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MMOIRE SUR LE DOCUMENT DE CONSULTATION INTITUL SOLIDARIT ET INCLUSION SOCIALE.
VERS UN TROISIME PLAN DACTION GOUVERNEMENTAL
Le 4 fvrier 2016
Analyse, recherche et rdaction :
Daniel Ducharme, chercheur Me Evelyne Pedneault, conseillre juridique Direction de la recherche, de lducation-coopration et des communications
Traitement de texte :
Chantal Lgar Direction de la recherche, de lducation-coopration et des communications
TABLE DES MATIRES
INTRODUCTION ....................................................................................................................... 1
1 LA PAUVRET ET LEXCLUSION SOCIALE COMME ATTEINTES AUX DROITS FONDAMENTAUX ......................................................................................................... 3
1.1 Le droit international ....................................................................................................... 41.2 Les droits et liberts garantis par la Charte des droits et liberts de la personne ............ 7
2 LES PRINCIPAUX ENJEUX LIS AUX ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LE PROCHAIN PLAN DACTION GOUVERNEMENTAL EN MATIRE DE PAUVRET ET DEXCLUSION SOCIALE ......................................................................................... 9
2.1 Premire orientation : Prvenir la pauvret et lexclusion sociale en favorisant le dveloppement du potentiel des personnes ...............................................................10
2.2 Deuxime orientation : Renforcer le filet de scurit sociale et conomique ..................162.2.1 Le droit, pour toute personne dans le besoin et sa famille, des mesures
dassistance financire susceptibles dassurer un niveau de vie dcent .............182.2.2 Le droit un logement suffisant : rappel des travaux et recommandations
de la Commission ..............................................................................................232.2.3 Limportance des dterminants sociaux de la sant et le droit la sant ...........30
2.3 Troisime orientation : Favoriser laccs lemploi et valoriser le travail .......................352.3.1 Une approche dintgration lemploi fonde sur les droits et liberts
de la personne ...................................................................................................382.3.2 Une approche dintgration lemploi reconnaissant le caractre systmique
des obstacles lemploi .....................................................................................442.4 Quatrime orientation : Favoriser lengagement de lensemble de la socit .................562.5 Cinquime orientation : Assurer, tous les niveaux, la constance et la cohrence
des actions ....................................................................................................................58
CONCLUSION ..........................................................................................................................60
Cette page a t intentionnellement laisse en blanc.
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INTRODUCTION
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse1 a pour mission dassurer
le respect et la promotion des principes noncs dans la Charte des droits et liberts de la
personne2. Elle assure aussi la protection de lintrt de lenfant, ainsi que le respect et la
promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse3. Elle veille
galement lapplication de la Loi sur laccs lgalit en emploi dans des organismes
publics4.
1 Ci-aprs Commission . 2 Charte des droits et liberts de la personne, RLRQ, c. C-12 (ci-aprs Charte ). 3 Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ, c. P-34.1. 4 Loi sur laccs lgalit en emploi dans des organismes publics, RLRQ, c. A-2.01.
ce titre, la Commission a produit de nombreux travaux sur la pauvret, constatant maintes
reprises que la pauvret cre des entraves lexercice de droits dont le Qubec a pourtant
tabli le caractre fondamental en les inscrivant dans une charte de nature quasi
constitutionnelle 5. Cest galement en partant du principe que la lutte contre la pauvret est
aussi une lutte pour les droits de la personne que la Commission a formul ses observations6
5 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire la Commission des affaires sociales de lAssemble nationale sur le Projet de loi n 112 Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, (Cat. 2.412.97), septembre 2002, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/PL_112_pauvrete.PDF
Voir galement : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Commentaires sur le Projet de rglement modifiant le Rglement sur laide aux personnes et aux familles, Me Evelyne Pedneault, (Cat. 2.412.66.10), mars 2015, p. 3, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/commentaires_aide-sociale.pdf; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Commentaires sur le Projet de rglement modifiant le Rglement sur laide aux personnes et aux familles, Me Evelyne Pedneault, (Cat. 2.412.66.9), mars 2013 p. 2, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/commentaires_reglement-aide-personnes-famille.pdf; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire la Commission des affaires sociales de lAssemble nationale sur le Projet de loi n 57, Loi sur laide aux personnes et aux familles, (Cat. 2.412-66.8), septembre 2004, p. 3, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/pl_57_aide_personnes_familles.pdf; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire sur le Projet de loi n 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant lemploi et la solidarit sociale, (Cat. 2.412.66.7), mai 1998, p. 9, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/memoire_pl186.pdf; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire la Commission des affaires sociales de lAssemble nationale sur la rforme de la Scurit du revenu, (Cat. 2.412.66.5.1), janvier 1997, p. 2, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/reforme_securite_memoire.pdf.
6 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2002), id.
http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/PL_112_pauvrete.PDFhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/commentaires_aide-sociale.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/commentaires_aide-sociale.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/commentaires_reglement-aide-personnes-famille.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/commentaires_reglement-aide-personnes-famille.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/pl_57_aide_personnes_familles.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/memoire_pl186.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/reforme_securite_memoire.pdf
Mmoire sur le document de consultation intitul Solidarit et inclusion sociale. Vers un troisime plan daction gouvernemental
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sur le projet de loi qui allait devenir la Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion
sociale7.
7 Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, RLRQ, c. L-7.
Cette loi prvoyant le dploiement dun plan daction gouvernemental afin dassurer la mise en
uvre de la stratgie nationale de lutte contre la pauvret et lexclusion sociale, le ministre du
Travail, de lEmploi et de la Solidarit sociale a lanc, le 6 novembre 2015, une consultation
publique en vue d orienter les travaux dlaboration de la troisime gnration de mesures qui
[y] seront inscrites 8. Plus prcisment, le ministre invite la discussion autour des cinq
orientations qui, suivant la Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, doivent
guider le contenu de ce plan daction. Ces orientations sont les suivantes : 1 Prvenir la
pauvret et lexclusion sociale en favorisant le dveloppement du potentiel des personnes; 2
Renforcer le filet de scurit sociale et conomique; 3 Favoriser laccs lemploi et valoriser
le travail; 4 Favoriser lengagement de lensemble de la socit; 5 Assurer, tous les
niveaux, la constance et la cohrence des actions.
8 MINISTRE DU TRAVAIL, DE LEMPLOI ET DE LA SOLIDARIT SOCIALE, Consultation publique Solidarit et inclusion sociale, Vers un troisime plan daction gouvernemental, Appel de mmoires gnral, Qubec, 2015, [En ligne]. http://www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/GD_Cahier_consultation_publique_General.pdf
Voir galement : MINISTRE DU TRAVAIL, DE LEMPLOI ET DE LA SOLIDARIT SOCIALE, Qubec renouvelle les protocoles dentente avec les organismes communautaires et lance une consultation publique sur la pauvret et lexclusion sociale, Communiqu de presse, 6 novembre 2015, p. 1, [En ligne]. http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?idArticle=2311065708
Le cahier de consultation rendu public cette occasion prsente galement un certain nombre
denjeux qui pourraient tre considrs en lien avec chacune de ces orientations. On y appelle
ensuite les participants la consultation prioriser ces enjeux et en proposer dautres, le
cas chant, tout en rflchissant aux bonnes pratiques que vous souhaitez porter lattention
du gouvernement 9.
9 Id., p. 15.
Dans ce contexte, la Commission estime ncessaire de souligner limportance des
engagements pris par le Qubec en la matire, tant en vertu de la Charte que dinstruments
internationaux tels que la Dclaration universelle des droits de lhomme10 et le Pacte
10 Dclaration universelle des droits de lhomme, Rs. 217 A (III), Doc. off. A.G. N.U., 3e sess., suppl. n 13, p. 17, Doc. N.U. a/810 (1948), art. 25, (ci-aprs DUDH ).
http://www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/GD_Cahier_consultation_publique_General.pdfhttp://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?idArticle=2311065708http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?idArticle=2311065708
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international relatifs aux droits conomiques, sociaux et culturels11. Une approche de lutte
contre la pauvret et lexclusion sociale conforme ces engagements doit tre fonde, dune
part, sur la reconnaissance et le respect des droits et liberts de la personne et, dautre part, sur
une comprhension adquate du caractre systmique de ces phnomnes.
11 Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels, 16 dcembre 1966, [1976] R.T. Can., n 46, art. 2 par. 2 (entr en vigueur au Canada le 19 aot 1976), (ci-aprs PIDESC ).
Sans se prononcer sur lensemble des enjeux soulevs dans le cahier de consultation, la
Commission souhaite profiter de loccasion pour colliger et ritrer les principales positions et
recommandations quelle a formules au cours des dernires annes eu gard chacune des
orientations prcites de faon ce quelles soient prises en compte dans llaboration du plan
daction gouvernemental venir.
Le mmoire de la Commission est donc divis en deux parties. Dans un premier temps, nous
traiterons de la pauvret et de lexclusion sociale comme atteintes aux droits fondamentaux,
rappelant les engagements pris cet gard en vertu de la Charte et du droit international. Nous
nous attarderons ensuite quelques-uns des principaux enjeux prsents dans le cahier de
consultation eu gard chacune des orientations devant guider le prochain plan daction
gouvernemental en matire de pauvret et dexclusion sociale.
