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Mesure et intégration Université Claude Bernard Lyon 1 Licence de mathématiques troisième année Parcours Mathématiques générales et applications Petru Mironescu 2019–2020

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Mesure et intégration

Université Claude Bernard Lyon 1

Licence de mathématiques troisième année

Parcours Mathématiques générales et applications

Petru Mironescu

2019–2020

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Guide de lecture

A. Ce document sert de support au cours « Mesure et intégration », destiné aux étudiants en troi-sième année de la licence de mathématiques de l’Université Claude Bernard Lyon 1, parcoursMathématiques générales et applications. Malgré le caractère introductif du cours, les outils pré-sentés permettent de s’attaquer à de nombreux problèmes concrets.

Le texte donne un aperçu de la partie élémentaire de la théorie abstraite et concrète de lamesure et de l’intégrale, avec quelques premières applications aux espaces de fonctions, aux sé-ries de Fourier et à la transformée de Fourier. Historiquement, les objets et résultats présentésreflètent les efforts des mathématiciens du début du vingtième siècle pour étendre et conceptua-liser la théorie de l’intégration « de Riemann », afin de corriger quelques unes de ses faiblesses etd’étendre le théorème de Leibniz-Newton au-delà du cadre des fonctions continues.

B. Le texte a été conçu comme un compagnon du cours magistral. Il n’a pas été rédigé dans uneoptique de classe inversée ou pour un usage en autonomie. Afin de garder une longueur raison-nable du manuscrit, certains éléments de preuve, généralement parmi les plus faciles, ont étéomis. Ces omissions sont repérables grâce aux injonctions « vérifier ! » ou « justifier ! », auxquellesle lecteur qui veut dépasser une utilisation superficielle du manuscrit est encouragé à obéir.

Afin d’alléger le texte, dans certaines sections nous faisons des hypothèses qui sont implicite-ment supposées satisfaites dans tous les énoncés. Situation typique : dans le chapitre

ch33, nous nous

donnons une tribu T sur X , mais dans les énoncés de ce chapitre la tribu n’y figure pas toujours.Le lecteur est vivement encouragé à lire les hypothèses des résultats dans cette perspective, et sinécessaire à compléter les énoncés en rajoutant les hypothèses implicites.

C. La partie élémentaire du volet « théorique » de la théorie de la mesure repose sur deux piliers.1. La théorie axiomatique de la mesure : ce que veut dire mesure, comment définir l’intégrale etquelles sont ses propriétés. Cette partie inclut les grands théorèmes les plus utilisés en calculintégral (théorèmes de convergence monotone et de convergence dominée, lemme de Fatou, théo-rèmes de Fubini et Tonelli), faciles à comprendre et montrer, mais dont l’utilisation pose souventproblème à l’analyste débutant.2. La construction concrète de mesures. La théorie de la mesure et de l’intégration ne vaut pasgrand-chose sans ses applications, qui exigent d’avoir sous la main des mesures et des fonctionsà intégrer par rapport à ces mesures. La difficulté principale de la théorie consiste précisémentà construire de bonnes mesures et à établir leurs propriétés. La mesure la plus utilisée, celle deLebesgue dans Rn, n’est pas facile à construire. Elle a des propriétés spécifiques, qui vont au-delàdes propriétés générales des mesures, qui la rendent très utile et qui sont de nature géométrique.Le théorème du changement de variables est une conséquence fondamentale de ces propriétés.

D. Conformément au programme en vigueur, sont admis les résultats fondamentaux suivants :existence de la mesure de Lebesgue, existence de la mesure produit et les théorèmes de Fubiniet Tonelli, théorème du changement de variables. Néanmoins, les preuves de ces résultats ap-paraissent dans le texte. Les parcourir sera utile au lecteur qui veut poursuivre dans la voie del’analyse : elles reposent sur un bon nombre de raisonnements fondamentaux et récurrents enanalyse, raisonnements qu’il convient de maîtriser.1. Il y a deux façons classiques de construire la mesure de Lebesgue.a) « À la main », en montrant pour commencer qu’elle est nécessairement donnée par une formuleassez explicite. La difficulté consiste alors à montrer que cette formule définit effectivement unemesure. La méthode pour y arriver, due à Lebesgue, est celle que nous suivons.b) Obtenir son existence à travers l’existence de l’intégrale de Riemann combinée avec le théo-rème de représentation de Riesz, théorème qui dépasse largement le cadre d’un premier cours(voir Rudin

rudin[16, Chapitre 2]) – voie plus élégante, mais difficile à comprendre en première lecture.

2. La construction de la mesure produit et les théorèmes de Fubini et Tonelli sont une belle illus-tration de la puissance de la construction axiomatique de la théorie de la mesure, en particulier

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de l’utilisation des classes monotones. Les démonstrations s’écrivent toutes seules !3. Pour le changement de variables, la preuve présentée est naturelle, mais quelque peu labo-rieuse. On peut procéder de manière plus élégante, en utilisant un théorème moins élémentaire,celui de Radon-Nikodym (voir Rudin

rudin[16, Chapitre 7]), mais cette approche convient plus en

deuxième lecture, lorsqu’on s’intéresse aux aspects plus avancés de la théorie de la mesure. Ily a également une voie rapide et relativement élémentaire pour y arriver, en passant par uneréduction au cas de la dimension un (voir Gramain

gramain[10, Section X.3]). Elle relève néanmoins trop

d’une astuce pour être vraiment instructive et utile dans d’autres circonstances.

E. Dans la perspective des évaluations liées à ce cours et de l’utilisation de la théorie de la mesuredans des cours ultérieurs et « dans la vraie vie », les objectifs minimaux sont les suivants.1. Montrer qu’un ensemble est a. p. d.2. Montrer qu’une fonction ou un ensemble sont mesurables.3. Faire le lien entre intégrale habituelle (de Riemann) et intégrale de Lebesgue.4. Utiliser les propriétés de la mesure de Lebesgue et de la mesure de comptage.4. Utiliser correctement, notamment pour la mesure de Lebesgue, les théorèmes fondamentaux(convergence monotone, convergence dominée, lemme de Fatou, intégrales à paramètres, Fubini,Tonelli, changement de variables). Ce sont notamment l’existence d’une majorante intégrable etle théorème de Fubini qui posent le plus de problèmes dans la pratique.5. Manipuler les espaces Lp (inégalités de Hölder, Minkowski et Young).6. Manipuler les théorèmes fondamentaux concernant les séries de Fourier (Dirichlet, Fejér, Par-seval) et la transformée de Fourier (formule d’inversion, théorème de Plancherel).

Y arriver, c’est déjà bien !

Dans cette optique, les notes de cours offrent les bases théoriques nécessaires à la résolutiondes questions proposées en TD; la maîtrise des objectifs ci-dessus passe par la résolution desproblèmes. Les quelques exercices présents dans le texte ont pour but uniquement d’illustrer lespropos théoriques, voire de déléguer au lecteur la vérification de quelques propriétés faciles.

F. La théorie de probabilités utilise de manière intensive la théorie de la mesure et de l’intégrale.Un très beau premier texte sur ce sujet est Barbe et Ledoux

b_l[3]. Plusieurs notions et résultats

basiques en théorie des probabilités (mesure image, formule de transfert, v. a. i., etc.) seronttraités en TD.

Avis au lecteur. Le manuscrit doit encore contenir des erreurs. Si vous en trouvez, merci de m’enfaire part à l’adresse [email protected]

Pour aller plus loin

G. Un théorème d’analyse s’utilise rarement dans la forme qui apparaît dans les textes (monogra-phies ou cours). On a souvent besoin d’une variante qui se montre en suivant les grandes lignes dela preuve du théorème standard. Un exemple typique est celui de la continuité d’une intégrale parrapport aux paramètres. C’est pourquoi il est important, pour ceux qui vont continuer à utiliserl’analyse, d’avoir au moins une idée des preuves des principaux résultats de ce cours.

H. La théorie de Lebesgue est née du besoin d’étudier la validité de l’égalité f (b)− f (a)= ∫ ba f ′(x)dx

lorsque f n’est plus de classe C1. La réponse est connue, mais dépasse le cadre de ce cours.Quelques résultats en ce sens sont mentionnés sans preuve. D’autres résultats avancés, signi-ficatifs pour la théorie de la mesure et de l’intégration, sont mentionnés ici et là, dans les sections« Pour aller plus loin ».

I. Pour aller au-delà de ce cours, plusieurs directions accessibles sont envisageables.1. La théorie « abstraite » : théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue, mesures signées et vectorielles(théorèmes de Hahn et Jordan, intégrale de Bochner). Quelques références à ce sujet : Halmos

halmos[11,

Chapitre 6], Rudinrudin[16, Chapitre 7]. Et un très beau livre qui donne un panorama de la théorie de

la mesure : Bogachevbogachev[4]. Cette référence contient aussi un nombre important de repères histo-

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riques, liés aux travaux des grands noms de la théorie (Lebesgue, Borel, Carathéodory, etc.). Uneréférence s’il n’en fallait qu’une : le mémoire de 1904 de Lebesgue

lebesgue[14], qui contient sa théorie de

l’intégration, développée entre 1901 et 1904. Lebesgue avait 26 ans en 1901 !2. Les espaces Lp traités du point de vue de l’analyse fonctionnelle ; voir Brezis

brezis[5, Chapitre 4].

3. Les mesures « concrètes » et leurs applications. Nous traitons ici la mesure de Lebesgue (dansR3 : le volume), mais d’autres mesures ont une signification géométrique dans R3 : la longueur descourbes, l’aire des surfaces. Une façon unifiée de traiter ces notions est donnée par les mesures deHausdorff, que nous nous contentons ici de définir. Nous expliquons aussi la démarche, due à Ca-rathéodory et inspirée par la construction de la mesure de Lebesgue, qui permet de montrer leurspropriétés. L’étude approfondie de ces mesures mène vers des formules géométriques, l’étude despropriétés fines des fonctions et une branche de l’analyse, en plein développement, la « théoriegéométrique de la mesure ». À son tour, la théorie géométrique de la mesure est indispensable autraitement mathématique de certains problèmes concrets (traitement d’images, micro-structures,etc.). Quelques références, de la plus élémentaire à la plus avancée : Evans et Gariepy

evansgariepy[7, Cha-

pitres 2 et 3], Federerfederer[8, Section 2.10], à nouveau Evans et Gariepy

evansgariepy[7, Chapitres 4, 5 et 6], Ziemer

ziemer[18, Chapitre 3].

Feuilles d’exercices et sujets des contrôles. Dans la rédaction des exercices et des sujets descontrôles, j’ai bénéficié de l’aide de Xinxin Chen et Theresia Eisenkoelbl, que je remercie.

Les feuilles d’exercices, bien plus riches que ceux qui pourra être traité en classe, servent debase aux divers types de séances de travaux dirigés (communs, standard, intensifs et avancés), debase d’entraînement et de réservoir pour les contrôles.

À Villeurbanne, le 8 juillet 2019

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Table des matières

1 Notations, rappels, premières définitions 11

1.1 Limite supérieure, limite inférieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1.2 Dénombrabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.3 Clans, tribus, classes monotones, mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.4 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

2 Tribus, clans, classes monotones 19

2.1 Structures engendrées. Théorème de la classe monotone . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

2.2 La tribu borélienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

3 Fonctions mesurables 23

3.1 Définition. Caractérisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

3.2 Opérations avec les fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

3.3 Fonctions construites à partir de fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

4 Mesures 29

4.1 Propriétés générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

4.2 Mesure complétée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

4.3 Presque partout et mesure complétée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

4.4 Classes particulières de mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

4.5 La mesure de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

4.6 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

5 Constructions de mesures 41

5.1 Construction de la mesure de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

5.2 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

6 Intégrale 49

6.1 Fonctions étagées positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

6.2 Fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

6.3 P. p. et passage à la mesure complétée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

6.4 Convergence monotone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

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8 TABLE DES MATIÈRES

6.5 Conséquences du théorème de convergence monotone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

6.6 Lien avec les intégrales habituelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

6.7 Lien avec les séries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

6.8 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

7 Les grands théorèmes 63

7.1 Lemme de Fatou, théorème de convergence dominée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

7.2 Hypothèses satisfaites p. p. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

7.3 Intégrales dépendant d’un paramètre : continuité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

7.4 Intégrales dépendant d’un paramètre : dérivabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

7.5 Somme et intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

8 Mesures produit 69

8.1 Tribu produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

8.2 Mesure produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

8.3 Produits itérés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

8.4 Passage aux mesures complétées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

8.5 Les grands théorèmes pour µ⊗ν . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

8.6 Les grands théorèmes pour µ⊗ν . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

9 Changements de variables 79

9.1 Un peu d’algèbre linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

9.2 Changements de variables linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

9.3 Un peu de topologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

9.4 Image d’un petit cube par un C1-difféomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

9.5 Changement de variables sur un compact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

9.6 Théorème du changement de variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

9.7 Ensembles Lebesgue négligeables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

9.8 Théorème du « presque changement de variables » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

9.9 Changements usuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

9.10 Intégrales de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

10 Espaces Lp 89

10.1 L p versus Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

10.2 Inégalité de Hölder . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

10.3 Norme et complétude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

11 Convolution 97

11.1 Inégalité de Young . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

11.2 Régularisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

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TABLE DES MATIÈRES 9

11.3 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

12 Séries de Fourier 107

12.1 Un peu d’algèbre bilinéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

12.2 Séries de Fourier dans L2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

12.3 Comportement ponctuel des séries de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

12.4 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

13 Transformée de Fourier 113

13.1 Transformée de Fourier dans L1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

13.2 Transformée de Fourier dans L2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

13.3 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

Propriétés des ensembles 123

Bibliographie 125

Index 127

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Chapitre 1

Notations, rappels, premières définitions

1.1 Limite supérieure, limite inférieure

Notation. Si tous les termes de la suite (xn) appartiennent à l’ensemble A, on écrira (xn)⊂ A.†

La théorie de la mesure exige de travailler avec les « nombres » −∞ et ∞, donc sur la droiteréelle étendue R=R∪ −∞,∞.

Rappels. La somme x+ y avec x, y ∈R, est définie à l’exception du cas ou x =±∞ et y=−x.Le produit tx, t ∈R, x ∈R, est défini sauf si t = 0 et x =±∞.‡

Il sera commode d’étendre la notion de sup et inf aux parties non vides mais pas nécessaire-ment bornées A de R, en définissant

sup A = le plus petit majorant M ∈R de A,inf A = le plus grand minorant m ∈R de A.

Ces quantités ont essentiellement les mêmes propriétés que dans le cas des ensembles bornés,comme le montre l’exercice suivant.

Exercice 1.1. Soient A,B parties non vides de R. Montrer que :a) M = sup A ssi M est un majorant de A et il existe une suite (xn)⊂ A telle que xn → M. Caracté-risation analogue de inf A.b) Tout A admet sup A ∈]−∞,∞] et inf A ∈ [−∞,∞[.c) sup A et inf A sont uniques.d) sup(−tA)=−t inf A, ∀ t ∈]0,∞[. Formules analogues pour sup(tA), inf(tA), inf(−tA).e) sup(A+B)= sup A+supB et inf(A+B)= inf A+ infB.f) Si A ⊂ B, alors infB ≤ inf A ≤ sup A ≤ supB.g) Si (xn)n≥n0 ⊂ R est une suite croissante, alors lim xn = supxn ; n ≥ n0 = sup

n≥n0xn. § Énoncé ana-

logue pour une suite décroissante.h) Si sup A > x ∈R, alors il existe un y ∈ A tel que y> x.

Exercice 1.2. Que devient ce qui précède si nous considérons des parties non vides A,B ⊂R ?

Définition 1.1. Si (xn)⊂R, alors limsup xn = limn→∞sup

k≥nxk, liminf xn = lim

n→∞ infk≥n

xk.

†. Donc (xn)n≥0 ⊂ A se substitue à la notation « officielle » (xn)n≥0 ∈ AN.‡. L’impossibilité de définir utilement le produit tx vient du calcul des limites. Lorsqu’il s’agit d’intégrer, nous

verrons que 0 ·±∞= 0.§. En règle générale, la notation sup

i∈Ixi désigne supxi; i ∈ I. De même pour sup

x∈Af (x).

11

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12 CHAPITRE 1. NOTATIONS, RAPPELS, PREMIÈRES DÉFINITIONS

p1.1 Proposition 1.1. a) Les limites ci-dessus existent.b) On a limsup(txn) = t limsup xn et limsup(−txn) = −t liminf xn, ∀ t ∈]0,∞[. Formules analoguespour liminf.c) Si (xnk ) est une suite extraite de la suite (xn) telle que xnk → `, alors liminf xn ≤ `≤ limsup xn.d) Il existe une suite extraite (xnk ) telle que xnk → limsup xn. De même pour liminf xn.e) Si xn → `, alors ` = liminf xn = limsup xn. Réciproquement, si liminf xn = limsup xn = `, alorsxn → `.f) Si la quantité limsup xn+ t limsup yn a un sens, alors limsup(xn+ tyn)≤ limsup xn+ t limsup yn,∀ t ∈]0,∞[. Formules analogues pour liminf(xn + tyn), limsup(xn − tyn), liminf(xn − tyn).g) Si xn → ` et si la quantité `+ limsup yn a un sens, alors limsup(xn + yn) = `+ limsup yn. Demême pour liminf.

Remarque 1.1. En combinant les items c) et d) de cette proposition, nous obtenons la caractéri-sation suivante de limsup xn et liminf xn – caractérisation qui constitue une définition alternativede ces limites. Considérons toutes les suites (xnk ) extraites de (xn) qui ont une limite. NotonsA ⊂ R l’ensemble de toutes les limites obtenues de cette façon. Alors limsup xn est le plus grandélément de A et liminf xn est le plus petit élément de A.

Démonstration de la propositionp1.11.1. Nous nous reposons sur les items de l’exercice précédant.

Nous faisons les raisonnements uniquement pour limsup. Posons Xn = supk≥n

xk et `= limsup xn.

a) La suite (Xn) décroît avec n (item f)). Elle a donc une limite. Ceci prouve l’existence de`= lim Xn, et aussi que `≤ Xn, ∀n.

b) Calculons par exemple limsup(−txn). On a supk≥n

(−txk)=−t infk≥n

xk (item d)), d’où

limsup(−txn)= limsupk≥n

(−txk)= lim(−t inf

k≥nxk

)=−t lim inf

k≥nxk =−t liminf xn.

c) On a xnk ≤ Xnk , ∀k. En passant à la limite sur k on obtient `≤ `.

d) Soit (Mk) une suite telle que Mk < ` et Mk → `. Comme ` = lim Xn > Mk, ∀k, pour tour kil existe un rang mk tel que Xn > Mk, ∀n ≥ mk. Il s’ensuit que pour tout k et n ≥ mk, il existeun m = m(n,k) ≥ n (m dépend de n et k) tel que xm > Mk (item h)). Posons alors n1 = m(m1,1)et, par récurrence, Nk = max(nk,mk)+1 et nk+1 = m(Nk,k+1). Nous avons alors nk < nk+1 etxnk > Mk, ∀k (vérifier). La suite extraite (xnk ) satisfait donc Mk < xnk ≤ Xnk . En faisant k →∞ eten utilisant le théorème des gendarmes, nous obtenons xnk → `.

e) Soit (xnk ) telle que xnk → `. Alors xnk → `, d’où `= `.

Réciproquement, supposons que liminf xn = limsup xn = `. Soit Yn = infk≥n

xk. Alors Yn ≤ xn ≤ Xn

et Yn → `, Xn → `. Le théorème des gendarmes permet de conclure.

f) Montrons l’inégalité pour limsup(xn − tyn). Nous avons (en utilisant les items d) et e) del’exercice)

supk≥n

(xn − tyn)≤ supk≥n

xn +supk≥n

(−tyn)= supk≥n

xn − t infk≥n

yn.

En passant à la limite dans l’inégalité ci-dessus, nous obtenons limsup(xn− tyn)≤ limsup xn−t liminf yn.

g) Soit (ynk ) telle que ynk → limsup yn. Alors xnk + ynk → `+ limsup yn. L’item c) de cette propo-sition implique (*) `+ limsup yn ≤ limsup(xn + yn).

En particulier, nous avons avons « = » si `+ limsup yn =∞ ou si limsup(xn + yn) = −∞. Nouspouvons donc supposer que `+limsup yn <∞ (et donc, en particulier, que `<∞) et que limsup(xn+yn)>−∞.

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1.2. DÉNOMBRABILITÉ 13

Par ailleurs, soit (xnk+ynk ) telle que xnk+ynk → limsup(xn+yn). Alors ynk → limsup(xn+yn)−`(vérifier que limsup(xn+ yn)−` existe bien !). À nouveau l’item c) donne (**) limsup(xn+ yn)−`≤limsup yn.

Nous concluons grâce à (*) et (**) (vérifier !).

Exercice 1.3. a) Si liminf xn ≥ limsup xn, alors xn → limsup xn = liminf xn.b) Si a ≤ xn ≤ b, ∀n ≥ n0, alors a ≤ liminf xn ≤ limsup xn ≤ b.c) Si xn ≥ a, ∀n ≥ n0 et limsup xn ≤ a, alors xn → a.

Exercice 1.4. Calculer limsup xn et liminf xn pour les suites données par :a) xn = (−1)n ;b) xn = (−1)npn.

Exercice 1.5. Montrer que xn ≤ yn, ∀n ≥ n0 =⇒ limsup xn ≤ limsup yn.

1.2 Dénombrabilité

Définition 1.2. a) Un ensemble est dénombrable s’il est en correspondance bijective avec N(autrement dit : si on peut écrire tous les éléments de A, sans répétition, comme une suite).b) Un ensemble est au plus dénombrable (a. p. d.) s’il est soit fini, soit dénombrable.

L’outil le plus commode pour vérifier qu’un ensemble est dénombrable est le suivant.

apd Proposition 1.2. a) Une partie d’un ensemble a. p. d. est a. p. d.b) Une union a. p. d. d’ensembles a. p. d. est a. p. d.c) Un produit cartésien fini d’ensembles a. p. d. est a. p. d.d) Un ensemble a. p. d. qui contient une infinité d’éléments distincts est dénombrable.e) Un ensemble qui contient une partie qui n’est pas a. p. d. n’est pas a. p. d.

Pour la preuve de ce résultat, voir la fin du chapitre.

Exercice 1.6. a) N∗, Z, Q, Zn, Qn sont dénombrables.b) L’ensemble des parties finies de N est dénombrable.c) [0,1], R ne sont pas dénombrables.

1.3 Clans, tribus, classes monotones, mesures

Notations. a) Si A est une partie de X , le complémentaire de A dans X est noté X \ A. S’il estclair qui est X , on notera ce complémentaire par Ac.b) A∆B = (A \ B)∪ (B \ A) désigne la différence symétrique de A,B ⊂ X .c) P(X ) est l’ensemble de toutes les parties de X , c’est-à-dire : P(X )= A ; A ⊂ X .

Définition 1.3. Un clan dans X (ou clan tout court, s’il est clair qui est X ) est un ensemble Cdont les éléments sont des parties de X , † tel que :i) ;∈C ;ii) si A ∈C , alors Ac ∈C ;iii) Si A,B ∈C , alors A∪B ∈C .

†. Donc C ⊂P(X ).

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14 CHAPITRE 1. NOTATIONS, RAPPELS, PREMIÈRES DÉFINITIONS

ac1 Exercice 1.7. a) L’ensemble C1 des unions finies d’intervalles de R est un clan. De même si onremplace R par un intervalle I et nous considérons des unions finies d’intervalles contenus dansI.b) Un pavé de Rn est un ensemble de la forme P = I1 × I2 ×·· ·× In, avec chaque I j intervalle deR. L’ensemble Cn des unions finies de pavés de Rn est un clan.c) Tout élément de Cn est une union finie de pavés de Rn deux à deux disjoints.

Remarque 1.2. La définition d’un clan demande qu’une union de deux ensembles de C soit encoredans C . Nous verrons plus loin qu’une union contenant un nombre fini d’ensembles de Cappartient à C .En général, une union infinie d’ensembles de C n’est pas dans C .Un raisonnement du genre « chaque A i (avec i ∈ I) est dans C , d’où ∪i∈I A i ∈C » n’est pas valide,à moins de savoir que I est fini.

Définition 1.4. Une tribu dans X (ou tribu tout court, s’il est clair qui est X ) est un ensembleT dont les éléments sont des parties de X , tel que :i) ;∈T ;ii) si A ∈T , alors Ac ∈T ;iii) Si A1, . . . , An, . . . ∈T , alors ∪∞

n=1An ∈T .Si une partie A de X appartient à T , on dit que A est un ensemble T -mesurable (ou ensemblemesurable ou mesurable tout court, quand il est clair qui est T ).

ex1.7 Exercice 1.8. a) Soit C un clan sur X . Soit Y ⊂ X . Alors CY = A∩Y ; A ∈C est un clan sur Y .De même pour une tribu T .CY (respectivement TY ) sont le clan induit par C sur Y (respectivement la tribu induite parT sur Y ).b) Si Y ∈C , alors CY = A; A ∈C , A ⊂Y .

Exercice 1.9. Montrer que si C est un clan et A1, . . . , An ∈C , alors A1∪ . . .∪ An ∈C . De même sion remplace clan par tribu.

Remarque 1.3. La définition d’une tribu demande qu’une union dénombrable d’ensembles deT soit encore dans T . Au vu de l’exercice précédent, c’est encore vrai pour une union a. p. d. Engénéral, une union quelconque d’ensembles de T n’est pas dans T .Un raisonnement du genre « chaque A i (avec i ∈ I) est dans T , d’où ∪i∈I A i ∈T » n’est pas valide,à moins de savoir que I est a. p. d.

Dictionnaire. a) Clan=algèbre=(en anglais) algebra.b) Tribu=σ-algèbre=(en anglais) σ-algebra.

Exercice 1.10. a) P(X ) est une tribu.b) Si X = 1,2,3, alors C = ;, X , 1, 2,3 est une tribu.

Exercice 1.11. Si X est fini, alors tout clan est une tribu.

Définition 1.5. Une suite (An) de parties de X est :a) croissante si An ⊂ An+1 pour tout n ;b) décroissante si An ⊃ An+1 pour tout n ;c) d. d. d. (acronyme pour « deux à deux disjointes ») si An ∩ Am =; pour n 6= m.

Notations. a) An A signifie que la suite (An) est croissante et A =∪An ;b) An A signifie que la suite (An) est décroissante et A =∩An.

Définition 1.6. Si A ⊂ X , la fonction caractéristique de A est χA : X → 0,1, définie par

χA(x)=

1, si x ∈ A0, si x ∈ X \ A

.

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1.4. POUR ALLER PLUS LOIN 15

Exercice 1.12. Montrer que An A ssi : la suite de fonctions (χAn) est croissante et convergesimplement vers χA.De même, An A ssi : la suite de fonctions (χAn) est décroissante et converge simplement versχA.

r1.4 Remarque 1.4. La définition ci-dessous est celle de la littérature anglophone. La définition ad-mise dans la communauté francophone est différente. Ceci explique pourquoi le résultat fonda-mental qui fait intervenir les classes monotones, le théorème

t2.12.1 (« de la classe monotone »), a un

énoncé différent de celui que l’on trouve dans d’autres textes en français.

Définition 1.7. Une classe monotone dans X est un ensemble M de parties de X tel que :i) Si (An)⊂M est une suite croissante, alors ∪An ∈M ;ii) Si (An)⊂M est une suite décroissante, alors ∩An ∈M .

Exercice 1.13. Toute tribu est un clan.Toute tribu est une classe monotone.

Définition 1.8. Si C est un clan, une mesure positive sur C (ou mesure tout court) est uneapplication µ : C → [0,∞] telle que :i) µ(;)= 0 ;ii) Si (An) ⊂C est une suite d. d. d. et si ∪An ∈C , alors µ(∪An) = ∑

µ(An). Cette propriété est laσ-additivité.Dans le cas particulier où C est une tribu, l’hypothèse ∪An ∈C est automatiquement satisfaite.

Notation. Il sera commode d’utiliser la notation « t » pour des unions d. d. d. : ti∈I A i dénotel’union d’une famille (A i)i∈I d’ensembles d. d. d.

Avec cette notation, la σ-additivité de µ s’écrit µ(tAn)=∑µ(An), ∀An ∈T .

Exercice 1.14. Montrer que ii)=⇒µ(;)= 0 ou ∞.

Exercice 1.15. Soit X un ensemble. Montrer que l’application µ : P(X )→ [0,∞],

µ(A)=

card A, si A est fini∞, sinon

est une mesure sur P(X ). C’est la mesure de comptage.

Définition 1.9. a) Un espace mesurable est un couple (X ,T ), avec T tribu dans X .b) Un espace mesuré est un triplet (X ,T ,µ), avec T tribu dans X et µ mesure sur T .

1.4 Pour aller plus loinpluden

Lemme 1.1. Toute partie infinie A de N est dénombrable.

Démonstration. Soit x0 =min A.

Si x0, x1, . . . , xn ont déjà été choisis, on pose An = A\x0, x1, . . . , xn. Alors An est non vide, sinonA serait fini, et x > xn, ∀x ∈ An (vérifier par récurrence sur n). On définit xn+1 =min An.

La suite d’entiers (xn) est strictement croissante (vérifier), donc xn →∞.

Il suffit de montrer que A = x0, x1, . . .. (En effet, si tel est le cas alors f :N→ A, f (n) = xn estune bijection.) Preuve par l’absurde. Supposons que x ∈ A et x 6= xn pour tout n. On a x > x0, parchoix de x0, d’où x ∈ A0. Comme x 6= x1, on trouve x > x1. Par récurrence, x ∈ An et x > xn+1 pourtout n. En passant à la limite, x ≥ lim xn+1 =∞, absurde.

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16 CHAPITRE 1. NOTATIONS, RAPPELS, PREMIÈRES DÉFINITIONS

incl Lemme 1.2. Si A ⊂ B avec B a. p. d., alors A est a. p. d.Par contraposée, si A ⊂ B et A n’est pas a. p. d., alors B n’est pas a. p. d.

Démonstration. Si A ou B est fini, c’est clair. Supposons A et B infinis.

Soit f : B →N une bijection. Alors la restriction g de f à A est une bijection entre A et C = f (A).

C est infini, sinon A serait fini.

Le lemme précédent montre qu’il existe une bijection h : C →N.

Alors h g : A →N est une bijection.

Lemme 1.3. S’il existe une injection f de A vers N, alors A est a. p. d. La réciproque est vraie.

Démonstration. A est en bijection avec B := f (A)⊂N.

Si B est fini, alors A l’est aussi.

Si B est infini, alors B est en bijection avec N, donc A l’est aussi.

Réciproquement, supposons A a. p. d. Si A est infini, alors A est en bijection avec N.

Si A est fini, alors on peut écrire A = x0, . . . , xk, et la fonction A 3 xn 7→ n ∈N est injective.

c1.1 Corollaire 1.1. Si A est infini et s’il existe une injection f de A vers N, alors A est dénombrable.

Démonstration. Exercice !

l1.4 Lemme 1.4. Si B est a. p. d. et s’il existe une injection f : A → B, alors A est a. p. d.

Démonstration. L’ensemble C = f (A) est une partie de B, donc (grâce au lemmeincl1.2) C est a. p. d.

A est en bijection avec C, donc A est a. p. d.

Théorème 1.1 (de Cantor-Bernstein ; cas particulier). S’il existe une injection f : A → N etune injection g :N→ A, alors A est dénombrable.

Démonstration. A est en bijection avec f (A)⊂N, donc A est a. p. d.

Par ailleurs, A n’est pas fini, car il contient la suite d’éléments distincts g(0), g(1), . . ..

Il s’ensuit (grâce au corollairec1.11.1) que A est dénombrable.

Lemme 1.5. N2 est dénombrable.

Démonstration. N2 est infini, car il contient la suite d’éléments distincts ((n,0))n∈N.

Il suffit donc de construire une application injective f :N2 →N. (Le corollairec1.11.1 permet alors

de conclure.) Soit f :N2 →N, f (m,n)= 2m 3n. L’unicité de la décomposition d’un entier en facteurspremiers montre que f est injective.

Le résultat précédent implique qu’il existe une bijection entre N2 et N. En voici une explicite.

Exercice 1.16. Soit f :N2 →N, f (m,n)= (m+n)(m+n+1)2

+n. Montrer que f est bijective.

Les résultats suivants complètent la preuve de la propositionapd1.2.

Lemme 1.6. Un produit cartésien fini d’ensembles a. p. d. est a. p. d.

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1.4. POUR ALLER PLUS LOIN 17

Démonstration. Il suffit de montrer le résultat quand il y a deux facteurs ; le cas général s’obtientpar récurrence sur le nombre de facteurs dans le produit.

Soient A1, A2 deux ensembles a. p. d. Si A1 est fini, on peut écrire A1 = x0, . . . , xk. Sinon, soitf :N→ A1 une bijection ; on pose xn = f (n). Alors A1 = x0, . . . , xn, . . .. Dans les deux cas, on peutécrire A1 = xi ; 0≤ i < l, avec l ∈N∪ ∞.

De même, on peut écrire A2 = yj ; 0≤ j < p.

La fonction A1 × A2 3 (xi, yj) 7→ (i, j) ∈N2 est injective.

N2 étant dénombrable, il s’ensuit que que A1 × A2 est a. p. d.

Lemme 1.7. Une union a. p. d. d’ensembles a. p. d. est a. p. d.

Démonstration. Soient An, n < l, avec l =N∪ ∞, des ensembles a. p. d.Posons B0 = A0 et, pour 1≤ n < l, Bn = An \ (∪n−1

k=0 Ak). Alors les Bn sont d. d. d. et ∪Bn =∪An.On peut écrire Bn = xn

i ; i < ln, d’où tout élément de A =∪An s’écrit de manière unique xni pour

un n et pour un i.L’application A 3 xn

i 7→ (n, i) ∈N2 est injective.Il s’ensuit que A est a. p. d.

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Chapitre 2

Tribus, clans, classes monotones

2.1 Structures engendrées. Théorème de la classe monotone

Exercice 2.1. Si (Ai)i∈I est une famille telle que Ai ⊂P(X ), ∀ i ∈ I, et si chaque Ai est un clan(ou tribu, ou classe monotone), alors ∩i∈IAi est un clan (ou tribu, ou classe monotone).

Proposition 2.1. Soit A ⊂P(X ). Alors il existe un plus petit clan (ou tribu, ou classe monotone)B contenant A .En d’autres termes, il existe B tel que :i) B soit un clan (ou tribu, ou classe monotone) ;ii) A ⊂B ;iii) Si D est un clan (ou tribu, ou classe monotone) contenant A , alors B ⊂D .

B est le clan (ou tribu, ou classe monotone) engendré par A et est noté respectivement C (A ),T (A ) ou M (A ).

Démonstration. On fait la preuve pour les clans ; preuve identique dans les autres cas.

Soit F = D ;A ⊂D et D est un clan.

Alors F est non vide (elle contient P(X )).

Si on pose B =∩D∈FD , alors B est un clan contenant A (voir l’exercice précédent).

Par définition de F , tout clan D contenant A appartient à F , donc (par définition de B)contient B.

Remarque 2.1. C’est la même preuve que celle qui donne l’existence du sous-espace engendrépar une partie d’un espace vectoriel, ou l’existence d’un sous-groupe engendré par une partie d’ungroupe, etc.

Exercice 2.2. Si X = 1,2,3 et A = 1, alors :a) le clan (et la tribu) engendré par A est ;, X , 1, 2,3 ;b) la classe monotone engendrée par A est A .

clantribu Proposition 2.2. On a C (A )⊂T (A ).

Démonstration. Avec F comme ci-dessus et G = D ; A ⊂ D et D tribu, on a F ⊃ G , et doncC (A )=∩D∈FD ⊂∩D∈G D =T (A ).

p2.3 Proposition 2.3. On a M (A )⊂T (A ).

Démonstration. Preuve analogue à celle de la propositionclantribu2.2, en remplaçant « clan » par « classe

monotone ».

19

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20 CHAPITRE 2. TRIBUS, CLANS, CLASSES MONOTONES

Exercice 2.3. Soient X =N et A = n ; n ∈N. Montrer que :a) T (A )=P(N) ;b) C (A )= A ⊂N ; A fini ou Ac fini.c) En déduire que :(i) en général, T (A ) 6=C (A ) ;(ii) si C est un clan et (An)⊂C , alors en général ∪An 6∈C et ∩An 6∈C .d) Montrer que M (A )=A .

Proposition 2.4. Soit C un clan. Alors :a) X ∈C ;b) si A,B ∈C , alors A∩B ∈C ;c) si A,B ∈C , alors A \ B ∈C ;d) si A1, . . . , An ∈C , alors ∪n

j=1A j ∈C et ∩nj=1A j ∈C .

Démonstration. a) on a X =;c.

b) découle de l’identité A∩B = (Ac ∪Bc)c.

c) suit de b) et de A \ B = A∩Bc.

d) se montre par récurrence sur n.

Proposition 2.5. Soit T une tribu. Alors :a) X ∈T ;b) si A,B ∈T , alors A∩B ∈T ;c) si A,B ∈T , alors A \ B ∈T ;d) si A1, . . . , An ∈T , alors ∪An ∈T et ∩An ∈T ;e) si A1, . . . , An, . . . ∈T , alors ∩An ∈T .

Démonstration. a)–d) sont une conséquence de la proposition précédente, car une tribu est unclan.

e) suit de l’identité ∩An = (∪Acn)c.

p2.6 Proposition 2.6. Un clan C qui est aussi une classe monotone est une tribu.

Démonstration. On doit montrer que, si (An)⊂C , alors ∪An ∈C .

Soit Bn =∪nk=0Ak. Alors Bn ∪Ak et Bn ∈C (car C est un clan).

C étant une classe monotone, on trouve ∪An ∈C .

t2.1 Théorème 2.1 (de la classe monotone). Si C est un clan, alors M (C )=T (C ).En particulier, toute classe monotone qui contient C contient aussi T (C ).

Remarque 2.2. Voir la remarquer1.41.4 !

Démonstration. Au vu de la propositionp2.32.3, il suffit de montrer que (*) M =M (C )⊃T (C ).

Par définition de la tribu engendrée, (*) est vraie si M est une tribu. Pour montrer que M estune tribu, il suffit de montrer que (**) M est un clan, car car « clan+classe monotone=⇒tribu »(proposition

p2.62.6).

Posons, pour un A fixé, MA = B ∈ M ; A ∪B ∈ M . Alors MA est une classe monotone. Eneffet, soit (Bn)⊂MA une suite croissante. Alors A∪∪Bn =∪(A∪Bn) ∈M , car la suite (A∪Bn)⊂Mest croissante. De même, si (Bn)⊂MA est une suite décroissante, alors A∪∩Bn =∩(A∪Bn) ∈M .

Si A ∈ C , alors MA ⊃ C ; d’où MA = M . Autrement dit, l’union d’un élément de C et d’unélément de M est un élément de M .

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2.2. LA TRIBU BORÉLIENNE 21

Par conséquent, si A ∈ M , alors MA ⊃ C . Il s’ensuit que MA = M . Donc, (***) si A,B ∈ M ,alors A∪B ∈M .

Enfin, soit N = A ∈M ; Ac ∈M . Alors N est une classe monotone. En effet, si (Bn)⊂N estune suite croissante, alors (∪Bn)c =∩Bc

n ∈N , car (Bcn)⊂N est une suite décroissante. Il s’ensuit

que ∪Bn ∈N .

De même, si (Bn)⊂N est une suite décroissante, alors ∩Bn ∈N .

Donc N est en effet une classe monotone. Comme N contient C , nous trouvons N = M .Autrement dit, (****) si A ∈M , alors Ac ∈M .

(**) suit de (***), de (****) et de l’observation que ;∈M (car ;∈C ).

Exercice 2.4. a) Si A ⊂B, alors C (A )⊂C (B), M (A )⊂M (B) et T (A )⊂T (B).b) On a C (C (A ))=C (A ). Propriété analogue pour la classe monotone et la tribu engendrées.

2.2 La tribu borélienne

Soit (X ,d) un espace métrique.†

Définition 2.1. La tribu borélienne BX sur X est la tribu engendrée par les ouverts de X .

Ou encore : BX =T (U ; U ouvert de X ).Si on désigne par τ la topologie de X (=l’ensemble des ouverts de X ), alors BX =T (τ).Les ensembles de cette tribu sont les boréliens de X .

Exercice 2.5. On munit R de la métrique usuelle. Les intervalles, les fermés et les ouverts (de R)sont boréliens.

ex2.6 Exercice 2.6. Soit Y ⊂ X , muni de la métrique induite par X . Montrer que BY = B∩Y ; B ∈BX .De manière équivalente, BY coïncide avec la tribu induite par BX sur Y .

