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Memotec n°2 RÉVISION B DATE : 01/01/2006 www.gls.fr L’élimination du bore dans l’eau destinée à la consommation humaine PAGE 1 PRÉSENCE DU BORE DANS L’EAU Le bore (B) n’existe pas dans la nature à l’état élémentaire, mais sous différentes formes dans les dépôts minéraux et les eaux naturelles (borate de calcium, acide borique ou hydrures de bore). Les apports de bore par les rejets urbains et industriels sont faibles, comparés aux apports naturels par érosion et solubilisation des roches, puisqu’ils sont estimés généralement à un quart des apports totaux. L’apport de bore par les rejets provient principalement de l’utilisation des détergents. L’industrie nucléaire, qui utilise le bore comme absorbant de neutrons, et les industries métallurgiques, rejettent également du bore, mais dans une proportion moindre par rapport aux apports dus aux détergents. EFFETS ET NUISANCES La toxicité des dérivés borés est éminemment variable : les hydrures de bore sont très toxiques par voies digestive, respiratoire ou cutanée. Cependant, les formes de bore naturellement présentes dans l’eau de boisson ne sont pas considérées comme nocives pour la santé, aux concentrations naturelles (0,1 à 0,3 mg/l en moyenne mondiale). L’OMS préconise une quantité journalière admissible d’environ 0,4 mg par kg de poids corporel ; cette préconisation prend en compte les effets physiologiquement bénéfiques pour l’homme. La source la plus importante d’exposition pour l’homme est son régime alimentaire, spécialement par ingestion de fruits et de légumes. Il est à signaler qu’en agriculture, le bore présent dans les eaux d’irrigation est responsable de l’apparition de tâches sur les fruits et légumes, ce qui altère leur qualité commerciale. Pour cette application il est recommandé une concentration maximum de 1 mg/l. RÉGLEMENTATION La directive européenne 98/83/CE du 3 novembre 1998, et sa transposition en droit français par le décret n°2001-1220 du 20 décembre 2001, codifié en 2003 dans le code de la santé publique (voir Memotec n°12), fixent comme limite de qualité une concentration en bore de 1mg/l dans les eaux destinées à la consommation humaine. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique, comme valeur-guide, une concentration en bore égale à 0,5 mg/L, mais signale que cette valeur n’est que provisoire, car il est difficile, dans les régions où la concentration en bore est importante, d’obtenir cette valeur avec les traitements disponibles d’élimination du bore. PROCÉDÉS D’ÉLIMINATION ENVISAGEABLES L’acide borique se comporte comme un acide faible selon l’équilibre suivant : L’acide borique et sa base conjuguée sont les formes prédominantes dans les eaux naturelles. Les méthodes d’élimination de ces composés sont : o l’adsorption et la précipitation par des composés minéraux ; o l’adsorption et la complexation par des composés organiques ; o les techniques membranaires, et en particulier l’osmose inverse. Adsorption et précipitation par des composés minéraux : de nombreuses contraintes L’adsorption est relativement difficile à mettre en oeuvre dans la mesure où la complexation est dépendante du pH, de la température, de la concentration en bore et du minéral adsorbant (hydroxydes métalliques, argiles…). De plus, cette technique n’est utilisable que dans les cas d’eaux faiblement minéralisées et à forte concentration en bore, ceci afin d’éviter la compétition entre les différents minéraux adsorbables. Il est à signaler que des abattements de 90 % ont été réalisés avec de l’oxyde de magnésium (rapport optimal de MgO/B = 20), mais deux inconvénients majeurs en empêchent son utilisation : une cinétique de réaction beaucoup trop lente, et le coût de la régénération de l’oxyde de magnésium. Les précipitations chimiques classiques sont très peu efficaces : o un traitement à la chaux (décarbonatation) pour des concentrations initiales de 1,75 à 10 mg/l d’acide borique permet d’atteindre des abattements de 15 à 25 % ; o les coagulants classiques, tels les sels de fer ou d’aluminium employés seuls, sont totalement inefficaces. Adsorption et complexation par des composés organiques : une sélectivité très variable Se comportant comme un acide, le bore est susceptible d’être complexé par tous les composés comportant une fonction basique, qu’ils soient synthétiques (résines), ou d’origine naturelle (cellulose ou charbon actif). L’efficacité d’adsorption du charbon actif reste étroitement liée au pH (optimal entre 8 et 9), et des taux d’abattement de l’ordre de 60 % ont été atteints pour une concentration initiale de 5 mg/l. Cependant, ce taux dépend de la présence d’ions concomitants tels les sulfates, le calcium, le magnésium ou les silicates ; l’utilisation de ce procédé reste fortement influencé par les concentrations de ces ions dans l’eau à traiter. La cellulose a montré des capacités de rétention allant de 0,34 à 0,54 mg de bore par g de cellulose. Bien que la régénération du matériau soit aisée, ce procédé n’est pas utilisable dans la mesure où il est apparu une mauvaise stabilité de la cellulose (avec tendance à la dissolution), ainsi qu’une mauvaise sélectivité par rapport au bore (compétition avec d’autres ions divalents, tels Mg 2+ ou Ba 2+ notamment). H3BO3 + H2O B(OH) - 4 + H + , avec pKa = 9,2 à 25°C