1 LA PAUVRET ET LEXCLUSION SOCIALE COMME ATTEINTES AUX DROITS FONDAMENTAUX
Les travaux de la Commission ont permis dillustrer les multiples obstacles que dressent la
pauvret et lexclusion sociale face la reconnaissance et lexercice des droits et liberts de la
personne pourtant protgs par la Charte. Plusieurs fois, la Commission a notamment confirm
quun niveau de vie dcent, garanti au besoin par des mesures sociales, est un prrequis
lexercice effectif des droits et liberts de la personne12. Llaboration dun plan daction
gouvernemental contre la pauvret et lexclusion sociale doit donc se faire en tenant compte de
12 Voir notamment : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2015), prc., note 5, p. 3; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2013), prc., note 5, p. 2; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mai 1998), prc., note 5, p. 6; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE, Commentaires de la Commission des droits de la personne sur le Projet de loi sur la scurit du revenu, Me Hlne Tessier et Me Pierre Bosset, (Cat. 2.412-66.1), juin 1988, p. 1.
Mmoire sur le document de consultation intitul Solidarit et inclusion sociale. Vers un troisime plan daction gouvernemental
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lensemble des droits et liberts garantis tant par le droit international que la Charte qubcoise,
notamment les droits conomiques et sociaux que le Qubec sinspirant des instruments
juridiques internationaux relatifs aux droits de la personne reconnat comme des droits de la
personne part entire13.
13 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2002), prc., note 5.
1.1 Le droit international
Encore rcemment, la Commission rappelait que ds 1948, la Dclaration universelle des
droits de lhomme fait de la pauvret une question relevant des droits de lhomme et que
cette position a t maintenue depuis14.
14 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2015), prc., note 5, p. 11; citant ORGANISATION DES NATIONS UNIES (COMIT DES DROITS CONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS), Questions de fond concernant la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels : La pauvret et le pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels, Doc. N.U. E/C.12/2001/10 (9 mai 2001), par. 1, [En ligne]. http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=en&TreatyID=9&DocTypeID=68.
Le Comit des droits conomiques, sociaux et culturels des Nations unies se dit dailleurs
convaincu que la pauvret constitue un dni des droits de lhomme 15. Il confirme en outre le
lien entre pauvret et droits de la personne dans le cadre de la dfinition quil retient du
phnomne. Ainsi :
15 Id.
Dans la perspective de la Charte internationale des droits de lhomme, la pauvret peut tre dfinie comme tant la condition dans laquelle se trouve un tre humain qui est priv de manire durable des ressources, des moyens, des choix, de la scurit et du pouvoir ncessaires pour jouir dun niveau de vie suffisant et dautres droits civils, culturels, conomiques, politiques et sociaux. 16
16 ORGANISATION DES NATIONS UNIES (COMIT DES DROITS CONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS), prc., note 14, par. 1.
Le Comit regrette toutefois que la dimension droits de lhomme des politiques dlimination
de la pauvret reoive rarement lattention quelle mrite . Il ajoute que cette ngligence est
http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=en&TreatyID=9&DocTypeID=68
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dautant plus regrettable quune approche de la pauvret fonde sur les droits de lhomme peut
renforcer les stratgies de lutte contre la pauvret et les rendre plus efficaces 17.
17 Id., par. 2, cit dans COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2002), prc., note 5, p. 6.
Dans ce contexte, la Commission a fond les travaux quelle a produits en matire de pauvret
et dexclusion sociale sur la DUDH qui reconnat notamment chacun :
le droit un niveau de vie suffisant pour assurer sa sant, son bien-tre et ceux de sa
famille, notamment pour lhabillement, le logement, les soins mdicaux ainsi que pour
les services sociaux ncessaires18;
le droit la scurit sociale19;
le droit au travail20;
et le droit lducation21.
18 DUDH, prc., note 10, art. 25. 19 Id., art. 22. 20 Id., art. 23. 21 Id., art. 26.
La Commission juge galement important de rfrer au PIDESC en vertu duquel les tats
parties se sont engags respecter , protger et donner effet 22, entre autres :
22 ORGANISATION DES NATIONS UNIES (HAUT-COMMISSARIAT AUX DROITS DE LHOMME), Droits conomiques, sociaux et culturels. Manuel destin aux institutions des droits de lhomme, Nations Unies, New York et Genve, 2004, p. 16, [En ligne]. http://www.ohchr.org/Documents/Publications/HR_P_PT_12_NHRI_fr.pdf
au droit un niveau de vie suffisant, y compris une nourriture, un vtement et un
logement suffisants, ainsi qu une amlioration constante de ses conditions
dexistence23;
au droit au travail24 et au droit de jouir de conditions de travail justes et favorables25;
au droit la scurit sociale26;
au droit de jouir du meilleur tat de sant physique et mental27;
23 PIDESC, prc., note 11, art. 11. 24 Id., art. 6. 25 Id., art. 7. 26 Id., art. 9.
http://www.ohchr.org/Documents/Publications/HR_P_PT_12_NHRI_fr.pdf
Mmoire sur le document de consultation intitul Solidarit et inclusion sociale. Vers un troisime plan daction gouvernemental
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et au droit lducation28.
27 Id., art. 12. 28 Id., art. 13.
Plus gnralement, la Commission a maintes fois not quen vertu du PIDESC, le Qubec sest
engag29 :
29 Arrt en conseil 1438-76 concernant le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels, (1984-1989) Recueil des ententes internationales du Qubec 809. Dautres conventions internationales dont le Qubec est signataire renforcent dailleurs son engagement. Citons notamment : la Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965); la Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination lgard des femmes (1979); la Convention relative aux droits de lenfant (1989); et la Convention relative aux droits des personnes handicapes (2009).
agir, tant par son effort que par lassistance et la coopration internationales, notamment sur les plans conomique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue dassurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le prsent Pacte par tous les moyens appropris, y compris en particulier par ladoption de mesures lgislatives. 30
30 PIDESC, prc., note 11, art. 2, par. 1.
Dans le cadre de ses commentaires sur les rcentes rformes de la Loi sur laide aux
personnes et aux familles31 et de son rglement affrent32, la Commission soulignait ce sujet
qu assurer progressivement le plein exercice des droits quil nonce et ne pas adopter de
mesures rgressives relativement ceux-ci fait donc partie intgrante des engagements pris en
vertu du PIDESC 33. La Commission ajoutait que dans ce contexte, il faut entendre par
mesure rgressive, une mesure qui marque directement ou indirectement un retour en arrire
au regard des droits reconnus dans le Pacte, et ce, quelle soit voulue et dsire ou non 34.
31 Loi sur laide aux personnes et aux familles, RLRQ, c. A-13.1.1. 32 Rglement sur laide aux personnes et aux familles, RLRQ, c. A-13.1.1, r. 1. Voir notamment : COMMISSION
DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2015), prc., note 5, p. 12. 33 Voir ce sujet : ORGANISATION DES NATIONS UNIES (COMIT DES DROITS CONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS),
Observation gnrale n 3, La nature des obligations des tats parties, Doc. N.U., CCPR/C/21/Rev.1 (14 dcembre 1990), [En ligne]. http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=E%2f1991%2f23(SUPP)&Lang=en
34 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2015), prc., note 5, p. 12; citant ORGANISATION DES NATIONS UNIES (HAUT-COMMISSARIAT AUX DROITS DE LHOMME), prc., note 22, p. 29-30.
http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=E%2f1991%2f23(SUPP)&Lang=en
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1.2 Les droits et liberts garantis par la Charte des droits et liberts de la personne
Cela fait maintenant 40 ans que lAssemble nationale a, lunanimit, adopt la Charte
qubcoise. Encore unique dans lhistoire lgislative canadienne35, la Charte tire ses origines
du droit international des droits de la personne.
35 Voir notamment : Andr MOREL, La Charte qubcoise : un document unique dans lhistoire lgislative canadienne , (1987) 21 R.J.T. 1.
La Charte se distingue notamment quant la protection quelle offre au chapitre des droits
conomiques et sociaux et le droit international a eu en cela une influence dterminante. Ainsi,
la Charte sinscrit dans un mouvement international fond sur lide que la jouissance des
droits conomiques et sociaux est essentielle la ralisation de lidal de ltre humain libre, et
qui proclame cet gard lindissociabilit et linterdpendance de lensemble des droits de la
personne 36. Les auteures Gwen Brodsky, Rachel Cox, Shelagh Day et Kate Stephenson le
soulignent dailleurs dans le passage suivant :
36 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mai 1998), prc., note 5, p. 4. Voir galement : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (janvier 1997), prc., note 5, p. 1-2.
Lorsquelle a adopt la Charte qubcoise, lAssemble nationale du Qubec a clairement exprim le souhait dtablir un rgime de droit interne qui reflte les principes et normes noncs en droit international des droits de la personne. Le juge Robert (Gosselin C.A.Q.) et ensuite la juge LHeureux-Dub (Gosselin C.S.C.) lont signal de faon exhaustive dans leurs dissidences respectives, dans les termes suivants : Larticle 45 de la Charte qubcoise montre ainsi une parent irrfutable avec larticle 11 du PIRDESC []. 37
37 Gwen BRODSKY, Rachel COX, Shelagh DAY et Kate STEPHENSON, Gosselin c. Qubec (Procureur gnral) , (2006) 18 R.F.D. 255, 304.
