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Memoire sur le zodiaque circulaire de Denderah de M. Biot

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Egyptian astrology

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    tLIBRARY OF

    WELLESLEY COLLEGE

    PURCHASED FROMLIBRARY FUNDS

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  • MMOIRESUR

    LE ZODIAQUE CIRCULAIRE

    DE DENDERAH

  • EXTRAIT DES MMOIRES DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

    TOME XVI DE LA l' PARTIE

  • MEMOIRESUR

    LE ZODIAQUE CIRCULAIRE

    DE DENDERAH

    PAR M.ABIOT

    PARISIMPRIMERIE ROYALE

    M DCCC XLIV

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  • MEMOIRESUR

    LE ZODIAQUE CIRCULAIRE

    DE DENDERAH.

    PREMIERE PARTIE.

    A l'poque o ce monument fut amen en France, unerunion de circonstances favorables me donna des facilitstoutes spciales pour en tudier la construction. Non-seule-

    ment je pus examiner de prs, autant que je voulus, les d-

    tails des figures qui sont traces, mais on m'accorda encore

    une entire libert d'y prendre toutes les mesures de prcision

    qui me paratraient ncessaires,

    pour tablir avec certitude

    leurs arrangements relatifs ainsi que leurs configurations

    ,

  • 4

    pour fixer les positions absolues des astrismes stellaires dont

    quelques-uns sont accompagns, et pour dterminer leurs dis-

    lances prcises, soit au centre, soit au contour du mdailloncirculaire qui les renferme. En outre, afin d'en pouvoir saisir

    l'ensemble, j'eus ma disposition un excellent dessin du mo-

    nument, que M. Gau avait fait Paris, en couvrant sa surface

    d'un rseau de fils rectangulaires, formant une multitude de

    carreaux trs-serrs dont il avait relev minutieusement tous

    les dtails 1 . Avec ces donnes, plus compltes et plus exactes

    que personne n'avait pu en avoir jusqu'alors, je considrai,

    premirement, les douzes figures qui paraissaient semblables

    ou analogues aux &6&

  • 5

    le drangement. Ce genre de raisonnement suspensif n'a rienque de trs-logique, pourvu que l'exception qu'il suppose soitpostrieurement justifie; et c'est le mme que M. Letronne adepuis employ avec succs pour interprter une particula-rit exceptionnelle toute semblable, que prsentent les deuxlignes de figures zodiacales traces dans la caisse mortuairedu personnage grco - gyptien Pctemenon; car la figure duCapricorne y est aussi retire de la bande rectiligne dont elleferait partie astronomiquement, pour tre reporte prs de latte de l'image funraire, reprsentative ou caractristique dumort, lequel tait n sous ce signe cleste, comme le prouvel'inscription grecque trouve dans la mme caisse; et la rup-ture de la srie des signes est parfaitement justifie par cemotif intentionnel. Ayant donc aussi provisoirement except la"figure du Cancer de l'anneau zodiacal sculpt sur le mdailloncirculaire de Denderah

    ,

    je traai , travers l'ensemble de toutesles autres, une courbe moyenne, ovale, continue, qui, dansl'hypothse d'une construction rgulire, devait reprsenter laprojection du grand cercle cleste que nous appelons l'clip-tique

    ,et que les anciens nommaient le cercle moyen des wSix.

    Alors, en considrant deux points quelconques de cette courbe,correspondants deux emblmes quelconques , diamtrale-ment opposs dans le ciel , le Lion et le Verseau, par exemple

    ,

    je reconnus que leurs distances respectives au centre du ta-bleau, quoique ingales, formaient toujours une somme trs-approximativement constante et gale au demi-diamtre dumdaillon. Or, ce double caractre de constance et de valeurabsolue ne convient qu' un seul mode de reprsentationgomtrique de la sphre cleste , et au plus simple de tous :c est celui o on la dessine tout entire dans un mme cerclequi a pour centre le ple boral de l'quateur, en plaant

  • 6

    chaque point de la sphre sur un rayon central men suivantson cercle de dclinaison , et une distance du centre gale sa distance polaire propre; de sorte que le ple austral se trouve

    alors figur par un cercle qui est le contour mme du m-daillon, et l'quateur lest par un autre cercle plus intrieur, d-

    crit du mme centre avec un rayon moiti moindre. Ce genrede dessin , dilatant les parties australes du ciel dans une pro-portion excessive, doit ncessairement carter les unes des

    autres les figures zodiacales situes au sud de l'quateur beau-

    coup plus que les borales, puisqu'elles s'loignent davantage

    du centre. C'est ce que l'on observe, en effet, sur le monument.Et aussi, quelques-unes de celles-l ont t partages en plu-

    sieurs subdivisions, ou entremles d'autres emblmes, pourremplir le contour total de cette portion de la courbe clip-

    tique; ce que l'on n'a pas fait, pour sa partie borale, o lesintervalles des figures attaches aux dodcatmories clestes

    se trouvaient beaucoup plus resserrs par la projection. Afind'apprcier cetle concordance d'une manire plus prcise, j'aicalcul la courbe rigoureuse qui reprsente l'cliptique dans

    un pareil systme , en supposant son obliquit sur l'quateur

    gale 2 4, ce qui tait sa valeur trs-approche dans ces an-

    ciens temps ; et j'ai rduit les rsultats graphiques du calcul la mme chelle linaire que le dessin de M. Gau. Alors, sil'on applique cette courbe mathmatique sur le dessin, centrepour centre, et que l'on dirige son demi-diamtre solsticial d't

    sur l'emblme troit qui remplace le Cancer, toutes les figures

    zodiacales qui semblent le mieux correspondre celles del'ancienne sphre grecque, par la nature des objets qu'ellesreprsentent, par certaines particularits spciales de leur

    configuration, et par l'ordre dans lequel elles se suivent, se

    trouvent en effet places, dans le dessin, sur la courbe clip-

  • tique, ou tout prs de cette courbe, comme l'exige la situa-

    tion relle des principales toiles que nous savons y avoir t

    attaches. Leurs formes ne sont pas, toutefois, astreintes aux

    mmes contours, qui, au reste, n'taient pas encore complte-ment fixs du temps de Ptolme ; car cet astronome dit for-mellement qu'il a us, comme ses prdcesseurs , du droit d'enchanger plusieurs dtails (1). En outre, par une sorte ddoubleemploi, dont nous pouvons difficilement nous rendre compte,

    et qui lui est commun avec Geminus, il mentionne la Balance(vys) , comme signe d'une dodtamorie cliptique, tandisqu'il lui substitue les serres du Scorpion (^rjXat) quand ilnumre les douze constellations rparties sur le contour duzodiaque cleste (2). Mais la disposition dfinitive des symboles

    graphiques, mme si elle et t arrte gnralement lorsquele tableau gyptien fut excut, n'aurait pas pu y tre admise;car toutes les figures qui le couvrent , tant celles qui s'iden-

    tifient avec les emblmes grecs, que celles dont nous ignoronsla signification, y sont tournes dans un mme sens de direc-tion et d'aspect, qui leur fait suivre le mouvement diurne duciel dans la position que l'on avait donne au monument; etcette condition de concordance, leur tant gnrale, doit avoirt intentionnelle. Cela a exig, par exemple, que l'on figurtle Taureau s'lanant vers le Blier, au lieu que, dans lasphre grecque dfinitive et purement astronomique, cesdeux animaux sont reprsents tous deux couchs sur la courbecliptique, opposs dos dos, et se regardant l'un l'autre.Mais cette inversion de pose d'un des symboles ne faussenullement le caractre astrographique, identique celui de lasphre grecque, que le Taureau peut avoir dans le tableaugyptien, si les principales toiles affectes au Taureau greccomme emblme sont encore ici comprises dans l'espace que

  • _ 8

    l'emblme analogue embrasse,

    quoiqu'elles doivent y tre au-

    trement places. Ainsi le groupe des Pliades , toujours moinsavanc en ascension droite que le reste de l'astrisme, devraici, astronomiquement , se projeter sur la tte de l'animal, etles Hyades sur sa croupe: ce qui est l'inverse de leur applica-tion sur le Taureau grec dfinitif. Or, comme si l'on et voulu

    empcber que cette inversion, ncessite par le sens gnralde mouvement des figures, ne donnt lieu aucune mprise,

    on trouve, dans l'alignement central de la tte du Taureaugyptien , sur le contour du mdaillon , un groupe de septtoiles ranges sur deux lignes diriges vers le centre; indica-

    tion qui semble destine marquer par renvoi les sept Pliades;

    d'autant mieux qu'une des sept, dont l'existance tait conteste

    dans l'antiquit, est ici un peu dtache des autres (3). Et de

    mme, un peu plus loin en ascension droite, dans l'alignementcentral de la croupe du Taureau gyptien , on voit encore

    ,

    sur le contour du tableau, un autre amas d'toiles, dont une

    galement isole, lequel semble devoir aussi indiquer par ren-

    voi la direction des Hyades , d'autant que leur nom grec et latin

    ,

    vdSes et sucul, les petites Truies, y est exprim figurativement

    par une truie, dont l'individualit peut trs-bien s'appliquer

    l'toile dtache , comme principale , du reste du groupe. Car

    celle-ci, qui rpond l'il austral du Taureau grec, et que nous

    appelons aujourd'hui Aldbaran , tait ainsi dsigne individuel-lement chez les Romains par le nominatif singulier sucida (4)

    .

    Enfin, la situation relative de ces deux groupes dans le ciel four-

    nit une dernire preuve, une preuve numrique, que c'est bien

    eux que l'on a voulu dsigner. En effet , comme ils sont tous

    deux peu distants de l'cliptique, et qu'ils sont spars par un

    mdiocre intervalle de longitude, la diffrence de leurs ascen-

    sions droites a conserv une valeur presque constante, depuis

  • 9

    les plus anciens temps jusqu' nos jours. Or, si, comme je l'aifait, on relve, sur le contour du mdaillon, l'arc comprisentre les deux alignements, et qu'on l'value en degrs, con-formment la nature suppose de la projection , on lui trouveprcisment cette mme valeur, quelques minutes prs,comme je le prouve ici en note (5). Ceci, joint leur directionprcise de renvoi central sur la tte et la croupe du Taureau,constitue une triple concordance qui paratra singulirementsignificative tout astronome, quoique, la vrit, il ne puissela dcouvrir et la constater que sur le monument, ou s'il enpossde un dessin parfaitement exact, deux avantages que per-sonne n'avait eus avant moi. Donc, si le tableau gyptien a tintentionnellement projet et excut pour tre en rapportavec le ciel, ce sont l les deux alignements prcis sur lesquelsdoivent tomber les Pliades et les Hyades

    , ces deux groupesd'toiles si universellement remarqus de l'antiquit, lorsquetout le ciel stellaire y sera report en projection rgulirepour l'poque laquelle on a voulu le reprsenter. Mais c'estaussi, en effet, dans ces alignements prcis qu'ils sont venusse placer et s'adapter l'emblme du Taureau, le premier sursa tte, le second sur sa croupe, lorsque j'ai eu dcouvert parlecalcul les lignes cardinales du tableau, et son poque inten-tionnelle, comme je le dirai tout l'heure, quoique je leseusse dtermines sans faire aucun usage de ces indications.Plusieurs autres figures zodiacales du tableau gyptien donnentlieu des remarques analogues, que j'ai exposes avec dtaildans mon ouvrage intitul, Piecherches sur plusieurs points del'astronomie gyptienne, publi en 1823. Si j'ai rappel celles-ci, c'est surtout pour bien spcifier la distinction qu'il fauttoujours faire entre les configurations plus ou moins arbi-traires des symboles clestes, et l'identit permanente des

  • 10

    toiles principales qui ont t conventionnellement affectes

    plusieurs d'entre eux, comme caractristiques dans tous lesges de l'astronomie dont l'histoire nous est parvenue ; car lesformes ou les attitudes de ces symboles , et surtout leurs limites

    ,

    ayant vari en diffrents temps, selon le caprice des dessina-

    teurs ou des descripteurs de la sphre, jusqu' ce que l'astro-nomie mathmatique les et dfinitivement fixes, l'identitd'application des mmes toiles, ou seulement des princi-pales

    ,aux emblmes de mme nature , constitue l'unique

    espce de concordance que l'on puisse raisonnablement cher-

    cher et esprer de reconnatre, quand on considre la signi-fication astrographique de ces emblmes pour des poquesantrieures leur fixation (6). Dans tous les cas, d'aprs les

    preuves que je viens de rappeler, si le tableau gyptien at trac, mme approximativement, selon un systme r-gulier de projection du ciel, on ne peut pas, gomtrique-ment, lui en appliquer un autre que celui qui a t dfini

    plus haut.