Remarque 2.3. Donné X , la question « A est-il un borélien? » n’a pas de sens, car la tribu bo-rélienne dépend de la distance sur X . C’est la situation rencontrée en topologie à propos de laquestion « A est-il un ouvert ? ».Néanmoins, il y a un abus fréquent de langage : « A ⊂ Rn est borélien » sous-entend que Rn estmuni d’une norme.

ex2.7 Exercice 2.7. a) Tout ouvert de R est une union a. p. d. d’intervalles ouverts. De plus, on peutchoisir ces intervalles d. d. d.b) Si on munit Rn d’une norme, tout point de Rn est la limite d’une suite de points ayant toutesles coordonnées rationnelles.

ainf Proposition 2.7. a) BX est la tribu engendrée par les fermés de X .b) BR est la tribu engendrée par :i) les intervalles de Rouii) les intervalles de la forme ]a,∞[.c) BRn est engendrée par les produits de la forme I1 × I2 × . . .× In, avec I j intervalle ouvert.

Démonstration. Notons, dans chaque cas, τ l’ensemble des ouverts, et A l’ensemble des partiesde X données par l’énoncé (fermés, intervalles, etc).

†. Plus généralement, nous pouvons considérer, au lieu d’un espace métrique, un espace topologique (X ,τ). Néan-moins, pour les applications usuelles en théorie de l’intégration, le cadre des espaces métriques est suffisant.

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22 CHAPITRE 2. TRIBUS, CLANS, CLASSES MONOTONES

Dans chaque cas, nous avons A ⊂BX , et donc T (A )⊂T (BX )=BX . Il reste donc à montrerl’inclusion inverse T (A )⊃BX .

Pour cela, il suffit de montrer que τ⊂T (A ), car si tel est le cas alors nous avons BX =T (τ)⊂T (T (A ))=T (A ). En conclusion, il suffit de montrer que U ∈T (A ) pour tout ouvert U .

Soit U un ouvert.

a) Nous avons U c ∈A , d’où U = (U c)c ∈T (A ).

b) i) U est une union a. p. d. d’intervalles ouverts I j. Comme chaque I j est dans A , nous avonsU ∈T (A ).

b) ii) De ce qui précède, il suffit de montrer que tout intervalle ouvert I =]a,b[ est dans T (A ).

Si a ∈R et b =∞, c’est clair.

Si I =R, on a I =∪n∈N]−n,∞[∈T (A ).

Il reste le cas b ∈R.

Pour tout c ∈R, nous avons ]a, c]=]a,∞[∩]c,∞[c∈T (A ).

Il s’ensuit que ]a,b[=∪n∈N∗]a,b−1/n] ∈T (A ).

c) Les ouverts de Rn, donc la tribu borélienne, ne dépendent pas de la norme choisie. Nousprenons comme norme ‖‖∞.

Soit C = B(x, r) ; x ∈ Qn, r ∈ Q. Alors C ⊂ A et C est a. p. d. (En effet, la fonction B(x, r) 7→(x, r) ∈Qn ×Q est injective et Qn ×Q est dénombrable.) Il suffit donc de montrer que U est l’uniond’une famille de boules de C ; cette union sera automatiquement a. p. d.

Posons D = B(x, r) ∈C ; B(x, r)⊂U. Clairement, ∪B(x,r)∈DB(x, r)⊂U .

Réciproquement, soit y ∈ U . Nous allons trouver une boule B(x, r) telle que B(x, r) ∈ D et y ∈B(x, r).

Il existe un R > 0 tel que B(y,R)⊂U . Quitte à diminuer R, nous pouvons supposer R ∈Q.

Soit x ∈Qn tel que ‖x− y‖∞ < r = R/2. On vérifie aisément que y ∈ B(x, r) et B(x, r) ⊂ B(y,R) ;d’où B(x, r)⊂U . Finalement, nous avons bien B(x, r) ∈D et y ∈ B(x, r).

Remarque 2.4. Si on munit Rn d’une norme, il existe des parties de Rn qui ne sont pas boréliennes(un exemple, assez difficile, sera examiné dans le chapitre

ch44).

Ce qu’il faut retenir est que tous les ensembles ne sont pas nécessairement boréliens. En revanche,tous les ensembles « concrets » le sont.

ex2.8 Exercice 2.8. Soit Φ : X →Y un homéomorphisme. Si A ⊂ X , alors A ∈BX ssi Φ(A) ∈BY .

Exercice 2.9. a) Soient A ∈BRn et B ∈BRm . Montrer que A×B ∈BRn+m .b) Plus généralement, si (X ,d) et (Y ,δ) sont des espaces métriques et si nous munissons X ×Yd’une métrique produit, alors BX ×BY ⊂BX×Y .

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Chapitre 3

Fonctions mesurables

ch3

Dans ce chapitre, nous travaillons dans un espace mesurable (X ,T ). Dans certains énoncés,(X ,d) est un espace métrique, et alors T est la tribu borélienne.

3.1 Définition. Caractérisation

Notations. a) Si f : X →Y et B ⊂Y , alors f −1(B)= x ∈ X ; f (x) ∈ B.b) Pour alléger l’écriture, si B = y, nous écrivons f −1(y) au lieu de f −1(y). Ainsi, f −1(y) = x ∈X ; f (x)= y.c) Si A ⊂ X , alors f (A)= f (x) ; x ∈ A.

caspart Proposition 3.1. Soit f : X → Y et soit A une famille de parties de Y . Si f −1(A) ∈ T pour toutA ∈A , alors f −1(A) ∈T pour tout A ∈T (A ).

Démonstration. Soit D = A ⊂Y ; f −1(A) ∈T .Alors D ⊃A . Par ailleurs, D est une tribu. En effet, si (An)⊂D , alors f −1(∪An)=∪ f −1(An) ∈T ;vérification analogue des autres propriétés de la tribu.Il s’ensuit que D ⊃T (A ).

Définition 3.1. Une fonction étagée est une fonction f : X →R de la forme f =∑aiχA i , où :

i) il y a un nombre fini de termes dans la somme ;ii) ai ∈R, ∀ i ;iii) A i ∈T , ∀ i.

ex3.1 Exercice 3.1. Soit f : X →R une fonction étagée. Montrer que f −1(B) ∈T , ∀B ⊂R.

ex3.2 Exercice 3.2. Soient f , g : X →R fonction étagées et λ ∈R. Montrer que f + g et λ f sont étagées.

Définition 3.2. Une fonction f : X → R est mesurable s’il existe une suite ( fn) de fonctionsétagées telle que fn → f simplement.Dans le cas particulier où (X ,d) est un espace métrique et T est la tribu borélienne, f est appeléeborélienne.

Remarque 3.1. La mesurabilité d’une fonction dépend du choix de T . On ne peut pas décider sif est mesurable si on ne connaît pas T .Dans le cas particulier où X ⊂ Rn, sauf spécification contraire la tribu borélienne considérée estla tribu induite par BRn sur X : BX = B∩ X ; B ∈BRn (voir l’exercice

ex2.62.6).

Exercice 3.3. Soit (xn) ⊂ R une suite ayant une limite. On a lim xn > a ∈ R⇐⇒∃ k ∈N∗,∃ m ∈Ntels que xn > a+1/k, ∀ n ≥ m.

23

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24 CHAPITRE 3. FONCTIONS MESURABLES

char Théorème 3.1. f : X →R est mesurable ssi :i) f −1(∞) ∈T ;ii) f −1(−∞) ∈T ;iii) f −1(B) ∈T pour tout B ∈BR.

Remarque 3.2. Supposons f : X → R. Alors la condition de mesurabilité devient f −1(B) ∈ T ,∀B ∈BR. Noter la différence avec la propriété plus forte f −1(B) ∈T , ∀B ⊂R, qu’ont les fonctionsétagées (voir l’exercice

ex3.13.1).

Démonstration du théorèmechar3.1. « =⇒ » Soit ( fn) une suite de fonctions étagées telle que fn → f .

Soient a ∈R, n ∈N. Posons An,a = ( fn)−1(]a,∞[), qui appartient à T (exerciceex3.13.1).

Nous avons

f (x)> a ⇐⇒∃ k ∈N∗,∃ m ∈N tels que fn(x)> a+1/k pour n ≥ m.

En d’autres termes,

f (x)> a ⇐⇒∃ k ∈N∗,∃ m ∈N tels que x ∈∩n≥m An,a+1/k

⇐⇒ x ∈∪k∈N∗ ∪m∈N∩n≥m An,a+1/k ∈T .

Donc

f −1(]a,∞])= x ; f (x)> a=∪k∈N∗ ∪m∈N∩n≥m An,a+1/k ∈T , ∀a ∈R.

Il s’ensuit que f −1(∞)=∩n f −1(]n,∞]) ∈T .

Par conséquent, f −1(]a,∞[)= f −1(]a,∞])\ f −1(∞) ∈T .

La propositioncaspart3.1 combinée avec la partie b) ii) de la proposition

ainf2.7 montre que f −1(B) ∈T ,

∀ B ∈BR.

Enfin, f −1(−∞)= X \ ( f −1(R)∪ f −1(∞) ∈T .

« ⇐= » Soit, pour n ∈N, fn(x) =

−2n, si f (x)<−2n

2n, si f (x)≥ 2n

k/2n, si k/2n ≤ f (x)< (k+1)/2n; ici, k est un entier relatif com-

pris entre −4n et 4n −1. Formule équivalente pour f : si nous posons

An = f −1([−∞,−2n[), Bn = f −1([2n,∞]) et Cn,k = f −1([k/2n, (k+1)/2n[),

alors fn =−2nχAn +2nχBn +∑4n−1

k=−4n k/2nχCn,k .

Chaque fn est une fonction étagée (vérifier) et nous avons fn → f (vérifier).

Dans le cas particulier où f est positive, la suite ( fn) construite lors de la preuve de l’implica-tion « ⇐= » est croissante, d’où le résultat suivant.

c3.1 Corollaire 3.1. Toute fonction mesurable positive est la limite d’une suite croissante de fonctionsétagées.

Exercice 3.4. Soit A ⊂ X . Alors χA est mesurable ssi A l’est.

Proposition 3.2. f : X →R est mesurable ssi nous avons

x ∈ X ; f (x)> a= f −1(]a,∞]) ∈T pour tout a ∈R.

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3.1. DÉFINITION. CARACTÉRISATION 25

Démonstration. « =⇒ » Implication vue dans la preuve du théorèmechar3.1.

« ⇐= » Nous avons f −1(∞)=∩n∈N f −1(]n,∞]) ∈T .

Il s’ensuit que f −1(]a,∞[) = f −1(]a,∞]) \ f −1(∞) ∈ T , ∀a ∈ R. La propositioncaspart3.1 combinée

avec la partie b) ii) de la propositionainf2.7 implique f −1(B) ∈T , ∀ B ∈BR.

Enfin, f −1(−∞)= X \ ( f −1(R)∪ f −1(∞) ∈T .

th3.2 Théorème 3.2. Soit f = ( f1, f2, . . . , fn) : X →Rn. Les propriétés suivantes sont équivalentes :1. chaque f i est mesurable ;2. pour tout B ∈BRn , f −1(B) ∈T .Si l’une de ces deux conditions est satisfaite, f est appelée mesurable.Cas particulier : f : X →C est mesurable⇐⇒Re f et Im f sont mesurables.

Démonstration. 1 =⇒ 2. Si I1, I2, . . . , In sont des intervalles ouverts, alors ( f i)−1(I i) ∈T .

Il s’ensuit que f −1(I1 × I2 × . . .× In)=∩( f i)−1(I i) ∈T .

La propositioncaspart3.1 combinée avec la partie c) de la proposition

ainf2.7 montre que f −1(B) ∈ T ,

∀ B ∈BRn .

2 =⇒ 1. Si I =]a,∞[, alors ( f i)−1(I)= f −1(Ri−1 × I ×Rn−i) ∈T .

de3.2 Définition 3.3. Si A ⊂ X et si f : A →R (ou f : A →Rn), alors f est mesurable si et seulement si :i) A est mesurable ;ii) f étendue par la valeur 0 sur Ac (de manière équivalente : la fonction f χA, définie sur X ) estmesurable.

Proposition 3.3. Soit A mesurable. Alors f : A →R est mesurable ssi :i) f −1(∞) ∈T ;ii) f −1(−∞) ∈T ;iii) f −1(B) ∈T pour tout B ∈BR.De même, f : A →R est mesurable si et seulement si f −1(]a,∞]) ∈T , a ∈R.De même, f : A →Rn est mesurable si et seulement si f −1(B) ∈T , ∀B ∈BRn .

Démonstration. « =⇒ » Posons g = f χA. Alors (*) f −1(∞)= g−1(∞) ∈T . Idem pour ii).

Pour iii), il suffit de noter que f −1(B)= g−1(B)∩ A, ∀ B ∈BR.

« ⇐= » De (*), on a g−1(∞) ∈T ; de même, g−1(−∞) ∈T .Si B ∈BR, alors on a : soit 0 6∈ B, et alors g−1(B) = f −1(B) ∈T , soit 0 ∈ B, et dans ce cas g−1(B) =f −1(B)∪ Ac ∈T .

Remarque 3.3. Du résultat précédent, nous pouvons déduire facilement que la mesurabilité def (au sens de la définition

de3.23.3) est équivalente à : f : A → R est mesurable par rapport à la tribu

induite TA = B∩ A ; B ∈T . Cette équivalence n’est vraie que si A est mesurable.

e3.5 Exercice 3.5. Soit (X ,d) un espace métrique.a) Soient A ∈ BX et f : A → R continue. Alors f est borélienne. En particulier, toute fonctioncontinue f : X →R est borélienne.b) Plus généralement, si f est continue en dehors d’une partie finie de X , alors f est borélienne.c) Encore plus généralement. Soient A1, A2, . . . , boréliens d. d. d. tels que X = tAk. Pour chaqueAk, soit fk : Ak →R une fonction continue. Soit f : X →R définie par f (x)= fk(x) si x ∈ Ak. Alors fest borélienne.d) De même si, dans le point précédent, on remplace « fk continue » par « fk borélienne » (voiraussi le point f)).e) De même pour des fonctions à valeurs dans Rn.

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26 CHAPITRE 3. FONCTIONS MESURABLES

f) Soit (Y ,T ) un espace mesurable. Soient A1, A2, . . . , mesurables d. d. d. tels que X =tAk. Pourchaque Ak, soit fk : Ak → R une fonction mesurable. Soit f : X → R définie par f (x) = fk(x) six ∈ Ak. Alors f est mesurable.

3.2 Opérations avec les fonctions mesurables

newp3.4 Proposition 3.4. Une limite simple de fonctions mesurables est une fonction mesurable.

Démonstration. Il suffit de copier la preuve du théorèmechar3.1 « =⇒ ». Cette fois-ci, la mesurabilité

des An,a est donnée non pas par le fait que les fn sont étagées, mais par le théorèmechar3.1.

p3.4 Proposition 3.5. Si g :Rn →Rk est borélienne et si f : X →Rn est mesurable, alors g f : X →Rk

est mesurable.

Remarque 3.4. À retenir sous la forme : borélienne rond mesurable égal mesurable.

Démonstration. Si B ∈BRk , alors (g f )−1(B)= f −1(g−1(B)) ∈T , car g−1(B) ∈BRn .

Exercice 3.6. Soit g :R→R, g(x)=

1/x, si x 6= 00, si x = 0

.

a) Montrer que g est borélienne.b) En déduire que, si f : X →R est mesurable et f 6= 0, alors 1/ f est mesurable.c) Montrer que, si f : X →R est mesurable et f 6= 0, alors 1/ f est mesurable.

Convention. En théorie de la mesure et de l’intégration, nous adoptons la convention suivante :0 · (±∞)= (±∞) ·0= 0.

En particulier, si f , g : X →R, alors le produit f g est défini en tout point.

Néanmoins, les sommes ∞+ (−∞) et −∞+∞ ne sont toujours pas définies. Donc la sommef + g est définie uniquement en dehors de l’ensemble x ∈ X ; f (x)=±∞ et g(x)=− f (x).

Proposition 3.6. Si f , g : X →R sont mesurables, alors f g et (si cela a un sens) f + g sont mesu-rables. (On peut définir f + g s’il n’y a pas de point x ∈ X tel que f (x)=±∞ et g(x)=− f (x).)Si λ ∈R, alors λ f est mesurable.

Démonstration. Supposons que f + g ait un sens.

Si fn, gn sont des fonctions étagées telles que fn → f , gn → g, alors fn+ gn est étagée (exerciceex3.23.2) et fn + gn → f + g.

Soit Fn(x)=

fn(x), si f (x) 6= 00, si f (x)= 0

; on définit de même Gn. Définition équivalente : si A = f −1(0),

alors Fn = fnχAc . Alors Fn est étagée et Fn → f (vérifier). La fonction FnGn est étagée (exerciceex3.23.2) et FnGn → f g (vérifier).

Enfin, λ fn →λ f .

Dans tous les cas, nous concluons grâce à la propositionnewp3.43.4.

3.3 Fonctions construites à partir de fonctions mesurables

Dans cette partie, nous fixons un espace mesurable (X ,T ). Toutes les fonctions considéréessont définies sur X à valeurs R et sont supposées mesurables.

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3.3. FONCTIONS CONSTRUITES À PARTIR DE FONCTIONS MESURABLES 27

Proposition 3.7. max( f , g) et min( f , g) sont mesurables.

Démonstration. Nous considérons deux suites, ( fn) et (gn), de fonctions étagées, avec fn → f ,gn → g. Alors hn →max( f , g) et kn →min( f , g), où hn =max( fn, gn) et kn =min( fn, gn) (vérifier !).Au vu de la proposition

newp3.43.4, il suffit donc de montrer que hn et kn sont mesurables, ce qui découle

de la propositionp3.43.5 et des formules hn = 1/2( fn+ gn+| fn− gn|) et kn = 1/2( fn+ gn−| fn− gn|).

Remarque 3.5. Si f , g : X → R, nous pouvons raisonner différemment. Nous avons max( f , g) =Φ( f , g), avec Φ(x, y) = max(x, y). ( f , g) : X → R2 est mesurable, car chacune des ses coordonnéesl’est (théorème

th3.23.2). Φ étant continue (donc borélienne), la proposition

p3.43.5 permet de conclure. De

même pour min( f , g).

Corollaire 3.2. max( f0, . . . , fn) et min( f0, . . . , fn) sont mesurables.

Démonstration. Vérifier !

Proposition 3.8. sup fn et inf fn sont mesurables.

Démonstration. Nous avons sup fn = limn→∞max( f0, . . . , fn), donc sup fn est limite d’une suite defonctions mesurables. Preuve similaire pour inf.

Proposition 3.9. liminf fn et limsup fn sont mesurables.

Démonstration. Considérons la liminf ; preuve similaire pour la limsup.

Soit gn = infm≥n fm, qui est mesurable. Il suffit de se rappeler que liminf fn = limn→∞ gn.

p3.10 Proposition 3.10. Soit

A = x ∈ X ; la suite ( fn(x)) a une limite dans R.

Alors :a) A est mesurable.b) Si nous posons, pour x ∈ A, f (x)= lim fn(x), alors f : A →R est mesurable.

c) Si nous posons F : X →R, F(x)=

lim fn(x), si lim fn(x) existe0, sinon

, alors F est mesurable.

Démonstration. Soient g = liminf fn, h = limsup fn, toutes les deux mesurables.

Posons B = g−1(∞), C = h−1(−∞), k = (h− g)χ(B∪C)c , qui sont mesurables.

a) Nous avons A = k−1(0)∪B∪C (justifier) et donc A ∈T .

b), c) Sur A, nous avons f = g, et donc F = f χA = gχA, la dernière fonction étant mesurable. Ils’ensuit que f et F le sont (voir la définition

de3.23.3).

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Chapitre 4

Mesures

ch4

4.1 Propriétés générales

Dans cette partie, (X ,T ,µ) est un espace mesuré, et toutes les parties de X considérées ap-partiennent à T . Toutes les propriétés démontrées restent valables si on a une mesure sur unclan, à condition que les unions et intersections considérées soient encore dans le clan.

p4.1 Proposition 4.1. Nous avonsa) Si A ⊂ B, alors µ(A)≤µ(B). (C’est la propriété de monotonie de µ.) Si, de plus, µ(B)<∞, alorsµ(A)=µ(B)−µ(B \ A) et µ(B \ A)=µ(B)−µ(A).b) µ(A0∪ . . .∪Ak)≤∑

µ(An). Si les An sont d. d. d., alors l’inégalité devient égalité. Cette dernièrepropriété est l’additivité de µ.c) µ(∪∞

n=0An)≤∑µ(An). C’est la propriété de sous-additivité de µ.

d) µ(A∪B)+µ(A∩B)= µ(A)+µ(B). En particulier, si µ(A∩B)<∞, alors µ(A∪B)= µ(A)+µ(B)−µ(A∩B).

Démonstration. a) Nous avons B = A∪ (B \ A)∪;∪ . . .∪;∪ . . ., d’où µ(B)=µ(A)+µ(B \ A)≥µ(A).Dans le cas particulier où µ(B)<∞, nous avons aussi µ(B\ A)<∞, d’où µ(A)=µ(B)−µ(B\ A). Demême, µ(B \ A)=µ(B)−µ(A).

b) Posons B0 = A0 et, pour n ≥ 1, Bn = An \ (A0 ∪ . . .∪ An−1). Les Bn sont d. d. d. et de plusBn ⊂ An et ∪An =∪Bn. Il s’ensuit que

µ(A0 ∪ . . .∪ Ak)=µ(B0 ∪ . . .∪Bk ∪;∪ . . .∪;∪ . . .)=∑µ(Bn)≤∑

µ(An).

Dans le cas particulier où les An sont d. d. d., nous avons Bn = An, et l’inégalité devient égalité.

c) Même preuve que pour l’item b), sauf qu’il n’y a plus besoin d’ajouter des ;.

d) Si µ(A)=∞, alors µ(A∪B)=∞, et l’égalité est claire.

Supposons µ(A)<∞, ce qui entraîne µ(A∩B)<∞.

Alors µ(A)=µ(A \ B)+µ(A∩B), d’où µ(A \ B)=µ(A)−µ(A∩B).

Enfin, µ(A∪B)=µ(A \ B)+µ(B)=µ(A)−µ(A∩B)+µ(B), qui donne l’égalité désirée.

Exercice 4.1. a) Montrer que, si µ(A1 ∪ A2 ∪ . . .∪ An)<∞, alors

µ(A1 ∪ A2 ∪ . . .∪ An)=n∑

j=1(−1) j+1 ∑

1≤i1<i2<···<i j≤nµ(A i1 ∩ . . .∩ A i j ).

b) Que devient cette formule dans le cas particulier de la mesure de comptage?

29

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30 CHAPITRE 4. MESURES

Proposition 4.2. Nous avonsa) (théorème de la suite croissante) Si An A, alors µ(An)→µ(A).b) (théorème de la suite décroissante) Si An A et si, de plus, µ(A0)<∞, alors µ(An)→µ(A).

Démonstration. a) Posons B0 = A0 et, pour n ≥ 1, Bn = An \ An−1. Alors les Bn sont d. d. d. et∪Bn = A.Par ailleurs, nous avons An = B0 ∪ . . .∪Bn.Par conséquent,

µ(A)=∑µ(Bn)= lim

n→∞

n∑k=0

µ(Bk)= limn→∞µ(An).

b) Nous avons (A0 \ An) (A0 \ A), d’où limµ(A0 \ An)=µ(A0 \ A).Ceci donne (via la proposition

p4.14.1 a)) µ(A0)−µ(An)→µ(A0)−µ(A), d’où la conclusion.

Exercice 4.2. Soit µ la mesure de comptage sur P(N). Si An = m ; m ≥ n, alors An ;, maisµ(An) 6→µ(;). Conclusion?

ex4.3 Exercice 4.3. Soit µ une mesure sur le clan (ou tribu) C .a) Si A ∈C , alors µA : C → [0,∞], µA(B)=µ(A∩B), est une mesure sur C .b) La restriction de µ à CA est une mesure. (CA est le clan induit par C sur A ; voir l’exercice

ex1.71.8.)

ae7 Exercice 4.4. Soit (µ j) une suite de mesures sur le même clan C . Supposons que µ j(A)≤µ j+1(A),∀ j, ∀A ∈C . Posons µ(A)= limµ j(A). Alors µ est une mesure sur C .

4.2 Mesure complétéemecom

Dans cette partie, on se donne un espace mesuré (X ,T ,µ). Les parties A de X considéréesci-dessous ne sont pas nécessairement dans T .

Définition 4.1. Un ensemble A ⊂ X est négligeable s’il existe B ∈T tel que A ⊂ B et µ(B)= 0.S’il n’est pas clair qui est µ, on précise : A est µ-négligeable.La tribu complétée engendrée par T et µ est la tribu T engendrée par T et les parties négli-geables de X .

Remarque 4.1. T dépend à la fois de T et de µ.

Exercice 4.5. a) Une partie d’un ensemble négligeable est négligeable.b) Une union a. p. d. d’ensembles négligeables est négligeable.

pr4.3 Proposition 4.3. On a

T = A ⊂ X ; ∃ B,C ∈T tels que B ⊂ A ⊂ C et µ(C \ B)= 0. (4.1) eg1.1

Démonstration. Donnée une partie A de X , nous allons noter (s’ils existent) BA et CA deux en-sembles de T tels que BA ⊂ A ⊂ CA et µ(CA \ BA)= 0.Soit U le membre de droite de l’égalité à montrer, (

eg1.14.1).

« ⊃ » Si A ∈ U , alors A = BA ∪ (A \ BA), avec BA ∈ T et A \ BA (qui est contenu dans CA \ BA)négligeable ; d’où A ∈T .

« ⊂ » Il suffit de vérifier que U est une tribu qui contient T et les ensembles négligeables.Si A ∈T , il suffit de prendre BA = CA = A. Si A est négligeable, nous pouvons prendre BA =; et

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4.3. PRESQUE PARTOUT ET MESURE COMPLÉTÉE 31

CA ∈T tel que A ⊂ CA et µ(CA)= 0. Ceci montre que U contient T et les ensembles négligeables.Il reste à montrer que U est une tribu.Nous avons ;∈T , et donc ;∈U .Par ailleurs, si A ∈U , alors (CA)c ⊂ Ac ⊂ (BA)c, avec µ((BA)c \ (CA)c)=µ(CA \ BA)= 0 (vérifier).Si (An)⊂U , alors ∪BAn ⊂∪An ⊂∪CAn , et µ(∪CAn \∪BAn)≤∑

µ(CAn \ BAn)= 0 (vérifier).

Définition 4.2. Une tribu S est complète par rapport à une mesure ν si A ν-négligeable =⇒A ∈S .Symétriquement, si la propriété ci-dessus est satisfaite alors ν est complète par rapport à S .

Définition 4.3. Soit µ1, µ2 des mesures sur les tribus T1, T2. µ2 est une extension de µ1 si :i) T1 ⊂T2 ;ii) µ2(A)=µ1(A), ∀A ∈T1.

pr4.4 Proposition 4.4. µ admet une unique extension µ à T .µ est la complétée de µ et est donnée par l’une des formules µ(A)=µ(BA) ou µ(A)=µ(CA).

Démonstration. Notons d’abord que µ(CA)=µ(BA)+µ(CA \ BA), et donc µ(BA)=µ(CA).

Montrons ensuite que la formule de l’énoncé ne dépend pas du choix de BA et CA. En effet, siB j

A ⊂ A ⊂ C jA, avec B j

A,C jA ∈T et µ

(C j

A \ B jA

)= 0, j = 1,2, alors B1

A ⊂ C2A, d’où

µ(C1A)=µ(B1

A)≤µ(C2A)=µ(B2

A).

En permutant les indices, nous trouvons µ(C1A)=µ(B1

A)=µ(B2A)=µ(C2

A).

Si µ existe, nous devons avoir µ(BA)≤ µ(A)≤ µ(CA), d’où µ(A)= µ(BA)= µ(CA). Ceci montre àla fois l’unicité de µ et le fait que µ est donnée par les formules de l’énoncé.

Il reste à montrer que ces formules définissent une extension de µ.Si A1, A2 ∈ T et A1 ⊂ A2, alors BA1 ⊂ A1 ⊂ A2 ⊂ CA2 , d’où µ(A1) = µ(BA1) ≤ µ(CA2) = µ(A2). Ils’ensuit que µ est monotone.Par ailleurs, si A ∈T , alors nous pouvons prendre BA = CA = A, et donc µ(A)= µ(A). En particu-lier, nous avons µ(;)= 0.Enfin, si (An) est une suite d. d. d. de T , alors nous avons (en utilisant la monotonie de µ)∑

µ(An)=∑µ(BAn)=µ(∪BAn)=µ(∪BAn)≤µ(∪An),

µ(∪An)≤µ(∪CAn)=µ(∪CAn)≤∑µ(CAn)=∑

µ(An).

Exercice 4.6. a) Nous avons µ=µ et T =T .b) T est complète par rapport à µ.c) Une partie de X est µ-négligeable ssi elle est µ-négligeable.

4.3 Presque partout et mesure complétée

Définition 4.4. Une propriété P(x) est vraie presque partout (par rapport à µ, ou encore µ-presque partout, ou encore p. p. ou µ-p. p.) si l’ensemble des x ∈ X tel que P(x) soit fausse estµ-négligeable.

Exercice 4.7. Pour la mesure de comptage, presque partout équivaut à partout.

ex4.8 Exercice 4.8. Pour des fonctions f , g définies sur X à valeurs dans R ou Rn, la relation f ∼ g ⇐⇒f = g µ-p. p. est une équivalence.

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32 CHAPITRE 4. MESURES

p4.5 Proposition 4.5. a) f : X →R est T -mesurable ssi il existe une fonction g : X →R T -mesurabletelle que f = g µ-p. p.De même, f : X →Rn est T -mesurable ssi il existe une fonction g : X →Rn T -mesurable telle quef = g µ-p. p.b) Soient f , g : X →R telles que f = g µ-p. p. Alors f est T -mesurable si et seulement si g l’est.De même si f , g : X →Rn.

Démonstration. Nous considérons uniquement le cas des fonctions à valeurs dans R. L’autre casest similaire.

Soit f une fonction T -étagée. Donc f = ∑anχAn , avec An ∈T . Soit Bn ⊂ An, Bn ∈T , tel que

An \ Bn soit µ-négligeable. Avec g =∑anχBn , nous avons f − g =∑

anχAn\Bn . Il s’ensuit que f = gen dehors de l’ensemble ∪(An \ Bn), qui est µ-négligeable (vérifier).Conclusion : donnée une fonction f T -étagée, il existe une fonction T -étagée g telle que f = g endehors d’un ensemble µ-négligeable C.

a) « =⇒ » Soit fn une suite de fonctions T -étagées telle que fn → f . Soient gn T -étagées et Cnµ-négligeables tels que fn = gn en dehors de Cn.En dehors de l’ensemble µ-négligeable ∪Cn, nous avons gn = fn → f .En définissant A = x ∈ X ; (gn(x)) a une limite dans R et g = χA lim gn, nous avons que g estT -mesurable (voir la proposition

p3.103.10) et g = f en dehors de l’ensemble µ-négligeable ∪Cn.

« ⇐= » Soit C un ensemble µ-négligeable tel que f = g en dehors de µ. Alors g−1(∞) \ C ⊂f −1(∞)⊂ g−1(∞)∪C, ce qui montre que f −1(∞) ∈T =T .De même, f −1(−∞) ∈ T et f −1(B) ∈ T si B ∈ BR (vérifier). Donc f est T -mesurable (théorèmechar3.1).

b) Nous avons (via l’exerciceex4.84.8) f T -mesurable⇐⇒ ∃ h T -mesurable telle que f = h µ-p.

p.⇐⇒∃ h T -mesurable telle que g = h µ-p. p.⇐⇒ g T -mesurable.

4.4 Classes particulières de mesures

Définition 4.5. Une mesure µ définie sur un clan (ou tribu) C est :a) finie si µ(X )<∞ (et alors µ(A)<∞ pour tout A ∈C ) ;b) σ-finie s’il existe une suite (An)⊂C telle que :i) X =∪An ;ii) µ(An)<∞.c) de probabilité (ou probabilité tout court) si µ(X )= 1.

Exercice 4.9. Si µ est σ-finie, alors on peut choisir les An d. d. d.

Exercice 4.10. La mesure de comptage sur N n’est pas finie, mais est σ-finie.

Une façon commode de passer d’une mesure finie à une mesure σ-finie est la suivante.

af19 Exercice 4.11. Soit µ une mesure σ-finie la tribu T de X . Soit (Xn)n≥0 ⊂T avec µ(Xn)<∞, ∀net X =∪Xn. Posons µn(A)=µ(A∩ (X1 ∪ . . .∪ Xn)), ∀A ∈T . Alors :a) µn est une mesure finie, ∀n.b) µn µ (c’est-à-dire µn(A)µ(A), ∀A ∈T ).

Les mesures σ-finies joueront un rôle important entre autres dans le chapitrechap88 (mesures pro-

duit et leur utilisation). Une première illustration de leur utilité est le résultat suivant d’unicité.

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4.4. CLASSES PARTICULIÈRES DE MESURES 33

unicite Proposition 4.6. Soient C un clan dans X et µ j, j = 1,2, deux mesures sur T (C ). Si :i) µ1(A)=µ2(A) pour tout A ∈C ;ii) il existe une suite (An)⊂C telle que µ1(An)<∞ et ∪An = X ,alors µ1 =µ2.

Démonstration. Soit (An)⊂C telle que µ1(An)<∞, ∀n, et ∪An = X . En remplaçant au besoin lesAn par Bn = A0 ∪ . . .∪ An, nous pouvons supposer que An X .Comme dans l’exercice

af194.11, posons µn

j (A) = µ j(A ∩ An), A ∈ T (C ), j = 1,2, n ∈ N. Pour tout n ∈N, µn

1 et µn2 vérifient les hypothèses i) et ii) ci-dessus (justifier) et, de plus, µn

1 et µn2 sont finies

(vérifier). Supposons montrée l’égalité µn1 = µn

2 . Grâce au théorème de la classe monotone, nousobtenons µ j = limnµ

nj , j = 1,2 (justifier), et donc µ1 =µ2.

Ainsi, pour conclure il suffit de montrer que µ1 =µ2 sous l’hypothèse i), si de plus µ1,µ2 sont finies.

Soit U = A ∈T (C ) ; µ1(A)=µ2(A). Alors C ⊂U . Pour conclure, il suffit de montrer que U estune classe monotone (et d’invoquer le théorème de la classe monotone). Ceci résulte en appliquantà µ j le théorème de la suite croissante, respectivement le théorème de la suite décroissante (lesecond étant justifié par le fait que µ j est finie).

Définition 4.6. Si (X ,d) est un espace métrique, une mesure borélienne est une mesure sur lesboréliens de X , c’est-à-dire µ : BX → [0,∞].

aa2 Exercice 4.12. Soit (X ,d) un espace métrique. Soit F un fermé de X . Soit Un = x ∈ X ; d(x,F) <1/n, ∀n ∈N∗. Alors Un est un ouvert et Un F.

Si une mesure est à la fois borélienne et a des propriétés de finitude (voir les hypothèses durésultat qui suit), alors nous disposons de formules « explicites » pour calculer la mesure d’unborélien.

aa1 Théorème 4.1. Soient (X ,d) un espace métrique et µ une mesure borélienne sur X .a) Si µ est finie, alors

µ(A)= supµ(F) ; F fermé et F ⊂ A= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A, ∀A ∈BX , (4.2) aa3

µ(A)= supµ(F) ; F fermé et F ⊂ A= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A, ∀A ∈BX . (4.3) aa4

b) Si µ est σ-finie, alors

µ(A)= supµ(F) ; F fermé et F ⊂ A, ∀A ∈BX , (4.4) ab2

µ(A)= supµ(F) ; F fermé et F ⊂ A, ∀A ∈BX . (4.5) ab3

c) S’il existe une suite (Un) d’ouverts de X telle que X =∪Un et µ(Un) <∞, ∀n, alors nous avons(aa34.2)–(

aa44.3).

d) S’il existe une suite (Kn) de compacts telle que X =∪Kn et une suite (Un) d’ouverts de X telleque X =∪Un et µ(Un)<∞, ∀n, alors

µ(A)= supµ(K) ; K compact et K ⊂ A= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A, ∀A ∈BX , (4.6) aa5

µ(A)= supµ(K) ; K compact et K ⊂ A= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A, ∀A ∈BX . (4.7) aa6

aa7 Corollaire 4.1. Soit µ une mesure de Radon dans Rn, c’est-à-dire une mesure borélienne telleque µ(K)<∞ pour tout compact K ⊂Rn. Alors

µ(A)= supµ(K) ; K compact et K ⊂ A= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A, ∀A ∈BRn , (4.8) aa8

µ(A)= supµ(K) ; K compact et K ⊂ A= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A, ∀A ∈BRn . (4.9) aa9

Énoncé analogue si nous remplaçons Rn par un ouvert de Rn.

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34 CHAPITRE 4. MESURES

Démonstration du corollaire. Posons K j = B(0, j) et U j = B(0, j), ∀ j ∈ N∗. Alors ∪K j = ∪U j = Rn.Comme U j ⊂ K j, nous avons µ(U j)≤µ(K j)<∞. Nous concluons grâce au théorème

aa14.1 d).

ab21 Corollaire 4.2. Soient µ1,µ2 deux mesures de Radon dans Rn telles que µ1(K)= µ2(K) pour toutcompact K ⊂V . Alors µ1 =µ2.Énoncé analogue si nous remplaçons Rn par un ouvert de Rn.

Démonstration. Vérifier !

Démonstration du théorèmeaa14.1. a) Posons, pour A ⊂ X ,

µ f (A)= supµ(F) ; F fermé et F ⊂ A= supµ(F) ; F fermé et F ⊂ A,µo(A)= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A= infµ(U) ; U ouvert et U ⊃ A.

Nous avons (vérifier)

µ f (A)≤µ(A)≤µo(A), ∀A ∈BX et en particulier µ f (A)≤µ(A)≤µo(A),∀A ∈BX . (4.10) ab1

Nous devons montrer que (*) µ(A) = µ f (A) = µo(A), ∀A ∈ BX et en particulier (**) µ(A) =µ f (A)=µo(A), ∀A ∈BX . Il suffit en fait de montrer (**). En effet, admettons (**). Donné A ∈BX ,soient BA,CA ∈BX tels que BA ⊂ A ⊂ CA et µ(CA \ BA)= 0 (d’où µ(BA)=µ(CA)=µ(A)). Alors

µ(A)≥µ f (A)≥µ f (BA)=µ(BA)=µ(A),µ(A)≤µo(A)≤µo(CA)=µ(CA)=µ(A),

ce qui implique (*).

Soit U = A ∈ BX ; (*) est vraie. Pour établir (*), il suffit de montrer que U est une tribucontenant les fermés.Notons d’abord que, si A ∈BX , alors

µ f (Ac)=supµ(F); F fermé et F ⊂ Ac= supµ(U c); U ouvert et U c ⊂ Ac=supµ(U c); U ouvert et U ⊃ A= supµ(X )−µ(U); U ouvert et U ⊃ A=µ(X )− infµ(U); U ouvert et U ⊃ A=µ(X )−µo(A)

et de même µo(Ac)=µ(X )−µ f (A).Il s’ensuit que, si A ∈ U , alors µ f (Ac) = µ(X )−µ(A) = µ(Ac) et de même µo(Ac) = µ(Ac), d’oùAc ∈U .Soit maintenant une suite (An)n≥1 ⊂ U . Soit ε > 0. Comme An ∈ U , il existe un fermé Fn,ε et unouvert Un,ε avec

Fn,ε ⊂ An ⊂Un,ε, µ(Fn,ε)>µ(An)−ε/2n+1 et µ(Un,ε)<µ(An)+ε/2n+1,

ou encore µ(An \ Fn,ε) < ε/2n+1 et µ(Un,ε \ An) < ε/2n+1. Posons Uε = ∪Un,ε (qui est un ouvert) etFN,ε =∪N

n=1Fn,ε (qui est un fermé pour tout N). Nous avons

µo(∪An)≤µ(Uε)=µ(Uε\∪An)+µ(∪An)=µ(∪Un,ε\∪An)+µ(∪An)≤µ(∪(Un,ε\ An))+µ(∪An)≤∑

µ(Un,ε\ An)+µ(∪An)< ε+µ(∪An).

En faisant ε→ 0 dans cette inégalité et en utilisant (ab14.10), nous obtenons (***) µo(∪An)=µ(∪An).

De manière analogue au calcul précédent, nous avons µ((∪Nn=1An)\ FN,ε)< ε, ce qui implique

µ f (∪An)≥µ(FN,ε)=µ(∪Nn=1An)−µ((∪N

n=1An)\ FN,ε)>µ(∪Nn=1An)−ε, ∀N ∈N∗, ∀ε> 0.

