’élevage ont été réalisées. Chaque enquête a concerné un agriculteur pour un système de culture ou d’élevage. La dimension système de production et d’activité a été prise en compte lors de 10 enquêtes finales. Une composante PTTA était intégrée à la fin du questionnaire pour comprendre ses impacts. Face à la grande diversité de systèmes de production liée au nombre important de combinaisons possibles entre les systèmes d’élevage et de cultures, un choix a été fait selon l’importance du SP en fonction du PTTA, de l’intérêt qu’il avait pour la compréhension des dynamique actuelles, des contraintes de temps et d’accessibilité. Cette phase s’est poursuivie avec 6 enquêtes sur le seuil de survie et le coup d’opportunité du travail (Annexe 6). La phase de collecte des données s’est terminée sur 7 enquêtes exhaustives sur l’impact du projet PTTA. Compte tenu du temps restant, de la difficulté de trouver des agriculteurs ayant bénéficié du paquet jardin créole (deux fois moins nombreux), cette phase s’est focalisée sur le paquet nouvelle plantation. D’autre part, si on comprend bien l’impact du premier paquet, on comprendra bien l’impact du troisième paquet (en cours de distribution au moment du stage) qui est calqué sur le premier.

Modélisationdessystèmesdeproductionsetdessystèmesd’activitésetévaluationdeleurperformanceéconomiqueavecetsansPTTACette phase a consisté à faire des modèles des systèmes de productions et d’activités représentant les différentes classes sociales rencontrées. Ces modèles sont une combinaison des systèmes de cultures, d’élevage et d’autres activités intra ou extra-agricoles. Ils nous permettent de comparer leur performance économique les uns par rapport aux autres et par rapport au cout d’opportunité du travail dans la zone. Une simulation sans et avec paquet technique a été réalisée pour bien comprendre l’impact technico-économique du projet. Les calculs sont détaillés en annexe 3.

Limitedel’étudeetproblèmesrencontrésDes problèmes de travail et de coordination avec le binôme haïtien ont ralenti et compliqué la collecte des données. Une division des tâches m’a amené à réaliser des enquêtes avec un créole appris sur le tard ce qui a pu jouer aussi. Le temps a été un facteur limitant en fin de stage et a pu entrainer une collecte inégale notamment pour la zone de morne qui jouxte la

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Citadelle. Il convient de préciser que, en réponse à la présence extrêmement forte des projets de développement dans la zone depuis 50 ans, les paysans sont de plus en plus nombreux à demander une rétribution financière en échange d’informations. En cas de non-rétribution, les données peuvent être de moins bonne qualité.

Zoned’étuderetenue Notre zone d’étude se calque sur la zone d’action du PTTA. Elle correspond donc aux limites administratives de la ville. Elle a la forme d’un entonnoir dont la partie la plus évasée est dirigée vers le nord. Elle suit les limites au sud, à l’est et à l’ouest mais a été raccourcie pour la partie nord. En effet, PTTA soutient les systèmes agroforestiers à base de cacao, banane, igname, taro, arbre de couverture et n’est pas intervenu dans la plaine plus au nord. D’autre part le fonctionnement agraire de la zone paraît différent de celui des mornes, c’est à dire tourné essentiellement sur la culture de la canne et sur l’élevage bovin.

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PARTIE3:RESULTATSI. Milot, une zone entre plaine et morne

1. La topographie, un élément clef pour comprendre la zone. Le territoire de Milot (figure 3) est à l’interface entre une grande plaine littorale et un massif montagneux. Il comprend une partie de montagne (morne) à pente plutôt forte (30 à 45°), une partie de mornes douces/piedmonts/reliefs collinaires à pente plus faible (5 à 30°) et enfin une partie de plaine (<5°).

Figure 3 : Carte topographique de Milot / source : Google Map

2. Une importante variabilité pluviométrique inter et intra-annuelle et une baisse tendancielle des précipitations

Le climat du département Nord, situé entre le 18ème et le 19ème degré de latitude nord, 400 kilomètres au sud du tropique du cancer, est largement influencé par sa latitude et sa proximité avec l’océan atlantique. Le département du Nord est soumis aux alizés, vents du nord-est qui soufflent de mai à septembre. Ces vents chargés d’eau, après leur parcours sur l’océan, provoquent des précipitations orographiques. De novembre à mars, les nordés, vents frais provenant du nord-ouest, apportent les précipitations les plus importantes. Il existe par ailleurs un gradient de pluviométrie en fonction de l’altitude. Les sommets reçoivent plus de précipitations que les plaines. L’année se découpe plus ou moins en deux saisons humides, l’une autour de mai, grande saison des pluies, et l’autre autour d’octobre novembre petite saison des pluies. Les mois les plus secs correspondent à janvier-février (figure 4).

2 km

MILOT

N

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Figure 4 : diagramme pluviométrique, Grande-Rivière-Du-Nord, 1998-20142

Figure 5 : Diagramme ombrothermique avec variabilité interannuelle de la pluviométrie, Grande-Rivière-Du-Nord, 1998-2014

Par ailleurs les précipitations varient beaucoup d’une année à l’autre (figure 5). Sur les cinq dernières années, 2012 et 2015 ont été marquées par des sécheresses importantes. Cette variabilité pluviométrique interannuelle s’ajoute à une baisse tendancielle des précipitations (figure 6). Pour avoir un meilleur aperçu de celle-ci il serait intéressant d’avoir un pas de temps supérieur à 30 ans, plus petite unité de base en science du climat. Pour autant, avec le réchauffement climatique avéré, l’aléa climatique représente un élément important dans le système agraire de Milot. Dans son quatrième rapport d’évaluation de 2007, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) prévoit pour l’arc Antillais, une hausse des températures, une baisse des précipitations surtout l’été avec une augmentation des précipitations extrêmes.

2Les données météorologiques sont issues des pluviomètres de Grande Rivière, commune du nord, voisine de Milot de 5 kilomètres et présentant le même modelé et altitude donc hypothétiquement les mêmes tendances malgré des variations micro-locales

0

30

60

90

120

150

180

mm

0

25

50

75

100

125

150

175

200

0

50

100

150

200

250

300

350

400

température°C

Précipitation(mm)

2014

2013

2012

2011

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Figure 6 : baisse tendancielle de la pluviométrie, Grande-Rivière, 1998-2014

Pour la suite du rapport, il convient de préciser les saisons de semis. Il y a deux saisons principales correspondant peu ou prou aux saisons des pluies :

- la grande saison (GS) de janvier à mai - la petite saison (PS) (surtout septembre-octobre-novembre) correspond aux plus

grandes précipitations et aux températures les plus faibles.

3. Un réseau hydrographique dense mais pas d’irrigation La vallée de Milot est traversée par une rivière principale (« Trois-Rivières ») qui forme le réseau primaire lui même alimenté par de nombreux ruisseaux. C’est ce cours d’eau qui a formé, par apport successif de matériaux colluviaux le sol de bas fond qui domine les environs de Milot. Coté sud-ouest, la présence du Bonnet-à-l’Évèque, arrête karstique qui surplombe des mornes de faibles altitudes (Brisement-La Salle), explique l’existence de nombreuse résurgences. Une partie est prélevée directement à la sortie du karst pour l’alimentation en eau de Milot, l’autre partie s’écoule à travers de nombreux ruisseaux à faible débit. Si la présence de nombreuses sources justifie les zones d’habitation, les habitants ne les utilisent pas pour l’agriculture. Le versant opposé constitué essentiellement de roches friables noires (métamorphisme issu de basaltes anciens) est visiblement plus propice au ruissellement. Les ruisseaux sont moins nombreux et pour la plupart temporaires. Le deuxième bassin versant concerne la rivière Champion qui prend sa source au niveau du karst (figure 7).

Figure 7 : Bassins versants et limite de la zone étudié / source fond : Google Earth

0200400600800100012001400160018002000

Précipitation(mm)

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4. Les différentes occupations du sol

LesmornesLes mornes sont constituées de plusieurs sous-ensembles en fonction de leur position dans la toposéquence (haut de pente, bas de pente, interfluve, ravine) et l’exposition du versant. Les « savanes » sont désignées par les agriculteurs comme les agroécosystèmes pas ou très peu très peu boisés. Ce sont des espaces essentiellement dédiés aux cultures vivrières. Ils se retrouvent principalement sur les interfluves, les replats sommitaux des reliefs préférentiellement exposés sud/sud-est. Il y a aussi des savanes sur des versants exposés nord. On distingue les savanes sur terre « chaude » des savanes sur terres « fraîches » selon le vocabulaire employé par les agriculteurs. Elles dépendent principalement des sols sur lesquels elles se trouvent. Selon la roche, les matériaux en amont, et la pente, les sols varient. Les savanes à terres chaudes se localisent sur des sols à forte pente, donc à texture sableuse

avec une capacité de rétention en eau moindre. Les savanes sur terres « fraîches » se situent sur des pentes plus faibles avec une proportion relative d’éléments fins plus importante. Les matériaux ont un impact secondaire sur les sols, mais qui peut expliquer parfois l’utilisation du sol. Sur certaines roches appelées localement « ravette », dans des conditions de déclivité forte, les sols sont peu épais et laissent place à des nombreuses zones d’affleurement (Illustration 1). Illustration 1: affleurement de

roches sédimentaires basaltiques dans une savane sur « terre chaude »

Les interfluves orientés nord-ouest bénéficient d’une fraîcheur et d’une humidité supérieure aux interfluves des versant sud-est. Les savanes sont limitées aux strictes crêtes dans les parties les moins pentues. Les espaces boisés sont presque continus dans la partie basse de la pente. Les sols sont globalement plus épais que dans les versants déboisés, toujours à texture sableuse mais plus riches en matières organiques. Ils sont exploités avec des systèmes agroforestiers et des cultures vivrières. Les replats, zones d’accumulations selon certaines conditions de sols (sols rouges très argileux) permettent de cultiver des plantes plus exigeantes en eau comme la canne, le maïs et même des cultures maraîchères. En bas de pente, quand la déclivité diminue, c’est un sol de colluvions sombre, profond, riche en argile, des SAF cacaoyers/caféiers plus denses qu’en milieu de pente sont établis.

Les ravines se forment sur les versants par érosion hydrique indépendamment de l’exposition, c’est une zone de concentration des particules fines, alluvionnaires et colluvionnaires. Les sols y sont riches, relativement plus argileux que sur les autres parties et présentant une bonne rétention d’eau. Les paysans parlent de « tè gwa » comme retenant plus la fraîcheur. Dans ces ravines plus ou moins larges sont développés des systèmes agroforestiers multi-étagés composés de:

-la strate arborée : saman, pois-doux, arbre à pain, arbre véritable, manguier, agrumes

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-la strate arbustive supérieure : cacaoyers, bananiers (pour les variétés les plus grandes)

-la strate arbustive inférieure : caféiers, bananiers -la strate basse : taros, ignames

Leszonesdepiedmontetdemornedefaiblealtitude(>300m) Elles sont caractérisées par leur faible pente. Ce sont d’anciennes zones d’habitations qui se sont dépeuplées avec la concentration de l’habitat sur la ville de Milot. De même que les mornes, cette zone de piedmont comporte des savanes à « terres chaudes » en forte pente sur les versants exposés sud, des savanes plus fraîches sur les versants exposés nord et des ravines qui sont plus larges. Il y a une large palette de systèmes agroforestiers, certains à dominante café/cacao , d’autres clairsemés dominés par les cultures vivrières (banane, maïs, pois congo, pois génois, gombo, manioc). La présence du Bonnet-à-l’Évèque, arête karstique dominant ces mornes, en contrehaut, explique les éboulis, les colluvions et tous les matériaux calcaires que l’on retrouve dans la zone. Ces zones comportent des sols, toutes choses égales par ailleurs, plus riches en argile que les autres sols de la région. Du fait de la pédoséquence, les particules les plus fines se retrouvent dans les dépressions et les plus grossières en haut de pente.

Laplaineetlesbasfonds(>100m) Les zones de plaines riches en particules fines mais pauvres en matières organiques sont composées de systèmes vivriers diversifiés, de systèmes bananiers et de systèmes de canne. Les bas-fonds boisés de faible pente (>5°) se localisent essentiellement dans la vallée de Milot. Les sols alluvionnaires profonds possèdent une texture argilo-limoneuse composée de plusieurs couches de colluvions et graviers. Bénéficiant d’un microclimat plus frais lié à la vallée, ils sont recouverts de systèmes agroforestiers plus denses en cacao que ceux du reste de la zone. Les arbres de couverture y sont relativement plus grands que sur les pentes et leurs couronnes créent un fort ombrage.

5. Une grande diversité de zones agroécologiques

Figure 8 : Carte des différentes zones agroécologiques / source fond : Google earth

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• Le Massif du Nord présente des versants à forte pente, orienté nord-ouest. Ils sont moins bien exposés au soleil, et plus humides en saison des pluies que le reste de la zone. Ils constituent la première barrière sur laquelle se décharge les nuages pluvieux de par son orientation et son altitude. Les mornes en contrebas du Bonnet (Brisement, Pennifort) essentiellement plantés en agroforêts denses et bénéficiant d’un microclimat plus frais sont regroupés avec le Massif du Nord. Les sols sont avant tout déterminés par la topographie Les sols de versants sont des sableux appelés « tè sable » sont comme leur nom l’indique à texture sableuse. Ils ont un taux de matière organique variable selon l’occupation des sols. Dans des milieux historiquement boisés, ils sont plutôt bruns avec des capacité physiques plus intéressantes que les mêmes terres sableuses de terre dégagée. Les sols de ravines, d’accumulation en particule fines sont des sols appelés « tè gwa » sont les sols les plus argileux. Ils sont réputés comme gardant la fraîcheur. Les systèmes de cultures dominants sont des systèmes agroforestiers complexes multistrates avec des compositions variées d’espèces selon la place sur les versants. Plus les pentes sont faibles, plus les sols profonds, plus la compostions en cacaoyers risque d’être forte. Les caféiers sont présents dans tous les systèmes agroforestiers, ainsi que la banane et l’igname. Les terres non boisées sur les interfluves, replats, crêtes sont des systèmes vivriers diversifiés présentant un haut degré d’associativité (mais, pois nègre, pois congo, banane, taro, gros pois). • Une vallée alluviale encaissée, entourée par les premiers contreforts du massif du Nord au sud/sud-est, par les mornes Brisement/La Salle à l’ouest et surplombé par le massif karstique du Bonnet-à-l’Evêque au sud-ouest. La vallée de Milot est une zone urbaine avant tout, remplacée progressivement par des agroforêts denses à dominante cacaoyère/caféières à mesure que la vallée s’évase. Cette vallée étroite est légèrement plus humide et fraîche que les vallées plus ouvertes. Les sols noirs qui s’y développent sont appelés « té nwa », ce sont des sols bruns-noirs argileux et riches en matières organiques. Ces sols sont considérés comme les plus fertiles, de par leur texture grumeleuse, leur capacité de rétention d’eau et richesse en nutriments. Ils sont plutôt épais. Ce sont surtout des sols sous couvert arboré qu’on retrouvera dans les bas-fonds sous les systèmes agroforestiers denses. Ces systèmes dominent la haute vallée de Milot. Caractérisés par une forte densité en cacaoyers, ils sont aussi composés d’ignames, de bananiers et de caféier restant.

• Une plaine littorale (plaine de Berart/Logadière) qui sépare le Massif du Nord de l’océan Atlantique à des altitudes allant de 90 m à 75 m. Possédant des sols alluvionnaires riches (illustration2), elle est traversée par de petits cours d’eau sur la longueur de notre zone d’étude. Les sols sont argileux et profonds, ce sont des « tè gwa ». La plaine est composée de systèmes vivriers diversifié en association avec ou sans banane, de systèmes de canne, ainsi que de systèmes de pure banane (illustration 3).

Illustration 2 : sol alluvionnaire de plaine

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Illustration 3 : paysage de plaine

• Le Bonnêt-à-l’Évèque, avancée karstique qui domine la vallée et qui préfigure le piton

rocheux sur lequel est bâtie la Citadelle La Ferrière. Culminant à 700-800 m, il forme une plateforme calcaire très accidentée au sol superficiel envahie de végétation spontanée arbustive (localement appelé « rak ») (illustration 4). Il est flanqué tout autour de zones d’éboulis, d’amas et de blocs rocheux qui constituent un chaos calcaire. Peu cultivé à cause de la présence importante de roches et parce que éloigné de Milot, il est composé de terre rouge très argileuse issue de l’altération des calcaires durs (illustration 5).

Illustration 4 : roche calcaire près du bonnet-à-l’évèque

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Illustration 5 : sol rouge argileux près du bonnet à l’évèque • Une zone de transition entre piedmont et morne, de moyenne altitude (100-400),

le plateau de La salle constitue un milieu intermédiaire. Dans les parties les plus basses et à la déclivité la plus faible, c’est une zone à dominante vivrière peut dense en arbres. Au contraire quand on remonte vers le Bonnêt-à-l’Évèque, la densité de couverture végétale augmente. De faible altitude et faible pente ce milieu est relativement habité. Les sols sont de nature plutôt argileux en lien avec la présence de roche calcaire. La topographie influence beaucoup les sols, sableux sur les versants des collines, argileux humides dans les bas-fond. On retrouve des systèmes agroforestiers complexes dans les bas-fonds, sur les versants exposés nord. Des systèmes vivriers diversifiés de morne et des systèmes vivriers secs à base de manioc sont présents sur les replats pour le premier, sur les pentes pour le deuxième (Figures 9 et 10).

Figure9:localisationduTransectLe transect (figure 10) réalisé met en évidence la diversité des systèmes de cultures sur une toposéquence allant du plateau de la Salle à la plaine en passant par le bas-fond

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Figure 10 : Transect La Salle-logadière

300 m

70 m

Zone agroécolo-

Type de sol

Pente 20°-40°

système vivirer sur «terre chaude»

+

0°-5° 0°-15° 10°-40°

limon + sable + MO

0°-5° 0°-5° 0°-5°5°-15°

sableux seclimon+argile + MO

limon + sable + MO

limon+argile + MO

limon+argile+ MO limon + argilelimon + sable + MO

système vivrier diversifié de

mornesystème banane

SAF bas-fond

système diversifié de

morne

système agroforestier de bas-fondCacao-café-banane figue-igname sigin-agrumes-arbres de couver-

système canne

système banane

système vivrier

diversi-

SAF basfond

++++ ++ ++ ++++ ++ ++++ +

Systèmes de cultures

Boisement

Plateau de la Salle / Zone de transition morne/piedmont Vallée de Milot / Bas-fondPlaine Logadière / Plaine

alluviale

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I. Entre plaine et mornes : deux dynamiques agraires marquées par un accès inégal au foncier, facteur de capitalisation

1. Après l’occupation américaine (1934-1957) : une exploitation capitaliste dans la plaine et une différenciation sociale déjà marquée dans les mornes

Après l’occupation américaine (1915-1934), les structures agraires héritées de la période coloniale sont encore présentes et expliquent la différenciation sociale forte entre les exploitations. A Milot, 4 sous-systèmes agraires ayant leur fonctionnement et leur dynamique d’évolution propre coexistent au lendemain de l’occupation américaine, les liens entre eux ne se résumant presque exclusivement à des flux de main-œuvre et de produits les jours de marché. Avec l’amélioration des infrastructures et les migrations, les frontières entre ceux-ci s’atténueront progressivement. Sont identifiés (figure 11) : - la plaine caractérisée par une concentration foncière très importante - la zone de transition entre plaine et morne (plateau de la Salle) marquée aussi par la présence de grandes exploitations historiques et de petites exploitations - la zone de bas-fonds occupée de grands propriétaires habitant en ville - les mornes pentues du massif du nord allant de Milot jusqu’à la citadelle D’un côté, la plaine est composée de grandes exploitations (~30 cx) de propriétaires du Cap et de concessions sur des terres publiques accordées à des sociétés capitalistes américaines comme la SHADA (Société Haïtienne-Américaine pour le Développement Agricole) la Pine-Apple and Co, ou la Haitian Argricultural Corporation. Elles se lancent dans la monoculture de produits d’exportation selon les incitations économiques du moment (sisal, banane, coton, canne). Pour la plupart extérieures à notre zone d’étude, elles ont eu un impact sur les zones limitrophes en tant que pourvoyeuses d’emplois. Dans le nord, la culture du sisal s’accompagne de dépossessions, beaucoup de terres fertiles sont ainsi soustraites à la production vivrière pour être plantées en sisal qui est relativement peu exigeante en main d’œuvre. Certains se convertissent en salariés, d’autres préfèrent émigrer à Cuba ou en République Dominicaine dans le secteur sucrier. C’est dans ce même contexte qu’on date la fin des plantations sucrières déjà sur le déclin et qui subissent de plein fouet la concurrence Cubaine et Dominicaine où main-d’œuvre et capitaux sont réunis (Paysans, Systèmes et Crises I). Les grands propriétaires historiques de plaine cèdent une partie de leur parcelle en fermage dans cette période de déclin de la filière sucrière. Dans les mornes limitrophes de la plaine (piedmont) et sur le plateau de La salle, se retrouvent des grands propriétaires historiques (~10-20 cx) souvent héritiers d’une famille de militaires à qui le pouvoir a distribué des terres en remerciement de leurs services pendant la période postcoloniale. Ils sont peu nombreux dans la zone car sur une surface réduite à l’interface entre les mornes qui, un siècle plus tôt, étaient occupés par les marrons et leurs descendants, et la plaine occupée par les grandes plantations de canne à sucre. Ils ont accès à tous les étages écologiques : bas-fond, versant, savane et sont spécialiséssur le café. Ils sont propriétaires d’un grand troupeau (bovins, caprins, ovins) en élevage libre dans les mornes et cèdent une partie en gardiennage auprès des métayers/petits propriétaires. Ils font régulièrement appel à de la main d’œuvre journalière pour l’entretien des parcelles agroforestières et cèdent les « terres chaudes » de savane denses en anacardiers à des

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métayers qui peuvent implanter des systèmes vivriers. Depuis 1950, Haïti semble avoir subi une baisse de la pluviométrie (source : enquêtes). Les niveaux pluviométriques d’alors permettaient d’avoir une plus grande diversité de culture (arachide, maïs, pois nègre, pois congo, patate douce, manioc amer) dans ces espaces aujourd’hui secs. Toujours sur le plateau et en piedmont, à côté de ces grands propriétaires, coexistent les petits propriétaires/métayers. Ils habitent à même la zone sur les replats dans les mornes et pratiquent l’élevage bovin, porcin et caprin. Les bovins sont mis à pâturer sur les jachères des systèmes vivriers, les porcs indigènes (cochons créoles) sont attachés dans les ravines ou le jardin lakou et les caprins attachés aux piquets sur les bords de chemins. Les paysans disposant de peu de terres, (souvent les jeunes) sont métayers chez les grands propriétaires et gardent les bœufs de ces propriétaires sur ces mêmes espaces. Il y a, à l’époque, peu de perspective d’agrandissement, car peu de mouvement de population et peu d’opportunités en dehors de l’agriculture dans des métiers sans qualification. Les plus précaires parce qu’ils n’ont pas d’autre choix vendent leur force de travail auprès des grandes entreprises américaines, des grands propriétaires de plaine. En effet, les salaires des entreprises capitalistes sont relativement bas et peu intéressants comparés à la productivité du travail dans les parcelles agroforestières et vivrières. Ces travailleurs journaliers constituent le seul lien entre les mornes et la plaine. Les bas-fonds de la vallée de Milot à proximité du bourg sont occupés par des systèmes agroforestiers complexes (café, cacao, agrumes, bananes, ignames) détenus par des grands propriétaires (~3-8 cx). Ce sont des exploitants qui habitent dans ou à proximité du bourg, sans doute descendants des commerçant, artisans et professions secondaires liés au développement du bourg. Ils possèdent généralement la majorité de leurs terres dans ces espaces et le reste dans les mornes pour assurer une production alimentaire avec des systèmes vivriers. La partie de bas-fond la plus éloignée du bourg est occupée par des petits propriétaires ayant une ou deux petites parcelles dans ce milieu favorable et qui vivent dans des villages en périphérie du bourg. Les mornes du massif du nord composé de versants pentus sont divisés en petites parcelles vivrières et en systèmes agroforestiers caféiers détenus par des petits propriétaires. Ces paysans habitent à proximité immédiate de Milot ou sur les hauteurs près de la citadelle. Cette classe est assez homogène (1-3 cx). L’élevage bovin est moins développé que sur dans la zone de transition, mais l’élevage équin le remplace pour les transports dans les mornes et parce qu’il représente une source de revenu supplémentaire quand les chevaux sont loués pour les touristes.

Unecapitalisationaveclesrevenusducafépourtous,maisàdesrythmesdifférentsLa période 1915 à 1957 (âge d’or du café haïtien) est une période très favorable pour la culture du café ; les prix sont hauts et les débouchés assurés par les maisons d’exportation. En 1920 ouvre la maison Novella, devenue un symbole du commerce d’exportation (café, cacao, noix de cajou, ricin) dans le Nord. En 1930 c’est 800 000 sacs de café de 60 kg qui sont exportés par la maison Novella (entretien avec le directeur). Le caféier est présent à cette époque dans tous les systèmes agroforestiers dont il constitue le peuplement principal excepté dans les bas-fonds où il coexiste avec les peuplements cacaoyers qui y sont denses. En ce sens, tous les propriétaires des parcelles agroforestières bénéficient des prix intéressants du café, des grands propriétaires aux petits. Les systèmes agroforestiers de bas-fond ont des productivités de la terre plus élevées que les systèmes agroforestiers de versant ce qui s’explique par les peuplements associés plus dense en bas-fond (agrumes, cacaoyers, bananiers). Les systèmes agroforestiers de versants nécessitent

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aussi, un temps de trajet et de transport des produits plus importants et l’écoulement de la production est rendue plus difficile notamment pour les agrumes. Si les capacités de capitalisation sont supérieures pour les grands propriétaires, c’est moins la productivité du système que la surface de celui-ci qui l’explique. Les grands propriétaires de piedmont avec de grandes surfaces en café puis un peu plus tardivement les grands propriétaires de bas-fond, en ayant pu rapidement capitaliser, ont des niveaux de revenus suffisants pour envoyer leurs enfants faire des études à Port-au-Prince ou aux Etats-Unis dans les années 1950-60. Ils payent les frais d’études avec le capital accumulé mais aussi en vendant des terres. La zone des mornes du massif du nord est très riche en systèmes agroforestiers. Les petits propriétaires des mornes possèdent tous des parcelles agroforestières sur les versants et peuvent capitaliser mais pas au même rythme du fait des surfaces réduites de leurs parcelles. Ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants au Cap pour faire des études, mais peuvent payer les frais scolaires et de formation de leurs enfants pour les plus grands. Les petits propriétaires des mornes habitant sur le plateau de la Salle ont accès à des parcelles agroforestières caféières mais en moins grande nombre que sur les mornes du massif du nord. D’autre part une partie du plateau est occupée par des grands propriétaires qui monopolisent une partie des systèmes agroforestiers les plus favorables. Il est donc plus difficile pour ces paysans qui partent avec peu de moyen, d’acquérir ce type de parcelle, et cela se fait au prix d’une longue période de capitalisation à travers la vente de main d’œuvre et le gardiennage.