En ce sens, les droits conomiques et sociaux protgs en vertu de la Charte sont parmi les
premiers cits dans le cadre dune approche de lutte contre la pauvret et lexclusion sociale
fonde sur les droits et liberts de la personne. Rfrons notamment notre tour larticle 45
de la Charte, en vertu duquel :
Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, des mesures dassistance financire et des mesures sociales, prvues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie dcent. 38
38 Charte, prc., note 2, art. 45.
Mmoire sur le document de consultation intitul Solidarit et inclusion sociale. Vers un troisime plan daction gouvernemental
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Cela dit, la pauvret et lexclusion sociale portent galement atteinte de nombreux autres
droits garantis par la Charte. Ainsi, crivait la Commission au moment de commenter le Projet
de loi n 112, Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, pour les personnes,
cest dans lexercice quotidien des droits et liberts que limpact de la pauvret se fait le plus
cruellement sentir 39. Au fil des ans, la Commission a entre autres pu tablir :
39 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2002), prc., note 5, p. 4.
que linsuffisance et linscurit du revenu compromettent le droit fondamental la
sret et lintgrit physique et psychologique garanti en vertu de larticle 1 de la
Charte, mais galement le droit la sauvegarde de sa dignit affirm larticle 4 de la
Charte et le droit dun enfant la scurit, lattention et la protection prvu en vertu de
larticle 39 de celle-ci;
que ce droit au respect de sa dignit a souvent t mis en cause par diffrentes rgles
du rgime daide sociale, notamment par des contrles disciplinaires dont les
prestataires de ce rgime ont t ou sont les seuls devoir subir;
que les carences matrielles et culturelles compromettent lexercice, en pleine galit,
du droit linstruction publique gratuite et de la libert dexpression respectivement
prvus aux articles 40 et 3 de la Charte;
que la prcarit de lemploi compromet le droit des conditions de travail justes et
raisonnables et la libert dassociation respectivement protgs aux articles 46 et 3 de la
Charte;
que les discriminations multiples et violations du droit au respect de la vie prive,
particulirement pour les personnes prestataires de la scurit du revenu,
compromettent les droits prescrits aux articles 10 et 5 de la Charte;
que les prjugs et strotypes visant les personnes en situation de pauvret et encore
plus particulirement les personnes prestataires de la scurit du revenu servent de toile
de fond une discrimination systmique compromettant le droit lgalit garanti
larticle 10 de la Charte40.
40 Voir notamment : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2002), id., p. 9; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2013), prc., note 5, p. 17; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2015), prc., note 5, p. 15.
Mmoire sur le document de consultation intitul Solidarit et inclusion sociale. Vers un troisime plan daction gouvernemental
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Ces atteintes aux droits savrent par ailleurs encore plus svres lorsque la pauvret est
conjugue lexclusion sociale. La Commission rfre ce sujet la dfinition de lexclusion
sociale que retient le Centre dtude sur la pauvret et lexclusion, rattach au ministre du
Travail, de lEmploi et de la Solidarit sociale :
Lexclusion sociale est le rsultat dun ensemble de processus conomiques, politiques, institutionnels, culturels, souvent interdpendants et cumulatifs, qui mettent des personnes ou des groupes part dans la socit.
Quand lexclusion sociale et la pauvret se conjuguent, elles peuvent se renforcer mutuellement au fil du temps. Lexclusion sociale associe la pauvret peut se traduire notamment par des possibilits limites pour les individus (et consquemment pour leur famille et leur communaut) de maintenir leur autonomie conomique, tout en affectant lintgrit de leur identit sociale, leur sant, leur ducation, leur participation au march du travail ainsi quaux rseaux de relations sociales et familiales. Ces consquences peuvent leur tour entraver la sortie de pauvret.
Les mcanismes de lexclusion sociale peuvent tre corrigs par une action collective et par des politiques publiques.
[Notre soulignement.]41
41 CENTRE DTUDE SUR LA PAUVRET ET LEXCLUSION SOCIALE, Avis sur la mesure de lexclusion sociale associe la pauvret : des indicateurs suivre, 2015, p. 6, [En ligne]. http://www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/CEPE_2015_Indicateurs_exclusion_sociale.pd
Partant de lensemble de ces considrations, la Commission abordera plus particulirement les
enjeux relatifs au droit droit lgalit, au droit des mesures dassistance financire et des
mesures sociales susceptibles dassurer un niveau de vie dcent, incluant le droit au logement,
au droit lducation et laccs en pleine galit des services ducatifs de qualit et une
formation adquate, au droit la sant, au droit au travail de mme qu la libert dassociation
et au droit des conditions de travail justes et raisonnables.
2 LES PRINCIPAUX ENJEUX LIS AUX ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LE PROCHAIN PLAN DACTION GOUVERNEMENTAL EN MATIRE DE PAUVRET ET DEXCLUSION SOCIALE
La Commission a produit de nombreux travaux en matire de pauvret et dexclusion sociale,
clairant chaque fois limportance daborder ces questions sous langle des droits et liberts de
la personne. Sans se prononcer sur lensemble des enjeux exposs dans le cahier de
consultation, la Commission souhaite rappeler quelques-unes des principales positions et
http://www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/CEPE_2015_Indicateurs_exclusion_sociale.pdf
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recommandations quelle a formules au cours des dernires annes eu gard chacune des
orientations prsentes dans le cahier de consultation et qui devraient tre prises en compte
dans llaboration du prochain plan daction gouvernemental en matire de pauvret et
dexclusion sociale.
2.1 Premire orientation : Prvenir la pauvret et lexclusion sociale en favorisant le dveloppement du potentiel des personnes
Sagissant de la premire orientation de la Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion
sociale42, le cahier de consultation note que la prvention est une cl importante pour toute
dmarche de lutte contre la pauvret et lexclusion sociale 43. Des enjeux lis laccs des
services ducatifs de qualit ds la petite enfance, la persvrance scolaire, la rduction
des obstacles la participation une formation tout au long de la vie et la formation de base
pour les adultes sont notamment identifis. La Commission souhaite cet gard insister sur les
conditions permettant laccs en pleine galit des services ducatifs de qualit et une
formation adquate.
42 Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, prc., note 7, art.8. 43 MINISTRE DU TRAVAIL, DE LEMPLOI ET DE LA SOLIDARIT SOCIALE, prc., note 8, p. 16.
Le 10 dcembre 1948, lAssemble gnrale des Nations Unies adoptait la DUDH dans laquelle
elle reconnaissait le droit de toute personne lducation. Par la voie du PIDESC, adopt en
1966, cette mme assemble raffirmait lengagement de la communaut internationale
reconnatre le droit lducation. Larticle 13 de ce pacte largissait toutefois la porte de ce
droit en prvoyant que lducation doit viser au plein panouissement du sens de la dignit de
la personnalit humaine, mais quelle doit aussi mettre toute personne en mesure de jouer un
rle utile dans une socit libre . Dans son observation gnrale sur le droit lducation, le
Comit des droits conomiques, sociaux et culturels des Nations Unies a crit ce qui suit :
Lducation est la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de lexercice des autres droits inhrents la personne humaine. En tant que droit qui concourt lautonomisation de lindividu, lducation est le principal outil qui permette des adultes et des enfants conomiquement et socialement marginaliss de sortir de la pauvret et de se procurer le moyen de participer pleinement la vie de leur communaut. 44
44 ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE, Observation gnrale 13 sur le droit lducation Droit lducation : Porte et mise en uvre, 1999, p. 7, [En ligne]. http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001331/133113f.pdf
http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001331/133113f.pdf
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Ce Comit considre par ailleurs que lducation est lun des meilleurs investissements
financiers que les tats puissent raliser 45.
45 Id.
En droit qubcois, le droit lducation est notamment reconnu en vertu de larticle 40 de la
Charte qui prescrit que toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prvues
par la loi, linstruction publique gratuite . Il convient par ailleurs de rfrer au droit lgalit
prvu larticle 10 de la Charte, de mme qu larticle 12 de celle-ci en vertu duquel nul ne
peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des
services ordinairement offerts au public . Ainsi, il est clairement tabli que les services
ordinairement offerts au public comprennent les services fournis dans les milieux scolaires
denseignement, publics et privs, et ce, tous les ordres denseignement, du prscolaire
luniversitaire46.
46 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Laccommodement des tudiants et tudiantes en situation de handicap dans les tablissements denseignement collgial, Daniel Ducharme et Me Karina Montminy, (Cat. 2.120-12.58), mars 2012, p. 36, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/accommodement_handicap_collegial.pdf. Citant : Commission des droits de la personne du Qubec c. Commission scolaire rgionale Chauveau, [1993] R.J.Q. (T.D.P.), appel accueilli pour dautres raisons [1994] R.J.Q. 1196 (C.A.), EYB 1993-64076, (autorisation dappeler refuse : [1995] 1 R.C.S. 4). Commission des droits de la personne du Qubec c. Collge Notre-Dame du Sacr-Coeur, [2002] R.J.Q. 5 (C.A.); C.D.P.D.J. (Lalonde) c. Commission scolaire des Draveurs, T.D.P.Q. Hull, 1999 CanLII 61 (QC TDP).
Cest dans cet esprit que la Commission souhaite rappeler le rle essentiel que lducation doit
jouer dans le prochain plan daction gouvernemental contre la pauvret et lexclusion sociale.