    Mais, en admettant que cette ide ft vraie, il fallait la

    suivre, et tirer du monument des indices prcis qui, tantcombins par le calcul conformment au mode de projectionainsi reconnu, pussent faire dcouvrir ses lignes cardinales,

    c'est--dire les positions des quinoxes et des solstices parmiles figures zodiacales, d'o rsulterait l'poque intentionnelle

    de la reprsentation. Cela s'obtiendrait bien plus simplementaujourd'hui ; car, en s'appuyant sur quelques symboles tro-piques, postrieurement reconnus par Champollion, et sur lapersistance des formes ainsi que des ides gyptiennes, dans la

    construction des monuments publics de toutes les poques,que lui et M. Letronne ont tablie, on peut, comme je lemontrerai plus tard, en infrer, avec une extrme vraisem-

  • 11

    blance, que, si le tableau est intentionnellement construit pour

    tre en rapport avec le ciel , le demi-diamtre solsticial d'tdoit s'y trouver dirig au point le plus nord, par consquent

    align sur le symbole troit qui remplace le Cancer. Alors,

    prenant un globe cleste dont le ple soit mobile et entrane

    avec lui son quateur ainsi que ses cercles de dclinaison, onle disposerait gnralement de manire que le colure solsticialtraverse le Cancer cleste, en laissant indtermin le point

    prcis que le solstice d't doit occuper dans cette constella-

    tion. Puis, pour acbever de dterminer ce lieu, on relverait,

    sur le contour du mdaillon ou sur le dessin de M. Gau,la diffrence d'ascension droite qui s'y trouve comprise

    entre la ligne solsticiale d't, ainsi dfinie, et l'alignement

    suppos des Pliades, des Hyades, ou de tout autre ast-

    risme que sa position relative pourrait faire identifier avec

    vraisemblance sur le ciel rel. En ralisant cet intervalle sur

    le globe mobile, il se trouverait totalement fix par cette der-

    nire donne. Donc, ceci tant fait, toutes les toiles princi-

    pales et caractristiques appartenant aux divers symboles

    grecs, ainsi qu'aux astrismes gyptiens que leur nom, leur

    configuration, ou leur position stellaire permettent d inter-

    prter avec vraisemblance, devraient en rsulter concordantes

    avec ces astrismes ou ces symboles, dans toute l'tendue du

    ciel, tant pour leurs ascensions droites que pour leurs dis-

    tances polaires absolues, values conformment au mode deprojection dfini plus haut. Or, c'est ce qui arrive en effet,comme on peut aisment le vrifier; et l'on est ainsi amen di-rectement la mme position de la sphre cleste, comme lamme concordance gnrale

    ,

    que j'tais parvenu dcouvrir

    par un calcul infiniment plus dtourn et plus pnible. Mais on

    n'avait pas tant de secours il y a vingt ans: de sorte qu'il fallait

    2

    .

  • 12

    bien alors se guider d'aprs des conjectures beaucoup plus nom-breuses, dont la justesse ne pouvait se vrifier que par la con-cordance gnrale qui en rsultait, surtout si l'on s'astreignait

    n'emprunter de l'astronomie aucun lment thorique,pas

    mme l'obliquit de l'cliptique, comme je l'avais fait peut-tre tort, dans l'intention trop scrupuleuse de la dduire, ainsi

    que tout le reste, des seules mesures linaires prises sur le

    monument. C'est pourquoi, considrant ceux des astrismes

    sculpts dans l'anneau zodiacal et hors de cet anneau , dont

    l'identification avec le ciel me paraissait le mieux indique

    par leur relation dposition avec les figures grecques, ou par

    la configuration spciale des emblmes dont ils font partie,j'en choisis douze, que je supposai hypothtiquement devoirmarquer les positions absolues de l'toile qui y correspond

    dans le ciel rel. Un tel choix n'est pas, beaucoup prs,aussi indtermin qu'il pourrait le paratre aux personnes

    qui n'ont pas l'habitude de l'astronomie ; car, l'identification

    des figures zodiacales tant admise, un astrisme qui se pr-

    sente, par exemple, isol au-dessus du Taureau, avec la confi-guration d'une toute petite tte de chvre, ne peut dsigner

    que la belle toile de la Chvre, ou bien le tableau n'est pasconstruit astronomiquement. Toutefois, avant d'tablir un

    calcul dfinitif sur ces prsomptions, il tait indispensable de

    les soumettre quelque preuve rigoureuse. Pour cela, je me-surai avec le plus grand soin , sur le contour du mdaillon , lesarcs compris entre les rayons mens ces douze astrismes , ainsique les distances de chacun d'eux au centre du tableau; puisje calculai les arcs sphriques que toutes ces longueurs de-

    vaient reprsenter dans le systme de projection par dve-loppement tabli plus haut. Et, comme ceux de ces arcs qui

    mesurent les distances angulaires des toiles entre elles, sur la

  • 13

    sphre cleste, restent sensiblement constants dans tous lessicles, n'tant altrs que par les mouvements propres de

    chaque toile,

    j'obtins ainsi autant d'lments numriques quipouvaient tre mis en comparaison rigoureuse avec le ciel sansaucune intervention d'poque. Or, les rsultats ainsi obtenus

    diffrrent si peu des mesures astronomiques, que j'en fussurpris moi-mme; car les amplitudes de leurs erreurs n'exc-daient pas celles que l'on trouve dans les observations mmesd'Hipparque et de Ptolme. Partant donc de ces assimila-tions, que leur commun accord avec le ciel rendait si vraisem-

    blables, chaque couple d'toiles, ainsi hypothtiquement iden-tifies, fournit un triangle sphrique ayant pour base ladistance angulaire des deux toiles, la mme qu'aujourd'hui,et pour sommet le ple de l'quateur propre l'poque inten-

    tionnelle du tableau gyptien ; de sorte que cette base pouvaitse prendre dans nos catalogues modernes, tandis que les cts

    taient les distances des astrismes au centre du dessin, me-sures sur le monument lui-mme. Un second triangle ayantla mme base, aboutissait l'cliptique, dans le plan des co-lures solsticiaux de l'poque inconnue. Cela suffisait pour la

    dterminer; mais j'employai concurremment deux pareilscouples pour tirer de leur moyenne une valuation plus

    exacte. Je fus ainsi conduit l'nonc suivant, qui exprime

    toutes les conditions gomtriques de la projection dans leshypothses prcdentes; et je le conserve, tel que je l'ai pu-

    bli, il y a vingt ans, dans l'ouvrage cit plus haut, parce qu'il

    ne diffre en rien de celui qu'on pourrait aujourd'hui obtenirpar la voie plus directe que j'ai tout l'heure indique.

    Les figures zodiacales et tous les autres astrismes que l'on

    peut assimiler, pour leur signification astrographique, ceux

    de la sphre grecque, dans le zodiaque circulaire de Dende-

  • 14

    rah, y sont distribus conformment au mode de projectionprcdemment dfini, c'est--dire par un dveloppement planeopr autour du ple boral de l'quateur, tel qu'il tait placdans le ciel 700 ans environ avant 1re chrtienne, avec uneincertitude possible d'environ un sicle, tant au del de cette

    poque qu'en de. Comme confirmation gnrale de ce fait,j'ai calcul les positions absolues des principales toiles du cielpour l'an 700; tant celles des toiles zodiacales que celles des

    extra-zodiacales dont les emblmes sur le monument se mon-traient le plus analogues ceux de la sphre grecque. Ayant

    obtenu ainsi leurs distances angulaires au ple boral de

    cette poque, et les angles didres que leurs plans de dcli-naison devaient former avec le colure des solstices

    ,

    j'ai con-

    verti ces lments en mesures rectilignes ou circulaires, ap-propries la mme chelle que le dessin de M. Gau; puisje les ai portes sur une gravure de ce dessin obtenue par lecalque. Le rsultat de cette opration est reproduit dans lafigure 1 , la fin du prsent mmoire , tel que je l'avais autrefoispubli. Les toiles calcules furent ainsi conduites si exacte-

    ment sur les figures dont elles dpendaient, et sur les ast-rismes dont les positions sur le tableau m'avaient paru devoir

    s'y rapporter, que j'aurais t fort loign d'esprer une pa-reille concordance. J'en ai expos tous les dtails dans l'ou-

    vrage cit (7). Je rappellerai seulement ici trois circonstances

    que je signalai alors, et qui, runies, me paraissent aujour-d'hui indiquer, sinon l'objet unique du monument, du moinsune des particularits les plus spciales qu'il tait destin

    reprsenter :1 Le point nord et le point sud du mdaillon donns par

    le calcul s'accordent exactement avec l'orientation relle

    des mmes points du tableau dans la salle o il tait plac

    ,

  • 15

    salle dont les parois sont parallles aux murailles du temple.2 Ainsi dirig, il reprsente la sphre cleste en position

    relle, au moment du minuit d'un solstice d't. Aujourd'huices deux circonstances pourraient aisment s'tablir a priori,

    comme je l'ai dit plus haut, mais elles se trouvrent alorsrsulter numriquement du calcul, qui ne s'tait en rien ap-puy sur elles. 3 L'toile principale des Egyptiens, Sirius,n'est pas figure visiblement dans le tableau par un astrisme

    appliqu sa position stellaire. Mais le calcul gnral du ciel,tabli sur des donnes tout fait indpendantes de cet astre,le projette sur un emblme remarquable par sa situation au-tant que par sa forme; car il consiste en une tige troite de

    papyrus sculpte sur celui des diamtres du mdaillon qui estprcisment parallle l'axe longitudinal du temple, au-des-sous du second Gmeau, en suivant l'ordre des ascensionsdroites. Et cette tige qui, garnie de sa houppe, comme ellel'est ici, dsigne, selon la grammaire de Champollion , la rgioninfrieure (8) , est surmonte d'un pervier coiff du pschentroyal, image emblmatique constamment affecte, comme il leprouve encore, au dieu gyptien Aroueris, l'an des Horus (9),qu'une inscription trace dans le grand temple d'Ombos et letmoignage de Plutarque assimilent indubitablement l'Apol-lon grec (10). Or, Plutarque dit aussi que ce mme Horus pr-sidait au cours du soleil (11); de sorte que l'association desdeux emblmes pourrait indiquer quelque rapport actuel decet astre avec le lieu infrieur que Sirius occupait dans leciel, lieu o il aurait fallu le marquer sur le mdaillon, sil'on avait voulu l'y exprimer en position visible; comme aussi,le caractre symbolique sculpt sa place, prcisment sur lediamtre parallle l'axe longitudinal du temple, pourraitfaire souponner quelque relation cache, mais intention-