Figure 11 : évolution système de production agraire avant 1957

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L’introductiondu«petitmaïs»adoptéàl’unanimitédanslessystèmesvivriersConcernant les systèmes vivriers, ils subissent une modification importante. Entre 1940 et 1970, même si le rapport du prix du café au haricot était supérieur pour le premier produit (DOKO, 1997), la demande alimentaire n’en est pas moins en pleine croissance. L’introduction de variétés plus productives avec l’arrivée de compagnies à capital américain (SHADA) a joué dans la réponse à cette demande. L’introduction du maïs à cycle court de 3 mois («ti maï») par la SHADA constitue une introduction marquante dans les systèmes de production de l’époque. Avant cette introduction, les paysans cultivaient un maïs à cycle long de 5 mois (« gro maï ou maï franse »). Le maïs cycle court, variété de plaine comme de morne permet d’intensifier la production. Elle permet dans des conditions climatiques optimales de faire un premier cycle et d’offrir un cycle de rattrapage en cas d’aléa climatique. Cette nouvelle variété peut s’associer plus facilement avec les autres cultures en se développant rapidement sans concurrencer les espèces associées dans leur cycle de développement, elle trouve sa place en début de cycle de la canne, de la patate, des bananeraies et des systèmes vivriers diversifiés. Outre son avantage calendaire, cette variété est plus productive (4 à 5 épis contre 2 pour le maïs 5 mois). Se conservant moins bien, ce maïs doit être en partie vendu à l’issu de la récolte. Tous ces éléments expliquent en partie la régression de la consommation de riz à l’époque au profit de celle du maïs (J.B ROMAIN, 1944). Cette introduction dans les systèmes vivriers a eu d’importants bénéfices en permettant aux petits propriétaires des mornes d’intensifier leur production sur les surfaces réduites qu’ils possédaient.

2. Sous les Duvalier (1957-1986) : Continuation des systèmes latifundiaires dans la plaine, baisse du prix du café touchant les petits propriétaires des mornes

L’accès au pouvoir de François Duvalier marque le début de la dictature et d’une période difficile pour la paysannerie des mornes. Le développement économique ne touche que les villes, peu d’investissements voient le jour pour soutenir la machine productrice. Les paysans vivent dans un climat d’oppression qui ne leur laisse que très peu de marge de manœuvre. L’Etat tente de moderniser le pays, de créer les conditions nécessaires au développement d’industries. L’école devient obligatoire, les routes nationales datent notamment de cette époque. A Milot, ce désir de modernité se matérialise par l’arrivée, en 1964, de l’ODN (Organisation de développement du Nord) et en 1968, de CRUDEM (Centre Rural de Développement Economique de Milot). Sont créés, un centre de pédagogie rural, une école d’agriculture, un centre d’alphabétisation, un barrage hydroélectrique, un hôpital. Soixante cinq hectares de terre fertiles de plaines sont concédés par l’Etat à CRUDEM. Cette ferme « expérimentale » voit tour à tour passer les cultures phares : sisal, canne à sucre pour approvisionner l’usine Welch (de la compagnie HASCO) et banane plantain. Une partie des terres est destinée à la production vivrière tirée par une demande importante donc offrant de bonne perspective de vente. Pour assurer les besoins en main d’œuvre, CRUDEM fait appel aux paysans sans terres (les plus précaires) : « Avec la ferme de CRUDEM, les paysans ont été payés à la tache, non seulement pour un salaire de misère, mais une part des perceptions était en nourriture » (BERNARDIN E, 1993). Ce type d’action est révélateur des projets de développement de l’époque, tournés vers leur propre intérêt, délégués par l’Etat pour le remplacer dans sa tâche de modernisation et éloignés des préoccupations paysannes. Concernant son intégration dans le système agraire, il fait suite au retrait des grandes compagnies à capital américain en occupant les plaines les plus fertiles en lisière de piedmont. Des variétés à hauts rendements (maïs « potécollé »), des races bovines (« bœuf

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pottécollé ») sont introduites mais ne sont pas adoptés par les paysans. Cette période apporte de nombreux changements.

UnebaissedesprixducaféquitouchetoutelescatégoriessocialesCette période marque une baisse de prix des denrées d’exportation provoquée par un durcissement de la politique fiscale nationale sur les produits d’exportation et par une mise en place progressive d’une situation de monopole par les proches du pouvoir sur les filières d’exportation. Les taxes sur les produits d’exportation (café, cacao) atteignent 40% de la valeur du produit. Dans le même temps, les intermédiaires et les maisons d’exportations augmentent leur part ne laissant que 35% de la valeur du produit final aux agriculteurs (Leslie Péan, 2007).

Figure 12 : évolution des prix relatifs pour 4 produits de base L’augmentation de la population en Haïti, entre 1960 et 1980 est de 52%, on passe de 3,8 millions d’habitants à 5,8 millions (Banque mondiale, 2015). Cette hausse démographique au Cap, en plaine et dans la vallée a provoqué une hausse de la demande alimentaire (meilleur accès au marché du cap devenu plus accessible avec la route nouvellement construite). Le haricot noir ainsi que les autres légumineuses connaissent à cette époque une hausse des prix importante car ce sont des sources de protéines végétales capables de remplacer la viande devenue hors de portée suite à la baisse de revenus des petits paysans. Après les années 70, le prix du haricot devient plus avantageux que celui du café. Le prix de la banane plantain connaît aussi une hausse de prix importante par rapport au café (figure 12 : café en marron, banane en vert). La baisse des revenus liés au café conjuguée à cette augmentation de la demande alimentaire a des impacts importants sur les systèmes de productions (figure 13). • Les grands propriétaires absentéistes de plaine voient l’opportunité de valoriser une partie de leur foncier en plaine par des systèmes vivriers et/ou bananiers. On passe alors de contrat de fermage à des contrats de métayage. La production versée par les métayers sera vendue par le gérant à des prix intéressants. Les propriétaires absentéistes de plaine s’enrichissent.

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• Les grands propriétaires de piedmont et du plateau de la Salle qui s’étaient enrichis avec le café transforment une partie de leurs systèmes agroforestiers en systèmes bananiers rémunérateurs. S’ils déboisent une partie de leur système c’est autant du fait de la chute des prix du café que du fait de l’augmentation des prix de la banane. Ils laissent en dormance la partie de bas-fond toujours dans une stratégie de diversification (le système s’il n’est pas performant aujourd’hui pourra l’être demain) et parce que les agrumes plus présents en bas-fond assurent un supplément de revenu. Ils coupent en priorité les systèmes agroforestiers de versant pour y implanter ces systèmes vivriers/banane. A leur mort, les héritiers laissent les surfaces en indivision. Subissant des prélèvements lourds opérés sur les transactions foncières (arpentage, notariat) à la séparation des biens et à la vente, les propriétaires ne recourent à une formalisation de leurs titres que lorsqu’ils y sont obligés (Bellande, 2010). • Même si les grands propriétaires de bas-fond voient les revenus du café baisser, ils ne transforment pas leurs systèmes pour autant. Le café devient une culture secondaire qui garde son importance malgré tout. Les agrumes prennent la place du café (le cacao souffre lui aussi des taxes importantes), ainsi que les ignames et les bananes, toutes deux des cultures vivrières forestières bénéficiant de la hausse des prix. Dans années 70-80, les grands propriétaires des bas-fonds envoient leurs enfants faire des études en ville. Pour payer les études ils vont vendre de la terre. Les plus petits des propriétaires de bas-fond n’ont pas assez de moyen pour envoyer leur enfants faire des études, ils peuvent racheter par petit morceaux les terres libérées. Avec les divisions par héritage et leur niveau de finance, ils ne peuvent pas beaucoup s’agrandir. Quand les anciens fils/filles de propriétaires ont accès aux postes de notables (avocat, juge paix, médecin, arpenteur) ils deviennent autonomes sur le plan financier grâce à leur nouvelle source de revenu. Ils n’ont plus intérêt à reprendre les terres de leurs parents en tant qu’exploitants. Ces terres de bas-fond sont donc cédées en métayage par l’exploitant retraité ou en gérance à la mort de celui-ci par ses enfants ce qui ouvre de nouvelles perspectives de travail. Ce sont des terres productives facilement accessibles, proches de la ville, moins pénibles à travailler. Même si elles ne permettent plus de capitaliser comme dans la période précédente, elles permettent après la ponction de 40% de la récolte aux métayers de se maintenir. • Dans le piedmont/plateau et les mornes, la hausse de la démographie entraine une pression foncière plus importante. A la mort des propriétaires, les héritages entrainent des division du foncier. La réduction de la taille des parcelles agroforestières notamment conjuguée à la baisse des prix du café a pour résultat de faire baisser le revenu des paysans, ainsi que leur capacité de capitaliser. Les prélèvements sur le capital biologique (charbon, planche) augmentent pour faire face aux besoins en trésorerie. Dans le même temps l’éclaircissement des parcelles agroforestières permet de cultiver des vivres, plus avantageuses à l’époque. La coupe de bois donc la diminution du couvert végétal sur les versants conduit à un appauvrissement du sol en matières organiques et à terme à une érosion croissante. Sur des sols à texture sableuse, exposés sud donc relativement plus chauds, cette perte de couvert est généralement irréversible alimentant le cycle de la dégradation du sol, faisant chuter la production et poussant à l’exil. Les plus jeunes, quand ils peuvent, deviennent métayers notamment en plaine qui connaît une période d’intensification avec la production de cultures vivrières, prennent des bœufs en gardiennage, mais ce n’est pas toujours suffisant. Ils doivent alors s’exiler en république dominicaine pour vendre leur force de travail, ils ne font qu’amorcer les plus grandes migrations des années 1990. Ils peuvent espérer revenir avec une somme leur permettant d’acheter des terres. D’autres, « opportunistes » arrivent à devenir métayers dans les bas-fonds ce qui est toujours avantageux car dans systèmes productifs. En développant leur capital social, ils peuvent fidéliser plusieurs propriétaires absentéistes.

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Figure 13 : Evolution des systèmes de production sous les Duvalier

Lacriseporcine:disparitiond’unmoyend’épargnepourlesmétayers/petitspropriétairesdesmornes La crise de la fièvre porcine en 1976 qui consista en un abattage systématique des cochons créoles par le gouvernement touche de plein fouet les petits paysans de la zone. Cette date est pour eux, l’évènement qui marque le début des deux décennies de crises que vivra la paysannerie et celui des exodes massifs vers la ville. Le porc indigène joua un rôle primordial dans l’économie des ménages : capable de valoriser tous les déchets et tous les produits non-consommé des SAF, calant ses cycles de développement sur les périodes de récoltes des fruits, de petite taille, très robuste et résistant aux maladies et au transport, il était avant tout un moyen d’épargne mobilisable en cas de besoin d’argent. Avec la disparition du cochon créole, disparaissent aussi ses produits comme la graisse pour la cuisine. Les paysans doivent alors acheter leur huile importée qui représente aujourd’hui 10% des dépenses ménagères pour les plus pauvres. Une tentative de remplacement par un cochon d’élevage intensif a bien eu lieu mais s’est soldée par un échec car non adapté aux conditions du milieu et aux situations économiques du ménage. Les propriétaires des bas-fonds ne pratiquant pas l’élevage porcin n’ont pas été touchés par la crise.

PropriétaireabsenteisteW:métayerSAU:3-5cxSP:SAFcaféier-cacaoyerCapitalisa>on:+ Prop:Exploitant

W:métayer+journalierSAU:10-15cxSP:SAFbanane/canne-systèmevivrier-SAFcacaoyer/cafeier+boeufCapitalisa>on:+

Popriétaireabsenteiste/prochedupouvoirW:métayer+journalierSAU:30cxSP:canne,banane,coton,vivresCapitalisa>on++

Métayer/Pe>tPropSAU:0,5-2cxSP:systèmevivrier/SAFcaféier+boeufgardien/cabritCapitalisa>on:-/+-

enfantsdes+grandspartentétudier(Kaccumulé+ventedeterre)etreviennentavecunmé>er

Enfantspartentétudieretnereviennentpas.unhéri>erreste

Premièresdécapitalisa>onsàmigra>onéconomique(Repdom)

ceuxquin’ontpasassezdeterreviennentmétayerenplaine/bas-fond

lesopportunistesdeviennentmétayerspourlespropriétairesabsenteistes

PropriétaireexploitantW:exploitantSAU:0,5-2cxSP:SAFcaféier-cacaoyerCapitalisa>on:+

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Unevagued’exodepourlesagriculteursdesmornes Vers la fin du mandat de Jean-Claude Duvalier, les mouvements migratoires prennent de l’ampleur. Ces sont les premiers épisodes de descentes des mornes vers la ville devenue plus facile d’accès. La ville cristallise alors l’espoir de sortir de l’agriculture car elle symbolise l’accès à l’éducation, aux soins, la possibilité d’avoir d’autres activités. Les frais de santé et de scolarisation qui accompagnent le développement de l’hôpital de Milot et des écoles de la ville, seront autant d’éléments qui participeront à la monétarisation croissante de la société. Ils créeront chez les paysans des mornes de forts besoins en liquidité pour en bénéficier. Les héritiers des grands propriétaires de la Salle ont déjà quitté l’agriculture, hormis un au moins qui reste sur les terres familiales. Pour se rapprocher de la ville et pour subvenir aux frais d’instruction des enfants, ils vendent, en concertation avec les autres héritiers, en priorité les bêtes, et même parfois une partie du foncier aux agriculteurs de la zone ayant pu suffisamment capitaliser durant la période précédente (une minorité) et pour qui, les cultures vivrières représentent une alternative aux systèmes agroforestiers. La croissance démographique entraine les secteurs de la construction et celui de l’ébénisterie (meuble, chaise, etc.) qui peuvent être une voie de sortie de l’agriculture pour les travailleurs peu qualifiés des mornes.

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3. A la chute des Duvalier (1986 à nos jours) : Réforme agraire informelle dans la plaine, crise dans la paysannerie des mornes

L’année 1986 est une année de rupture. Après le départ de Jean-Claude Duvalier, s’ouvre

alors une période d’instabilité (14 présidents en 10 ans). C’est avant tout une crise économique. La libéralisation soutenue par le FMI se traduit par l’ouverture brutale des marchés locaux à la concurrence étrangère conduisant ainsi à une baisse importante des prix agricoles. Le sucre dominicain envahit le marché et force les unités de transformations de cannes à l’arrêt comme le cas de la célèbre usine Welch. Les Etats-Unis et la République dominicaine se mettent à exporter des produits alimentaires à bas prix (riz, maïs, pois) conduisant à la baisse du prix des produits vivriers soumis à cette concurrence. Cette période est marquée par le « déchoukaj » en plaine, par la baisse des prix, l’apparition de maladies touchant les caféiers puis plus tardivement les agrumes. Les petits paysans des mornes/piedmont sont au centre de cette période. Les propriétaires des bas-fonds sont privilégiés avec leurs systèmes productifs. Les agrumes ont remplacé le café : chaque année des camions alimentant toute l’île viennent remplir leur cargaison d’agrumes. Quand apparaît la maladie, la hausse des prix du cacao leur permet de maintenir des bons niveaux de revenus. Les grand propriétaires des piedmonts ayant accès à tous les étages agroécologiques ont réparti les risques sur plusieurs cultures : canne, banane, SAF bas-fond et systèmes vivrier de mornes. Leurs grandes surfaces permettent d’avoir des niveaux de revenus suffisants.

Illustration 6 : Extrait de journal

Ledéchoukaj:libérationdelaplainepourlespaysans A Milot, cette période est symbolisée par les « déchoukaj » (Illustration 6 : extrait de journal). Ce sont des mouvements d’occupation forcée des terres par la petite paysannerie conduisant à une redistribution des terres. Deux « déchoukaj » ont eu lieu à Milot, un premier en 1986 a eu lieu en plaine et le deuxième à proximité du bourg en 1995. Le premier fut le plus important, accompagné de violences, il visait les symboles de l’exploitation de la petite paysannerie pendant la dictature duvaliériste et a conduit à une redistribution de terres. Les anciens métayers des grands propriétaires de plaine et les petits propriétaires des zones limitrophes ont envahi les grandes exploitations de plaine. Les propriétaires se sont faits exproprier. Cette petite « réforme agraire » a permis à un grand nombre de paysans des mornes et du piedmont d’avoir accès à de petites parcelles (1/4 carreaux) en plaine, dans des terres alluvionnaires et riches en argile.

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Le deuxième « déchoukaj » se déroula en 1995. Menés par le même leader, les petits paysans, des mornes cette fois, envahissent une zone appelée « Dignitaires », composée de systèmes agroforestiers de bas-fond et située en périphérie immédiate du bourg. Les anciennes parcelles sont divisées en petits terrains, les arbres sont aussitôt abattus, certains débités sur place pour construire les maisons de fortune, d’autres volés et sciés plus loin. Les nouveaux occupants s’adonnent à la production de charbon avec le bois restant. Dans les deux cas, ces terres sont aujourd’hui appelées « terre l’état ». Pourtant, elles ne sont pas revendiquées par l’Etat et malgré l’insécurité foncière de ces terres, un marché sans titre foncier existe. Cette absence de sécurité foncière explique en partie la non transformation des systèmes vivriers de plaine en systèmes agroforestiers de bas-fond. Ces nouvelles parcelles offrent l’opportunité aux anciens métayers des grands dons vivant dans le piedmont de s’installer sur le bord des routes en plaine, de même pour les métayers/petits propriétaires des mornes qui peuvent s’installer dans le village. D’autre part, la redistribution pour ces nouvelles parcelles de plaine a permis d’augmenter les revenus des nouveaux occupants (en passant de métayer à occupant, la ponction de 40% de la production par le propriétaire a été supprimée). Pour ceux qui n’étaient pas métayers donc ceux qui n’avaient pas accès à ces terres, elle a permis : - la diversification, en ce sens qu’elle a permis aux familles qui n’en avaient pas d’avoir des parcelles dans différents milieux agroécologiques - d’augmenter les revenus (et les liquidités/améliorer la trésorerie) en fournissant les conditions nécessaires à l’implantation de culture vivrière à forte valeur ajoutée (banane plantain) et d’assurer une production destinée à l’autoconsommation ou aux marchés locaux plus importante (pois congo, pois genois, maïs, banane poban). Ces évènements se sont déroulés sur un temps très court et n’ont pas touché tout le monde de la même façon. Certaines familles ont pu avoir accès à plusieurs parcelles en les cumulant chez différents anciens propriétaires ; les anciens métayers des grands propriétaires, les habitants du bourg ainsi que les habitants des zones limitrophes à la plaine ont été les premiers bénéficiaires. Les petits propriétaires des bas-fonds n’ayant pas envoyé leur héritier à l’école étaient encore présents. Ils ont profité de leurs capacités relativement élevées d’investissement (en comparaison avec les anciens métayers) pour s’agrandir en plaine car ils ne pouvaient plus s’agrandir en bas –fond. Avec l’augmentation de la population, les prix des terres périurbaines a explosé. Encore aujourd’hui l’agrandissement en plaine constitue une stratégie payante avec l’implantation de bananeraie. Les paysans des mornes les plus éloignés n’ont pas tous eu accès aux nouvelles terres.

Lachutedesprixducafé:unetransformationdessystèmesagroforestiers deversantsversdessystèmesvivriersdemornespourlesplusvulnérablesAvec l’ouverture de l’économie haïtienne au marché international, la fiscalité est allégée sur les denrées d’exportation (Péan, 2007). Pourtant la situation ne s’améliore pas pour les cultivateurs de café. Le Vietnam arrive dans le marché mondial avec de grandes quantités produites aux débuts des années 90, ce qui provoque une baisse des prix sur le marché international. Une série de maladies (scolytes, rouille) viendra frapper les peuplements caféiers pendant les années 1990-2000. D’autre part, la croissance démographique se poursuit linéairement (de 5,8 millions en 1980 à plus de 10 millions aujourd’hui). Le morcellement des terres et les prix bas deviennent tels, que s’accentuent les mouvements de coupe de bois des systèmes caféier à destination de four à charbon. Certains des systèmes agroforestiers sur les replats ou sur les versant sont transformés en systèmes vivriers, notamment pour les agriculteurs qui dépendaient fortement du café. L’émigration en république dominicaine est à son maximum. Face à la décapitalisation biologique, toutes les terres ne sont pas égales. Les terres exposées nord ont des meilleurs taux de renouvellement, le déboisement est moins important. Entre les parcelles en haut de versant et en bas de versant, celle d’en haut sont moins productives, la croissance des arbres est plus lente.

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Diminutiondespeuplementsd’agrumesavecl’apparitiondelamaladiedudragonjauneetaugmentationduprixducacaoDans les années 2010, la maladie du dragon jaune, après avoir parcouru le globe pendant un siècle, contamine la plupart des agrumes (genre citrus) en Haïti qui périclitent. Les paysans n’ont pas été tous touchés de la même façon. Les environnements les plus riches en agrumes étaient les bas-fonds et les systèmes vivriers de plaine et de morne. Les propriétaires de bas-fond ont été amputés d’une partie de leur revenu, mais ceci a été contrebalancé au même moment par la hausse des prix du cacao. Particulièrement dense en cacao, les SAF de bas-fond ont profité de cette hausse et sont actuellement les systèmes les plus productifs. Les petits paysans de mornes qui ne pouvaient plus compter sur le café, ont vu leur revenu chuter avec la mort des agrumes ; ils ne sont pas concernés par l’augmentation du prix du cacao car les systèmes auxquels ils ont accès sont peu denses en cacaoyers.

Figure 14 Evolution des systèmes de production à la chute des Duvalier

PropriétaireabsenteisteW:métayerSAU:1-3cxSP:SAFcacaoyer-Capitalisa=on:++

Prop:ExploitantW:métayer+journalierSAU:5-10cxSP:SAFbanane/canne-systèmevivrier-SAFcacaoyerCapitalisa=on:++

Métayer/Pe=tPropSAU:0,5-2cxSP:systèmevivrierplaineetmorne/SAF+boeufgardien/cabritCapitalisa=on:-/+

Lesmigra=onsaugmentent

lesanciensmétayersdeviennentoccupants

PropriétaireexploitantW:exploitantSAU:0,5-2cxSP:SAFcacaoyer+svivrierplaine+bananeCapitalisa=on:+

lesmoinsgrandsdubas-fonds’agrandissentenplaine

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Conclusion Ce qui marque l’histoire agraire de Milot et surtout des mornes, c’est la continuité des structures agraires. Malgré le nombre important de perturbations (économiques, écologiques), les systèmes de productions restent partagés entre systèmes agroforestiers et systèmes vivriers. La nature des systèmes de culture n’a pas changé, ni les conduites techniques, ni l’outillage rudimentaire, ni les classes sociales les mettant en œuvre. Selon les époques, les rapports de force ont été différents, mais par leur résilience, ils peuvent encore exister aujourd’hui. Les différenciations sociales ont été fortes depuis le début du siècle. Les systèmes de bas-fond ont toujours été plus productifs et même les baisses des prix ou l’émergence d’une maladie ne les ont pas menacés. D’ailleurs, les propriétaires absentéistes depuis l’époque duvaliériste, ne sont plus très dépendants de l’agriculture. Ceux-là, par la capitalisation, ont pu envoyer leurs enfants en ville, diminuant le nombre d’héritiers donc la division par héritage de façon à conserver de fait leur structure. Les petits agriculteurs des mornes/piedmont, ont en comparaison cumulé les difficultés. Bénéficiant dès le départ de systèmes moins performants donc ayant des capacités de capitalisation amoindries, ils ont subi de plein fouet les évènements historiques, chutes des prix du café, disparition du cochon créole, maladie des agrumes. Leur vulnérabilité a été accentuée par la pression démographique. Le morcellement par héritage successif a été fort, menant à décapitalisation biologique puis foncière. La baisse du couvert a participé à la dégradation de la terre. Tous ces éléments mis ensemble expliquent les phénomènes massifs d’émigration qui se sont mis en place avec la république dominicaine. Aujourd’hui, les jeunes s’installant ne partent avec rien et sont obligés de vendre leur force de main d’œuvre, devenir métayers, capitaliser dans l’élevage pour espérer investir dans du foncier (figure 15).

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Figure 15 évolution des trajectoires d’exploitation

4. L’accès au foncier et au capital biologique que représentent les agroforêts, principal facteur de différenciation des exploitations agricoles

Le principal facteur de différenciation des EA et SP qu’elles mettent en œuvre est le capital foncier en terme de surface, statut, localisation et plantations. Les terres les plus prisées sont les zones d’accumulation, bas fonds, plateaux car favorables aux agro-forêts, source de capitalisations historiques. A cela s’ajoutent aujourd’hui les possibles conversions en terre constructible le long de la route et près du centre urbain. La répartition des parcelles dans les écosystèmes permet d’élargir la gamme des possibles et de répartir les risques. Toutefois, le morcellement et la distance au lieu d’habitation peuvent représenter des coûts de travail importants. Le foncier est le résultat d’un processus d’accumulation ou décapitalisation au cours du cycle de vie de la famille à La taille du foncier et son morcellement sont essentiellement liés aux héritages successifs. Ensuite selon le milieu, la gestion du foncier ne conduit pas aux mêmes évolutions.

Prop:ExploitantW:ExploitantSAU:3-8cxSP:SAFcaféier-cacaoyerCapitalisa=on:+++

Prop:ExploitantW:métayer+journalierSAU:10-20cxSP:SAFcaféier-systèmevivrier-SAFcacaoyer/cafeier+troupeauboeufCapitalisa=on:+++

Popriétaireabsenteiste/compagnieaméricaineW:fermier+journalierSAU:30cxSP:canne,banane,cotonCapitalisa=on++

Métayer/Pe=tPropSAU:0,5-3cxSP:systèmevivrier/SAFcaféier+cochoncréole+boeufgardien/cabritCapitalisa=on:+/++

PropriétaireabsenteisteW:métayerSAU:3-5cxSP:SAFcaféier-cacaoyerCapitalisa=on:+

Prop:ExploitantW:métayer+journalierSAU:10-15cxSP:SAFbanane/canne-systèmevivrier-SAFcacaoyer/cafeier+boeufCapitalisa=on:+

Popriétaireabsenteiste/prochedupouvoirW:métayer+journalierSAU:30cxSP:canne,banane,coton,vivresCapitalisa=on++

Métayer/Pe=tPropSAU:0,5-2cxSP:systèmevivrier/SAFcaféier+boeufgardien/cabritCapitalisa=on:-/+-

PropriétaireexploitantW:exploitantSAU:1-2cxSP:SAFcaféier-cacaoyerCapitalisa=on:+

PropriétaireabsenteisteW:métayerSAU:1-3cxSP:SAFcacaoyer-Capitalisa=on:++

Prop:ExploitantW:métayer+journalierSAU:5-10cxSP:SAFbanane/canne-systèmevivrier-SAFcacaoyerCapitalisa=on:++

Métayer/Pe=tPropSAU:0,5-2cxSP:systèmevivrierplaineetmorne/SAF+boeufgardien/cabritCapitalisa=on:-/+

PropriétaireexploitantW:exploitantSAU:0,5-2cxSP:SAFcacaoyer+svivrierplaine+bananeCapitalisa=on:+

1957 1986:

sor$edeagriculture

migra$onéconomique:RepDom

migra$onéconomique:RepDom

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Lessans-terreCette catégorie sociale est composée premièrement des sans terre. Leurs parents (métayers ou très petits propriétaires) n’ont pas pu capitaliser et du fait du nombre important d’héritiers, certains n’ont plus aucun héritage. Parfois, ils ont été évincés de l’héritage si conçus hors-mariage. Ils travaillent soit comme ramponiste à plein temps3 soit sont en exil à l’étranger.

Lesmétayers/petitspropriétairesdesmornes0,5–2cx Cette catégorie est composée de très petits propriétaires à l’installation (1/8 -1/4 cx). Ils complètent leur foncier en faisant du métayage et/ou du fermage, se vendent comme travailleurs journaliers et achètent des arbres sur pieds pour faire du charbon. Ils s’agrandissent progressivement mais ont des marges d’agrandissement variables selon le niveau de départ (taille et localisation). Les achats de terre se sont faits à travers l’élevage bovin principalement et surtout quand le rapport du prix bêtes/terre était favorable. En 70-90, la vente d’un bœuf pouvait permettre d’acheter 0,25 carreau de terre de moyenne productivité comme des systèmes vivrier ; en comparaison, aujourd’hui il faudrait 5 à 10 bœufs pour acheter la même parcelle. Leur parcellaire morcelé est une combinaison entre SAF, système vivrier de plaine et/ou de morne.