De lavis de la Commission, laccs en toute galit des services ducatifs de qualit ds le
plus jeune ge devrait tre lune des clefs de vote de ce plan47.
47 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Assurer pleinement lexercice de tous les droits humains : un enjeu fondamental pour lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, (Cat. 2.600.226), mai 2010, p. 3.
Dans un avis soumis au Conseil suprieur de lducation en 2009, la Commission crivait ce qui
suit :
Tout en affirmant que les tablissements denseignement qubcois se doivent dtre attentifs aux besoins ducatifs de tous les groupes vulnrables, la Commission souhaite attirer lattention du Conseil suprieur de lducation sur labsolue ncessit que ces tablissements puissent offrir un enseignement de qualit pour tous, sans gard la condition sociale des personnes qui les frquentent. Sil existe une institution qui puisse permettre de combattre activement les prjugs qui sont lis la pauvret et de favoriser la
http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/accommodement_handicap_collegial.pdf
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mobilit sociale des membres des groupes les plus vulnrables de notre socit, cest bien lcole. En ce sens, il importe que cette institution soit accessible tous et ce, tous les ordres denseignement, de manire assurer le plein panouissement de toutes les personnes qui composent notre socit et lutter contre toutes les formes dexclusion. 48
48 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire prsent au Conseil suprieur de lducation dans le cadre de la consultation sur laccs lducation et laccs la russite ducative dans une perspective dducation pour linclusion, (Cat. 2.122.34), dcembre 2009, p. 2, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/inclusion_scolaire_consultation_Conseil_superieur.pdf
De fait, lcole a traditionnellement eu pour mission principale de transmettre les savoirs et
comptences ncessaires pour assurer lavenir personnel, professionnel et social des individus
qui la frquentent49. Cependant, elle a eu beaucoup de mal exercer ce rle de faon
universelle, contribuant ainsi alimenter le cercle vicieux de la pauvret dont certains groupes
sont victimes50.
49 Daniel DUCHARME, Les lves en situation de handicap dans le rseau scolaire qubcois : entre les prescriptions du droit international et la ralit vcue en classe, quen est-il du respect du droit lgalit? , dans Le Tribunal des droits de la personne : 25 ans dexprience en matire dgalit (actes du colloque), Cowansville, ditions Yvon Blais et Barreau du Qubec, 2015, p. 121.
50 Daniel DUCHARME, Linclusion en classe ordinaire des lves besoins particuliers, ditions Marcel Didier et Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2008, p. 15.
Par les diverses interventions quelle a menes au fil des ans, notamment dans le traitement
des plaintes relatives aux services denseignement dispenss dans les tablissements
scolaires, mais galement dans ses activits de recherche et de formation, la Commission a t
appele documenter les mcanismes qui ont pour effet de marginaliser ou dexclure certaines
catgories dlves du systme rgulier denseignement, notamment les personnes en situation
de handicap51, les minorits ethniques ou racises52, les peuples autochtones53 et les
personnes issues de milieux dfavoriss54.
51 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, prc., note 48, p. 4-9. Daniel DUCHARME, prc., note 49. COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Laccommodement des tudiants et tudiantes en situation de handicap dans les tablissements denseignement collgial, Daniel Ducharme et Me Karina Montminy, (Cat. 2.120-12.58), mars 2012, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/accommodement_handicap_collegial.pdf
52 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Profilage racial et discrimination systmique des jeunes raciss : Rapport de la consultation sur le profilage racial et ses consquences, Paul Eid, Johanne Magloire et Me Michle Turenne, p. 59-84, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/Profilage_rapport_FR.pdf
53 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, prc., note 48, p. 16-24. 54 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, La gratuit de linstruction publique et
les frais scolaires exigs des parents, Lucie France Dagenais et Me Karina Montminy, (Cat. 2.172.2), avril 2007, p. 34-45, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/gratuite_frais_instruction.pdf
http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/inclusion_scolaire_consultation_Conseil_superieur.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/accommodement_handicap_collegial.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/Profilage_rapport_FR.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/gratuite_frais_instruction.pdf
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En proportion, les membres de ces groupes sont plus nombreux tre orients vers des
parcours scolaires qui ne les mnent pas forcment vers des voies qualifiantes leur permettant
de sextraire de la pauvret55. Cette dynamique contribue reproduire les ingalits sociales
dont elles sont les premires victimes56. Par ailleurs, un nombre important de ces jeunes
nobtiennent aucune qualification ni diplme au sortir du secondaire.
55 Franois DUBET, Lcole des chances : quest-ce quune cole juste?, Paris, Le Seuil, 2004, p. 5. 56 Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON, La reproduction : lments pour une thorie du systme
denseignement, Paris, ditions de Minuit, 1971, p. 252-253.
Cest le cas, notamment, des lves en situation de handicap. Les indicateurs du ministre de
lducation, de lEnseignement suprieur et de la Recherche indiquent que le taux annuel de
sortie sans diplme ni qualification au secondaire est cinq fois plus lev chez ces derniers que
chez les lves qui ne prsentent pas de handicap. Lorsquon sait quune personne sur deux
(49,1 %) vivant sans incapacit arrive dcrocher un emploi sans obtenir de diplme dtudes
secondaires et que, pour obtenir des chances similaires, il faut quune personne en situation de
handicap obtienne minimalement un diplme dtudes collgiales, il est alors permis de mesurer
lampleur de lexclusion dont seront ventuellement victimes plusieurs personnes en situation
de handicap sur le march du travail57. De telles donnes viennent confirmer limportance
dassurer la scolarisation de ces lves dans un cadre qui leur permet daccder au plus haut
niveau dducation qui leur soit possible datteindre et dacqurir les comptences et savoir-faire
ncessaires pour intgrer harmonieusement le march du travail.
57 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, prc., note 51, p. 15.
De la mme manire, des efforts supplmentaires doivent tre consentis pour garantir la
russite scolaire des lves issus de limmigration ou de ceux qui appartiennent une minorit
racise. Dans son Rapport de consultation sur le profilage racial et ses consquences publi en
2011, la Commission crivait ce qui suit ce sujet :
Ces dernires annes, le gouvernement ainsi que lensemble du milieu scolaire ont fait de la russite et de la persvrance scolaires un objectif prioritaire, et plusieurs initiatives ont t entreprises en ce sens. Cependant, dans le cadre de ces efforts, peu dattention a t accorde aux problmes touchant plus particulirement les jeunes des minorits racises et les jeunes issus de limmigration rcente. Lors des consultations publiques, plusieurs intervenants ont dnonc le fait que le milieu scolaire est peu enclin reconnatre lexistence dingalits ethnoraciales dans laccs la russite scolaire, et encore moins
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procder lautocritique de ses normes et procdures organisationnelles en association avec ce problme. 58
58 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, prc., note 52, p. 60.
Les consultations sur le profilage racial et la discrimination systmique des jeunes raciss
menes par la Commission ont permis de mettre au jour linfluence dun certain nombre de
prjugs qui ont pour effet de teinter le processus dorientation de ces lves dans les diffrents
parcours scolaires qui soffrent eux. Dans certains cas, le milieu scolaire procde une
catgorisation des lves en fonction de leur statut social ou de leur appartenance de groupe,
relle ou prsume. Cette catgorisation peut mener les intervenants scolaires rduire le
champ des possibilits offertes llve. Ce faisant, ils se trouvent alimenter le cercle vicieux
de la pauvret dont sont dj victimes les membres des minorits racises et les personnes
issues de limmigration. Dans le cadre du Rapport de consultation quelle a produit, la
Commission a mis plusieurs recommandations visant favoriser la persvrance et la russite
scolaires des lves des minorits racises ou issues de limmigration, en tenant compte des
prjugs dont ceux-ci sont la cible. La Commission invite le gouvernement du Qubec donner
suite celles-ci dans le cadre du troisime plan daction gouvernemental contre la pauvret et
lexclusion sociale.
En dfinitive, ce futur plan daction doit non seulement permettre de favoriser laccs des
services ducatifs de qualit pour tous, mais il doit galement prvoir ladoption de mesures
particulires aux besoins ducatifs des lves ou tudiants dans le but de les accommoder en
fonction de leurs caractristiques personnelles et dliminer la discrimination laquelle ils sont
confronts.
cet gard, la Commission rappelle au gouvernement que ladoption dune approche inclusive
de lducation constitue une manire particulirement adquate de rpondre aux besoins de
ces lves et tudiants, en permettant de soustraire ces derniers des dynamiques qui ont
engendr leur exclusion et la pauvret dont ils sont victimes. La Commission fait dailleurs
siennes les observations de lUNESCO qui constate que la multiplication des programmes
spciaux qui leurs sont destins contribue reproduire leur exclusion sociale :
Lorsquil existe des programmes qui sadressent divers groupes marginaliss ou exclus, ils fonctionnent en marge du systme ducatif normal avec des programmes
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spciaux, des institutions spcialises et des ducateurs spcialiss. En dpit des bonnes intentions affiches, ils aboutissent trop souvent lexclusion : ils noffrent pas la possibilit de continuer tudier ou bien la diffrenciation devient une forme de discrimination, de sorte que les enfants ayant des besoins spciaux restent en dehors de la vie scolaire normale et plus tard, une fois adultes, en dehors de la vie sociale et culturelle de leur communaut en gnral. 59
59 ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE, From Special Needs Education to Education for All : A Discussion Document.Tenth Steering Committee Meeting, Paris, 30 septembre-1er octobre 1998, p. 1.