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4.5. LA MESURE DE LEBESGUE 35

En faisant, dans ce qui précède, ε→ 0 et N →∞, nous obtenons, grâce au théorème de la suitecroissante, µ f (∪An) ≥ µ(∪An). En utilisant (

ab14.10), nous concluons à l’égalité (****) µ f (∪An) =

µ(∪An).De (***) et (****), nous déduisons que U est une tribu.

Pour compléter a), il reste à montrer que les fermés sont dans U . Soit F un fermé. Alorsµ f (F) ≥ µ(F), d’où µ f (F) = µ(F). Par ailleurs, soit (Un) la suite de l’exercice

aa24.12. Alors µo(F) ≤

µ(Un), d’où µo(F) ≤ limµ(Un) = µ(F) (car µ est finie, ce qui nous permet d’utiliser le théorème dela suite décroissante).

b) Comme expliqué au point précédent, il suffit de montrer que µ f (A) ≥ µ(A), ∀A ∈ BX . Soit(An) ⊂ BX avec ∪An = X et µ(An) <∞, ∀n. Quitte à remplacer An par Bn = A1 ∪ . . .∪ An, nouspouvons supposer que An X . Posons µn(A)=µ(A∩ An), ∀A ∈BX , ∀n. Alors µn est une mesurefinie (vérifier) et µn(A)µ(A), ∀A ∈BX (théorème de la suite croissante). Grâce au point a), nousavons

µ f (A)≥µ fn(A)=µn(A), ∀A ∈BX , ∀n ∈N∗.

En faisant n →∞, nous obtenons µ f (A)≥µ(A), comme désiré.

c) µ étant σ-finie, nous avons la conclusion du b). Il suffit donc de montrer que µo(A) ≤ µ(A),∀A ∈BX . Quitte à remplacer Un par Vn =U1∪. . .∪Un, nous pouvons supposer que Un X . Posonsµn(A)=µ(A∩Un), ∀n, qui est une mesure finie. Posons W1 =U1 et, pour n ≥ 2, Wn =Un \Un−1, desorte que les Wn sont d. d. d., X =∪Wn et Wn ⊂Un, ∀n.Soit A ∈BX . Soit An = A∩Wn. Les An sont d. d. d. et A =∪An. Par ailleurs, nous avons An ⊂Un,d’où µn(An)=µ(An). Il s’ensuit que µ(A)=∑

µn(An).Soit ε> 0. De a), il existe un ouvert Vn,ε tel que Vn,ε ⊃ An et µn(Vn,ε)<µn(An)+ε/2n+1. L’ensembleWn,ε =Vn,ε∩Un est un ouvert contenant An. Par ailleurs nous avons µn(Vn,ε)=µ(Wn,ε).Finalement, nous avons

µo(A)≤µ(∪Wn,ε)≤∑µ(Wn,ε)≤

∑(µn(An)+ε/2n+1)=µ(A)+ε,∀ε> 0.

Nous concluons en faisant ε→ 0 dans cette inégalité.

d) Soit µc(A) = supµ(K) ; K compact et K ⊂ A. Tenant compte du point c) et en raisonnantcomme pour les points précédents, il s’agit de montrer que µc(A)≥µ(A), ∀A ∈BX .Nous pouvons supposer Kn X . Soit d’abord F un fermé. Posons Ln = F ∩Kn, ∀n. Alors Ln estun compact et Ln F ; en particulier, µ(Ln) µ(F). Nous avons µc(F) ≥ µ(Ln), ∀n. En passant àla limite sur n, nous obtenons µc(F)≥µ(F), ∀F.

Soit maintenant A ∈BX . Si F est un fermé et F ⊂ A, alors µc(A)≥µc(F)≥µ(F). En prenant lesup sur F et en utilisant le point c), nous obtenons µc(A)≥µ f (A)=µ(A).

Remarque 4.2. Le schéma de la preuve du théorèmeaa14.1 a)–c) est typique pour les raisonne-

ments en théorie de la mesure. Le cœur de la preuve consiste à montrer les propriétés desmesures finies. Pour ce faire, il est commode d’utiliser le théorème de la classe mono-tone. Des hypothèses du type σ-finitude permettent par la suite de s’affranchir, à peu de frais, del’hypothèse de finitude de la mesure.

4.5 La mesure de Lebesgueab8

Rappelons qu’un pavé de Rn est un ensemble de la forme P = I1 × I2 × . . .× In, avec chaque I jintervalle.

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36 CHAPITRE 4. MESURES

De manière intuitive, si P est un pavé on définit la mesure (« volume ») m(P) de P comme leproduit des longueurs des I j (avec la convention 0 ·∞= 0).

theleb Théorème 4.2 (existence et propriétés de la mesure de Lebesgue). Dans Rn, il existe uneunique mesure borélienne νn telle que, pour chaque pavé P, on ait νn(P)= m(P).

Cette mesure est la mesure de Lebesgue sur les boréliens de Rn.

De plus, cette mesure a les propriétés suivantes :a) νn est donnée, pour tout borélien A, par la formule νn(A)= inf

∑j≥0 m(P j) ; A ⊂∪ j≥0P j

;

b) Si R est une isométrie de Rn (=transformation qui préserve la distance euclidienne entre deuxpoints de Rn), alors, pour A ∈BRn , on a νn(R A)= νn(A) ;c) Si A ∈BRn et B ∈BRm , alors νn+m(A×B)= νn(A) ·νm(B).

ef1 Exercice 4.13. Soit U un ouvert non vide de Rn.a) Montrer que νn(U)> 0.b) Soient f , g : U →R deux fonctions continues telles que f = g νn-p. p. Montrer que f = g.

d4.7 Définition 4.7. La complétée de νn est la mesure de Lebesgue dans Rn, notée λn, et la tribucomplétée de BRn par rapport à νn est la tribu de Lebesgue dans Rn, notée Ln.

Le chapitre suivant est consacré à la construction des mesures, en particulier celle de Le-besgue. Nous y établirons aussi quelques unes de ces propriétés ; d’autres propriétés seront ob-tenues dans le chapitre

ab99. Nous nous contentons ici de montrer quelques propriétés simples de

νn.

ac2 Proposition 4.7. a) νn est σ-finie.b) νn est une mesure de Radon.c) νn est unique.d) νn est invariante par translations, c’est-à-dire νn(x+ A)= νn(A), ∀A ∈BRn , ∀x ∈Rn.e) ν1 est donnée par la formule

ν1(A)= inf∑

(b j −a j) ; A ⊂∪]a j,b j[, ∀A ∈BR. (4.11) ac3

Démonstration. a) Nous avons Rn =∪∞j=1[− j, j]n, et νn([− j, j]n)= (2 j)n <∞.

b) Si K est un compact de Rn, alors il existe M > 0 tel que ‖x‖∞ ≤ M, ∀x ∈ K ; d’où K ⊂[−M, M]n. Il s’ensuit que νn(K)≤ νn([−M, M]n)= (2M)n <∞.

c) Soit Cn l’ensemble des unions finies de pavés de Rn. Alors Cn est un clan et, de plus, toutélément de Cn s’écrit comme une union d. d. d. de pavés de Rn (exercice

ac11.7). Si µ est une mesure

borélienne telle que µ(P)= m(P) pour tout pavé, alors, de ce qui précède, µ= νn sur Cn.Nous avons clairement Cn ⊂BRn . Par ailleurs, Cn contient les pavés ouverts, qui engendrent BRn

(propositionainf2.7 c)). Il s’ensuit que T (Cn)⊃BRn , d’où T (Cn)=BRn .

La mesure νn étant σ-finie, nous obtenons de ce qui précède et de la propositionunicite4.6 que µ= νn, et

donc que νn est unique.

d) Notons d’abord que A ⊂Rn est borélien ssi x+ A l’est ; ceci s’obtient de l’exerciceex2.82.8 appli-

qué à l’homéomorphisme Φ :Rn →Rn, Φ(y)= x+ y.Posons µ(A) = νn(x+ A), ∀A ∈BRn . Alors µ est une mesure borélienne (vérifier) et µ(P) = νn(P)pour tout pavé. Nous concluons comme au point c).

e) « ≤ » Si A ∈BR et A ⊂∪]a j,b j[, alors

ν1(A)≤ ν1(∪]a j,b j[)≤∑ν1(]a j,b j[)=

∑m(]a j,b j[)=

∑(b j −a j),

d’où « ≤ » dans (ac34.11).

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4.6. POUR ALLER PLUS LOIN 37

« ≥ » Soit ` le membre de droite de (ac34.11). Soit U un ouvert de R. Alors U est une union a. p.

d. d’intervalles ouverts d. d. d. ]a j,b j[ (exerciceex2.72.7). Nous avons alors ν1(U) = ∑

(b j −a j). Si, deplus, U ⊃ A, nous déduisons de ce qui précède que ν1(U) ≥ `. En utilisant ce fait et le corollaireaa74.1, nous obtenons

ν1(A)= inf ν1(U) ; U ouvert et U ⊃ A≥ `.

ex4.11 Exercice 4.14. a) λn est σ-finie.b) λn est l’unique mesure sur Ln telle que λn(P)= m(P) pour tout pavé de Rn.c) λ1 est donnée par la formule

λ1(A)= inf∑

(b j −a j) ; A ⊂∪]a j,b j[, ∀A ∈BR.

ex4.12 Exercice 4.15 (Exemple d’ensemble non borélien). Définissons, pour x, y ∈ [0,1], la relationx ∼ y ssi x− y ∈Q.a) Montrer que ∼ est une relation d’équivalence.Nous pouvons donc écrire [0,1] comme l’union de classes d’équivalence Ci, qui sont d. d. d. :[0,1]=ti∈ICi.Prenons, pour chaque i, un élément et un seul xi ∈ Ci et définissons A = xi ; i ∈ I.Posons Aq = q+ A, ∀q ∈Q∩ [−1,1].b) Montrer que Aq ∩ Ar =; si q 6= r.c) Montrer que [0,1]⊂∪q∈Q∩[−1,1]Aq ⊂ [−1,2].d) En supposant A Lebesgue mesurable, calculer λ1(Aq) en fonction de λ1(A).e) En déduire que 1≤∞·λ1(A)≤ 3.f) Conclusion : A n’est pas Lebesgue mesurable. En particulier, A n’est pas borélien.g) On ne peut pas bien mesurer toutes les parties de R. Si µ : P(R)→ [0,∞] est une mesureinvariante par translations, alors soit µ= 0, soit µ(I)=∞ pour tout intervalle non dégénéré I ⊂R.

4.6 Pour aller plus loin

4.6.1 Mesures invariantes par isométries

Il s’ensuit de l’exercice précédent qu’il n’est pas possible de construire sur P(R) une mesureµ invariante par translations telle que la mesure de chaque intervalle non dégénéré et bornésoit un nombre dans ]0,∞[. De même, il n’est pas possible de construire sur P(Rn) une mesureinvariante par isométries telle que la mesure de chaque ouvert non vide et borné soit un nombredans ]0,∞[. Pour pouvoir espérer obtenir cette propriété, il faut donc exiger moins de µ. Lesexigences minimales sont :(*) µ : A ⊂Rn ; A borné→ [0,∞[.(**) µ(A∪B)=µ(A)+µ(B) si A∩B =;, ∀A,B bornés.(***) µ(R(A))=µ(A), ∀A borné, ∀R isométrie.(****) Il existe un A borné tel que µ(A)> 0.

Nous avons les résultats suivants.

ad1 Théorème 4.3. a) (Banachbanach[2]) Pour n = 1, n = 2, il existe une fonction µ satisfaisant (*) – (****).

b) (Hausdorffhausdorff[12]) Pour n ≥ 3, il n’existe pas un tel µ.

La partie b) de ce théorème est devenue célèbre grâce au résultat suivant, hautement contre-intuitif, qui implique le théorème

ad14.3.

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38 CHAPITRE 4. MESURES

ad2 Théorème 4.4 (paradoxe de Banach-Tarskibanach_tarski[1]). Soit B une boule dans Rn, avec n ≥ 3. Soit C

une translatée de B telle que B∩C =;. Alors il existe k ∈N∗, une partition B = B1 t . . .tBk de Bet des isometries R1, . . . ,Rk de Rn telles que : R1(B1)t . . .tRk(Bk)= B∪C.

Démonstration de « théorèmead24.4=⇒théorème

ad14.3 b) ». Soit n ≥ 3. Supposons, par l’absurde, l’exis-

tence de µ satisfaisant (*) – (****). Notons que si µ satisfait (*) – (**), alors µ(A1 ∪ . . .∪ Am) ≤∑µ(A j), avec égalité si les ensembles bornés A j sont d. d. d. (vérifier). Soit A ⊂ Rn tel que

0 < µ(A) < ∞ et soit B une boule contenant A. Soit C une translatée de B telle que B∩C = ;.Avec les notations du paradoxe, nous avons

0< 2µ(A)≤2µ(B)=µ(B)+µ(C)=µ(B∪C)=µ(tR j(B j))=∑µ(R j(B j))=

∑µ(B j)

=µ(tB j)=µ(B)<∞,

ce qui est impossible.

4.6.2 Convergences d’une suite de fonctions

Nous discutons ici, sans donner les démonstrations, les relations entre convergence simple,convergence uniforme et convergence « en mesure » d’une suite de fonctions. Sur ce sujet, unebonne référence est Halmos

halmos[11, Section 22].

Le cadre est celui des fonctions mesurables fn, f : X →R, avec (X ,T ,µ) un espace mesuré.†

Définition 4.8. a) fn → f en mesure si pour tout ε> 0 nous avons

limn→∞µ(x ∈ X ; | fn(x)− f (x)| ≥ ε)= 0.

b) La suite ( fn) est de Cauchy en mesure si pour tout ε> 0 nous avons

limm,n→∞µ(x ∈ X ; | fn(x)− fm(x)| ≥ ε)= 0.

Définition 4.9. a) fn → f presque uniformément si pour tout ε > 0 il existe un ensembleA = Aε ∈T tel que µ(A)< ε et fn → f uniformément sur X \ A.b) La suite ( fn) est de Cauchy presque uniforme si pour tout ε > 0 il existe un ensembleA = Aε ∈T tel que µ(A)< ε et

limm,n→∞sup(| fn(x)− fm(x)| ; x ∈ X \ A= 0.

Théorème 4.5 (théorème d’Egoroff). Soit µ finie.a) Si fn → f p. p., alors fn → f presque uniformément.b) En particulier, si fn → f p. p., alors ( fn) est de Cauchy presque uniforme.

Proposition 4.8. Soit µ finie.a) Si fn → f presque uniformément, alors fn → f p. p.b) Si ( fn) est une suite de Cauchy presque uniforme, alors il existe f telle que fn → f p. p. etpresque uniformément.

Proposition 4.9. Soit µ finie.a) Si fn → f presque uniformément, alors fn → f en mesure.b) Réciproquement, si fn → f en mesure, alors il existe une sous-suite ( fnk ) telle que fnk → f p.p. et presque uniformément.

†. Pour simplifier les énoncés, nous supposons que les fonctions sont finies en tout point.

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4.6. POUR ALLER PLUS LOIN 39

Dans l’esprit du théorème d’Egoroff, qui affirme que la convergence simple est « presqu’équi-valente » à la convergence uniforme pour les mesures finies, notons la « presqu’équivalence » entremesurabilité et continuité dans le cas des mesures boréliennes finies.

Proposition 4.10. Soit µ une mesure borélienne finie sur l’espace métrique X .a) Soit f : X →R une fonction borélienne. Alors pour tout ε> 0 il existe un borélien A = Aε tel queµ(A)< ε, avec f continue sur X \ A.b) Soit f : X → R telle que pour tout ε > 0 il existe un borélien A = Aε tel que µ(A) < ε, avec fcontinue sur X \ A. Alors il existe une fonction borélienne g : X →R telle que f = g p. p.

Démonstration. a) Le schéma est de montrer la propriété d’abord pour f fonction caractéristique,puis pour f étagée, ensuite pour f borélienne bornée et enfin pour f borélienne quelconque.†

Soient B ∈T , f = χB et ε> 0. Comme µ(X )<∞, il existe F fermé, U ouvert tels que F ⊂ B ⊂Uet µ(U \ F) < ε (théorème

aa14.1). Posons A = U \ F. Alors µ(A) < ε et χB est continue sur X \ A =

F ∪ (X \U) (vérifier).Soit f étagée, f =∑

b jχB j . Soit A j ∈T avec µ(A j)< ε/2 j+1 et χB j continue sur X \ A j. Si A =∪A j,alors µ(A)< ε et f est continue sur X \ A (vérifier).Soit f borélienne bornée. Soit ( f j) une suite de fonctions étagées telle que f j → f uniformément.‡

Soit A j ∈T avec µ(A j) < ε/2 j+1 et f j continue sur X \ A j. Si A =∪A j, alors µ(A) < ε et chaque f jest continue sur X \ A. Par convergence uniforme, f est continue sur X \ A.Enfin, soit f : X →R borélienne. Soit g = arctan f : X →]−π/2,π/2[. Alors g est borélienne bornée.Soit A ∈T tel que µ(A)< ε, avec g continue sur X \ A. Comme f = tan g, f est continue sur X \ A.

b) Soit A j tel que µ(A j) < 1/( j + 1), avec f continue sur X \ A j. Posons A = ∩A j, g(x) =f (x), si x 6∈ A0, si x ∈ A

.

Alors A est borélien et µ(A)= 0 (vérifier), d’où f = g p. p. Comme B\ A =∪(B\ A j), nous avons,pour tout B ∈BR,

g−1(B)=∪ f −1(B \ A j), si 0 6∈ BA∪ (∪ f −1(B \ A j)), si 0 ∈ B

.

Dans les deux cas, nous avons g−1(B) ∈BX (vérifier), et donc g est borélienne.

†. Sans le nommer, nous faisons un raisonnement par classes monotones, version fonctions au lieu d’ensembles.Pour l’analogue du théorème de la classe monotone dans ce contexte, voir par exemple Barbe et Ledoux

b_l[3, Théorème

I.3.5].‡. Pour justifier l’existence de la suite ( f j), il faut examiner la preuve du théorème

char3.1.

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Chapitre 5

Constructions de mesures

ab5

5.1 Construction de la mesure de Lebesgue

Nous cherchons à montrer l’existence de la mesure νn comme dans le théorèmetheleb4.2. (Rappe-

lons que son unicité est acquise, voir propositionac24.7 c).) Comme nous l’avons remarqué, il est

commode de travailler dans un premier temps avec des mesures finies, puis de s’affranchir de lafinitude. Nous allons donc construire la mesure de Lebesgue d’abord sur un pavé borné P. Plusspécifiquement :1. Nous allons construire la mesure de Lebesgue sur ]0,1[n. La construction sera analogue surtoute autre pavé.2. La mesure de Lebesgue sur les pavés permet de construire la mesure de Lebesgue sur Rn.

Il est commode – mais pas indispensable – d’utiliser des propriétés élémentaires de l’intégralede Riemann lors de l’étape 1. Afin de ne pas perdre en chemin le lecteur qui connaît l’intégralede Riemann dans R, mais pas dans Rn avec n ≥ 2, nous allons prendre uniquement n = 1 dans cequi suit. Une fois construite la mesure de Lebesgue dans R, son existence dans Rn est démontréedans le chapitre

chap88. Il est néanmoins possible de se passer de la technologie développée dans le

chapitrechap88 et de montrer l’existence de µn en adaptant aux dimensions ≥ 2 les preuves présentées

dans cette section en dimension un (voir par exemple Stein et Shakarchistein_shakarchi[17, Chapitre 1]).

5.1.1 Construction de la mesure de Lebesgue sur ]0,1[

Posons, pout tout intervalle I d’extrémités a ≤ b, m(I)= b−a. Nous avons vu (propositionac24.7,

exerciceex4.114.14) que, si la mesure de Lebesgue λ1 existe, alors elle est donnée par la formule

λ1(A)= inf∑

m(I j) ; I j intervalle ouvert, ∀ j, A ⊂∪ j I j, ∀A ∈BR.

Posons

m∗(A)= inf∑

m(I j) ; I j intervalle ouvert, ∀ j, A ⊂∪ j I j, ∀A ⊂]0,1[. (5.1) ae1

Nous devons montrer que m∗ = λ1 sur la tribu de Lebesgue (de ]0,1[). Mais il se trouve quel’existence de cette tribu repose sur l’existence de la mesure de Lebesgue, dont l’existence n’est pasencore acquise ! L’idée suivante, due à Lebesgue, permet d’identifier les candidats aux membresde la tribu. Si m∗ = ν1 = m sur les intervalles et si A est Lebesgue mesurable, alors Ac =]0,1[\Al’est aussi, d’où m∗(A)+m∗(Ac)= m∗(]0,1[)= m(]0,1[)= 1. Posons alors

T = A ⊂]0,1[; m∗(A)+m∗(Ac)= 1. (5.2) ae3

Nous avons alors le résultat suivant.

41

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42 CHAPITRE 5. CONSTRUCTIONS DE MESURES

ae4 Théorème 5.1 (Lebesgue). a) T est une tribu.b) T contient B]0,1[.c) La restriction de m∗ à T est une mesure.d) m∗(I)= m(I) pour tout intervalle I ⊂]0,1[.e) T est la complétée de B]0,1[ par rapport à m∗ (ou plus précisément par rapport à la restrictionde m∗ à B]0,1[).

Nous admettons pour l’instant ce théorème.

5.1.2 Construction de la mesure de Lebesgue sur R

Soit µ j la mesure borélienne qui vérifie l’analogue du théorèmeae45.1 sur ]− j, j[, j ∈N∗. Posons

ξ j(A)=µ j(A∩]− j, j[), ∀ j, ∀A ∈BR. Alors ξ j est une mesure borélienne (vérifier).

Par unicité de la mesure de Lebesgue sur ]− j, j[, nous avons µ j+1(A) = µ j(A), ∀A ∈B]− j, j[. Ils’ensuit que

ξ j+1(A)=µ j+1(A∩]− j−1, j+1[)≥µ j+1(A∩]− j, j[)=µ j(A∩]− j, j[)= ξ j(A), ∀A ∈BR.

Ainsi, nous pouvons définir

µ(A)= limξ j(A)= limµ j(A∩]− j, j[), ∀A ∈BR,

qui est une mesure (exerciceae74.4).

ae5 Proposition 5.1. µ est la mesure de Lebesgue ν1 sur BR.

Démonstration. Il suffit de montrer que µ(I) = m(I) pour tout intervalle I. Si I est borné, alorsI ⊂]− j, j[ pour j suffisamment grand, et donc ξ j(I) = µ j(I) = m(I) pour un tel j ; d’où µ(I) = m(I).Si I est non borné, alors µ(I) ≥ µ(J) = m(J) pour tout J borné avec J ⊂ I. En prenant le sup surtous ces J, nous obtenons µ(I)=∞= m(I).

À partir de ν1, nous obtenons la tribu complétée L1 et la mesure complétée λ1. Le lien avecles µ j est le suivant.

ae8 Exercice 5.1. Soit T j la tribu sur ]− j, j[ correspondant à µ j comme dans le théorèmeae45.1. Soit

A ⊂R. Alors A ∈L1 ⇐⇒ A∩]− j, j[∈T j, ∀ j ≥ 1.

5.1.3 Construction de la mesure de Lebesgue sur Rn

La mesure de Lebesgue ν1 est σ-finie et satisfait ν1(I) = m(I) pour tout intervalle I. Il existealors une et une seule mesure borélienne νn sur Rn telle que ν(I1 × ·· · × In) = m(I1) . . .m(In),∀ I1, . . . , In intervalles dans R (voir chapitre

chap88).

5.1.4 Démonstration du théorèmeae45.1

ae6

Nous allons travailler ici uniquement avec des parties de ]0,1[. Les notions de fermé et com-plémentaire s’entendent par rapport à ]0,1[.

Notons que, si A ⊂ ∪ j I j, alors A ⊂ ∪ j(I j∩]0,1[). Par ailleurs, nous avons∑

m(I j∩]0,1[) ≤∑m(I j). Il s’ensuit que, dans (

ae15.1), il suffit de considérer des intervalles I j ⊂]0,1[ (justifier).

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5.1. CONSTRUCTION DE LA MESURE DE LEBESGUE 43

af1 Lemme 5.1. a) m∗(;)= 0.b) m∗ est monotone, c’est-à-dire m∗(A)≤ m∗(B), ∀A ⊂ B.c) m∗(∪A j)≤∑

m∗(A j), pour toute suite (A j)⊂]0,1[.d) m∗(A)≤ 1, ∀A.

Démonstration. a), b), d) sont claires (vérifier). Prouvons c). Soit ε> 0. Pour chaque j ≥ 1, il existeune suite d’intervalles ouverts (I j

k)k avec A j ⊂ ∪kI jk et

∑k m(I j

k) < m∗(A j)+ ε/2 j+1. La famille(I j

k) j,k est dénombrable (propositionapd1.2). Si nous la listons sous la forme (Ln), alors pour toute

somme finie nous avons∑N

n=1 m(Ln) ≤ ∑j(m∗(A j)+ε/2 j+1), d’où

∑m(Ln) ≤ ∑

j m∗(A j)+ε. Comme∪A j ⊂∪Ln, nous obtenons m∗(∪A j)≤∑

m∗(A j)+ε. Nous concluons en faisant ε→ 0.

af7 Lemme 5.2. m∗(A)= infm∗(U) ; U ouvert et A ⊂U.

Démonstration. « ≤ » est clair, car m∗(A) ≤ m∗(U) pour tout U comme ci-dessus. Pour l’inégalitécontraire, soit ε> 0 et soient I j ouverts avec A ⊂∪I j et

∑m(I j)< m∗(A)+ε. Soit U =∪I j. Alors U

est ouvert, A ⊂U et (du point c) du lemme précédent) m∗(U)= m∗(∪I j)≤∑m(I j)< m∗(A)+ε.

Le premier résultat clé dans la preuve du théorèmeae45.1 est le suivant.

af2 Lemme 5.3. Si (Lk) est une famille a. p. d. d’intervalles d. d. d., alors m∗(tLk)=∑m(Lk).

En particulier, si I ⊂]0,1[ est un intervalle, alors m∗(I)= m(I).

Démonstration. Quitte à rajouter de intervalles vides, nous pouvons supposer qu’il y a une infinité(dénombrable) d’intervalles, indexés (Lk)k≥1.

Pour chaque intervalle borné L et chaque ε > 0, il existe un intervalle ouvert J avec L ⊂ Jet m(J) < m(L)+ ε (vérifier). Considérons, pour chaque k, un intervalle ouvert Ik tel que Lk ⊂Ik et m(Ik) < m(Lk)+ ε/2k+1. Alors ∪Lk ⊂ ∪Ik et

∑m(Ik) ≤ ∑

m(Lk)+ ε, d’où (en faisant ε→ 0)m∗(tLk)≤∑

m(Lk).

Concernant l’inégalité opposée, il suffit de la montrer pour un nombre fini d’intervalles com-pacts dans ]0,1[. En effet, supposons cette inégalité établie pour les unions finies d’intervallescompacts. Pour chaque intervalle borné L et chaque ε > 0, il existe un intervalle compact Cavec L ⊃ C et m(C) > m(L)−ε (vérifier). Considérons, pour tout k, un intervalle compact Ck avecLk ⊃ Ck et m(Ck)> m(Lk)−ε/2k+1.Pour tout n fini, nous avons alors (grâce à l’inégalité opposée, vraie pour les Ck)

m∗(tLk)≥ m∗(tnk=1Ck)≥

n∑k=1

m(Ck)>n∑

k=1m(Lk)−ε.

En faisant n →∞ et ε→ 0, nous obtenons « ≥ ».

Nous avons donc réduit le lemme à l’inégalité suivante : si C1, . . . ,Cn sont des intervallescompacts d. d. d., alors (*) m∗(tCk) ≥ ∑

m(Ck). Soit C = C1 t . . .tCn. Soient I j, j ≥ 1, intervallesouverts avec C ⊂∪I j. Pour obtenir (*), il suffit de montrer (**)

∑m(Ck)≤∑

m(I j) (justifier).

C étant compact, il existe N tel que C ⊂ ∪Nj=1I j. Il s’ensuit que (***)

∑nk=1χCk = χC ≤ ∑n

j=1χI j

(exerciceaf310.6).

Notons que pour tout intervalle I ⊂]0,1[ la fonction caractéristique χI est continue par mor-ceaux sur R, donc intégrable Riemann sur [0,1]. Par ailleurs, nous avons (****)

∫ 10 χI(x)dx = m(I).

En utilisant (***), (****) et les propriétés de l’intégrale de Riemann, nous obtenons

n∑k=1

m(Ck)=n∑

k=1

∫ 1

0χCk (x)dx =

∫ 1

0χC(x)dx ≤

n∑j=1

∫ 1

0χI j (x)dx =

n∑j=1

m(I j)≤∑j≥1

m(I j),

d’où (**) et la conclusion du lemme.

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44 CHAPITRE 5. CONSTRUCTIONS DE MESURES

Notons deux conséquences immédiates du lemme.1. Comme un ouvert U s’écrit comme une union a. p. d. d’intervalles ouverts d. d. d. Lk, nousavons m∗(U)=∑

m(Lk).2. Cas particuliers : m∗(;)= 0 et m∗(]0,1[)= 1.

af4 Lemme 5.4. Soient Un,U des ouverts avec Un U . Alors m∗(Un) m∗(U).

Démonstration. Nous avons clairement m∗(Un) et m∗(Un)≤ m∗(U) (vérifier), d’où limn m∗(Un)≤m∗(U).

Pour l’inégalité opposée, soit ε > 0. Écrivons U = tI j, avec∑

m(I j) = m∗(U) < ∞. Il existeN tel que

∑j>N m(I j) < ε/2. Il existe aussi des intervalles compacts C j ⊂ I j, j = 1, . . . , N, avec∑

m(C j)>∑m(I j)−ε/2 (vérifier).

Soit C = tNj=1C j, qui est compact. Comme Un U ⊃ C, il existe n0 avec C ⊂ Un0 (justifier). Il

s’ensuit que

limn

m∗(Un)≥ m∗(Un0)≥ m∗(C)=∑m(C j)>

N∑j=1

m(I j)−ε/2> ∑j≥1

Un −ε= m∗(U)−ε.

af5 Lemme 5.5. Soient U ,V des ouverts. Alors m∗(U ∪V )+m∗(U ∩V )= m∗(U)+m∗(V ).

Démonstration. Quitte à rajouter des intervalles vides, nous pouvons écrire U = t j≥1I j et V =t j≥1L j, avec I j, L j intervalles ouverts.Posons Un = tn

j=1I j, Vn = tnj=1L j. Alors Un U ; propriétés analogues de Vn, Un ∪Vn et Un ∩Vn

(vérifier).Un, Vn, Un ∪Vn et Un ∩Vn étant des unions finies et d. d. d. d’intervalles, il s’ensuit que l’égalitém∗(A) = ∫ 1

0 χA(x)dx est vraie pour chacun de ces ensembles (justifier, à l’aide du lemmeaf25.3). En

combinant ce fait avec l’identité χUn∪Vn +χUn∩Vn = χUn +χVn (exerciceaf2110.5), nous obtenons que

m∗(Un ∪Vn)+ m∗(Un ∩Vn) = m∗(Un)+ m∗(Vn). Nous concluons grâce au lemmeaf45.4, en faisant

n →∞ dans l’égalité précédente.

Posons, conformément à la discussion heuristique du début du chapitre,

T = A ⊂]0,1[; m∗(A)+m∗(Ac)= 1.

Notons que 1= m∗(]0,1[)= m∗(A∪ Ac)≤ m∗(A)+m∗(Ac) (lemmeaf15.1 c)), et donc nous avons

T = A ⊂]0,1[; m∗(A)+m∗(Ac)≤ 1.

af9 Lemme 5.6. Si U est un ouvert, alors U ∈T .

Démonstration. Supposons d’abord que U =tnj=1I j, avec I j intervalles ouverts. Alors U c est une

union finie d’intervalles, et donc m∗(U c)= ∫ 10 χU c (x)dx ; de même pour U . Il s’ensuit que

m∗(U)+m∗(U c)=∫ 1

0χU (x)dx+

∫ 1

0χU c (x)dx =

∫ 1

01dx = 1.

Soit maintenant U =t j≥1I j. Posons Un =tnj=1I j. De ce qui précède, m∗(U)= limm∗(Un)= lim(1−

m∗((Un)c))≤ 1−m∗(U c). Il s’ensuit que m∗(U)+m∗(U c)≤ 1, d’où U ∈T .

Le deuxième résultat clé est le suivant.

af6 Lemme 5.7. Les propriétés suivantes sont équivalentes.1. A ∈T .2. Pour tout ε> 0, il existe un ouvert U tel que m∗(A∆U)< ε.

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5.2. POUR ALLER PLUS LOIN 45

Démonstration. « 1 =⇒ 2 » Soient V , W des ouverts tels que A ⊂ V , Ac ⊂W , m∗(V ) < m∗(A)+ε/2,m∗(W)< m∗(Ac)+ε/2. Alors V ∪W =]0,1[ (vérifier), et donc (lemme

af55.5)

m∗(V ∩W)= m∗(V )+m∗(W)−m∗(V ∪W)= m∗(V )+m∗(W)−1< m∗(A)+m∗(Ac)+ε−1= ε.

Prenons U =V . Alors A∆U =V \ A =V ∩ Ac ⊂V ∩W , d’où m∗(A∆U)≤ m∗(V ∩W)< ε.« 2 =⇒ 1 » Nous avons A ⊂ U ∪ (A∆U) (exercice

af1010.7), d’où (lemme

af15.1 c)) m∗(A) ≤ m∗(U)+ ε.

De même, Ac ⊂U c ∪ (Ac∆U c) =U c ∪ (A∆U) (exercicead510.9 a)), d’où m∗(A) ≤ m∗(U c)+ε. Grâce au

lemmeaf95.6, il s’ensuit que m∗(A)+m∗(Ac) ≤ m∗(U)+m∗(U c)+2ε= 1+2ε. En faisant ε→ 0, nous

obtenons A ∈T .

Démonstration du théorèmeae45.1. Par définition de T , si A ∈T alors Ac ∈T .

Par ailleurs, m∗(;)= 0 et m∗(]0,1[)= 1, d’où ;∈T .

Soit maintenant une suite (An)n≥1 ⊂T . Pour chaque n, soit Un un ouvert tel que m∗(An∆Un)<ε/2n+1 (lemme

af65.7). Posons U = ∪Un, qui est un ouvert. Nous avons (∪An)∆(∪Un) ⊂ ∪(An∆Un)

(exercicead510.9 c)), d’où (lemme

af15.1 c)) m∗((∪An)∆U) ≤ ∑

m∗(An∆Un) < ε. Le lemmeaf65.7 donne

∪An ∈T .

T est donc une tribu. Cette tribu contient les ouverts (lemmeaf95.6), donc la tribu borélienne.

Soit A un ensemble négligeable par rapport à m∗ sur T . Il existe donc un B ∈T tel que A ⊂ Bet m∗(B)= 0. Pour tout ε> 0, il existe U ouvert tel que B ⊂U et m∗(U)< ε (lemme

af75.2). Il s’ensuit

que m∗(A∆U) = m∗(U \ A) ≤ m∗(U) < ε. Grâce au lemmeaf65.7, nous déduisons que A ∈ T . m∗ est

donc complète.

Enfin, montrons que T est la complétée de B]0,1[ par rapport à la mesure de Lebesgue surB]0,1[ (donc de m∗ sur B]0,1[). Notons B]0,1[ cette complétée. De ce qui précède, B]0,1[ ⊂T (justi-fier, en utilisant B]0,1[ ⊂ T et la complétude de m∗). Inversement, soit A ∈ T . Du lemme

af75.2, il

existe une suite (Un)n≥0 d’ouverts telle que A ⊂ Un, ∀n, et m∗(Un) → m∗(A). De même, il existeune suite (Vn)n≥0 d’ouverts tells que Ac ⊂Vn, ∀n, et m∗(Vn)→ m∗(Ac). Nous avons alors (Vn)c ⊂ A,∀n, et m∗((Vn)c)→ m∗(A) (justifier). Posons B =∪n(Vn)c, C =∩nUn. Alors (justifier), B,C ∈B]0,1[,B ⊂ A ⊂ C et m∗(B) = m∗(A) = m∗(C). Il s’ensuit (propositions

pr4.34.3 et

pr4.44.4) que A ∈ B]0,1[ et que

m∗(A) est la mesure de Lebesgue de A.

5.2 Pour aller plus loin

5.2.1 Mesures de Stieltjes

Soit F :R→R, F(x)= x, ∀x ∈R. Alors la mesure de Lebesgue sur les boréliens de R est l’uniquemesure borélienne µ telle que µ(]a,b[)= F(b)−F(a) pour tout intervalle ouvert borné ]a,b[.

Soit A ∈T . Soit (Un)n≥1 une suite d’ouverts telle que m∗(A∆Un)< 2−n, ∀n (lemmeaf65.7). Nous

avons don

Considérons plus généralement une fonction croissante F : R → R. Rappelons que F a deslimites latérales F(x+) et F(x−) en tout point. Nous avons la généralisation suivante de la mesurede Lebesgue.

ag1 Théorème 5.2. Soit F : R→ R une fonction croissante. Alors il existe une unique mesure boré-lienne µ sur BR telle que µ(]a,b[)= F(b−)−F(a+) pour tout intervalle ouvert borné ]a,b[.

Définition 5.1. La mesure µ du théorèmeag15.2 est la mesure de Stieltjes associée à F.

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46 CHAPITRE 5. CONSTRUCTIONS DE MESURES

Si F est dérivable avec F ′ Riemann intégrable sur tout intervalle borné (par exemple si F ∈ C1),alors nous pouvons obtenir ce résultat en copiant la preuve du théorème

ae45.1. En général, F n’est

pas dérivable ; elle peut par exemple être discontinue. Dans ce cas, il est encore possible de suivrela preuve du théorème

ae45.1, mais il faut éviter l’utilisation de l’intégrale de Riemann dans les

preuves des lemmesaf15.1,

af55.5 et

af95.6 ; voir Bogachev

bogachev[4, section 1.8]. Comme nous l’avons noté,

l’utilisation de l’intégrale de Riemann dans la preuve est commode, mais pas indispensable.

5.2.2 La construction de Carathéodory

Commençons par une définition liée au lemmeaf15.1.

Définition 5.2. Une fonction m∗ : P(X )→ [0,∞] telle que :i) m∗(;)= 0.ii) m∗(A)≤ m∗(B) si A ⊂ B.iii) m∗(∪A j)≤∑

m∗(A j), pour toute suite (A j)⊂ X ,est une mesure extérieure sur X .

Dans l’esprit de la construction de la mesure de Lebesgue, une façon simple de construire demesures extérieures est la suivante.

Proposition 5.2. Soit A une famille de parties de X telle que :i) Il existe une suite (Xn)⊂A avec ∪Xn = X .ii) ;∈A .

Soit m : A → [0,∞] telle que m(;)= 0. Posons

m∗(A)= inf∑

m(A j) ; A j ∈A , ∀ j et A ⊂∪A j,.

Alors m∗ est une mesure extérieure.

En poursuivant l’analogie avec la mesure de Lebesgue, il est tentant de considérer la classe

T = A ⊂ X ; m∗(A)+m∗(Ac)= m∗(X )

et de montrer que m∗ restreinte à T est une mesure. Cette approche marche uniquement sim∗(X ) <∞. La clé pour s’attaquer au cas général est indiquée par le résultat suivant (avec m∗

comme dans la construction de la mesure de Lebesgue).

Lemme 5.8. Soit A ⊂]0,1[. Alors A est Lebesgue mesurable ssi m∗(A∩E)+m∗(Ac ∩E)= m∗(E),pour tout E ⊂]0,1[.

Par analogie, posons, pour X et m∗ généraux,

T = A ⊂ X ; m∗(A∩E)+m∗(Ac ∩E)= m∗(E) pour tout E ⊂ X . (5.3) ag2

Nous avons alors le résultat suivant.

ag3 Théorème 5.3 (Carathéodory). Soient m∗ une mesure extérieure sur X et T comme dans (ag25.3).

Alorsa) T est une tribu.b) m∗ restreinte à T est une mesure complète.

L’inconvénient de ce résultat abstrait est qu’il ne donne aucun renseignement sur T ; parconséquent, il ne permet pas de décider si un ensemble concret est mesurable. Considérons le casparticulier où X est un espace métrique. Rappelons que dans ce cas les ensembles « usuels » sontboréliens. Il est donc intéressant de décider si T contient les boréliens. Dans ce contexte, nousavons le complément suivant du théorème précédent.