  • 16

    nelle, entre l'orientation primitive de cet difice et la compo-sition du tableau. Un autre emblme, d'une grande impor-tance dans les ides gyptiennes, se voit excentriquement l'anneau zodiacal, sur le prolongement du diamtre o notreprojection place le point solsticial d't. C'est une vache, ayant son cou la croix anse, et couche dans la bari cleste,deux caractres qui en font une divinit femelle actuellementporte sur le contour du ciel; et elle se trouve en effet tour-ne dans le sens du mouvement diurne, comme toutes lesautres figures du tableau. Au-dessus de sa tte, est une grossetoile, sculpte sur la direction prcise du diamtre solsticialde notre projection. D'aprs les explications concordantes dePlutarque et d'Hrodote, on avait vu d'abord dans cet em-

    blme l'image d'Isis avec son toile Sirius(i2); d'autant quel'on attribuait cette desse les ttes de femme oreilles devache qui ornent tous les chapiteaux du Pronaos et l'intrieurdu temple de Denderah, ainsi que l'appartement mme duzodiaque; d'o l'on infrait que l'difice lui avait t spciale-

    ment consacr. Mais, plus tard, M. Letronne parut consid-

    rablement infirmer, sinon tout faire dtruire cette interpr-

    tation. Car, par l'inscription grecque trace sur le Pronaos,

    ce savant critique prouva que le temple tait rellement d-

    di une divinit gyptienne assimile par les Grecs leur

    h

  • 17

    pollion trouva ensuite que ces ornements appartenaient eneffet une desse gyptienne, reprsente, de mme qu'Isis,avec une tte de vache sur plusieurs monuments, mais dsi-gne dans les lgendes par le nom

  • 18

    qu'une application particulire d'un sens gnral, laquelle ne

    peut constituer un caractre exclusif. De sorte que, le grand

    temple ayant dj t ddi YIsis-A thor, la demeure mondained'Horus , les Tentyrites ont pu encore , comme ils l'ont fait

    ,

    ddier le Propylon lsis universelle, non-seulement sans se

    contredire, mais en ne faisant qu'tendre et gnraliser l'hom-

    mage qu'ils rendaient une mme divinit. D'aprs cela, rienne s'oppose plus ce que la vache couche dans la bari , et

    surmonte d'une toile, ne dsigne pareillement Isis dans son

    rapport avec Sirius; et cela pourrait tre vrai encore, si l'on

    voulait n'y voir que la vache divine, la mre de tous les dieux ,dont Champollion a fait aussi une divinit particulire (i 7) ; car

    cette vache est spcifie sur les monuments comme mre duSoleil, quand l'emblme de cet astre est associ son image,et, dans ce cas, elle s'identifie avec l'Isis mre du premier Ho-rus, l'Apollon grec, qui prside au cours du soleil : d'o il

    suit que, associe une toile, elle peut galement reprsenter

    Isis dans l'autre particularit de son acception, suivant laquelle

    Sirius lui avait t consacr comme marquant par son lever le

    grand acte de fcondation opre par le dbordement du Nil.Car ces deux applications, prouves d'ailleurs par les monu-

    ments comme par les textes, conviennent, dans leur sens in-

    dividuel, au principe gnral de fcondit que figurait cette

    desse aux dix mille noms, comme l'appelle Plutarque et comme

    la dsignent les inscriptions grecques trouves en Nubie (18).Mais alors, il y aurait donc quelque rapport cach entre

    l'emblme sculpt la place vraie, mais invisible, de Sirius,sur le zodiaque circulaire, et l'indication symbolique de sonlever Denderah, dans l'alignement prcis du solstice d't, l'poque que le monument figure? Cela semble, en effet, clai-rement indiqu dans le zodiaque rectangulaire du portique,

  • 19

    et prcisment sur sa bande orientale. Les membres de lacommission d'Egypte avaient bien remarqu que ce zodiaquereproduit dans son ensemble le dveloppement plan et longi-tudinal du circulaire. J'avais fortifi cette ide par la corres-pondance des positions stellaires auxquelles la plupart desemblmes semblables m'avaient paru se rapporter; et elle seraconfirme, dans la suite de ce mmoire, par plusieurs rap-prochements nouveaux auxquels on tait, je crois, loin de s'at-tendre. Or, prcisment, l'emblme symbolique de l'Isis stel-laire, qui, dans le mdaillon

    ,est plac sur le diamtre solsti-

    cial du Cancer, et l'emblme plac sous les Gmeaux, au lieuvrai de Sirius, se trouvent en effet rapprochs et mis tout ct l'un de l'autre sur cette bande orientale du zodiaque rec-tangulaire, o la loi gomtrique du dveloppement aurait dles faire figurer spars; comme si l'on et voulu exprimerpar l qu'il ne fallait pas sparer leurs indications clestes; de

    sorte que leur loignement dans la projection gomtrique,et leur rapprochement dans sa reproduction figurative, s'ac-

    cordent pour confirmer la connexion secrte que nous soup-onnions devoir exister entre eux.

    Que l'on reconnaisse l'vidence de ces rapports ou qu'onla conteste, peu m'importe. Je ne les ai pris, ni ne veux les

    prendre pour fondement de mes calculs, qui en sont tout fait indpendants. J'ai voulu seulement prouver que les indi-cations qu'ils prsentent sont, en tout point , conformes auxtextes crits, aux lgendes hiroglyphiques que l'on a pu jus-qu'ici interprter, et aux formes emblmatiques par lesquellesles Egyptiens exprimaient leurs ides physiques

    ,

    philosophi-

    ques, ou religieuses, sur les monuments publics. Maintenant,on va voir que notre projection , calcule sans faire aucun usagede ces rapports, les reproduit tous aussi fidlement que si l'on

    3.

  • 20

    avait voulu la fabriquer exprs pour s'y adapter. En effet, selon

    ce qu'elle donne, l'poque d'environ 700 ans avant l're chr-

    tienne, au moment du minuit du solstice d't Denderah, Si-rius se trouvait rellement dans la partie infrieure du ciel avecla mme ascension droite que le second des Gmeaux; et, la finde cette mme nuit, il se levait, dans une prcision mathma-tique, sur l'alignement des parois australe et borale du temple,simultanment avec les toiles y et S du Cancer, qui mar-

    quaient alors sur l'cliptique le point solsticial d't, toiles

    qui sont les seules de cette constellation que les Grecs aient

    dsignes par des noms propres : l'Ane boral et l'Ane austral,

    comme comprenant alors entre elles l'cliptique, dont elles

    taient toutes deux trs-peu distantes. Sirius, cette poque et ce moment de l'anne, n'tait donc pas visible lors de son

    lever vrai, sur l'horizon de Denderah, comme il l'et t dans

    un lever hliaque. Il tait effac par les rayons du soleil , con-squemment invisible

    ,

    quoique prsent dans le ciel et solsti-

    cial, comme je le trouve la fois prsent, invisible et solsticial

    sur le monument. La tte d'Isis-Athor, enveloppe par les

    rayons du soleil, qui se voit dans la bande orientale du zo-diaque rectangulaire, la place du Cancer, tait donc alors unemblme parfaitement juste et significatif. Nous reconnatronsplus loin quel intrt pouvait avoir, pour les Egyptiens, la re-

    prsentation actuelle ou commmorative de celte phase cleste.Ici, je me bornerai dire d'avance qu'il justifie pleinement le

    drangement exceptionnel de la figure du Cancer hors de l'an-neau zodiacal, pour lui substituer un personnage emblma-tique tte d'pervier, troitement align sur le diamtre

    solsticial, comme pour donner un indice prcis de lieu dans

    l'tendue de la constellation. Et c'est en effet sur ce pesonnage

    que la projection jette les deux toiles, alors solsticiales, y et S

  • 21

    du Cancer. Mais l'importance d'un lever vrai solsticial de Si-rius, dans les ides traditionnelles de l'Egypte, ne pouvait trecomprise que depuis la dcouverte de Champollion sur lesrapports de la notation de l'anne vague avec l'anne solairevraie (19).

    Si je reviens aujourd'hui sur ces dterminations dj si an-ciennes, ce n'est pas pour les rectifier ou les changer. Je levoudrais, que cela me serait impossible, puisqu'elles sont au-tant de consquences mathmatiques des mesures que j'aiprises autrefois sur le monument, et des combinaisons aux-quelles je les ai irrvocablement assujetties. Mais, depuis vingtans qu'elles sont publies, la grande dcouverte de Champol-lion, et les nombreuses recherches de M. Letronne, sur lesinscriptions latines et grecques trouves en Egypte, ayant in-

    contestablement tabli la permanence des formes, ainsi quede la religion gyptienne

    ,

    pendant la domination grecque etromaine, cela a dvoil une multitude de circonstances histo-riques et archologiques qui, sans fixer dmonstrativementle but intentionnel des tableaux de Denderah , et sans nousdonner aucune lumire sur les rgles de leur constructiongraphique, fournissent de nouveaux lments de discussionqui leur sont applicables, et que l'on ne peut plus sparer

    de leur interprtation. Je me propose, en consquence, d'exa-miner ce que l'on peut tirer aujourd'hui de ces documents,pour infirmer ou confirmer le systme de trac gomtriqueque j'avais attribu au zodiaque circulaire , et pour affaiblirou tendre la probabilit des relations astronomiques qu'ilm'avait paru exprimer.