De lavis de la Commission, cette conception des choses trahit encore aujourdhui le fait quil
sagit dun rejet opr par lcole traditionnelle qui vise plus spcifiquement certains groupes :
personnes issues de milieux dfavoriss, personnes en situation de handicap, personnes
issues de limmigration, minorits racises, Autochtones, etc. Les plus rcentes avances en
ducation spcialise font de la conception universelle de lapprentissage (Universal Design for
Learning) et de linclusion scolaire les outils pour transcender cette ralit et favoriser laccs
lducation pour tous. Dans cette perspective, qui trouve notamment cho dans la rcente
Convention relative aux droits des personnes handicapes60, il sagit plutt dapporter une
rponse souple aux nombreux besoins ducatifs qui sexpriment dans le cadre rgulier
denseignement plutt que doffrir ceux-ci une rponse dans un cadre sgrgu, en marge du
cadre rgulier denseignement.
60 Convention relative aux droits des personnes handicapes, 13 dcembre 2006, [2010] R.T. Can. no 8.
Pour cette raison, la Commission tient ritrer les recommandations quelle a formules
maintes reprises et qui invitent le gouvernement faire la promotion dune approche inclusive
de lducation dans le rseau ducatif qubcois, et ce, tous les ordres denseignement, de
lducation prscolaire aux programmes de formation universitaire. Cette approche est, de lavis
de la Commission, particulirement pertinente pour lutter contre la pauvret et lexclusion
sociale dont sont victimes plusieurs groupes.
Recommandation 1 : La Commission ritre ses recommandations invitant le gouvernement faire la promotion dune approche inclusive de lducation, fonde sur le droit lgalit reconnu dans la Charte, dans le rseau ducatif qubcois, et ce, tous les ordres denseignement, de lducation prscolaire aux programmes de formation universitaire.
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2.2 Deuxime orientation : Renforcer le filet de scurit sociale et conomique
Au chapitre de la deuxime orientation prvue la Loi visant lutter contre la pauvret et
lexclusion sociale61, le cahier de consultation souligne qu un ensemble de mesures ont t
mises en place pour maintenir et amliorer le revenu et les conditions de vie des personnes et
familles faible revenu et que le pouvoir dachat des prestataires des programmes daide
financire de dernier recours sest galement amlior 62.
61 Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, prc., note 7, art. 9. 62 MINISTRE DU TRAVAIL, DE LEMPLOI ET DE LA SOLIDARIT SOCIALE, prc., note 8, p. 18.
Or, ltude des donnes produites par lInstitut de la statistique du Qubec et le ministre du
Travail, de lEmploi et de la Solidarit sociale mne la Commission nuancer de telles
affirmations. Ainsi, le taux de faible revenu calcul en fonction de la Mesure du panier de
consommation63 des particuliers gs de 16 ans a augment entre 2002 et 2012, passant de
10,6 %64 11,8 % en 201265. Au cours de la mme priode, il est galement pass de 14 %
15,7 % toutes units familiales confondues66. Si le taux de faible revenu bas sur la MPC a
lgrement diminu pour les familles, passant de 8,9 % en 2002 8,8 % en 2012, il a
augment pour les personnes seules, passant au cours de la mme priode de 23,2 %
27,2 %67. Soulignons en outre que, malgr une certaine diminution, ce taux demeure
particulirement lev pour les familles monoparentales, tant tabli en 2012 29,9 % et mme
63 Ci-aprs MPC . Selon Statistique Canada, la MPC est une mesure de faible revenu base sur le cot dun panier de biens et de services correspondant un niveau de vie de base. Le panier comprend la nourriture, lhabillement, le transport, le logement et autres dpenses pour une famille de deux adultes gs entre 25 et 49 ans et deux enfants gs de 9 et 13 ans . Voir notamment : STATISTIQUE CANADA, Les lignes de faible revenu, 2011-2012, La mesure du panier de consommation (base 2011), [En ligne]. http://www.statcan.gc.ca/pub/75f0002m/2013002/mbm-mpc-fra.htm
64 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUBEC, Taux de faible revenu, MPC, particuliers (16 ans et plus), Qubec, 2002-2011, janvier 2014, [En ligne]. http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_p_1_8_13_0.htm
65 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUBEC, Taux de faible revenu, MPC, particuliers (16 ans et plus), Qubec, 2012, octobre 2015, [En ligne]. http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_p_1_8_13_0_.htm
66 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUBEC, Taux de faible revenu, MPC, units familiales, Qubec, 2002-2011, janvier 2014, [En ligne]. http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_ef_1_8_13_0.htm; INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUBEC, Taux de faible revenu, MPC, units familiales, Qubec, 2012, octobre 2015, [En ligne]. http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_ef_1_8_13_0_.htm
67 Id.
http://www.statcan.gc.ca/pub/75f0002m/2013002/mbm-mpc-fra.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_p_1_8_13_0.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_p_1_8_13_0.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_p_1_8_13_0_.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_p_1_8_13_0_.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_ef_1_8_13_0.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_ef_1_8_13_0.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_ef_1_8_13_0_.htmhttp://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/mod1_ef_1_8_13_0_.htm
Mmoire sur le document de consultation intitul Solidarit et inclusion sociale. Vers un troisime plan daction gouvernemental
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35,7 % dans le cas des familles monoparentales diriges par une femme68. Le taux de faible
revenu bas sur la MPC est aussi plus lev pour les personnes immigrantes, ayant atteint
21,2 % en 2012 alors que le taux associ aux personnes non-immigrantes tait de 10,1 %69.
Enfin, fait inquitant auquel nous reviendrons dans le cadre de la troisime orientation du cahier
de consultation et plus particulirement en regard de la prvalence du travail atypique, ce taux
de faible revenu a augment pour les personnes travaillant toute lanne, mais pas toujours
temps plein (passant de 6,6 % en 2006 10 % en 2012 et atteignant mme 11,1 % dans le cas
des femmes); pour les personnes qui ne travaillent quune partie de lanne (passant de 13 %
en 2006 17,2 % en 2012); et pour les personnes se dclarant travailleurs autonomes ou aides
familiales non rmunrs (passant de 10,5 % en 2002 17,3 % en 2012)70.
68 Id. 69 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUBEC, prc., note 65. 70 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUBEC, prc., note 64. INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUBEC, prc., note 65.
Quant aux prestations des programmes daide financire de dernier recours, notons que les
donnes du ministre du Travail, de lEmploi et de la Solidarit sociale71, reportes en dollars
constants de 201572 dmontrent quelles ont diminu, tout le moins depuis lentre en vigueur
de la Loi sur laide aux personnes et aux familles en 200773. Ainsi, en dollars constants, les
prestations moyennes octroyes au titre du Programme daide sociale sont passes de
710,03 $ par mois en dcembre 2007 668,41 $ par mois en novembre 2015 alors que les
prestations moyennes accordes en vertu du Programme de solidarit sociale sont passes de
906,92 $ par mois en novembre 2007 866,40 $ par mois en dcembre 2015.
71 MINISTRE DU TRAVAIL, DE LEMPLOI ET DE LA SOLIDARIT SOCIALE, Statistiques sur la clientle des programmes dassistance sociale, 2007 2015, [En ligne]. http://www.mess.gouv.qc.ca/statistiques/prestataires-assistance-emploi/archives.asp
72 BANQUE DU CANADA, Feuille de calcul de linflation, [En ligne]. http://www.banqueducanada.ca/taux/renseignements-complementaires/feuille-de-calcul-de-linflation/?__utma=1.246545110.1453318940.1453318940.1453318940.1&__utmb=1.2.10.1453318940&__utmc=1&__utmx=-&__utmz=1.1453318940.1.1.utmcsr=(direct)|utmccn=(direct)|utmcmd=(none)&__utmv=-&__utmk=159715133
73 Les donnes colliges par le ministre du Travail, de lEmploi et de la Solidarit ne permettant pas de comparer de faon prcise les statistiques relatives aux programmes offerts en vertu de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant lemploi et la solidarit sociale (RLRQ, c. S-32.001) et les programmes offerts en vertu de la Loi sur laide aux personnes et aux familles, la Commission a choisi darrter lanalyse en 2007.
http://www.mess.gouv.qc.ca/statistiques/prestataires-assistance-emploi/archives.asphttp://www.mess.gouv.qc.ca/statistiques/prestataires-assistance-emploi/archives.asphttp://www.banqueducanada.ca/taux/renseignements-complementaires/feuille-de-calcul-de-linflation/?__utma=1.246545110.1453318940.1453318940.1453318940.1&__utmb=1.2.10.1453318940&__utmc=1&__utmx=-&__utmz=1.1453318940.1.1.utmcsr=(direct)|utmccn=(direct)|utmcmd=(none)&__utmv=-&__utmk=159715133
Mmoire sur le document de consultation intitul Solidarit et inclusion sociale. Vers un troisime plan daction gouvernemental
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Il importe donc de ritrer les positions et recommandations de la Commission eu gard au
droit des mesures dassistance financire et de mesures sociales susceptibles dassurer un
niveau de vie dcent, au droit au logement et au droit la sant.