à Certains n’ont pas ou presque pas de terre au début de leur vie active (métayers et fils de métayers). Ils ont pu s’exiler comme travailleur agricole à l’étranger (USA, Rep. Dom) pour capitaliser et acheter des terres directement à leur retour.

à D’autres ont pu obtenir des parcelles chez leurs anciens propriétaires après les « déchoukaj ». Le revenu tiré de l’exploitation combiné à la vente des bovins élevés sur la terre des grands dons leur a permis d’avoir accès à la propriété foncière.

à Une partie à pu bénéficier d’opportunités d’emplois et peuvent compléter leur revenu agricole par une autre activité rémunératrice (maçon, mototaxi, loueur de chevaux) qui s’insèrent bien dans leur calendrier agricole. Ils peuvent s’agrandir plus vite. Le cycle de capitalisation qui suit le cycle de vie est un processus qui peut être plus ou moins long selon les aléas de la vie (décès, maladie, accident). C’est souvent en approchant de la retraite et donc de la transmission qu’ils arrivent à être propriétaires de toutes les parcelles qu’ils cultivent et à atteindre des SAU de 2 carreaux.

Lespropriétairesexploitantsdebas-fond0,5-2cx Ce sont à l’origine les plus petits propriétaires de bas-fond qui avaient des capacités de capitalisation limitées du fait de leur foncier limité. Ils n’ont pas pu envoyer leur enfant à l’école mais ont pu s’agrandir en plaine après le « déchoukaj ». Ils bénéficient au départ de parcelle dans les milieux les plus productifs donc ont des capacités de capitalisation plus rapide que dans les mornes.

Lesgrandpropriétairesexploitantsdepiedmont/plateau5-10cxIlssont lesgrandspropriétaireshistoriquesde lazone.Descendantdemilitaireoudeprêtre du vaudou, ils possèdent, dans la zone de transition/piedmont, de grandesparcellescontigües.Ilsontdûcependantamputerunepartiedeleurfoncierpourpayerles études de leurs enfants. Généralement un des héritiers reste pour s’occuper desterres familiales en indivision. Cela permet de limiter la division par héritage; celui qui 3Ramponiste:travailleuragricole

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reste sur l’exploitation doit néanmoins selon les besoins ou demandes donner une partie de sa production à ses co-héritiers. Ils ont accès à tous les zones agroécologiques et ont des revenus diversifiés assurés. Faute de main-d’œuvre familiale disponible pour s’occuper de toute l’exploitation, ils font appel à des travailleurs journaliers et cèdent une partie de leur terre en métayage ou en fermage pour les paysans des mornes.

Lespropriétairesabsentéistesdebas-fond1-3cx Fils ou fille restant(e)s des grands propriétaires de bas-fond, ils ont eu accès à une instruction de qualité qui leur a permis de quitter l’agriculture vers des emplois de notables. Ils gèrent la répartition des terres familiales à céder en métayage. Leurs parents qui sont des propriétaires historiques ont vendu une partie des terres pour payer les études et l’émigration de leur enfant. La plupart des héritiers résident à Port-Au-Prince ou à l’étranger. Parfois toute la famille vit à l’étranger, les terres sont vendues ou confiées à un gérant.

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II. Une diversité de systèmes du cultures donc des résultats du PTTA inégaux Les systèmes agroforestiers (SAF) sont mis en place sur toutes les zones agroécologiques : plaine, versant ou morne. Pour comprendre le fonctionnement de ces systèmes, il convient de s’entendre sur leur définition. Plusieurs auteurs se sont essayés à définir l’agroforesterie depuis les années 70. Nous pourrons retenir celle de Torquebiau (2000) qui place cette forme de production au rang des autres activités agricoles : « l’agroforesterie est la mise en culture d’une parcelle avec une association simultanée ou séquentielles d’arbres, de cultures annuelles ou de productions animales pour obtenir des biens et des services utiles à l’homme ». Selon cette acceptation, tous les systèmes de cultures de notre zone sont agroforestiers dans le sens où, l’association entre culture se fait toujours avec quelques essences ligneuses. Pourtant ils sont très divers, certains ne contenant que quelques arbres et d’autres s’apparentant en terme de structure et de complémentarité à des forêts complexes. Ces derniers correspondent à des agroforêts complexes, définies toujours par Torquebiau (2000) comme caractérisées par « une composante arborée multi-étagée, dense et diversifiée qui leur confère une physionomie typiquement forestières ». Les différents systèmes de cultures présents dans la zone sont étudiés au vue de leur fonctionnement technique, leur performance technico-économique ainsi que l’impact du PTTA à savoir, la pertinence technique du projet, les changements induits dans le fonctionnement du système en fonction aussi de ceux qui les mettent en œuvre. Pour rendre les systèmes plus comparables, les performances seront données pour 0,25 carreau (surface la plus répandue).

1. Des systèmes agroforestiers de bas-fond très productifs Les systèmes agroforestiers de bas-fond correspondent aux SAF complexes définis ci-dessus. Ils ont été mis en place principalement dans la vallée de Milot dans les zones de bas-fond aux sols profonds mais aussi dans une moindre mesure dans certaines cuvettes d’accumulation sur le plateau de La salle. L’altitude du plateau ne constitue pas un facteur de différenciation, les SAF complexes constituent eux même un microclimat spécifique. Caractérisés par une grande diversité spécifique et variétale d’arbres et de pluriannuelles, ils se décomposent en plusieurs strates : -la strate arborée : saman, pois-doux, arbre à pain, arbre véritable, manguier, agrumes -la strate arbustive haute : cacaoyers, bananiers (variété « loup garou ») -la strate arbustive basse : caféiers, bananiers (variétés « France », « jédinette », « poban » , « machin ») -la strate herbacée: taros, ignames (variétés « rouge », « Martinique », « France », « plimous », « guinée ») La strate arborée est composée d’arbres de couverture dont les espèces emblématiques sont le saman (Samanea Saman) et sucrin ou pois doux (Inga Vera). Ces deux essences possèdent en commun des qualités qui font d’elles des incontournables de ces systèmes agroforestiers : - ce sont des légumineuses, elles participent à la fixation de l’azote atmosphérique et à travers le cycle de l’azote à la fertilisation du sol; -leur croissance rapide permet très vite d’atteindre un niveau d’ombrage favorable au développement des cacaoyers/caféier/bananier ; -leur port très haut (~20m) avec des couronnes très étalées garantit un niveau d’ombrage adéquat aux espèces des strates inférieures ; -elles peuvent être transformées en charbon.

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Cependant il convient de noter que les deux espèces sont exigeantes en eau (Lilin.C, 1989) et peuvent concurrencer les autres espèces pour l’eau. La strate arborée est aussi constituée d’arbres fruitiers et d’arbres à forte valorisation économique comme le chêne (Catalpa Longissima) bois d’œuvre apprécié pour la fabrication de planches. Les fruitiers sont le manguier (Mangifera Indica), l’avocatier (Persea Americana), l’arbre à pain et l’arbre véritable, deux variétés d’une même espèce (Artocarpus Altilis Parkinson Fosberg), et les arbres du genre citrus : pamplemoussier (Citrus Grandis L), bigaradier ou orange amer (Citrus Aurantium L), orange douce (Citrus Sinensis L). Ces arbres ont tous une vocation productive que ce soit pour la vente de fruits sur le marché ou pour l’autoconsommation. Les plus grands spécimens peuvent servir d’arbre d’ombrage, notamment le manguier et tous intégralement peuvent être transformés en charbon. Les citrus subissent depuis quelques années l’attaque de la maladie du dragon jaune qui a décimé les peuplements. Tous les arbres du système ont un rôle majeur dans la restitution de la fertilité avec la remontée verticale des éléments minéraux des couches profondes qu’ils restituent sous forme de matière organique via les débris végétaux (figure 16).

La strate arbustive haute et basse est composée de cacaoyers, bananiers, caféiers. Les cacaoyers et les caféiers constituent historiquement les peuplements principaux avec une tendance depuis les années 90 à la dominance des cacaoyers en nombre et en contribution de la richesse créée. Située dans les parcelles aux conditions agronomiques les plus favorables (sol profond, riche en matière organique, nappe phréatique proche), elle comporte les systèmes les plus denses en cacaoyers (600 à 700 pieds/carreau) qui y sont particulièrment adapté (annexe 2) et en bananiers pour les SAF.

Figure 16 : cycle de l’azote, importance des arbres pour la libération d’azote sous forme de litière (Dupraz C. & al, 2011)

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-la strate herbacée est souvent limitée à cause de la concurrence avec les autres espèces pour les rayons lumineux. L’igname qui est une liane grimpante est donc particulièrement bien adaptée au milieu. Le taro est rarement présent, mais peut s’implanter en cas de trouée importante. La diversité des espèces associées implique une exploration différenciée des strates du sol, les potentialités nutritives du sol sont beaucoup mieux exploitées.

Figure 17 : calendrier de travail4 des SAF de bas-fond pour 0,25 cx

Figure 18 : Répartition du temps de travail des SAF de bas-fond pour 0,25 cx Ces systèmes agroforestiers sont maintenus avec peu de travail (figure 17 & 18). Pour lutter contre les adventices, deux sarclages sont nécessaires au minimum, ils sont faits chacun entre les récoltes du cacao donc en mai, juin ou juillet et en décembre, janvier ou février. Cela donne une certaine flexibilité à l’agriculteur pour éviter les pics de travail en cas de cumulation de systèmes agroforestiers au sein d’un système de production. Une légère taille sanitaire des cacaoyers accompagne le sarclage pour couper les branches mortes, malades et celles qui descendent vers le sol. Le transfert vertical de fertilité et l’exploration des 4Ladifférenceentreletotalenhomme-jourducalendrierdetravailetdelafigure3(95,7hjcontre75hj)s’expliqueparlecaractèreponctueldecertainesopérations.Lecalendrierdetravailestcensématérialiserles pics de travail, il simule donc l’année la plus chargée possible. En réalité certaines opérations sontoccasionnelles: plantation igname (1/3 ans), débranchage (1/3 ans), gros charbon (1/8 ans) et petitcharbon(1/3ans).Pouravoirletravailmoyensuruneannée,onseréfèreraàlafigure3quiestunevaleurmoyenne.

OPERATION/TPSW(hj) Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecTAILLE 2,01ERSARCLAGE 20,02EMESARCLAGE 20,0RECOLTECACAO 450livressèches/150pieds 2,2 3,6 3,6 0,7 1,8 1,8RECOLTECAFÉ 1,5bidonsec 0,7 0,7PLANTATIONBANANEMUSQUEEPLANTATIONBANANEFIGUE 200plants/5ans 1,0RECOLTEBANANE 100régimes/an 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6ENTRETIEN/RECOLTEIGNAME 40buttes/15mois 0,9 0,9 0,9PLANTATIONIGNAME 2sacs/3ans 2,7CUEILLETTEPAMPLEMOUSSE 4,6sacs/an 0,7CUEILLETTEORANGEDOUCE 4,9sac/an 0,7CUEILLETTEAVOCAT 4,1sac/an 0,3 0,3DEBRANCHAGE 1,3CHARBON 3sacs/3ans 18,0CHARBON 15sacs/8ans 3,6TOTALHJ 23,4 2,0 7,3 4,2 4,2 0,6 23,5 0,9 2,3 3,0 2,4 21,4 95,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

homme-jour

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différentes strates du sol par les espèces associées assurent le renouvellement de la fertilité sans qu’il y ait besoin d’apport extérieur de fertilisant. La plantation des bananiers se fait en renouvellement progressif pour ne pas créer de coupure dans le rythme de production, les rejets sont soit prélevés au sein de la même parcelle, soit dans un autre système de culture au sein de l’exploitation soit achetés à d’autres paysans. La plantation des bananiers comme des ignames se fait en saison des pluies, généralement en mars-avril mais peut aussi se faire en septembre-octobre. L’igname est plantée dans l’horizon humifère puis recouvert de litière pour former des buttes. Les récoltes s’étalent toute au long de l’année pour la banane assurant une sécurité alimentaire et monétaire indispensable. L’igname « sigin » joue le même rôle que la banane au sein du foyer. Un tubercule peut donner jusqu'à trois récoltes et peut rester en terre pendant plusieurs années sans perdre de ses qualités nutritives et gustatives. Trois grandes périodes de récoltes se distinguent car elles correspondent à des besoins en trésorerie (mars-avril pour la fête de la citadelle, décembre pour les fêtes de fin d’année et juillet « petite période de soudure »), mais selon les besoins alimentaires, des prélèvements peuvent aussi se faire tout au long de l’année.

• La période de récolte du cacao s’étend sur 6 mois, en grande et petite saison coïncidant avec la période de plantation des cultures vivrières. C’est intéressant pour l’agriculteur qui bénéficie d’une entrée de liquidité en période d’achat des semences.

• Les agrumes en théorie peuvent se récolter en grande saison (février, mars) et aussi à la saison dite « carême » en plus petites quantité. Avec la maladie récente, la récolte de la période « carême » semble disparaître. Pour les autres fruitiers mentionnés plus haut (les artocarpus et les manguiers), ils n’apparaissent pas à ce stade d’analyse bien que jouant un rôle fondamental dans l’alimentation des ménage et du petit élevage. Ils peuvent être ramassés dans n’importe quelle parcelle (parfois même chez les autres) et une fois que les besoins alimentaires de la famille sont remplis, ils sont laissés gâtés au champ. Si un agriculteur a ramassé son « quota » de mangues dans la parcelle A, les mangues de la parcelle B ne seront pas valorisées. Cela signifie que l’on comptera l’apport économique de ces fruits au niveau du système de production en prenant un chiffre moyen sur l’année. La saison de récolte des mangues et des artocarpus s’étale d’avril à août.

• Le café se récolte en petite saison (septembre, octobre, parfois jusqu’à novembre-décembre. Pendant l’âge d’or du café, les liquidités importantes venant de la récolte du café (qui tombe en début d’année scolaire) permettaient de payer les frais scolaires.

Enfin, la transformation des espèces ligneuses en charbon est une activité rémunératrice qui peut s’insérer n’importe quand dans le calendrier. On distingue deux rythmes structurels pour l’activité charbonnière : un rythme rapide, où chaque 3 ans, l’agriculteur peut faire 3-4 sacs avec les produits d’élagage (l’agriculteur élague les branches trop couvrantes des arbres de couverture chaque 3 ans pour donner un peu de lumière aux cacaoyers), un rythme plus lent qui consistent à abattre les arbres vieux ou malades en moyenne tous les 8 ans, cela donne des grosses quantités (~12-15 sacs). Depuis quelques années, le rythme d’exploitation est plus élevé à cause du nombre important d’agrumes touché par la maladie du dragon jaune. Ce rythme peut aussi varier en fonction de la situation économique du ménage. Les agriculteurs défavorisés, pris dans un cycle de pauvreté croissante au moment critique accélèrent leur rythme d’abatage des arbres adultes. Passé une certaine fréquence (~1 arbre tous les 3-4 ans), le capital biologique ne peut pas se renouveler assez vite ce qui entraine un appauvrissement de la fertilité et à terme un changement vers les systèmes vivriers. Cette surexploitation peut arriver dans le cas de contrats entre propriétaires absentéistes et exploitants non permanents. Les chênes (appelés par certains « bois vieux-jours ») peuvent être considérés comme un capital retraite mobilisable en cas de besoin sous forme de planches.

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Tableau 4 : performance économique du SAF de bas-fond

Performance économique SC pratiqué par l'agri PB (htg/an/0,25cx) 37208 CI (htg/an) 1600 VAB (htg/an) 35608 HJ/0,25cx 75 VAB/cx (htg/cx/an) 142433 VAB/hj (htg/hj/an) 475 SAU max (cx) 1

La complémentarité de ces espèces en terme agronomique (exploitation de différents horizons dans le sol, différente valorisation des rayons lumineux, fertilisation par remontée verticale), leur rôle pour le ménage (autoconsommation et vente réparties sur toute l’année) et la densité relatives des espèces associées font de ce système le plus performant de tous les systèmes de culture de la zone. Ils ont les meilleures performances économiques tant sur le plan de la productivité du travail que sur celle de la terre (tableau 4). La plus forte contribution à la VAB provient de la banane et du cacao devant l’igname et le café. Cependant leur situation géographique peut diminuer leur performance. Ces SAF situés dans et en limite de zones urbanisées de Milot rentrent en compétition avec l’usage non agricole de la terre (prix du foncier très élevé pour le bâtis immobilier) et sont soumis aux risques de vols ; surtout les ignames, mais aussi les bananes et plus rarement les cabosses de cacao. Les jeunes plants sont aussi souvent détruits par le pâturage illégal la nuit.

Pertinencetechnico-économiquedupaquettechniquenouvelleplantationLes bas-fonds de Milot constituent un milieu d’accueil optimal pour l’implantation du paquet : ombrage déjà établi, richesse en matière organique car occupé depuis plus d’un siècle par des systèmes agroforestiers complexes et bénéficiant d’un microclimat relativement humide. Cela se manifeste par des taux de survie des nouvelles plantations plus importants que dans les autres zones agroécologiques, par une croissance et une maturité plus rapide. Pour autant, même si le paquet est adapté d’un point de vue pédoclimatique, il n’apporte pas d’innovation majeure et n’est pas moteur de changement technique donc pas non plus moteur d’amélioration durable du revenu. En effet, les espèces proposées dans le paquet sont les mêmes que celles déjà implantées par les agriculteurs dans ces SAF (cacao-igname-banane). Les densités par espèce proposées sont semblables pour la banane (~200/carreau), proches pour le cacao (800 dans le paquet contre 600-700 dans le système existant). La seule différence notable concerne l’igname. Le paquet permet un enrichissement en igname. Cependant, si l’igname permet d’augmenter la VAB, les risques de vols menacent la durabilité du changement. L’apport du fertilisant organique représente le deuxième changement introduit par le paquet. Pour autant, la quantité de fertilisant promue par le projet de 64,5 sacs de riz par carreau ne garantit pas un meilleur taux de survie pour les plantules ni une augmentation du rendement. R.Lotodé et P.Jadin (1981) mettent en évidence que l’augmentation des rendements consécutive à un apport de fertilisant dans les cacaoyères n’est observée que si les conditions climatiques sont favorables par ailleurs. Ils situent le seuil de pluviométrie à 1400 mm/an, limite en dessous de laquelle l’effet engrais ne s’exprime pas sur les rendements. D’après les données pluviométriques relevées à Grande-Rivière-du-Nord, sur les dix dernières années, il y a eu cinq années où le total des précipitations n’a pas atteint 1400 mm/an. Pour évaluer la quantité de sacs de fumiers nécessaire pour compenser les exportations, il faudrait : 1) que la formulation des engrais soit commune à tous les fournisseurs ce qui semble ne pas être le cas

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aujourd’hui, 2) doser les apports en N-P-K mais aussi en Ca et en Mg, minéraux essentiels à la nutrition des cacaoyers. Les subventions du PTTA participent en revanche à la réduction des frais de renouvellement de la parcelle. Ceux-ci, correspondent aux amortissements biologiques : drageons de banane tous les 5 ans, tubercules d’igname tous les 2 ou 3 ans et les coûts en main d’œuvre principalement concentrés sur le sarclage qui peut être soit sous-traité, soit fait par l’agriculteur lui-même. Dans ce dernier cas, l’apport PTTA revient à une subvention directe au revenu. Par ailleurs, la distribution de plantules de cacaoyers dans le cadre du projet n’est pas forcément pertinente. Avant le PTTA, les agriculteurs renouvelaient progressivement leur peuplement. Des graines étaient régulièrement plantées en dessous des bananiers pour remplacer au fur et à mesure les individus déclinants. Même cas de figure pour les arbres forestiers et de couverture dont le renouvellement consiste seulement en la sélection des jeunes plants spontanés pouvant se développer. Dans tous les cas, le renouvellement de la strate arborée demande très peu de travail quand le système est à l’équilibre. Les agriculteurs lorsqu’ils passent sur la parcelle sélectionnent les plants spontanés et les protègent des concurrences adventices ou des prédateurs. Planter un nombre important de plantules de cacaoyers du PTTA (~800/carreau) sous les individus matures peut au mieux permettre de renouveler les individus déclinant, combler les trouées occasionnelles, au pire constituer une charge de travail inutile. L’impact du PTTA, dans ce type de SAF, consiste en une subvention indirecte du revenu en réduisant les coûts de renouvellement (excepté pour les cacaoyers, les arbres forestier et de couvertures) et le sarclage ; coûts qui faisaient partie intégrante du système déjà existant.

Tableau 5 : Comparaison des performances économique du système de culture pratiqué par l’agriculteur et du système de culture promu par le PTTA

PERFORMANCE ECONOMIQUE SC pratiqué par l'agri SC promu par PTTA5

PB (htg/an) 37208 39608 CI (htg/an) 1600 1200 VAB (htg/an) 35608 38408 HJ 75 82 VAB/cx (htg/cx/an) 142433 153633 VAB/hj (htg/hj/an) 475 471

La comparaison des performances technico-économiques entre le système sans subvention et une simulation idéale du système avec subvention (tableau 5), montre que le paquet technique augmente la productivité de la terre (VAB/carreau) mais diminue légèrement la productivité du travail (VAB/homme-jour), respectivement de +7,8% et de -0,8%. En effet, il y aurait une augmentation de la production brute liée à l’augmentation de la production d’igname, une baisse des consommations intermédiaires par la prise en charge des plants de bananes, le tout pour une quantité de travail supérieure la première année avec le paquet (temps de plantations des plantules de cacaoyers et d’arbres de couverture et temps d’application du fertilisant). Le temps de travail à 82 hj la première année baisse ensuite pour se stabiliser légèrement au dessus de 75hj (temps de travail lié à l’entretien et à la récolte d’ignames distribuées par le PTTA). Cette simulation compare la situation de départ avec la situation idéale qui a motivé le paquet technique. Or, au fil des enquêtes, il est apparu des différences significatives entre les effets recherchés et les effets obtenus. Souvent, au niveau 5 La simulation des performances économiques dans la situation avec PTTA se fait sur l’annéed’implantation. L’augmentationde laquantitéde travail (75 à82hj) estdoncponctuelle. Laquantitédetravailrevient,lesannéessuivantesàlanormale.

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des fournisseurs, les paquets n’ont pas été distribués en entier (tableau 6). Il y a eu de fortes mortalités principalement pour l’igname et la banane, ensuite pour le cacao dans une moindre mesure. Plusieurs éléments viennent expliquer cet écart : - au niveau des fournisseurs, il y a une importante variabilité du contenu des paquets en terme de quantité de plantules distribuée et en terme de qualité, notamment sur les variétés de bananiers. Cette inégalité de l’offre dépend en grande partie des fournisseurs, de leurs disponibilités et des modalités d’approvisionnement en matériel végétal. La demande en plantules de cacaoyers, d’arbres de couvertures, de fertilisants n’existait pas du fait des pratiques de renouvellement progressif. Ce sont des fournisseurs opportunistes venant du cap qui se sont positionnés sur le marché et qui n’ont pas pu à leur installation assurer la disponibilité de l’offre en quantité et qualité ni la logistique (PECH B., 2015). - le taux de mortalité élevé des plantules, principalement lié au manque de pluie; facteur qui peut être aggravé en fonction de la zone agroécologique, du système de culture dans lesquelles les plantules s’insèrent et de la période de délivrance du matériel végétal. Les plantules dans les zones les plus fraîches et disposant d’un ombrage ont un meilleur taux de survie. La mortalité des bananiers s’explique, outre l’élément climatique, par l’inadéquation des variétés avec leur milieu (bananes plantains plantées sous ombrage). Concernant l’igname, le mode de préparation du matériel biologique et la sécheresse ont provoqué une mortalité voisine de 100%. D’après les agriculteurs, c’est la préparation en « mini-set » qui consiste à découper en petits dés les tubercules qui les fragilisent. La liane n’a pas assez de réserve pour grimper et accéder à la ressource solaire. La majorité des agriculteurs a expliqué la forte mortalité des plantules par la sécheresse exceptionnelle de 2015, certains ont fait également état de mauvais état sanitaire des plantules. En réalité, il est compliqué de se prononcer sur l’état sanitaire des plantules dans un contexte de grande sécheresse et cela nécessiterait un contrôle pointu en amont au niveau des pépinières. La modélisation des performances technico-économiques du SAF intégrant ces apports réels du PTTA pour une année de sécheresse comme celle de la grande saison 2015 permet de fixer la borne inférieure du champ des possibles laissant imaginer toute une gamme de scénarii intermédiaires. D’autre part, cela montre à quoi s’attendre en cas de « mauvaise année », ce qui, d’après les données climatiques, risque de se produire plusieurs fois par décennie. Pour le contenu des paquets technique distribués par les fournisseurs, le chiffre moyen de 70% du paquet effectivement distribué estimé d’après un échantillon de 15 agriculteurs interrogés est retenu. La mortalité des plantules sera différente pour chaque espèce, pour chaque système de culture hôte.

Tableau 6 : Variabilité de la composition du paquet et taux de mortalité selon les zones

Paquet Variations fournisseurs Taux survie bas-fond

Taux survie versant

Taux survie plat non boisé

Préparationsol 84% 0% 0% 0% cacao 88% 75% 50% 50%

bananier 78% 75% 75% 50% igname 37% 5% 0% 0%

arbred'abris 38% 90% 90% 75% sacd'engrais 41% - - -

applicationfumier 41% - - - assistancetechnique 81% - - -

préparationsol 84% - - -

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Estimation des taux de survie selon les dires sur un échantillonnage de 15 agriculteurs représentants une diversité de situations. Il n’est cependant pas possible de généraliser ces données au vue de l’échantillonnage non statistiquement représentatif.

Tableau 7 : Comparaison des performances économiques des SAF de bas-fond pratiqués par l’agriculteur, promu, et effectivement versé

PERFORMANCE ECONOMIQUE

SC pratiqué par l'agri

SC promu par PTTA

SC promu par PTTA + subvention versée

PB (htg/an) 37208 39608 37283 CI (htg/an) 1600 1200 1374 VAB (htg/an) 35608 38408 35909 HJ 75 83 79 VAB/cx (htg/cx/an) 142433 153633 143637 VAB/hj (htg/hj/an) 475 464 454

L’augmentation de la VAB entre la situation telle que pratiquée par l’agriculteur et la situation avec le paquet réel reçu est négligeable (0,4%) (tableau 7). Les consommations intermédiaires sont réduites : avec les taux de mortalité, les plantules du PTTA ne suffisent pas à couvrir toute la parcelle, le paysan doit payer une partie pour compléter. Les ignames du PTTA de la première campagne mini-set ont eu un taux de mortalité avoisinant 100%, ceci n’a ni intensifié ni même contribué aux frais de renouvellement. Par contre la quantité de travail fourni a augmenté pour planter les plantules de cacaoyers, l’application d’engrais et les plantules des arbres de couverture. Pour les SAF déjà mis en place, l'impact du PTTA est indirect : le système technique ne change pas et le paquet n’apporte aucune innovation majeure. Les couts liés à la main-d’œuvre ont ponctuellement diminué grâce à la subvention sur le sarclage, lequel était déjà réalisé par l’agriculteur. Ce paiement n’implique aucun changement technique ni économique durable mais représente une subvention directe ponctuelle sur le revenu de l’agriculteur. La subvention allouée au frais de sarclage étant surestimée par rapport au cout réel du sarclage, il reste toujours une partie en plus après le paiement du sarclage dans les mains de l’agriculteur (tableau 8). Le tableau présente le rapport entre la part de subvention restante après le paiement du sarclage sur l’augmentation du temps de travail induit par le paquet PTTA.