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5.2. POUR ALLER PLUS LOIN 47

ag30 Théorème 5.4 (Carathéodory). Soient m∗ et T comme dans le théorème précédent. Si X estun espace métrique et si m∗ a la propriété

m∗(A∪B)= m∗(A)+m∗(B), ∀A,B ⊂ X tels que dist(A,B)> 0, (5.4) ag4

alors T contient les boréliens de X .

Pour les résultats dans cette section, voir par exemple Halmoshalmos[11, chapitre III], Evans et

Gariepyevansgariepy[7, chapitre 1], Bogachev

bogachev[4, section 1.11].

5.2.3 Les mesures de Hausdorff

Une conséquence importante de la méthode de la Carathéodory est l’existence des mesures deHausdorff. Dans ce qui suit, nous nous donnons s ∈ [0,∞[. À un tel s, nous associons une constanteβ(s) ∈]0,∞[. La formule de β(s) est connue, mais elle ne sera pas utile pour la compréhension dece qui suit ; voir Evans et Gariepy

evansgariepy[7, chapitre 2] et Bogachev

bogachev[4, section 3. 10 (iii)] pour la valeur

de β(s) et les résultats présentés dans cette section.

Pour δ> 0, s ∈ [0,∞[ et A ⊂Rn, posons

H sδ (A)= inf

β(s)

∑j≥1

(diam A j)s ; A j borné, diam A j ≤ δ et A ⊂∪A j

,

H s(A)= infδ>0

H sδ (A) (mesure de Hausdorff s-dimensionnelle).

Ici, diam A est le diamètre de A, diam A = sup|x− y| ; x, y ∈ A.

Les résultats de la section précédente impliquent facilement le résultat suivant.

Proposition 5.3. a) H sδ

et H s sont des mesures extérieures.b) Elles satisfont le critère de Carathéodory (

ag45.4).

c) Restreinte aux boréliens, H sδ

et H s sont des mesures.

Par abus de notation, désignons encore par H sδ

et H s les mesures associées aux mesuresextérieures H s

δet H s par la construction de Carathéodory. L’utilité des mesures de Hausdorff

vient de leur interprétation géométrique, du moins pour s entier.

Théorème 5.5. a) Dans Rn, nous avons H n =λn (la mesure de Lebesgue).b) Si n ≥ 2 et si C est une courbe lisse paramétrée dans Rn, alors H 1(C) est la longueur de C.c) Si n ≥ 3 et si S est une surface lisse paramétrée dans R3, alors H 2(S) est l’aire de S.d) Etc.

C’est dans ce théorème qu’interviennent les valeurs précises de β(s).

Poursuivons l’exemple de la courbe paramétrée C ⊂Rn. Il est possible de montrer que H s(C)=∞ si s < 1 et que H s(C) = 0 si s > 1. Le changement s’opère pour s = 1, qui correspond à ladimension (géométrique) de C. De manière générale, nous pouvons considérer le nombre

dim A = inf s > 0; H s(A)= 0.

Pour une partie A de Rn de mesure de Lebesgue > 0, nous avons dim A = n. Pour une surfacelisse paramétrée S dans Rn, n ≥ 3, nous avons dimS = 2. En général, dim A n’est pas un entier,mais il est néanmoins interprété comme la « dimension de A ».

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Chapitre 6

Intégrale

Dans tout ce chapitre, nous travaillons dans un espace mesuré (X ,T ,µ).

6.1 Fonctions étagées positives

Dans cette section, toutes les fonctions sont supposées étagées.

Rappelons qu’une fonction étagée est de la forme (*) f =∑ni=1 aiχA i , avec un nombre arbitraire

mais fini, n, de termes, ai ∈ R et A i ∈ T , ∀ i. Introduisons des définitions qui ne serviront quedans cette section : la représentation (*) est :a) normale si les A i sont d. d. d.,b) canonique si les A i sont d. d. d. et non vides et si les ai sont distincts et non nuls.c) Dans le cas particulier où f ≥ 0, la représentation (*) est admissible si les ai sont positifs.Notons qu’à partir d’une représentation normale, nous puvons obtenir une représentation cano-nique d’abord en effaçant tous les termes qui correspondent à des ai nuls ou à des A i vides, puisen regroupant les termes correspondant à la même valeur de ai.

Proposition 6.1. Une fonction étagée admet une représentation canonique. Celle-ci est uniquemodulo une permutation des termes de la somme. Dans le cas particulier où f est positive, lareprésentation canonique est admissible.

Démonstration. Unicité. Si (**) f =∑ni=1 aiχA i =

∑mj=1 b jχB j , alors f a, comme valeurs non nulles,

précisément les a1, . . . ,an ; de même, ses valeurs non nulles sont b1, . . . ,bm. Il s’ensuit que m = net que les b j s’obtiennent en permutant les ai. Quitte à faire une permutation dans la deuxièmesomme, nous avons f = ∑

aiχCi , où les Ci sont les Bi écrits dans un ordre différent. Commef −1(ai) = A i = Ci, nous trouvons que la deuxième somme de (**) est une permutation de la pre-mière.

Existence. Soient a1, . . . ,an les valeurs distinctes et non nulles prises par f . Si A i = f −1(ai),alors f =∑n

i=1 aiχA i est une représentation canonique de f .

Si f ≥ 0 et si f = ∑ni=1 aiχA i est la représentation canonique de f , alors les valeurs de f sont

a1, . . . ,an, et éventuellement 0. Il s’ensuit que les ai sont ≥ 0.

Définition 6.1. Si f est étagée et ≥ 0, de représentation canonique f =∑aiχA i , alors l’intégrale

de f par rapport à µ est∫X

f (x)dµ(x)=∫

Xf dµ=

∫f dµ=

∫f =∑

aiµ(A i).

49

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50 CHAPITRE 6. INTÉGRALE

p6.2 Proposition 6.2. Soient f , g : X → [0,∞[ étagées positives.a) Si f =∑m

j=1 b jχB j est une représentation admissible de f , alors∫

f =∑b jµ(B j).

b) Si λ≥ 0, alors∫

( f +λg)= ∫f +λ∫

g,

Démonstration. a) Commençons par le cas où la représentation est, de plus, normale. Nous pou-vons supposer B j 6= ; et b j 6= 0, ∀ j ; sinon, nous effaçons les termes correspondants de la repré-sentation, sans affecter la valeur de

∑b jµ(B j).

Alors tous les b j sont > 0. Soit A = b1, . . . ,b j. Alors A = f (X ) \ 0 et, si f = ∑ni=1 aiχA i est la

représentation canonique de f , alors nous avons A = a1, . . . ,an.Avec Mi = j ; B j ⊂ A i, nous avons A i = f −1(ai) = t j∈Mi B j, d’où µ(A i) = ∑

j∈Mi µ(B j). Il s’ensuitque ∫

f =∑i

aiµ(A i)=∑

iai

∑j∈Mi

µ(B j)=∑

i

∑j∈Mi

b jµ(B j)=∑

jb jµ(B j).

Conclusion : l’égalité demandée est vraie si la représentation est normale.

Soit maintenant f =∑mj=1 b jµ(B j) une représentation admissible. Nous allons prouver l’égalité

demandée par récurrence sur m.Pour m = 0 c’est clair. Passage de m−1 à m : nous pouvons représenter canoniquement

∑m−1j=1 b jχB j =∑

i aiχA i , et nous avons∑m−1

j=1 b jµ(B j)=∑i aiµ(A i).

Alors

f =∑i

aiχA i\Bm +∑i

(ai +bm)χA i∩Bm +bmχBm\∪i A i

est une représentation normale de f (justifier).Nous avons donc (en utilisant la première partie de la preuve)∫

f =∑i

aiµ(A i \ Bm)+∑i

(ai +bm)µ(A i ∩Bm)+bmµ(Bm \∪i A i),

d’où∫

f =∑i aiµ(A i)+bmµ(Bm)=∑

j b jµ(B j).

b) Si f = ∑aiχA i et g = ∑

b jχB j sont des représentations canoniques, alors f +λg = ∑aiχA i +∑

λb jχB j est admissible. Il s’ensuit que∫( f +λg)=∑

aiµ(A i)+∑λb jµ(B j)=

∫f +λ

∫g.

6.2 Fonctions mesurables

Dans cette partie, toutes les fonctions sont supposées mesurables.

Définition 6.2. Si f : X → [0,∞], alors l’intégrale de f est∫X

f (x)dµ(x)=∫

Xf dµ=

∫f dµ=

∫f = sup

∫u ; u étagée et positive et u ≤ f

.

f est intégrable si son intégrale est finie.

Exercice 6.1. Si 0≤ f ≤ g, alors∫

f ≤ ∫g.

Proposition 6.3. Dans le cas particulier où f est étagée, cette définition de l’intégrale coïncideavec la précédente.

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6.2. FONCTIONS MESURABLES 51

Démonstration. Notons∫

f l’ancienne intégrale et I la nouvelle. Nous avons f ≤ f , d’où∫

f ≤ I.Par ailleurs, si u ≤ f , alors f = u + ( f − u), avec f − u étagée positive. Nous avons donc

∫f =∫

u+∫( f −u)≥ ∫

u. En prenant le sup sur u, nous trouvons∫

f ≥ I.

Remarque 6.1. Si f est mesurable, alors f+ = max( f ,0) et f− =−min( f ,0) le sont aussi, et nousavons f = f+− f−.

Définition 6.3. f : X →R a une intégrale si∫

f+−∫

f− a un sens (c’est-à-dire : les intégrales def± ne valent pas en même temps ∞), et dans ce cas∫

Xf (x)dµ(x)=

∫X

f dµ=∫

f dµ=∫

f =∫

f+−∫

f−.

Si f+ et f− sont intégrables, alors f est intégrable. Donc

f intégrable⇐⇒ f a une intégrale finie⇐⇒[∫

f+ <∞ et∫

f− <∞]⇐⇒

∫| f | <∞

(la dernière équivalence sera justifiée plus tard).

Dans le cas où f ≥ 0, nous avons f+ = f et f− = 0 ; nous retrouvons donc l’intégrale définie aupara-vant.

Exercice 6.2. Soit f une fonction étagée, de représentation canonique f =∑aiχA i . Si µ(A i) <∞

pour tout i, alors f a une intégrale et dans ce cas nous avons∫

f =∑aiµ(A i).

def6.4 Définition 6.4. L 1 =L 1(X ,µ)= f : X →R ; f intégrable.

Proposition 6.4. Si f a une intégrale et si λ ∈ R, alors λ f a une intégrale et nous avons∫λ f =

λ∫

f .

Démonstration. Si λ= 0, c’est clair. Si λ=−1, il suffit de remarquer que (− f )+ = f− et (− f )− = f+.

Pour compléter la preuve, il suffit de montrer l’égalité pour λ> 0 (justifier). Nous avons alors :

a) (λ f )± =λ f± ;b) u étagée et positive et u ≤ f± ⇐⇒λu étagée et positive et λu ≤λ f±,d’où (en utilisant la proposition

p6.26.2)

λ

∫f± =λsup

∫u ; u étagée et positive, u ≤ f±

= sup

∫λu ; λu étagée et positive, λu ≤λ f±

= sup

∫v ; v étagée et positive, v ≤λ f±

=

∫λ f±,

ce qui implique l’égalité λ∫

f = ∫λ f .

Remarque 6.2. Dans la suite, plusieurs résultats auront comme hypothèse « f a une intégrale ».En particulier, ces résultats s’appliquent lorsque f ≥ 0.

Concrètement, sous hypothèse de mesurabilité des fonctions, cette hypothèse équivaut à «∫

f+−∫f− a un sens », ou encore «

∫f+ et

∫f− ne valent pas en même temps ∞ ».

Proposition 6.5. Si f ≤ g et si f , g ont une intégrale, alors∫

f ≤ ∫g.

Démonstration. Si f , g sont ≥ 0, l’inégalité est claire à partir de la définition.

En général, nous avons f+ ≤ g+ et f− ≥ g−, d’où∫

f+ ≤ ∫g+ et

∫f− ≥ ∫

g− ; pour conclure, ilsuffit de soustraire ces deux dernières inégalités.

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52 CHAPITRE 6. INTÉGRALE

Définition 6.5. Si A ∈T et f : A →R est mesurable, alors f a une intégrale ssi f χA en a une, etdans ce cas nous posons

∫A f dµ= ∫

A f = ∫X f χA = ∫

X f χA dµ.Définition équivalente :

∫A f est (si elle existe) l’intégrale de f par rapport à l’espace mesuré

(A,TA,µA), où TA = B ∈T ; B ⊂ A et µA(B)=µ(B), ∀B ∈TA.

p6.6 Proposition 6.6. Si A ∈ T est négligeable, alors pour toute fonction mesurable f : A → R nousavons

∫A f = 0.

De même, si f : X →R est mesurable et f = 0 p.p., alors f est intégrable et∫

f = 0.

Démonstration. Posons f = f χA. Si f est étagée positive, alors f =∑aiχA i , avec ai ≥ 0 et A i ⊂ A.

Nous avons alors µ(A i)= 0 et donc∫

f = 0.Si cette fois-ci nous ne supposons plus f étagée (mais uniquement mesurable positive), alors∫

f = 0, car cette intégrale est un sup d’intégrales de fonctions étagées positives qui s’annulent endehors de A ; nous utilisons le paragraphe précédent et la définition de l’intégrale.Il s’ensuit que

∫f = 0 pour tout f , d’où

∫A f = 0 pour tout f .

La deuxième propriété se montre en notant qu’il existe A ∈T tel que f = 0 en dehors de A etdonc f = f χA (justifier) et en utilisant la première partie.

6.3 P. p. et passage à la mesure complétée

p6.7 Proposition 6.7. Soit f : X →R µ-mesurable. Alors f a une intégrale par rapport à µ si et seule-ment si elle a une intégrale par rapport à µ, et dans ce cas

∫f dµ= ∫

f dµ.

Démonstration. Notons que f est µ-mesurable. Il suffit de montrer l’égalité des deux intégrales sif ≥ 0. Cette égalité est claire si f est µ-étagée. Le cas général s’obtient en considérant une suite( fn) de fonctions µ-étagées positives telle que fn f et le corollaire

c6.36.3 (justifier via le corollaire

c3.13.1).

p6.8 Proposition 6.8. Soit f : X → R µ-mesurable. Rappelons qu’il existe g : X → R µ-mesurable telleque f = g µ-p. p. (proposition

p4.54.5). Alors f a une intégrale (respectivement est intégrable) par

rapport à µ ssi g a une intégrale (respectivement est intégrable) par rapport à µ, et dans ce cas∫f dµ= ∫

gdµ.

Démonstration. Nous avons f± = g± µ-p .p. (vérifier). Il suffit donc de montrer que∫

f dµ= ∫gdµ

si de plus f , g ≥ 0 ; dans ce cas, les deux intégrales existent. Soit A ∈ T tel que µ(A) = 0 et f =g en dehors de A. Soit B = X \ A ∈ T , de sorte que X = A tB. Comme µ(A) = µ(A) = 0, nousavons (proposition

p6.66.6)

∫A f dµ = 0 et

∫A g dµ = 0. Par ailleurs, f χB = gχB et donc (proposition

p6.76.7)

∫B f dµ = ∫

B f dµ = ∫B g dµ. Nous obtenons (en utilisant la linéarité de l’intégrale, voir la

propositionp6.96.10 plus bas)∫

f dµ=∫

( f χA + f χB)dµ=∫

f χA dµ+∫

f χB dµ=∫

Af dµ+

∫B

f dµ

=∫

Bf dµ=

∫B

g dµ=∫

Ag dµ+

∫B

g dµ=∫

g dµ,

d’où la conclusion de la proposition.

c6.1 Corollaire 6.1. Si f , g : X →R sont µ-mesurables et f = g µ-p. p., alors f a une intégrale ssi g ena une, et dans ce cas

∫f dµ= ∫

gdµ.

p6.11 Proposition 6.9. Soit f : X →R intégrable. Soient A = f −1(∞), B = f −1(−∞).a) Nous avons µ(A)=µ(B)= 0.b) Si nous posons g : X →R, g = f χ(A∪B)c , alors

∫ | f − g| = 0 et∫

f = ∫g.

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6.4. CONVERGENCE MONOTONE 53

r6.3 Remarque 6.3. Définition équivalente de g : g(x)=

f (x), si f (x) est fini0, si f (x)=±∞ .

Cette proposition montre donc que, donnée une fonction intégrable f , nous pouvons changer sadéfinition sur un ensemble négligeable de sorte que son intégrale ne change pas et que la nouvellefonction ne prenne que des valeurs finies.

Pour cette raison, pour montrer certaines propriétés des fonctions intégrables nous pouvonsparfois remplacer f par g et supposer ainsi que f est finie en tout point.

Démonstration de la propositionp6.116.9. a) Montrons, par exemple, la première égalité. Nous avons

f+ ≥ nχA, ∀ n ∈N, d’où nµ(A)= ∫nχA ≤ ∫

f+ <∞. En faisant n →∞, nous trouvons µ(A)= 0.

b) Nous avons | f − g| = ∞χA∪B. A ∪B ∈ T étant négligeable, nous obtenons que∫ | f − g| = 0

(propositionp6.66.6).

L’égalité∫

f = ∫g suit du corollaire

c6.16.1.

Définition 6.6. Soit f = ( f1, . . . , fn) : X → Rn mesurable. L’intégrale de f est définie uniquementsi chaque f j est intégrable, et alors

∫f = (

∫f j) j=1,...,n.

En particulier, si f : X →C, alors nous pouvons identifier∫

f avec∫

Re f + ı∫

Im f .

Remarque 6.4. Nous aurions pu envisager, plus généralement, la situation où f j : X → R. Laproposition

p6.116.9 montre qu’on peut remplacer les f j par des fonctions g j : X →R.

En combinant les propositionsp6.66.6–

p6.96.10 et le corollaire

c6.16.1, nous obtenons les règles suivantes

de calcul, très utiles dans la pratique.

c6.21 Corollaire 6.2. Soient A ∈T µ-négligeable et B ∈T µ-négligeable.Soient f , g : X →R telles que f soit µ-mesurable et g µ-mesurable telles que f = g sur X \ (A∪B).(En particulier, g peut-être µ-mesurable.)Supposons que l’une des quatre intégrales suivantes existe :

∫X f dµ,

∫X\A f dµ,

∫X g dµ,

∫X\B g dµ.

Alors les trois autres existent et nous avons∫X

f dµ=∫

X\Af dµ=

∫X

g dµ=∫

X\Bg dµ, (6.1) dd2∫

X| f − g|dµ= 0. (6.2) dd3

Si, de plus, gχX\B est µ-mesurable, alors nous avons également∫X

f dµ=∫

X\Bg dµ. (6.3) dd4

6.4 Convergence monotone

Toutes les fonctions de cette partie sont mesurables.

Lemme 6.1. Soit u une fonction étagée positive. Alors l’application ν : T → [0,∞], ν(A) = ∫uχA,

est une mesure.

Démonstration. Notons que ν est bien définie, car uχA est étagée et positive.

Si u =∑aiχA i est la représentation canonique de u, alors uχA =∑

aiχA i∩A est normale et doncν(A)= ∫

uχA =∑aiµ(A i ∩ A).

À partir de cette formule, l’exerciceex4.34.3 a) montre que ν est une mesure (vérifier).

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54 CHAPITRE 6. INTÉGRALE

Exercice 6.3. Si f ≥ 0, alors∫

f = sup(1−ε)∫ u ; u étagée et positive,u ≤ f ,0< ε< 1.

tcm Théorème 6.1 (de convergence monotone ou de Beppo Levi). Soit ( fn) une suite croissantede fonctions mesurables positives. Si fn → f , alors

∫fn → ∫

f .Ou encore : lim

∫fn = ∫

lim fn.

Démonstration. f est mesurable et positive ; de plus, nous avons 0≤ fn ≤ f pour tout n.Il s’ensuit que

∫fn ≤ ∫

f . Nous avons aussi (∫

fn) croissante, d’ou lim∫

fn ≤ ∫f .

Au vu de l’exercice précédent, il reste à montrer que, si u est étagée et positive et si 0< ε< 1, alorslim

∫fn ≥ (1−ε)∫ u.

Soit Bn = x ; fn(x) ≥ (1−ε)u(x). Comme lim fn = f ≥ u, nous avons ∪Bn = X (vérifiez séparé-ment quand u(x)= 0 et u(x)> 0 !).Par ailleurs, Bn = ( fn − (1−ε)u)−1([0,∞]) ∈T et la suite (Bn) est croissante, car la suite ( fn) l’est.Avec ν la mesure du lemme précédent, nous trouvons, grâce au théorème de la suite croissante,que ν(Bn)→ ν(X )= ∫

u.Par ailleurs, nous avons∫

fn ≥∫

fnχBn ≥∫

(1−ε)uχBn = (1−ε)ν(Bn),

d’où lim∫

fn ≥ (1−ε)∫ u.

c6.3 Corollaire 6.3. Soit f ≥ 0. Alors, pour toute suite croissante ( fn) de fonctions étagées positivestelle que fn → f , nous avons

∫f = lim

∫fn.

6.5 Conséquences du théorème de convergence monotone

Toutes les fonctions de cette partie sont supposées mesurables.

p6.9 Proposition 6.10. Si f , g ont une intégrale et si les sommes f + g et∫

f +∫g sont bien définies,

alors f + g a une intégrale et∫

( f + g)= ∫f +∫

g.

Remarque 6.5. f + g bien définie ⇐⇒ il n’existe pas de point x ∈ X tel que f (x) = ±∞ et g(x) =− f (x). En particulier, cette hypothèse est satisfaite si f (ou g) est finie en tout point.

Si f et g ont une intégrale, alors∫

f +∫g est bien définie⇐⇒ nous n’avons pas en même temps∫

f =±∞ et∫

g =−∫f . En particulier, cette hypothèse est satisfaite si f (ou g) est intégrable.

Démonstration. Commençons par le cas f , g ≥ 0. Soient ( fn), (gn) deux suites de fonctions étagéespositives telles que fn f et gn g. Alors fn + gn f + g et donc (en utilisant la proposition

p6.26.2

b) et le corollairec6.16.1)∫

( f + g)= lim∫

( fn + gn)= lim∫

fn + lim∫

gn =∫

f +∫

g.

Dans le cas général, nous avons ( f+g)+−( f+g)− = f+g = f+− f−+g+−g−, d’où ( f+g)++ f−+g− =( f + g)−+ f++ g+. Il s’ensuit que∫

( f + g)++∫

f−+∫

g− =∫

( f + g)−+∫

f++∫

g+. (6.4) da1

Si∫

f ,∫

g et∫

f +∫g ont un sens, alors

∫( f + g)+−

∫( f + g)− a un sens (vérifier, en examinant

par exemple le cas où∫

f+ =∞) et (da16.4) donne∫

( f + g)+−∫

( f + g)− =∫

f+−∫

f−+∫

g+−∫

g−, (6.5) da2

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6.5. CONSÉQUENCES DU THÉORÈME DE CONVERGENCE MONOTONE 55

d’où ∫( f + g)=

∫( f + g)+−

∫( f + g)− =

∫f+−

∫f−+

∫g+−

∫g− =

∫f +

∫g.

dd1 Remarque 6.6. Il est important de retenir le principe de la preuve de la propositionp6.96.10. Pour

montrer une propriété des fonctions intégrables (ou qui ont une intégrale) f , g, etc. :1. Nous commençons par les fonctions positives f±, g±, etc.2. Les hypothèses sur f , g, etc., permettent de retrancher les formules obtenues.3. Si nécessaire, pour montrer, dans le cas des fonctions positives, les propriétés demandées, il fautcommencer par considérer des fonctions étagées et de passer à la limite en utilisant le théorèmede convergence monotone ou sa conséquence, le corollaire

c6.36.3.

4. Dans le cas des fonctions étagées, les propriétés demandées sont évidentes ou relativementsimples à montrer.

Ainsi, ce schéma permet de ramener la preuve au cas plus facile des fonctions étagées et de lacompléter de manière automatique en utilisant les étapes 1–3.

Proposition 6.11. a) Si f est mesurable, alors | f | l’est.b) Si f a une intégrale, alors

∣∣∫ f∣∣≤ ∫ | f |.

c) Si f est mesurable, g intégrable et | f | ≤ g, alors f est intégrable.d) Si f , g sont mesurables et f + g a une intégrale, alors

∣∣∫ ( f + g)∣∣≤ ∫ | f |+∫ |g|.

Démonstration. a) Nous avons | f | = f++ f− (compléter le raisonnement).

b) découle de∣∣∣∫ f∣∣∣= ∣∣∣∫ f+−

∫f−

∣∣∣≤ ∫f++

∫f− =

∫( f++ f−)=

∫| f |.

c) Nous avons f± ≤ | f | = f++ f− ≤ g, d’où∫

f± <∞.

d) Nous avons∣∣∫ ( f + g)

∣∣≤ ∫ | f + g| ≤ ∫(| f |+ |g|)= ∫ | f |+∫ |g|.

Proposition 6.12 (inégalité de Markov). Si f est mesurable et t > 0, alors µ(x ; | f (x)| > t) ≤∫ | f |/t.Plus généralement, si 1≤ p <∞ et t > 0, alors µ(x ; | f (x)| > t)≤ ∫ | f |p/tp.

Démonstration. Soit A = x ; | f (x)| > t. Alors | f |p ≥ tpχA, d’où∫ | f |p ≥ ∫

tpχA = tpµ(A).

Notation. Il sera commode d’utiliser les notations

[| f | > t]= x ∈ X ; | f (x)| > t, [ f ∈ A]= x ∈ X ; f (x) ∈ A, [ f ≤ t]= x ∈ X ; f (x)≤ t, etc.

Avec ces conventions, l’inégalité de Markov devient µ([| f | > t])≤ ∫ | f |p/tp.

p7.2 Proposition 6.13. Si f est intégrable et si∫ | f | = 0, alors f = 0 p.p.

Plus généralement, si f , g sont intégrables, f ≤ g et∫

f = ∫g, alors f = g p. p.

Démonstration. Soit An = x ; | f (x)| > 1/(n+1), de sorte que An ∈ T et x ; f (x) 6= 0 = ∪An. Ilsuffit de montrer que µ(An)= 0, ∀n (justifier). Cette égalité découle de l’inégalité de Markov.

Pour la deuxième partie, notons que g− f ≥ 0 et∫

(g− f )= 0 (justifier). Il suffit alors d’appliquerla première partie à g− f .

Théorème 6.2. Si fn, n ≥ 0, sont des fonctions mesurables et positives, alors∑

fn l’est et∫ ∑

fn =∑∫fn.

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56 CHAPITRE 6. INTÉGRALE

Démonstration. Posons gn = f0 + f1 + . . .+ fn ≥ 0. Nous avons gn ∑fn, d’où

∑fn est mesurable.

Par convergence monotone, nous trouvons∫ ∑fn = lim

∫gn = lim

(∫f0 +

∫f1 + . . .

∫fn

)=∑∫

fn.

partition Proposition 6.14. On suppose que f : X →R a une intégrale.a) Si A ∈T , alors f|A a une intégrale.b) Si X = AtB, où A,B ∈T sont disjoints, alors

∫f = ∫

A f +∫B f .

c) Plus généralement, si X =tAn, avec les An ∈T d. d. d., nous avons∫

f =∑n∫

Anf .

d) Si An ∈T et An X , alors∫

f = lim∫

Anf .

Démonstration. f ayant une intégrale, nous avons soit∫

f+ < ∞, soit∫

f− < ∞. Supposons parexemple que

∫f− <∞. Si A ∈T , notons fA = f χA.

a) Nous avons fA mesurable et ( fA)± ≤ f±. Nous trouvons que∫

( fA)− <∞, et donc∫

fA = ∫A f

a un sens.

b) Nous avons ( fA)±+ ( fB)± = f±, d’où (justifier)∫f± =

∫( fA)±+

∫( fB)± =

∫A

f±+∫

Bf±;

nous obtenons la conclusion en retranchant les deux égalités ainsi obtenues.

c) Il suffit de prouver l’égalité pour f± à la place de f ; ainsi, nous pouvons supposer f ≥ 0.

Posons Bn = A0 t A1 t . . .t An. Alors Bn X , Bn ∈T et 0≤ fBn f . Nous trouvons (justifier)∫f = lim

∫fBn = lim

∫( fA0 + fA1 + . . .+ fAn)= lim

(∫fA0 +

∫fA1 + . . .+

∫fAn

)=∑∫

An

f .

d) C’est compris dans le calcul précédent.

e6.6 Exercice 6.4 (théorème de convergence décroissante). Soit (X ,T ,µ) un espace mesuré. Soit( fn) une suite de fonctions mesurables et positives sur X telle que fn f .a) Si

∫f0 <∞, montrer que

∫fn → ∫

f .b) Montrer que, si

∫f0 =∞, alors nous n’avons pas nécessairement

∫fn → ∫

f .

6.6 Lien avec les intégrales habituellessec6.6

Dans cette partie, nous travaillons dans (R,BR,ν1) (ν1 étant la mesure de Lebesgue). « Le-besgue intégrable » signifie intégrable par rapport à la mesure de Lebesgue ; ici, il s’agit de ν1,mais dans d’autres contextes il peut s’agir de νn ou λn.

p6.13 Proposition 6.15. Soit [a,b] un intervalle compact et soit f : [a,b] → R une fonction continue.Alors f est Lebesgue intégrable sur [a,b] et

∫[a,b] f dν1 = ∫ b

a f (x)dx, la dernière intégrale étantl’intégrale usuelle (de Riemann).

Démonstration. Quitte à remplacer f par f±, nous pouvons supposer f ≥ 0 (justifier). Soit σ unedivision de [a,b], déterminée par les points a = x0 < x1 < . . . < xn = b . Nous associons à cettedivision la « somme (de Darboux) inférieure » sσ =∑n

j=1(x j − x j−1) inf[x j−1,x j] f .Si nous posons fσ : [a,b]→R, fσ =∑n−1

j=1 inf[x j−1,x j] f χ[x j−1,x j[ + inf[xn−1,xn] f χ[xn−1,xn], alors clairementfσ est étagée et sσ =

∫[a,b] fσdν1 =

∫R fσχ[a,b] dν1.

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6.6. LIEN AVEC LES INTÉGRALES HABITUELLES 57

Rappelons les résultats suivants :a) si τ est « plus fine » que σ,† alors sσ ≤ sτ et fσ ≤ fτ ;b) si nous prenons une suite (σn) de divisions de plus en plus fines et telles que les « normes desdivisions »,‡ ‖σn‖, tendent vers 0, alors fσn → f uniformément sur [a,b] ;c) nous avons sσn →

∫ ba f (x)dx.

Si nous posons gn = fσnχ[a,b], alors les gn sont des fonctions étagée positives telles que 0 ≤gn f χ[a,b]. Nous en déduisons (justifier) que

∫[a,b] f dν1 = lim

∫gn dν1 = lim sσn =

∫ ba f (x)dx.

Proposition 6.16. Soit I un intervalle non compact d’extrémités a et b. Soit f : I → R continue.Alors :a) f est Lebesgue intégrable sur I ssi l’intégrale généralisée

∫ ba f (x)dx converge absolument, et

dans ce cas∫

I f dν1 =∫ b

a f (x)dx ;b) si f est positive, alors

∫I f dν1 =

∫ ba f (x)dx ;

c) si l’intégrale∫

I f dν1 existe, alors l’intégrale généralisée∫ b

a f (x)dx existe et vaut∫

I f dν1 ;d) si l’intégrale généralisée

∫ ba f (x)dx existe, alors l’intégrale

∫I f dν1 n’existe pas nécessairement.

Démonstration. Nous prenons I = [0,∞[ ; les arguments ci-dessous s’adaptent facilement à tousles autres types d’intervalles non compacts.

b) Posons fn = f χ[0,n], de sorte que fn f (sur I). Avec la notation g := gχI , nous avons aussifn f (sur R). Nous trouvons, en combinant le théorème de convergence monotone, la propositionprécédente et la définition de l’intégrale généralisée,∫

If dν1 =

∫R

f dν1 = limn

∫R

fn = limn

∫[0,n]

f dν1 = limn

∫ n

0f (x)dx =

∫ ∞

0f (x)dx.

a) Nous avons f Lebesgue intégrable sur I ⇐⇒ ∫I f+ dν1 <∞ et

∫I f− dν1 <∞⇐⇒ ∫ ∞

0 f+(x)dx <∞ et

∫ ∞0 f−(x)dx < ∞ ⇐⇒ ∫ ∞

0 f (x)dx converge absolument. Si ces conditions équivalentes sontsatisfaites, alors∫

If dν1 =

∫I

f+ dν1 −∫

If− dν1 =

∫ ∞

0f+(x)dx−

∫ ∞

0f−(x)dx =

∫ ∞

0( f+(x)− f−(x))dx

=∫ ∞

0f (x)dx.

c) Si f a une intégrale, alors∫

I f+ dν1 −∫

I f− dν1 a un sens. Il s’ensuit que∫ ∞

0 f+(x)dx −∫ ∞0 f−(x)dx a aussi un sens. Comme ci-dessus, nous obtenons l’égalité des deux intégrales.

d) Il suffit de trouver un contre-exemple. On définit f : [0,∞[→R de la manière suivante : pourk ∈N, f (4k)= 0, f (4k+1)= 1/(k+1), f (4k+2)= 0, f (4k+3)=−1/(k+1). Ceci définit f sur N. Nousdéfinissons f sur [0,∞[ en exigeant qu’elle soit affine sur chaque intervalle [n,n+1] avec n ∈N.Soit E(x) la partie entière de x. Nous vérifions aisément que

0≤∫ x

0f (t)dt ≤ 1

E(x/4)+1, ∀x ≥ 0,

et donc∫ ∞

0 f (x)dx = 0.Par ailleurs, nous avons

∫[0,4k] f+ dν1 = 1+1/2+. . .+1/k, d’où

∫I f+ dν1 =∞. De même,

∫I f− dν1 =∞.

Il s’ensuit que f n’a pas d’intégrale.

†. τ est plus fine que σ si les points qui déterminent τ contiennent ceux qui déterminent σ.‡. La norme d’une division σ déterminée par les points a = x0 < x1 < . . . < xn = b est la longueur du plus grand

intervalle [x j−1, x j] : ‖σ‖ =max j=1,...,n(x j − x j−1).

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58 CHAPITRE 6. INTÉGRALE

Exercice 6.5. Soit fn :R→R, fn(x)=−(x+n)−. Montrer que :a)

∫fn dν1 existe, ∀n ;

b) fn 0 ;c)

∫fn dν1 6→

∫0dν1.

d) Comparer cet exemple aux hypothèses et à la conclusion du théorème de convergence monotone.

(Abus de) notation. Si I ⊂R est un intervalle, si f : I →R a une intégrale par rapport à la mesurede Lebesgue et s’il n’y a pas de risque de confusion, nous notons

∫I f dν1 =

∫I f (x)dx.

6.7 Lien avec les séries

Soit X un ensemble quelconque. Nous considérons sur X la tribu P(X ) et, sur P(X ), la me-sure de comptage µ. Alors toute fonction f : X → R est mesurable. De même, toute partie de Xest mesurable. Nous n’allons donc pas nous intéresser à la mesurabilité dans ce contexte.

6.7.1 X est finis6.7.1

Dans ce cas, toute fonction est une fonction étagée. Nous avons donc :a) si f ≥ 0, alors f =∑

x∈X f (x)χx est admissible. Il s’ensuit que∫

f =∑x∈X f (x) ;

b) si f est de signe quelconque, alors f a une intégrale ssi f ne prend pas en même temps lesvaleurs ±∞, et dans ce cas

∫f =∑

x∈X f (x) ;c) f est intégrable ssi f n’a que des valeurs finies.

6.7.2 X =NDans ce cas, nous pouvons identifier une fonction f :N→R à une suite (an)n≥0.

p6.15 Proposition 6.17. a) Si f ≥ 0, alors∫

f =∑an.

b) f est intégrable ssi∑

an est absolument convergente, et dans ce cas∫

f =∑an.

c) Si f a une intégrale, alors∑

an existe et∫

f =∑an.

d) Si∑

an existe, alors f n’a pas nécessairement une intégrale.

Démonstration. a) Soit An = 0, . . . ,nN. Nous avons (justifier)∫f = lim

∫An

f = limn∑

j=0a j =

∑an.

b) f est intégrable⇐⇒les intégrales de f± sont finies⇐⇒les séries∑

(an)± sont convergentes⇐⇒la série

∑ |an| =∑((an)++ (an)−) est convergente. Si tel est le cas, alors∫

f =∫

f+−∫

f− =∑(an)+−

∑(an)− =∑

an.

c) Si f a une intégrale, alors l’une des intégrales∫

f± est finie. Supposons∫

f− < ∞. Alors∑(an)− <∞, ce qui justifie l’égalité∑

an =∑(an)+−

∑(an)− =

∫f+−

∫f− =

∫f .

d) Posons an = (−1)n/(n+1). Alors∑

an converge (série alternée), alors que∑

(an)+ =∑(an)− =

∞ (vérifier). Par conséquent, f n’a pas d’intégrale (justifier).

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6.7. LIEN AVEC LES SÉRIES 59

6.7.3 X est dénombrable

Dans ce cas, il existe une bijection Φ :N→ X . Posons g = f Φ :N→R.

p6.16 Proposition 6.18. L’intégrale∫

X f existe ssi l’intégrale∫N g existe. En cas d’existence, nous avons∫

X f = ∫N g =∑

n f (Φ(n)).

Démonstration. Il suffit de montrer l’égalité des intégrales dans le cas où f ≥ 0 (justifier).Soient An = 0, . . . ,n, Bn =Φ(An). Alors An N et, de plus, Bn X (vérifier), d’où∫

Xf = lim

∫Bn

f = lim∑

x∈Bn

f (x)= lim∑

n∈An

f (Φ(n))= lim∫

An

g =∫N

g.

La deuxième égalité de l’énoncé suit de la propositionp6.156.17 c).

6.7.4 Sommation par paquets et convergence commutative

Dans cette partie, X est dénombrable etΦ :N→ X est une bijection. Nous supposons toujoursque f : X →R a une intégrale.

Nous considérons une partition de X , X = tAn, avec les An d. d. d. (chaque An est un « pa-quet »).

Proposition 6.19. a) Nous avons∫

X f =∑∫An

f .En particulier, si chaque An est fini, alors

∫X f =∑

n∑

x∈An f (x).b) Dans le cas particulier X =N2, nous avons

∫N2

f (m,n)dµ(m,n)=∞∑

m=0

( ∞∑n=0

f (m,n)

)=

∞∑n=0

( ∞∑m=0

f (m,n)

).

Démonstration. Il suffit de considérer la cas où f ≥ 0. Alors a) est un cas particulier de la propo-sition

partition6.14 c). La deuxième partie de a) suit de la section

s6.7.16.7.1.

b) Justifions, par exemple, la première égalité.Soit An = (m,n) ; m ∈N. Alors N2 =tAn. Nous trouvons

∫N2 f (m,n)dµ(m,n)=∑

n∫

Anf . À n fixé,

soit Bm = ( j,n) ; 0 ≤ j ≤ m. Alors Bm An et f|An a une intégrale, d’où∫

Anf = limm

∫Bm

f =lim

∑mj=0 f ( j,n)=∑

m f (m,n).

Proposition 6.20. Soit∑

an une série absolument convergente (donc telle que∑ |an| < ∞).

Alors la série∑

an est commutativement convergente, c’est-à-dire, pour toute bijection ϕ :N→N, la série

∑aϕ(n) est convergente et∑

aϕ(n) =∑

an. (6.6) da3

Plus généralement, (da36.6) est vraie si la fonction f associée la suite (an) a une intégrale sur N. En

particulier, elle est valide si an ≥ 0, ∀n.

Démonstration. Traitons directement le cas général. La propositionp6.166.18 donne

∫N f = ∫

N f ϕ.Nous concluons grâce à la proposition

p6.156.17.

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60 CHAPITRE 6. INTÉGRALE

6.8 Pour aller plus loin

6.8.1 Caractérisation des fonctions Riemann intégrables

Nous avons investigué dans la sectionsec6.66.6 le lien entre l’intégrale de Riemann ou généralisée

d’une fonction continue et son intégrale par rapport à la mesure de Lebesgue ν1.

L’intégrale de Riemann est définie pour des fonctions qui ne sont pas nécessairement conti-nues. Dans ce cadre, nous avons le résultat suivant.

Théorème 6.3 (critère de Lebesgue pour l’intégrabilité de Riemann). Soit f : [a,b]→R.a) f est Riemann intégrable sur [a,b] ssi :1. f est bornée.2. L’ensemble de points de discontinuité de f est ν1-négligeable.b) Si f est Riemann intégrable, alors f est Lebesgue λ1-intégrable sur [a,b] et

∫[a,b] f dλ1 =∫ b

a f (x)dx.