2.2.1 Le droit, pour toute personne dans le besoin et sa famille, des mesures dassistance financire susceptibles dassurer un niveau de vie dcent
Ds 1978, la Commission affirmait que lobjectif et lesprit de la lgislation relative laide
sociale devaient sinscrire dans le cadre de larticle 45 de la Charte et permettre dassurer un
niveau de vie dcent toute personne dans le besoin ou prive de moyens de subsistance 74.
Cette disposition de la Charte fixe ainsi les principes qui doivent prsider llaboration de
toute intervention lgislative visant assurer la scurit du revenu 75.
74 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE, Commentaires de la Commission des droits de la personne sur le Projet de loi n 118, Loi modifiant la Loi sur laide sociale, (Cat. 2.412-23), dcembre 1978, p. 2.
75 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE (juin 1988), prc., note 12, p. 2 et 26.
La Commission souhaite ce sujet attirer lattention sur deux composantes particulires de
cette disposition prendre en compte dans llaboration des mesures du prochain plan daction
gouvernemental contre la pauvret et lexclusion sociale visant le renforcement du filet de
scurit sociale et conomique.
Premier lment : les mesures envisages au titre de larticle 45 de la Charte doivent tre
susceptibles dassurer un niveau de vie dcent .
La Commission a dj prcis ce propos que le critre dterminant devant servir fixer le
montant des prestations devait demeurer le dficit existant entre les besoins dune personne
ou dune famille et leurs revenus et que seul un critre de cet ordre permettrait que toute
personne dans le besoin ait droit, conformment larticle 45 de la Charte, des mesures
dassistance susceptibles de lui assurer un niveau de vie dcent [] 76. Cest galement dans
cette perspective que la Commission a souhait que les politiques globales en matire de
scurit du revenu soient conues en tenant compte des besoins rels des prestataires et de
leur famille et de leur droit de vivre dans des conditions dcentes qui leur permettent de jouir,
76 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE, Le systme actuel daide sociale eu gard aux droits fondamentaux de la personne. Proccupations de la Commission, Me Pierre Bosset, (Cat. 2.120-8.5), mars 1988, p. 3.
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comme les autres citoyens et comme des citoyens part entire, de tous les droits et liberts
protgs par la Charte 77.
77 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE, Commentaires sur le Projet de rglement sur la scurit du revenu, Me Hlne Tessier, (Cat. 2.412-66.3), avril 1989, p. 19.
Certes, comme la Commission la dj soulign, la dlimitation de ce qui constitue un niveau
de vie dcent nest pas prcise la Charte 78. Elle a cependant maintes fois exprim ses
proccupations quant au mode de dtermination des besoins la base de la fixation des
barmes daide sociale79. Il faut dailleurs encore aujourdhui sinquiter de linsuffisance et de
linadquation des barmes daide sociale pour satisfaire les besoins de base des personnes
les plus dmunies 80 et des risques que reprsente cette situation dextrme pauvret pour
lexercice des droits contenus dans la Charte 81 puisque les montants octroys aux termes des
programmes daide sociale ont diminu au fil des ans tel que nous lavons vu prcdemment.
78 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE, prc., note 12, p. 28. 79 Voir notamment : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE, prc., note 12, p. 28-29; COMMISSION DES DROITS
DE LA PERSONNE, prc., note 77, p. 2. 80 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, La judiciarisation des personnes
itinrantes Montral : Un profilage social, Me Christine Campbell et Paul Eid, (Cat. 2.120-8.61), novembre 2009, p. 167, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/itinerance_avis.pdf
81 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mai 1998), prc., note 5, p. 9.
Cest pourquoi la Commission rappelle que les allocations daide sociale doivent tre
rehausses de faon permettre de combler vritablement [les] besoins essentiels 82. Pour ce
faire, ces besoins doivent faire lobjet dune valuation fonde sur des analyses aussi prcises
que possible et ne peuvent tre dfinis de faon si restrictive quils se limitent ce qui est
ncessaire la survie83. Sappuyant sur les travaux du Comit consultatif de lutte contre la
pauvret et lexclusion sociale84, la Commission a, cet effet, soumis que la MPC constitue
un indicateur plus raliste des frais quun mnage doit encourir pour pouvoir satisfaire ses
besoins de base, et ainsi exercer ses droits prvus la Charte, en particulier le droit de toute
personne dans le besoin des mesures dassistance susceptibles dassurer elle et sa famille
82 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mai 1998), id., p. 10. 83 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2004), prc., note 5, p. 13. 84 COMIT CONSULTATIF DE LUTTE CONTRE LA PAUVRET ET LEXCLUSION SOCIALE, Les cibles damlioration du
revenu des personnes et des familles, les meilleurs moyens de les atteindre ainsi que le soutien financier minimal, avis soumis au ministre de lEmploi et de la Solidarit sociale, mars 2009, [En ligne]. http://www.cclp.gouv.qc.ca/publications/index.asp?categorie=1500301#liste
http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/itinerance_avis.pdfhttp://www.cclp.gouv.qc.ca/publications/index.asp?categorie=1500301#liste
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un niveau de vie dcent 85. Considrant notamment les objectifs poursuivis par le plan daction
gouvernemental dcoulant de la Loi visant lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, la
Commission avait recommand que le gouvernement sappuie sur la MPC pour fixer les
barmes du soutien financier octroy aux personnes les plus dmunies par lentremise des
programmes daide sociale et de solidarit sociale 86. Force est dadmettre quune telle
recommandation est toujours dactualit et devrait guider llaboration du troisime plan daction
gouvernemental en matire de lutte la pauvret et lexclusion sociale.
85 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, prc., note 80, p. 166. 86 Id., p. 168-169.
Recommandation 2 : La Commission ritre ses recommandations leffet que le gouvernement sappuie sur la MPC pour fixer les barmes du soutien financier octroy aux personnes les plus dmunies par lentremise des programmes daide sociale et de solidarit sociale.
Deuxime lment : toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille , aux
mesures prvues au titre de larticle 45 de la Charte.
La Commission a ainsi maintes fois abord les nombreuses variations entre les barmes et
catgorisation de prestataires87, expliquant ce sujet que le fait de dfinir les besoins de base
de faon plus restrictive pour une catgorie de la population constituait de la discrimination
interdite par la Charte88.
87 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE, prc., note 77, p. 2. 88 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2004), prc., note 5, p. 13.
Soulignons, par exemple, quun adulte seul qui sjourne dans un centre hospitalier ou dans un
centre offrant des services en toxicomanie avec hbergement reoit une prestation de base de
200 $ par mois et se trouve ainsi devoir choisir entre les soins requis par son tat de sant et
une grande partie de la prestation de base qui lui est octroye au titre de mesures dassistance
prvues larticle 45 de la Charte89.
89 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (mars 2015), prc., note 5, p. 27.
Cest galement pourquoi lapproche prconise par le Projet de loi n 70, Loi visant
permettre une meilleure adquation entre la formation et lemploi ainsi qu favoriser
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lintgration en emploi90, prsent devant lAssemble nationale quelques jours peine aprs le
lancement de la consultation qui fait lobjet du prsent mmoire, soulve pour la Commission
dimportantes proccupations91. Visant instaurer un nouveau programme au sein de la Loi sur
laide aux personnes et aux familles prcite, le Programme objectif emploi, le Projet de loi
n 70 prvoit en effet conditionner les mesures dassistance financire auxquelles les
personnes vises par ailleurs auraient droit leur participation des mesures dinsertion ou de
rinsertion au travail92.
90 Loi visant permettre une meilleure adquation entre la formation et lemploi ainsi qu favoriser lintgration en emploi, projet de loi n 70 (prsentation 10 novembre 2015), 1re sess., 41e lgis. (Qc) (ci-aprs Projet de loi n 70 ).
91 Voir ce sujet : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire la Commission de lconomie et du travail de lAssemble nationale sur le Projet de loi n 70, Loi visant permettre une meilleure adquation entre la formation et lemploi ainsi qu favoriser lintgration en emploi, (Cat. 2.412.124), fvrier 2016.
92 Id., art. 28 (introduirait lart. 83.3 dans la Loi sur laide aux personnes et aux familles).
En rfrant la dfinition de la notion de pauvret quoffre le Comit des droits conomiques,
sociaux et culturels des Nations Unies et laquelle nous avons prcdemment rfr, la
Commission soulignait dans le cadre de son mmoire sur le Projet de loi n 112, Loi visant
lutter contre la pauvret et lexclusion sociale, que celle-ci avait notamment le mrite de situer
laccs un niveau de vie dcent comme un droit en soi, et ce, indpendamment de la capacit
des individus dacqurir une autonomie conomique 93.
93 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2002), prc., note 5, p. 13.
La Commission rappelait alors limportance de ne pas fonder la mise en uvre du droit un
niveau de vie dcent sur une distinction entre les bons pauvres et les mauvais pauvres 94.
Ainsi, crivait la Commission :
94 Id., p. 14.
Le nombre dessais infructueux effectus par les personnes pauvres pour sen sortir, le fait que ces personnes soient trs souvent cartes du processus dembauche parce quelles ne reprsentent pas, aux yeux des employeurs, une candidature valable, le ravage de lidentit personnelle quentrane la pauvret, en un mot, la varit des circonstances de vie qui, au-del de la volont et de la motivation dune personne, peuvent influer sur laptitude la rinsertion, montrent quil est prilleux de sen tenir une approche fonde sur le mrite pour laccs au droit un niveau de vie dcent. La pauvret tant la consquence du fonctionnement de lconomie et des faons dorganiser la vie en socit, limpratif dagir demeure, indpendamment des aptitudes
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et de la motivation apparente dindividus donns participer aux mesures proposes dans un cadre donn. 95
95 Id.
La Commission a par la suite prcis qu une loi de dernier recours ne peut exclure ces
personnes de ses finalits sans nier son objectif intrinsque dassurer un niveau de vie dcent
aux plus dmunis, une telle assurance tant indissociable de la mise en place des conditions
ncessaires lexercice de lensemble des droits de la personne 96.