    Mais avant de procder cette comparaison, et afin qu'ellene semble pas compltement inutile, je dois d'abord essayerde dfendre ce genre de recherches contre la rprobation g-

  • 22

    nrale dont les a frappes M. Letronne; non pas en les dis-cutant lui-mme, ce qui et t infiniment dsirable, ni enopposant leurs rsultats une critique individuelle qui pttre logiquement controverse, mais en les condamnant enmasse par le seul fait de leur discordance, principe de juge-ment insaisissable qui confond la vrit avec l'erreur, et lesdtruit l'une par l'autre en leur imposant une mutuelle res-ponsabilit. En effet, depuis l'interprtation si juste, mais, la vrit, si facile, que M. Letronne a donne de l'emblmezodiacal trouv dans la caisse mortuaire du personnage grco-gyptien Petemenon, ce savant, dont l'autorit archologique

    est si grande qu'il faut invitablement s'y soumettre ou se d-cider la combattre , n'a cess de dire et de rpter, pendantvingt annes , dans ses crits : qu'on a cru trouver dans leplanisphre circulaire de Denderach , un systme rgulier deprojection, ce qui reste encore incertain (20); que tous lessavants qui ont pris part la controverse que ces monumentsont fait natre, tant les dfenseurs de leur haute antiquit

    que les partisans d'une antiquit plus restreinte, ont trouv,

    dans la combinaison des emblmes qui y sont reprsents, lemoyen de prouver, avec un succs peu prs gal, la justessede leurs opinions diverses (21). Qu'aprs tant d'efforts in-fructueux, il tait facile de prvoir qu'on n'arriverait jamais un rsultat certain en continuant combiner des emblmesdont rien ne pouvait dterminer le sens, et qui laissaient lechamp libre toutes les hypothses (22). Que cette longuediscussion a fait perdre un temps prcieux plus d'un sa-

    vant distingu (2 3). Que la seule prsence des dcans,reconnue par Champollion sur le zodiaque circulaire, tablit

    la nature astrologique de ces reprsentations (2 4). Que lacertitude o l'on est maintenant que Xastrologie joue le principal

  • 23

    rle dans ces zodiaques simplifie beaucoup la question, etfait comprendre pourquoi tous ceux qui ont voulu y chercherune raison astronomique ont peu prs perdu leur temps (2 5). Qu'au lieu des caractres dcisifs qu'on s'tait flatt dedcouvrir dans ces zodiaques, ils ne prsentent rellementque des indices trs-incertains, que chacun interprte peuprs comme il le veut (26). Que l'absence totale de pointsfixes et dtermins , sur lesquels tout le monde pt s'en-tendre, excluait la possibilit d'une discussion mthodiqueet rgulire (27). Enfin, dans le remarquable ouvrage quele mme savant vient de publier sur les inscriptions grecqueset latines de l'Egypte, il reproduit la mme forme d'argu-mentation dans les mmes termes. Depuis les explicationsprsentes par la commission d'Egypte, on a vu, dit-il, pa-ratre une foule d'explications des zodiaques, diffrentes, con-tradictoires mme, et se dtruisant les unes les autres. Detoutes ces contradictions, il reste au moins un fait bien po-sitif : c'est que, au lieu des caractres dcisifs qu'on s'tait

    flatt d'y dcouvrir, ces zodiaques ne prsentent rellementque des indices trs-incertains, que chacun est peu prs lematre d'interprter comme il le veut (28).

    Si j'ai rapport textuellement tous ces passages, ce n'est paspar un vain motif de rcrimination, toujours inutile dans unecontroverse scientifique. Mais je ne pouvais faire saisir d'uneautre manire la nature de l'opinion qu'ils expriment, ni enmontrer autrement la persistance. On y trouve une assertioninterprtative du but des reprsentations zodiacales, et unecondamnation porte contre toutes les recherches graphiquesou astronomiques qui ont t faites sur ces monuments. Jeles considrerai successivement sous ces deux points de vue.

    L'assertion interprtative, c'est que toutes les reprsenta-

  • 24

    tions zodiacales trouves en Egypte ont un but principalement

    ou spcialement astrologique. Cette assertion a une grande por-te, mais il faudrait la prouver dmonstrativement. M. Le-tronne a constat ce caractre pour l'emblme zodiacal trouvdans la caisse mortuaire d'un particulier dcd en Egypte

    ,

    l'an xix du rgne de Trajan ; et il a montr sans peine, quoiqueavec beaucoup d'rudition, que les illusions de l'astrologietaient alors trs-rpandues, non-seulement en Egypte, maisdans tout l'empire romain. De l il infre que les zodiaquessculpts sur les monuments publics de l'Egypte doivent avoireu tous, entirement ou principalement, un pareil but. Celan'est pas impossible; mais la preuve ne pourrait rsulter quede leur interprtation individuelle, effectue conformment cette ide-l, et soumise l'preuve de la discussion par la pu-blicit. J'ai dit que cette assertion a une grande porte : eneffet, selon M. Letronne, il y a la prsomption la plus forteque ces monuments, tous entirement ou principalement as-trologiques, sont dresss d'aprs les principes d'une prten-

    due science que l'Egypte avait vue natre, d'aprs le systmede reprsentation dont les Egyptiens avaient l'babitude, et par

    les procds d'un art qui n'avait pas sensiblement vari (29).

    Et il attache, en particulier, cette destination intentionnelle

    au zodiaque circulaire de Denderah, le seul, dit-il, o l'ontrouve des traces de proportions , o l'on puisse esprer enfinde reconnatre de vrais caractres astronomiques, bien que

    subordonns, dans leur emploi, au but astrologique qu'on s'yest videmment propos (3o). Or, en admettant cette longuecontinuation d'ides et d'usages, que je ne veux nier, pas plusqu'affirmer, il y aurait un intrt extrme dcouvrir ces ca-ractres vraiment astronomiques , si faibles et si imparfaits qu'ils

    pussent tre, puisqu'ils donneraient la mesure prcise de l'an-

  • 25

    cienne science employe pour exprimer ou satisfaire ces vieux,prjugs. Et il y aurait aussi toute esprance de les retrouverpar la discussion gomtrique des monuments, mme les plusmodernes, si, comme le dit M. Letronne, on a d y con-server les mmes procds de reprsentation et les mmesformes adoptes dans des temps plus anciens. Car, ces repr-sentations devant, selon lui encore, exprimer probablementle thme natal, soit d'un prince, soit de la construction dutemple ou d'une de ses parties , ou bien tout autre thme lafois astrologique et religieux (3 1), ce qui leur laisse, la v-rit, un champ d'indtermination assez large, un tel but nepourrait avoir t atteint qu'en figurant, avec plus ou moinsd'exactitude, des indices dterminatifs de l'tat du ciel, pourl'poque que l'on aurait voulu dsigner. Mais la recherche deces indices pourrait bien donner lieu des interprtations dif-frentes, avant qu'on parvnt la certitude; et il faudrait dis-

    cuter individuellement ces interprtations pour apprcier leurvaleur propre, au lieu de les condamner toutes en bloc, d'a-prs leur seule discordance , en dplorant la perte de tempsqu'elles auraient cote ceux qui les auraient entreprises.

    Je ne crains pas de dire que, si ce genre d'argument, adissensu, s'introduisait dans les recherches d'rudition, sousl'autorit d'un savant aussi distingu que M. Letronne, il n'yen aurait pas une seule qui ft possible; et les plus difficiles,

    consquemment les plus laborieuses, seraient celles qui s'entrouveraient le plus invitablement frappes. Qui oserait, eneffet, se dvouer l'tude des caractres cuniformes et dessignes hiroglyphiques, dont l'interprtation serait cependantsi importante, sous l'exigence d'une concordance universelle?Qui essayerait de pntrer dans l'histoire de l'Inde ancienne,o, dfaut de textes historiques et d'une chronologie num-

    k

  • 26

    riquement fixe, il faut tcher de dcouvrir la succession des

    faits, des ides et des temps, presque uniquement parles mo-difications progressives de la langue, de la philosophie, despratiques religieuses et des traditions qui les accompagnent

    ,

    si, dans ces apprciations dlicates, l'habile devait tre con-fondu avec l'inhabile, le prudent avec l'irrflchi? Et pour laseule interprtation de certains idiomes de l'Orient, par exemple

    de la langue chinoise, quand il faut combiner avec prcautionla valeur de position des caractres, valeur qui rgle le sens,

    mais dont l'omission cre de continuelles incertitudes et con-

    duit invitablement des erreurs, devra-t-on rendre respon-

    sables de ces fautes ceux qui savent s'en garantir? Enfin, quandnous admirons ces restitutions si ingnieuses des inscriptionsgrecques, o des membres de phrase tout entiers peuvent trertablis avec certitude, par une connaissance approfondie de

    la langue, des moeurs, du systme de gouvernement et desformes conventionelles que l'usage a consacres, serait-il justede les rejeter comme arbitraires, parce qu'on a pu en proposerd'autres moins habiles ou moins savantes, ou faites sur descopies moins correctes? Non, sans doute, et M. Letronne au-rait trop perdre si cet argument pouvait tre oppos.

    Je puis ajouter, en particulier, que ce mode de jugementpar opposition serait tout fait inapplicable au systme detrac graphique que j'ai cru reconnatre dans le zodiaque cir-culaire de Deuderah, ainsi qu'aux circonstances astronomiquesqu'il m'a paru exprimer; car, d'abord, mes recherches ont

    t fondes sur l'inspection exacte des dtails du monumentet sur un relev de mesures prcises : deux conditions sans les-quelles toute tentative pour le comparer gomtriquement avecle ciel tait impossible, mais que l'on n'avait pas eu l'occasion

    d'obtenir avant moi. En outre, depuis que je les ai imprimes,

  • 27

    en 1823, je ne sache pas que personne les ait contredites parune discussion numrique; et personne non plus, ma con-naissance, n'a publi postrieurement une autre interprtationmathmatique, calcule de mme d'aprs des donnes prisessur le monument, aujourd'hui expos tous les yeux. Desorte que l'argument que l'on voudrait tirer d'une contra-diction mutuelle et gnrale serait ici sans valeur, comme neportant que sur les recherches qui ont prcd celles-l. M. Le-tronne s'est aussi appuy, envers et contre tous, sur la sen-tence prononce par Delambre (32), qui, dans un rapport fait l'Acadmie des sciences, aurait dclar la Question insoluble. Jen'invoquerai pas ici l'axiome scientifique mutins in verba; je nedemanderai pas non plus M. Letronne s'il considre relle-ment Delambre comme ayant t un bon juge en matire decritique; je me bornerai dire qu'il tait mort quand montravail fut publi, et qu'ainsi sa dcision ne s'y applique point.

    Mais, peu de jours avant qu'il nous ft enlev, ayant apprisque j'avais communiqu les rsultats de mes recherches l'Acadmie des sciences, il me fit demander de venir les luiexpliquer; et, dans une confrence que je faisais tous mes ef-forts pour abrger, il les accueillit avec une vivacit d'intrt

    qui m'alarma. Jamais, jusqu'alors, il n'avait eu sous les yeuxun dessin du monument qui ft assez exact pour que l'on ypt voir les relations astronomiques que je lui indiquais.

    Admettant donc que toute recherche consciencieuse sur unsujet difficile mrite un examen individuel et doive tre jugeisolment, je vais tirer, des tudes faites depuis vingt ans surles monuments de l'Egypte, plusieurs indices nouveaux qui,tant appliqus au zodiaque circulaire de Denderah , s'accordentavec le trac graphique que je lui avais attribu, ou en rsultentcomme autant de consquences ncessaires

    ,

    quoiqu'ils ne soient

  • 28

    entrs pour rien dans la discussion qui m'avait conduit l'ta-

    blir, puisqu'on ne les connaissait pas alors.

    DEUXIME PARTIE.

    Dans les questions scientifiques dont les lments ne peuvent

    tre soumis une analyse directe, l'esprit doit d'abord se

    guider par les inductions que le sujet peut fournir, pour en

    dduire un premier essai de solution d'autant plus vraisem-

    blable qu'elles sont plus naturelles et plus tendues. Puis, con-

    sidrant cette solution comme exacte, il faut la vrifier par ses

    applications; et si les consquences qu'on en tire sont gnra-lement conformes aux ralits , si elles dcouvrent des rapportsnouveaux, nombreux, imprvus, qui se trouvent constammentconfirms, ou soient rationnellement admissibles, il en rsulte

    une probabilit infinie que l'on est parvenu dcouvir la v-rit; car, dans cette preuve finale, l'erreur n'aurait en sa fa-veur que des chances fortuites, bientt dmenties. J'ai rempli

    la premire de ces conditions en dduisant, des relations as-tronomiques, un tat du ciel qui embrasse toute la surface duzodiaque circulaire et la couvre d'un rseau d'toiles, rigou-

    reusement dfinies dans leurs positions, soit relatives, soit ab-

    solues. J'ai aussi commenc confirmer la justesse de cetteconstruction

    ,par son exacte concordance avec l'identit d'aspect

    donn toutes les figures dans le sens du mouvement diurnedu ciel, et avec l'ordre de succession des symboles astrogra-pbiques qui marquent la route du soleil; mais, bien plus mi-nutieusement encore, par l'application prcise qu'elle fait chacun de ces symboles des principales toiles que nous sa-vons leur avoir t affectes. Je vais tendre maintenant cemode de vrification plusieurs particularits du monument

  • 29

    postrieurement dcouvertes, ou que l'on n'avait pas soupon-nes encore.