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    RVISION B

    DATE : 01/01/2006

    www.gls.fr Llimination du bore dans leau destine la

    consommation humaine PAGE 1

    PRSENCE DU BORE DANS LEAU Le bore (B) nexiste pas dans la nature ltat lmentaire, mais sous diffrentes formes dans les dpts minraux et les eaux naturelles (borate de calcium, acide borique ou hydrures de bore). Les apports de bore par les rejets urbains et industriels sont faibles, compars aux apports naturels par rosion et solubilisation des roches, puisquils sont estims gnralement un quart des apports totaux. Lapport de bore par les rejets provient principalement de lutilisation des dtergents. Lindustrie nuclaire, qui utilise le bore comme absorbant de neutrons, et les industries mtallurgiques, rejettent galement du bore, mais dans une proportion moindre par rapport aux apports dus aux dtergents. EFFETS ET NUISANCES

    La toxicit des drivs bors est minemment variable : les hydrures de bore sont trs toxiques par voies digestive, respiratoire ou cutane. Cependant, les formes de bore naturellement prsentes dans leau de boisson ne sont pas considres comme nocives pour la sant, aux concentrations naturelles (0,1 0,3 mg/l en moyenne mondiale). LOMS prconise une quantit journalire admissible denviron 0,4 mg par kg de poids corporel ; cette prconisation prend en compte les effets physiologiquement bnfiques pour lhomme. La source la plus importante dexposition pour lhomme est son rgime alimentaire, spcialement par ingestion de fruits et de lgumes. Il est signaler quen agriculture, le bore prsent dans les eaux dirrigation est responsable de lapparition de tches sur les fruits et lgumes, ce qui altre leur qualit commerciale. Pour cette application il est recommand une concentration maximum de 1 mg/l. RGLEMENTATION La directive europenne 98/83/CE du 3 novembre 1998, et sa transposition en droit franais par le dcret n2001-1220 du 20 dcembre 2001, codifi en 2003 dans le code de la sant publique (voir Memotec n12), fixent comme limite de qualit une concentration en bore de 1mg/l dans les eaux destines la consommation humaine. LOrganisation Mondiale de la Sant (OMS) indique, comme valeur-guide, une concentration en bore gale 0,5 mg/L, mais signale que cette valeur nest que provisoire, car il est difficile, dans les rgions o la concentration en bore est importante, dobtenir cette valeur avec les traitements disponibles dlimination du bore. PROCDS DLIMINATION ENVISAGEABLES Lacide borique se comporte comme un acide faible selon lquilibre suivant :

    Lacide borique et sa base conjugue sont les formes prdominantes dans les eaux naturelles. Les mthodes dlimination de ces composs sont : o ladsorption et la prcipitation par des composs minraux ; o ladsorption et la complexation par des composs organiques ; o les techniques membranaires, et en particulier losmose inverse.

    Adsorption et prcipitation par des composs minraux : de nombreuses contraintes Ladsorption est relativement difficile mettre en uvre dans la mesure o la complexation est dpendante du pH, de la temprature, de la concentration en bore et du minral adsorbant (hydroxydes mtalliques, argiles). De plus, cette technique nest utilisable que dans les cas deaux faiblement minralises et forte concentration en bore, ceci afin dviter la comptition entre les diffrents minraux adsorbables. Il est signaler que des abattements de 90 % ont t raliss avec de loxyde de magnsium (rapport optimal de MgO/B = 20), mais deux inconvnients majeurs en empchent son utilisation : une cintique de raction beaucoup trop lente, et le cot de la rgnration de loxyde de magnsium.

    Les prcipitations chimiques classiques sont trs peu efficaces : o un traitement la chaux (dcarbonatation) pour des concentrations initiales de 1,75 10 mg/l dacide borique permet

    datteindre des abattements de 15 25 % ; o les coagulants classiques, tels les sels de fer ou daluminium employs seuls, sont totalement inefficaces.