Tableau 8 : part de la subvention restante/ homme jour

SC promu par PTTA

SC promu par PTTA + subvention versée

en réalité Part de la subvention restante après paiement

du sarclage (htg) 3500 2620

Augmentation du temps de travail par rapport au système pratiqué par les agriculteurs (hj) 7 4

Part de la subvention restante/ augmentation du temps de travail (htg/hj) 526,8 620,5

Dans les deux cas, c’est à dire dans le système idéal promu par le PTTA et le système réel résultant du paquet technique, l’augmentation du temps de travail est largement compensé par les frais restant après le paiement du sarclage. Cela revient à payer chaque heure travaillée en plus respectivement 526 et 620 htg ce qui est largement au dessus du coût d’opportunité du travail de 100 htg/jour (annexe 6).

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2. Une diversité de systèmes agroforestiers de versant Les versants des mornes constituent une grande partie du territoire de Milot. Ils sont généralement sableux, peu profonds avec une teneur en matières organiques variable selon l’occupation historique des sols. L’exposition au soleil est déterminante pour les cultures. Les systèmes agroforestiers complexes se retrouvent préférentiellement sur les versants peu exposés ou sur versants sud mais en bord de ravine.

Illustration 7 : Systèmes agroforestiers de versant La strate de couverture présente la même diversité que des SAF de bas-fond (saman, pois-doux, manguier, avocat etc.). C’est la densité relative des espèces qui varie et notamment des espèces de la strate arbustive entre cacaoyers, bananiers, ignames, caféiers. Trois facteurs expliquent la variabilité d’une parcelle à l’autre : - la localisation dans le versant, notamment la présence de ravine et la déclivité. Le cacaoyer se développe bien sur les sols profonds caractéristiques des ravines (annexe 2). Les parcelles situées sur les interfluves et sur les fortes pentes auront donc moins voir aucun cacaoyer. Les parcelles en altitude (~600-700m) concentrent les plus grandes densités en caféiers. Les parcelles situées en haut des mornes sont moins adaptées au SAF de par les potentialités agronomiques réduites. -la situation économique des familles qui peut jouer sur la capacité d’investissement en matériel végétal. -la localisation par rapport au lieu d'habitation. Les petits propriétaires de morne, n’ont pas toujours les moyens d’investir dans l’achat de matériel végétal (banane, ignames) pour mettre en place ou développer une densité optimale d’espèces sur toutes leurs parcelles. Ils privilégient celles qui sont à proximité de leur maison. En effet cela peut raccourcir considérablement les temps de trajet et sa pénibilité et permet un meilleur suivi. Quitte à investir, ils préfèrent le faire sur les meilleurs sols. Pour évaluer les performances, considérant les proportions variables de chaque espèce d’une parcelle à l’autre et donc des contributions variables à la création de richesse, deux archétypes ont été modélisés en fonction du nombre de buttes d’igname, de bananiers, de caféiers et de cacaoyers toute chose égale par ailleurs, ces espèces ayant une forte contribution dans la valeur ajoutée totale.

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Unsystèmeagroforestierdenseenignameetbanane,moinsencaféetcacaoyers

Figure 19 : Calendrier de travail du système de versant 1 pour 0,25 cx

Figure 20: Répartition du temps travail du système de versant 1 pour 0,25cx Les parcelles de pentes moyennes (~30°), sont « remplies » en bananiers (~175 bananiers/0,25cx), en ignames (~30 buttes) avec peu de caféiers. Les cacaoyers sont des espèces demandant un sol profond, donc ne sont pas adaptés excepté en bord de ravine. Ces systèmes sont réservés aux agriculteurs qui ont les capacités d’investissement pour renouveler tous les 3 ans les bananiers et les ignames. Les arbres de couverture, fruitiers, bois d’œuvre sont en densité équivalente à celle des systèmes de bas-fond. Ce qui différencie alors ce système des SAF de bas-fond, c’est principalement le nombre de cacaoyers (800/cx pour les SAF de bas-fond contre 80/cx pour ceux de versants) et dans une moindre mesure les bananiers (800/cx pour les SAF de bas-fond contre 700/cx pour ces SAF). La conduite technique est presque similaires à celle des SAF de bas-fond : seule la durée des deux sarclages diminue légèrement en raison de la pente qui diminue la pénibilité du travail. Les modalités et les périodes de plantation et de récoltes sont les mêmes (figure 19 & 20). Le paquet technique « nouvelle plantation » apporte peu de changements techniques et aucunes innovations. Les bénéficiaires du PTTA qui mettent en œuvre ces SAF ne l’ont pas adopté dans son intégralité : • Pour les cacaoyers, il n’est pas pertinent puisque les densités promues sont les mêmes que dans les systèmes de bas-fond alors que l’espèce n’est pas adaptée à ce milieu (annexe 2). Le

OPERATION/TPSW Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecTAILLE 0,21ERSARCLAGE 18,02EMESARCLAGE 18,0RECOLTECACAO 60livressèches/20pieds 0,3 0,5 0,5 0,1 0,2 0,2RECOLTECAFÉ 2bidonssec 0,9 0,9PLANTATIONBANANEMUSQUEEPLANTATIONBANANEFIGUE 173plants/5ans 0,9RECOLTEBANANE 87régimes/an 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5ENTRETIEN/RECOLTEIGNAME 40buttes/15mois 0,9 0,9 0,9PLANTATIONIGNAME 2sacs/3ans 2,7CUEILLETTEPAMPLEMOUSSE 4,6sacs/an 0,7CUEILLETTEORANGEDOUCE 4,9sac/an 0,7CUEILLETTEAVOCAT 4,1sac/an 0,3 0,3DEBRANCHAGE 1,3CHARBON 3sacs/3ans 3,6CHARBON 15sacs/10ans 18,0TRANSPORT 30mnx3/semaine 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3TOTALHJ 24,7 3,2 6,5 2,3 2,3 1,8 20,9 2,1 3,1 2,9 2,0 20,7 92,4

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

homme-jour

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risque de mortalité est plus élevé pour cette espèce qui préfère les sols profonds avec de bonnes rétentions d’eau. • Pour la banane, il permet de renouveler les peuplements mais ne permet pas l’intensification, le système développé par les bénéficiaires étant déjà au maximum. • Pour l’igname, le paquet technique correspond à une intensification avec l’apport de nouveaux tubercules. Le sarclage recommandé est conforme aux pratiques des agriculteurs ; en cela, le PTTA n’apporte qu’une subvention à l’entretien annuel de la parcelle. Enfin, la composante fertilisation peut être questionnée ou plutôt sa dimension pratique. Les agriculteurs ne transportent pas les sacs d’amendement dans les mornes (illustration 7). Il est pourtant possible de louer un âne pour monter les sacs dans les mornes, mais le rapport coût/bénéfice ne semble pas avantageux.

Illustration 8 : Sacs d’amendement du PTTA stocké en bas des mornes

Tableau 9 : Comparaison des performances économiques des SAF v1 (0,25 cx) pratiqués par l’agriculteur, promu et effectivement versé PERFORMANCE ECONOMIQUE

SC pratiqué par l'agri

SC promu par PTTA

SC promu par PTTA + subvention versée

PB (htg/an) 24042 26442 24042 CI (htg/an) 1546 1200 1200 VAB (htg/an) 22496 25242 22842 HJ6 71 78 75 VAB/cx (htg/cx/an) 89984 100970 91370 VAB/hj (htg/hj/an) 316 324 304 SAU max (cx/actif) 1,05

En théorie, les ignames, permettent d’augmenter le produit brut de 24 042 à 26 442 (=10%), mais la première campagne a été marquée par une mortalité quasiment intégrale des ignames mini-set, ce qui explique la stagnation du PB entre la situation de base et la situation où l’agriculteurs a reçu le paquet réel (tableau 9). Ceci entraine un léger investissement en travail perdu pour un PB constant, une CI baissant très légèrement conduisant à une diminution de la productivité du travail. Elle pourrait être légèrement supérieure si l’augmentation des densités était conforme aux prévisions théoriques. Le paquet n’apporte pas de changements majeurs. Il est inadapté au niveau de la composante cacaoyère. Malgré tout, il permet d’aider au renouvellement des bananiers voir d’intensifier le système en igname ce qui peut être significatif pour les familles les plus vulnérables.

6Les temps de travail correspondent à une moyenne sur 5 ans à la différence du calendrier de travail(figure18)quiprendencompteletempsdetravaildesopérationsponctuelles(charbon,plantationignameetc.)sanslesamortir.

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Unsystèmeagroforestierrelativementplusdenseencaféiers

Figure 21 : Calendrier de travail du système versant 2 pour 0,25 cx

Figure 22 : Répartition du temps de travail du système versant 2 pour 0,25 cx Les caféiers ont été plus épargnés par les épisodes de ravageurs successifs que sur les autres milieux. Sur les versants mais plus haut en altitude (~400-600m), ces systèmes sont mis en place par des petits agriculteurs et/ou fermier. Ils n’ont pas forcément les capacités ou les intérêts pour investir massivement dans les pluriannuelles. Pour les bananiers, les densités sont moindres de par la concurrence avec les caféiers. Les systèmes précédents étaient peu riches en cacaoyers car sur des pentes. Ceux-ci le sont encore moins car ils se situent plus haut sur des pentes plus abruptes. Les opérations techniques similaires consistent en : deux sarclages avec taille sanitaire et exploitation des arbres morts ou malades via un four à charbon tous les 8 ans. A noter que le temps de trajet est plus important pour accéder à ce type de système parce que situé en haut de pente (figure 21).

OPERATION/TPSW Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecTAILLE 0,21ERSARCLAGE 18,02EMESARCLAGE 15,0RECOLTECACAO 30livressèches/10pieds 0,1 0,2 0,2 0,0 0,1 0,1RECOLTECAFÉ 4bidonssec 1,8 1,8PLANTATIONBANANEMUSQUEEPLANTATIONBANANEFIGUE 100plants/5ans 0,5RECOLTEBANANE 80régimes/an 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3CUEILLETTEPAMPLEMOUSSE 3,1sacs/an 0,5CUEILLETTEORANGEDOUCE 2,4sac/an 0,4CUEILLETTEAVOCAT 4,1sac/an 0,3 0,3DEBRANCHAGE 1,3CHARBON 3sacs/3ans 3,6CHARBON 15sacs/10ans 18,0TRANSPORT 1h2/semaine 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7TOTAL 24,9 2,8 2,7 2,3 2,3 2,0 20,2 2,3 4,2 4,0 2,1 17,0 86,8

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

Jan

Fev

Mars

Avril

Mai

Juin

Juill

Aout

Sept

Oct

Nov

Dec

homme-jour

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Tableau 10 : Comparaison des performances économiques des SAF v2 (0,25 cx) pratiqués par l’agriculteur, promu, et effectivement versé

PERFORMANCE ECONOMIQUE

SC pratiqué par l'agri

SC promu par PTTA

SC promu par PTTA + subvention versée

PB (htg/an) 14876 21045 16151 CI (htg/an) 200 160 160 VAB (htg/an) 14676 20885 15991 HJ7 70 79 75 VAB/cx (htg/cx/an) 58704 83539 63964 VAB/hj (htg/hj/an) 209 263 212 SAU max (cx/actif) 1,11

Ces systèmes sont ceux pour qui la VAB augmente le plus (41%) avec le paquet technique bien que restant à des productivités de la terre et du travail plus faible que les deux systèmes précèdent (tableau 10). Cela est du aux conditions du milieu moins favorable. Dans ce cas-là, le paquet assure le renouvellement plus une légère intensification du peuplement bananier. Il couvre les frais de sarclage et assure une subvention sur le revenu aux agriculteurs. En conditions réelles, l’augmentation de la VAB est moins importante à cause du taux de mortalité important des ignames miniset, il permettrait avec des ignames traditionnelles d’intensifier plus efficacement le peuplement. Ces systèmes de cultures sont surtout mis en place par les fermiers des mornes ou des petits agriculteurs. Le projet prend ici son intérêt car il permet de donner à une impulsion à ceux qui en ont le plus besoin.

7Les temps de travail correspondent à une moyenne sur 5 ans à la différence du calendrier de travail(figure18)quiprendencompteletempsdetravaildesopérationsponctuelles(charbon,plantationignameetc.)sanslesamortir.

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3. Des systèmes vivriers de morne pour assurer l’alimentation de la famille et dégager un revenu supplémentaire

Unsystèmevivrierdemorneassociantcéréales/légumineuses/bananiersetautrespérennessurlesterres«fraîche»0,25cx

Illustration 9 : système vivrier de morne prêt à être emblavé A proximité du karst calcaire, les parcelles sur lesquelles sont implantées ces SAF présentent des blocs calcaires. Les terres dites « fraiches » sont argileuses et ont une bonne capacité de rétention en eau. Ces terres se retrouvent préférentiellement dans les replats des mornes ou sur des pentes légères (5%) à moyenne (20%). Elles pourraient être occupées par les systèmes agroforestiers mais correspondent historiquement aux anciens jardins lakou dans lesquels étaient bâties les cases des habitants des mornes. Aujourd’hui les agriculteurs ont déménagé en ville mais gardent toujours ces terres pour la production de culture vivrière. Elles sont souvent boisées en manguier, avocatier, agrumes, chênes mais avec des densités beaucoup plus faibles que les systèmes agroforestiers complexes. Ces quelques arbres offrent un environnement propice (ombre, matière organique, tuteur) à l’implantation d’igname. La plus grande partie de la surface est plantée en bananiers et maïs, pois nègre, gros pois, pois congo, persil, taro. Là encore il y a beaucoup de variations d’une parcelle à l’autre. L’archétype le plus représentatif correspond à une rotation de 3 ans de culture suivi d’une jachère de 2 ans. La banane plantain/poban est implantée en début de cycle en association avec le maïs, pois nègre, pois congo. Les cultures vivrières sont cultivées en inter-rang pendant deux ans excepté pour le pois congo qui peut être implanté pendant 3 ans ; les bananiers sont laissés 3 ans et pendant 2 années la parcelle est laissée en jachère arborée. Les branchages des arbres taillés permettent d’avoir une petite production en charbon tous les trois ans. Les blocs calcaires dans les parcelles, une fois éclatés peuvent être vendus sous formes de pile à condition qu’une route ou qu’un chemin facile d’accès existe. Très prisées dans un contexte de développement urbain important, elles serviront à la construction de fondations de nouvelles maisons ou la fabrication de chaux artisanale utilisée comme enduit de construction. Dans la stratégie des agriculteurs, ces parcelles diversifiées permettent de réduire les risques liés aux aléas climatiques et biologiques (maladies), tout en étalant les saisons de récoltes sur un temps long assurant ainsi une sécurité alimentaire et monétaire importante. Chaque espèce explore des volumes de sol différents, certaines sont des légumineuses (pois nègre et pois congo) et peuvent enrichir la parcelle en azote quand laissées après la récolte sous forme de résidus de culture.

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Figure 23 : Calendrier de travail du système vivrier de morne pour 0,25 cx

Figure 24: Répartition du temps de travail d’un système vivrier de morne (0,25cx) L’évaluation du PTTA dépend du moment du cycle pendant lequel les aides PTTA sont délivrées. En effet selon que le projet arrive en 1ère année ou en 5ème année, les implications techniques donc économiques peuvent être différentes l’année d’appui : banane déjà implantées ou non, terre à sarcler ou terre à défricher après deux ans de jachère etc. Pour l’évaluation, le scénario le plus favorable pour le projet c’est-à-dire en fin de jachère, a été choisi. Elle intègre un coût de défrichage légèrement supérieur à une situation dans lequel le projet arriverait en cours de cycle. Le projet permet de convertir le système existant en des systèmes agroforestiers complexes plus productifs. Si la pente est nulle et que l’accumulation de particule fine est forte et le sol profond, alors les nouveaux systèmes peuvent s’apparenter à des systèmes agroforestiers de bas-fond. Si la pente est plus élevée, il y aura une diminution des densités de cacaoyers. Les terrains plats de système vivrier de morne sont peut-être les mieux adaptés au paquet NP. Ni vierges, ni complétement boisés, ils bénéficient déjà d’un environnement propice (présence

OPERATION/TPSW Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec1ERSARCLAGE 10,82EMESARCLAGE 6,03EMESARCLAGE 6,0PLANTATIONMAÏS 3godets2ans/5 0,7RECOLTEMAÏSVERTRECOLTEMAÏSSEC 15marmittes2ans/5 0,1PLANTATIONPN 3godets2ans/5 0,7RECOLTEPNVERT 4,2sacs2ans/5 1,3RECOLTEPNSECPLANTATIONPC 3godets3ans/5 0,5RECOLTEPCVERTRECOLTEPCSEC 6marmittes3ans/5 0,6 0,6 0,6PLANTATIONGP 12godets2ans/5 2,4RECOLTEGPSEC 12marmittes2ans/5 1,3PLANTATIONBANANEMUSQUEE 175bananiers1x/5ans 4,5RECOLTEBANANE 87régimes3ans/5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5ENTRETIEN/RECOLTEIGNAME 0,4 0,4 0,4PLANTATIONIGNAME 0,8sacs1x/3ans 1,3CUEILLETTEPAMP 3,1sacs/an 0,5CUEILLETTEORANGED 2,4sacs/an 0,4CUEILLETTEAVOCAT 4,1sacs/an 0,3 0,3CHARBON 3sacs1x/3ans 3,6TRAJET 30mn3x/semaine 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3TOTAL 3,7 3,2 20,8 9,1 1,8 7,8 6,0 2,1 2,1 4,2 1,8 2,8 65,4

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

homme-jour

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de matières organiques avec quelques arbres, matériaux calcaire libérant des argiles, sols profonds). La composante cacao du paquet est adaptée. Les drageons de bananiers distribués permettent le renouvellement du peuplement. Pour les ignames, le paquet conduit à un enrichissement de la parcelle dans la mesure où les « places à ignames » sont suffisantes, c’est à dire qu’ils aient l’ombre nécessaire et les tuteurs sur lesquels grimper. Cela dépend essentiellement du niveau de peuplement arboré au temps zéro car les lianes ne pourront pas grimper sur les arbres de couvertures à peine plantés, ni survivre aux températures importantes sans l’ombre d’arbres développés. Le passage du système existant à celui d’agroforêts cacaoyères installées se déroule sur cinq années pendant lesquelles la productivité du système est portée essentiellement par les bananiers plantains/poban, ainsi que par les ignames. Au bout de cinq années, les cacaoyers commencent à rentrer en production. A ce stade le système est similaire en composition, densité, diversité d’espèces aux systèmes de bas-fond. Un changement variétal de bananiers doit s’opérer en fin du cycle des plantains car au fur et à mesure du développement du système, le niveau de couverture végétale laisse de moins de moins de rayons passer pour les strates inférieures.

Tableau 11 : Comparaison des performances économiques des S vivrier de morne (0,25cx) pratiqués par l’agriculteur, promu, et effectivement versé PERFORMANCE ECONOMIQUE SUR 5 ans

SC pratiqué par l'agri

SC promu par PTTA

SC promu par PTTA + subvention versée

PB (htg/an) 15703 21101 18682 CI (htg/an) 1011 74 265 VAB (htg/an) 14692 21027 18417 HJ 48 76 73 VAB/cx (htg/cx/an) 58767 84106 73668 VAB/hj (htg/hj/an) 308 276 252 SAU max (cx/actif) 1,57 Les systèmes sont modélisés sur 5 ans ce qui correspond à une durée de transition entre les systèmes initiaux et des systèmes agroforestiers complexes de type bas-fond. Cependant l’augmentation du temps de travail qui est liée à la plantation du matériel végétal distribué par le PTTA est valable seulement la première année. Les années suivantes le temps de travail que requiert le système diminue. Le paquet idéal permet une augmentation de 43% de la VAB (tableau 11). Par contre le changement d’un système à l’autre occasionne une charge supplémentaire (passage de 2 sarclages chaque année pendant 3 ans suivi de deux années de jachère sans sarclage à 2 sarclages par an) ce qui se répercute sur la productivité du travail qui diminue. Par contre, une fois le système établi, la productivité du travail se stabilise au niveau de celle des SAF de bas-fond soit (476 htg/homme-jour) qu’il faut diminuer des temps de déplacement maison-parcelle qui deviennent plus important pour les systèmes de mornes.

Tableau 12 : part de la subvention restante/ homme jour

SC promu par PTTA

SC promu par PTTA + subvention versée

Part de la subvention restante après paiement du sarclage (htg) 3800 2920

Augmentation du temps de travail (hj) 26 23 Part de la subvention restante/ augmentation

du temps de travail (htg/hj) 148 129

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Si on prend en compte la subvention sur le sarclage restante après paiement du sarclage que l’on divise par la surcharge de travail occasionnée par le changement de système, il apparaît qu’un homme jour est payé entre 100 et 150 htg, soit un salaire à peine supérieur au salaire agricole journalier (tableau 12). En cas d’aléa climatique qui réduirait l’augmentation de production occasionnée par le projet PTTA, le travail investi serait compensé par la subvention à un niveau moins élevé que pour les autres systèmes. Les systèmes sont adaptés au paquet « nouvelle plantation ». Ils représentent un environnement relativement propice à l’implantation de nouvelles agroforêts à cacao. Si l’on compare aux systèmes agroforestiers établis, les conditions biophysiques sont peut-être moins favorables en ceci que les terres moins arborées auront une sensibilité accrue aux sécheresses. Par contre, il est très probable que le taux de survie des plantules, toutes variables égales par ailleurs, soit supérieur à tous ceux des autres systèmes : à terres « chaudes » et systèmes de plaines. Les simulations économiques mettent en évidence l’avantage à transformer ces systèmes en agroforêts avec des conditions climatiques stables. L’analyse système de production pourra nous éclairer pour juger de la pertinence à « boiser » ces savanes qui jouent un rôle vivrier pour les anciens habitants des mornes.

Unsystèmevivrierseccentrésurlemaniocamersurlesterreschaudesdemorne

Figure 25 : Calendrier de travail d’un système vivrier sec de morne pour 0,25 cx

Figure 26: Répartition du temps de travail d’un système vivrier sec de morne (0,25 cx)

OPERATION/TPSW Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec1ERSARCLAGE 6,02EMESARCLAGE 3,33EMESARCLAGE 3,3PLANTATIONMAÏS 3godets/3ans 0,4RECOLTEMAÏSVERT 4,1sacs/3ans 0,2 0,2RECOLTEMAÏSSECPLANTATIONPOISNEG 3godets/3ans 0,4RECOLTEPOISNEGVERT 4,2sacs/3ans 0,4 0,4 0,4RECOLTEPOISNEGSECPLANTATIONPOISCONGO 1godets/3ans 0,1RECOLTEPOISCONGOVERT 1,5sac/3ans 0,2 0,6RAMPE/BUTTEMANIOCA 6,7PLANTATIONMANIOCA semencegratuite/3ans 1,3RECOLTEMANIOCA 4sacsx3/3ans 0,3 0,3 0,3

CASSAVE 3,5ticassave-9,8gwocasavex3/3ans 4,8 4,8 4,8

CUEILLETTENOIXDECAJOU 3,2sacriz/an 1,8 1,8TOTAL 0,2 14,9 5,5 2,3 3,9 5,1 5,1 5,1 0,6 42,9

2,04,06,08,010,012,014,016,0

homme-jour

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Ce système de culture se retrouve sur les terres chaudes, aux versants exposés au soleil (illustration 10), présentant des sols plutôt à faible capacité de rétention en eau.

Illustration 10 : système vivrier sec à base de manioc amer en jachère Ce sont les plus dégradés car déboisés depuis plus de cent ans pour certains, ils sont valorisés pour le pâturage au piquet pour les ruminants. Ces terres se localisent dans les mornes de faible altitude sur les interfluves. Aux abords de la ville, elles servent de pâturages communaux bien qu’elles correspondent à des propriétés privées Elles sont cultivées une année sur trois en moyenne selon le niveau de pluviométrie et parce que la fertilité est très faible. Particulièrement adaptées au développement de l’anacardier, elles permettent une petite production de noix de cajou à raison de 2-3 arbres pour 0,25cx. Semées en maïs et en pois nègre en association avec le manioc amer en début de cycle, elles peuvent rester occupées par le manioc de 9 mois à 3 ans, le manioc se conservant bien dans le sol et étant récolté quand nécessaire, ce qui confère une certaine flexibilité sur le calendrier de récolte. Le manioc amer est adapté à ce milieu car résistant au stress hydrique (illustration 11).

Illustration 11 : système vivrier sec à base de manioc amer sur pente Il est cultivé en buttes alignées perpendiculairement à la pente. Les buttes permettent de lutter contre l’érosion et de concentrer les alluvions des eaux de ruissellement. Plusieurs sarclages

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ont lieu pendant le cycle de culture : un quand le maïs atteint le stade 1 mètre de hauteur, puis deux étalés sur le reste de l’année une fois qu’il ne reste que le manioc en terre. Le manioc est destiné soit à la vente soit à l’autoconsommation qui demande une étape de transformation en cassave (galette sèche). La transformation artisanale nécessite le travail conjugué de 5 personnes pendant une journée et de deux pendant une nuit pour 3-4 sacs de manioc amer soit 1/3 d’une récolte annuelle sur 0,25 cx. Elle doit être faite immédiatement à la récolte, dans la même journée. La disponibilité du « boulanger » et de son équipe (un homme pour râper, un pour presser la pate dans une presse artisanale, un pour éplucher et cuire le manioc) est un point sensible et peut constituer un goulet d’étranglement. On peut attendre le boulanger pendant plusieurs semaines voir quelques mois. La flexibilité de la période de récolte du manioc confère à l’agriculteur une certaine marge de manœuvre pour faire correspondre son calendrier à celui du boulanger. Selon la situation socio-économique, cette marge de manœuvre est plus ou moins limitée. Les propriétaires ayant des surfaces plus importantes peuvent se permettre d’immobiliser des parcelles de manioc pendant plusieurs années. En revanche, les petits propriétaires doivent parfois vendre sur pied à des acheteurs qui ne paieront parfois pas totalement la somme due et à un prix inférieur (spirale d’appauvrissement). Les acheteurs sont les gros moulins (3 moulins dénombrés dans un rayon de 30 km) pouvant absorber de grandes quantités. Ils sont depuis quelques années en arrêt suite à des négociations avec les agriculteurs qui pour répondre aux impayés ont stoppé l’approvisionnement. La production précédente avait été vendue sur pied avec paiement d’une avance mais le solde n’a jamais été payé.

Tableau 13 : Performance économique d’un système vivrier sec de morne (0,25 cx)

PERFORMANCE ECONOMIQUE SC pratiqué par l'agri

PB (htg/an) 7677 CI (htg/an) 122 VAB (htg/an) 7555 HJ 42 VAB/cx (htg/cx/an) 30219 VAB/hj (htg/hj/an) 170 SAU max (cx/actif) 1,68

De tous les systèmes de mornes ce sont les performances économiques les plus faibles en terme de productivité de la terre et du travail (tableau 13). En raison des problèmes de fertilité, pendant deux années sur trois, les terres ne sont pas emblavées. D’autre part, la charge de travail que représente la transformation des tubercules en cassave réduit la productivité la terre. Les « terres chaudes » sont peu valorisables (seulement pour les espèces résistantes au stress hydrique) et les années de sécheresse imprévisibles mais de plus en plus fréquentes ont de lourdes conséquences sur les cultures implantées. Ce système permet à défaut de capitaliser, de fournir des vivres pour l’alimentation familiale, d’assurer une petite rentrée d’argent sur des terres infertiles, ainsi que d’offrir du fourrage aux ruminants. Le stress hydrique régulièrement présent sur ces types de système exclut l’intervention du PTTA.