Rappelons que λ1 est la complétée de la mesure de Lebesgue ν1.

Pour la preuve complète de ce théorème, voir Natansonnatanson[15, section V.4]. Nous montrons ici

une partie de celui-ci :

Proposition 6.21. Soit f : [a,b] → R une fonction Riemann intégrable. Alors f est Lebesgueintégrable et

∫[a,b] f dλ1 =

∫ ba f (x)dx.

Démonstration. Nous pouvons supposer f ≥ 0. En effet, si f est Riemann intégrable, alors f estbornée et il suffit de montrer l’égalité des deux intégrales pour la fonction f − m ≥ 0, avec mminorant de f (justifier).

Nous utilisons les notations de la preuve de la propositionp6.136.15. Soit σ une division de [a,b]

et soit sσ la « somme de Darboux supérieure » sσ = ∑nj=1(x j − x j−1)sup[x j−1,x j] f . Nous associons à

sσ la fonction f σ : [a,b] → R, f σ = ∑n−1j=1 sup[x j−1,x j] f χ[x j−1,x j[ + sup[xn−1,xn] f χ[xn−1,xn], de sorte que

sσ = ∫[a,b] f σdν1 =

∫R f σχ[a,b] dν1.

Par ailleurs, nous avons alors 0≤ fσ ≤ f ≤ f σ.

Rappelons que si (σn) est une suite de divisions de plus en plus fines et telles que ‖σn‖ → 0,alors :a) sσn

∫ ba f (x)dx et sσn ∫ b

a f (x)dx ;b) fσn et f σn .

Posons g = lim fσn et h = lim f σn ; de ce qui précède, g et h sont boréliennes, 0≤ g ≤ f ≤ h et (enutilisant le théorème de convergence monotone et l’exercice

e6.66.4)

∫fσn dν1 ∫

g dν1,∫

f σn dν1 ∫h dν1. Il s’ensuit que

∫[a,b] g dν1 =

∫[a,b] h dν1 =

∫ ba f (x)dx <∞.

Comme g ≤ h et∫

[a,b](h− g)dν1 = 0, nous obtenons que g = h ν1-p. p. sur [a,b] (propositionp7.26.13).

Soit A ∈ B[a,b] négligeable et tel que g = h sur [a,b] \ A. Comme g ≤ f ≤ h, nous obtenons quef = g = h sur [a,b]\ A et en particulier f = g ν1-p. p. Il s’ensuit que f est λ1-mesurable (proposi-tion

p4.54.5 a)).

Par ailleurs, comme f = g ν1-p. p. et l’intégrale∫

[a,b] g dν1 existe, il s’ensuit que l’intégrale∫

[a,b] f dλ1existe et que

∫[a,b] f dλ1 =

∫[a,b] g dν1 (proposition

p6.86.8).

Finalement,∫

[a,b] f dλ1 est finie et est égale à∫ b

a f (x)dx.

La réciproque de cette proposition est fausse : même pour une fonction bornée, l’intégrabilitéau sens de Lebesgue n’entraîne pas celle au sens de Riemann ; voir l’exercice qui suit.

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6.8. POUR ALLER PLUS LOIN 61

dc3 Exercice 6.6. Soit f : [0,1]→R, f = χQ∩[0,1].a) Montrer que f est bornée et intégrable par rapport à ν1.b) Soit σ une division de [0,1]. Montrer que sσ = 0 et sσ = 1.c) En déduire que f n’est pas intégrable au sens de Riemann.

6.8.2 De l’intégrale vers la dérivée

Si f : [a,b] → R est continue et si nous posons F(x) = ∫ xa f (t)dt, ∀x ∈ [a,b] (intégrale de Rie-

mann ou Lebesgue), alors d’après le théorème de Leibniz-Newton F est dérivable et F ′ = f . Si fn’est plus continue, nous avons le résultat suivant.

Théorème 6.4 (théorème de différentiation de Lebesgue). Soit f : [a,b] →R Lebesgue inté-grable. Posons F(x)= ∫ x

a f (t)dt, ∀x ∈ [a,b] (intégrale de Lebesgue). Alors :a) F est dérivable ν1-p. p.b) En ν1-presque tout point de dérivabilité nous avons F ′(x)= f (x).

Voir par exemple Stein et Shakarchistein_shakarchi[17, section 3.1].

6.8.3 De la dérivée vers l’intégrale

Un corollaire du théorème de Leibniz-Newton est que si F est dérivable avec f = F ′ continue,alors (*) F(x)= F(a)+∫ x

a f (t)dt, ∀x ∈ [a,b].

Pour généraliser (*), nous pouvons affaiblir la condition sur f en demandant que F soit déri-vable p. p. (par rapport à la mesure de Lebesgue) et que sa dérivée f soit Lebesgue intégrable.

Sous ces hypothèses, (*) n’est pas nécessairement vraie. Prenons F(x) =

0, si 0≤ x ≤ 1/21, si 1/2< x ≤ 1

.

Alors F est dérivable sauf en 1/2 et sa dérivée vaut 0 p. p., mais (*) n’est pas satisfaite (vérifier).Plus généralement, (*) est fausse si F n’est pas continue (car le membre de droite de (*) l’est).

Même en ajoutant la condition de continuité de F, les hypothèses sur F ′ sont trop faibles.En effet, il existe une fonction continue F : [0,1] → R telle que F(0) = 0, F(1) = 1 et F ′(x) = 0pour presque tout x. Pour l’existence d’une telle fonction F (« l’escalier du diable » ou « escalier deCantor »), voir l’exercice

excantor6.7.

En revanche, si nous imposons la condition plus forte de dérivabilité partout, alors nous avonsle résultat suivant.

t6.5 Théorème 6.5. Soit F : [a,b] → R continue sur [a,b] et dérivable en tout point de ]a,b[. Si F ′ estLebesgue intégrable, alors F(x)= F(a)+∫ x

a F ′(t)dt, ∀x ∈ [a,b].

Rappelons que, si F est dérivable, alors F ′ est borélienne et donc Lebesgue mesurable. Pour lapreuve du théorème

t6.56.5, voir Natanson

natanson[15, section IX.7].

excantor Exercice 6.7 (ensemble de Cantor et escalier du diable). Si I est un intervalle compact deR, alors nous notons I l’union des deux intervalles obtenus en enlevant de I l’intervalle ouvert quia le même centre que I et dont la longueur est un tiers de celle de I. Exemple : si I = [−3,3] (decentre 0), alors I = [−3,−1]∪ [1,3].De manière équivalente, si I = [a,b] alors I = [a,a+ (b−a)/3]t [a+2(b−a)/3,b].Nous construisons par récurrence une suite (C j) j≥0 décroissante d’ensembles comme suit :1. C0 = [0,1].2. Si C j s’écrit comme une union finie d’intervalles fermés d. d. d. : C j = tm

`=1I`, alors C j+1 estdéfini comme C j+1 =tm

`=1 I`.

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62 CHAPITRE 6. INTÉGRALE

Notons que, par construction, C j ⊂ [0,1] est un compact non vide et que C j+1 ⊂ C j.a) Posons U j = [0,1]\ C j. Montrer que C j est une union de 2 j intervalles compacts d. d. d. et queU j est union de 2 j −1 intervalles ouverts d. d. d.b) Calculer ν1(C j), j ∈N.c) Posons C =∩ j≥0C j. Montrer que C est non vide et calculer ν1(C).Pour j ≥ 1 fixé, notons, dans l’ordre de gauche à droite, les intervalles compacts de la question a)qui donnent C j : C j = [a1,b1]t . . .t [a2 j ,b2 j ]. Nous avons donc U j =]b1,a2[t . . .t]b2 j−1,a2 j [. Nousdéfinissons F j : [0,1]→R par récurrence sur j, comme suit :(i) F0(x)= x, ∀x ∈ [0,1] ;(ii) F j(x)= (F j−1(b`)+F j−1(a`+1))/2 si x ∈ [b`,a`+1], ∀`= 1, . . . ,2 j −1 ;(ii) F j(0)= 0 et F j(1)= 1 ;(iii) F j est affine sur [a`,b`], ∀`= 1, . . . ,2 j −1.d) Montrer que |F j+1(x)−F j(x)| ≤ 1/(3 ·2 j+1), ∀x ∈ [0,1], ∀ j ≥ 0. En déduire qu’il existe F : [0,1] →[0,1] telle que F j → F uniformément.e) Montrer que F(0)= 0 et F(1)= 1.f) Posons U = [0,1]\ C. Si I ⊂U est un intervalle ouvert, montrer que F est constante sur I.g) En déduire :i) que F est continue sur [0,1] et dérivable sur U ;ii) que F n’est pas constante, mais que F ′(x)= 0 pour ν1-presque tout x ∈ [0,1].

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Chapitre 7

Les grands théorèmes

Dans tout ce chapitre, nous travaillons dans un espace mesuré (X ,T ,µ). Sauf mention contraire,les fonctions considérées sont mesurables.

7.1 Lemme de Fatou, théorème de convergence dominée

Théorème 7.1 (lemme de Fatou). Soit ( fn) une suite de fonctions positives, et soit f = liminf fn ≥0. Alors

∫f ≤ liminf

∫fn.

Ou encore :∫

liminf fn ≤ liminf∫

fn.

Démonstration. Soit gn = infm≥n fm, qui est mesurable, positive et ≤ fn. Alors gn f , d’où∫

f =lim

∫gn ≤ liminf

∫fn (justifier).

Exercice 7.1. En considérant les fonctions fn : R→ R, fn(x) =−(x+n)−, ∀n ∈N, ∀x ∈ R, montrerque l’hypothèse fn ≥ 0 est essentielle pour avoir la conclusion du lemme de Fatou.

t7.2 Théorème 7.2 (de convergence dominée de Lebesgue). Soit ( fn), avec fn : X → R, une suitede fonctions telle que :(i) il existe une fonction intégrable g telle que | fn| ≤ g, ∀ n ;(ii) il existe une fonction f telle que fn → f .Alors f est intégrable et

∫ | fn − f |→ 0.En particulier,

∫fn → ∫

f . Ou encore :∫

lim fn = lim∫

fn.

Démonstration. f est mesurable et | f | ≤ g, ce qui montre que f est intégrable (justifier).Soit A = g−1(−∞)∪ g−1(∞), qui est négligeable (justifier). Si h = hχAc , il suffit de prouver laconclusion avec fn, f , g à la place de fn, f , g (justifier). Ainsi, nous pouvons supposer fn, f , gfinies.Posons gn = 2g− | f − fn|, qui est mesurable et positive (vérifier). Nous avons lim gn = 2g, ce quientraîne

2∫

g =∫

2g ≤ liminf∫

gn = liminf∫

(2g−| f − fn|)= 2∫

g− limsup∫

| f − fn|,

d’où limsup∫ | f − fn| ≤ 0. Ceci implique lim

∫ | f − fn| = 0.

Pour la deuxième partie, nous utilisons |∫ f −∫fn| ≤

∫ | f − fn|→ 0.

Exercice 7.2. À l’aide de fn :R→R, fn = χ[n,n+1[, montrer que l’hypothèse (i) est essentielle.

63

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64 CHAPITRE 7. LES GRANDS THÉORÈMES

t7.3 Théorème 7.3 (réciproque du théorème de convergence dominée). Soient fn, f intégrablestelles que

∫ | fn− f |→ 0. Alors il existe une sous-suite ( fnk ) et une fonction intégrable g telles que :

(i′) | fnk | ≤ g ;(ii′) fnk → f p. p.

Démonstration. Posons, pour g,h intégrables, d(g,h)= ∫ |g−h|, qui vérifie l’inégalité triangulaireet est donc une « pseudométrique ».† L’hypothèse est d( fn, f )→ 0, et elle implique que ( fn) est unesuite de Cauchy pour la pseudométrique d.Il existe donc une sous-suite ( fnk ) telle que d( fnk , fnl )≤ 1/2k+1 si k < l.‡

Posons g = | fn0 |+∑

k≥0 | fnk+1 − fnk |. Alors g est mesurable, | fn0 | ≤ g et

| fnk | =∣∣∣∣∣ fn0 +

k−1∑`=0

( fn`+1 − fn`)

∣∣∣∣∣≤ | fn0 |+k−1∑`=0

| fn`+1 − fn` | ≤ g, ∀k ≥ 1.

Par ailleurs, nous avons (justifier)∫g =

∫| fn0 |+

∑k≥0

∫| fnk+1 − fnk | ≤

∫| fn0 |+

∑k≥0

1/2k+1 =∫

| fn0 |+1<∞.

Soit A = g−1(∞) ∈ T , qui vérifie µ(A) = 0. Pout tout x 6∈ A, la série fn0(x)+∑k≥0( fnk+1(x)− fnk (x))

est absolument convergente, donc convergente. Notons h(x) la somme de cette série, de sorte queh(x) = limk fnk (x) (pourquoi ?). Posons, pour toute fonction u, u = uχAc . Nous avons fnk → h et| fnk | ≤ g. Nous trouvons

∫ | fnk − h|→ 0. Le corollairec6.216.2 implique∫

| f − h| =∫

| f − h| ≤∫

| f − fnk |+∫

| fnk − h| =∫

| f − fnk |+∫

| fnk − h|→ 0,

d’où f = h p. p., ou encore fnk → f p. p. (justifier).

Exercice 7.3. Si m,n ∈N∗ et m2 < n ≤ (m+1)2, posons An = [(n−m2)/(2m+1), (n+1−m2)/(2m+1)]et fn = χAn +1/(n+1)χ[n+1,n+2]. Montrer que :a)

∫ | fn|dν1 → 0 ;b) il n’existe pas g intégrable telle que | fn| ≤ g ;c) pour tout x ∈ [0,1], nous avons fn(x) 6→ 0.En déduire qu’en général il faut passer à une sous-suite afin d’avoir (i′) et (ii′).

7.2 Hypothèses satisfaites p. p.

Les théorèmes de convergence monotone et de convergence dominée, respectivement le lemmede Fatou, ont des variantes où il suffit que leurs hypothèses respectives soient vérifiées p. p. Nousallons énoncer ces variantes et montrer seulement la dernière. Le principe de la preuve étanttoujours le même, nous allons, dans la suite, présenter sans preuve des variantes de certainsthéorèmes. Ces résultats peuvent être aussi compris en adoptant le point de vue des mesurescomplétées, voir la Section

mecom4.2.

Théorème 7.4. Soit ( fn) une suite croissante p. p. de fonctions positives p. p. Définissons f (x) =lim fn(x), si lim fn(x) existe0, sinon

. Alors lim∫

fn = ∫f .

†. Une pseudométrique vérifie toutes les propriétés de la métrique (distance) sauf d(x, y)= 0 =⇒ x = y.‡. Rappelons que si (xn) est une suite de Cauchy pour une distance (ou pseudométrique) d et si (αk) est une suite

de nombres strictement positifs, alors il existe une sous-suite (xnk ) telle que d(xnk , xnl )<αk, ∀k < l.

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7.3. INTÉGRALES DÉPENDANT D’UN PARAMÈTRE : CONTINUITÉ 65

Théorème 7.5. Soit ( fn) une suite de fonctions positives p. p. Alors∫

liminf fn ≤ liminf∫

fn.

Théorème 7.6. Soit ( fn) une suite de fonctions fn : X →R, telle que :(i′′) il existe une fonction intégrable g telle que | fn| ≤ g p. p. ;(ii′′) il existe une fonction mesurable f telle que fn → f p. p.Alors

∫ | fn − f |→ 0. En particulier,∫

fn → ∫f .

Démonstration. Soit A ∈T tel que µ(A)= 0 et, en dehors de A, on ait fn(x)→ f (x) et | fn(x)| ≤ g(x).Nous avons | f (x)| ≤ g(x), ∀ x 6∈ A. En posant h = f χAc , nous avons fn = fn p. p., f = f p. p. et fn → f .Le théorème

t7.27.2 et le corollaire

c6.216.2 donnent lim

∫ | fn − f | = lim∫ | fn − f | = 0.

7.3 Intégrales dépendant d’un paramètre : continuité

Soit Λ une partie d’un espace métrique (Y ,d). Nous considérons des fonctions f : X ×Λ→ R,f = f (x,λ). La notation f (·,λ) désigne la fonction : X → R, x 7→ f (x,λ), de variable x, obtenue enfixant λ. Nous définissons de même f (x, ·).

depen Théorème 7.7. Supposons :(i) la fonction f (·,λ) est mesurable pour tout λ ∈Λ ;(ii) la fonction f (x, ·) est continue pour tout x ∈ X ;(iii) il existe une fonction intégrable g = g(x) sur X telle que | f (·,λ)| ≤ g pour tout λ ∈Λ.Alors la fonction F :Λ→R, F(λ)= ∫

X f (·,λ)dµ, est continue.

Démonstration. Soient (λn)⊂Λ, λ ∈Λ tels que λn →λ. Posons hn(x)= f (x,λn), h(x)= f (x,λ). Alors|hn| ≤ g et hn → h, d’où F(λn)= ∫

hn → ∫h = F(λ).

Exercice 7.4. Soit f : R→ R Lebesgue intégrable. Montrer que la transformée de Fourierde f , définie par f (t) = ∫

R e−ıxt f (x)dλ1(x) = ∫ ∞−∞ e−ıxt f (x)dx, ∀ t ∈ R, est une fonction continue et

bornée sur R.

Variante p. p. du théorèmedepen7.7 :

t7.8 Théorème 7.8. Supposons :(i) la fonction f (·,λ) est mesurable pour tout λ ∈Λ ;(ii′) la fonction f (x, ·) est continue pour presque tout x ∈ X ;(iii′) il existe une fonction intégrable g = g(x) sur X telle que pour tout λ ∈Λ on ait | f (·,λ)| ≤ gpour presque tout x ∈ X .Alors la fonction F :Λ→R, F(λ)= ∫

X f (·,λ)dµ, est continue.

Dans les applications, nous prenons souvent Y =Rn muni d’une norme et Λ⊂Rn ouvert. Dansce cas particulier, le théorème

depen7.7 ne s’applique pas toujours. Une variante plus utile est

t7.9 Théorème 7.9. Supposons :(i) la fonction f (·,λ) est mesurable pour tout λ ∈Λ ;(ii′) la fonction f (x, ·) est continue pour presque tout x ∈ X ;(iii′′) pour toute boule B(λ0, r)⊂Λ, il existe une fonction intégrable g = g(x) sur X (qui, en principe,dépend de B(λ0, r) !) telle que pour tout λ ∈ B(λ0, r) on ait | f (·,λ)| ≤ g pour presque tout x ∈ X .Alors la fonction F :Λ→R, F(λ)= ∫

X f (·,λ)dµ, est continue.Même conclusion si pour tout λ0 ∈Λ il existe r et il existe g comme dans (iii′′).

Démonstration. Sur toute boule B(λ0, r) comme ci-dessus, F est continue. Il s’ensuit que F estcontinue sur l’union de ces boules, qui est Λ.

zeta Exercice 7.5. Si s > 1, soit ζ(s)=∑n≥1 1/ns. Montrer que ζ :]1,∞[→R est continue.

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66 CHAPITRE 7. LES GRANDS THÉORÈMES

7.4 Intégrales dépendant d’un paramètre : dérivabilité

Dans cette partie, Λ est un ouvert de Rn muni d’une norme. Nous notons ∂ j = ∂

∂λ j. Plus géné-

ralement, ∂α désigne une dérivée partielle par rapport à λ.

t7.10 Théorème 7.10. Soit j ∈ 1, . . . ,n. Supposons :(i) la fonction f (·,λ) est intégrable pour tout λ ∈ Λ. (La fonction F(λ) = ∫

f (·,λ)dµ est alors biendéfinie.) ;(ii) il existe ∂ j f (x, ·) pour tout x ∈ X ;(iii) pour toute boule B(λ0, r)⊂Λ, il existe une fonction intégrable g = g(x) sur X (qui, en principedépend de B(λ0, r) et de j) telle que pour tout λ ∈ B(λ0, r) on ait |∂ j f (·,λ)| ≤ g.Alors il existe ∂ jF, donnée par ∂ jF = ∫

∂ j f (·,λ)dµ.Ou encore : la dérivée de l’intégrale est l’intégrale de la dérivée.Si, de plus, ∂ j f (x, ·) est continue pour presque tout x, alors ∂ jF est continue.

Démonstration. Nous fixons λ ∈Λ. Soit r > 0 tel que B(λ, r)⊂Λ. Pour t ∈R tel que |t| < r, posons

h(x, t)=

( f (x,λ+ te j)− f (x,λ))/t, si t 6= 0∂ j f (x,λ), si t = 0

,

de sorte que :a) à x fixé, h(x, ·) est continue ;b) à t fixé, h(·, t) est mesurable (justifier, en considérant d’abord le cas t 6= 0, puis en faisant t → 0) ;c) (en utilisant le théorème des accroissements finis) |h(·, t)| ≤ g.

Il s’ensuit que

limt→0

F(λ+ te j)−F(t)t

= limt→0

∫h(·, t)dµ=

∫h(·,0)dµ=

∫∂ j f (·,λ)dµ,

d’où la conclusion.

Dans le cas particulier où ∂ j f (x, ·) est continue pour presque tout x ∈ X , le théorèmet7.87.8 assure

la continuité de ∂ jF.

Exercice 7.6. Montrer que la fonction ζ de l’exercicezeta7.5 est de classe C∞.

Exercice 7.7. (difficile !) Supposons Λ connexe. Montrer nous pouvons, dans le théorèmet7.107.10,

remplacer l’hypothèse (i) par l’hypothèse plus faible(i′) pour tout λ ∈ Λ, la fonction f (·,λ) est mesurable et il existe un λ0 ∈ Λ tel que f (·,λ0) soitintégrable.

Une récurrence basée sur le théorèmet7.107.10 donne le résultat suivant.

c7.1 Corollaire 7.1. Soit k ∈N∗. Supposons :(i) pour tout λ ∈Λ, la fonction f (·,λ) est intégrable (donc F(λ)= ∫

f (·,λ)dµ est bien définie) ;(ii) la fonction f (x, ·) est de classe Ck pour presque tout x ∈ X ;(iii) pour toute dérivée partielle ∂α d’ordre ≤ k et pour toute boule B(λ0, r) ⊂ Λ, il existe unefonction intégrable g = g(x) sur X (qui, en principe, dépend de B(λ0, r) et de α) telle que pour toutλ ∈ B(λ0, r) on ait |∂α f (·,λ)| ≤ g.Alors F ∈ Ck et, pour tout α d’ordre ≤ k, nous avons ∂αF(λ)= ∫

∂α f (·,λ)dµ.

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7.5. SOMME ET INTÉGRALE 67

7.5 Somme et intégrale

Commençons par rappeler que, si ( fn) est une suite de fonctions mesurables, alors la fonction

donnée par f (x)=

lim fn(x), si lim fn(x) existe0, sinon

, est mesurable (propositionp3.103.10).

Théorème 7.11. Soit ( fn)n≥1 une suite de fonctions mesurables telle que∑∫ | fn| <∞. Alors :

a) pour presque tout x, la série∑

fn(x) converge ;

b) si nous posons f (x)=∑

fn(x), si∑

fn(x) existe0, sinon

, alors f est intégrable et∫

f =∑∫fn.

Ou encore (si∑

fn existe en tout point) : l’intégrale de la somme est la somme des intégrales.

Démonstration. Soit g =∑ | fn|, qui est positive et mesurable. Nous avons∫

g = ∫ ∑ | fn| =∑∫ | fn| <∞, d’où g est intégrable.Il s’ensuit que l’ensemble A = g−1(∞) ∈T est négligeable (justifier). Pour x ∈ Ac, la série

∑fn(x)

est absolument convergente, donc convergente. Ceci donne a).Soit B = x ∈ X ;

∑fn(x) n’existe pas, de sorte que B ∈T , B ⊂ A. Soit gn =∑n

k=1 fkχB. Alors gn →f , gn est mesurable et |gn| ≤ ∑ | fk| ≤ g. Le théorème de convergence dominée donne

∫gn → ∫

f .Par ailleurs, nous avons gn =∑n

k=1 fk p. p., d’où∫

gn =∑nk=1

∫fk. Nous obtenons∫

f = limn

∫gn = lim

n

n∑k=1

∫fk =

∑k≥1

∫fk.

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Chapitre 8

Mesures produit

chap8Dans cette partie, nous travaillons dans deux espaces mesurés (X ,T ,µ) et (Y ,S ,ν).

8.1 Tribu produit

Définition 8.1. Un pavé de X ×Y est un ensemble de la forme A×B, avec A ∈T et B ∈S .Un ensemble élémentaire est une partie de X ×Y qui s’écrit come une union finie de pavés.

Définition 8.2. La tribu produit (de T et S ) est la tribu (sur X ×Y ) engendrée par les pavésde X ×Y .Elle est notée T ⊗S .

Exercice 8.1. Si X et Y sont a. p. d., alors P(X )⊗P(Y )=P(X ×Y ).

Proposition 8.1. Nous avons BRn ⊗BRm =BRn+m .

Démonstration. « ⊃ » Un pavé ouvert de Rn+m est le produit d’un pavé ouvert de Rn et d’un pavéouvert de Rm ; il appartient donc à BRn ×BRm (et d’autant plus à BRn ⊗BRm). Il s’ensuit que latribu engendrée par ces pavés (c’est-à-dire BRn+m) est contenue dans BRn ⊗BRm .

Soit A = A ∈ BRn ; A ×Rm ∈ BRn+m. Alors A contient les pavés ouverts (car, dans ce cas,A ×Rm est un pavé ouvert). Par ailleurs, comme (A ×Rm)c = Ac ×Rm et (∪A j)×Rm = ∪A j ×Rm,nous obtenons que A est une tribu. Il s’ensuit que A contient la tribu engendrée par les pavésouverts, c’est-à-dire BRn .Conclusion : nous avons A×Rm ∈ BRn+m pour tout A ∈ BRn . De même, Rn ×B ∈ BRn+m pour toutB ∈BRn .

Si A ∈BRn et B ∈BRm , alors A×B = (A×Rm)∩ (Rn×B) ∈BRn+m . Il s’ensuit que BRn+m contientla tribu engendrée par les A×B, avec A ∈BRn et B ∈BRm , c’est-à-dire BRn ⊗BRm .

l8.1 Lemme 8.1. Soit C la collection des ensembles élémentaires. Alors C est un clan sur X ×Y .De plus, nous avons T (C )=T ⊗S .

Démonstration. Clairement, C est stable par union et contient ;. En notant que (A×B)∩(C×D)=(A∩C)× (B∩D), nous obtenons facilement que C est stable par intersection (vérifier).Soit E =∪ j A j ×B j ∈C (l’union comportant un nombre fini de termes, avec A j ∈T , B j ∈S , ∀ j).Alors

Ec =⋂j

(A j ×B j)c =⋂j

([(A j)c ×Y ]∪ [X × (B j)c]

).

69

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70 CHAPITRE 8. MESURES PRODUIT

Ainsi, Ec est intersection finie d’éléments de C , donc appartient à C .

Par ailleurs, nous avons clairement C ⊂ T ⊗S , d’où T (C ) ⊂ T ⊗S . Comme les pavés sontdans C , la tribu engendrée par les pavés est contenue dans celle engendrée par C , ou encoreT ⊗S ⊂T (C ).

l8.2 Lemme 8.2. Tout ensemble E ∈ C s’écrit sous comme une union finie de la forme E = tA j ×B j,avec :a) A j ∈T et B j ∈S , ∀ j ;b) Si j 6= `, alors soit A j ∩ A` =;, soit B j ∩B` =;.

Démonstration. Soit E = ∪nk=1Ck ×Dk, avec Ck ∈ T , Dk ∈ S , ∀ k. Nous prouvons le lemme par

récurrence sur n, le cas n = 1 étant clair.

Supposons le lemme vrai pour n−1 et soit E comme ci-dessus. Nous avons X ×Y = E1 tE2 tE3 tE4, où E1 = Cn ×Dn, E2 = (Cn)c ×Dn, E3 = Cn × (Dn)c, E4 = (Cn)c × (Dn)c (vérifier).Il s’ensuit que E =t4

i=1(E∩E i). En posant Fi = E∩E i, i = 1, . . . ,4, les Fi sont d. d. d. et F1 = Cn×Dn.Par ailleurs, nous avons E i ∩ (Cn ×Dn) = ;, i = 2,3,4, d’ où Fi = ∪n−1

j=1 [(C j ×D j)∩E i], i = 2,3,4.Chaque ensemble (C j × D j)∩ E i étant de la forme A ×B, avec A ∈ T , B ∈ S , l’hypothèse derécurrence appliquée aux Fi, i = 2,3,4, permet d’écrire chaque Fi, i = 1,2,3,4, comme une unionfinie de produits A i

j ×Bij satisfaisant a) et b) (à i fixé). Si i 6= k, alors pour tout j et ` nous avons

soit A ij ∩ Ak

`=;, soit Bi

j ∩Bk`=; (vérifier, en utilisant le fait que A i

j ⊂ E i et la définition explicitedes E i). Il s’ensuit que la collection de tous les pavés A i

j ×Bij (indexés sur j et i) satisfait a) et b).

Par ailleurs, son union est E.

8.2 Mesure produits8.2

Dans cette partie, nous allons noter : x un point de X , y un point de Y , z = (x, y) un point deX ×Y .

Définition 8.3. Soit E ∈T ⊗S . La coupe de E en x ∈ X est Ex = y ∈Y ; z = (x, y) ∈ E. De même,la coupe de E en y ∈Y est E y = x ∈ X ; z = (x, y) ∈ E.

Proposition 8.2. Soit E ∈T ⊗S . Pour tout x ∈ X , nous avons Ex ∈S .De même, pour tout y ∈Y , nous avons E y ∈T .

Démonstration. Fixons x. Notons A = E ∈ T ⊗S ; Ex ∈ S . Alors A contient les pavés A×B,avec A ∈T , B ∈S , car dans ce cas Ex est soit B, soit ;.De plus, A contient C , car si E =∪A j ×B j ∈C , alors Ex =∪(A j ×B j)x.Par ailleurs, A est une classe monotone : si (En)⊂A et En E, alors Ex =∪(En)x ∈S . De même,si En E, alors Ex =∩(En)x ∈S .Il s’ensuit que A contient la classe monotone engendrée par C , qui est T ⊗S .Conclusion : pour tout E ∈T ⊗S , nous avons Ex ∈S .

mpr Théorème 8.1. Supposons ν σ-finie. Alors, pour tout E ∈T ⊗S , l’application X 3 x 7→ ν(Ex) estT -mesurable.De même, si µ est σ-finie, alors l’application Y 3 y 7→µ(E y) est S -mesurable.

Démonstration. Soit f = fE l’application x 7→ ν(Ex). Soit A = E ∈ T ⊗S ; f est µ−mesurable.Nous voulons montrer que A =T ⊗S .

Étape 1. Preuve du théorème si ν est finieSoit d’abord E ∈ C . Nous écrivons E = tA j ×B j, comme dans le lemme

l8.28.2. Nous avons alors

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8.3. PRODUITS ITÉRÉS 71

Ex = tx∈A j B j, d’où f (x) = ∑x∈A j ν(B j) = ∑

jχA j (x)ν(B j) (vérifier). De manière équivalente, nousavons f =∑

j ν(B j)χA j , d’où f est mesurable. Ainsi, C ⊂A .Pour conclure, il suffit de montrer que A est une classe monotone.Soit d’abord (En)⊂A une suite croissant vers E. Le théorème de la suite croissante donne ν(Ex)=limν((En)x) (vérifier). Ainsi, f est une limite de fonctions µ-mesurables, donc µ-mesurable.Dans le cas d’ une suite décroissante, nous pouvons appliquer le théorème de la suite décroissante(car ν est supposée finie) pour obtenir à nouveau f mesurable.

Étape 2. Preuve du théorème si ν est σ-finieSoit (Yn) ⊂ S une suite telle que Yn Y et ν(Yn) < ∞, ∀ n. Si nous posons νn(B) = ν(B∩Yn),∀B ∈ S , alors νn est une mesure finie (car νn(B) ≤ ν(Yn) < ∞) et ν(B) = limνn(B) (théorèmede la suite croissante). Nous avons f (x) = limνn(Ex), ∀E ∈ T ⊗S , ce qui montre que f est µ-mesurable.

prod Théorème 8.2. a) Supposons µ ou ν σ-finie. Alors il existe sur T ⊗S une mesure ξ telle que (*)ξ(A×B)=µ(A)ν(B), ∀A ∈T , B ∈S .b) Supposons µ et ν σ-finies. Alors ξ ci-dessus est unique. Elle est notée µ⊗ν et est la mesureproduit de µ et ν.

Démonstration. Existence. Supposons par exemple ν σ-finie. Pour E ∈ T ⊗S , posons, avec fcomme dans la preuve précédente, ξ(E) = ∫

X f dµ = ∫X ν(Ex)dµ(x). Alors ξ satisfait (*) (vérifier).

En particulier, ξ(;)= 0.Soit (En) ⊂T ⊗S une suite d. d. d. Soit E =tEn. Si nous posons fn(x) = µ((En)x), alors f =∑

fn,car Ex =t(En)x (vérifier). Nous obtenons

ξ(E)=∫

f dµ=∫ ∑

fn dµ=∑∫fn dµ=∑

ξ(En).

ξ est donc une mesure satisfaisant (*).

Unicité. Soit λ une mesure avec les mêmes propriétés que ξ. Soient (Cn)⊂T , (Dn)⊂S tellesque ∪Cn = X , ∪Dn =Y , µ(Cn)<∞, ν(Dn)<∞. Alors ξ(Cn ×Dn)<∞ et X ×Y =∪Cn ×Dn.

Par ailleurs, nous avons λ(E) = ξ(E), ∀E ∈ C . En effet, nous pouvons écrire, comme dans lelemme

l8.28.2, E =tA j ×B j, avec A j ∈T , B j ∈S , ∀ j. Alors λ(E)=∑

µ(A j)ν(B j)= ξ(E).

La propositionunicite4.6 donne λ= ξ.

Par symétrie, nous pouvons également considérer la mesure E 7→ ∫µ(E y)dν(y). L’unicité de

µ⊗ν donne le résultat suivant.

c8.1 Corollaire 8.1. Si ν et µ sont σ-finies, alors nous avons µ⊗ν(E) = ∫ν(Ex)dµ(x) = ∫

µ(E y)dν(y),∀E ∈T ⊗S .

Exercice 8.2. Si X , Y sont a. p. d. et si µ, ν sont les mesures de comptage sur X , Y , alors µ⊗νest la mesure de comptage sur X ×Y .

8.3 Produits itérés

Plus généralement, nous pouvons considérer plusieurs espaces mesurés (X j,T j,µ j), j = 1, . . . ,k,et construire (a priori) plusieurs tribus et mesures sur X1 × . . .× Xk. Par exemple, si k = 3, nouspouvons considérer les tribus (T1 ⊗T2)⊗T3 ou T1 ⊗ (T2 ⊗T3) et les mesures (µ1 ⊗µ2)⊗µ3 ouµ1 ⊗ (µ2 ⊗µ3). Le résultat est le même, quel que soit l’ordre des opérations. Nous en donnons lapreuve pour k = 3 ; le cas général s’obtient par récurrence.

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72 CHAPITRE 8. MESURES PRODUIT

p8.3 Proposition 8.3. Nous avons (T1⊗T2)⊗T3 =T1⊗ (T2⊗T3)=la tribu engendrée par les produitsde la forme A1 × A2 × A3, avec A j ∈T j, j = 1,2,3.

Démonstration. Notons S j, j = 1,2,3, les trois tribus de l’énoncé. Montrons par exemple queS1 =S3. Si A j ∈T j, j = 1,2,3, alors A1 × A2 × A3 ∈S1 (justifier), d’où S3 ⊂S1.

Pour l’inclusion inverse, il suffit de montrer que E×A3 ∈S3 si E ∈T1⊗T2 et A3 ∈T3 (justifier).Nous fixons A3 ∈T3. Soit A = E ∈T1⊗T2 ; E×A3 ∈S3. Clairement, A est une classe monotone.De plus, elle contient le clan C engendré par les produits A1×A2, avec A1 ∈T1, A2 ∈T2. Donc Acontient T (C )=T1 ⊗T2.

p8.4 Proposition 8.4. Si les mesures µ j sont σ-finies, j = 1,2,3, alors (µ1⊗µ2)⊗µ3 =µ1⊗(µ2⊗µ3)=l’uniquemesure λ telle que λ(A1 × A2 × A3)=µ1(A1)µ2(A2)µ3(A3) pour A j ∈T j, j = 1,2,3.

Démonstration. Pour A j ∈T j, j = 1,2,3, nous avons

(µ1 ⊗µ2)⊗µ3(A1 × A2 × A3)=µ1 ⊗ (µ2 ⊗µ3)(A1 × A2 × A3)=µ1(A1)µ2(A2)µ3(A3).

Comme dans la preuve du théorèmeprod8.2, nous concluons grâce à la proposition

unicite4.6.

Grâce à l’associativité du produit, nous pouvons définir sans ambiguité les produits T1 ⊗T2 ⊗. . .⊗Tn et µ1 ⊗µ2 ⊗ . . .⊗µn. Nous noterons ces produits ⊗n

1Ti, respectivement ⊗n1µi.

c8.2 Corollaire 8.2. Si νn est la mesure de Lebesgue sur BRn , alors νn ⊗νm = νn+m et, plus générale-ment, ⊗νn j = ν∑

n j .

Démonstration. Notons d’abord que les produits sont bien définis, car la mesure de Lebesgueνn est σ-finie (proposition

ac24.7). Nous avons ⊗νn j (P) = ν∑

n j (P) = m(P) si P est un pavé de R∑

n j

(vérifier). Nous concluons grâce au théorèmetheleb4.2.

Les résultats des sections suivantes seront prouvés pour k = 2. Néanmoins, il y a des variantespour k ≥ 3, que nous allons énoncer sans preuve. Les preuves de ces variantes sont dans l’espritde celles des propositions

p8.38.3 et

p8.48.4.

8.4 Passage aux mesures complétées

Nous pouvons, à partir de (X ,T ,µ) et (Y ,S ,ν), compléter les tribus et mesures comme suit.Procédé 1. Compléter T ⊗S par rapport à µ⊗ν. Nous obtenons de cette façon la tribu complétéeT ⊗S et la mesure complétée µ⊗ν .Procédé 2. Compléter d’abord T , S , µ, ν, puis considérer la tribu et la mesure produit. Cecidonne la tribu T ⊗S et la mesure µ⊗ν.

Puis compléter la tribu et la mesure ainsi construites. Nous obtenons ainsi la tribu T ⊗S et lamesure µ⊗ν.Clairement, la tribu du procédé 2 contient celle obtenue par le procédé 1 et la mesure obtenue parle procédé étend celle obtenue par le procédé 1.

Théorème 8.3. Si µ, ν sont σ-finies, alors les procédés 1 et 2 donnent les mêmes tribus, respecti-vement mesures.Par conséquent, il sufit de compléter les tribus après avoir fait leur produit.

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8.4. PASSAGE AUX MESURES COMPLÉTÉES 73

Démonstration. Clairement, nous avons T ⊂T , S ⊂S et µ⊗ν=µ⊗ν sur T ⊗S , d’où T ⊗S ⊂T ⊗S .Par ailleurs, nous obtenons facilement à partir de la définition de la mesure complétée que µ⊗νest une extension de µ⊗ν.

Soit E ∈T ⊗S . Pour un tel E, il existe E1,E2 ∈T ⊗S tels que E1 ⊂ E ⊂ E2 et µ⊗ν(E2\E1)= 0.De plus, nous avons µ⊗ν(E)=µ⊗ν(E1)=µ⊗ν(E2) (pourquoi ?).Nous allons montrer la propriété suivante : (*) il existe F1,F2 ∈T ⊗S tels que F1 ⊂ E1 ⊂ E ⊂ E2 ⊂F2 et µ⊗ν(F2 \ F1) = 0. Admettons pour l’instant la validité de (*). De (*), il s’ensuit à la fois queE ∈T ⊗S et que

µ⊗ν(E)=µ⊗ν(E1)≥µ⊗ν(F1)=µ⊗ν(E)=µ⊗ν(F2)≥µ⊗ν(E2)=µ⊗ν(E),

ce qui donne :

a) T ⊗S ⊂T ⊗S , d’où, compte tenu du début de la preuve, T ⊗S =T ⊗S ;b) µ⊗ν=µ⊗ν, d’où le résultat.