    Adsorption et complexation par des composs organiques : une slectivit trs variable Se comportant comme un acide, le bore est susceptible dtre complex par tous les composs comportant une fonction basique, quils soient synthtiques (rsines), ou dorigine naturelle (cellulose ou charbon actif). Lefficacit dadsorption du charbon actif reste troitement lie au pH (optimal entre 8 et 9), et des taux dabattement de lordre de 60 % ont t atteints pour une concentration initiale de 5 mg/l. Cependant, ce taux dpend de la prsence dions concomitants tels les sulfates, le calcium, le magnsium ou les silicates ; lutilisation de ce procd reste fortement influenc par les concentrations de ces ions dans leau traiter. La cellulose a montr des capacits de rtention allant de 0,34 0,54 mg de bore par g de cellulose. Bien que la rgnration du matriau soit aise, ce procd nest pas utilisable dans la mesure o il est apparu une mauvaise stabilit de la cellulose (avec tendance la dissolution), ainsi quune mauvaise slectivit par rapport au bore (comptition avec dautres ions divalents, tels Mg2+ou Ba2+ notamment).

    H3BO3 + H2O B(OH)-4 + H+, avec pKa = 9,2 25C

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    7 8 9 10 11 12 13 14pH

    %

    H3BO3 H2BO3-

    HBO32- BO33-

    Figure 1

    Les rsines changeuses dions prsentent une bonne efficacit dlimination du bore, mme en trs faible concentration, mais elles sont plus ou moins slectives en fonction de leur provenance. Rohm et Haas commercialise une rsine complexante trs slective du bore, lAmberlit IRA 743, qui permet donc de ne pas modifier la minralisation de leau. Cette rsine est agre par la Direction Gnrale de la Sant pour la production deau destine la consommation humaine. La teneur rsiduelle en bore obtenue est trs faible, de lordre de 0,02 mg/l, ce qui autorise de ne traiter quune partie du dbit, puis de la mitiger avec de leau non traite. La rsine est rgnre en deux tapes : o la premire laide dacide sulfurique qui libre lacide borique ; o la deuxime laide de soude pour la remettre sous forme basique.

    Les techniques membranaires : seule losmose inverse est utilisable

    Llectrodialyse nest efficace que pour les formes ionises du bore ; ainsi lacide borique voit sa migration travers les membranes limite par celles des espces ionises. La nanofiltration ntant pas efficace vis--vis du bore, losmose inverse reste donc la seule technique membranaire envisageable pour diminuer la concentration en sels dissous totaux et le bore. Leau de mer prsentant une concentration en bore de 5 mg/l environ, cest dans le cadre du dessalement que losmose inverse trouve son application principale au regard de la rduction du bore. Le rendement dlimination des membranes dpend de plusieurs facteurs : o du pH. Llimination du bore est dautant meilleure que le pH est

    lev, car lacide borique est alors dissoci sous forme ionique, seule forme retenue par les membranes (figure 1). Le pH optimum de leau dalimentation doit se situer entre 9 et 10, ce qui ncessite donc un ajustement, le pH de leau de mer tant de 8 environ ;

    o de la concentration en bore, qui peut varier de 4,5 plus de 5 mg/l ; o de la temprature de leau de mer. Plus la temprature est leve,

    plus la viscosit diminue, ce qui augmente le passage en sels dissous ;

    o de la nature de la membrane. Il existe des membranes spcifiques prsentant des taux de rejet du bore pouvant tre suprieurs 90 %.

    Pour des eaux trs chaudes et trs salines, prsentant une teneur en bore suprieure 5 mg/l, une seule passe sur les membranes peut ne pas suffire pour respecter la concentration de 0,5 mg/l dans le permat. Deux solutions sont alors envisageables : o traiter le permat par un passage sur des membranes basse-pression, aprs avoir ajust le pH (figure 2). Les membranes de

    la deuxime passe sont arranges en deux tages afin de limiter le dbit de concentrat, et donc la production de la premire passe ;

    o fixer le bore du permat sur un changeur dions spcifique (figure 3).

    CONCLUSION

    Il a t mis en vidence les difficults dlimination du bore par les filires classiques dadsorption sur mdia minraux, ou de prcipitation. Seul lchange dions sur rsine spcifique et losmose inverse dans le seul domaine du dessalement de leau de mer, ou dans certains cas deaux saumtres, sont des techniques parfaitement matrises. Ladsorption sur charbon actif en grains (CAG) ncessite des essais pour dterminer le type du CAG permettant dobtenir des cycles les plus longs possibles entre deux rgnrations.

    Figure 2

    Eau traite

    Concentrat

    Ajustement du pH

    Eau de mer

    1re passe 2me passe

    Figure 3

    Eau traite

    H2SO4 NaOH

    Concentrat + luat

    de rgnration des

    rsines