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4. Plusieurs systèmes de plaine pour plusieurs stratégies

L’associationdeculturesvivrières:céréales-tubercules-légumineuse,uneactivitépeurémunératricepourassurerlaconsommationdelafamille

Illustration 12 : système vivrier diversifié de plaine Caractéristiques de la plaine, ces systèmes vivriers diversifiés sont composés de multiples espèces ayant des cycles de développement différents. Ce sont avant tout des systèmes pluviaux qui peuvent bénéficier des pluies de grande saison (mars-avril-mai) ou des pluies de petite saison (septembre-octobre). Généralement suivi d’une jachère de un an, la mise en culture dure un an ce qui fait une rotation sur deux ans. Face à la recrudescence de sécheresse depuis une dizaine d’année, il est fréquent que les paysans perdent leur récolte (on évaluera une récolte perdue tous les 3 ans). On distingue deux systèmes vivriers en fonction du nombre d’espèces associées. D’un coté, un système composé de maïs, pois nègre, pois congo, manioc et bananes, très diversifié mis en place par les agriculteurs dotés de petite surface qui concentrent toute les espèces sur une seule parcelle.

Figure 27 : calendrier de travail du système vivrier diversifié avec banane de plaine pour 0,25 cx

OPERATION/TPSW Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecCHARRUE 2,11ERSARCLAGE 9,02EMESARCLAGE 5,03EMESARCLAGE 7,5PLANTATIONMAÏS 6godets/2ans 1,2RECOLTEMAÏSVERT 6,2sacsderiz/3ans 0,4 0,4RECOLTEMAÏSSECPLANTATIONPN 6godets/2ans 1,2RECOLTEPNVERT 8,4sacs/3ans 0,7 0,7 0,7RECOLTEPNSECPLANTATIONPC 2godets/2ans 0,4RECOLTEPCVERT 3sacs/3ans 0,8RECOLTEPCSECPEPINIEREPATATE 1,0BUTTAGE 6000buttes/2ans 7,0PLANTATION 15,6sacs/2ans 3,8RECOLTE 12godets/2ans 3,0RAMPE/BUTTEMANIOCD Plantsgratuits 1,0PLANTATIONMANIOCD 3sacs/2ans 0,6RECOLTEMANIOCD 1,0PLANTATIONBANANEMUSQUEE 150plants/4ans 1,0RECOLTEBANANE 75régimes/3ans 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3TOTALHJ 0,3 0,3 18,7 6,1 1,5 2,5 0,3 0,3 13,2 0,3 0,3 8,6 52

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Figure 28: Répartition du temps de travail du système vivrier diversifié avec banane de plaine (0,25 cx) D’un autre coté, un système développé par des paysans ayant plus de terres sans banane et avec du gros pois qui présente plus de sensibilité aux aléas climatiques donc plus à risque. Les cultures ici sont moins associées : une sole de maïs-pois nègre-pois congo, une sole de manioc-maïs, en grande saison, la culture de la patate pendant la saison suivante, le tout suivi d’une jachère d’un an.

Figure 29 : calendrier de travail système vivrier diversifié de plaine (0,25cx)

2,04,06,08,010,012,014,016,018,020,0

homme-jour

OPERATION/TPSW Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecCHARRUE 2,11ERSARCLAGE 9,02EMESARCLAGE 5,03EMESARCLAGE 7,5PLANTATIONMAÏS 9godets/2ans 1,8RECOLTEMAÏSVERT 9,4sacsderiz/3ans 0,6 0,6RECOLTEMAÏSSECPLANTATIONPN 6godets/2ans 1,2RECOLTEPNVERT 8,4sacs/3ans 0,7 0,7 0,7RECOLTEPNSECPLANTATIONPC 2godets/2ans 0,4RECOLTEPCVERT 3sacs/3ans 0,8RECOLTEPCSECBUTTAGE 10,4PLANTATION 9000buttes/2ans 5,8RECOLTE 23,4sacs/2ans 4,5PLANTATIONGP 12godets/2ans 3,0RECOLTEGPSEC 12marmittes/3ans 1,1RAMPE/BUTTEMANIOCD 1,0PLANTATIONMANIOCD Plantsgratuits 0,6RECOLTEMANIOCD 3sacs/2ans 1,0TOTAL 1,1 19,5 5,7 1,3 1,3 18,3 3,0 8,3 58,7

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Figure 30 : Répartition du temps de travail du système vivrier diversifié de plaine (0,25cx) Cela correspond à deux stratégies, la première consiste à diversifier les espèces sur une même parcelle pour réduire les risques de perte face aux aléas climatiques quand on sait que ces parcelles ont un rôle fort dans la sécurité alimentaire de la famille, la deuxième consiste à répartir les risques dans l’espaces. Dans les deux cas, les parcelles sont occupées pendant les deux saisons de cultures pour étaler les récoltes dans l’année et sécuriser l’approvisionnement en vivres alimentaires. La grande saison sera plutôt dédiée au maïs-pois congo-pois nègre avec manioc. La petite saison concerne les patates qui est un des piliers des systèmes de plaine. La petite saison est plus fraîche et les précipitations semblent plus régulières, de quoi multiplier les chances de récolter la patate douce. Si les cultures de grande saison précédente sont perdues pour cause de sécheresse, on peut toujours implanter un cycle de maïs-pois nègre en association avec la patate douce. Les systèmes vivriers de plaine permettent un retour sur investissement plus rapide et jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire du ménage en étalant les récoltes le long de l’année.

Tableau 14 : Comparaison des performances économiques des systèmes vivrier de plaine

PERFORMANCE ECONOMIQUE SUR

SC vivrier diversifié de plaine

SC vivrier diversifié + banane de plaine

PB (htg/an) 12610 17148 CI (htg/an) 406 754 VAB (htg/an) 12204 16394 HJ 58,66 52 VAB/cx (htg/cx/an) 48815 65576 VAB/hj (htg/hj/an) 208 315 SAU max (cx/actif) 1,4 1,27

Le système vivrier diversifié avec banane est plus performant sur tous les plans (tableau 14). Il a une meilleure productivité de la terre, 65 576 contre 48 815 htg/cx de même qu’une meilleure productivité du travail (315 htg/hj contre 208 htg/hj). A une échelle système de production, les petits propriétaires n’ont qu’une parcelle pour cultiver tous les vivres et les bananiers, les grands propriétaires ont plusieurs parcelles en plaine dont la majorité plantées en banane et ils en ont une qui sert de garde-manger et qui n’est pas très performante mais qui a un rôle alimentaire. C’est parce que leurs systèmes bananiers sont très performants qu’ils peuvent se permettre d’avoir ce type de système à coté.

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

homme-jour

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Lacanneenmonocultureintégréàl’élevagebovin

Illustration 13 : plaine du département Nord, dominée par la culture de canne à sucre Les systèmes de monoculture de canne se retrouvent en basse plaine où les conditions physiques sont adaptées : sols argilo-limoneux, températures plus élevées que dans les mornes. La plaine du nord est tournée vers la canne qui est transformée en alcool local le clairin, et l’élevage bovin, c’est un système agraire à part entière. La production de clairin a pris son essor à la fermeture des usines de raffinerie du sucre (1986). Dans notre zone qui peut-être vue comme une interface entre plaine et morne, ces systèmes forment la limite nord. Certains agriculteurs possèdent des parcelles en basse plaine et en morne d’où l’intérêt de leur étude pour comprendre les situations des agriculteurs et la pertinence du PTTA selon les systèmes de production. Les systèmes développés sont pluviaux sans irrigation, ils intègrent généralement une jachère de 3 ans après la période de culture de 5 ans donnant chaque année une repousse. La plantation de bouture est effectuée au début de ces 5 ans en association avec de la patate douce et du maïs, il y a une récolte chaque année qui n’obéit pas à une saisonnalité mais qui dépend de la maturité de la canne.

•Laculturedecannepourlesgrandspropriétaires

Figure 31 : Calendrier de travail d’un système de canne mis en œuvre par les grands propriétaires (0,25 cx)

OPERATION/TPSW Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecTRACTEUR 1h/0,25cx/8ans 0,032EMESARCLAGE 8,13EMESARCLAGE 12,5PLANTATIONCANNE 1lotbouture/8ans 0,6RECOLTECANNE+TRANSPORT ventesurpied6250htgTOTAL 12,5 0,7 8,1 21,3

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Figure 32 : Répartition du temps de travail du système de canne grands propriétaires (0,25 cx)

Les grands propriétaires cultive la canne sur de grandes parcelles (~1 carreau). La conduite technique varie par rapport au système mis en place par les petits propriétaires. • Ils gèrent le pic de travail à la plantation par des accords avec les petits propriétaires de la zone. Le grand propriétaire fournit les boutures, les petits propriétaires le travail contre la possibilité de cultiver en début de cycle de canne, une association de patate, de maïs et de pois nègre sur des parties de la taille d’un quart de carreau. En plus de la plantation de canne, ils sont tenus de donner la récolte de 100 buttes de patates (~200 htg). • Le 1er labour qui suit la jachère se fait au tracteur. Cela réduit le temps de labour à une heure pour un 0,25 cx sans différence de coût avec le service du bœuf de labour. • La récolte est vendue sur pied. En effet la transformation de la canne en clairin est couteuse en terme de transport pour amener les cannes coupées au moulin (nécessité de louer plusieurs hommes et chevaux) et pour le service de celui-ci pour la fermentation/distillation (achat de sirop de sucre). En vendant la canne sur pieds aux propriétaires des guildives (unités de transformation), les grands propriétaires s‘épargnent le temps de récolte, de transport et de transformation.

Lamonoculturedecannepourlespluspetits

Figure 33 : Calendrier de travail d’un système de canne mis en œuvre par les petits propriétaires (0,25 cx)

2,04,06,08,010,012,014,0

Jan

Fev

Mars

Avril

Mai

Juin

Juill

Aout

Sept

Oct

Nov

Dec

hommejour

OPERATION/TPSW Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecCHARRUE 3j/8ans 0,52EMESARCLAGE 8,13EMESARCLAGE 8,1PLANTATIONMAÏS 4godets/8ans 0,2RECOLTEMAÏSSEC 20marmittes/8ans 0,1PLANTATIONPN 4godets/8ans 0,2RECOLTEPNVERT 5,6sacs/8ans 0,6BUTTAGE 2000buttes 0,6PLANTATION 0,3RECOLTE 5,2sacs/8ans 0,3PLANTATIONCANNE 1lot/8ans 0,6RECOLTE+TRANSFO 3bidonsclairin 18,1TOTAL 0,7 0,6 8,1 0,1 18,1 2,1 8,1 37,7

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Figure 34 : Répartition du temps de travail du système de canne petits propriétaires (0,25 cx)

Les petits propriétaires font appel à des bouviers de Saint-Raphaël pour labourer leurs parcelles. Le bouvier fait en 3 jours ce que le tracteur fait en une heure pour le même prix. Ceci ne pose pas de problème en soi puisque le bouvier est autonome, en revanche cela peut réduire la fenêtre de temps pour la plantation et limiter la réactivité quand arrivent les premières pluies. La récolte est faite en groupe avec des petits paysans selon une forme particulière de travail. Ces paysans récoltent la canne en groupe de 15 ou 20 sans rémunération, mais en échange ils ont le droit de récupérer une partie de la plante appelée « tèt kann » destinée à l’alimentation des bœufs qu’ils possèdent. Le propriétaire doit louer le service d’un cavalier avec son cheval de bât pour amener la récolte à la guildive (unité de transformation de la canne en clairin). Les tiges de cannes doivent être mises à fermenter dans de l’eau en présence de sirop de canne (accélérateur du processus de fermentation) lequel est à la charge de l’agriculteur. Enfin le guildivier prend ¼ de la quantité de clairin obtenue en fin de process pour le service rendu.

Tableau 15 : comparaison de la performance économique des systèmes de canne (0,25 cx)

PERFORMANCE ECONOMIQUE SUR Canne grand propriétaire Canne moyen/petits propriétaire

PB (htg/an) 5208 14875 CI (htg/an) 188 8105 VAB (htg/an) 5021 6770 HJ 21 38 VAB/cx (htg/cx/an) 20083 27082 VAB/hj (htg/hj/an) 236 180 SAU max (cx/actif) 3,5 2

Les petits propriétaires créent une VAB/cx beaucoup plus importante que les grands propriétaires, mais au prix d’un investissement important en CI couteuses (transport, sirop). De même le travail investi pour le labour comme pour la transformation limite en revanche la productivité du travail qui est inférieure à celle des grands propriétaires (tableau 15). Il semble logique que ces derniers non limités en surface cherchent plutôt à optimiser la productivité du travail contrairement aux petits propriétaires encore une fois prêts à travailler plus, pour une VAB/jour de travail moindre mais un revenu agricole supérieur.

5,0

10,0

15,0

20,0

homme-jour

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Lesbananeraies:unsystèmeproductifessentiellementmisenplaceparlesgrandspropriétaires

Figure 35 : Calendrier de travail d’un système banane pour 0,25 cx

Figure 36: Répartition du temps de travail du système banane (0,25 cx) Les systèmes à base de bananiers se développent surtout dans les plaines mais aussi sur les plateaux d’accumulation. C’est un système de culture à forte valeur ajoutée mis en place principalement par les grands propriétaires car l’investissement la première année pour se procurer les plants peut être prohibitif pour les ménages ayant un manque de trésorerie. Les variétés sont essentiellement la banane plantain et la banane poban, toutes adaptées au plein soleil. Les bananiers sont cultivés pendant 3 ans avant d’être arrachés puis suivent 2 années de jachère. La productivité de la terre est comparable à celle des SAF complexes et c’est un système qui demande peu de travail donc à forte productivité du travail (tableau 16).

Tableau 16 : Performance économique du système banane pour 0,25 cx

PERFORMANCE ECONOMIQUE SC pratiqué par l'agri

PB (htg/an) 19164 CI (htg/an) 1075 VAB (htg/an) 18089 HJ 32 VAB/cx (htg/cx/an) 72357 VAB/hj (htg/hj/an) 559 SAU max (cx/actif 2,3

OPERATION/TPSW Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecPREPARATIONTERRE 5,02EMESARCLAGE 3,03EMESARCLAGE 10,2PLANTATIONMAÏS 9godets/5ans 0,7RECOLTEMAÏSSEC 45marmittes/5ans 0,2PLANTATIONPOISNEG 6godets/5ans 0,5RECOLTEPOISNEGVERT 8,4sacs/5ans 0,7 0,7PLANTATIONBANANEMUSQUEE 400plants/5ans 3,4RECOLTEBANANE 200régimes3/5ans 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7TOTAL 0,7 0,7 10,3 4,3 1,3 0,7 0,8 0,7 0,7 0,7 0,7 10,9 32,4

2,04,06,08,010,012,0

TOTALHJ

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ImplantationduPTTAdanslessystèmesdeplaineLes conditions physiques en plaine sont réunies pour que le système promu par le paquet NP puisse exister (sols profonds, riches en particules fines, nappe phréatique proche). Des systèmes agroforestiers ont déjà existé au temps des grands dons et il reste quelques parcelles en place. Dans le cas où les conditions climatiques seraient favorables à son implantation, l’effet du paquet technique en plaine correspondrait à une conversion des systèmes initiaux (canne, banane, système vivrier) en systèmes agroforestiers complexes comme ceux que l’on rencontre dans les bas-fond de Milot ; systèmes dont la productivité de la terre est trois fois supérieure à la plupart des systèmes de plaines (excepté la banane). Les petits propriétaires auraient tout intérêt à convertir leur système. Depuis une dizaine d’année la plaine est régulièrement soumise à des aléas climatiques forts (sécheresse) qui peuvent rendre la phase d’installation de l’agroforêt délicate notamment pour les jeunes plantules de cacaoyers et les ignames sensibles au stress hydrique. Les petits propriétaires n’ont peut-être pas les moyens d’investir du temps de travail par rapport à ce niveau de risque. Pour les grands propriétaires de basse plaine, les surfaces peuvent expliquer l’intérêt pour des systèmes de cultures peu exigeants en travail comme la canne (20 hj/0,25 cx).

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5. Comparaison des différents systèmes de culture

Figure 37 : Comparaison de la productivité de la terre des différents systèmes de culture

Actuellement, les systèmes de cultures les plus performants sont les systèmes agroforestiers de bas-fond (figure 37). Ils ont une grande productivité de la terre qui est reliée à la densité élevée des peuplements et notamment des cacaoyers. D’autre part, ils demandent peu de travail et celui-ci est réparti tout au long de l’année comme par exemple les récoltes. Cela en fait un des systèmes à la meilleure productivité du travail. En comparaison, le système agroforestier de versant 1 est moins productif à cause de la faible densité en cacaoyers mais reste supérieur aux systèmes vivriers de plaine et de morne. La très faible densité de cacaoyers, de bananiers du système agroforestier de versant 2 en fait le système le moins productif des trois avec un niveau de productivité de la terre équivalent à ceux des systèmes vivriers.

Figure 38 : Comparaison de la productivité du travail des différents systèmes de culture pour 0,25 cx

0

30000

60000

90000

120000

150000(htg/cx/an)

VAB/cx

0

100

200

300

400

500

600

htg/hj/0,25cx

VAB/hj Salaireagricole

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Les systèmes les plus productifs sur le plan du travail sont les systèmes bananiers (figure 38). Certains paysans ayant capitalisé et voulant se développer misent sur la banane. Les terres pour la cultiver, en plaine, sont beaucoup plus accessibles en terme de prix et bien qu’appartenant à l’état, montrent une apparente sécurité foncière. Cette situation pourrait se renverser en cas de confiscation des terres par l’état pour y installer des grandes exploitations capitalistes à l’instar des plantations biologiques de banane de Trou du Nord qui ont commencé à exporter cette année des régimes en direction de l’Europe. Ces plantations capitalistes tendent à concurrencer celle de la République Dominicaine notamment sur le coût de la main-d’œuvre. En cas de volonté politique d’implanter cette culture, les agriculteurs dont les revenus dépendent de la plaine devraient soit travailler comme main d’œuvre bon marché pour ces bananeraies, soit revenir dans les mornes mais cela augmenterait la pression foncière. Pour ces raisons, il peut être risqué d’investir dans la transformation des systèmes de plaine en systèmes agroforestiers.

DesprixdufoncierenlienaveclessystèmesdeculturemisenœuvreLe prix du foncier est relié à la productivité de la terre (tableau 17) et varie en fonction de : à son occupation: les parcelles agroforestières denses se vendent plus chère que les parcelles peu boisées. Les arbres représentent un capital biologique multifonctionnel qui peut être mobilisable (via la coupe ou le charbon) en cas de besoin. à sa potentialité agronomique : la topographie liée ici aux potentialités agricoles explique la différence de prix entre les terres occupées par ces systèmes de cultures (SAF bas-fond, SAF versant 1, SAF versant 2). Les terres occupées par des systèmes vivriers secs sont les terres les moins couteuses car moins fertiles (sableuses, faible capacité de rétention en eau et taux de matière organique). à son accès : les terres situées en bas-fond à proximité des routes (capacité d’écoulement de la production optimale), du front d’urbanisation seront toujours plus chères que celles situées dans les mornes (temps de trajet et pénibilité du transport de produits). Les terres de plaines ont des prix équivalents quelque soit le type de système de culture implanté. Leurs sols sont assez homogènes présentant des potentialités agricoles voisines. Leur prix élevé, qui peut paraître étonnant pour des terres qui se vendent sans titre foncier et que l’état peut réclamer à tout moment, s’explique parce qu’elles peuvent être très rentables si plantées en bananes, par leur accessibilité géographique et la possibilité de bâtis. Les terres les plus intéressantes en terme de capitalisation (système agroforestier de bas-fond) sont aussi les terres qui sont les plus chères et inaccessibles pour la majorité des paysans.

Tableau 17 : Comparatif des différents prix du foncier à l’achat pour 0,25 carreau selon les systèmes de cultures mis en place

Typedesystèmedecultureimplantés Intervallesdeprix(htg)

Systèmeagroforestierdebas-fond 500000–1000000Systèmeagroforestierdeversant1 250000–500000Systèmeagroforestierdeversant2 150000–250000

Systèmedeplaine 150000–250000Systèmevivrierdiversifiémorne 75000–150000

Systèmevivriermanioc >75000

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III. Une diversité de systèmes d’élevage pour divers fonctions dans les exploitations agricoles et dans l’économie des ménages

La majorité des familles agricoles n’ont pas eu accès aux zones agroécologiques les plus productives donc aux possibilités de capitalisation pour maintenir un système productif et viable. Les divisions par héritage ont conduit à la décapitalisation biologique et foncière. Forcées à la pluriactivité, à la vente de main d’œuvre pour pouvoir s’agrandir, l’élevage a constitué et constitue un moyen d’épargne fondamentale pour capitaliser progressivement d’autant qu’il n’est pas directement lié à la surface en propriété puisque possible en bord de chemin et en vaine pâture. Les différents types d’élevage présents sur zone (bovin, porcin, caprin, équin, volaille) offrent des capacités d’épargne différentes sur des pas de temps différents. Tous les élevages rencontrés dans la zone sont caractérisés par la faible taille des cheptels et par l’alimentation des animaux qui est conduite au piquet (excepté pour les volailles). Les élevages développés sont en propriété ou en gardiennage. C’est un contrat entre le propriétaire de l’animal et le gardien. Celui-ci garde l’animal, s’occupe de l’alimentation, la mise en pâture. La reproduction est décidée par le propriétaire et se fait au piquet. Le gardien récupère un petit, une naissance sur deux, peut toucher un quart de la valeur de la mère quand mise à la réforme et le lait pendant la période d’allaitement pour les bovins. Il se pratique principalement pour les bovins mais peut aussi se faire plus rarement avec les porcs et les caprins. Cette pratique joue un rôle très important dans les stratégies de capitalisation des jeunes agriculteurs en début de cycle de vie. Il permet à ceux qui n’ont ni capital, ni héritage mais qui peuvent investir du travail de se faire un revenu supplémentaire avec l’espoir à terme de se constituer un cheptel.

1. L’élevage de volaille pour des dépenses ponctuelles et pour l’alimentation familiale

L’élevage de volaille, majoritairement de poulet, est l’élevage le plus petit, avec le rythme de vente le plus rapide, mais sur des niveaux de prix bas (tableau 18). Le rapport bénéfice/capital et travail investi est fort. Les poulets sont vendus pour subvenir aux petites dépenses ponctuelles ou pour l’autoconsommation familiale lors des fêtes. Ils sont vendus sur pied sur place. Les œufs ne sont pas vendus mais consommés par la famille. Les volailles sont élevées en divagation et valorisent les déchets de la cellule familiale. Il n’y a aucun frais excepté ceux des vaccins une fois par an.

Tableau 18 : performances économiques de l’élevage de volaille pour 1 poule

PERFORMANCESECONOMIQUES 1poulePB(htg/an) 1675CI(htg/an) 500VAB(htg/an) 1175HJ 9VAB/hj(htg/hj/an) 186

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2. L’élevage caprin naisseur, une capitalisation intermédiaire plus flexible

L’élevage caprin8 est l’élevage le plus répandu dans les mornes. Il permet des niveaux d’épargne intéressants (tableau 19), sans nécessiter d’investissement en capital. Il peut être mobilisé pour payer une partie des dépenses importantes (frais de scolarité, frais temporaires d’hospitalisation) et peut servir à compléter une grosse somme d’argent dans l’achat d’une terre. Il demande une disponibilité quotidienne de la part de l’éleveur. Les caprins sont élevés au piquet en bord de chemin ou sur des jachères de systèmes vivriers de morne. Ils sont changés d’endroit deux fois par jour et ont bonne résistance au manque d’eau dans les pâturages, ils s’abreuvent sur le chemin du pâturage dans des sources ou chez le gardien/propriétaire la nuit. Le temps de trajet pour aller attacher les chèvres dépend de la distance domicile-lieu d’attache. Pour les agriculteurs habitant encore dans les mornes, cette distance est réduite, ce qui diminue l’investissement en temps, un enfant peut s’occuper des animaux pour 30 minutes par jour. Pour les habitants du bourg qui ont encore leur parcelle dans les mornes, ils longent les chèvres le matin jamais très loin de leur lieu de travail. Ils les redescendent le soir en rentrant chez eux. La durée consacrée à l’élevage est réduite, estimée entre 30 minutes et une heure par jour. Les caprins valorisent bien les pâtures sèches, les épineux et autres arbustes des replats sommitaux. En avril-septembre, leur alimentation est assurée aussi par les mangues. La reproduction, comme pour tous les herbivores se fait avec un mâle d’un agriculteur voisin au piquet. Les deux animaux sont longés au même endroit. La prolificité d’une chèvre allaitante est de 4,5 chevreaux, elle donne naissance à 1 ou 2 chevreaux par portée (50% de chance pour l’un et l’autre), à partir de 18 mois et ce pendant trois ans de vie productive. Le taux de perte (mortalité et vol) est de 20% dans les mornes ce qui est important (chute, étranglement avec la longe). Le potentiel d’augmentation du cheptel est le plus important pour l’élevage caprin (de 1 à 5 bêtes). Capable de valoriser une grande diversité de végétaux, les chèvres sont flexibles sur l’alimentation. Les agriculteurs ayant des petites surfaces peuvent augmenter leur troupeau sans que l’alimentation soit un goulet d’étranglement car les mornes « dégradées », exploitées en systèmes vivriers sont accessibles en vaine pâture. D’autre part, le travail que demande un troupeau de 5 chèvres n’est pas plus élevé que celui qu’il demande pour une. Au delà, le travail de surveillance pendant les périodes où les animaux ne sont pas attachés (montée et descente dans les mornes), ainsi que celui lié aux pertes des animaux (quand la longe se rompt) requiert la présence d’un deuxième actif. L’augmentation du cheptel est limité par les déséquilibres de trésorerie à certaine période de l’année (rentrée scolaire, fête de fin d’année, achat de vêtement) pour les agriculteurs qui sont proches du seuil de survie ; ils doivent vendre les chevreaux pendant ces périodes critiques. L’élevage caprin est mis en place par la plupart des métayers/petits propriétaires des mornes ou des piedmonts.

Illustration 14 : Cabrit au piquet

Tableau 19 : Performances économiques de l’élevage caprin (1 chèvre) PERFORMANCESECONOMIQUES 1chèvrePB(htg/an) 7183CI(htg/an) 0VAB(htg/an) 7183HJ 73VAB/hj(htg/hj/an) 98

8Lesagriculteursn’étantpascapablesdenousrenseignersurlesraces,nousnepourronslespréciser.

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3. L’élevage porcin, une activité génératrice de revenu mais exigeante en temps

L’élevage naisseur porcin est un élevage au piquet qui se pratique aux abords du domicile. Son exigence sur le plan alimentaire en fait un élevage intensif en temps de travail. C’est un élevage peu mobile qui requiert de l’agriculteur un temps important pour collecter la nourriture (mangues, déchets, résidus de cultures, fruit de l’arbre à pain etc.). En contrepartie il peut se faire sans grande surface foncière. Il est globalement moins répandu que l’élevage bovin et caprin. Une truie donne naissance à 8 petits par portée. La mortalité est de 12,5%. Les porcelets sont vendus à des âges différents. Une femelle est gardée tous les 4 ans pour le renouvellement, le reste est vendu à 3 mois. Un porc est gardé pendant deux ans pour qu’il serve de reproducteur à d’autres élevages voisins. En retour les éleveurs voisins disponibiliseront un porc pour la reproduction de la mère. Les autres porcs sont vendus à 3 mois. L’objectif de production est de vendre le plus grand nombre de porcelets jeunes avant que la charge de travail nécessaire à l’alimentation des porcelets en plein développement ne soit trop importante. Cet élevage concerne les petits et moyens agriculteurs qui, ayant du temps à investir n’ont pas beaucoup de foncier. Il n’est presque jamais dédié à la consommation de la famille mais joue un rôle important dans la trésorerie puisqu’il permet une rentrée simultanée de moyens revenus avec la vente de plusieurs porcelets (1000 htg) (tableau 19). L’argent peut servir aux dépenses alimentaires, aux frais plus exceptionnels et peut même compléter l’argent des bovins pour l’achat de terre.