    Je commence par les caractres d'orientation, d'autant plus

    importants constater, qu'ils supposent des relations intention-

    nelles entre les parties du tableau et certaines plages sp-ciales du ciel; car un simple dessin d'ornement ou de caprice,sans relation ncessaire avec le ciel, n'a aucun besoin d'tre

    orient. Parmi les lgendes sculptes extrieurement autour dumdaillon, tout prs de ses bords, j'en avais signal deux, quim'avaient sembl avoir videmment un tel but (33). Les signeshiroglyphiques qui les composent y sont contenus dans descadres rectangulaires oblongs , peu prs comme des cartouches

    royaux; et la plus longue dimension de ces cadres est dirige,pour l'un, vers le point de l'anneau zodiacal o la projectioncalcule amne le solstice d't, avec le point nord; pour l'autre,vers l'extrmit oppose o cette mme projection place le sols-tice d'hiver, avec le point sud: ce nord et ce sud mathma-tiques se trouvant d'ailleurs conformes l'orientation relle

    du dessin, telle qu'on la conclut des relvements faits la bous-sole par la commission d'Egypte. Les deux lgendes m'avaientparu d'autant plus videmment destines donner ces indica-tions cardinales, que, pour les leur faire exprimer, il a falluincliner ingalement leurs cadres sur le rayon men de cha-cune d'elles au centre du dessin

    ,parce que la nature de la

    projection rend le point solsticial d't beaucoup plus distantdu bord du mdaillon que le point solstical d'hiver. Or, Cham-pollion a trouv depuis que le premier de ces emblmes exprimeen effet le nord, l'autre le sud, conformment aux positionsdonnes par mon calcul ces deux points; et il m'avait com-muniqu cette signification , sans se douter de l'accord qu'elleoffrait avec mes dterminations dj publies; car il l'avait

  • 30

    dduite d'autres monuments, tout diffrents du zodiaque. Ces

    deux caractres d'orientation sont rapports dans sa grammaire

    gyptienne, p. 97, 100 K, ainsi que dans les premires pages

    de son dictionnaire. On peut en constater l'existence sur ledessin de M. Gau, et mieux encore sur le mdaillon lui-mme,

    o leur identit de composition est incontestable. Ils y sontassocis, dans chaque lgende, d'autres caractres, que l'on

    peut prsumer exprimer les noms ou les attributs des divinitscorrespondantes aux plages du ciel qu'ils dsignent; mais on

    n'en a pas encore l'interprtation. C'est pourquoi je me bor-

    nerai seulement remarquer que la lgende du nord se ter-mine par un personnage agenouill, qui soutient de ses bras lecaractre'', symbole du ciel dans l'attitude de l'Atlas grec;ce qui s'applique en effet trs-bien , soit comme caractre lit-

    tral, soit comme image, un dveloppement plane du cielautour du ple nord, comme sommet. L'accord de ces indicesd'orientation, avec la direction de la ligne mridienne que

    le calcul nous avait fait dcouvrir, fournit donc une cons-quence confirmative des considrations sur lesquelles nous

    avions tabli notre projection. Mais inversement, leur signi-fication, aujourd'hui connue, devient une donne que nouspouvons introduire dans cette dtermination, en remplace-

    ment d'autres moins certaines que nous avions t obligd'employer d'abord, ce qui nous ramne par une voie nou-velle et plus sre aux mmes rsultats. C'est ce que j'ai indi-qu dans la page 9.

    La ligne nord et sud du tableau , marque par ces deux in-dices, sous le lieu du Cancer et du Capricorne, s'carte del'axe longitudinal du temple de 18 vers l'ouest. Ainsi l'objetprincipal du tableau, qui semble naturellement devoir se

    trouver sur cet axe, doit tre cherch dans le ciel, par 18 de-

  • 31

    grs d'ascension droite, l'est du point solsticial d't. C'est laussi, sur cet axe mme, que notre projection calcule amneSirius, l'toile principale des Egyptiens; et elle l'y place sous

    l'emblme incontestable d'Horus l'an, le dieu Soleil, l'asso-ciant ainsi figurativement cet astre, comme il lui tait asso-

    ci en ralit dans le ciel, par son lever simultan et solstical,

    l'poque indique par la projection. Enfin, la direction lon-gitudinale du temple se trouve tre telle que sa paroi orientalefait exactement face au point de l'horizon o Sirius se levaitalors. On pourra, sans doute, dire que cette dernire particu-larit est un effet du hasard; car tout rsultat qui se trouvevrai est sujet cette objection , et l'on ne saurait la combattrequ'en lui donnant d'autres occasions pareilles de se rpter.Je vais donc tcher de les lui fournir.

    Le sens d'orientation donn plusieurs monuments de l'an-cienne Egypte , et la disposition des tableaux ou des emblmesreligieux qu'on y ajoutait ultrieurement, paraissent, dansbeaucoup de cas, n'avoir pas t sans rapport intentionnelavec les attributions clestes des divinits auxquelles on les

    consacrait, ou des poques solaires qu'on y voulait caractri-ser. Je vais en rapporter quelques exemples qui ont une ana-

    logie intime avec l'orientation de notre zodiaque et du templeo il tait tabli.

    La commission d'Egypte avait trouv, dans les ruines deThbes, Medinet-Habou , les restes d'un magnifique palais,dont les murailles taient toutes couvertes de sculptures repr-

    sentant des sujets historiques et religieux. Champollion, dansson voyage, revit et tudia ces tableaux avec tous les avan-

    tages que lui donnaient la connaissance des signes hirogly-phiques, l'habilet des artistes dont il tait accompagn, etaussi la scurit de sa position. Il reconnut que le palais avait

  • 32

    t rig par l'un des successeurs de Rhamss le Grand, ap-pel Rhamss-Meiamoun , dont les sculptures retracent les ex-ploits guerriers ou les actes personnels. Il remarqua surtout

    l'importance d'un immense tableau qui reprsente la crmo-nie de la prise du pschent, la couronne royale, par ce mmePdiamss; et il a dcrit toute cette scne dans ses lettres d'E-

    gypte, avec le dtail qu'elle mritait (34). Mais il ne put aper-

    cevoir alors les caractres de la phase solaire qu'elle exprime,

    parce qu'il n'avait pas encore dcouvert les rapports de la no-tation de l'anne vague avec l'anne solaire vraie; et la mort

    le frappa son retour avant qu'il et le temps d'en dduirecette application. Je n'aurai donc qu' complter, en ce seulpoint, ce qu'il a dit, et je le ferai d'aprs un calque exact qu'ilm'a t permis de prendre des dessins qu'il avait rapports.

    Je le mets ici sous les yeux de l'Acadmie.

    Pour saisir le caractre d'orientation du tableau, il faut con-natre la direction de l'difice. Selon le plan lev par la com-mission d'Egypte, plan dont les lignes principales sont ici re-produites dans la note 34, page 82, sa forme est celle d'unrectangle oblong, dont l'axe longitudinal forme avec la lignemridienne un angle trs-peu diffrent de 45. Le portique,tourn vers le Nil, regarde l'orient solsticial d'hiver. En s'y pla-ant pour pntrer dans le palais , le ct long, qui se prsente

    droite, regarde l'orient solsticial d't; et la ligne d'est et ouest

    partage par moiti l'angle des deux faces, dont la pointe se di-rige ainsi vers l'orient vrai. Toutes les subdivisions intrieures

    du palais, ayant leurs parois parallles ou perpendiculaires ces faces, prsentent des aspects pareils. Le tableau que nousallons considrer est sculpt sous les deux galeries orientalesde la seconde cour intrieure, dsignes par NE, ES, dans la

    figure de la note 34. H reprsente une srie de crmonies ac-

  • 33

    compiles successivement avec une grande pompe religieuse parle roi Rhamss-Meiamoun, accompagn d'une multitude depersonnages dont la marche gnrale, dirige du nord au sud,contourne avec lui l'angle oriental des deux faces , en s'tendant

    sur une longueur de plus de trente mtres. La scne s'ouvre

    l'extrmit la plus borale N de la galerie de droite; et, au-dessus d'elle, dans toute sa longueur, rgne une lgende hi-roglyphique qui en explique progressivement tous les dtails.Par une ncessit rsultant de cette correspondance, la l-

    gende est crite de gauche droite, contre l'usage habituel.On y lit d'abord : Ier pachon, pangyrie d'Horus gnrateur; desorte qu'elle porte seulement une date de jour, sans anne dergne, ce qui est, je crois, une particularit jusqu' prsentunique dans les tableaux historiques; mais on verra tout l'heure que cette indication, jointe l'intelligence de la scne,sufft pour en donner la date absolue.

    L'Horus gnrateur ici mentionn est le mme dieu qui,accompagn des attributs de l'quinoxe vernal, et dsign parla mme lgende, est reprsent dans les tableaux du Pihames-sum comme prsidant au mois de toby; lequel, en effet, auxpoques de concidence de l'anne vague avec l'anne solairevraie, a toujours contenu cet quinoxe, du 2 7

    e au 2

    6

    ejour (35).Il est reprsent plusieurs fois sur le tableau , soit dans sa r-sidence sacre au commencement et la fin des crmonies,soit port en triomphe, mais toujours avec les attributs ca-ractristiques de l'quinoxe vernal, les rameaux de fleurs, les

    chatons de palmier mle, le phallus droit, et jusqu' cettemcanique pour le faire mouvoir, dont parle Hrodote. C'estdevant ce dieu, en prsence du taureau blanc portant ledisque rouge du soleil oriental sur sa tte, que le roi Rhamssprend le pschent, emblme de la domination sur la rgion

    5

  • 34

    suprieure et infrieure de l'Egypte, comme le soleil la prenddans le ciel la mme poque; et des lgendes faciles lireexpliquent divers dtails de rites qui accompagnent cette c-rmonie, entre autres, l'essor donn quatre oiseaux, que l'oncharge d'en aller porter la nouvelle vers les quatre points car-

    dinaux de l'horizon. Enfin, le roi accomplit lui-mme l'actephysique de couper une gerbe d'pis avec une faucille d'or, cequi convient trs -bien un quinoxe vernal dans la hauteEgypte, mais ce qui aussi s'adapte exclusivement cettepoque de l'anne solaire. De sorte que, par la date vagueannexe ces caractres d'actualit

    ,

    je demande pardon duterme , le tableau nous montre que Pdiamss-Meiamoun a prisle pschent lorsque le i er pachon vague a concid avec l'qui-noxe vernal vrai. Or, depuis la concordance de l'anne vagueavec l'anne solaire vraie, qui eut lieu dans l'anne julienne1780, et qui est, sans aucun doute, antrieure ce prince,jusqu' la suivante, qui eut lieu en 275, et qui lui est vi-demment postrieure, la concidence demande ne s'est op-re qu'une seule fois, dans l'aune julienne 1389. C'est aussivers ce temps, quelques annes prs, que les valuationshistoriques les plus vraisemblables placent Rhamss-Meia-moun *.