96 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2004), prc., note 5, p. 10.
Dans le cadre du mmoire sur le Projet de loi n 7097, la Commission ajoute enfin quen
conditionnant, pour les personnes vises sur la base de la condition sociale98, loctroi dune aide
financire de dernier recours leur participation des mesures daide lemploi on ne dfinit
plus laide offerte sur le seul critre du dficit entre leurs besoins essentiels et leur revenu de
faon leur permettre datteindre un niveau de vie dcent. Le fait de conditionner ainsi loctroi
dune aide financire de dernier recours laquelle les personnes dans le besoin ont droit leur
participation des mesures daide lemploi revient plutt leur nier ce droit, et ce, sur la base
de leur condition sociale, un motif de discrimination interdit par la Charte.
97 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, prc., note 91. 98 Les tribunaux ont reconnu et confirm que le fait dtre assist social devait tre considr au titre de la
condition sociale. Voir notamment : Qubec (Procureur gnral) c. Lambert, [2002] R.J.Q. 599 (C.A.) (Requte pour autorisation de pourvoi la Cour suprme rejete (C.S. Can., 2003-04-17), 29227); Commission des droits de la personne du Qubec c. Whittom, J.E. 94-319 (T.D.P.Q.), par. 16, conf. par Whittom c. Commission des droits de la personne, [1997] R.J.Q. 1823 (C.A.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Huong Thu Do, J.E. 2005-609 (T.D.P.Q.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bernier, J.E. 2005-335 (T.D.P.Q.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Qubec c. Fondation Abb Charles-mile Gadbois, J.E. 2001-1792 (T.D.P.Q.).
La mise en uvre de mesures daide lemploi ne peut donc servir de prtexte la
catgorisation des personnes sans gard leurs besoins rels et lexclusion de groupes
cibls de personnes quant la reconnaissance et lexercice de leur droit des mesures
dassistance financire et des mesures sociales susceptibles dassurer un niveau de vie dcent.
ce sujet, la Commission a notamment recommand que les mesures daide lemploi tel que
le Programme objectif emploi propos dans le Projet de loi n 70 prsent rcemment soient
dfinies sans prjudice au droit des personnes vises des mesures daide financire et
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des mesures sociales qui leur assurent un niveau de vie dcent, lequel constitue un droit
autonome 99.
99 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, prc., note 91, p. 35.
Un tel rappel est dautant plus important que les programmes daide sociale visent des
personnes dj largement stigmatises en raison de leur condition sociale. La dfinition et la
mise en uvre de programmes daide linsertion ou la rinsertion lemploi doivent donc en
tenir compte, dfaut de quoi on risque daccrotre la discrimination systmique dont ces
personnes sont lobjet. Nous y reviendrons plus largement dans la sous-section 2.4 du prsent
mmoire.
Recommandation 3 : La Commission ritre sa recommandation leffet que les mesures daide lemploi soient dfinies sans prjudice au droit des personnes vises des mesures daide financire et des mesures sociales qui leur assurent un niveau de vie dcent, lequel constitue un droit autonome.
2.2.2 Le droit un logement suffisant : rappel des travaux et recommandations de la Commission
Rappelons dabord que le droit au logement est largement reconnu, tant en droit international
quen vertu de la Charte.
Rfrons cet gard aux articles 25 de la DUDH et 11 du PIDESC voqus dans la partie 1.1
du prsent mmoire. Il convient galement de citer le Comit des droits conomiques, sociaux
et culturels des Nations Unies qui souligne que le droit de lhomme un logement suffisant,
qui dcoule ainsi du droit un niveau de vie suffisant, est dune importance capitale pour la
jouissance des droits conomiques, sociaux et culturels 100. Ce droit au logement doit pouvoir
sexercer sans distinction dge, de situation conomique, dappartenance des groupes ou
autres entits, ou de condition sociale ou dautres facteurs de cette nature 101.
100 ORGANISATION DES NATIONS UNIES (COMIT DES DROITS CONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS), Observation gnrale n 4, Le droit un logement suffisant (art. 11, par. 1 du Pacte), Doc. N.U. E/1992/23/E/C.12/1991/4 (1er janvier 1992), par. 1, [En ligne]. http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=en&TreatyID=9&DocTypeID=11
101 Id., par. 4.
http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=en&TreatyID=9&DocTypeID=11
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Le Comit prcise en outre quil ne faut pas entendre le droit au logement dans un sens troit
ou restreint, qui lgale, par exemple labri fourni en ayant simplement un toit au-dessus de sa
tte [] et qu il convient au contraire de linterprter comme le droit un lieu o lon puisse
vivre en scurit, dans la paix et la dignit 102. Le Comit explique galement que les
obligations que le PIDESC impose aux tats parties ce chapitre incluent celle de donner la
priorit voulue aux groupes sociaux vivant dans des conditions dfavorables en leur accordant
une attention particulire 103. Ainsi, ajoute le Comit :
102 Id., par. 7. 103 Id., par. 11.
Les politiques et la lgislation ne devraient pas, en loccurrence, tre conues de faon bnficier aux groupes sociaux dj favoriss, au dtriment des autres couches sociales. Le Comit nignore pas que des facteurs extrieurs peuvent influer sur le droit une amlioration constante des conditions de vie et que la situation gnrale dans ce domaine sest dtriore dans un grand nombre dtats parties []. Toutefois, comme le Comit la soulign dans son Observation gnrale no 2 (1990) (E/1990/23, annexe III), malgr les problmes dus des facteurs extrieurs, les obligations dcoulant du Pacte gardent la mme force et sont peut-tre encore plus pertinentes en priode de difficults conomiques. Le Comit estime donc quune dtrioration gnrale des conditions de vie et de logement, qui serait directement imputable aux dcisions de politique gnrale et aux mesures lgislatives prises par des tats parties, en labsence de toute mesure parallle de compensation, serait en contradiction avec les obligations dcoulant du Pacte. 104
104 Id.
En droit qubcois, le droit au logement est une composante essentielle du droit des mesures
dassistance financire et mesures sociales susceptibles dassurer toute personne un niveau
de vie dcent prvu larticle 45 de la Charte auquel nous avons galement rfr
prcdemment. La garantie relative au droit lgalit, sans discrimination fonde notamment
sur la condition sociale, prvue larticle 10 de la Charte sapplique galement en matire de
logement. Cette garantie de non-discrimination en matire de logement doit tre analyse la
lumire du droit garanti larticle 45 prcit, mais aussi du droit la sret, lintgrit et la
libert de sa personne (art. 1); du droit la sauvegarde de sa dignit (art. 4); du droit au respect
de sa vie prive (art. 5); de linterdiction de refuser, par discrimination, de conclure un acte
juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public (art. 12); de
linterdiction de stipuler une clause comportant discrimination dans un acte juridique (art. 13); du
droit des enfants la protection, la scurit et lattention de leurs parents (art. 39) et du droit
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de toute personne ge ou handicape dtre protge contre toute forme dexploitation
(art. 48).
Conformment son mandat, la Commission sest donc rgulirement penche sur le respect
et la mise en uvre du droit au logement : enqutes sur les plaintes de discrimination et de
harclement dans ce secteur, recherches et tudes sur la discrimination systmique visant
notamment les personnes en situation de pauvret105, recommandations lAssemble
nationale entre autres eu gard diffrents projets de loi106, activits dducation et de
coopration, etc.
105 Voir notamment : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Leffet dexclusion dans laccs au logement pour les familles monoparentales faible revenu, Expertise sociologique prsente dans le cadre dune cause soumise au Tribunal des droits de la personne, Lucie France Dagenais, (Cat. 2.122.30), novembre 2001; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Pauvret et droit lgalit dans le logement : une approche systmique. tude, Muriel Garon, (Cat. 2.122.17.1), avril 1997, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/pauvrete_logement.pdf; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Laccs au logement sans discrimination fonde sur la condition sociale : les problmes relies lassistance sociale et la pauvret, Me Hlne Tessier, (Cat. 2.122.14), octobre 1995.
106 Voir notamment : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire la Commission de lamnagement du territoire de lAssemble nationale sur le Projet de loi n 492, Loi modifiant le Code civil afin de protger les droits des locataires ans, (Cat. 2.412.123), septembre 2015, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/memoire_code-civil_locataires_aines.pdf; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire la Commission de lamnagement du territoire de lAssemble nationale. Mandat dinitiative sur les interventions dans le domaine du logement : une pierre angulaire de la lutte contre la pauvret et lexclusion, (Cat. 2.177.2), octobre 2002, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/logement_social_memoire.PDF; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mmoire la Commission de lamnagement du territoire de lAssemble nationale sur le Projet de loi n 26, Loi modifiant la Loi sur la Rgie du logement et le Code civil, (Cat. 2.412.94), novembre 2001, [En ligne]. http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/pl_26_logement.PDF
Les travaux de la Commission sur la pauvret et le droit lgalit dans le logement ont
notamment permis de mettre en vidence le caractre vital du logement pour la sant tant
physique que sociale des individus (enfants ou adultes aux diverses tapes de leur vie) et par
ricochet, pour la sant de lensemble de la collectivit 107. Nous y reviendrons plus en dtail
dans la section 2.2.3 relative au droit la sant.