Tableau 19 : Performances économiques de l’élevage porcin pour une truie

PERFORMANCESECONOMIQUES 1truiePB(htg/an) 14250CI(htg/an) 5200VAB(htg/an) 9050HJ 109VAB/hj(htg/hj/an) 82

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4. L’élevage équin, un revenu complémentaire lié au tourisme

Illustration 15 : jument au piquet et poulain Les chevaux ont toujours servis pour les déplacements et le transport des marchandises, soit pour le propriétaire, soit en tant que service rémunéré. Avec le développement du tourisme, surtout sous années Duvalier (classement de la citadelle et du palais Sans-souci au patrimoine mondial de l’Unesco, aménagement des infrastructures) les chevaux ont permis à leur propriétaire d’avoir un revenu supplémentaire grâce à sa location aux touristes pour la montée à la citadelle. Aujourd’hui en un mois, à raison de deux

locations par mois, un propriétaire peut gagner 20 US$ (montant auquel il faut soustraire le montant payé aux intermédiaires), soit 1000 gourdes ce qui représente 10 fois le coût du travail agricole journalier. Avec la démocratisation des motocyclettes, les touristes gagnent un temps précieux dans l’ascension vers citadelle, la demande en location a diminué, réduisant le nombre de loueurs et les revenus. On distingue deux types d’élevage équin. L’élevage naisseur (annexe 5) et l’élevage à des fins de locations. Dans le premiers cas, c’est un élevage où les revenus sont liés à la vente de poulains. Les animaux sont aussi un outil de travail pour le transport des récoltes, ils rendent un service qui ne peut pas être évalué économiquement. Cet élevage est présent dans les zones de canne, où le transport de la récolte ne peut se faire qu’a cheval, et dans les mornes pour les agriculteurs ayant un parcellaire éclaté et distant du lieu d’habitation. L’élevage concerne les moyens propriétaires ayant déjà pu capitaliser. Les plus petits propriétaires préfèrent investir leur temps dans l’élevage caprin ou le gardiennage de bovin, plus rémunérateurs et indispensables à leur stratégie de capitalisation. Dans le deuxième cas, le propriétaire n’a pas de jument mais achète un poulain à 18 mois, plus résistant au transport des charges lourdes (touristes) que les femelles. Les revenus viennent directement de la location du cheval aux touristes (tableau 20). Ces chevaux demandent plus d’entretien et de soins. Les animaux se nourrissent en journée sur les jachères des systèmes vivriers ; en période de raréfaction de la ressource fourragère, l’agriculteur complète l’alimentation par du fourrage acheté et du fourrage prélevé dans le palais sans-souci qui est entourée d’un grand espace herbacé. Dans les deux cas, c’est un élevage mobile, au piquet, l’abreuvage est fait à la rivière.

Tableau 20 : Performances économiques de l’élevage équin pour une jument et de l’élevage à des fins touristique Perf.Economiquepour1jument Elevagenaisseur ElevagetourismePB(htg/an) 6775 19200CI(htg/an) 1000 10000VAB(htg/an) 5775 9200Amortissement 0 433VAN(htg/an) 0 8767HJ 30 73VAB/hj(htg/hj/an) 193 126

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5. L’élevage bovin naisseur, épargne pour les besoins financiers exceptionnels

Animaux herbivores mobiles élevés au piquet, les bovins sont les meilleurs moyens d’épargne (annexe 4). Ils permettent une capitalisation à long terme et libèrent une grosse

somme, adaptée aux dépenses importantes et exceptionnelles comme les achats de terre, les funérailles ou les mariages (tableau 21). D’autre part, ils assurent une production laitière après chaque vêlage assurant par la même un revenu d’appoint avec la vente de ce lait. Ces animaux demandent moins de temps d’entretien que les cochons mais plus que les chèvres. Ils sont plus exigeants sur la fréquence d’abreuvage et demandent des pâtures de meilleure qualité que celle des chèvres, les bovins ne peuvent pas, par exemple, être longés dans les friches arbustives sèches. Les pâturages « communaux » (soumis à la propriété privée mais tolérés car terre impropre à la culture du fait d’une dégradation historique) permettent là encore aux petits propriétaires/métayers sans propriété foncière importante de pourvoir à l’alimentation de leurs bêtes. Les jachères des systèmes vivriers jouent aussi un rôle important dans l’alimentation.

Deux déplacement sont nécessaires par jour ce qui représente un temps variable selon la localisation de l’habitation. L’élevage bovin qui est tributaire des espaces ouverts et herbacés se concentre principalement sur deux zones agroécologiques définis plus haut : la zone de plaine avec notamment, les systèmes vivriers en rotation avec une jachère sur les terres déchoukés et la zone de transition entre plaine et morne (plateau de la Salle) offrant des pâturages sur les jachères et bords de chemin. Pour les habitants proches des plaines, le trajet pour déplacer les bêtes représente 30 mn à 1h par jour. Pour les propriétaires des mornes habitant au bourg, la vache est laissée la nuit dans les mornes (depuis la loi obligeant le marquage sous le mandat de Martelly, les vols ont très fortement diminué). Ils possèdent encore leurs parcelles sur le plateau, le temps passé à monter pour aller déplacer les bêtes n’est pas perdu puisque qu’ils en profitent pour visiter et entretenir les parcelles. Cela représente une à une heure et demie par jour consacrée à l’élevage. Pour les petits propriétaires, l’augmentation du cheptel bovin est assez limitée, pour ceux qui n’ont pas d’impératifs de vente (trésorerie), il peut monter à 3-4 têtes en plaine et 1-2 têtes dans les mornes. La conduite technique est la même pour les bovins en gardiennage. La monte est naturelle et se fait au piquet. La prolificité d’une vache est de un, la mortalité est faible. Si l’élevage bovin en gardiennage est un moyen d’épargne idéal pour les jeunes ne pouvant pas capitaliser, le corolaire est aussi vrai : c’est un moyen idéal pour les grands propriétaires de faire fructifier leur capital. L’élevage s’apparente alors à un élevage de rente.

Tableau 21 : Performances économiques de l’élevage bovin pour une mère

PERFORMANCESECONOMIQUES 1vachePB(htg/an) 14600CI(htg/an) 650VAB(htg/an) 13950hj 73VAB/hj(htg/hj/an) 191

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IV. La pluriactivité, condition vitale pour certains, choix pour d’autres

La diversité des systèmes de cultures (systèmes agroforestiers, systèmes vivriers, systèmes commerciaux de plaine) et des systèmes d’élevage explique la grande diversité de systèmes de productions. Cette diversité peut se structurer (comme vu précédemment) selon 3 catégories sociales : petits propriétaires/métayers/fermiers, moyens propriétaires et grands propriétaires. Les catégories reflètent les moyens de productions dont les agriculteurs disposent et les contraintes auxquelles ils doivent faire face. Ils n’ont pas les mêmes dotations en moyens de production : les petits propriétaires/métayers sont peu dotés d’un point de vue foncier, disposent de peu voire de pas de capital mais sont en revanche peu limités sur la quantité de travail qu’ils peuvent investir. Les grands propriétaires disposent d’une assise foncière suffisante, et qui plus est, dans les zones d’accumulation ou de bas-fond, pour que le facteur limitant soit leur propre travail. Ils peuvent cependant compenser ce manque par l’achat de main-d’œuvre extérieure. Les moyens propriétaires sont une catégorie intermédiaire entre ces deux extrêmes. Chaque catégorie peut se décliner en plusieurs situations selon le lieu d’habitation qui indirectement renseigne sur la localisation des parcelles et leurs régimes fonciers et le moment auquel il se situe dans le cycle de vie. Considérer seulement les systèmes de productions ne suffit pas, il est nécessaire de prendre en compte la dimension du système d’activité. En effet les nombreuses enquêtes réalisées dans la zone nous ont permis de mettre en évidence une chose : c’est que si l’agriculture de Milot est un moyen de subsistance pour les plus précaires, elle n’est jamais une fin en soi. En effet, depuis les années Duvalier, une préoccupation majeure au sein de la paysannerie n’a cessé de grandir : c’est d’assurer une bonne instruction à sa descendance pour lui donner accès à d’autres horizons que l’agriculture. L’agriculture n’est plus assez rémunératrice pour les plus pauvres, elle ne permet pas à elle seule de subvenir aux besoins d’une famille. En cause, le peu de moyens de production accessibles et le coût des biens et services quotidiens. Les plus précaires sont donc obligés de diversifier les sources de revenus avec d’autres activités agricoles ou non-agricoles. Pour les familles mieux dotées ayant eu accès à des moyens de production plus importants, un transfert de l’agriculture vers d’autres secteurs d’activités secondaires ou tertiaires avait déjà pu s’opérer grâce aux capacités de capitalisation accrues permises par les systèmes agroforestiers de bas-fond. Selon l’accès au foncier, sa localisation, la capitalisation en SAF et/ou élevage liés à l’héritage et au cycle de vie de la famille, les agriculteurs mettent en œuvre des SP diversifiés. En combinant les systèmes de cultures et d’élevage présentés ci avant, il est possible de modéliser chaque situation. Cependant, trois exploitations archétypiques permettent de représenter cette diversité, de comprendre les stratégies mises en place et les trajectoires de vie qui permettent éventuellement de passer d’une situation à l’autre ainsi que la pertinence et l’impact du PTTA. Elles permettent de représenter les différentes situations économiques révélatrices des dynamiques actuelles.

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1. Les petits métayer/propriétaires des mornes Cette cellule familiale est composée de 2 actifs trentenaires9 (1,5 actif agricole), le chef de famille travaillant à temps plein et sa femme partiellement. Ils vivent aussi avec un parent âgé qui est considéré comme 0,25 actif et qui s’occupe des 4 enfants en bas-âge quand les parents travaillent et qui peut participer aux opérations de récoltes (maïs, pois nègre, pois congo etc.).

Tableau 22 : performance économique du système de production

Système de culture Surface (cx) VAB Coûts Main d'œuvre Régime SAFversant1 0,25 22496 4080 Métayer

Systèmevivriermorne 0,25 14692 1585 PropriétaireSystème d'élevage Caractéristique VAB

bovin 1vacheengdn 5919

Partant sans capital et avec un foncier limité au moment de leur installation car venant de familles nombreuses et défavorisées, leur stratégie repose sur le travail, seul moyen de production dont ils sont dotés. Ils commencent dans l’agriculture avec une parcelle familiale héritée ou cédée qui se situe dans les mornes (tableau 22). La première parcelle en propriété est cultivée en vivrier (SC vivrier de morne) pour assurer la sécurité alimentaire du jeune ménage. Pour compenser le peu de surface agricole, ils cherchent à prendre en faire-valoir indirect des systèmes agroforestiers. Selon la zone dans laquelle ils vivent, les opportunités sont différentes. Il y a deux types de faire valoir indirect dans Milot. Le métayage concerne les systèmes de cultures les plus productifs (SAF de bas-fond surtout mais aussi SAF v1) stables face aux perturbations climatiques, qui assurent un approvisionnement quasi-constant en produits. Le fermage quant à lui concerne les systèmes moins productifs et plus reculés comme ceux des mornes généralement SAF ex-caféiers dont les performances économiques sont moins régulières d’une année sur l’autre. Ces agriculteurs cherchent à travailler les parcelles agroforestières en particulier pour : • la relative forte productivité de la terre et du travail du système parmi toutes les possibilités existantes. • la complémentarité et la diversification sur le plan alimentaire, (d’autres produits arrivant à maturité à d’autres périodes que le SC vivrier), mais aussi au niveau du calendrier de travail (les calendriers culturaux sont décalés dans le temps et permettent une bonne répartition de la charge de travail. D’autre part, les systèmes agroforestiers permettent de répartir les risques sur un nombre plus élevé d’espèces avec des caractéristiques différentes et localisées dans des agroécosystèmes qui tempèrent plus les variations climatiques. En cas de chute d’arbre ou de maladie, celui qui exploite la terre est autorisé à faire du charbon, mais l’exploitation minière est interdite. Elle consiste à couper plus que ce que le système peut renouveler. Pour un SAF de bas-fond, on peut faire une dizaine de sacs de charbon tous 8 ans. En dessous d’un intervalle de 5 ans entre deux gros fours à charbon, le système ne peut pas se renouveler. Pour les systèmes agroforestiers exposés sud, ce seuil est plus bas10. Ensuite, comme les surfaces sont trop faibles pour dégager un revenu suffisant, ils prennent un bovin en gardiennage faute de capital pour investir dans leur propre cheptel. Un bœuf en gardiennage doit être déplacé au minimum deux fois par jour ; ces agriculteurs déplacent les

9Danslesmornes,ilestfréquentdecroiserdestrentenairesn’ayantpaspucapitaliserassezpours’agrandir.10Ilarriveparfoisque lemétayer fasseducharbonmalgré l’interdictionsansprévenir lepropriétairecequipeutdébouchersurdesconflits.Aucuneinstancen’estefficacepourréglerceproblème.

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animaux le matin avant d’aller travailler comme ramponiste chez d’autres propriétaires et les abreuvent et les re-déplacent après avoir quitté le rampono. La zone d’action d’un ramponiste est relativement fixe, elle dépend de son réseau social donc du lieu d’habitation : pour un ramponiste venant des mornes, il connaitra généralement des employeurs dans cette zone et il laissera son bœuf dans cette zone. Les terres les plus dégradées dans les mornes font office de pâturages communaux informels, les bords de route et les zones d’éboulis calcaires couvertes de friches du bonnet-à-évêque jouent aussi le rôle de pâturage pour les petits paysans sans surface. Les revenus agricoles (tableau 23) de l’ordre de 16 000 htg/actif familial ne suffisent pas à couvrir les besoins incompressibles du ménage11 (annexe 6). Pour compléter le revenu, l’agriculteur vend sa force de travail comme journalier intégrant une équipe de rampono. Cependant même au maximum de sa capacité de travail (figure 38 : calendrier de travail), cela ne suffit toujours pas à couvrir les besoins de la famille. L’épouse fait de l’’achat et revente de produits de base en profitant de la forte demande en produits alimentaires au Cap-Haïtien.

Tableau 23 Performance des systèmes de production et d’activité pour les métayers / petits propriétaires

SYSTEME DE PRODUCTION SYSTEME D'ACTIVITE Amortissement 480 RA 27964

VAN 42627 VENTE MO + charbon 26700Salaire ouvrier 5664 COMMERCE 22500

Métaye/Fermage 8998 REVENU SA 77164Actif Agricole 1,75 REVENU/ACTIF F 38582

SAU Totale (cx) 0,5

SAU/Actif 0,3 VAN/carreau 85253 VAN/Actif 24358 Revenu Agricole 27964 RA/Actif 15979

11Lesbesoinsincompressiblesduménagesontestimésà33687htg/an/actif

SAFv1

Svivrierdiversiniémorne

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Figure 38 : Calendrier de travail des métayers /petits propriétaires Le paysan s’occupe de toutes les opérations quand sa femme ne participe qu’aux récoltes. La femme est commerçante de vêtements, savons ou autre, ce qui l’occupe au moins un quart du temps12. En moyenne, un actif masculin est capable de fournir 25 homme-jour de travail par mois mais cette quantité de travail est modulable selon les besoins. L’activité sur leur propre exploitation agricole est limitée par les surfaces disponibles et ils ont besoin d’avoir un salaire journalier pour subvenir aux besoins de la famille. L’homme s’emploie au maximum comme journalier dans d’autres exploitations pendant que la femme fait du commerce. Dans les périodes où les dépenses sont élevées, l’actif complète ses activités par la transformation de charbon en « deux-moitié » 13 si un agriculteur cherche de la main d’œuvre. Sans ces revenus complémentaires ces familles devraient décapitaliser (animaux d’abord, bois comme les chênes présents sur les parcelles vivrières, terre finalement). Certains mois sont surchargés en travail et il faut travailler plus de 25 j ou plus de 5h/j. Les pics de travail agricole sur leurs propres parcelles correspondent à un sarclage qui est, pour les petits paysans, réalisé sous forme de combite. Ces familles sont très vulnérables. La gestion de la trésorerie est tendue.

12Elletravailleenmoyenne15joursparmoispendant6moisdel’annéeets’occupedestachesménagères,approvisionnementeneauetc.13Unpropriétairesouhaitantabattreunarbrepourenfaireducharbonpeutfaireappelàun«métayer»,moyennant60%delaproductionfinale.

0

10

20

30

40

50

60

70

Hom

me-jour(x5h)

SAFv1 SvivrierdiversiniémorneElevagebovin RamponoCharbon commerceWdisponible(1,75actifs)

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Figure 39 : Calendrier de trésorerie des métayers /petits propriétaires Même si le ménage n’est pas déficitaire net à l’année sur la trésorerie, il est déficitaire légèrement en janvier, mars, mai (~1000 htg) et beaucoup plus lourdement en septembre (figure 39). Cette période critique (3068 htg de déficit) est le mois des dépenses scolaires (inscriptions, achat de matériel scolaire, réalisation des uniformes). Pour compenser cette sortie, l’agriculteur n’a pas beaucoup de choix : il lui faut vendre une génisse ou un taureau quand c’est possible (une année sur deux au mieux car il donne un veau/deux au propriétaire), travailler en tant que salarié agricole et faire du charbon, ensuite il peut vendre un arbre sur pied dans son système vivrier diversifié de morne, diminuer le budget consacré à la nourriture, ne pas scolariser un enfant, ou préparer les uniformes à l’avance. La capitalisation du ménage est impossible ou très lente. Pour acheter une parcelle agroforestière (hors SAF de bas-fond car trop cher) de 0,25 cx, il faudrait débourser entre 150 000 et 250 000 htg, ce qui équivaut à pouvoir économiser 15 000 à 25 000 htg par an pendant 10 ans, impossible en l’état. Cela les pousse à acheter si ils le peuvent des parcelles de système vivrier de morne accessibles dans la fourchette basse à 75 000 htg. La capitalisation repose sur les multiplications de contrat de métayage/fermage plus productif. Les enfants grandissant peuvent soit aider, soit être pris en charge par de la famille mieux dotée réduisant ainsi les besoins. Les bonnes années, productives, peuvent permettre, si la trésorerie s’équilibre, de ne pas vendre une génisse ou un taureau initiant un élevage bovin en propriété.

-25000

-20000

-15000

-10000

-5000

0

5000

10000

15000

20000

PBcharbon

PBélevage

PBcommerce

PBventedemaind'œuvre

PBagroforetv1

PBSvivriermorne

Dépenseagroforêtversant1

DépenseSvivriermorne

DépenseconsommationménageDepenseélevagebovin

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ImpactsduPTTAsurl’organisationdusystèmedeproductionEn théorie, les conditions d’éligibilité du PTTA empêchent les métayers et fermiers d’avoir accès au projet. Dans la réalité, il peut arriver que des non-propriétaires aient accès au PTTA. D’autre part, des cas ont été répertoriés où la procédure de sélection a été différente de celle initialement prévue. Au lieu d’attendre que les paysans s’inscrivent sur une liste, des techniciens mandatés par l’opérateur sont allés chercher les agriculteurs directement sur leur parcelle. Les agriculteurs qui ont eu la chance de croiser les techniciens ont pu s’inscrire avec l’obligation d’inscrire la parcelle dans laquelle ils travaillaient dans le dispositif et la faire arpenter. Dans ce cas de figure, le paysan n’a aucun contrôle sur le choix de la parcelle qui va recevoir le paquet technique. D’autres paysans ont eu le choix. On simule les deux scénarii d’une implantation du PTTA sur système vivrier de morne ou sur agroforêt de versant 1. •Implantationdupaquetdansunsystèmeagroforestierdeversant1Les conditions d’accueil sont plus favorables dans ce système déjà couvert, en termed’ensoleillement et de teneur en matière organique ce qui augmente les chances de réussite. D’un point de vue calendrier, le passage d’un système à l’autre augmente les temps de travail de 6,7 homme-jour pour 0,25 carreaux de surface exploitée la première année. La distribution des plantules s’échelonne sur plusieurs mois (décision centralisée à la Direction Départementale du Nord donc peu flexible). Cela peut poser problème en mars qui est une période de pic de travail. Si l’argent de la préparation du sol arrive avant la distribution, il est envisageable d’utiliser une partie de cet argent pour embaucher des journaliers. De toute manière, le paiement du travail dans le paquet est indispensable dans ce cas, car ils ne peuvent pas investir de temps sans rémunération immédiate.

Tableau 24 : Appui du PTTA sur le SAF v1 : Performance économique du système de production et d’activité

SYSTEME DE PRODUCTION

Sans appui du PTTA

Avec appui sur SAF v1

SYSTEME D'ACTIVITE

Sans appui du PTTA

Avec appui sur SAF v1

VAB total 43107 45301 RA 27964 36403 Amortissement 480 480 rampono + charbon 26700 26700

VAN 42627 44751 COMMERCE 22500 22500 Salaire ouvrier 5664 3664 REVENU SA 77164 85603

Métaye/Fermage 8998 9848 REVENU/ACTIF F 38582 42801 Subvention sur revenu 0 5164

Actif Agricole 1,75 1,75 SAU Totale (cx) 0,5 0,5

SAU/Actif 0,3 0,3 VAN/carreau 85253 89502

VAN/Actif 24358 25572 Revenu Agricole 27964 36403

RA/Actif 15979 20802

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Sur le plan économique, l’impact du projet sur une parcelle agroforestière du type v1 est faible la première année (tableau 24). Le potentiel d’augmentation de la VAB est limité dans une parcelle SAF de type v1. De plus, elle passe à 40% dans le partage de la récolte avec le propriétaire. L’augmentation de revenu est significative grâce à la subvention que représente l’argent du sarclage restant. Dans le cas où le paquet n’a pas été distribué en entier, le revenu agricole n’augmente que de 4762 htg contre 7528 htg avec le paquet idéal. Dans la première campagne, les plants de bananiers n’ont pas été distribués pendant la saison des pluies, ce qui fait que certains agriculteurs les ont vendus pour ne pas investir du temps qui potentiellement sera perdu à cause de la sécheresse. Dans tous les cas, le paquet technique n’est pas adapté à la pratique du renouvellement progressif des peuplements bananiers dans les systèmes agroforestiers complexes car les plants de bananes sont tous distribués en même temps avec le PTTA. Une partie sera revendue. Cette vente des drageons de bananes excédentaires ainsi que la subvention sur le sarclage permettent de réduire les coûts d’entretien de la parcelle ainsi que de subventionner le revenu. En supposant que le coupon soit distribué en septembre et calculant la différence entre le montant de cette subvention et le déficit de trésorerie en septembre, on peut voir que le solde est de 2062 htg (tableau 25). C’est autant d’argent qui peut être mis de coté sinon réinvesti dans un petit élevage caprin, un chevreau de 6 mois coutant 2000 htg. Cette subvention permet d’équilibrer la trésorerie en septembre et d’éviter l’exploitation minière des parcelles. En prenant en compte le paquet effectivement distribué, la somme excédentaire après solde est de 386 htg que l’agriculteur peut réinvestir dans les dépenses courantes à défaut de pouvoir réinvestir dans l’appareil productif via l’élevage.

Tableau 25 : Montant restant de la subvention pour le sarclage après paiement du sarclage (0,25 cx) Montantrestantdelasubventionpourlesarclageaprèspaiementdusarclage(0,25cx)

Situationavecsubventionsursarclageidéal

Situationavecsubventionsursarclageréelle

Subventionsarclage 3500 2620 Ventebananeexcédentaire 1630 834 TOTAL(htg) 5130 3454 Déficitdetrésorerieseptembre(htg)

3068 3068

SOLDE(htg) 2062 386 Sur les années suivantes, étant donné que ce système était déjà à des densités maximum en bananiers, l’augmentation de VAB repose sur la production d’igname distribuée par le projet et par la faible diminution des consommations intermédiaires. Dans le meilleur des cas, cela représente 2000 gourdes. L’aide ponctuelle de la subvention sur le revenu permet de régler le déficit de trésorerie en septembre, voir de capitaliser dans le petit élevage. La condition d’une sortie structurelle d’un cycle de pauvreté pour ce cas type repose sur une non augmentation des dépenses familiales, sur des conditions climatiques propices au bon développement du matériel végétal notamment l’igname et sur la constitution d’un cheptel de caprins. Celle-ci ne peut se faire que dans des conditions stables. Or la situation reste précaire tant que le ménage reste dans des niveaux économiques voisins du seuil de survie. Cela signifie que le moindre problème de santé, d’accident amène irrémédiablement le ménage à la décapitalisation.

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•Implantationdupaquetsurunsystèmevivrierdemorne Le système vivrier diversifié de morne est adapté pour recevoir le paquet NP. Situé sur des replats ou des faibles pentes, ayant déjà une base arborée, il peut valoriser toutes les composantes du paquet. L’installation d’un système agroforestier de bas-fond comporte des avantages certains : résilience importante, rôle écosystèmique, récoltes étalées sur l’année.

Figure 40 : Appui du PTTA sur un système vivrier de morne : évolution des performances technico-économiques en fonction des années pour 0,25 cxDans une simulation de l’installation du paquet technique NP sur un système vivrier de morne, la VAB est croissante la première année jusqu'à l’établissement d’un système agroforestier productif (Figure 40). L’investissement en travail est maximal en première année, il descend pour remonter la sixième année quand le système est établi et que les cacaoyers sont entrés en production. Par rapport à la productivité d’un système vivrier diversifié de morne tel que pratiqué par les agriculteurs, le système promu par le paquet permet de dépasser les niveaux de productivité dès l’année 1. Quand le peuplement cacaoyer est installé, la productivité du nouveau système est bien supérieure à celle de l’ancien (tableau 26). Pendant les deux premières années on peut semer des cultures vivrières (maïs, pois congo, pois nègre) avant que l’ombrage ne devienne trop important et assurer une production alimentaire nécessaire.

Tableau 26 : Appui du PTTA sur un système vivrier de morne : Evolution des performances économique en fonction des années pour 0,25 cx

Perf. Economiques Jachère Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 Année 6 –…

PB (htg/an) 0 21343 20443 17008 17908 17908 33133 CI (htg/an) 0 186 2436 0 1750 2250 1100

VAB (htg/an) 0 21157 18007 17008 16158 15658 32033 HJ 0 91 72 62 68 65 73

VAB/cx (htg/cx/an) 0 84629 72029 68033 64633 62633 128133 VAB/hj (htg/hj/an) 0 234 249 275 238 242 438

50556065707580859095

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

VABsystèmepromuparpaquet(htg/an)

VABdusystèmepratiquéparl'agriculteur

HJ

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Tableau 27 : Appui du PTTA sur le S vivrier des mornes: Performance économique du système de production et d’activité

Performance économique sur 5 ans

Sans appui du PTTA

Avec appui sur S

vivrier

SYSTEME D'ACTIVITE

Sans appui du

PTTA

Avec appui sur S vivrier

VAB total 43107 49441 RA 27964 34319Amortissement 480 480 VENTE MO + charbon 26700 26700

VAN 42627 48961 COMMERCE 22500 22500Salaire ouvrier 5664 5644 REVENU SA 77164 83519

Métaye/Fermage 8998 8998 REVENU/ACTIF F 38582 41759 Subvention sur revenu 0 3800

Actif Agricole 1,75 1,75 SAU Totale (cx) 0,5 0,5

SAU/Actif 0,3 0,3 VAN/carreau 85253 97923

VAN/Actif 24358 27978 RA 27964 34319

RA/Actif 15979 19611 L’impact du paquet sur les performances économiques est plus intéressant que par rapport au cas précédent. La VAB progresse de 6334 htg ce qui témoigne d’un gain de performance du système, le revenu augmente aussi grâce à la subvention (tableau 27). Dans ce système, l’implantation des bananiers se fait en une seule fois, donc pas de vente des excédents. A partir de la 6ème année, quand les cacaoyers entrent en production, les performances atteignent ceux d’un système agroforestier de bas-fond.