Passons à la preuve de (*). Il suffit de montrer que (**) pour tout G ∈T ⊗S , il existe G1,G2 ∈T ⊗S tels que G1 ⊂ G ⊂ G2 et µ⊗ ν(G2 \ G1) = 0. En effet, si (**) est vraie, alors il existeH1,H2, I1, I2 ∈ T ⊗S tels que H1 ⊂ E1 ⊂ H2, I1 ⊂ E2 ⊂ I2, µ⊗ν(H2 \ H1) = 0, µ⊗ν(I2 \ I1) = 0.Posons alors F1 = H1, F2 = I2, de sorte que F1 ⊂ E1 ⊂ E2 ⊂ F2. De plus, nous avons (vérifier)

µ⊗ν(F2 \ F1)=µ⊗ν((I2 \ E2)t (E2 \ E1)t (E1 \ H1))=µ⊗ν(I2 \ E2)+µ⊗ν(E2 \ E1)+µ⊗ν(E1 \ H1)≤µ⊗ν(I2 \ I1)+µ⊗ν(E2 \ E1)+µ⊗ν(H2 \ H1)= 0,

ce qui donne (*).

Prouvons donc (**). Soit A = G ∈T ⊗S ; (∗∗) est vraie pour G. Clairement, A est une classemonotone : par exemple, si Gk G, avec Gk ∈A , soient Gk

1 ,Gk2 ∈T ⊗S tels que Gk

1 ⊂Gk ⊂Gk2 et

µ⊗ν(Gk2 \Gk

1)= 0. Alors ∪Gk1 ⊂G ⊂∪Gk

2 et µ⊗ν(∪Gk2 \∪Gk

1)≤µ⊗ν(∪(Gk2 \Gk

1))≤∑µ⊗ν(Gk

2 \Gk1)= 0

(justifier). Une inégalité analogue est vraie si Gk G et si nous remplaçons les unions par desintersections.Par ailleurs, A contient le clan C engendré par les produits A×B, avec A ∈T , B ∈S . En effet, siG ∈C , alors nous pouvons écrire G =tA j ×B j, avec A j ∈T , B j ∈S , l’union étant d. d. d. et finie(pourquoi ?). Si A j

1, A j2 ∈ T , B j

1,B j2 ∈ S sont tels que A j

1 ⊂ A j ⊂ A j2, B j

1 ⊂ B j ⊂ B j2, µ(A j

2 \ A j1) = 0,

ν(B j2 \ B j

1) = 0, alors les A j1 ×B j

1 sont d. d. d. et tA j1 ×B j

1 ⊂ G ⊂ tA j2 ×B j

2. De plus, nous avons(∪A j

2 ×B j2)\ (∪A j

1 ×B j1)⊂∪((A j

2 \ A j1)×B j

2 ∪ A j2 × (B j

2 \ B j1)), d’où

µ⊗ν((∪A j2 ×B j

2)\ (∪A j1 ×B j

1))≤∑µ⊗ν((A j

2 \ A j1)×B j

2)+∑µ⊗ν(A j

2 × (B j2 \ B j

1))= 0,

ce qui montre que G ∈A .Il s’ensuit que A =T ⊗S (justifier), d’où la conclusion.

Une preuve analogue donne le résultat suivant.

Théorème 8.4. Si les µi sont σ-finies, alors nous avons ⊗ni=1Ti =⊗n

i=1T i et ⊗ni=1µi =⊗n

i=1µi.

Corollaire 8.3. Nous avons Ln ⊗Lm =Ln+m et λn ⊗λm =λn+m.De même, nous avons ⊗n

i=1L1 =Ln et ⊗ni=1λ1 =λn.

Démonstration. Prouvons les deux premières propriétés. Si νn est la mesure de Lebesgue surBRn , alors λn = νn et Ln = BRn . Compte tenu du fait que νn ⊗νm = νn+m (corollaire

c8.28.2), nous

avons Ln ⊗Lm =BRn ⊗BRm =BRn ⊗BRm =BRn+m =Ln+m.

De plus, λn ⊗λm = νn ⊗νm = νn ⊗νm = νn+m =λn+m.

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74 CHAPITRE 8. MESURES PRODUIT

8.5 Les grands théorèmes pour µ⊗νRemarque préliminaire. Dans cette partie, nous nous donnons deux espaces mesurés (X ,T ,µ)et (Y ,S ,ν). Pour simplifier et pour avoir les énoncés les plus utiles en vue des applications, noussupposons que µ et ν sont σ-finies. Comme observé dans la section

s8.28.2, nous pouvons définir une

mesure « type mesure produit » si µ ou ν sont σ-finies ; mais dans la définition de cette mesure µet ν ne joue pas le même rôle. Nous obtenons, sous cette hypothèse plus générale, « la moitié » desénoncés qui suivent. Par exemple, si nous supposons uniquement ν σ-finie (sans hypothèse sur µ),alors la conclusion de la proposition

p8.58.5 devient : fx est S -mesurable, ∀x ∈ X . Lorsque les deux

mesures sont σ-finies, les énoncés deviennent plus symétriques et sont souvent plus utiles dansles applications. Nous laissons au lecteur le soin de formuler les variantes « ou » des résultats« et » de cette section.

Dans la suite, nous supposons donc que µ et ν sont σ-finies et nous munissons X ×Y de latribu produit T ⊗S et de la mesure produit µ⊗ν.

p8.5 Proposition 8.5. Soit f : X ×Y →R une fonction T ⊗S -mesurable. Alors, pour tout x ∈ X et y ∈Y , les fonctions partielles fx : Y → R, f y : X → R, fx = f (x, ·), f y = f (·, y), sont S -, respectivementT -mesurables.

Démonstration. Il suffit de le montrer quand f est étagée. Le cas général s’obtient par passage àla limite, en utilisant :a) le fait que toute fonction mesurable est limite simple de fonctions étagées ;b) le fait qu’une limite simple de fonctions mesurables est mesurable.

Par linéarité des appplications f 7→ fx, respectivement f 7→ f y, il suffit de considérer le cas oùf = χE, avec E ∈T ⊗S . Dans ce cas, nous avons fx = χEx et f y = χE y et la conclusion est claire.

Remarque 8.1. De même, si nous considérons un produit de plusieurs facteurs, les applica-tions partielles obtenues en figeant une partie des variables d’une fonction mesurable f sontmesurables. Par exemple : si f :

∏4i=1 X i → R est ⊗4

i=1Ti-mesurable, alors l’application fx1,x2 =f (x1, x2, ·, ·) : X3 × X4 →R est T3 ⊗T4-mesurable.

Remarque 8.2. Le principe de la preuve de la propositionp8.58.5 est important à retenir. Pour obtenir

des propriétés de mesurabilité ou intégrabilité des fonctions « générales », il est souvent suffisantde raisonner sur des fonctions caractéristiques ; le reste est « automatique ».

t8.5 Théorème 8.5 (de Tonelli). Soit f : X×Y → [0,∞] une fonction T ⊗S -mesurable. Alors la fonc-tion y 7→ ∫

X f (·, y)dµ est S -mesurable. De plus, nous avons∫X×Y

f dµ⊗ν=∫

Y

(∫X

f (x, y)dµ(x))

dν(y).

De même, l’application x 7→ ∫Y f (x, ·)dν est T -mesurable et nous avons∫

X×Yf dµ⊗ν=

∫X

(∫Y

f (x, y)dν(y))

dµ(x).

Démonstration. Si f = χE, avec E ∈T ⊗S , alors la mesurabilité suit du théorèmempr8.1, alors que

l’égalité des intégrales est donnée par le corollairec8.18.1.

La conclusion du théorème étant valide pour des fonctions caractéristiques comme ci-dessus, parlinéarité de l’intégrale le théorème reste vrai si f est étagée et positive (vérifier).Pour f quelconque, nous considérons une suite ( fn) de fonctions étagées telle que fn ≥ 0, fn f .Par convergence monotone, nous trouvons :

∫X fn(x, y)dµ(x)→ ∫

X f (x, y)dµ(x), d’où y 7→ ∫X f (·, y)dµ

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8.5. LES GRANDS THÉORÈMES POUR µ⊗ν 75

est ν-mesurable (comme limite simple de fonctions mesurables). À nouveau par convergence mo-notone, nous obtenons :∫

X×Yf dµ⊗ν= lim

∫X×Y

fn dµ⊗ν= lim∫

Y

(∫X

fn(x, y)dµ(x))

dν(y)

=∫

Y

(∫X

f (x, y)dµ(x))

dν(y),

ce qui achève la démonstration.

Corollaire 8.4. Si f : X×Y →R est mesurable, alors f est intégrable ssi∫

Y (∫

X | f (x, y)|dµ(x))dν(y)<∞ (ou

∫X (

∫Y | f (x, y)|dν(y))dµ(x)<∞).

Démonstration. Le théorème de Tonelli donne∫

X×Y | f |dµ⊗ν= ∫Y (

∫X | f (x, y)|dµ(x))dν(y).

t8.6 Théorème 8.6 (de Fubini). Soit f : X ×Y →R intégrable. Alors :a) pour ν-presque tout y, la fonction f y = f (·, y) est µ-intégrable ;

b) si nous posons g(y)=∫

X f (·, y)dµ, si cette intégrale existe0, sinon

, alors g est ν-intégrable ;

c) nous avons∫X×Y

f dµ⊗ν=∫

Yg(y)dν(y).

Énoncé analogue en échangeant les rôles de x et y.

Démonstration. Nous appliquons le théorème précédent à f+ et f−. Ceci implique que les fonctionsy 7→ ∫

X f±(·, y)dµ sont ν-intégrables, donc finies ν-p. p. Si

B =

y ∈Y ;∫

Xf+(·, y)dµ=∞ et

∫X

f−(·, y)dµ=∞

alors B ∈ S , ν(B) = 0 (justifier) et∫

X f (·, y)dµ est définie ssi y 6∈ B. Étant donné que g(y) =χBc (y)(

∫X f+(·, y)dµ−∫

X f−(·, y)dµ) (vérifier), il s’ensuit que g est mesurable.Comme µ⊗ν(X ×B)= 0 (pourquoi ?), nous avons (justifier)∫

Y \B

(∫X

f±(·, y)dµ)

dν(y)=∫

X×(Y \B)f± dµ⊗ν=

∫X×Y

f± dµ⊗ν<∞. (8.1) de5

En ajoutant les deux égalités (de58.1), nous obtenons∫

Y \B|g(y)|dν(y)≤

∫Y \B

(∫X| f (·, y)|dµ

)dν(y)=

∫Y \B

(∫X

( f+(·, y)+ f−(·, y))dµ)

dν(y)<∞,

d’où g est intégrable sur Y \ B, donc sur Y (justifier).En particulier, g est finie ν-presque partout, d’où f (·, y) est intégrable pour ν-presque tout y.Enfin, en retranchant les deux égalités (

de58.1) nous obtenons∫

Yg =

∫Y \B

g =∫

Y \B

(∫X

( f+(·, y)− f−(·, y))dµ)

dν(y)=∫

X×(Y \B)f dµ⊗ν=

∫X×Y

f dµ⊗ν.

Remarque 8.3. Les théorèmes de Tonelli et Fubini ont des variantes relatives à des produitsde plusieurs facteurs. Exemple : si f : Rn → [0,∞] est borélienne et positive, alors les fonctions(x2, . . . , xn) 7→ ∫

R f (x1, x2, . . . , xn)dν1(x1), (x3, . . . , xn) 7→ ∫R(

∫R f (x1, x2, x3, . . . , xn)dν1(x1))dν1(x2), etc.,

sont boréliennes, et nous avons∫Rn

f dνn =∫R

(. . .

(∫R

(∫R

f (x1, x2, . . . , xn)dν1(x1))

dν1(x2)). . .

)dν1(xn). (8.2) dc5

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76 CHAPITRE 8. MESURES PRODUIT

(Abus de) notation. Si Ω⊂Rn est un borélien, si f = f (x) :Ω→R a une intégrale par rapport à lamesure de Lebesgue λn et s’il n’y a pas de risque de confusion, nous notons

∫Ω f dλn = ∫

Ω f (x)dx.Avec cette notation, l’égalité (

dc58.2) devient∫

Rnf (x)dx =

∫R

(. . .

(∫R

(∫R

f (x1, x2, . . . , xn)dx1

)dx2

). . .

)dxn.

Notation alternative, par exemple pour n = 2 :∫R2

f (x, y)d(x, y)=∫R

(∫R

f (x, y)d y)

dx.

8.6 Les grands théorèmes pour µ⊗νProposition 8.6. Soit f : X×Y →R une fonction T ⊗S -mesurable. Alors pour presque tout x ∈ Xet y ∈Y , les fonctions fx et f y sont S -, respectivement T -mesurables.

Démonstration. Il suffit d’obtenir la conclusion de la proposition dans le cas particulier où f = χE,avec E ∈T ⊗S . En effet, si la résultat est vrai dans ce cas, il est vrai pour les fonctions T ⊗S -étagées, puis, par passage à la limite, pour les fonctions T ⊗S -mesurables. (Au cours du passageà la limite, nous utilisons le fait que l’union d’une suite d’ensembles négligeables est négligeable.)

Soit E ∈ T ⊗S . Il existe E1,E2 ∈ T ⊗S tels que E1 ⊂ E ⊂ E2 et µ⊗ ν(E2 \ E1) = 0. SoitF = E2 \ E1. À x fixé, nous avons (E1)x ⊂ Ex ⊂ (E2)x, et donc (χE)x(y) = (χE1)x(y) si y 6∈ Fx. Parailleurs, la fonction (χE1)x est S -mesurable pour tout x ∈ X (proposition

p8.58.5). Il s’ensuit que (χE)x

est S -mesurable pour tout x tel que Fx soit S -négligeable (justifier).Ainsi, il suffit de montrer que, si F ∈T ⊗S est µ⊗ν-négligeable, alors Fx est ν-négligeable pourpresque tout x. Ceci résulte de la formule qui donne µ⊗ν : 0=µ⊗ν(F)= ∫

X ν(Fx)dµ(x). La fonctionx 7→ ν(Fx) étant positive et mesurable, nous avons ν(Fx)= 0 µ-p. p. (justifier).

r8.4 Remarque 8.4. Si λ est une mesure complète sur (T,A ) et g une fonction définie λ-p. p.sur T, alors nous pouvons donner un sens naturel à la mesurabilité de g (même si elle n’est pasdéfinie en tout point). En effet, soit h un prolongement arbitraire de g de son domaine définitionà T tout entier (par exemple, le prolongement par la valeur 0). Si h est A -mesurable, alors toutautre prolongement de g est A -mesurable, car égal à h λ-p. p. Dans ce cas, g est, par définition,A -mesurable. De même, par définition g a une intégrale (par rapport à λ) ssi h en a une ; ànouveau, cette propriété ne dépend pas du choix de h. Dans ce cas, nous posons

∫g dλ = ∫

h dλ ;cette quantité ne dépend pas du choix de h.

Par ailleurs, il est facile de montrer que si g est limite λ-p. p. d’ une suite de fonctions définiesλ- p. p. et A -mesurables, alors g est A -mesurable. Plus généralement, la mesurabilité et la notiond’intégrale définies de cette manière ont les principales propriétés de la mesurabilité et intégraleshabituelles. À titre d’exemple, nous avons un théorème adapté de convergence monotone : si fn, fsont définies et positives λ-p. p., si fn est A -mesurable, ∀n et fn f λ-p. p., alors

∫fn ∫

f .

Avec ces conventions, la conclusion du théorème de Fubini s’écrit plus simplement∫X×Y

f dµ⊗ν=∫

Y

(∫X

f (·, y)dµ)

dν(y) ; (8.3) de7

à comparer à la conclusion∫X×Y

f dµ⊗ν=∫

Y

(∫X

f (·, y)dµ)

dν(y) (8.4) de8

du théorème de Tonelli.

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8.6. LES GRANDS THÉORÈMES POUR µ⊗ν 77

Les formules (de78.3)–(

de88.4) permettent de mieux comprendre le rôle du passage aux mesures

complétées, illustré dans les théorèmest8.78.7 et

t8.88.8.

t8.7 Théorème 8.7 (de Tonelli). Soit f : X ×Y → [0,∞] une fonction µ⊗ν-mesurable. Alors l’applica-tion y 7→ ∫

X f (x, y)dµ(x) (définie ν-p. p.) est S -mesurable et∫X×Y

f dµ⊗ν=∫

Y

(∫X

f (x, y)dµ(x))

dν(y).

Énoncé analogue en échangeant les rôles de x et de y.

Démonstration. Commençons par le cas f = χE, avec E ∈T ⊗S . Au vu de la preuve de la propo-sition précédente et avec les notations de cette preuve, nous avons, pour ν- presque tout y,∫

X(χE)y dµ=µ(E y)=µ((E1)y)=

∫X

(χE1)y dµ.

Cette égalité, combinée avec le théorèmet8.58.5 et la remarque

r8.48.4, donne la S -mesurabilité de

y 7→ ∫X (χE)y dµ. De plus, nous avons∫

X×YχE dµ⊗ν=µ⊗ν(E)=µ⊗ν(E1)=

∫Yµ((E1)y)dν(y)=

∫Y

(∫XχE(x, y)dµ(x)

)dν(y),

ce qui prouve que le théorème est vrai si f = χE.Le cas d’une fonction étagée positive suit par linéarité, en notant :a) qu’une somme finie de fonctions positives g j définies p. p. est encore définie p. p. ;b) que si les g j sont mesurables (au sens de la remarque

r8.48.4) alors leur somme l’est ;

c) que, pour des fonctions définies p. p., positives et mesurables, l’intégrale de la somme est lasomme des intégrales.Enfin, le cas où f est quelconque s’obtient en considérant une suite croissante de fonctions étagéeet positives telle que fn f . Nous concluons en utilisant :a) le fait que y 7→ ∫

X f (x, y)dµ(x) est la limite de y 7→ ∫X fn(x, y)dµ(y) là où toutes ces fonctions

sont définies, c’est-à-dire ν-p. p. ;b) le fait que, par conséquent, y 7→ ∫

X f (x, y)dµ(x) est mesurable, comme limite p. p. de fonctionsmesurables définies p. p. ;c) le théorème de convergence monotone, variante ν-p. p.

t8.8 Théorème 8.8 (de Fubini). Soit f : X ×Y →R une fonction µ⊗ν-intégrable. Alors :a) pour ν-presque tout y, f y = f (·, y) est µ-intégrable ;

b) si nous posons g(y)=∫

X f (·, y)dµ, si cette intégrale existe0, sinon

, alors g est ν-intégrable ;

c) nous avons∫X×Y

f dµ⊗ν=∫

Yg(y)dν(y).

Énoncé analogue en échangeant les rôles de x et y.

La preuve de ce théorème est essentiellement identique à celle du théorème de Fubini pourµ⊗ν ; elle est laissée au lecteur.

Remarque 8.5. Ces théorèmes ont, dans le cas de plusieurs facteurs, des variantes que le lecteurénoncera facilement.

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Chapitre 9

Changements de variables

ab9

9.1 Un peu d’algèbre linéaire

Soit A ∈ Mn(R) une matrice inversible. Nous pouvons ramener A à l’identité par la méthodedu pivot de Gauss (en ligne ou colonne). Chaque étape de la méthode de Gauss en ligne est l’unedes suivantes :a) permutation de deux colonnes de A (à la recherche d’un pivot) ;b) l’une des colonnes de A est multipliée par une constante c 6= 0, puis est retranchée d’une autrecolonne (afin de faire un zéro dans la ligne).

Si nous écrivons ces opérations en termes matriciels, alors a) revient à multiplier A à droitepar une matrice Pi j, qui s’obtient de l’identité en permutant les colonnes i et j. b) revient à multi-plier d’abord A à droite par la matrice Q i,c qui s’obtient de l’identité en multipliant la colonne i parc, puis multiplier le résultat à droite par la matrice Ri j qui s’obtient de l’identité en retranchantla colonne i de la colonne j, enfin multiplier ce dernier résultat à droite par Q i,1/c.

Ainsi, l’identité s’écrit comme un produit fini de la forme I = AS1S2 . . .Sm, où chaque Sk est unPi j ou un Q i,c ou un Ri j. Ceci donne A = S−1

m . . .S−11 . Notons que P−1

i j = Pi j, Q−1i,c =Q i,1/c, R−1

i j = Ti j,où Ti j s’obtient de l’identité en ajoutant la colonne i à la colonne j.

Nous venons de prouver le résultat suivant :

Proposition 9.1. Toute matrice inversible est produit de matrices du type Pi j, Q i,c et Ti j.

9.2 Changements de variables linéaire

t9.1 Théorème 9.1. Soit A ∈ Mn(R) une matrice inversible. Alors :a) E ⊂Rn est borélien (respectivement Lebesgue mesurable) ssi A(E) l’est ;b) si tel est le cas, alors λn(A(E))= |dét A|λn(E).

Démonstration. Nous avons E = A−1(A(E)), donc si A(E) est borélien, E l’est aussi. De même,nous avons A(E)= (A−1)−1(E), donc A(E) est borélien si E l’est.

Soit C = [0,1[n. C étant d’intérieur non vide et A étant un homéomorphisme, A(C) est d’inté-rieur non vide. Il s’ensuit que A(C) contient un pavé ouvert non vide, d’où λn(A(C)) = k = kA > 0.Par ailleurs, A(C) est borné (car C l’est), d’où k <∞.

Posons µ(E)=λn(A(E))/k = νn(A(E))/k, ∀E ∈BRn . Nous allons montrer que µ est la mesure deLebesgue sur BRn , d’où λn(A(E))= kλn(E), ∀E ∈BRn .

79

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80 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES

Clairement, µ est une mesure, car si (En) est une suite d. d. d. de boréliens, alors (A(En)) estune suite d. d. d. de boréliens et donc µ(tEn) = λn(tA(En))/k = ∑

λn(A(En))/k = ∑µ(En). Par

construction, nous avons µ(C)= 1= λn(C). Enfin, µ est invariante par translations, car µ(E+ x)=λn(A(E+ x))/k =λn(A(E)+ Ax)/k =λn(A(E))/k =µ(E). Nous verrons plus tard (exercice

ah39.1) que la

seule mesure borélienne invariante par translations et telle que la mesure du cube C = [0,1[n soitégale à 1 est la mesure de Lebesgue sur les boréliens. Donc µ= νn.

Ensuite, nous montrons l’égalité (*) kA = |dét A| (qui permet de compléter la preuve du théo-rème si E est borélien).Dans un premier temps, notons l’égalité kAB = kAkB. En effet, nous avons kAB = λn(AB(C)) =kAλn(B(C))= kAkBλn(C)= kAkB.Par ailleurs, nous avons aussi |dét (AB)| = |dét A||dét B|. Compte tenu de la proposition précé-dente, il suffit alors de montrer (*) quand A est l’une des matrices Pi j, Q i,c ou Ti j (puis nousmultiplions ces égalités pour obtenir (*) pour A quelconque).Si A = Pi j, alors |dét A| = 1 et A(C)= C, d’où kA = 1.Si A = Q i,c, alors |dét A| = |c| et, selon le signe de c, nous avons A(C) = [0,1[i−1×[0, c[×[0,1[n−i−1

ou A(C)= [0,1[i−1×]c,0]× [0,1[n−i−1. Dans les deux cas, nous avons kA = |c| (justifier).Enfin, soit A = Ti j ; d’où |dét A| = 1. Pour simplifier l’écriture, nous prenons i = 1, j = 2. Alors

A(C)= (x1 + x2, x2, . . . , xn) ; 0≤ xk < 1, k = 1, . . . ,n= (y1, x2, . . . , xn) ; x2 ≤ y1 < 1+ x2,0≤ xk < 1, k = 2, . . . ,n.

Nous décomposons A(C) = B1 tB2, où B1 est l’ensemble des points de A(C) tels que x2 ≤ y1 < 1et B2 celui des points de A(C) tels que 1 ≤ y2 < x2 +1. Alors B1 est intersection finie de ferméset ouverts (il est donné par un nombre fini d’inégalités affines), donc borélien. Il s’ensuit queB2 = A(C)\ B1 l’est aussi. Par ailleurs, nous avons B1 ⊂ C et B2 = (C \ B1)+ e1. Donc

kA =λn(A(C))=λn(B1)+λn(B2)=λn(B1)+λn((C \B1)+ e1)=λn(B1)+λn(C \B1)=λn(C)= 1.

Enfin, soit E ⊂ Rn Lebesgue mesurable. Il existe E1,E2 boréliens tels que E1 ⊂ E ⊂ E2 etνn(E2\E1)= 0. Nous trouvons que A(E1)⊂ A(E)⊂ A(E2) et νn(A(E2)\A(E1))= νn(A(E2\E1))= 0.Donc A(E) est Lebesgue mesurable. Le même raisonnement appliqué à A−1 montre l’implicationinverse : si A(E) est Lebesgue mesurable, alors E l’est. Pour conclure, nous notons que

λn(A(E))= νn(A(E2))= |dét A|νn(E2)= |dét A|λn(E).

Remarque 9.1. Si A n’est pas inversible, alors pour toute partie E de Rn, A(E) est Lebesguemesurable, de mesure nulle.

En effet, dans ce cas A(Rn) est un sous espace de Rn de dimension ≤ n−1, donc contenu dansun hyperplan H. Si cet hyperplan est H0 = Rn−1 × 0, alors λn(H0) = νn−1(Rn−1)ν1(0) = 0. Si Hest un hyperplan quelconque, alors il existe une isométrie R de Rn telle que H = R(H0) ; d’oùλn(H)=λn(R(H0))=λn(H0)= 0.

Il s’ensuit que λn(A(Rn))= 0, d’où λn(A(E))= 0 pour tout E.

Remarque 9.2. La mesure de Lebesgue étant invariante par translations, nous pouvons rem-placer dans le théorème

t9.19.1 « linéaire » par « affine ». En effet, si Bx = Ax+ b, avec A matrice in-

versible et b ∈ Rn, alors λn(B(E)) = λn(A(E)+ b) = λn(A(E)) = |dét A|λn(E), pour tout E Lebesguemesurable.

9.3 Un peu de topologieab6

Dans la suite, nous munissons Rn de la norme ‖ ‖∞. Nous munissons L (Rn) de la normematricielle subordonnée :

‖A‖ = sup‖Ax‖∞ ; ‖x‖∞ ≤ 1. (9.1) df1

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9.4. IMAGE D’UN PETIT CUBE PAR UN C1-DIFFÉOMORPHISME 81

Un cube (de Rn) est un produit C = I1 × I2 × . . .× In, où les I j sont des intervalles de mêmelongueur, strictement positive. La longuer commune de ces intervalles est la taille de C. Si x estle centre et ` la taille de C, alors B(x,`/2)⊂ C ⊂ B(x,`/2) (boules pour la norme ‖ ‖∞).

Soit j ∈ N. Nous pouvons recouvrir Rn avec des cubes disjoints de taille 1/2 j, à travers lerecouvrement Rn = tl∈Zn(1/2 j · l + [0,1/2 j[n). Notons Q j la collection de ces cubes ; C va désignerun cube appartenant à Q j.

Si F ⊂ Rn, posons F j = ∪C ; C ∈ Q j,C∩F 6= ;. Notons que F j ⊂ F j−1 si j ≥ 1. En effet, pourtout cube C de Q j, il existe un (unique) cube Q de Q j−1 qui le contient. Donc, si C apparaît dansF j, alors Q apparaît dans F j−1, ce qui implique F j ⊂ F j−1.

Notons aussi que F ⊂ F j. En effet, si x ∈ F, alors il existe un C de Q j tel que x ∈ C. C apparaîtdonc dans F j, d’où x appartient à F j.

p9.2 Lemme 9.1. Soit K un compact. Alors K j K et λn(K j)→λn(K).De plus, si U est un ouvert tel que U ⊃ K , alors, pour j suffisamment grand, nous avons U ⊃ K j.

Démonstration. Nous avons déjà vu que la suite (K j) était décroissante. Il reste à montrer que∩K j = K . Si x ∈ K j, alors il existe un C de Q j tel que x ∈ C et C ∩K 6= ;. Soit yj ∈ K ∩C. Alors‖x− yj‖∞ < 1/2 j, d’où dist(x,K)< 1/2 j. Si x ∈∩K j, alors dist(x,K)= 0, d’où x ∈ K .

Notons que l’ensemble K j est réunion a. p. d. de cubes (qui sont boréliens), donc un borélien. Ladeuxième propriété découle du théorème de la suite décroissante si K0 est borné (donc de mesurede Lebesgue finie). Soit M tel que ‖x‖∞ ≤ M, x ∈ K . De la première partie de la preuve, nous avonsdist(y,K)< 1, ∀ y ∈ K0, d’où ‖y‖∞ ≤ M+1, ∀ y ∈ K0 (justifier). K0 est donc borné.

Pour la dernière propriété, soit ε= dist(K ,U c)> 0. Si 2 j0 > 1/ε et j ≥ j0, alors 1/2 j < ε. Pour untel j, montrons que U ⊃ K j. Soit y ∈ K j. Alors il existe C ∈Q j tel que y ∈ C et il existe x ∈ K ∩C. Ils’ensuit que ‖x− y‖∞ < 1/2 j, d’où

dist(y,U c)≥ dist(x,U c)−‖x− y‖∞ > dist(K ,U c)−1/2 j > 0.

Nous obtenons que y 6∈U c, ou encore y ∈U . y ∈ K j étant arbitraire, nous avons K j ⊂U .

Remarque 9.3. Pour obtenir la propriété K j K , nous pouvons remplacer compact par fermé.

ah3 Exercice 9.1. Nous nous proposons de montrer que si µ est une mesure borélienne et invariantepar translations sur Rn telle que µ([0,1[n)= 1, alors µ= νn.a) Montrer que µ([0,1/k[n) = (1/k)n, ∀k ∈N∗. (Indication : recouvrir [0,1[n avec des cubes d. d. d.de taille 1/k.)b) Soit K j comme dans le lemme

p9.29.1. Montrer que µ(K j)= νn(K j).

c) En déduire que µ(K)= νn(K) pour tout compact K ⊂Rn.d) Conclure.

9.4 Image d’un petit cube par un C1-difféomorphisme

Dans la suite, U et V désignent des ouverts de Rn, muni de la norme ‖ ‖∞. Les boules B(x, r)considérées dans cette section sont définies par rapport à cette norme.

Nous considérons une application Φ : U →V qui est un C1-difféomorphisme. C’est-à-dire :i) Φ a des dérivées partielles du premier ordre, qui sont continues ;ii) le déterminant jacobien de Φ, noté JΦ = JΦ(x) et donné par JΦ =dét (∂Φi/∂x j)i, j=1,...,n, est 6= 0

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82 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES

en tout point de U ;iii) Φ est bijective.

Rappelons que, sous ces hypothèses, le théorème d’inversion locale affirme que Φ−1 est encorede classe C1 (et a donc exactement les mêmes propriétés que Φ).

Nous notons DΦ(x) la matrice jacobienne de Φ en x ∈U , DΦ(x)= (∂Φi/∂x j(x))i, j=1,...,n.

Nous aurons besoin par la suite du résultat suivant, laissé en exercice. Rappelons que U estun ouvert de Rn.

e9.2 Exercice 9.2. Soit (Y ,d) un espace métrique. Soit h ∈ C(U ,Y ) et soit K un compact de U . Alors,pour tout ν> 0, il existe un δ> 0 (indépendant de x ∈U) tel que :i) si x ∈ K et si y ∈Rn est tel que ‖x− y‖∞ < δ, alors [x, y]⊂U (ici, [x, y] est le segment d’extrémitésx et y) ;ii) si x ∈ K et y ∈U sont tels que ‖x− y‖∞ < δ, alors d(h(x),h(y))< ν.

Notons que, si C est un cube, alors C est borélien, d’où Φ(C) = (Φ−1)−1(C) est encore un boré-lien.

prop9.2 Proposition 9.2. Soient K un compact de U et ε> 0. Alors il existe δ> 0 tel que : pour tout x ∈ Ket pour tout cube C de taille < δ et tel que x ∈ C, on ait λn(Φ(C))≤ (1+ε) |JΦ(x)|λn(C).

Démonstration. Nous utilisons l’exercicee9.29.2 avec : Y = L (Rn) muni de la norme (

df19.1), h(x) =

DΦ(x) et ν à fixer ultérieurement.

Soit δ la constante donnée par l’exercicee9.29.2 et soit C un cube de taille l < δ tel que x ∈ C∩K .

Le théorème des accroissements finis donne, pour y ∈ C :

‖Φ(y)−Φ(x)−DΦ(x) · (y− x)‖∞ ≤ supz∈[x,y]

‖DΦ(z)−DΦ(x)‖‖y− x‖∞ ≤ ν l. (9.2) ea1

Notons que la propriété i) de l’exercicee9.29.2 est nécessaire pour que le segment [x, y] qui apparaît

dans (ea19.2) soit contenu dans U .

Si nous posons A = DΦ(x) et b =Φ(x)−Ax, alors l’inégalité (ea19.2) devient ‖Φ(y)−A y−b‖∞ ≤ ν l, ou

encore Φ(y)= A y+ z pour un z ∈ B(b,ν l). Il s’ensuit que

Φ(C)⊂ A(C)+B(b,νl)= A(C)+b+B(0,νl).

Par ailleurs, A étant inversible et linéaire, nous avons

A(C)+b+B(0,νl)= A(C+ A−1b+ A−1(B(0,ν l))).

Grâce au théorèmet9.19.1, il s’ensuit que

λn(Φ(C))≤λn(A(C+ A−1b+ A−1(B(0,ν l))))= |dét A|λn(C+ A−1b+ A−1(B(0,ν l)))

= |dét A|λn(C+ A−1(B(0,ν l))).(9.3) dg1

Soit M =max‖(DΦ)−1(y)‖ ; y ∈ K<∞. Alors

‖A−1z‖∞ = ‖(DΦ)−1(x) z‖∞ ≤ ‖(DΦ)−1(x)‖‖z‖∞ ≤ M ‖z‖∞, ∀ z ∈Rn,

d’où (justifier)

A−1(B(0,ν l))⊂ B(0, Mν l). (9.4) dg2

Si z est le centre (de gravité) de C, alors C ⊂ B(z, l/2), ce qui implique (au vu de (dg29.4))

C+ A−1(B(0,ν l))⊂ B(z, (1+2Mν) l/2). (9.5) dg3

De (dg19.3) et (

dg39.5), nous obtenons

λn(Φ(C))≤ |dét A|λn(B(z, (1+2Mν) l/2))= |dét A| (1+2Mν)nln = (1+2Mν)n |dét A|λn(C).

Pour conclure, il suffit de choisir ν tel que (1+2Mν)n = 1+ε.

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9.5. CHANGEMENT DE VARIABLES SUR UN COMPACT 83

9.5 Changement de variables sur un compact

Proposition 9.3. Soient f ∈ C(V ) et K ⊂U un compact. Alors∫K

f Φ |JΦ|dλn =∫Φ(K)

f dλn. (9.6) cvk

Remarque 9.4. Les deux intégrales qui apparaissent dans (cvk9.6) sont finies, car nous intégrons,

par rapport à la mesure de Lebesgue, des fonctions continues sur un compact.

Démonstration. Nous pouvons supposer f ≥ 0 (sinon, nous travaillons avec f±, puis nous retran-chons les égalités obtenues).

Il suffit de montrer que nous avons, dans (cvk9.6), « ≥ ». En effet, si cette inégalité est vraie pour

tout U ,V ,Φ,K et f , alors nous pouvons l’appliquer à V ,U ,Φ−1,Φ(K) et f Φ |JΦ|. Nous trouvons∫Φ(K)

f |JΦ Φ−1| |JΦ−1 | |dλn ≥∫

Kf Φ |JΦ|dλn. (9.7) dh1

Or, nous avons |JΦ Φ−1| |JΦ−1 | = |JΦ Φ−1 JΦ−1 | = |JId| = 1. Il s’ensuit que (dh19.7) donne « ≤ » dans

(cvk9.6).

Montrons « ≥ ». Soient ε> 0 et le δ correspondant donné par la propositionprop9.29.2. Soit j0 tel que

1/2 j0 < δ et soit j ≥ j0. Avec les notations de la sectionab69.3, soit (Ci) la famille (finie) de cubes d. d.

d. de Q j qui intersectent K . Soit, pour un tel cube, yi ∈Φ(K ∩Ci) un point de maximum de f surle compact Φ(K ∩Ci). Alors∫

Φ(K)f dλn =

∫tiΦ(K∩Ci)

f dλn =∑i

∫Φ(K∩Ci)

f dλn ≤∑i

f (yi)λn(Φ(K ∩Ci))≤∑

if (yi)λn(Φ(Ci)).

Si xi =Φ−1(yi) ∈ K∩Ci, alors cette inégalité devient∫Φ(K)

f dλn ≤∑i

f Φ(xi)λn(Φ(Ci)). Posons

g = f Φ |JΦ|. La propositionprop9.29.2 donne∫

Φ(K)f dλn ≤ (1+ε)∑

if Φ(xi) |JΦ(xi)|λn(Ci)=

∑i

g(xi) |JΦ(xi)|λn(Ci). (9.8) tap1

Notons (voir la preuve du lemmep9.29.1) que N = K j0 est un compact contenu dans U et que nous

avons Ci ⊂ N pour tout j ≥ j0 et Ci comme ci-dessus. Soit zi un point de minimum de g = f Φ |JΦ|sur C i. Clairement (pourquoi ?), ‖xi − zi‖∞ < 1/2 j. La fonction g étant uniformément continue surN, il s’ensuit que, si j est suffisamment grand, alors |g(xi)− g(zi)| ≤ ε (voir l’exercice

e9.29.2), et donc

(*) g(xi)≤ g(zi)+ε. En utilisant (*) et (tap19.8) nous trouvons, pour un tel j,∫

Φ(K)f dλn ≤ (1+ε)∑

i( f Φ(zi) |JΦ(zi)|+ε)λn(Ci)

= (1+ε)∑i

f Φ(zi) |JΦ(zi)|λn(Ci)+ (1+ε)ε∑iλn(Ci)

≤ (1+ε)∑i

∫Ci

f Φ |JΦ|dλn + (1+ε)ε∑iλn(Ci) (vérifier)

= (1+ε)∫

K j

f Φ |JΦ|dλn + (1+ε)ελn(K j).

(9.9) dh2

En utilisant :a) la domination | f Φ |JΦ|χK j | ≤ | f Φ |JΦ|χN |, j ≥ j0 ;

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84 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES

b) le fait que K j K (lemmep9.29.1) et donc χK j χK ;

c) le théorème de convergence dominée,nous obtenons, en faisant j →∞ dans (

dh29.9) :∫

Kf dλn ≤ (1+ε)

∫K

f Φ |JΦ|dλn + (1+ε)ελn(K). (9.10) dh5

ε étant arbitraire, nous obtenons « ≥ » dans (cvk9.6) en faisant ε→ 0 dans (

dh59.10).

En prenant, dans (cvk9.6), f = 1 et K =Φ−1(L), nous obtenons la conséquence suivante.

ab4 Corollaire 9.1. Soit L un compact de V . Alors λn(L)=∫Φ−1(L)

|JΦ|dλn.

change Corollaire 9.2. Soit E ⊂V un borélien. Alors λn(E)=∫Φ−1(E)

|JΦ|dλn.

Démonstration. Soit µ(E) =∫Φ−1(E)

|JΦ|dλn, ∀E ∈ BV , qui est une mesure borélienne (vérifier).

Nous avons µ(L) = λn(L) = νn(L) <∞ pour tout compact L ⊂ V (corollaireab49.1). Le corollaire

ab214.2

donne µ= νn, ce qui est précisément la conclusion du corollairechange9.2.

9.6 Théorème du changement de variables

Théorème 9.2 (du changement de variables). Soit f : V → R. Soit g : U → R, g = f Φ |JΦ|.Alors :a) f est borélienne ssi g l’est ;b) f est Lebesgue mesurable ssi g l’ est ;

c) f a une intégrale (par rapport à la mesure de Lebesgue) ssi g en a une, et dans ce cas∫

Vf dλn =∫

Ug dλn =

∫U

f Φ |JΦ|dλn.

Démonstration. En notant que f = g Φ−1 |JΦ−1 |, il s’ensuit qu’il suffit à chaque fois d’établir uneimplication ; l’implication inverse s’obtient en échangeant U avec V et Φ avec Φ−1.

a) Si f est borélienne, alors clairement g l’est aussi.

b) Si g est Lebesgue mesurable, soient g une fonction borélienne et A ⊂U un borélien Lebesguenégligeable tel que g = g en dehors de A. Alors f = g Φ−1 |JΦ−1 | en dehors de Φ(A) ; il suffit doncde montrer que Φ(A) est négligeable. Or, le corollaire

change9.2 donne λn(Φ(A))= ∫

A |JΦ|dλn = 0.

c) Notons que le raisonnement ci-dessus montre que, si f = f λn-p. p. sur V , alors f Φ |JΦ| =f Φ |JΦ| λn-p. p. sur U . Étant donné que pour toute fonction Lebesgue mesurable f : V → R ilexiste une fonction borélienne f : V → R telle que f = f λn-p. p., il suffit d’établir c) pour desfonctions boréliennes.En notant que f est positive ssi g l’est, il suffit d’établir c) quand f et borélienne et positive.Si f = χE, avec E ∈ BV , l’égalité à montrer n’est rien d’autre que le corollaire

change9.2. Par linéarité,

c) est encore vraie si la fonction borélienne f est étagée et positive. Le cas général s’obtient parconvergence monotone.