    On voit dj ici un premier exemple d'un tableau gyptienorient conformment la phase solaire qu'il exprime. L'acterelatif l'quinoxe vernal est plac l'orient vrai ; et tous les

    1 Depuis la lecture de ce mmoire, j'ai chronographies du Syncelle et d'Eusbe,prouv qu'en appliquant cette date i38g prsentant avec la premire une diffrence la premire du rgne de Rkamss-Meia- de dix-huit ans en moins , et avec la se-moun, la date absolue qui s'en dduit pour conde une de quinze en plus. Voyez le

    le commencement de la xvm* dynastie Journal des Savants, aot i843. (Note

    gyptienne est presque exactement inter- ajoute pendant l'impression.)mdiaire entre celles que lui assignent les

  • 35

    personnages qui y prennent part sont reprsents en marchedans le sens du mouvement diurne du ciel. Ces dispositionssont les mmes que dans le zodiaque circulaire de Denderah.

    Mais, dira-t-on, ceci est peut-tre un hasard! Le tableau

    sculpt dans le palais de Rhamss-Meiamoun n'a peut-trerien d'historique; ce n'est peut-tre qu'un ouvrage de fantaisie

    ou d'ornement! Cette supposition paratra difficile croire,si l'on considre la rigueur bizarre des formes rituelles, quisemble rgler la prsence, les positions, les actes du roi etdes prtres, au nombre desquels figurent les princes ses fils,que leurs lgendes dsignent individuellement comme rem-plissant les premiers emplois du sacerdoce et de l'arme. Maisce qui achve la dmonstration, c'est que la mme scne dela coupe des pis, accompagne des mmes formes religieuseset des mmes lgendes, se trouve identiquement reproduite,avec toute la fixit gyptienne, dans le Pihamessum, o elle s'ap-plique aussi la prise du pschent par un autre prince , Rhamssle Grand de Champollion, ce qui la montre attache cettephase solaire de l'quinoxe vernal, comme la phase solaire elle-mme la crmonie politique. L'orientation de l'difice est, enoutre, exactement la mme que celle du palais de Meiamoun,comme le montrent les plans gnraux relevs par la commis-sion d'Egypte. Enfin, M. Lenormant, qui a conserv un souve-nir indubitable de cette scne, se rappelle trs-bien qu'elle estsculpte aussi sur les faces analogues nord-est, et sud-est, dela seconde cour, de sorte qu'elle y est pareillement orientale;et la marche gnrale des personnages est dirige de mme

    ,

    suivant le mouvement diurne du ciel, comme on le voit parle dessin que Champollion a rapport. Il n'y a de diffrenceque dans le portrait du prince , et dans la srie des cartouchesde ses anctres, qui est ncessairement autre, puisqu'il tait

    5.

  • 36

    antrieur Meiamoun (3 6) . Aussi est-ce l ce qui a servi Cham-pollion pour restituer avec certitude l'ordre de succession

    chronologique de tous les rois compris entre ces deux Rham-ss. Nous avons donc ici encore un second exemple d'orienta-tion pareille, applique la mme scne dans tous ses dtails.Malheureusement la date vague qui devait tre annexe celle-ci est dtruite, ainsi que toute la partie antrieure du tableau;mais on peut la suppler approximativement par l'indication

    ,

    la vrit un peu moins prcise, que fournit un autre monu-ment chronographique du mme prince, que j'ai discut dansmon mmoire sur l'anne gyptienne; car l'poque o il apris le psclient y est rappele par l'insertion de ses deux car-touches, sparment orns des deux moitis de cet attributroyal, au lieu de l'abeille, entre les mois de pharmouti et depachon ; et cette particularit insolite avait frapp Champol-lion, puisqu'il l'avait spcifie par une note sur son registre de

    voyage (3 7). La crmonie du couronnement de Rhamss leGrand doit donc avoir t postrieure au 1 er pharmouti. Or, sion la faisait remonter jusqu' cette date extrme, la rtrogra-dation de l'anne vague dans l'anne solaire, depuis le i er phar-

    mouti jusqu'au i er pachon de Meiamoun, aurait t de 3 o jours,ce qui exige un intervalle de 120 ans, toutes les phases so-laires retardant juste de 7 jours y dans chaque priode de3o annes vagues gyptiennes (38). Consquemment, l'inter-valle rel des deux crmonies doit avoir t moindre. En ef-fet, les valuations chronologiques les plus vraisemblables ne

    mettent que 9 1 ans vagues entre ces deux Rhamss.Ici se prsente une preuve historique aussi sre qu'elle

    parat facile. Le dcret des prtres gyptiens rapport sur la

    pierre de Rosette nous apprend qu'Epiphane a pris le pschent

    avec toutes les crmonies prescrites par la religion, et elle

  • 37

    donne la date de cet acte. Il n'y a qu' voir si cette date rpond un quinoxe vernal vrai.

    On n'a pas de doute sur l'anne, c'est la ixe d'Epiphane. Or,en combinant le canon des Lagides de Ptolme, avec uneobservation d'clips qu'il rapporte, et qui eut lieu dans la

    7e anne de Philomtor, le successeur d'Epiphane, on trouve

    que la ixe anne de celui-ci rpond l'an de Nabonassar 55 2.Reste chercher la date de jour; mais ici se prsente une dif-ficult qui a fait le sujet de beaucoup de discussions : cettedate est dtruite dans le texte grec de l'inscription, et, par unaccident aussi malheureux qu'inattendu, les deux autres textessont justement l en discordance. Le dmotique marque le17 mechir, l'hiroglyphique le 17 paophi. Champollion avaitprfr la premire indication, par des motifs de philologiequ'il n'a pas publis, et M. Letronne l'a aussi adopte commeplus vraisemblable, parce qu'elle seule concorde avec la date

    du dcret rendu le lendemain, 18 mechir, par l'assemble g-nrale des prtres. Les monuments que j'ai tout l'heure dis-cuts peuvent venir ici au secours de la critique , en renver-

    sant la question. En effet, les actes religieux qu'ils associent la prise du pschent, tant propres l'quinoxe vernal vrai,et le roi Epiphane tant dit

    ,

    par le dcret , avoir accompli ces

    actes, ils n'y a qu' chercher si l'une des deux dates corres-pond un tel quinoxe; et, si elle y rpond, il faut la choisir :car le phnomne n'ayant lieu qu' un seul jour de chaqueanne, il n'y a qu'une seule chance sur 365, pour que lehasard amne une pareille concidence. Or, en effet, enappliquant cette dtermination toute la rigueur de noscalculs astronomiques, M. Largeteau a trouv, et j'ai vri-fi aprs lui, que, dans l'anne de Nabonassar 552, l'qui-noxe vernal vrai eut lieu Memphis, le 1 5 mechir, oh 54' de

  • 38

    temps moyen aprs midi, c'est--dire l'avant-veille du 17 que

    marque le texte dmotique; de sorte que c'est lui qui s'ac-

    corde avec cette date cleste (3 9) . A la vrit , si l'on voulait sup-poser que, d'aprs les rites, la crmonie ft fixe rigoureusement

    au jour le plus voisin de l'quinoxe observ ou prvu, et qu'ilet pu l'tre alors avec la prcision que nos calculs assignent,

    elle aurait d tre faite le 1 5 mechir mme, et non le surlen-demain 17. Mais ce dlai de deux jours n'a rien qui doivesurprendre, si l'on considre qu'il comprend toute la totalit

    du retard qui a pu tre occasionn par l'erreur de l'observa-

    tion ou de la prvision des prtres , par les prparatifs qu'une

    si grande solennit devait exiger, par la ncessit de consul-

    ter la convenance du prince; et enfin aussi, que la nature des

    actes religieux qu'il devait accomplir demandait plutt une

    simple concordance avec l'quinoxe vernal, qu'une concidence

    astronomique rigoureuse laquelle il aurait t souvent diffi-

    cile, sinon impossible, de satisfaire. En tenant compte de toutes

    ces circonstances, on aurait vraiment plus lieu de s'tonner que

    les prtres gyptiens aient su encore dterminer et appliquer

    aussi exactement un quinoxe vrai, dans un temps o ils taient

    si fort dcbus de leur ancienne puissance et probablement

    de leur ancien savoir.

    Sans doute, il serait dsirer, comme vrification, que

    l'on pt dcouvrir d'autres exemples de souverains de l'Egypte,

    qui eussent pris le pscbent une poque connue. Mais dj

    le calcul que je viens d'effectuer prouve qu'il ne faut pas

    dsesprer de trouver des dates fixes sur des monuments

    gyptiens, o elles ne seraient pas numriquement expri-mes; car il suffirait pour cela qu'une phase solaire, dfiniefigurativement, y ft associe une date vague de jour, ou

    l'indice d'une de ces ftes annuelles que l'on sait avoir t

  • 39

    toujours clbres certains jours connus de l'anne vague.Je donnerai, dans la suite de ce mmoire, un exemple dece dernier genre d'application; c'est pourquoi j'ai d rappe-ler les rsultats prcdents. Je les avais communiqus, il ylongtemps, l'Acadmie, mais sous une forme apparemment

    trop peu vidente. En effet, M. Letronne, dans la traductionqu'il a publie du texte grec de l'inscription de Rosette, amentionn la concidence de la prise du pschent par Epiphane,le 17 mechir, avec l'quinoxe vernal vrai de cette anne-l.

    Mais il n'a pas dit d'o il avait tir cette identit de date. Je

    puis croire, sans nulle vanit, qu'il l'a emprunte la com-munication que je viens de rappeler; car il ne la mentionnequ'en affirmant qu'elle est un effet du hasard, lequel hasard r-

    sulterait, selon lui, de ce que le couronnement d'Epiphaneaurait t plac au 17 mechir, jour de l'quinoxe, non pas enconsquence des rites religieux, ni cause de la nature descrmonies qu'il fallait accomplir et que les anciens monu-ments attestent, mais par la seule raison qu'on aurait voulumettre le couronnement du fds un jour homonyme de lamort du pre(4o). Cette supposition exige, comme on voit,trois choses : i qu'une telle condition d'homonymie de jour,applique au couronnement des rois, ft en effet dans les usagesgyptiens, ce dont on n'a aucun exemple; i que le pre d'E-piphane ft effectivement mort un 17 mechir, ce dont on n'aaucune preuve directe; 3 que ce 17 mechir ft tel que sonhomonyme se soit rencontr ensuite avec l'quinoxe vernalvrai dans l'anne du couronnement du fils, par le hasardd'une chance unique entre i5o5, puisque chaque jour vaguen'arrive une concidence pareille qu'une seule fois en i5o5ans. Pour tablir le motif intentionnel de l'homonymie de jour,qui devrait anantir toutes ces exigences, M. Letronne se