Figure 41: Calendrier de travail du SP avec implantation du paquet sur le système vivrier

0

10

20

30

40

50

60

70

80

Hom

me-jour(x5h)

SAFv1 Svivrierdiversiniémorne+PTTAElevagebovin RamponoCharbon commerceWdisponible(1,75actifs)

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Le passage d’un système vivrier de morne à un système agroforestier de bas-fond n’occasionne pas de travail supplémentaire si l’on compare la première année d’implantation du nouveau système avec la première année d’implantation d’un système vivrier de morne (figure 41). L’augmentation du temps de travail occasionnée par la plantation du matériel végétal du PTTA est compensée par rapport au travail que le système vivier aurait nécessité sans le PTTA. Par exemple, toutes les quantités de travail liées à la culture du gros pois disparaissent. En prenant en compte les gains de productivité, cela signifie que à travail constant, la VAB augmente, et le revenu d’autant plus qu’il est subventionné la première année. Par contre le retour sur investissement de 9 mois minimum entre la plantation et la 1ère récolte est long pour ces familles. Avec les plantations réalisées en mars, les premiers régimes arrivent à maturité en décembre/janvier, même chose pour les ignames. Donc ces ressources ne seront pas mobilisables pour la période critique de trésorerie que constitue le mois de septembre.

Tableau 28 : Montant restant de la subvention pour le sarclage après paiement du sarclage (0,25 cx) / homme jour Montantrestantdelasubventionpourlesarclageaprèspaiementdusarclage(0,25cx)

Situationavecsubventionsursarclageidéal

Situationavecsubventionsursarclageréelle

Subventionsarclage(htg) 3500 2920 Déficitdetrésorerieseptembre(htg)

3068 3068

SOLDE(htg) 432 -148 Sans la vente des bananes excédentaires, dans un cas idéal, la subvention restante après paiement du sarclage suffirait tout juste à équilibrer la trésorerie en septembre (tableau 28). En prenant en compte le paquet réel distribué, cette subvention ne suffit pas à payer intégralement le déficit. Le paysan ne peut pas capitaliser en bout de course dans l’élevage caprin la première année. Par contre au bout d’un an, les bananiers et les ignames sont déjà rentrés en production et l’augmentation de la productivité permet de dégager au moins 2000 htg pour investir dans une chèvre. Les deux scénarii réalisés mettent en évidence qu’il est plus intéressant d’implanter le paquet PTTA dans un système peu boisé du type vivrier diversifié des mornes car le potentiel gain de productivité sera élevé. Implanter le paquet PTTA dans un système agroforestier déjà établi ne présente pas d’intérêt sur plan gain de la productivité et c’est parce qu’il n’est pas adapté à ces espaces que les agriculteurs peuvent vendre les drageons de banane excédentaires donc améliorer leur revenu et investir dès la première année dans une chèvre. Dans les deux cas, le paquet permet de sortir les agriculteurs du déficit dans les mois critiques avec l’argent restant du coupon préparation de sol/ sarclage. Choisir de distribuer le PTTA dans les systèmes vivriers de morne paraît plus durable au vu des avantages des systèmes agroforestiers à conditions qu’il n’y ait pas de perturbations climatiques fortes. La vulnérabilité des plantules au stress hydrique est plus importante sur les systèmes vivriers que les systèmes agroforestiers. Pour accompagner la phase de transition, il apparaît nécessaire de payer le travail que le paquet implique car les calendriers de travail et trésorerie montrent qu’ils ne peuvent investir du travail sans rémunération immédiate et d’appuyer la transition sur plusieurs années en cas de perte de plantules jusqu’à ce que les cacaoyers rentrent en production.

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2. Les moyens propriétaires des mornes Cette situation représente un type d’agriculteurs partant avec un capital foncier plus important dès le départ et à un stade de vie plus avancé (40 ans). C’est un ménage de deux actifs avec 4 enfants dans le primaire et le secondaire. Ils sont mieux dotés en système agroforestier donc ayant eu des perspectives d’agrandissement plus importantes que la catégorie précédente. En effet soit ils ont pu capitaliser via une émigration économique en République Dominicaine et ont pu acheter des parcelles avec des systèmes de type SAF de versant 1, soit ils partaient au départ avec un héritage foncier et SAF/animaux plus conséquents. Ils sont propriétaires de plus de la moitié des surfaces exploitées sur lesquelles ils ont des cultures diversifiées : systèmes agroforestiers de versant de type v1, des systèmes vivriers de mornes, des systèmes vivriers à base manioc ainsi que d’une bananeraie (tableau 29). Tout comme les petits propriétaires, ils essayent d’évoluer vers les systèmes agroforestiers productifs (v1) qu’ils peuvent travailler en obtenant un contrat de métayage avec un grand propriétaire retraité ou habitant en ville.

Tableau 29 : Performances économiques du système de production des moyens propriétaires de mornes

Système de culture Surface (cx) VAB VAB/cx Coûts Main d'oeuvre Régime S vivrier diversifié morne 0,25 14692 58767 1554 propriétaire

SAF v1 0,25 22496 89984 4080 propriétaire s vivrier sec morne 0,25 7555 30219 3478 propriétaire

SAF v1 0,5 44992 89984 8159 métayer Banane 0,25 18089 72357 2444 propriétaire

Système d'élevage Caractéristique VAB caprin 2 14367 équin 1 9200

Tableau 30 : Performance économique des systèmes de production et d’activités des moyens propriétaires

SYSTEME DE PRODUCTION SYSTEME D'ACTIVITE VAB 131391 RA 92178

Amortissement 1051 COMMERCE 22500 VAN 130340 REVENU SA 114678

Salaire ouvrier 19714 REVENU/ACTIF F 57339 Métaye/Fermage 18447

Subvention sur revenu 0 Actif Agricole 1,5

SAU Totale (cx) 1,5 SAU/Actif 1,0 VAN/carreau 86893 VAN/Actif 86893 Revenu Agricole 92178 RA/Actif 61452

systèmevivrierdiversiniémorne

SAFv1

systèmevivriermanioc

SAFv1

Banane

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Leur performance économique les place largement au dessus du seuil de survie14 (annexe 7) avec un revenu par actif du système d’activité de 57 339 htg (tableau 30). Les dépenses de la vie courante augmentent en même temps que le revenu (téléphone portable, viande plus souvent) d’après les enquêtes pour un ménage de moyens propriétaires, on estime ce budget entre 42000 htg et 45000 htg. En prenant la fourchette haute, après déduction des ces dépenses, il reste 12 000 htg/an ce qui représente 2000 htg en plus en moyenne par mois. Les calendriers de trésorerie ne sont pas déficitaires et l’agriculteur peut économiser chaque année. Ce surplus est investi dès que possible dans un cheptel caprin et bovin. Le cheptel bovin est rapidement limité à cause de la pauvreté nutritionnelle des pâturages, le cheptel caprin pourra atteindre 3-5 têtes si aucun n’évènement de vient perturber la capitalisation. L’élevage servira de moyen d’épargne afin d’augmenter la SAU et de payer la scolarisation des enfants. Les premières terres achetées seront des parcelles capables de mettre en œuvre des systèmes vivriers de morne car ce sont les moins chères, systèmes qu’ils transformeront ensuite en bananeraies pour une plus grande productivité de la terre. Leur rythme d’agrandissement est lent (1 parcelle de 0,25 cx tous les 10 ans) car l’essentiel des surplus est d’abord investi dans la scolarisation des enfants. S’ils peuvent, ils choisiront les meilleures écoles pour leur enfant avec l’espoir de les envoyer au Cap pour faire leurs études.

Figure 42 : Calendrier de travail des moyens propriétaires

La charge de travail est largement excédentaire à cause des nombreux sarclages à effectuer (2 sarclages x 5 parcelles). Il est indispensable pour l’agriculteur de recourir à l’emploi de main d’œuvre extérieure lors des pics de travail (figure 42). Cependant quelques travaux n’interviennent que ponctuellement ; par exemple, la plus grande partie du travail de janvier correspond à la réalisation de charbon dans le système agroforestier de 0,5 carreau ; un gros charbon est réalisé une fois tous les 8 ans et un petit charbon tous les 3 ans.

14Lesbesoinsincompressiblesduménagesontestimésà33687htg/an/actif

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

80,0

90,0

100,0

Hom

me-jour(x5h)

Sbanane0,25cx SAFv10,25cxSAFv10,5cx Savanefraîche0,25cxSavanechaude0,25cx

Wdisponible(1,5actifs)

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Le PTTA ici a un effet de subvention au revenu et d’augmentation de la VAB selon le système sélectionné. Les choix sont multiples pour implanter le paquet technique du PTTA, le cas le plus favorable serait le système vivrier de morne. Dans ce cas-là, l’augmentation du revenu serait durable. En considérant le calendrier de travail, chaque surcharge de travail devra être compensée par un emploi de main d’œuvre extérieure pour un agriculteur qui est déjà saturé en temps. Le PTTA ne change pas la stratégie économique, les surplus de revenus engendrés sont réinvestis dans l’élevage dans un but d’épargne et dans la scolarisation.

3. Les nouveaux propriétaires pluriactifs et patronaux Ces propriétaires (SAU>2cx) ne sont pas les grands propriétaires historiques de la zone. Ils ont profité au cours de leur vie de situations favorables ou d’évènements particuliers notamment l’accès à une seconde activité qui leur ont permis de s’agrandir. Ils habitent soit en ville soit près des routes. Ils ont hérité au moins d’une parcelle sur les terres les plus productives, c’est à dire les parcelles agroforestières de bas-fond (tableau 31). Leurs parents qui étaient exploitants ont pu profiter au moment où les prix du café étaient encore intéressants pour dégager des revenus agricoles suffisants pour envoyer leurs enfants faire des études, ce qui a limité les divisions par héritage. Les exploitants actuels sont déjà la deuxième génération. Ne pouvant s’agrandir en achetant des terres en bas-fond à cause prix prohibitifs, ils se sont tournés vers les terres de plaine. Cette augmentation de leur surface a pu se faire grâce à la libération des terres en plaines post-déchoukaj. Ils ont donc une assise confortable en système agroforestier (entre 0,5 et 1 carreau). Ils assurent leurs besoins alimentaires avec des systèmes de cultures vivriers diversifiés de plaine tout en ayant un revenu commercial avec la culture de la patate douce (0,25-0,5 carreaux). Le reste de la SAU est exploité en bananes (systèmes intensifs en banane (0,5-1 carreaux). Ils sont propriétaires de bovins qu’ils cèdent en gardiennage à de petits propriétaires.

Tableau 31 : Performance économique du système de production des nouveaux propriétaires pluriactifs et patronaux

Système de culture Surface (cx) VAB Coûts Main d'œuvre Régime

SAF bas fond 0,5 71217 8799 Propriétaire SAF versant 1 0,25 22496 4080 Propriétaire

Bananeraie 0,5 36179 4888 Occupant S vivrier plaine 0,25 12204 6533 Occupant S vivrier plaine 0,25 12204 6533 Occupant

Bananeraie 0,5 36179 4888 Occupant Système d'élevage Caractéristique VAB

bovin 3 cédés en gardng 9163

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Tableau 32 : Performance des systèmes de production et d’activité des nouveaux propriétaires pluriactifs et patronaux

SYSTEME DE PRODUCTION SYSTEME D'ACTIVITE VAB 204 421 RA 168205

Amortissement 498 ACTIVITE AUTRE 40000 VAN 203924 REVENU SA 208205

Salaire ouvrier 35719 REVENU/ACTIF 104102 Métaye/Fermage 0

Actif Agricole 1,25 SAU Totale (cx) 2,25

SAU/Actif 1,8 VAN/carreau 90633 VAN/Actif 163139 Revenu Agricole 168205 RA/Actif 134564

Ils ont profité de leur insertion dans le tissu urbain de Milot pour diversifier leurs activités agricoles ou extra-agricoles (poulailler semi-intensif, boulangerie, fabrication de chaux, inscription en tant que fournisseur dans le PTTA). C’est parce qu’ils habitent à proximité de la grande route qu’ils peuvent développer cette activité (accès aux intrants et aux clients nécessaire). Ces revenus supplémentaires ont joué un rôle dans la vitesse d’agrandissement.

SAFbf

SAFv1

Banane

Svivrierplaine

Svivrierplaine

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Figure 43 : Calendrier de travail des nouveaux propriétaires pluriactifs et patronaux La quantité de travail que demande ce système de production est largement excédentaire à ce que peut fournir l’agriculteur, notamment au niveau des sarclages (figure 43). Le propriétaire est obliger de recourir à de la main d’œuvre extérieure. Parce que occupé aves ses activités annexes, il fait appel à des contractuels qui sont payés un peu plus chers mais qui ne nécessitent pas de supervision. Le budget consacré au paiement des contractuels, s’élève à 33 000 gourdes ce que gagne un actif familiale métayer/petit propriétaire pour toutes ses activités/an. La stratégie d’agrandissement en plaine comporte l’avantage de réduire au maximum les temps sur le trajet donc de gagner du temps de gestion des contractuels, en comparaison avec les mornes. Le PTTA dans ce genre de situation ne présente pas d’intérêt, ces agriculteurs sont loin d’avoir besoin de subventions, déjà installés dans des situations de rente commerciale (cacao, banane), ils sont bien au delà des seuils de survie, bénéficiant d’un autre salaire.

0,0

20,0

40,0

60,0

80,0

100,0

120,0

140,0

160,0

180,0

200,0

Hom

me-jour(x5h)

SAFv1 8Sbanane0,5cx Sbanane0,5cxSvivrierassocié0,25cx Svivrierassocié0,25cxWdisponible(1,25actifs)

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V. Le PTTA, de nécessaires réorientations pour atteindre l’objectif d’une augmentation durable des revenus

La pluriactivité est obligatoire pour les plus défavorisés, plus intéressante pour les grands propriétaires (annexe 7). Le coût d’opportunité du travail toute catégorie confondue a été évalué à 30 000 htg/an correspondant à des emplois accessibles : pour les hommes jeunes, mototaxi et ouvrier non qualifié dans la construction, pour les femmes quelque soit leur âge, petit commerce. Sans l’agriculture, les jeunes qui n’ont pas fait d’études pour pouvoir s’employer dans des secteurs plus rémunérateurs, peuvent fonder un foyer. Ils ne pourront subvenir aux besoins de leurs dépendants car le revenu autorisé par les emplois non qualifiés est inférieur au seuil de survie. Cela explique l’émigration importante vers la ville ou vers la République Dominicaine en tant que travailleur agricole ou ouvrier dans le bâtiment. Cette alternative est menacée par les nouvelles politiques migratoires de « déportation » mise en place récemment par la République Dominicaine. Pour répondre à cette situation, l’agriculture a un rôle majeur à jouer pour valoriser cette main d’œuvre à des niveaux de rémunération suffisants et le PTTA peut y contribuer.

1. Les systèmes agroforestiers, une cible d’intervention pertinente

Améliorer la productivité de la terre est essentiel pour améliorer les niveaux de revenus des agriculteurs. D’après la comparaison des systèmes présents, les systèmes agroforestiers apparaissent comme les plus performants (SAF bas-fond et versant 1) avec le système banane. Les systèmes agroforestiers multifonctionnels ont aussi plusieurs avantages. Pour n’en citer que quelques uns : ils sont d’une grande richesse spécifique et variétale, les espèces présentes sont complémentaires dans la valorisation des ressources ; sur le plan économique, ils participent à la sécurité monétaire et alimentaire de la famille sur l’année combinant cultures de rentes et pluriannuelles vivrières et sont riche espèce « d’épargne » comme le chêne ou le bois blanc ; enfin sur le plan écosystèmique, ils joue un rôle important dans la séquestration de carbone, le maintien des sols et de leur fertilité via un transfert vertical de fertilité . Cibler le développement de ces systèmes, composante fondamentale dans l’agriculture Milotienne, apparaît plus que pertinent.

2. Mais une nécessaire révision du contenu des paquets selon les zones agroécologiques …

Partant du constat que le paquet nouvelle plantation n’est pas adapté à la diversité des zones agroécologiques, il conviendrait de revoir les points suivant selon les systèmes de culture. • La composante cacao, à cause des exigences édaphiques et physiologique de l’arbre (besoin d’un sol profond avec une bonne capacité de rétention d’eau, riche en matière organique, besoin en eau supérieur à 1400 mm par an pour un développement optimal : annexe 2) n’est valable que dans les systèmes de culture de bas-fond, de légère pente et de replat d’accumulation. Cela signifie que l’implantation du paquet sur les systèmes de cultures présents sur forte pente n’est pas pertinente. Les plantules ont un fort taux de mortalité dans les espaces découverts • L’adéquation des variétés de banane avec le système hôte est un élément clef pour la réussite de l’implantation, l’efficacité du renouvellement/intensification des peuplements bananiers. Les fournisseurs doivent assurer un approvisionnement de qualité dans ce sens.

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• L’igname miniset présente des taux de mortalité très élevés qu’il est nécessaire de remplacer par de l’igname traditionnel. L’igname constitue un des points forts du paquet, la flexibilité des périodes de récolte, les densités très élevés permises, son fort prix à la vente et son rôle dans la sécurité alimentaire lui ont valu le qualificatif par les paysans de Milot de « soutien de la nation ». Il est adapté à tous les systèmes présentant un ombrage minimum et des tuteurs pour la croissance, c’est à dire la majorité des systèmes de cultures. • Les arbres de couvertures sont inutiles dans les milieux boisés (SAF de bas-fond, SAF v1 et SAF v2). • L’amendement n’est pas adapté pour les systèmes agroforestiers, la fertilisation étant déjà assurée par les arbres de couverture via des transferts verticaux de fertilité. Les paysans ne montent pas les sacs d’engrais dans les mornes, le rapport investissement en temps-argent / bénéfices n’est pas assez fort. Il faut louer un âne et faire des allers retours exigeants en temps. L’offre en amendement est variable et n’a pas montré d’efficacité lors des phases d’installations des plantules. Il conviendrait d’établir une formulation précise des amendement/engrais, homogène au sein des fournisseurs, présentant un intérêt pour améliorer la colonisation des espèces du paquet dans des terres dégradées. L’analyse du calendrier de travail et de la trésorerie des catégories sociales les plus vulnérables a montré que ces paysans ne pouvaient pas se permettre une surcharge de travail non immédiatement rémunérateur comme c’est le cas lors de l’implantation du paquet. Il serait pertinent de fournir une prise en charge des frais de plantations, d’application, de transport et de stockage de l’engrais par le PTTA. L’histoire agraire de Milot à montré l’importance du café, des agrumes et du cacao dans les stratégies de capitalisation des paysans. Touchés de plein fouet par des maladies (scolyte, rouille pour le café, maladie du dragon jaune pour les agrumes), les systèmes ont perdu en productivité, notamment ceux, riches en café, basés sur les versants des mornes. Réhabiliter des peuplements caféiers résistants aux ravageurs serait un enjeu de taille avec à la clef, une revalorisation des systèmes agroforestiers de versant 1 et 2, une augmentation de la productivité de la terre et des revenus des paysans concernés ; ceux là même qui avaient subi la crise plus que les autres car dépendant essentiellement du café. Les agrumes présents anciennement dans tous systèmes agroforestiers et dans les systèmes vivriers de morne et de plaine, constituent un revenu supplémentaire à la période des semis (mars) et pourraient jouer un rôle important dans l’intensification des ces systèmes, à condition que des travaux sur les variétés/porte-greffes soient mis en place.

3. … Et une autonomisation des paysans sur la production de plantules/fumier/

Le renouvellement des peuplements cacaoyers est progressif. Chaque année, les planteurs plantent des graines de cacao au pied des bananiers, ils assurent eux-mêmes le renouvellement sans dépenses et avec un travail minimum. La demande en plantule hors-projet PTTA est nulle. Il faut considérer d’un point de vue technique les avantages des plantules par rapport aux graines directement mises à germer. Les plantules à un stade 6 mois sont assez développées pour éviter une trop forte compétition avec les adventices et risque moins d’être fauché lors des sarclages. Pour les amendement, il n’y avait pas de demande non plus. Si riches en matière organique, ils pourraient être intéressants pour la reprise des terres dégradées. Une incitation économique et un faible appui technique pour les plus vulnérables peut être mise en place. En supposant que le marché des plantules est artificiel (travail de Bruno PECH), il risque de s’effondrer à la sortie du PTTA. Plutôt que de sous-traiter une opération peu technique, il pourrait être intéressant d’appuyer les paysans pour les rendre

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autonomes sur les travaux de pépinières et de compostage avec des incitations financières pour compenser les investissements ainsi que les surplus de travail.

4. Un recentrage du projet sur les populations qui en ont le plus besoins

Les grands propriétaires et dans une moindre mesure, les moyens/petits propriétaires ne sont pas les catégories sociales qui ont le plus besoins de l’aide du projet. Leur niveau de revenu est suffisant pour qu’ils puissent capitaliser et satisfaire leurs dépenses. En revanche, les métayers/petits propriétaires apparaissent comme les populations à cibler. Ce sont les plus vulnérables, ils ont une trésorerie tendue et sont déficitaires à certaines périodes de l’année. La moindre perturbation (climatique, économique, familiale) sur leur équilibre (calendrier de travail et de trésorerie) peut les amener dans un cycle de décapitalisation (animaux, arbres, terres). Les prélèvements d’arbres pour en faire du charbon vont dans le sens opposé à la consolidation des SAF portée par le PTTA. La pression démographique, le morcellement des terres au fil des héritages ainsi que les aléas climatique risquent à l’avenir de fragiliser encore cette frange de la population, qui n’aura d’autre choix que de migrer. Se concentrer sur les plus vulnérables signifie tout d’abord se concentrer sur les plus jeunes qui, à leur installation sont peu dotés en moyen de production. Se concentrer sur les plus vulnérables, c’est aussi concentrer l’intervention dans les zones qu’ils occupent, l’histoire agraire de la zone nous l’a montré, dans les mornes. Cela signifie aussi se focaliser sur les systèmes de cultures hôtes les plus favorables, c’est à dire sur les systèmes de cultures qu’ils mettent en place dans les piedmonts/mornes. Au sein de ces systèmes de cultures, les systèmes vivriers de replat ou de légère pente sont ceux qui permettent d’exprimer au mieux le potentiel d’amélioration de la productivité du paquet sans occasionner de surcharge de travail ; et donc d’améliorer durablement les revenus. Se centrer sur les plus vulnérables implique aussi, un gros travail de sélection et de filtre avec un contrôle accru des opérateurs de la CECI sur le terrain. Cette sélection rigoureuse doit permettre d’identifier les agriculteurs les plus vulnérables, d’identifier les systèmes de cultures de ceux-ci les plus aptes à recevoir le PTTA en concertation avec le paysan, sous peine de retomber dans les schémas actuels. Un paquet technique non adapté au système de culture entrainera un temps de travail supplémentaire que les métayers/petits propriétaires ne peuvent fournir à cause de leur calendrier de travail saturé. Il n’y aura pas d’augmentation significative de la productivité du système donc pas d’augmentation durable des revenus. Par contre, les subventions sur le sarclage qui s’apparentent à une subvention sur le revenu, peuvent les sortir du cycle de décapitalisation voire leur permettre d’investir l’argent restant dans du petit élevage.

5. ….Et un appui financier et technique 2 ou 3 ans successifs pour augmenter les chances d’amélioration durable du revenu

La sensibilité importante des plantules aux stress hydriques peut expliquer une forte mortalité et un retard de développement et de fructification des cultures. Les forts taux de mortalité observés cette année sont dus au manque de précipitations, avec des variations selon les conditions du milieu hôte. En plaine et sur les versants, les mortalités sont plus importantes que dans les SAF de bas-fond. Dans cette situation, les niveaux de risques sont importants. Les paysans investissent du temps dans des opérations de plantation avec à la clef une mortalité importante. Une aide ponctuelle ne peut pas dépasser ces contraintes, c’est là sa

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principale faiblesse. Certes la subvention peut permettre aux plus vulnérables de sortir pour une saison d’un cycle de décapitalisation, mais n’entraine pas d’augmentation durable du revenu. Pour maximiser les chances de réussite et être efficace, il apparaît nécessaire d’accompagner les bénéficiaires pendant deux voir trois ans dans l’installation du paquet technique. Il s’agit de payer le coût supplémentaire de travail, d’assurer le renouvellement des plants en cas de perte jusqu’à ce que le système soit en place et productif pour repartir sur un cercle vertueux.

6. Une ouverture des paquets vers l’appui de l’élevage Avec l’augmentation croissante de densité démographique, l’enjeu va être d’intensifier les systèmes de cultures c’est à dire créer plus de richesses sur les mêmes surfaces. Le potentiel pour étendre et intensifier les systèmes agroforestiers est présent, ce qui pourrait être une partie de la solution. Cependant il pourrait être intéressant de réfléchir à une meilleure intégration agriculture/élevage. Le système serait basé sur le développement des systèmes vivrier/forestier comme source d’alimentation pour les animaux avec en retour une fertilisation de ceux-ci. L’intérêt serait d’augmenter le chargement animal pour permettre une capitalisation via l’élevage plus forte. D’autant que dans un contexte de grand risque lié à l’occurrence imprévisible de sécheresse, tout investir dans des systèmes de cultures peut être risqué. Le taux de mortalité et de retard de développement est élevé une année sur trois. L’élevage est une source d’investissement pour les fermiers aujourd’hui. Aller dans ce sens peut être intéressant à condition de raisonner les espèces, races, modes de conduite, gestion de l’alimentation et le chargement ainsi que l’assistance technique et la valorisation de la production sur le marché. Une étude complémentaire pour évaluer le système adapté et raisonner les moyens et les contraintes est nécessaire.

7. … Accompagnement, valorisation et marché composante importante pour l’amélioration durable des revenus

Les systèmes agroforestiers sont des systèmes productifs riches, résilients, évolutifs qui s’adaptent au contexte socio-économique des paysans. A Milot, café puis cacao ont été les moteurs de processus de capitalisation. Mais la chute des prix du café a participé à une crise paysanne importante. Cette volatilité interroge sur la dépendance d’une économie à une denrée d’exportation brute. Il convient de s’intéresser à l’aval de la filière. Comment une intervention ciblée sur la valorisation et la transformation pourrait augmenter la valeur ajoutée afin de tamponner la volatilité des prix. Depuis une dizaine d’année, le cacao a subi une augmentation de la demande sur le marché mondiale grâce à la hausse de la demande chinoise et russe. Jusqu'à quand les prix du cacao seront assez élevés pour inciter les paysans à développer des systèmes à base de cacaoyers ? D’autant que chaque décennie voit des espèces piliers du système disparaître (café, agrumes). Ces questions requièrent une étude de marché/filière sur les marges de manœuvre pour augmenter la valeur ajoutée. Dans le cas d’une mise en place d’un paquet de réhabilitation café/agrume, il faudrait étudier les capacités des filières et du marché à absorber une hypothétique augmentation de la production. Les agrumes ont toujours des débouchés locaux et nationaux, mais la filière d’exportation du café pourrait être limitée face à une surproduction de café. Une étude de marché/analyse filière préalable serait conseillée avant toute intervention. Concernant l’augmentation de la production de cacao, on peut estimer le nombre de plantules distribuées à 400 000 (travail de Bruno PECH). En évaluant un rendement moyen de 3 livres par pieds, et un taux de survie à 50% la production dans une dizaine d’année augmenterait de 600 000 livres au maximum. Actuellement les coopératives ont des trop faibles volumes pour pouvoir espérer absorber cette production. Novella, principal exportateur de cacao dans le nord serait

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en train de construire une grande usine de fermentation du cacao à Grande Rivière du Nord (source : entretien avec Novella). Cela signifierait une capacité de transformation importante et garantirait non seulement un débouché assuré mais aussi un meilleur prix aux producteurs, à conditions de changer les modes de récoltes. Le cacao fermenté nécessite d’être écabossé et mis à fermenter la même journée ce qui implique de prévoir un transport dans la même journée. Les paysans des mornes reculés seraient sans doute désavantagés face aux producteurs de bas-fond à proximité de la route. Cela pourrait constituer un creusement des inégalités. La fermentation permet de vendre le cacao dans la catégorie des cacaos fins et aromatiques payés plus chers (source : entretien). Si la production d’Haïti bascule vers le marché de niche des cacaos fins et aromatiques et que le prix se répercute sur les producteurs, alors la production de cacao pourrait s’avérer une solution payante(cfprojetd’AVSF).