9.7 Ensembles Lebesgue négligeables

Proposition 9.4. Tout ouvert U de Rn est union a. p. d. de cubes d. d. d.

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9.7. ENSEMBLES LEBESGUE NÉGLIGEABLES 85

Démonstration. Reprenons les notations de la sectionab69.3. Posons M0 = C ∈ Q0 ; C ⊂ U et, par

récurrence, M j = C ∈Q j ; C ⊂U \∪C′∈M0∪...∪M j−1C′. Chaque Q j étant dénombrable, M j est a. p.d., d’où ∪M j est a. p. d. Par construction, les cubes de ∪M j sont d. d. d. L’inclusion ∪C∈∪M j C ⊂Uétant claire par construction, il reste à montrer que ∪C∈∪M j C ⊃U .

Soit x ∈U . Alors x appartient à exactement un cube C j ∈Q j, pour tout j. Si C j ∈ M j pour unj, alors x ∈∪C∈∪M j C. Pour conclure, il suffit de montrer que le contraire mène à une absurdité.Si C j 6∈ M j, ∀ j, en particulier C0 6∈ M0, d’où C0∩U c 6= ;, ou encore il existe x0 ∈ C0∩U c. Il s’ensuitque dist(x,U c)≤ ‖x− x0‖∞ < 1.Montrons, par récurrence sur j, que dist(x,U c) < 1/2 j, j ∈N (ce qui implique dist(x,U c) = 0 et, U c

étant fermé, donne la contradiction x ∈U c).Passage de j − 1 à j : comme x ∈ C` 6∈ M`, ` = 0, . . . , j − 1, nous avons x ∈ U \∪C∈M0∪...∪M j−1C.Par ailleurs, comme x ∈ C j, nous avons C j ⊂ Rn \ (∪C∈M0∪...∪M j−1C) (justifier, par exemple sur undessin). Compte tenu du fait que C j 6∈ M j, nous obtenons C j ∩U c 6= ;. Comme ci-dessus, nous endéduisons que dist(x,U c)< 1/2 j.

Proposition 9.5. Soit E ⊂Rn. Alors E est Lebesgue négligeable ssi : pour tout ε> 0, il existe unefamille a. p. d. de cubes (Ci) telle que E ⊂∪Ci et

∑λn(Ci)< ε.

Démonstration. « =⇒ » Il existe un ouvert U tel que E ⊂ U et λn(U) < ε (corollaireaa74.1). Nous

écrivons U comme l’union d’une famille a. p. d. (Ci) de cubes disjoints. Alors E ⊂∪Ci et∑λn(Ci)=

λn(U)< ε.« ⇐= » Avec ε= 1/n, n ∈N∗, soit (Cn

i )i la famille de l’énoncé. Alors B =∩n ∪i Cni est un borélien

contenu dans chaque ∪iCni , donc négligeable (justifier). Par ailleurs, B contient E, donc E est

négligeable.

p9.6 Proposition 9.6. Soient U un ouvert de Rn et Ψ ∈ C1(U ,Rm), avec m ≥ n. Si E ⊂ U est λn-négligeable, alors Ψ(E) est λm-négligeable.

Démonstration. Soit, pour l ∈ N∗, Ul = x ∈ Rn ; ‖x‖∞ < l, dist(x,U c) > 1/l, de sorte que Ul U ,Ul U , Ul est compact et Ul ⊂Ul+1. Nous avonsΨ(E)=∪Ψ(E∩Ul) ; il suffit donc de montrer queΨ(E∩Ul) est λn-négligeable, ∀ l. Nous pouvons donc remplacer E par E∩Ul et supposer E ⊂Ul .

Soit εl = dist(Ul , (Ul+1)c), qui est > 0 (pourquoi ?). Soit ε < (εl)n. Soit (Ci) une suite de cubestelle que E ⊂ ∪Ci et

∑λn(Ci) < ε. En particulier, nous avons λn(Ci) < ε pour tout i, d’où chaque

cube est de taille < ε1/n < εl . Quitte à enlever de la suite les cubes « inutiles » (qui n’intersectent pasE), nous pouvons supposer E∩Ci 6= ;, pour tout i. Considérons, à i fixé, un point y ∈ E∩Ci ⊂Ul .Si x ∈ Ci, nous avons ‖x− y‖∞ < εl , d’où dist(x,Ul)< εl . Il s’ensuit que ∪Ci ⊂Ul+1.Soit, pour chaque i, xi le centre (de gravité) de Ci. Pour x ∈ Ci, le segment [x, xi] est contenu dansCi, donc dans Ul+1. Le théorème des accroissement finis donne (*) ‖Φ(x)−Φ(xi)‖∞ ≤ C‖x− xi‖∞,x ∈ Ci, où C =max‖DΦ(y)‖ ; y ∈Ul+1<∞.Si δi est la taille de Ci, alors (*) équivaut àΦ(Ci)⊂ B(Φ(xi),Cδi). Nous trouvonsΦ(E)⊂∪B(Φ(xi),Cδi),d’où

λn(Φ(E))≤∑(2C)mδm

i ≤ (2C)mεm−nl

∑λn(Ci)< (2C)mεm−n

l ε. (9.11) dh7

Nous complétons la preuve en faisant ε→ 0 dans (dh79.11).

tap2 Corollaire 9.3. Soient U un ouvert de Rn etΨ ∈ C1(U ,Rm), avec m ≥ n. Si E ⊂U est un fermé (deRm) λn-négligeable, alors Ψ(E) est un borélien λm-négligeable.

Démonstration. Au vu de la proposition précédente, il suffit de montrer queΨ(E) est un borélien.Or, E étant fermé, il existe une suite (K j) de compacts de Rm telle que E = ∪ jK j. Comme Ψ(K j)est compact, donc borélien de Rn, l’ensemble Ψ(E)=∪ jΨ(K j) est un borélien (détailler).

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86 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES

9.8 Théorème du « presque changement de variables »

vraicv Théorème 9.3 (du presque changement de variables). Soient U1 un ouvert de Rn etΦ ∈ C1(U1,Rn).Soient U ⊂U1 ouvert et E ⊂U1 \U un fermé λn-négligeable. Soient V =Φ(U) et F =Φ(E). On sup-pose que Φ : U →V est un C1-difféomorphisme.Soit f : V ∪F →R et soit g : U tE →R, g = f Φ |JΦ|. Alors :a) g est borélienne si f l’est ;†

b) f est Lebesgue mesurable ssi g l’ est ;c) f a une intégrale (par rapport à la mesure de Lebesgue) ssi g en a une, et dans ce cas∫

V∪Ff dλn =

∫UtE

g dλn =∫

UtEf Φ |JΦ|dλn =

∫U

f Φ |JΦ|dλn.

Démonstration. La propriété a) est claire.

b) Les parties E et F étant λn-négligeables,‡ nous avons f Lebesgue mesurable⇐⇒ f χF c

l’est⇐⇒ f|V l’est⇐⇒ g|U l’est (ici, nous utilisons le théorème du changement de variables)⇐⇒ gest Lebesgue mesurable.

Enfin, c) suit du théorème du changement de variables, en notant que les intégrales sur E etF \V sont nulles.

9.9 Changements usuels

9.9.1 Coordonnées polaires

Tout point de R2 s’écrit sous la forme (x, y)= (r cosθ, rsinθ), avec r = (x2+y2)1/2 ≥ 0 et θ ∈ [0,2π[.Si (x, y) 6= (0,0), alors cette écriture est unique et, de plus, θ = 0⇐⇒ x > 0 et y= 0. Soit Φ :R2 →R2,Φ(r,θ) = (r cosθ, rsinθ). Alors Φ ∈ C1 et JΦ(r,θ) = r. Il s’ensuit de ce qui précède que Φ est unebijection de U =]0,∞[×]0,2π[ vers V = R2 \ ([0,∞[×0). Par ailleurs, nous avons JΦ 6= 0 sur U ,d’où Φ : U →V est un difféomorphisme.

Avec E = ∂U et F = [0,∞[×0, nous avons Φ(E) = F et E est un fermé Lebesgue négligeable(justifier). Nous pouvons donc appliquer le théorème

vraicv9.3 (avec U1 =R2) : si f :R2 →R est Lebesgue

mesurable, alors∫R2

f dλ2 =∫

[0,∞[×[0,2π]f (r cosθ, rsinθ) r dλ2(r,θ)

(au sens où soit les deux intégrales existent et alors elles sont égales, soit elles n’existent pas).

9.9.2 Coordonnées sphériques

Soit x = (x1, x2, x3) ∈R3. Soit ρ = (x21 + x2

2)1/2. Il existe θ ∈ [0,2π[ tel que (x1, x2)= (ρ cosθ,ρ sinθ).Par ailleurs, (ρ, x3) s’écrit sous la forme (ρ, x3) = (r cosϕ, rsinϕ), avec r ≥ 0 et ϕ ∈ [−π/2,π/2[ (lacondition sur ϕ vient du fait que ρ ≥ 0). Il s’ensuit que tout point x ∈R3 s’écrit sous la forme

x1 = r cosϕcosθ, x2 = r cosϕsinθ, x3 = rsinϕ, avec r ≥ 0, ϕ ∈ [−π/2,π/2[, θ ∈ [0,2π[. (9.12) di1

†. Du corollairetap29.3, V ∪F est borélien.

‡. Pour F, nous utilisons le corollairetap29.3.

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9.9. CHANGEMENTS USUELS 87

Si, de plus, x 6∈ ((0,0)×R)∪ (]0,∞[×0×R), alors nous pouvons prendre r > 0, ϕ ∈]−π/2,π/2[et θ ∈]0,2π[ et, pour un tel choix des coordonnées r,ϕ,θ, l’écriture (

di19.12) est unique.

Soit Φ :R3 →R3, Φ(r,ϕ,θ)= (r cosϕcosθ, r cosϕsinθ, rsinϕ). Avec

U1 =R3, U =]0,∞[×]−π/2,π/2[×]0,2π[ et V =R3 \ (((0,0)×R)∪ (]0,∞[×0×R)),

Φ est une bijection de classe C1 entre U et V . Par ailleurs, nous avons JΦ(r,ϕ,θ)=−r2 cosϕ, d’oùJΦ 6= 0 sur U et donc Φ : U →V est un difféomorphisme.

Avec E = ∂U et F = ((0,0)×R)∪ (]0,∞[×0×R), nous avons E fermé, λ3(E) = 0 et Φ(E) = F(vérifier).

Le théorème du presque changements de variables donne : si f : R3 → R est Lebesgue mesu-rable, alors∫

R3f dλ3 =

∫[0,∞[×[−π/2,π/2]×[0,2π]

f (r cosϕcosθ, r cosϕsinθ, rsinϕ) r2 cosϕdλ3(r,ϕ,θ).

9.9.3 Coordonnées cylindriques

Si (x1, x2) ∈ R2 \ ([0,∞[×0), alors (x1, x2, x3) = (r cosθ, rsinθ, x3), avec r > 0, 0 < θ < 2π, l’écri-ture étant unique. Avec Φ(r,θ, x3) = (r cosθ, rsinθ, x3) (de sorte que JΦ(r,θ, x3) = r), U1 = R3,U =]0,∞[×]0,2π[×R, V = R3 \ ([0,∞[×0×R), E = ∂U , F = [0,∞[×0×R, le théorème du presquechangement de variables donne : si f :R3 →R est Lebesgue mesurable, alors∫

R3f dλ3 =

∫[0,∞[×[0,2π]×R

f (r cosθ, rsinθ, x3) r dλ3(r,θ, x3).

9.9.4 Coordonnées sphériques généralisées

Soit Φn :Rn →Rn, Φn(r,θ1,θ2, . . . ,θn−1)= (r cosθ1 cosθ2 . . .cosθn−1, r cosθ1 cosθ2 . . .sinθn−1,r cosθ1 cosθ2 . . .cosθn−3 sinθn−2, . . . , rsinθ1).

Tout point de Rn s’écrit sous la forme x =Φn(r,θ1,θ2, . . . ,θn−1). La preuve se fait par récurrencesur n. Passage de n− 1 à n : soit ρ =

√x2

1 + x22. Nous appliquons l’hypothèse de récurrence à

(ρ, x3, . . . , xn), qui s’écrit donc Φn−1(r,θ1, . . . ,θn−2). Nous avons alors ρ = r cosθ1 . . .cosθn−2, d’où ilexiste θn−1 tel que x1 = r cosθ1 . . .cosθn−2 cosθn−1 et x2 = r cosθ1 . . .cosθn−2 sinθn−1. Nous concluonsà l’égalité x =Φn(r,θ1,θ2, . . . ,θn−1).

Une preuve analogue par récurrence montre (nous omettons les détails) que l’on peut prendrer ≥ 0, θ1, . . . ,θn−2 ∈ [−π/2,π/2] et θn−1 ∈ [0,2π].

Le jacobien de Φn est (*) JΦn = (−1)n(n+1)/2+1rn−1 cosn−2θ1 cosn−3θ2 . . .cosθn−2. Preuve par ré-currence sur n, les cas n = 2,3 étant établis. Si a1, . . . ,an−1 désignent les cooordonnées de Φn−1,

alors Φn = (a1 cosθn−1,a1 sinθn−1,a2, . . . ,an). Il s’ensuit que DΦn =

cosθn−1Da1 −a1 sinθn−1sinθn−1Da1 a1 cosθn−1

Da2 0. . . 0

Dan 0

.

En développant le déterminant selon la dernière colonne, nous obtenons JΦn = (−1)na1JΦn−1 , re-lation de récurrence qui permet d’établir facilement (*).

Avec U1 =Rn, U =]0,∞[×]−π/2,π/2[n−2×]0,2π[, E = ∂U , F =∪n−2j=1 (Rn− j×0×R j−1)∪ ([0,∞[×0×

Rn−2), V =Rn \ F, nous déduisons (comme pour les coordonnées sphériques) que Φ : U →V est unC1-difféomorphisme, que E est un fermé λn-négligeable et que Φ(E)= F.

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88 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES

Le théorème du presque changement de variables donne : si f : Rn → R est Lebesgue mesu-

rable, alors∫Rn

f dλn =∫

[0,∞[×[−π/2,π/2]n−2×[0,2π]f Φn rn−1 cosn−2θ1 cosn−3θ2 . . .cosθn−2 dλn.

9.10 Intégrales de référence

Comme pour les intégrales généralisées, quand nous étudions la nature d’une intégrale deLebesgue il est utile de disposer d’une liste d’intégrales de nature connue. Dans la suite, nousmunissons Rn de la norme euclidienne, notée | |. BR désigne la boule ouverte centrée en 0 et derayon R.

Proposition 9.7. a) x 7→ 1/|x|a est intégrable sur B1 ssi a < n.b) x 7→ 1/(|x|a| ln x|b) est intégrable sur B1/2 ssi a < n ou [a = n et b > 1].c) x 7→ 1/|x|a est intégrable sur Rn \ B1 ssi a > n.d) x 7→ 1/(|x|a| ln x|b) est intégrable sur Rn \ B2 ssi a > n ou [a = n et b > 1].

Démonstration. Nous faisons la preuve de b) ; preuves similaires dans les autres cas.

En passant en coordonnées sphériques généralisées et en appliquant le théorème de Tonelli,nous avons, avec g(θ1, . . . ,θn−1)= cosn−2θ1 . . .cosθn−2,∫

B1/2

|x|−a| ln x|−bdλn =∫

[0,1/2[×[−π/2,π/2]n−2×[0,2π]r−a+n−1| ln r|−b g dλn

= C∫ 1/2

0r−a+n−1| ln r|−b dλ1,

où C = ∫ π/2−π/2 cosn−1θ1 dθ1 . . .

∫ π/2−π/2 cosθn−2 dθn−2

∫ 2π0 dθn−1. Nous avons 0 < C < ∞, ce qui montre

que l’intégrale de départ est finie si et seulement si l’intégrale (de Lebesgue ou généralisée)∫ 1/20 1/(ra−n+1| ln r|b)dλ1 est finie, ce qui équivaut à a < n ou [a = n et b > 1].

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Chapitre 10

Espaces Lp

ai1

Dans tout le chapitre, (X ,T ,µ) est un espace mesuré fixé. f , g, etc. : X →R sont des fonc-tions mesurables. Même sans mention explicite, la mesurabilité des fonctions concernées estassumée dans chaque énoncé. Le p. p. est relatif à la mesure µ.

10.1 L p versus Lp

ai2

ai3 Définition 10.1. a) Si 1≤ p <∞,

‖ f ‖Lp =(∫

| f |p)1/p

=(∫

X| f |p dµ

)1/p.

b) Si p =∞,

‖ f ‖L∞ = esssup | f | =min M ∈R ; | f (x)| ≤ M p. p..

c) L p =L p(X ,µ)= f : X →R ; ‖ f ‖Lp <∞.

ai4 Exercice 10.1. a) ‖t f ‖Lp = |t|‖ f ‖Lp , ∀ t ∈R, ∀ f : X →R (avec la convention 0 ·∞= 0).b) Si f = g p. p., alors ‖ f − g‖Lp = 0 et ‖ f ‖Lp = ‖g‖Lp .c) ‖ f ‖Lp = 0 ssi f = 0 p. p.d) La définition de ‖ f ‖L∞ est correcte, au sens suivant. Soit A = M ∈ [0,∞] ; | f (x)| ≤ M p. p.. AlorsA est non vide et A a un plus petit élément, m. Cet m est le plus petit nombre C de [0,∞] avec lapropriété | f (x)| ≤ C p. p.e) ‖ f + g‖Lp ≤ ‖ f ‖Lp +‖g‖Lp pour p = 1 et p =∞. (Ici, f , g : X →R.)

ec5 Exercice 10.2. Soit U un ouvert de Rn, muni de la mesure de Lebesgue sur BU . Si f ∈ C(U),montrer que ‖ f ‖L∞ = sup

U| f |.

La propriété b) de l’exerciceai410.1 combinée avec l’exercice

ex4.84.8 montrent que la définition sui-

vante de ‖ f ‖Lp est correcte.

ai5 Définition 10.2. Soit Lp = Lp(X ,µ)=L p/∼. Ici, ∼ est l’équivalence f ∼ g ssi f = g p. p.Si f ∈ Lp, alors nous posons ‖ f ‖Lp = ‖g‖Lp , où g est une fonction arbitraire de la classe d’équiva-lence définissant f .Par abus de notation, et bien qu’un élément de Lp soit une classe d’équivalence et non pas unefonction, nous écrivons

‖ f ‖Lp =(∫

| f |p dµ)1/p

, si 1≤ p <∞.

89

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90 CHAPITRE 10. ESPACES LP

Le sens de cette égalité est que pour tout représentant g de f , l’égalité précédente est vraie sinous remplaçons à droite f par g.Abus de notation analogue dans L∞.Plus généralement, nous pouvons définir de la même manière ‖ f ‖Lp , 1≤ p ≤∞, si f est une classed’équivalence de g : X →R ; g mesurable pour ∼. Nous avons alors Lp = f ; ‖ f ‖Lp <∞.

ai6 Remarque 10.1. Nous allons étudier dans la suite plusieurs propriétés des espaces Lp. La pre-mière question à se poser (qui sera parfois éludée par la suite, mais que le lecteur est invité àélucider pour chacun des résultats suivants) est si la preuve est indépendante du choix de lafonction dans la classe d’équivalence.

Illustrons cette question pour l’inégalité de Hölder, étudiée dans la section suivante. Dans lecas particulier p = 2, cette inégalité affirme que ‖ f g‖L1 ≤ ‖ f ‖L2‖g‖L2 . Pour prouver cette inégalité,nous allons montrer que∫

| f1 g1| ≤(∫

| f1|2)1/2 (∫

|g1|2)1/2

, ∀ f1, g1 : X →R. (10.1) aj21

En prenant, dans (aj2110.1), f1 dans la classe de f et g1 dans la classe de g, nous obtenons∫

| f1 g1| ≤ ‖ f ‖L2‖g‖L2 .

Pour conclure, il suffit de remarquer que f1 g1 est dans la classe de f g. Ceci découle de l’exercicesuivant.

aj1 Exercice 10.3. La relation d’équivalence f ∼ g ssi f = g p. p. a les propriétés suivantes.a) Si f ∼ f1 et g ∼ g1, alors f + t g ∼ f1 + t g1, ∀ t ∈ R (à condition que les fonctions soient finies entout point).b) Si f ∼ f1 et g ∼ g1, alors f g ∼ f1 g1.c) Si f ∼ g et si Φ :R→R, alors Φ f ∼Φ g.

Dans le même esprit, nous mentionnons la propriété suivante, utilisée dans la définition duproduit de convolution.

aj2 Exercice 10.4. Nous munissons Rn de la mesure de Lebesgue. Soient f , g, f1, g1 : Rn → R, avecf ∼ f1 et g ∼ g1. Soit x ∈Rn. Alors h ∼ h1, où

h(y)= f (x− y) g(y), h1(y)= f1(x− y) g1(y), ∀ y ∈Rn.

Remarque 10.2. Si 1≤ p <∞ et f ∈L p, alors la propositionp6.116.9 (appliquée à | f |p) et la remarque

r6.36.3 montrent qu’il existe, dans la classe d’équivalence de f , une fonction g finie p. p.

Si f ∈ L∞, soit A = x ∈ X ; | f (x)| > esssup f . Alors A ∈ T est négligeable, d’où g = f χAc estdans la classe de f . Notons que g est, par construction, bornée, en particulier finie en tout point.

Ainsi, lorsque nous travaillons avec une classe f de Lp, nous pouvons toujours considérer unreprésentant fini en tout point (et, si p =∞, borné).

En particulier, si f , g ∈ Lp alors nous pouvons définir la classe f + g comme celle de f1 + g1,avec f1 (respectivement g1) dans la classe de f (respectivement g) finie p. p. Dans l’esprit de laremarque

ai610.1, nous laissons au lecteur le soin de vérifier que la classe f + g obtenue ne dépend

pas du choix de f1 et g1.

ka1 Remarque 10.3. Nous pouvons identifier de manière naturelle les classes d’équivalence des fonc-tions T -mesurables et T -mesurables. En effet, soit f1 : X → R une fonction T -mesurable. Alors

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10.2. INÉGALITÉ DE HÖLDER 91

(propositionp4.54.5 a)) il existe une fonction T -mesurable g1 : X → R telle que f1 = g1 µ-p. p. (ou, ce

qui est équivalent, telle que f1 = g1 µ-p. p.).

Notons : f la classe de f1 par rapport à (X ,T ,µ), g la classe de g1 par rapport à (X ,T ,µ), Gla classe de g1 par rapport à (X ,T ,µ). Par choix de g1, nous avons f = g. Par ailleurs, nous avonsG ⊂ g (vérifier). L’application f 7→G est bien définie et bijective, de réciproque G 7→ g (vérifier).

Cette identification naturelle s’étend aux espaces Lp : si f1 ∈ L p(X ,µ), alors les classes res-pectives satisfont f ∈ Lp(X ,µ) et G ∈ Lp(X ,µ), ce qui donne une bijection naturelle, f 7→ G, entreLp(X ,µ) et Lp(X ,µ). Cette bijection préserve la norme : ‖ f ‖Lp(X ,µ) = ‖G‖Lp(X ,µ) (vérifier).

En particulier, nous pouvons identifier Lp(Rn,λn) à Lp(Rn,νn).

ak7 Exercice 10.5 (espaces `p). a) Si µ est la mesure de comptage, alors l’égalité p. p. équivaut àl’égalité. Ainsi, nous pouvons identifier naturellement L p et Lp.Si X =N muni de la mesure de comptage sur P (N), alors nous définissons `p = `p(N) =L p = Lp,1≤ p ≤∞.†

b) Si (an) est une suite indexée sur n ∈N, montrer que

‖(an)‖`p =(∑ |an|p

)1/p, si 1≤ p <∞sup |an|, si p =∞ .

c) Montrer que si 1 ≤ p1 ≤ p2 ≤∞, alors `1 ⊂ `p1 ⊂ `p2 ⊂ `∞. De plus, ces inclusions sont « conti-nues » : si 1≤ p ≤ r ≤∞, alors ‖(an)‖`r ≤ ‖(an)‖`p .d) Soit (an) ∈ `p, avec p <∞. Montrer que pour tout r > p nous avons lims→r ‖(an)‖`s = ‖(an)‖`r .e) Si 1≤ r <∞ et (an) est une suite arbitraire, alors limsr ‖(an)‖`s = ‖(an)‖`r .

ak8 Exercice 10.6. a) Nous munissons Rn de la mesure de Lebesgue. Montrer que toute classe d’équi-valence contient un représentant borélien.b) Même propriété si à la place de Rn nous considérons une partie borélienne de Rn.c) Généralisation?

ak9 Exercice 10.7. Nous supposons µ finie.a) Montrer que si 1≤ p1 ≤ p2 ≤∞, alors L∞ ⊂ Lp2 ⊂ Lp1 ⊂ L1.b) Soit f ∈ Lp, avec p > 1. Montrer que pour tout 1≤ r < p nous avons lims→r ‖ f ‖Ls = ‖ f ‖Lr .

10.2 Inégalité de Hölder

ai7 Définition 10.3. Les nombres p, q ∈ [1,∞] sont conjugués (ou exposants conjugués) ssi 1/p+1/q = 1.‡ §

am1 Exercice 10.8 (inégalité de Young). Soient 1< p, q <∞ exposants conjugués. Alors

a b ≤ ap

p+ bq

q, ∀a,b ∈ [0,∞[. (10.2) aj9

Indication. Étudier, pour b fixé, la fonction a 7→ ap/p+bq/q−ab.

aj3 Théorème 10.1 (inégalité de Hölder). Si p, q sont conjugués, alors

‖ f g‖L1 ≤ ‖ f ‖Lp ‖g‖Lq , ∀ f , g. (10.3) aj4

L’inégalité s’entend pour des fonctions ou pour des classes d’équivalence.

†. Nous définissons de même `p(Z) ou `p(A), avec A ⊂Z.‡. Notons que nous ne pouvons pas avoir en même temps p =∞ et q =∞. Si, par exemple, p <∞, alors q = p/(p−1).

Si nous avons en même temps q <∞, alors par symétrie p = q/(q−1).§. q est désigné comme le conjugué de p (et réciproquement).

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92 CHAPITRE 10. ESPACES LP

Démonstration. Il suffit de travailler avec des fonctions (voir la remarqueai610.1).

Si p = 1 et q =∞, nous devons montrer que∫| f g| ≤ esssup |g|

∫| f |,

qui est vraie (vérifier). Argument similaire si p =∞ et q = 1.

Supposons maintenant que 1 < p, q <∞. Nous pouvons aussi supposer que 0 < ‖ f ‖Lp <∞ et0 < ‖g‖Lq <∞ (justifier). Dans ce cas, nous avons | f | < ∞ p. p. et |g| < ∞ p. p. (justifier) et doncnous pouvons travailler avec des fonctions finies en tout point (voir aussi la remarque

r6.36.3). Pour

de telles fonctions et pour A ∈]0,∞[, l’inégalité de Young donne

| f (x) g(x)| = [A | f (x)|] [A−1 |g(x)|]≤ Ap | f (x)|pp

+ |g(x)|qAq q

, ∀x ∈ X . (10.4) ao1

En intégrant (ao110.4), nous obtenons∫

| f g| ≤ Ap

p‖ f ‖p

Lp + 1Aq q

‖g‖qLq . (10.5) ao21

En choisissant, dans (ao2110.5), la valeur de A qui minimise le membre de droite de (

ao2110.5), à savoir

A = ‖g‖q/(p+q)Lq

‖ f ‖p/(p+q)Lp

,†

nous obtenons (aj410.3) (vérifier).

ap1 Exercice 10.9. Soient 1≤ p2, . . . , pk ≤∞ tels que∑k

j=1 1/p j = 1. Alors

‖ f1 f2 . . . fk‖L1 ≤ ‖ f1‖Lp1 ‖ f2‖Lp2 . . .‖ fk‖Lpk , ∀ f1, f2, . . . , fk : X →R.

am10 Exercice 10.10. Nous supposons µ finie. Si 1 ≤ p ≤ r ≤∞, alors ‖ f ‖Lp ≤ (µ(X ))1/p−1/r ‖ f ‖Lr , ∀ f .Ceci implique en particulier la conclusion de l’exercice

ak910.7 a).

am20 Exercice 10.11. Soient 1≤ p0 < p < p1 ≤∞.

a) Montrer qu’il existe un unique θ ∈]0,1[ tel que1p= θ

p0+ q−θ

p1.

b) Montrer que ‖ f ‖Lp ≤ ‖ f ‖θLp0 ‖ f ‖1−θLp1 , ∀ f .

al1 Proposition 10.1 (formule de dualité Lp–Lq (I)). Soient p, q exposants conjugués.a) Si 1≤ p <∞, alors nous avons

‖ f ‖Lp = sup∫

f g ; g ∈ Lq, ‖g‖Lq ≤ 1

, ∀ f ∈ Lp. (10.6) al2

De plus, nous pouvons remplacer dans (al210.6) le sup par max et considérer uniquement des fonc-

tions g telles que f g ≥ 0.b) Si µ est σ-finie, alors l’égalité (

al210.6) reste vraie pour p =∞.

Démonstration. Il suffit de travailler avec des fonctions de L p au lieu de classes de Lp (justifier).

L’inégalité de Hölder implique « ≤ » dans (al210.6). Il suffit donc d’établir « ≥ ».

†. Faire une étude de fonction pour justifier ce choix de A.

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10.2. INÉGALITÉ DE HÖLDER 93

a) Soit d’abord p = 1. Soit g = sgn f .† Alors ‖g‖L∞ ≤ 1 et∫

f g = ‖ f ‖L1 (justifier).Soit maintenant 1< p <∞. Si ‖ f ‖Lp = 0, la conclusion est claire. Supposons ‖ f ‖Lp > 0. Soit h(x)=| f (x)|p−1 sgn f (x). Alors h est mesurable et ‖h‖Lq = ‖ f ‖p−1

Lp (vérifier). Soit g = h/‖h‖Lq , de sorte que‖g‖Lq = 1. Alors∫

f g = (1/‖h‖Lq )∫

| f |p = ‖ f ‖Lp .

b) Supposons M = ‖ f ‖L∞ > 0, sinon la conclusion est claire. Soit (Xn) une suite croissante telleque Xn X et µ(Xn)<∞, ∀n. Soit 0< ε< M et soit

A = Aε = x ∈ X ; | f (x)| > M−ε.

Alors µ(A) > 0 (justifier). Soit hn = χA∩Xn sgn f , qui satisfait ‖hn‖L1 = µ(A ∩ Xn) (vérifier). Parthéorème de la suite croissante, pour n suffisamment grand nous avons µ(A∩Xn)> 0. Pour un teln, posons gn = hn/µ(A∩ Xn), de sorte que ‖gn‖L1 = 1 . Nous obtenons

sup∫

f g ; g ∈ L1, ‖g‖L1 ≤ 1≥

∫f gn = (1/µ(A∩ Xn))

∫A∩Xn

| f | > M−ε. (10.7) al4

Nous concluons en faisant ε→ 0 dans (al410.7).

an1 Proposition 10.2 (formule de dualité Lp–Lq (II)). Soient p, q conjugués et f : X →R telle quef g soit intégrable pour tout g ∈ Lq.a) Si p = 1, alors f ∈ L1.b) Si µ est σ-finie et 1< p ≤∞, alors f ∈ Lp.En particulier, sous ces hypothèses nous avons (

al210.6).

La preuve repose sur le résultat auxiliaire suivant.

am2 Lemme 10.1. Soient 1 < p, q < ∞ exposants conjugués. Soit (ak) une suite de nombres réelspositifs telle que

∑(ak)p = ∞. Alors il existe une suite (αk) de nombres réels positifs telle que∑

αk ak =∞ et∑

(αk)q <∞.

Démonstration du lemmeam210.1. Soient 0= k1 < k2 < ·· · tels que(k j+1−1∑

k=k j

(ak)p

)1/p

= S j ≥ 1

(justifier l’existence des k j). Le choix

αk =(ak)p−1

j (S j)p−1 , ∀ j ≥ 1, ∀k j ≤ k < k j+1 −1,

donne une suite (αk) avec les propriétés désirées. En effet, nous avons

∑αk ak =

∑j

1j (S j)p−1

k j+1−1∑k=k j

(ak)p =∑j

S j

j≥∑

j

1j=∞,

∑(αk)q =∑

j

1jq (S j)p

k j+1−1∑k=k j

(ak)p =∑j

1jq <∞.

†. Rappelons la définition de la fonction « signe » : sgn(t)=

1, si t > 00, si t = 0−1, si t < 0

.

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94 CHAPITRE 10. ESPACES LP

Démonstration de la propositionan110.2. Si p = 1, nous prenons g comme dans la preuve de a) de la

propositional110.1. Alors

∫ | f | = ∫f g <∞, et donc f ∈ L1.

Supposons 1< p ≤∞. Supposons, par l’absurde, que f 6∈ Lp. Pour un tel f , nous allons construireune fonction g ∈ Lq telle que f g ≥ 0 et

∫f g =∞ – ce qui constitue la contradiction recherchée.

Étape 1. Construction de g si 1< p <∞ et µ est finieSoit B = x ∈ X ; | f (x)| =∞. Si µ(B) > 0, alors g = sgn f χB convient. Ainsi, nous pouvons supposerque µ(B)= 0, ce qui revient à | f | <∞ p. p. Ainsi, nous pouvons supposer f finie (justifier).Soit k ∈ Z. Posons Ak = x ∈ X ; 2k ≤ | f (x)| < 2k+1, de sorte que les Ak sont d. d. d. et f = 0 surX \tAk. Soit fk = f χAk . D’une part, nous avons

‖ fk‖pLp(X ) =

∫Ak

| f |p ≤ 2(k+1)pµ(Ak)<∞. (10.8) am5

D’autre part, nous avons∑k‖ fk‖p

Lp(X ) =∑k

∫Ak

| f |p =∫tAk

| f |p =∫

X| f |p =∞. (10.9) am4

De (am510.8) et de la preuve de la proposition

al110.1 a), il existe gk ∈ Lq(Ak) telle que ‖gk‖Lq(Ak) = 1,

fk gk ≥ 0 et∫

Akfk gk = ‖ fk‖Lp(Ak) = ‖ fk‖Lp(X ).

Nous allons prendre g de la forme g =∑αk gkχAk , avec αk ≥ 0. Nous avons, par calcul direct,∫

|g|q =∑(αk)q

∫Ak

|gk|q =∑

(αk)q,∫f g =∑

αk

∫Ak

fk gk =∑αk ‖ fk‖Lp .

Le lemmeam210.1 combiné avec (

am410.9) montre que l’on peut trouver αk tels que

∑αk‖ fk‖Lp(X ) =∞ et∑

(αk)q <∞. Pour de tels αk, g a toutes les propriétés désirées.

Étape 2. Construction de g si 1< p <∞ et µ est σ-finieSoit (Yn) ⊂T une suite d. d. d. telle que X =tYn et µ(Yn) <∞, ∀n. Notons fn la restriction de fà Yn, de sorte que fn est mesurable et∑

n

∫Yn

| fn|p =∫

X| f |p =∞ (10.10) am7

(vérifier). Si∫

Yn| fn0 |p =∞ pour un n0, alors, de l’étape précédente, il existe gn : Yn → R telle que∫

Yn0|gn0 |q <∞, fn0 gn0 ≥ 0 et

∫Yn0

fn0 gn0 =∞. Alors g = gn0 χYn0a les propriétés souhaitées.

Nous pouvons donc supposer que∫

Yn| fn|p <∞ pour tout n. De la preuve de la proposition

al110.1 a),

il existe gn ∈ Lq(Yn) telle que ‖gn‖Lq = 1, fn gn ≥ 0 et∫

Ynfn gn = ‖ fn‖Lp(Yn). Nous définissons g =∑

αn gnχAn avec αn ≥ 0 à déterminer de sorte que g ∈ Lq et∫

f g =∞. Comme dans l’étape 1, cespropriétés sont vraies si nous choisissons (via le lemme

am210.1), des αn tels que

∑αn‖ fn‖Lp(Yn) =∞

et∑

(αn)q =∞ (vérifier).

Étape 3. Construction de g si p =∞ et µ est σ-finieSoit (Yn) la suite de l’étape 2. Soit B = x ∈ X ; | f (x)| = ∞. Nous avons µ(B) = ∑

µ(B ∩Yn). Siµ(B) > 0, alors 0 < µ(B∩Yn) <∞ pour (au moins) un n. Pour un tel n, g = sgn f χB∩Yn convient(vérifier). L’étape 3 est donc complétée si µ(B)> 0. Ainsi, nous pouvons supposer que µ(B)= 0, d’où| f | <∞ p. p. Posons A j = x ∈ X ; j ≤ | f (x)| < j+1, ∀ j ∈N∗. Notons que les A j sont d. d. d. Commef 6∈ L∞, il existe une infinité de j tels que µ(A j)> 0 (justifier). Soient 1≤ j1 < j2 < ·· · < jk < ·· · telsque µ(A jk )> 0, ∀k. Soit fk la restriction de f à A jk , de sorte que fk ∈ L∞(A jk ). De la preuve de laproposition

al110.1 b), il existe gk ∈ L1(A jk ) telle que ‖gk‖L1(A jk ) = 1, fk gk ≥ 0 et∫

A jk

fk gk ≥ (1/2)‖ fk‖L∞(Ak) ≥ (1/2) jk ≥ (1/2)k.

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10.3. NORME ET COMPLÉTUDE 95

Si nous posons g =∑(1/k2) gkχA jk

, alors par calcul direct ‖g‖L1 =∑(1/k2)<∞ et∫

f g ≥∑(1/2k)2 ‖ fk‖L∞ ≥∑ jk

2k2 ≥∑ 12k

=∞.

10.3 Norme et complétudean2an3 Théorème 10.2 (inégalité de Minkowski). a) Si 1 ≤ p ≤ ∞, alors ‖ f + g‖Lp ≤ ‖ f ‖Lp +‖g‖Lp ,

∀ f , g.b) (Lp,‖ ‖Lp ) est un espace normé et (L p,‖ ‖Lp ) est un espace « semi-normé ».†

Démonstration. Nous pouvons travailler avec des fonctions finies en tout point (justifier).

a) Les cas p = 1 et p =∞ suivent de l’exerciceai410.1 e). Nous pouvons donc supposer 1 < p <∞

et aussi ‖ f ‖Lp <∞, ‖g‖Lp <∞. La fonction t 7→Φ(t)= |t|p étant convexe,‡ nous avons Φ((s+ t)/2)≤(Φ(s)+Φ(t))/2, ∀ s, t ∈ R, d’où |s+ t|p ≤ 2p−1 (|s|p +|t|p), ∀ s, t ∈ R (vérifier). Ceci implique | f + g|p ≤2p−1 (| f |p +|g|p). En intégrant cette inégalité avec f , g ∈ Lp, nous obtenons que f + g ∈ Lp.

Comme f + g ∈ Lp, nous pouvons appliquer la propositional110.1 a). Avec q le conjugué de p,

nous obtenons

‖ f + g‖Lp = sup∫

( f + g)h ; h ∈ Lq,‖h‖Lq ≤ 1

≤ sup∫

f h ; h ∈ Lq,‖h‖Lq ≤ 1+sup

∫g h ; h ∈ Lq,‖h‖Lq ≤ 1

= ‖ f ‖Lp +‖g‖Lp .

b) Les propriétés de (semi-)norme de ‖ ‖Lp suivent de l’exerciceai410.1.

ee1 Corollaire 10.1. L’application Lp 3 f 7→ ‖ f ‖Lp ∈R est continue.

Démonstration. Ceci est vrai pour toute norme (car une norme est, d’après l’inégalité triangulaire,Lipschitzienne de constante 1).

Théorème 10.3. (théorème de Fatou) Lp est un espace normé complet, ∀1≤ p ≤∞.§ao2

Démonstration. Rappelons le principe suivant de preuve. Pour montrer qu’un espace métrique(en particulier, normé) est complet, il suffit de montrer que toute suite de Cauchy contient unesous-suite convergente. Pour construire une telle sous-suite, nous reprenons essentiellement lapreuve du théorème

t7.37.3.

Soit ( fn) une suite de Cauchy dans Lp et soit ( fnk ) une sous-suite telle que ‖ fnk − fnk+1‖Lp ≤2−k−1, ∀k ≥ 0.