  • 40

    fonde sur trois mots du texte grec, qui se prtent en effet une double entente, dont il profite avec beaucoup d'habilet;mais ils sont heureusement assez simples pour que je puisse,sans trop de tmrit, le suivre sur ce terrain mme o il atant d'avantages. D'abord l'inscription n'exprime nulle part

    que le pre d'Epiphane soit effectivement mort un 1 7 mechir,

    et il n'y avait aucun motif de mentionner la date de cet v-nement dans un document public, puisque, d'aprs une rgleatteste par l'histoire et par les calculs astronomiques, pour

    les souverains Lagides, l'anne courante, au moment du d-cs de chaque roi , s'attribuait officiellement tout entire au

    rgne de son successeur (4 1). Reste donc voir de quelles in-

    ductions cette date pourrait tre infre , et je vais tcher de lesexposer avec fidlit, en distinguant de mon mieux ce qui estincontest de ce qui est contestable. Aux lignes l\k et l\b dutexte grec, les prtres disent, dans leur dcret, que le roi Epi-

    phane s'est couvert de la coiffure royale appele pschent, lors-

    qu'il est entr dans le temple de Memphis, oirws v ccvtwcyvvle'Xsa-drj Ta vofiiKfisvcc Ta TrapaXj)\pt rrjs fiaaiXelcts; lit-

    tralement : pour y accomplir les choses prescrites par la loi (sans

    doute par la loi religieuse) dans laprise de possession de la royaut:

    notre savant confrre traduit, plus figurment, dans la prise de

    possession du trne. Mais, peut-tre, ce dernier mot prte-t-il

    dj quelque quivoque, comme ne distinguant pas assez,

    dans sa signification emblmatique, l'acte actuel d'investiture

    que l'on veut mentionner , et la possession de fait du pouvoir

    royal qui lui tait bien antrieure. Immdiatement aprs , li-gnes 46 et 47, les prtres disent avoir reconnu comme jourponyme le 1 7 mechir, qu'ils caractrisent par l'accomplisse-ment de la crmonie prcdente, spcifie identiquement

    dans les mmes termes, v rj (rjfjtepa) irapeXaei' tjv (SaatXe/aiv

  • 41

    ce qu'il faut donc traduire aussi , comme tout l'heure, jour danslequel il a pris possession de la royaut. Mais ici le grec ajoute l'idepremire ces trois mots 7rap to naflps, que M. Letronne con-

    sidre, dans la 2 e note, comme tant une formule de chancel-

    lerie grco-gyptienne, qui avait pour but de spcifier la trans-

    mission de la royaut par filiation directe. Il semble donc que,

    pour complter le sens, on devrait seulement terminer la phrase

    par l'quivalent additionnel de la royaut qui lui vient de son

    pre, ou qu'il tient de son pre. Mais, au lieu de conserver ainsi

    au premier membre son identit, M. Letronne modifie toutesa traduction, et lui donne cette forme : le xvn mechir, danslequel il a pris la couronne de son pre. Or, l'quivoque que je si-gnalais tout l'heure devient encore plus dangereuse et plus

    facile dans cette nouvelle rdaction, non-seulement cause dudouble sens rel et figuratif qu'on peut attacher au mot cou-

    ronne, mais bien plus encore par la gnralit d'application

    donne alors au verbe qui exprime l'acte; laquelle se substitue l'emploi restreint et actuel qu'on avait attribu, dans la ligne

    prcdente, au substantif correspondant. Car, au lieu de sp-

    cifier, comme prcdemment, une prise de possession qui at postrieure au commencement politique et lgal du rgne,on se donne le pouvoir de transporter l'ide cette originepour l'y rattacher, en faisant ainsi employer conscutivement

    les mmes expressions par les prtres, dans deux sens absolu-ment contradictoires. Aussi cette seconde interprtation de-

    vient-elle, pour M. Letronne, le fondement de son systmed'homonymie; car, en reproduisant dans sa seizime note lepassage que nous venons de considrer, il lui fait signifier po-

    sitivement, indubitablement, que lejour du couronnement d'Epi-phane tait celui o il avait succd son pre. Et, comme d'aprs

    le canon de Ptolme, combin avec les observations astrono-6

  • m iniques, la mort de ce pre, Philopator, tombe dans l'anne 5^3de Nabonassar, il le porte pour rellement mort cette anne-

    l, le 17 mechir, dans une table chronographique du rgned'Epiphane, conformment sa seconde interprtation, quoi-qu'il et pu avec une gale libert fixer, s'il l'et voulu, sondcs tout autre jour quelconque de cette mme anne, puis-que, d'aprs la rgle, elle appartenait tout entire au rgne deson successeur (42). Ayant ainsi traduit son hypothse en faitchronologique, M. Letronne se fonde sur cela, dans sa cen-

    time note, pour affirmer que la concidence de l'quinoxe

    vernal vrai avec le 17 mechir du couronnement d'Epiphaneest due au hasard, et qu'on n'en peut rien conclure pour l'-poque ordinaire du couronnement des rois. Mais on voit quela consquence est sans force, tant dduite d'un arrangementprdispos. Enfin, ce qui achve de dcider la question, c'est

    que la formule de politique grecque Trap to iraTpds, de la

    ligne ^7, qui sert de base son systme, est entirement omisedans le texte dmotique, dont M. de Saulcy m'a donn la tra-duction littrale, que je rapporte ici en note (43); et j'ai pu v-rifier la ralit de cette omission par le travail de Champollion

    sur le mme texte, que son frre a bien voulu me communi-quer, avec l'obligeance qu'il m'a toujours tmoigne. Car, danscet essai de traduction

    ,

    que l'on peut dire avoir t prodigieux

    pour l'poque de 1822, o il fut fait, j'ai vu que Champollion,qui se guidait sur le grec, n'a pas pu dcomposer le groupedmotique quivalent au mot @a.crikeiav, de manire y trouverassez d'lments pour complter la notion gnrale d'attribu-tions, par l'pithte o le caractre expltif qui devait les ap-pliquer la royaut, en rservant quelque reste pour repr-

    senter les trois mots 7r

  • _ 43

    nuscrit, n'osant pas peut-tre alors admettre ou annoncer la

    ralit d'une omission qui aurait paru si hardie. Mais elle de-vient incontestable, aujourd'hui que M. deSaulcy l'a reconnuede son ct, et l'a tablie d'une manire encore plus dcideet plus complte, sans avoir rien su de l'impossibilit matrielle

    que Champollion avait eue aussi l'viter. Je dois faire remar-quer, en outre, que le substantif i7apaA>;\J/e{, ainsi que le verbe

    correspondant irap'Xa.sv, qui, dans le grec, s'appliquent l'acte

    accompli par Epiphane, ont pour quivalents, dans Cham-pollion, la susception (sic) des attributions, et dans M. de Saulcy,la prise de possession ou la susception de la puissance suprme, selon

    les formes prescrites par les rites; c'est--dire que leur sens,dans les deux traductions, convient seulement une investi-ture actuelle, non la commmoration de l'poque antrieure laquelle Epiphane avait commenc de fait rgner. Et letexte hiroglyphique, ligne 10, correspondante la ligne 47 dugrec, qui contient la formule additionnelle irap tov noflps,

    reproduit la vrit cette formule, mais aussi dans un sensd'application actuelle; car suivant la traduction que Champol-lion a donne de cette ligne 10 dans sa Grammaire gyptienne,page 498, elle signifierait littralement: il (Epiphane) accom-plit les crmonies prescrites pour prendre les attributionsroyales la place de son pre. Or, ici, pour l'expression descirconstances rituelles de la crmonie et de son caractre re-ligieux, le texte dmotique et le texte hiroglyphique doiventavoir une importance spciale, comme reproduisant vraisem-blablement la pense des prtres gyptiens avec plus d'exacti-tude que le grec. Le silence absolu d'un de ces textes, ainsi que

    l'interprtation de l'autre, s'accordent donc montrer queles prtres n'ont nullement song indiquer la condition d'ho-monymie de jour, que le grec mme est trs-loin d'exprimer

    6.

  • _ 44

    positivement. Et si l'on avait exig d'eux de la spcifier dans leur

    dcret, ils n'auraient pas pu y souscrire sans crer, pour l'ex-

    cution de leurs rites, une difficult permanente qui les aurait

    rendus presque impraticables, puisqu'alors ils n'auraient pu

    dsormais s'accomplir que si les rois taient toujours dcdsle jour de l'quinoxe vernal; chose qu'il est plus facile aujour-d'hui pour nous de soutenir par une argumentation habile,

    qu'il ne l'tait pour eux de l'effectuer en ralit.

    Le second exemple d'orientation intentionnelle que je rappor-

    terai s'appliquera encore avecmoins de dtours notre zodiaque

    circulaire. Il est attest avec dtail par Hrodote, dont j'extrais

    tout ce qui suit. Il y avait dans la ville de Memphis un grand etmmorable temple du dieu H(pcu

  • 45

    atteste encore la disposition respective et conventionnelle des

    deux symboles tropiques, l't au nord, l'hiver au sud, commesur notre zodiaque circulaire de Denderah , disposition qui con-corde en effet avec les lieux rels du soleil dans le ciel aux deuxsolstices. Quant aux sentiments d'affection et d'antipathie reli-gieuses que les Egyptiens tmoignaient ces deux emblmes , oupeut-tre aux plages du ciel qu'ils regardaient, on en pourraittrouver des raisons plausibles dans certaines opinions que Plu-

    tarque leur attribue. Mais comme Hrodote ne les indique pas

    ,

    je craindrais de mler des interprtations grecques des idesplus anciennes, et je ne me hasarderai point les expliquer.Je me bornerai remarquer que la nature oppose de cessentiments paratrait s'tre manifeste jusque dans l'ordresuccessif suivant lequel furent rigs les quatre systmes deporpylons du temple au-devant duquel les deux statues taientplaces : car le premier construit fut le boral, du ct de ladivinit favorable; et le dernier, le mridional, du ct de ladivinit funeste; lorque ce dernier mme pouvait n'tre plusqu'un complment dfinitif de symtrie et d'architecture.

    Il serait encore trs-facile de dire que toutes ces particula-rits d'arrangement, d'orientation, d'actes religieux, sont des

    effets du hasard, auxquels on ne doit attacher aucune impor-tance ; mais cette assertion, en elle-mme, serait, je crois, trs-peu philosophique; car, d'abord, lorsque la religion d'unpeuple, ses crmonies, ses usages, ses institutions politiqueset les phases mmes de sa vie individuelle ont t, par desmotifs quelconques, associs, pendant une longue suite desicles, aux phnomnes solaires, comme cela est certainementarriv pour les Egyptiens, il est presque impossible que les

    monuments, et les actes publics que le souverain y devait ac-complir, ne prsentent pas des traces matrielles de ces rela-

  • 46

    tions. Et ceci doit avoir t vrai surtout pour l'ancienne Egypte,

    tant que ses institutions ne se mlrent pas celles des contresenvironnantes

    ,

    puisque toute son existence matrielle dpen-dait, comme le Nil, du cours du soleil. Mais, en outre, l'histoirela mieux tablie prouve la justesse de ces inductions, je diraisvolontiers la ncessit de ces consquences. En effet, tous lesusages d'orientation que je viens de trouver chez les gyptiensont exist depuis des milliers d'annes, et subsistent encore au-

    jourd'hui la Chine; non pas en vertu des conditions physiquesdu sol, ni par une communaut de traditions que tout d-ment et dont on ne trouve aucun vestige, mais uniquementparce que la hirarchie du systme politique y a t conven-tionnellement assimile l'ordre du ciel. Ainsi, chaque anne,en vertu de rites prescrits, consigns dans des textes que nous

    possdons, et qui datent de plus de trente sicles, l'empereur,

    lors des quinoxes et des solstices , aprs s'tre prpar par des

    purifications pralables, revt des costumes dtermins, en

    rapport avec chacune de ces phases clestes; et, avec un c-

    rmonial invariablement rgl, il se rend, en grande pompe,

    dans les environs de sa capitale, vers le point cardinal de l'ho-

    rizon correspondant la saison qui commence, pour se porter

    intentionnellement au-devant d'elle, et sacrifier aux gnies

    spciaux qui y prsident. En outre, pendant chacune des douze

    lunes qui composent l'anne, sa rsidence est officiellement

    fixe dans une certaine salle d'un palais quadrangulaire, fai-

    sant face aux quatre points cardinaux de l'horizon, o chaque

    salle de ces faces a une situation oriente conformment laphase actuelle de la saison correspondante ; et il passe de l'une

    l'autre, dans un ordre de succession continu, qui suit le

    mouvement diurne du ciel. Voil ce qui est consign dans les

    textes originaux dont M. Stanislas Julien a bien voulu me don-

  • 47

    ner la traduction, qu'il m'a permis d'insrer la fin de mon

    mmoire. Les dtails qu'on y trouve offrent une analogie in-

    croyable avec la varit pareillement fixe de costumes, d'or-

    nements, de formes, que nous voyons se succder sur les

    monuments de l'Egypte,pour un mme roi accomplissant

    des actes religieux relatifs des phases annuelles diverses,

    ou sacrifiant alors des divinits diffrentes, comme aussi

    pour chacune de ces divinits elles-mmes, lorsqu'elles sont

    successivement considres dans leurs diverses acceptions.