107 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Commentaires sur le projet de rglement modifiant le Rglement sur la scurit du revenu, Muriel Garon, (Cat. 2.412-66.4), juin 1996, p. 2.
En 2001, la Commission rappelait en outre que ses interventions en la matire :
ont mis en vidence les consquences, sur les populations les plus fragiles, des rgles et pratiques du march ou des programmes et politiques gouvernementales. Les
http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/pauvrete_logement.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/memoire_code-civil_locataires_aines.pdfhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/logement_social_memoire.PDFhttp://www.cdpdj.qc.ca/Publications/pl_26_logement.PDF
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atteintes discriminatoires qui en dcoulent ont des effets non ngligeables sur la capacit, pour les personnes qui en sont victimes, de se loger convenablement et un cot abordable. Autrement dit, elles ont pour effet de limiter leur capacit dexercer en toute galit leur droit au logement. 108
108 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (novembre 2001), prc., note 106, p. 3.
Encore rcemment, la Commission expliquait que les personnes handicapes, les personnes
ayant des problmes graves de sant mentale ainsi que les personnes vivant avec une
dficience intellectuelle, les personnes racises, les femmes et tout particulirement les mres
monoparentales de mme que les Autochtones font partie des groupes particulirement
susceptibles de subir diverses formes de discrimination dans laccs et le maintien en logement
et dprouver des difficults se loger109. La Commission relevait en outre limportance de tenir
compte de facteurs transversaux, au nombre desquels figure la condition sociale110. La
Commission rfrait alors entre autres ses travaux antrieurs sur la question, rappelant que :
109 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2015), prc., note 106, p. 10.
110 Id., p. 11. La rcente politique nationale de lutte litinrance le confirme dailleurs lorsquelle rapporte que la pauvret rend extrmement difficile et souvent impossible laccs un logement salubre et scuritaire . MINISTRE DE LA SANT ET DES SERVICES SOCIAUX, Ensemble pour viter la rue et en sortir Politique nationale de lutte litinrance, Qubec, Gouvernement du Qubec, fvrier 2014, p. 19, [En ligne]. http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2013/13-846-03F.pdf
Tout indique que les exclus du logement, quil sagisse de femmes monoparentales, dans, de membres de certaines communauts ethnoculturelles ou dautres, ont comme dnominateur commun la pauvret. Ajoutons que les familles avec enfants sont particulirement vulnrables la discrimination dans le logement, surtout si elles ont des revenus modestes et a fortiori, si ces revenus sont faibles.
[] Nous sommes bien en prsence dune situation o la discrimination prend un caractre systmique, puisque les effets dexclusion lis aux pratiques individuelles de la part de certains propritaires se combinent, pour renforcer cette exclusion, aux dfaillances du march priv dans la production de logements abordables, jumels aux faiblesses des mesures sociales ou dassistance financire. 111
111 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (octobre 2002), prc., note 106, p. 25.
Puis, ajoutait la Commission, ces difficults lies la discrimination au moment de laccs au
logement sont, dautre part, amplifies par la conjoncture du march locatif . Ainsi, lventail
des choix pour les personnes de condition sociale dfavorise sest en effet rduit
considrablement et ce, sous le poids de divers facteurs : insuffisance du stock des logements
abordables disponibles sur le march, augmentation conscutive du prix des logements et du
taux deffort financier exig des locataires, production de logements abordables par le secteur
http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2013/13-846-03F.pdf
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public insuffisante par rapport aux besoins, couverture elle aussi insuffisante de ces besoins par
dautres formes dallocations 112.
112 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (septembre 2015), prc., note 106, p. 10-11.
La Commission concluait alors que non seulement la pauvret affecte la ralisation du droit
se loger dcemment, mais lincapacit de se loger de faon dcente, cest--dire un prix
abordable et dune faon qui permet de rpondre ses besoins de base, accentue encore la
situation de pauvret et dexclusion sociale des personnes 113. Les travaux de la Commission
ont en effet permis de dmontrer que pour les personnes en situation de pauvret, les impacts
de la discrimination systmique en matire de logement dbordent la sphre restreinte du
logement : ils sinscrivent souvent dans un processus de dtrioration des conditions de vie et
ventuellement de la capacit dinsertion sociale 114. Concrtement, le non-respect du droit au
logement mne notamment les personnes en situation de pauvret devoir :
113 Id., p. 25-26. 114 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (avril 1997), prc., note 105, p. 42.
se contenter dun logement ne rpondant pas ses besoins , ce qui aura notamment
des consquences sur la sant tant psychologique que physique des membres de la
famille;
poursuivre la recherche dun logement plus convenable , en y mettant lnergie
supplmentaire, ventuellement dmnager rptition; or on sait que la stabilit
rsidentielle, pour un locataire, est un facteur important de limitation des hausses de prix
du logement ;
consacrer au logement des ressources supplmentaires qui hypothqueront la part
devant normalement tre consacre aux autres besoins essentiels, la nourriture
devenant ventuellement le seul poste compressible du budget; de nouveau des
consquences sur la sant en rsulteront invitablement ;
ngliger de payer son loyer, devenant ainsi les dlinquants du secteur locatif, issue
finale de la dgringolade sociale 115.
115 Id., p. 35-36.
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Les plus rcentes donnes en matire de logement locatif permettent par ailleurs de conclure
que ces travaux de la Commission sont encore dactualit. Parmi divers indicateurs, retenons
par exemple quen 2011, 22,1 % des locataires qubcois avaient des besoins imprieux de
logement116 et 17,3 % dentre eux vivaient dans un logement ne respectant pas la norme
dabordabilit117, ces proportions ayant lgrement augment par rapport aux donnes de
2006118. Soulignons que le revenu du mnage est clairement le facteur le plus significativement
li au fait davoir ou non des besoins imprieux de logement. Ainsi, 82,7 % des mnages ayant
de tels besoins ont un revenu annuel avant impt totalisant moins de 10 000 $, 64,7 % de ceux-
ci ont un revenu annuel avant impt se situant entre 10 000 $ et 19 000 $ et 31 % dentre eux
ont un revenu annuel avant impt entre 20 000 $ et 29 000 $. Ces proportions diminuent
toutefois 6,9 % pour les mnages ayant un revenu annuel avant impt entre 30 000 $ et
39 000 $, 2 % pour les mnages ayant un revenu annuel avant impt entre 40 000 $ et
50 000 $ et 0,1 % pour les mnages dclarant un revenu annuel avant impt de 50 000 $ et
plus119. Notons en outre que les mnages composs dAutochtones et de personnes
immigrantes sont particulirement sur-reprsents parmi les mnages ayant un besoin
imprieux de logement, composant respectivement 27,5 % 30 % de ceux-ci120.
116 SOCIT CANADIENNE DHYPOTHQUES ET DE LOGEMENT, Caractristiques des mnages ayant des besoins imprieux en matire de logement, Canada, provinces, territoires et rgions mtropolitaines, 2001, 2006 et 2011, juin 2014, [En ligne]. https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/clfihaclin/remaha/stdo/tado/tadedo_024.cfm
117 Id. 118 Id. 119 SOCIT CANADIENNE DHYPOTHQUES ET DE LOGEMENT, Population totale et personnes vivant dans des
mnages ayant des besoins imprieux en matire de logement, selon des caractristiques de la population et le sexe, Canada, Qubec, 2006 et 2011, juin 2014, [En ligne]. https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/clfihaclin/remaha/stdo/tado/tadedo_025.cfm
120 SOCIT CANADIENNE DHYPOTHQUES ET DE LOGEMENT, prc., note 116.
Eu gard la norme dabordabilit prcite, les donnes de lEnqute nationale auprs des
mnages mene par Statistique Canada en 2011 rvlent en outre que 36,8 % des mnages
locataires du Qubec consacrent plus de 30 % de leur revenu au loyer121. De ce nombre, prs
dun mnage locataire sur deux consacre plus de 50 % de ses revenus se loger. Plus le
121 STATISTIQUE CANADA, Enqute nationale auprs des mnages, Rapport des frais de logement au revenu, Qubec, Produit 99-014-X2011028, 2011.
https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/clfihaclin/remaha/stdo/tado/tadedo_024.cfmhttps://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/clfihaclin/remaha/stdo/tado/tadedo_025.cfmhttps://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/clfihaclin/remaha/stdo/tado/tadedo_025.cfm
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revenu total dun mnage est bas, plus ce dernier consacre une part importante de ses revenus
au logement122.
122 CENTRE INTERUNIVERSITAIRE DE RECHERCHE EN ANALYSE DES ORGANISATIONS, Les mnages des quintiles de revenu infrieurs consacrent une part plus importante de leurs dpenses au logement et lalimentation, [En ligne]. http://qe.cirano.qc.ca/theme/revenus_et_inegalites/depenses_des_menages
Dans un rapport publi en 2009 portant sur le Canada, le rapporteur spcial de la Commission
des d