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CONCLUSION La différenciation sociale qui s’est construite sur l’accès au foncier et au capital biologique est toujours d’actualité aujourd’hui. Les zones de bas-fond, productives très denses en cacaoyers ont permis et permettent de capitaliser rapidement. Les zones de mornes, territoire historique des populations vulnérables, suite aux désavantages comparatifs (distance domicile-parcelle plus importantes, pénibilité, sols moins profonds, densité d’espèce d’intérêt permise moins importante) n’ont pas permis aux paysans de se développer. L’intervention du PTTA, caractérisée par un paquet universel par campagne quels que soient les milieux dans lequel il s’implante, n’a pas identifié de populations spécifiques à cibler. La sélection ouverte a permis non seulement de fournir un paquet technique à des propriétaires qui n’en avaient pas besoin, mais aussi de le faire dans des systèmes de cultures inadaptés au paquet. L’impact du PTTA suite à l’implantation du paquet dans un système non adapté consiste en une subvention ponctuelle sur le revenu qui est susceptible de sortir temporairement les paysans les plus vulnérables d’un cercle de pauvreté mais n’a pas d’effet sur l’augmentation durable du revenu. En aucun cas elle n’a permis au paysan d’investir de façon significative dans son système productif. L’implantation du PTTA dans certains systèmes de mornes semble intéressante pour les systèmes vivriers et les systèmes agroforestiers de versant permettant une augmentation du revenu liée à une augmentation de la productivité du système. Le résultat est d’autant plus intéressant qu’il concerne les populations vulnérables des mornes. Seulement la sensibilité des plantules aux aléas climatiques est telle que les effets positifs du PTTA sur la productivité sont menacés à la moindre perturbation climatique. Pour que le PTTA se mette dans des conditions de succès, il faut qu’il se dote d’une politique pour cibler en priorité les populations les plus vulnérables dans des zones qui soient adaptées. Le projet tel qu’il est appliqué doit, s’il veut être durable, accompagner les agriculteurs sur plusieurs années, multiplier les chances d’implantation des espèces valorisées par le paquet. En outre une évolution de la composition du paquet est nécessaire, pour s’adapter à la diversité du milieu et offrir plusieurs stratégies à l’agriculteur. Un paquet technique basé sur le café et les agrumes pourrait être envisageable à condition de faire un travail prospectif sur le marché et sur la valorisation potentielle de la production. Diversifier les paquets techniques vers l’élevage pourrait être pertinent : celui-ci a prouvé son rôle fondamental dans la capitalisation et il assurerait un revenu plus stable vis-à-vis des aléas climatiques.

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ROMAIN. J-B, Quelques mœurs et coutumes des paysans Haïtiens, in Revue de la faculté d’ethnologie, 1959 ROSTOW, Walt-Whitman. The stages of economic growth, 1959, in Economic Historic Review 12. SEBILLOTTE Michel. Agronomie et agriculture. Essai d'analyse des tâches de l'agronome, 1974 Cah. ORSTOM, sér. Biol. : 3-25. SEBILOTTE Michel, Système de culture, un concept opératoire pour les agronomes, 1990a, In : L. Combe et D. Picard coord., Les systèmes de culture. Inra, Versailles : 165-196.

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Annexe 1 : Critères d’éligibilité au programme PTTA

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Annexe 2 : Caractéristiques générales du cacaoyer extrait de la thèse de Patrick Jagoret : Analyse et évaluation de systèmes agroforestiers complexes sur le long terme : Application aux systèmes de culture à base de cacaoyer au Centre Cameroun

• Besoin hydrique Le cacaoyer exige une pluviométrie moyenne annuelle comprise entre 1 500 et 2 500 mm de pluies, mais peut végéter correctement avec seulement 1 100 à 1 200 mm dans des sols riches et profonds. La répartition des pluies et la durée de la saison sèche sont également deux facteurs à considérer. Une répartition uniforme des pluies est souhaitable et la saison sèche ne doit pas dépasser deux à trois mois, une durée plus longue conduisant la plante, dans des terrains moyennement fertiles, à souffrir considérablement ». Durant ces trois mois de saison sèche maximum, la pluviométrie doit être supérieure à 70 mm car des déficits hydriques trop prononcés peuvent provoquer une défoliation des cacaoyers pouvant entraîner leur mort, ou affecter fortement l’établissement des jeunes cacaoyers en terme de mortalité et de retard de développement (Burle, 1961 ; Braudeau, 1969). • Conditions du milieu Les cacaoyers peuvent se développer sur des sols divers à condition de le faire dans des environnement physique et chimique favorable. Le système racinaire du cacaoyer s’apparente à un pivot simple ou multiple pouvant atteindre plus de deux mètres et qui se ramifie en racines traçantes dans la couche humifère riche en nutriment et en eau. « Il en résulte que le cacaoyer requiert des sols profonds (minimum 1,5 m), bien drainants (non hydromorphes), de préférence à texture sablo-argileuse, proche de la neutralité (pH compris entre 5 et 8, de préférence entre 6 et 7,5), à l’horizon superficiel riche en matière organique (3 % au minimum) et assez bien pourvu en éléments minéraux, même si ce dernier facteur peut être corrigé par des apports en éléments minéraux » (Hanak Freud et al., 2000). • Productivité des cacaoyers Lorsque les exigences pédoclimatiques du cacaoyer sont satisfaites et que celui-ci est cultivé dans un environnement similaire à son milieu d’origine, il est communément admis que sa productivité demeure faible (Burle, 1961). En effet, si le cacaoyer possède la capacité de se développer dans un environnement ombragé, il s’avère que sa production potentielle est limitée, en dehors de tout autre facteur limitant, lorsque l’éclairement reçu est inférieur à 1 800 heures par an (Asomaning et al., 1971 ; Gerritsma et Wessel, 1996). Ainsi, pendant les premiers stades de son développement, le jeune cacaoyer a « besoin pour une croissance optimum d’un ombrage relativement dense ne laissant passer que 25 à 50 % de la lumière totale ». Ensuite, lorsque « l’auto-ombrage intervient en diminuant l’intensité lumineuse moyenne reçue par unité de surface foliaire sur l’ensemble de l’arbre, l’ombrage doit être progressivement diminué pour laisser passer 70 % de la lumière », voire davantage (Braudeau, 1969). De nombreux travaux de recherche ont établi que « l’ombrage constitue un frein à la production et que le rendement maximum d’un cacaoyer adulte ne peut être obtenu qu’avec une exposition totale à la lumière» (Braudeau, 1969), à plus forte raison s’il s’agit de matériel végétal sélectionné à haut rendement (Ahenkorah et Akrofi, 1968 ; Besse, 1972 ; Ahenkorah et al., 1974). En fait, les interactions entre les nombreux facteurs écologiques qui interviennent dans la culture du cacaoyer sont complexes et il est difficile de dissocier l’influence de chacun d’eux de celle de l’ensemble des éléments qui constituent l’environnement (Burle, 1961 ; Braudeau, 1969). Pour obtenir des rendements en cacao marchand supérieurs à ceux que le cacaoyer est capable de fournir lorsqu’il est placé sous un ombrage dense, il est généralement recommandé de le cultiver en culture pure ou sous un ombrage léger (Enriquez, 1985 ; Wood et Lass, 1985 ; Willson, 1999). Or, lorsque que le cacaoyer est cultivé sans ombrage, sa productivité optimum ne peut être obtenue « que dans la mesure où tous les autres facteurs d’environnement sont favorables » : disponibilités en éléments minéraux en quantité suffisante, apport régulier d’engrais, pluviométrie suffisante et bien répartie, protection phytosanitaire contre les mirides (Braudeau, 1969). Faute de quoi,

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l’absence d’ombrage manifeste au contraire un effet dépressif sur les rendements qui sont satisfaisants à court terme mais baissent fortement ensuite (Ahenkorah et al., 1974 ; Jadin, 1992). Extrait de l’article de Louis KOKO : Corrélations entre le vieillissement précoce des cacaoyers et les caractéristiques morpho- pédologiques dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire “Ainsi, les études ont permis de montrer qu’il existe une relation étroite entre la position topographique et l’ampleur du vieillissement précoce des cacaoyers. En effet, il a enté mis en évidence que les taux de vieillissement précoce des cacaoyers sont plus enlevés sur les parties hautes du versant, c'est-à-dire le sommet et le haut de versant, que sur les parties basses, à la mi- versant et au bas de versant. Ce travail a mis en évidence une triple corrélation significative entre la position topographique, l’état de vieillissement précoce des cacaoyers et les caractéristiques morpho-pédologiques[…].“

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Annexe 3: Exemple de calcul des performances économiques d’un système de culture : système agroforestier de bas-fond Face au nombre trop important de système de calcul, nous avons choisi un exemple parmi tous les systèmes de culture. Dans l’ordre calcul du produit brut PB, des consommations intermédiaires CI, calendrier de travail, calcul des cout de main d’œuvre, calcul de la VAB (=PB-CI) et VAB/hj.

CULTURE/PB Entrée unité rdtmoyen unité Prix Unité Frequence PBCACAO 18 kin 450 livres 30 htg/livres 1 13500CAFÉ 1,5 bidons 7,5 marmittes 150 htg/marmittes 1 1125BANANEMUSQUEE/POBAN 0 plants 0 régimes 150 htg/régimes 1 0BANANEJEDINETTE/FRANCE 200 plants 100 régimes 150 htg/régimes 1 15000YAM 40 buttes 75 htg/butte 1 3000TARO MANUELPAMPLEMOUSSE 3 arbre 4,6 sac/arbre 275 htg/sac 1 1265ORANGEDOUCE 4 arbre 4,9 sac/arbre 350 htg/sac 1 1709ORANGEACIDE 0 arbre 0,0 sac/arbre 125 htg/sac 1 0AVOCAT 3 arbre 4,1 sac/arbre 1 1028NOIXDECAJOU 0 arbre 0,0 sac/arbre 450 htg/sac 1 0CHARBON 15 sacs / / 150 htg/sac 0,13 281,25CHARBON 3 sacs / / 300 htg/sac 0,33 300PLANCHES 0 douzaine / / 1250 htg/douzaine 0,1 0ARBREsVENDUS / / / / 0,1 MANUELROCHE 0 pileroche / / 2000 htg/pile 0,1 0

PBTOTAL(htg/an) 37208

CULTURE/CI SEMENCE unité Freq prix unité CI TOT(htg/an)MAÏS 0 godet(s) 1,0 18,5 htg/godet 0 0PN 0 godet(s) 1 34,5 htg/godet 0 0PC 0 godet(s) 1 13,5 htg/godet 0 0PATATE / / / / / MANUEL MANUELKARATE 0 flacon 1 350 htg/flacon 0 0ENGRAIS 0 sac 1 2500 htg/sac 0 0GP 0 godet(s) 1 13,5 htg/godet 0 0MANIOCDOUX MANUELMANIOCAMER MANUEL MANUELMANIOCAMER MANUEL MANUELCACAO 0 plantules / / / 0 0BANANEMUSQUEE/POBAN 0 plants 0,33333333 10 htg/drageon 0 0BANANEJEDINETTE/FRANCE 200 plants 0,2 10 htg/drageon 400 400,0YAM 1,6 sacs 0,33 2250 htg/sac 1200 1200TARO 0

COUTCI(hg/an) 1600

OPERATION/TPSW(hj) Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov DecTAILLE 2,01ERSARCLAGE 20,02EMESARCLAGE 20,0RECOLTECACAO 450livressèches/150pieds 2,2 3,6 3,6 0,7 1,8 1,8RECOLTECAFÉ 1,5bidonsec 0,7 0,7PLANTATIONBANANEMUSQUEEPLANTATIONBANANEFIGUE 200plants/5ans 1,0RECOLTEBANANE 100régimes/an 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6ENTRETIEN/RECOLTEIGNAME 40buttes/15mois 0,9 0,9 0,9PLANTATIONIGNAME 2sacs/3ans 2,7CUEILLETTEPAMPLEMOUSSE 4,6sacs/an 0,7CUEILLETTEORANGEDOUCE 4,9sac/an 0,7CUEILLETTEAVOCAT 4,1sac/an 0,3 0,3DEBRANCHAGE 1,3CHARBON 3sacs/3ans 18,0CHARBON 15sacs/8ans 3,6TOTALHJ 23,4 2,0 7,3 4,2 4,2 0,6 23,5 0,9 2,3 3,0 2,4 21,4 95,0

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OPERATION/TPSW MOfam Rampono PrestServi COUT FREQ TOT(htg)CHARRUE 0 0TRACTEUR 0 0APPLICATIONENGRAIS 0 01ERSARCLAGEGS 0 02EMESARCLAGEGS 0 03EMESARCLAGEPS 0 04EMESARCLAGEPS 0 0PLANTATIONMAÏS 0 0RECOLTEMAÏSVERT 0 0RECOLTEMAÏSSEC 0 0PLANTATIONPN 0 0RECOLTEPNVERT 0 0RECOLTEPNSEC 0 0PLANTATIONPC 0 0RECOLTEPCVERT 0 0RECOLTEPCSEC 0 0PEPINIEREPATATE 0 0TRAITEMENT 0 0BUTTAGE 0 0PLANTATION 0 0RECOLTE 0 0PLANTATIONGP 0 0RECOLTEGPSEC 0 0RAMPE/BUTTEMANIOCA 0 0PLANTATIONMANIOCA 0 0RECOLTEMANIOCA 0 MANUELCASSAVE 0 0RAMPE/BUTTEMANIOCD 0 0PLANTATIONMANIOCD 0 0RECOLTEMANIOCD 0 0TAILLE MF 0 01ERSARCLAGE MR 2000 1 20002EMESARCLAGE MR 2000 1 20003EMESARCLAGE 0 0RECOLTECACAO MF 0 0PLANTATIONCACAOPTTA 0 0ARROSAGECACAO 0 0RECOLTECAFÉ MF 0 0PLANTATIONBANANEMUSQUEE 0 0PLANTATIONBANANEFIGUE MF MR 309,6 1 310RECOLTEBANANE MF 0 0RECOLTE/ENTRETIENYAM MF 0 0PLANTATIONYAM MF 0 0CUEILLETTEPAMP MF 0 0CUEILLETTEORANGED MF 0 0CUEILLETTEORANGEA 0 0CUEILLETTEAVOCAT MF 0 0CUEILLETTENOIXDECAJOU 0 0DEBRANCHAGE MF 0 0CHARBONCHARBON MF MR 90 1 90ROCHE 0 0ENTRETIENGENERAL 0

COUTMO(htg/an) 4400

PB(htg/an) 37208

CI(htg/an) 1600

VAB (htg/an) 35608

HJ 75

VAB/cx(htg/cx/an) 142433

VAB/hj(htg/hj/an) 475

CoûtsMO(htg/an) 4400

PERFORMANCEECONOMIQUE

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Annexe 4 : Comparaison des performances économiques des différents systèmes d’élevage

0

100

200

300

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

16000

(htg/hj/an)

(htg/an)

VAB VAB/hj

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Annexe 5: Information complémentaires sur les différents systèmes d’élevage •VOLAILLE

Figure : Fonctionnement du système d’élevage volaille à l’équilibre démographique

Tableau : Performances économiques de l’élevage de volaille pour 1 poule mère

150htg

1POULE

Intervalleentre2couvaisons:3mois

Duréedecarrière:2ans

48œufs

tauxd’éclosion:75%

1poule6mois

RenouvellementExtension

0,5pouleréformé20œufsautoconsommés9,5poulets6mois(vente+autoconsommaGon)

20poussins

10poulets6mois150htg

tauxmortalité:50%

PBELEVAGETYPE QTE PU(HTG) TOTAL

Poulet6mois 9,5 150 1425Pouleréformée 0,5 150 75Œufs 20 5 100

CITYPE QTE PU(HTG) TOTAL

Achatgraines 1 2500 500Soinsvétérinaires 1 0 0Autres 0

PERFORMANCEECONOMIQUEPB(htg/an) 1600,0CI(htg/an) 500VAB(htg/an) 1100,0

hj 9,0VAB/hj(htg/hj/an) 177,78

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•CAPRINNAISSEUR

Figure : Caprin naisseur, fonctionnement du troupeau à l’équilibre démographique

Tableau : Performances économiques de l’élevage caprin naisseur pour 1 mère

3500htg

1CHEVRE

Agedelapremièremisebas:1,5 Nombreportée/an:

3

Duréedecarrière:8-10portée

3x1,2chevreaux

Mortalité+vol:20%nbedepeEts/misebas=1,5

3x0,6chevre8e6mois 3x0,6chevreaux6mois2000htg

RenouvellementExtension

0,17chèvreréformé1,5chevre8e6mois1,8chevreau6mois

3x0,6x1/6chevre8e1-2ans 3x0,6x5/6chevre8es6mois20000htg2000htg

PBELEVAGETYPE Qtépropriété Qtécédéesgdn Qtéprisegdn Prix Unité TotalChèvre 0,17 0 0 3500 htg/chèvreréformé 583,3

Chevrette6mois 1,5 0 0 2000 htg/chevreau 3000Chevreau6mois 1,8 0 0 2000 htg/chevrette 3600

PERFORMANCEECONOMIQUEPB(htg/an) 7183,3CI(htg/an) 0VAB(htg/an) 7183,3

hj 73,0VAB/hj(htg/hj/an) 98,46

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•PORCINNAISSEUR

Figure : Porcin naisseur, fonctionnement du troupeau à l’équilibre

Tableau : Performances économique de l’élevage porcin naisseur pour 1 truie

4000htg

1TRUIE

Agedelapremièremisebas:1an Nombreportée/an:2

Duréedecarrière:4ans

2x7,5porcelets

2x3femelles3mois 2x4mâles3mois1000htg

1000htg

RenouvellementExtension

0,25truieréformé7,5mâles3mois0,5géniteur2ans5,75femelles3mois

1géniteurmâle2ans5000htg

2x3x3/4femelles3mois

2x3x1/4femelles3mois

Mortalité:%nbedepe>ts/misebas=7,5

PBELEVAGETYPE Qtépropriété Qtécédéesgdn Qtéprisegdn Prix Unité TotalTruie 0,25 0 0 4000 htg/truieréformé 1000,0

Porceletmâle3mois 7,5 0 0 1000 htg/porceletmale 7500Porceletfemelle3mois 5,75 0 0 1000 htg/porceletfemelle 5750

Géniteurpuisporccastré2ans 0,5 0 0 5000 htg/géniteur2ans 2500CIELEVAGE

TYPE Qté Prix Unité Totalsoinsvétérinaires 0 0 htg 0

fourrage 0 5200 htg 5200montenaturelle 0 0 htg/monte 0

PERFORMANCEECONOMIQUEPB(htg/an) 14250,0CI(htg/an) 5200VAB(htg/an) 9050,0

hj 109,4VAB/hj(htg/hj/an) 82,69

Page 111: MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes

111

•EQUINNAISSEUR

Figure : Elevage équin naisseur, fonctionnement du troupeau à l’équilibre

Tableau : Performances économiques de l’élevage équin naisseur

6000htg

1JUMENT

Nombreportée/an:1

Duréedecarrière:10ans

1poulain1an

Mortalitépresquenullenbedepe;ts/misebas=1

0,5pouliche3ans 0,5poulain2,5ans6500htg

RenouvellementExtension

0,1jumentréformée0,5poulain2,5ans0,45pouliche3ans

0,5x1/10pouliche3ans 0,5x9/10pouliche3ans6500htg

PBELEVAGETYPE QTE PU(HTG) TOTAL

Jumentreformée 0,1 6000 600Poulain2,5ans 0,50 6500 3250Pouliche3ans 0,45 6500 2925

CONSOMMATIONSINTERMEDIAIRESTYPE QTE PU(HTG) TOTAL

Achatfourrage 1 0Monte 1 0Soinsvétérinaires 1 1000 1000

PERFORMANCESECONOMIQUESPB(HTG/an) 6775CI(HTG/an) 1000VAB(HTG/an) 5775

HJ 30VAB/HJ(HTG/hj/an) 193

Page 112: MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes

112

•EQUINTOURISMEPour ce système, il n’y a pas de schéma d’élevage car la reproduction n’est pas un objectif de cet élevage. L’agriculteur achète un poulain jeune et le rentabilise via des prestations touristiques et/ou de bât.

prestationdeservice 24 fois/an 300 htg/fois 7200Locationtourisme 24 fois/an 500 htg/fois 12000

Alimentation 30 paquets 300 htg/paquet 9000soin 4 doses 250 htg/dose 1000

prixd'achat durée6500 15

PB 19200CI 10000Amortissement 433VAB(htg) 9200VAN(htg) 8767Hj 73VAB/hj 126

PB

CI

Amortissement

PERFORMANCEECONOMIQUE

Page 113: MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes

113

•BOVINALLAITANT

Figure : Elevage bovin allaitant, fonctionnement du troupeau à l’équilibre

Tableau : Performances économiques de l’élevage bovin allaitant pour une mère

15000htg

1VACHE

Agedelapremièremisebas:3ans Intervalleentre2

misebas:1ans

Duréedecarrière:12ans

0,9veausevré

mortalité:10%nbedepe>ts/misebas=1

0,45génisse1-2ans 0,45taurillon1-2ans

10000htg

RenouvellementExtension

0,08vacheréforme0,45taurillons1-2ans0,41génisse1-2ans

0,45x1/12génisse1-2ans 0,45x11/12génisse1-2ans10000htg

PBELEVAGETYPE Qtépropriété Qtécédéesgdn Qtéprisegdn Prix Unité TotalVache 0,083333333 0 0 15000 htg/vacheréformé 1250

Génisse1-2ans 0,4125 0 0 10000 htg/génisse 4125Taurillon1-2ans 0,45 0 0 10000 htg/taurillon 4500

Lait(l) 157,5 - 0 30 htg/l 4725CIELEVAGE

TYPE Qté Prix Unité Totalsoinsvétérinaires 2 200 htg/vaccin 400

fourrage 0 0 0montenaturelle 1 250 htg/monte 250

PERFORMANCEECONOMIQUEPB(htg/an) 14600CI(htg/an) 650VAB(htg/an) 13950

hj 73VAB/hj(htg/hj/an) 191

Page 114: MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes

114

Annexe 6 : Définition et calcul du seuil de survie et du coût d’opportunité du travail • Seuil de survie Le seuil de survie correspond au seuil au dessous duquel une famille ne peut plus assurer ses besoins fondamentaux pour une région donnée et pour un nombre donné de dépendants adultes et enfants. Il correspond donc à la valeur des besoins incompressibles en biens et services nécessaire pour une année (tableau). Dans ces dépenses minimums, on compte tous les frais d’alimentation de base (protéines, céréales tubercules, bananes, viande, huile, sauce etc.), les frais liés au logement (construction, réparation, entretien de la case), les frais vestimentaires (uniformes scolaires, vêtement, chaussure etc.), les frais de blanchisserie et de toilette (savon, lessive etc.), les frais scolaires (livres, cahiers, stylos etc.) et les frais divers (lampes à pétrole/bougies, ustensiles de cuisines, charbon pour faire la cuisine). Les frais de santé ne sont pas pris en compte, leur caractère exceptionnel induisent généralement pour les familles les plus pauvres des ventes de bétails, vente de terre ou coupe de chêne. C’est justement parce que ces familles sont au seuil de survie qu’une dépense extraordinaire peut entrainer une décapitalisation extraordinaire.

Poste de dépense 3 adultes + 4 enfants 1 célibataire Alimentaire -44160 -13248

Lessive + toilette -2640 -792 Ecolage -6350 0 Divers -4900 -1300

Vestimentaire -7825 -1000 Entretien maison -1500 0

seuil de survie total -67375 -16340 seuil survie/actif -33687 -16340

• Coût d’opportunité du travail Pour comprendre les stratégies des agriculteurs, les intérêts qu’ils ont à rester dans l’agriculture par rapport aux opportunités d’emploi que la ville offre, il faut évaluer le coût d’opportunité du travail pour les emplois sans qualifications, c’est à dire ouvrier dans le bâtiment, vendeur, taximoto etc.

Enquête par emploi Salaire annuel (htg) Moto taxi 1 21 800 Moto taxi 2 29 440 Boucher 36 000 Vendeur de valise (1x/an) 12 500 Commerçante 73 800

On évalue le coût d’opportunité à 30 000 htg/an. Cette valeur n’est pas fixe mais donne une estimation du salaire minimum journalier en ville sans formation ni qualification.

Page 115: MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes

115

Seuildesurvie:détails

Dépe

nses(H

TG/an)

Jan

Fev

Mars

Avr

Mai

Juin

Juill

Août

Sept

Oct

Nov

Dec

ENTR

ETIEN

EntretienMaison

-1500

ALIM

ENTA

IRE

Acha

tdede

nrées

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

-3200

Huile

-480

-480

-480

-480

-480

-480

-480

-480

-480

-480

-480

-480

VESTMEN

TAIRE

Vêtemen

ts

-1000

Uniform

e/souliers

5ans

-1400

Uniform

e+souliers

6ans

-2250

Uniform

e+souliers

11an

s

-1300

Uniform

e+souliers

13ans

-1875

SCOLAIRE

Inscrip

tionécole+

carnetnotes

-5000

Cahier+crayons

-350

Valises

-1000

DIVE

RS

Lampe

sgazx2

-100

-100

-100

-100

-100

-150

-100

-100

-100

-100

-100

-150

Charbo

n

00

00

00

00

00

00

Tran

sport

-600

-600

-600

-600

-600

-600

BLAN

CHISSERIE/HY

GINE

Fab+chlorox

-120

-120

-120

-120

-120

-120

-120

-120

-120

-120

-120

-120

Savoncorps

-100

-100

-100

-100

-100

-100

-100

-100

-100

-100

-100

-100

Page 116: MEMOIRE Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Systèmes

116

Annexe 7 : Revenu agricole par actif en fonction de la SAU/actif

Le seuil de survie est inférieur au coût d’opportunité (qui a été calculé à partir des revenus de taxi moto et de vendeuses sur le marché, emplois les plus accessible car ne nécessitant aucune expérience). Cela signifie qu’une personne seule avec 4 enfants à charge ne peut subvenir à ses besoins, même en travaillant hors de l’agriculture.

0

50000

100000

150000

200000

250000

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3

Revenuagricole/actif

SAU/actif

RAMoyenspropriétaires

RAGrandspropriétaires

RAPetitspropriétaires/MétayersCoutd'opportunité

Seuildesurvie

RAPetitspropriétaires/MétayersavecsubventionVANPetitspropriétaires/MétayersVANPetitspropriétaires/MétayersavecsubventionVANMoyenspropriétaires