    De sorte que, si les actes rgulirement accomplis par les

    empereurs chinois, avec les particularits prcdentes, au

    lieu d'tre consigns dans des annales crites , taient fi-

    gurs par des sculptures et accompagns de simples carac-tres de jours, pris dans le cycle chinois qui nous est connu,on pourrait retrouver tout aussi bien leurs poques absoluespar ces indices que par les textes, puisque nous ne les calcu-

    lons pas diffremment quand nous les prenons dans les annales.La langue crite elle-mme porte des empreintes de cette asso-ciation des phnomnes clestes avec les actes publics. Ainsi,par exemple, le caractre jun f^j, qui dsigne une lune inter-calaire, est aussi compltement symbolique qu'un hiroglyphegyptien. En effet, il reprsente deux jambages de porte, Pf ,entre lesquels est inscrit le caractre , qui dsigne le sou-verain. Or, pour qui connat l'astronomie des Chinois et leurs

    rites, que je viens de rappeler, cet emblme figuratif exprime la fois la crmonie pratique par l'empereur chaque luneintercalaire et la rgle de l'intercalation ; carie rite exige qu'il

    se place alors dans la porte de communication , entre la salleo il a rsid pendant la lune ordinaire prcdente et la salleo il devra rsider pendant la lune ordinaire qui suit. Et,quant la rgle numrique, plus prcise que ne l'eurent jamais

  • 48

    les Grecs, elle dit que la lune intercalaire n'a pas de Tchongki:

    ce qui signifie qu'il n'y a pas de douzime d'anne solaire oelle puisse tre place entre les deux ordinaires auxquelles onl'intercale ; et cela donne toutes les poques o il faut l'insrerdans le cycle de dix-neuf ans. Maintenant, imaginez que rien

    de tout cela ne ft crit dans des textes que nous comprenons,

    et que quelqu'un s'avist de remarquer les particularits d'o-

    rientation des difices, des places o se font les crmonies,leurs correspondances avec les phases solaires et lunaires, les

    caractres du cycle de jours qui s'y trouveraient annexs; puis,qu'aprs avoir discut tous ces dtails, il essayt d'y rattacher

    la composition du groupe figuratif qui exprime la rgle ainsique le rite de l'intercalation , et que de l il dduist des dates

    absolues, confirmes par l'histoire, y aurait-il beaucoup de

    philosophie lui objecter que toute cette discussion est inutile,sans issue, et que toutes les concordances qu'il dcouvre sont

    des effets du hasard? Voil, je crois, exactement o nous ensommes l'gard des anciens gyptiens, dont il nous resteseulement des difices, sur lesquels nous voyons encore des

    tableaux sculpts, relatifs des crmonies solaires, accom-

    pagns de lgendes que nous commenons lire, et dont l'ap-

    plication peut s'claircir par la connaissance des usages que

    nous a transmis l'antiquit, ainsi que par l'intelligence, au-

    jourd'hui acquise, de la notation du temps. La consquence dece rapprochement me parat facile dduire.

    Ayant prouv par ces exemples que , dans l'orientation du

    zodiaque circulaire de Denderah, la position du solstice d't

    au point le plus nord, et celle du solstice d'hiver au point le

    plus sud sont conformes aux ides traditionnelles et religieuses

    de l'ancienne Egypte, je reprends l'examen des autres carac-

    tres intentionnels qu'on y peut aujourd'hui signaler. Autour

  • 49

    du mdaillon et prs de son bord, 45 degrs des points oma projection amne les diamtres rectangulaires qui con-tiennent les quinoxes et les solstices, j'avais remarqu deuxsymboles isols

    ^--f- de forme allonge, dirigs tant soitpeu excentriquement, l'un vers la tte, l'autre vers les pieds

    postrieurs du petit chacal situ au au centre du mdaillon

    ,

    prcisment comme il le faudrait pour le pousser et le fairetourner sur lui-mme dans le sens du mouvement diurne duciel, en entranant avec lui toutes les autres figures auxquelles

    il sert de pivot. Une pareille indication ne se marquerait pasautrement sur une carte cleste que l'on construirait aujour-d'hui

    ,suivant le mme systme de projection ; cela prs

    qu'on y emploierait de simples flches ainsi disposes. Mais la

    condition d'excentricit qui la caractrise ne pouvait s'aper-

    cevoir que sur un dessin trs-exact, comme celui de M. Gau,

    ou, mieux encore, sur le monument lui-mme, o je l'ai soi-gneusement constate. Champollion a reconnu depuis quecelui de ces symboles ^p- qui se trouve l'orient du diamtresolsticial de ma projection, quand le mdaillon est en place,est le signe tropique de l'orient; tandis que son oppos ^.,qui se trouve l'occident du mme diamtre, est le signe tro-pique de l'occident , ce qu'il a constat par une foule d'exemples

    consigns dans sa Grammaire (5o). Mais, sans doute, ces indi-cations figures ne doivent pas tre restreintes un sens pure-

    ment abstrait et mathmatique. Ainsi, comme cela a lieu dansnos langues modernes, bien plus prcises, la premire doitembrasser la signification plus tendue, oriri, ascendere, monter

    dans le ciel; la seconde, occidere, descendre. Maintenant, pre-

    nez un globe cleste ples mobiles; ajustez-le pour l'poqued'environ sept cents ans avant l're chrtienne, laquelle

    not

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    comme il l'est en ralit sur l'horizon de Denderah, et consi-drez la disposition du ciel l'instant de minuit du solsticed't, instant spcifi, selon notre calcul, par le sens d'orien-

    tation donn au mdaillon circulaire. Alors le symbole ^frreconnu oriental par Champollion s'applique la srie dessix signes du zodiaque qui sont l'orient du mridien, et quenous nommerions aujourd'hui ascendants, et il les pousse eneffet vers le haut du ciel; tandis que le symbole ^, reconnuoccidental, s'applique la srie de six autres signes placs

    l'occident de ce mme mridien, et que nous nommerions au-jourd'hui descendants, et il les pousse de manire les fairedescendre. Ainsi, la nature des deux symboles, leur direction,les places o on les a mises, le sens de mouvement qu'ils in-diquent, tout cela s'associe exactement aux relations du ta-bleau avec le ciel, que le calcul nous a indiques. Or, la si-

    gnification gyptienne de ces symboles tait entirementignore lorsque j'y reconnus l'expression indicatrice de ces

    deux mouvements, et Champollion n'avait aucune connais-sance de cette application quand il dcouvrit leur sens gram-matical.

    Les six signes orientaux du zodiaque circulaire composentla bande orientale du rectangulaire sculpt sous le plafonddu portique, et ils y marchent de mme vers le midi. Les sixsignes occidentaux sont pareillement reproduits sur la bandeoccidentale, et ils y marchent de mme vers le nord. Mais ily a encore un autre caractre de correspondance bien plus re-marquable entre ces deux reprsentations du ciel. On sait queChampollion, dans son voyage en Egypte, dcouvrit, sur desmonuments pharaoniques, comme aussi sur d'autres d'poquesplus modernes, les symboles personnifis des douze heures dujour et des douze heures de la nuit. Il les retrouva encore sur

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    les deux bandes du zodiaque rectangulaire de Denderah : cellesdu jour sur l'orientale, celles de nuit sur l'occidentale, commeil le rapporte dans son mmorable mmoire relatif la divisiondu temps, sans toutefois les dsigner par ces caractres d'orien-tation qu'il n'avait pas remarqus (5i). Or, ce zodiaque diffre ducirculaire quant la phase de la rvolution diurne laquelleil s'applique, puisqu'il indique un phnomne de lever. Faitesdonc tourner la sphre cleste que reprsente le mdaillon jus-qu' ce qu'elle arrive au matin du mme jour o Sirius va selever simultanment avec le soleil solsticial , dans l'horizonoriental du temple, ce que vous pourrez matriellement ra-liser avec un globe, s'il ne vous suffit pas de le concevoir ida-

    lement. A cet instant prcis du lever de Sirius, les douze fi-gures reprsentatives des heures du jour se trouveront en effetau-dessus de l'horizon, dans l'hmisphre clair du ciel, avecles six figures qui les accompagnent, tandis que les douzeautres, qui reprsentent les heures de nuit, se trouveront au-

    dessous de l'horizon, dans l'hmisphre priv de lumire, avecles six signes auxquels elles sont annexes. De sorte que chaquesrie est ainsi amene en position rellement conforme soncaractre physique, par le seul fait de la correspondance quel'identit du mode de subdivision et du sens de mouvementtablit entre le zodiaque circulaire orient, et son dveloppe-ment par bandes longitudinales : rsultat qui drive de leursrapports par une connexion si intime

    ,

    qu'en sachant seulement

    que chaque bande porte une srie d'heures, on aurait pu prdiresur quelle bande chaque srie doit tre figure , selon qu'elles'applique au jour ou la nuit. Si cela est encore un effet duhasard, on devra convenir qu'il commence devenir intelligent.

    Je quitte un moment la surface de notre zodiaque, et je vaismontrer, dans les symboles qui l'entourent, un nouvel indice

    7-

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    de la construction spciale que je lui ai attribue. L'apparencecirculaire et rvolutive du ciel est frquemment reprsente,sur les monuments de l'Egypte, par un emblme trs-expressif:c'est une femme dont le corps et les membres, dmesurmentallongs, se replient autour des symboles, figurs ou num-riques, dont l'ensemble, trac en dveloppement longitudinal,doit tre ramen idalement la forme circulaire, dans l'ap-plication aux phnomnes rels de succession ou de trans-port que l'on a voulu indiquer. Cet emblme, dont le carac-tre hiroglyphique n'est qu'une abrviation vidente,date du temps des Pharaons, car il fait partie d'un grandnombre de tableaux religieux, chronographiques ou astrogra-phiques, sculpts dans les tombeaux des rois de Thbes. L'idegnrale de ciel qu'il prsente sous une forme sensible, reoitdes applications trs-varies, qui sont spcifies par les replisde la figure symbolique, par l'orientation relative de ses piedset de sa tte, par les emblmes figuratifs des heures, destoiles, des dates temporaires, qui sont occasionnellement dis-tribus sur les diverses parties de son