Supposons d’abord 1≤ p <∞. Pour tout k ≥ 1, posons gk = | fn0 |+∑k−1

j=1 | fn j − fn j+1 |. La suite (gk)étant croissante, nous pouvons définir g = lim gk.L’inégalité triangulaire et l’inégalité de Minkowski impliquent

| fnk | ≤ gk ≤ g et ‖gk‖Lp ≤ ‖ fn0‖Lp +1. (10.11) ao5

†. Un espace semi-normé est un espace vectoriel muni d’une « semi-norme ». Une semi-norme x 7→ ‖x‖ vérifietoutes les propriétés de la norme sauf ‖x‖ = 0 =⇒ x = 0.

‡. Vérifier la convexité de la fonction Φ en étudiant la monotonie de sa dérivée.§. Un espace normé complet est un « espace de Banach ». Donc Lp est un espace de Banach.

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96 CHAPITRE 10. ESPACES LP

Le théorème de convergence monotone et la deuxième partie de (ao510.11) donnent ‖g‖Lp <∞. Nous

avons en particulier g(x)<∞ p. p. Si x est tel que g(x)<∞, alors

| fn0(x)|+ ∑j≥0

|( fn j − fn j+1)(x)| ≤ g(x)<∞.

Il s’ensuit que pour un tel x la série fn0(x)+∑j≥0(( fn j − fn j+1)(x)) converge vers un f (x) tel que

| f (x)| ≤ g(x) (justifier). Les sommes partielles de la série étant fnk (x), nous obtenons fnk (x)→ f (x)et | fnk (x)|p ≤ (g(x))p. Pour les autres x, nous définissons f (x) = 0. De ce qui précède, nous avons

f ∈ Lp. Le théorème de convergence dominée (variante p. p.) donne∫

| fnk − f |p → 0, d’où fnk → f

dans Lp.

Enfin, supposons p =∞. Soit B ∈T négligeable tel que fn0 soit bornée sur X \ B. Soit Ak ∈Tun ensemble négligeable tel que | fnk − fnk+1 | ≤ 2−k−1 dans X \ Ak. Soit A = B ∪∪Ak ∈ T , quiest encore négligeable. Sur X \ A, fn0 est bornée et la suite ( fnk ) est de Cauchy pour la normeuniforme. Elle converge donc uniformément vers une fonction bornée f . En posant f (x) = 0 six ∈ A, nous avons f ∈ L∞ et fnk → f dans L∞ (vérifier).

ao6 Corollaire 10.2. Si fn → f dans Lp, alors il existe une sous-suite ( fnk ) et une fonction g ∈ Lp

telles que(i) fnk → f p. p.(ii) | fnk | ≤ g p. p.

Démonstration. ( fn) étant une suite de Cauchy, si 1 ≤ p <∞ le corollaire découle de la preuve duthéorème

ao210.3.

Si p =∞, (i) suit de la preuve du théorème et nous pouvons prendre g = sup‖ fn‖L∞ .

ao7 Proposition 10.3. Dans L2,

< f , g >=∫

f g, ∀ f , g ∈ L2, (10.12) ao8

est un produit scalaire, et ‖ f ‖L2 =< f , f >1/2.†

Démonstration. L’inégalité de Hölder avec p = q = 2 implique que < f , g > est bien défini. Lalinéarité dans chaque variable et la symétrie étant évidentes, il suffit de vérifier que < f , f >=0 =⇒ f = 0. Ceci découle de la dernière égalité de l’énoncé, qui est claire.

†. L2 est donc un espace normé complet dont la norme provient d’un produit scalaire : c’est un « espace de Hilbert ».

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Chapitre 11

Convolution

ap2

11.1 Inégalité de Youngap10

Dans ce chapitre, nous considérons uniquement des fonctions ou classes d’équivalence f , g,etc., définies sur Rn ou sur une partie borélienne de Rn et qui sont Lebesgue mesurables.La mesure sous-jacente est λn, sur la tribu Ln. Cette mesure étant complète, nous pouvonstravailler si nécessaire avec des fonctions définies p. p. : pour de telles fonctions, les notions demesurabilité et intégrabilité sont bien définies (remarque

r8.48.4).

ap3 Définition 11.1. Le produit de convolution de f , g :Rn →R est

f ∗ g(x)=∫Rn

f (x− y) g(y)d y, (11.1) ap4

défini pour les x tels que la fonction y 7→ f (x− y) g(y) soit intégrable.

D’après l’exerciceaj210.4, la définition du produit de convolution a aussi un sens pour des classes

f et g. Dans la suite, nous travaillerons soit avec des classes, soit avec des fonctions boréliennes.(Rappelons que dans chaque classe nous pouvons choisir un représentant borélien ; voir l’exerciceak810.6 a).)

ap5 Exercice 11.1. Nous avons f ∗ g(x) = g∗ f (x), au sens où l’une de ses quantités existe ssi l’autreexiste et dans ce cas elles sont égales.

ap6 Théorème 11.1 (inégalité de Young). Soient 1 ≤ p, q ≤∞ tels que 1/p+1/q ≥ 1. Soit 1 ≤ r ≤∞défini par l’égalité 1/r = 1/p+1/q−1. Soient f ∈ Lp(Rn), g ∈ Lq(Rn). Alors :a) le produit de convolution f ∗ g est défini presque partout et définit une fonction Lebesguemesurable ;b) nous avons f ∗ g ∈ Lr(Rn) et

‖ f ∗ g‖Lr ≤ ‖ f ‖Lp ‖g‖Lq . (11.2) ap7

c) Si 1/p+1/q = 1 (et donc r =∞), alors nous avons les conclusions plus fortes suivantes : f ∗ g estdéfini en tout point, et | f ∗ g(x)| ≤ ‖ f ‖Lp ‖g‖Lq , ∀x ∈Rn.

Démonstration. Commençons par le point c). Par symétrie du produit, nous pouvons supposerp <∞ (justifier). Avec h(y)= f (x− y), l’inégalité de Hölder donne

| f ∗ g|(x)≤∫

|h(y) g(y)|d y≤ ‖h‖Lp ‖g‖Lq = ‖ f ‖Lp ‖g‖Lq , ∀x ∈Rn

(justifier la dernière égalité), ce qui au passage montre que f ∗ g est défini en tout point (justifier).

97

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98 CHAPITRE 11. CONVOLUTION

Supposons maintenant 1/p+1/q > 1 et donc 1 ≤ r <∞. Comme déjà remarqué, nous pouvonsconsidérer des fonctions boréliennes au lieu de classes d’équivalence. Il suffit de traiter le cas desfonctions positives. En effet, si les conclusions du théorème sont vraies pour | f | et |g|, alors f ∗g(x)est défini pour tout x tel que | f |∗ |g|(x) soit fini, et pour un tel x nous avons

f ∗ g(x)= f+∗ g+(x)− f+∗ g−(x)− f−∗ g+(x)+ f−∗ g−(x) et | f ∗ g|(x)≤ | f |∗ |g|(x),

d’où les parties a) et b) du théorème (justifier).

Si f , g sont boréliennes positives, alors f ∗ g(x) existe (mais peut être infini) pour tout x, car ils’agit de l’intégrale d’une fonction borélienne positive (vérifier que y 7→ f (x−y) g(y) est borélienne).Il suffit donc de montrer (

ap711.2), car dans ce cas nous avons f ∗ g ∈ Lr(Rn) et donc f ∗ g(x)<∞ pour

Rn \ A, avec A ⊂ Rn borélien négligeable. De manière équivalente, (ap711.2) donne y 7→ f (x− y) g(y)

est intégrable pour tout x ∈Rn \ A (ce qui donne la partie a) du théorème).Notons les relations suivantes : p ≤ r, q ≤ r et 1/r+ (1− p/r)+ (1− q/r)= 1. En utilisant ces faits etl’exercice

ap110.9 (avec k = 3, p1 = r, p2 = (rp)/(r− p), p3 = (rq)/(r− q) et la convention 1/0=∞), nous

obtenons, pour tout x ∈Rn et avec h(y)= f (x− y) :

f ∗ g(x)=∫Rn

[hp/r(y) gq/r(y)]h1−p/r(y) g1−q/r(y)d y

≤ ‖hp/r gq/r‖Lr ‖h1−p/r‖L(rp)/(r−p) ‖g1−q/r‖L(rq)/(r−q)

= ‖hp/r gq/r‖Lr ‖h‖1−p/rLp ‖g‖1−q/r

Lq

=(∫Rn

f p(x− y) gq(y)d y)1/r

‖ f ‖1−p/rLp ‖g‖1−q/r

Lq

(vérifier et justifier les deux dernières lignes, en considérant séparément les cas où p = r ou q = r).

Ceci implique

‖ f ∗ g‖rLr =

∫Rn

[ f ∗ g(x)]r dx ≤ ‖ f ‖r−pLp ‖g‖r−q

Lq

∫Rn

(∫Rn

f p(x− y) gq(y)d y)

dx

= ‖ f ‖r−pLp ‖g‖r−q

Lq

∫Rn

(∫Rn

f p(x− y)dx)

gq(y)d y= ‖ f ‖rLp ‖g‖r

Lq

(vérifier), d’où (ap711.2).

11.2 Régularisationaq1

Dans cette partie, nous travaillons dans Rn muni de la norme euclidienne, désignée par « | | ».Les intégrales s’entendent par rapport à la mesure de Lebesgue.

Rappelons le résultat suivant de calcul différentiel.

aq2 Lemme 11.1. Il existe une fonction ζ ∈ C∞(Rn,R), non identiquement nulle, telle que :i) 0≤ ζ≤ 1 si |x| < 1 ;ii) ζ(x)= 0 si |x| ≥ 1.†

La fonction ζ est alors intégrable d’intégrale strictement positive (justifier). En divisant ζ parson intégrale, nous obtenons ainsi l’existence d’un noyau régularisant.

†. Voici un exemple explicite de telle fonction (dont nous ne vérifierons pas ici les propriétés). ζ(x) =e−1/(1−|x|2), si |x| < 10, si |x| ≥ 1

.

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11.2. RÉGULARISATION 99

aq3 Définition 11.2. a) Un noyau régularisant (standard) est une fonction ρ ∈ C∞(Rn,R) telleque :i) ρ(x)≥ 0 si |x| < 1 ;ii) ρ(x)= 0 si |x| ≥ 1 ;iii)

∫ρ = 1.

Si ρ :Rn →R, nous posons

ρε(x)= 1/εnρ(x/ε), ∀ε> 0, ∀x ∈Rn. (11.3) aq4

aq5 Exercice 11.2. Soit ρ un noyau régularisant. Alors pour tout ε> 0 :a) ρε(x)≥ 0 si |x| < ε ;b) ρε(x)= 0 si |x| ≥ ε ;c)

∫ρε = 1.

aq6 Définition 11.3. Si k ∈N∪ ∞ et Ω est un ouvert de Rn,

Ckc (Ω)= ϕ ∈ Ck(Ω,R) ; il existe un compact K ⊂Ω tel que ϕ(x)= 0, ∀x ∈Ω\ K.

aq7 Proposition 11.1. Soient 1≤ p ≤∞ et k ∈N∪ ∞. Soient f ∈ Lp(Rn) et ϕ ∈ Ckc (Rn). Alors :

a) f ∗ϕ est défini en tout point.b) f ∗ϕ ∈ Ck.c) Pour toute dérivée partielle ∂α d’ordre ≤ k, ∂α( f ∗ϕ)= f ∗ (∂αϕ).

Démonstration. Rappelons le résultat suivant : une fonction continue sur Rn qui s’annule en de-hors d’un compact est bornée.

Soit R <∞ tel que ϕ(x) = 0, ∀|x| ≥ R. Soit ∂α une dérivée partielle d’ordre ≤ k. Alors ∂αϕ estcontinue et s’annule en dehors de B(0,R) (justifier), donc il existe une constante finie Cα telle que|∂αϕ(x)| ≤ Cα, ∀x ∈Rn.

Soit q le conjugué de p. De ce qui précède, ∂αϕ ∈ Lq (justifier), et donc f ∗∂αϕ est défini en toutpoint (théorème

ap611.1 c)).

Montrons la continuité de f ∗ϕ ; la continuité de f ∗∂αϕ se montre de la même manière. Soith(y, x) = f (y)ϕ(x− y), x, y ∈ Rn, de sorte que f ∗ϕ(x) = ∫

h(y, x)d y. Nous appliquons le théorèmet7.97.9. La continuité par rapport au paramètre x étant claire, il faut obtenir la majoration exigée parle (i′′) du théorème. Soit x ∈Rn. Alors ϕ(z− y)= 0 si |x− z| ≤ 1 et |y| ≥ r = R+|x|+1, car dans ce casnous avons |z− y| ≥ R (justifier). Il s’ensuit que

f ∗ϕ(z)=∫

B(0,r)h(y, z)d y, ∀ z ∈ B(x,1).

De ce qui précède, nous avons la majoration |h(y, z)| ≤ g(y) = C0 | f (y)|χB(0,r)(y), ∀ z ∈ B(x,1). Pourconclure, il suffit de noter que g est intégrable, car, par l’inégalité de Hölder, si q est le conjuguéde p alors

‖g‖L1 ≤ C0 ‖ f ‖Lp ‖χB(0,r)‖Lq = C‖ f ‖Lp (avec C = C(r)<∞).

Enfin, notons l’égalité ∂ j( f ∗ϕ) = f ∗ (∂ jϕ). Le raisonnement est analogue à celui qui donne lacontinuité de f ∗ϕ ; on utilise le théorème

t7.107.10 au lieu du théorème

t7.97.9 (vérifier). Par récurrence

sur l’ordre de différentiation, ceci permet d’établir c) pour tous les α concernés.

Pour conclure, f ∗ϕ a, jusqu’à l’ordre k, des dérivées partielles continues qui vérifient c). Lapreuve est complète.

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100 CHAPITRE 11. CONVOLUTION

at28 Exercice 11.3. Soient f ∈ Ck(Rn) et ϕ ∈ Cc(Rn). Alors :a) f ∗ϕ est défini en tout point.b) f ∗ϕ ∈ Ck.c) Pour toute dérivée partielle ∂α d’ordre ≤ k, ∂α( f ∗ϕ)= (∂α f )∗ϕ.d) Si f est un polynôme (de n variables) de degré ≤ m, alors f ∗ϕ est un polynôme de degré ≤ m.

aq8 Théorème 11.2. Soit ρ un noyau régularisant. Soit 1≤ p <∞. Alors

f ∗ρε→ f dans Lp(Rn) quand ε→ 0, ∀ f ∈ Lp(Rn). (11.4) aq9

En particulier, C∞(Rn)∩Lp(Rn) est dense dans Lp(Rn).

eb1 Remarque 11.1. Notez l’ambiguïté de la formulation. Considérons par exemple la deuxième par-tie du théorème

aq811.2. Au sens stricte du terme, C∞∩Lp n’a pas de sens, car Lp contient des classes

et C∞ des fonctions. Le sens de l’énoncé est le suivant : pour tout f ∈ Lp, il existe une suite ( f j)telle que :a) f j ∈ C∞∩L p, ∀ j ;b) pour tout représentant g de f , f j → g dans L p.

Une formulation équivalente est que, avec f j comme ci-dessus, la classe f j ∈ Lp de f j vérifief j → f dans Lp.

L’ingrédient clé de la preuve du théorème est le lemme suivant.

ar1 Lemme 11.2. Soit 1≤ p <∞. Soient f ∈L p(Rn) et δ> 0. Alors il existe une fonction étagée de laforme g =∑

a jχK j , avec K j compact, ∀ j, telle que ‖ f − g‖Lp < δ.De manière équivalente, l’espace vectoriel engendré par les fonctions χK , avec K ⊂ Rn compact,est dense dans L p(Rn).†

Démonstration du théorèmeaq811.2. Pour la deuxième partie du théorème, il suffit de noter que f ∗

ρε ∈ C∞(Rn) (propositionaq711.1) et d’appliquer (

aq911.4).

Soit

X = f ∈ Lp(Rn) ; f ∗ρε→ f dans Lp(Rn) quand ε→ 0.‡ (11.5) ar2

Par linéarité du produit de convolution par rapport au premier argument, X est un sous-espace vectoriel de Lp. Montrons que X est fermé dans Lp. Soit ( f j)⊂ X avec f j → f dans Lp. Soitδ > 0. Alors il existe un j et un ε0 tels que ‖ f j − f ‖Lp < δ/3 et ‖ f j ∗ρε− f j‖Lp < δ/3, ∀0 < ε < ε0.L’inégalité de Young et le fait que ‖ρε‖L1 = 1, ∀ε (exercice

aq511.2) donnent

‖ f ∗ρε− f ‖Lp ≤ ‖( f − f j)∗ρε‖Lp +‖ f j ∗ρε− f j‖Lp +‖ f j − f ‖Lp

≤ ‖ f − f j‖Lp +‖ f j ∗ρε− f j‖Lp +‖ f j − f ‖Lp < δ, ∀0< ε< ε0.

δ étant arbitraire, nous obtenons que f ∈ X .

†. Par abus de langage, comme expliqué dans la remarqueeb111.1, la conclusion du lemme

ar111.2 est que les fonctions

étagées de la forme g =∑a j χK j sont denses dans Lp(Rn). Par ailleurs, la conclusion reste valable si nous remplaçons

Rn par un ouvert de Rn ; ceci découle de la preuve du lemmear111.2.

‡. Comme expliqué dans la preuve de l’inégalité de Young, nous pouvons considérer f ∗ρε comme une classe, doncélément de Lp, ce qui donne un sens à (

ar211.5). De manière alternative, nous pouvons aller dans le sens de la remarquear1

11.2. Dans cette perspective, (ar211.5) affirme que si g,h sont dans la classe de f , alors ‖g∗ρε−h‖Lp → 0 quand ε→ 0.

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11.2. RÉGULARISATION 101

Au vu du lemmear111.2 et de ce qui précède, afin de conclure il suffit de montrer que f = χK ∈ X ,

pour tout compact K .Soit K un compact de Rn et δ> 0. Posons, pour j ≥ 1,

K j = x ∈Rn ; dist(x,K)≤ 1/ j=∪x∈K B(x,1/ j). (11.6) ar10

Alors K j K , K j est un compact et il existe j tel que λn(K j \ K)< δ (lemmep9.29.1). Posons `= 2 j et

ε0 = 1/`. Soit 0< ε< ε0.Notons les faits suivants (évidents sur un dessin ; les justifier en utilisant la deuxième égalitédans (

ar1011.6)) :

si x ∈ K et y ∈ B(0,ε), alors x− y ∈ K` ; (11.7) ar3

si x 6∈ K j et y ∈ B(0,ε), alors x− y 6∈ K`. (11.8) ar4

Il s’ensuit de (ar311.7) que

x ∈ K =⇒ χK`∗ρε(x)=

∫B(0,ε)

χK`(x− y)ρε(y)d y=

∫B(0,ε)

ρε(y)d y= 1. (11.9) ar5

De même, (ar411.8) donne (vérifier)

x 6∈ K j =⇒ χK`∗ρε(x)= 0. (11.10) ar6

Par ailleurs, si x ∈ K j \ K alors 0 ≤ χK`∗ρε(x) ≤ 1 (vérifier). Ce fait combiné avec (

ar511.9) et (

ar611.10)

implique

|χK −χK`∗ρε| ≤ χK j\K , ∀0< ε< ε0. (11.11) ar7

Nous obtenons, en utilisant (ar711.11), respectivement l’inégalité de Hölder :

‖χK −χK ∗ρε‖Lp ≤ ‖χK −χK`∗ρε‖Lp +‖χK`

∗ρε−χK ∗ρε‖Lp

≤ ‖χK j\K‖Lp +‖χK`−χK‖Lp = ‖χK j\K‖Lp +‖χK`\K‖Lp

≤ 2‖χK j\K‖Lp = 2(λn(K j \ K))1/p < 2δ1/p, ∀0< ε< ε0.

(11.12) ar8

δ> 0 étant arbitraire, nous obtenons (aq911.4) pour f = χK .

Démonstration du lemmear111.2. Soit f ∈ Lp. Nous pouvons travailler avec une fonction borélienne

au lieu d’un classe. Soit ( fk) une suite de fonctions boréliennes étagées telle que sgn fk = sgn f ,∀k, fk → f et | fk| | f | (l’existence d’une telle suite suit de la preuve du théorème

char3.1). Par

convergence dominée, nous avons ‖ fk − f ‖Lp → 0 (justifier). Chaque fk étant une somme finie dela forme

∑a jχA j , avec A j borélien et νn(A j) < ∞ (la dernière propriété découlant de f j ∈ Lp ;

justifier), il suffit de montrer la conclusion du lemme si f = χA, avec A borélien de mesure deLebesgue finie. Dans ce cas, rappelons que pour tout ε> 0 il existe un compact K ⊂Rn tel que l’onait K ⊂ A et νn(A\K)< ε (corollaire

aa74.1). Nous obtenons ‖χA−χK‖Lp = ‖χA\K‖Lp = (νn(A\K))1/p <

ε1/p. ε étant arbitraire, nous obtenons le résultat désiré de densité.

En examinant la preuve de (ar711.11), nous déduisons le résultat suivant.

as1 Lemme 11.3 (existence de fonctions plateau ; lemme d’Urysohn). Soient K ⊂ U ⊂ Rn, avecK compact et U ouvert. Alors il existe une fonction ϕ ∈ C∞

c (U) telle que :i) 0≤ϕ≤ 1 ;ii) ϕ= 1 sur K .

Démonstration. Soit ε0 = dist(K ,U c), de sorte que ε0 > 0 (pourquoi ?). Soit 0 < ε < ε0/2. PosonsL = x ∈ Rn ; dist(x,K) ≤ ε, M = x ∈ Rn ; dist(x,K) ≤ 2ε. Alors K ⊂ L ⊂ M ⊂U (vérifier). Soit ρ unnoyau régularisant. La preuve de (

ar711.11) implique que ϕ= χL∗ρε a toutes les propriétés requises ;

en particulier, ϕ(x)= 0 si x 6∈ M.

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102 CHAPITRE 11. CONVOLUTION

as2 Théorème 11.3. Soient 1≤ p <∞ et Ω⊂Rn un ouvert. Alors C∞c (Ω) est dense dans Lp(Ω).

Démonstration. Soit f ∈ Lp(Ω). Soit f le prolongement de f avec la valeur 0 à Rn \Ω, de sorte quef ∈ Lp(Rn). Soit ε> 0 et g ∈ C∞(Rn)∩Lp(Rn) telle que ‖ f − g‖Lp(Rn) < ε/2 ; l’existence de g suit duthéorème

aq811.2. Soit g la restriction de g à Ω. Nous avons g ∈ C∞(Ω)∩Lp(Ω) et ‖ f − g‖Lp(Ω) < ε/2.

Il reste à trouver h ∈ C∞c (Ω) telle que ‖g−h‖Lp(Ω) < ε/2.

Rappelons le résultat suivant de topologie : il existe une suite (K j) j≥1 de compacts telle queK j Ω.† Soit, comme dans le lemme

as111.3, ϕ j ∈ C∞

c (Ω) telle que 0 ≤ ϕ j ≤ 1 et ϕ j = 1 sur K j.Alors ϕ j → 1 simplement dansΩ (justifier). Comme |gϕ j−g| ≤ |g|, nous obtenons par convergencedominée que ‖gϕ j − g‖Lp(Ω) → 0. Pour j suffisamment grand, h = gϕ j convient.

cn1 Exercice 11.4. Soient 1 ≤ p1, . . . , pk <∞. Soit f ∈ Lp1(Ω)∩ . . .∩Lpk (Ω). Montrer qu’il existe unesuite (ϕ j)⊂ C∞

c (Ω) telle que ϕ j → f quand j →∞ dans Lpi (Ω), i = 1, . . . ,k.

as3 Exercice 11.5. En prenant n = 1 et f = χ[0,∞[, montrer que les théorèmesaq811.2 et

as211.3 et le lemme

ar111.2 sont faux si p =∞.

11.3 Pour aller plus loinat1

Si 1 ≤ p <∞, nous savons (théorèmeas211.3) que C∞

c (Ω) est dense dans Lp(Ω). Ce résultat per-met, dans certains cas, d’établir des propriétés de toutes les fonctions f ∈ Lp(Ω) en étudiant uni-quement les fonctions de C∞

c (Ω). Nous donnons ici quelques exemples typiques.

at2 Proposition 11.2. Soient p, q exposants conjugués. Si f ∈ Lp(Rn) et g ∈ Lq(Rn), alors f ∗ g ∈C(Rn).

Démonstration. Nous avons soit p <∞, soit q <∞. Supposons par exemple p <∞. Si f ∈ C∞c (Rn),

la conclusion suit de la propositionaq711.1. Soit f ∈ Lp(Rn) quelconque et soit ( f j)⊂ C∞

c (Rn) telle quef j → f dans Lp. Nous pouvons travailler avec un représentant de f , encore noté f . Alors l’inégalitéde Hölder donne

| f j ∗ g(x)− f ∗ g(x)| = |( f j − f )∗ g(x)| ≤ ‖ f j − f ‖Lp ‖g‖Lq → 0 quand j →∞.

Il s’ensuit que f ∗ g est limite uniforme d’une suite de fonctions continues, donc continue.

Notation. Si f :Rn →R, τh f (x)= f (x−h), ∀x,h ∈Rn.

ea4 Exercice 11.6. Si f ∼ g, alors τh f ∼ τh g, ∀h.

at3 Proposition 11.3 (continuité des translations dans Lp). Soit 1≤ p <∞. Pour tout f ∈ Lp(Rn),nous avons τh f → f dans Lp(Rn) quand h → 0.

Démonstration. Compte tenu de l’exerciceea411.6, nous pouvons travailler avec des fonctions. Soit

f ∈ C∞c (Rn). Soit R <∞ tel que f (x) = 0 si |x| ≥ R. Soit h ∈ Rn tel que |h| ≤ 1. Si |x| ≥ R +1, alors

τh f (x)= 0 et f (x)= 0 (vérifier). Par ailleurs, soit M =max|∇ f (x)| ; x ∈Rn<∞ (justifier la finitudede M). Le théorème des accroissements finis donne (vérifier)

|τh f (x)− f (x)| ≤ M |h|, ∀x, h ∈Rn.

†. Par exemple, les compacts K j = x ∈Rn ; |x| ≤ j et dist(x,Ωc)≥ 1/ j conviennent.

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11.3. POUR ALLER PLUS LOIN 103

Il s’ensuit que, pour |h| ≤ 1, nous avons

‖τh f − f ‖pLp =

∫B(0,R+1)

|τh f (x)− f (x)|p dx ≤ Mp |h|p∫

B(0,R+1)dx → 0 quand h → 0.

Soit maintenant f ∈ Lp(Rn) quelconque. Soit ε> 0. Soit g ∈ C∞c (Rn) telle que ‖ f − g‖Lp < ε/3. Soit

δ> 0 tel que ‖τh g− g‖Lp < ε/3 si |h| < δ.En notant que ‖τhk‖Lp = ‖k‖Lp , ∀k ∈ Lp(Rn) (vérifier), nous obtenons, pour |h| < δ :

‖τh f − f ‖Lp ≤ ‖τh f −τh g‖Lp +‖τh g− g‖Lp +‖g− f ‖Lp

= ‖τh( f − g)‖Lp +‖τh g− g‖Lp +‖g− f ‖Lp

≤ ‖ f − g‖Lp +‖τh g− g‖Lp +‖g− f ‖Lp < ε.ε> 0 étant arbitraire, nous obtenons la conclusion de la proposition.

at4 Définition 11.4. Une approximation de l’identité est une famille (ζε)ε>0 telle que :i) ζε :Rn →R est (Lebesgue) intégrable, ∀ε> 0 ;ii)

∫ζε = 1, ∀ε> 0 ;

iii) il existe une constante M <∞ telle que ‖ζε‖L1 ≤ M, ∀ε> 0 ;iv) pour tout δ> 0, limε→0

∫Rn\B(0,δ) |ζε| = 0.

Définition analogue lorsqu’il s’agit d’une suite (ζ j) j≥1.

Un exemple fondamental d’approximation de l’identité est donné par le résultat suivant.

at5 Proposition 11.4. Soit ρ ∈ L1(Rn) telle que∫ρ = 1. Soit, comme dans (

aq411.3), ρε(x) = 1/εnρ(x/ε),

∀x ∈Rn, ∀ε> 0. Alors (ρε)ε>0 est une approximation de l’identité.En particulier, cette proposition s’applique lorsque ρ est un noyau régularisant.

Démonstration. Nous avons∫ρε =

∫ρ = 1 et

∫ |ρε| =∫ |ρ| = M <∞ (vérifier), de sorte que i)–iii)

sont satisfaites.Soit δ> 0. Alors (vérifier)∫

Rn\B(0,δ)|ρε(x)|dx =

∫Rn\B(0,δ/ε)

|ρ(y)|d y→ 0 quand ε→ 0,

la dernière conclusion étant une conséquence du théorème de convergence dominée (justifier).

au1 Théorème 11.4. Soit 1≤ p <∞. Soit (ζε)ε>0 une approximation de l’identité. Pour tout f ∈ Lp(Rn)nous avons f ∗ζε→ f dans Lp(Rn) quand ε→ 0.De même pour une suite (ζ j) j≥1.

Démonstration. Commençons par expliquer le passage de C∞c (Rn) à Lp(Rn). Supposons le théo-

rème prouvé pour les fonctions de C∞c (Rn). Soient f ∈ Lp(Rn) et ξ> 0. Soient g ∈ C∞

c (Rn) et ε0 > 0tels que ‖ f − g‖Lp < ξ et ‖g∗ζε− g‖Lp < ξ, ∀0< ε< ε0. Pour un tel ε, nous avons

‖ f ∗ζε− f ‖Lp ≤ ‖ f ∗ζε− g∗ζε‖Lp +‖g∗ζε− g‖Lp +‖g− f ‖Lp

≤ ‖( f − g)∗ζε‖Lp +2ξ≤ ‖ f − g‖Lp ‖ζε‖L1 +2ξ≤ (M+2)ξ.

ξ> 0 étant arbitraire, nous obtenons la conclusion du théorème pour f . Ainsi, il suffit d’obtenir laconclusion pour f ∈ C∞

c (Rn).

Pour les besoins des résultats à venir, nous allons estimer la différence f ∗ζε− f lorsque f a lapropriété plus faible f ∈ Cc(Rn). Rappelons qu’une telle f est uniformément continue sur Rn.Donné ξ> 0, soit 0< δ< 1 tel que

∀x, x′ ∈Rn, |x− x′| < δ =⇒ | f (x)− f (x′)| < ξ.

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104 CHAPITRE 11. CONVOLUTION

Soit C <∞ tel que | f (x)| ≤ C, ∀x ∈Rn (justifier l’existence de C). Enfin, soit R <∞ tel que f (x)= 0si |x| ≥ R.Pour tout x ∈Rn, nous avons

| f ∗ζε(x)− f (x)| =∣∣∣∣∫ f (x− y)ζε(y)d y− f (x)

∣∣∣∣=

∣∣∣∣∫ ( f (x− y)− f (x))ζε(y)d y∣∣∣∣≤ ∫

| f (x− y)− f (x)| |ζε(y)|d y

=∫

B(0,δ)| f (x− y)− f (x)| |ζε(y)|d y+

∫Rn\B(0,δ)

| f (x− y)− f (x)| |ζε(y)|d y

≤ ξ∫

B(0,δ)|ζε(y)|d y+

∫Rn\B(0,δ)

| f (x− y)− f (x)| |ζε(y)|dy

≤ ξ∫Rn

|ζε(y)|d y+∫Rn\B(0,δ)

| f (x− y)− f (x)| |ζε(y)|d y

≤ M ξ+∫Rn\B(0,δ)

| f (x− y)− f (x)| |ζε(y)|d y

≤ M ξ+∫Rn\B(0,δ)

(| f (x− y)|+ | f (x)|) |ζε(y)|d y

≤ M ξ+2C∫Rn\B(0,δ)

|ζε(y)|d y.

(11.13) au4

Par ailleurs, si |x| ≥ R +1 et |y| < δ < 1, alors f (x) = f (x− y) = 0. Il s’ensuit que pour un tel x latroisième ligne du calcul (

au411.13) donne

| f ∗ζε(x)− f (x)| ≤∫Rn\B(0,δ)

| f (x− y)| |ζε(y)|d y= | f |∗ (|ζε|χRn\B(0,δ))(x). (11.14) au5

Soit r = rδ,ε =∫Rn\B(0,δ) |ζε(y)|d y, de sorte que limε→0 rδ,ε = 0, ∀δ> 0. Soit ψ=ψδ,ε = |ζε|χRn\B(0,δ),

qui vérifie ‖ψ‖L1 = r.En utilisant (

au411.13) si |x| < R+1 et (

au511.14) si |x| ≥ R+1 nous obtenons, avec N = N(R)<∞ :

‖ f ∗ζε− f ‖pLp ≤

∫B(0,R+1)

[M ξ+2C r]p dx+∫Rn\B(0,R+1)

[| f |∗ψ]p

≤ N [M ξ+2C r]p +∫Rn

[| f |∗ψ]p

≤ N [M ξ+2C r]p +‖ f ‖pLp‖ψ‖p

L1 → N Mp ξp quand ε→ 0.

(11.15)

ξ> 0 étant arbitraire, nous obtenons que f ∗ζε→ f dans Lp(Rn) quand ε→ 0.

En faisant ε→ 0 dans (au411.13) et en tenant compte du fait que ξ est arbitraire dans (

au411.13),

nous obtenons la conséquence suivante de la preuve du théorème.

av3 Corollaire 11.1. Soit (ζε)ε>0 une approximation de l’identité. Soit f ∈ Cc(Rn). Alors f ∗ζε unifor-mément dans Rn quand ε→ 0.

Ce corollaire intervient dans la preuve du résultat suivant.

av4 Théorème 11.5 (théorème d’approximation de Weierstrass). Soit K ⊂ Rn un compact. Soitf ∈ C(K ,R). Alors il existe une suite de polynômes de n variables (P j) telle que P j → f uniformé-ment sur K .De manière équivalente, P : K → R ; P fonction polynômiale est dense dans C(K ,R) muni de lanorme uniforme.

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11.3. POUR ALLER PLUS LOIN 105

Démonstration. Nous utilisons le résultat suivant de topologie (théorème de Tietze) : si B est uneboule de Rn telle que K ⊂ B, alors toute fonction f ∈ C(K ,R) admette une extension g ∈ C(Rn,R)avec g(x) = 0, ∀x ∈ Rn \ B. Ainsi, quitte à remplacer K par B et f par g, il suffit de montrer lerésultat pour la restriction à B d’une fonction f ∈ C(Rn,R) qui s’annule en dehors de B (justifier).Sans perte de généralité, nous pouvons supposer que B = B(0,R).

Soit f ∈ Cc(Rn) telle que f (x) = 0 si |x| ≥ R. Soit ρ la « gaussienne standard » dans Rn, ρ(x) =(1/πn/2) e−|x|

2, ∀x ∈Rn. Rappelons que

∫ρ = 1. La proposition

at511.4 combinée avec le corollaire

av311.1

donne f ∗ρε→ f uniformément sur Rn quand ε→ 0.

Soit δ> 0. Soit ε> 0 tel que ‖ f ∗ρε− f ‖L∞ < δ, d’où (exerciceec510.2)

| f ∗ρε(x)− f (x)| < δ, ∀x ∈Rn. (11.16) ec6

Nous allons trouver un polynôme S tel que

|(ρε−S)(z)| ≤ δ, ∀ z ∈ B(0,2R). (11.17) av6

En admettant l’existence d’un tel S, nous concluons de la façon suivante. Pour tout ϕ nous avons

f ∗ϕ(x)=∫

B(0,R)f (y)ϕ(x− y)d y. (11.18) ec3

Soit M <∞ tel que | f (x)| ≤ M, ∀x ∈Rn. Si x, y ∈ B(0,R), alors x− y ∈ B(0,2R). En combinant ce faitavec (

ec611.16)–(

ec311.18), il s’ensuit que, pour tout x ∈ B(0,R) nous avons, avec N = N(R)<∞,

| f ∗S(x)− f (x)| ≤ | f ∗ [S(x)−ρε](x)|+ |( f ∗ρε− f )(x)| <∣∣∣∣∫

B(0,R)f (y) [S−ρε](x− y)d y

∣∣∣∣+δ≤ Mδ

∫B(0,R)

d y+δ= N δ.

δ > 0 étant arbitraire nous obtenons, pour une suite (S j) convenable de polynômes, f ∗S j → funiformément sur B quand j → ∞. Pour conclure, il suffit de noter que f ∗S j est un polynôme(exercice

at2811.3 d)).

Ainsi, pour compléter la preuve il suffit de trouver S satisfaisant (av611.17). Rappelons que le dé-

veloppement en série de l’exponentielle converge vers l’exponentielle uniformément sur les com-pacts : si T > 0 et ξ> 0, alors il existe k tel que∣∣∣∣∣et −

k∑`=0

t`

`!

∣∣∣∣∣≤ ξ, ∀ t ∈ [−T,T]. (11.19) av9

Soit k tel que (av911.19) soit valide avec T = 4R2/ε2 et ξ=πn/2 εnδ. Posons

S = 1πn/2 εn

k∑`=0

(−|x− y|2/ε2)``!

. (11.20) av10

De (av911.19), (

av1011.20) et la définition de la gaussienne, nous avons (

av611.17) (vérifier !).

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Chapitre 12

Séries de Fourier

ba1

Dans ce chapitre, nous considérons des fonctions f : I → C, avec I ⊂ R intervalle. Le but estd’écrire f comme une « superposition d’ondes (co)sinusoïdales », ou encore comme la somme d’unesérie de Fourier. Le choix de I n’est pas important, les plus populaires étant I =]0,1[ et I =]0,2π[.Nous travaillerons dans I =]0,2π[ muni de la µ= (1/m(I))ν1. Ainsi, si 1≤ p <∞, alors

‖ f ‖Lp =(

1m(I)

∫I| f (x)|p dx

)1/p. (12.1) tap4

Toutes les fonctions f considérées sont supposées être Lebesgue intégrables sur I.

12.1 Un peu d’algèbre bilinéaireba2

Soit H un espace vectoriel complexe, muni d’un produit scalaire complexe < , >,† qui induit lanorme |x| =< x, x >1/2, ∀x ∈ H.

Si (e j) j∈J ⊂ H est une famille orthonormée,‡ alors pour tout x ∈ H et toute famille finie L ⊂ Jnous avons les propriétés suivantes.

|x|2 =∣∣∣∣∣∑j∈L

< x, e j > e j

∣∣∣∣∣2

+∣∣∣∣∣x− ∑

j∈L< x, e j > e j

∣∣∣∣∣2

= ∑j∈L

| < x, e j > |2 +∣∣∣∣∣x− ∑

j∈L< x, e j > e j

∣∣∣∣∣2

, (12.2) ba3

d’où en particulier∑j∈L

| < x, e j > |2 ≤ |x|2. (12.3) ba4

Si x ∈Vect e j ; j ∈ L, alors x = ∑j∈L

< x, e j > e j et |x|2 = ∑j∈L

| < x, e j > |2. (12.4) ba5

Nous allons appliquer ceci à l’espace L2 = L2(]0,2π[), muni du produit scalaire

< f , g >= 12π

∫ 2π

0f (x) g(x)dx. (12.5) ba6

ba7 Exercice 12.1. a) Montrer que (ba612.5) définit un produit scalaire sur L2.

b) Posons en(x)= eınx, n ∈Z, x ∈]0,2π[. Montrer que la famille (en) est orthonormée.

†. Nous considérons un produit scalaire linéaire dans le premier argument et antilinéaire dans le deuxième argu-ment. L’exemple typique est C2 3 (z1, z2) 7→ z1z2.

‡. Donc < e i, e j >= 0, ∀ i 6= j et < e i, e i >= 1, ∀ i.

107

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108 CHAPITRE 12. SÉRIES DE FOURIER

ba8 Définition 12.1. Si f ∈ L1 = L1(]0,2π[), le ne coefficient de Fourier de f (n ∈Z) est

cn( f )= 12π

∫ 2π

0f (x) en(x)dx. (12.6) ba9

Dans le cas particulier où f ∈ L2, cn( f )=< f , en >.

Posons, pour f ∈ L1,

Sn( f )=n∑

k=−nck( f ) ek. (12.7) bb2

Une telle somme est un polynôme trigonométrique, c’est-à-dire une somme finie de laforme

∑akeıkx.

Avec ces notations, les relations (ba312.2), (

ba512.4), respectivement (

ba412.3) avec J = Z et L = k ∈

Z ; |k| ≤ n donnent l’inégalité de Bessel

n∑k=−n

|ck( f )|2 = 12π

∫ 2π

0|Sn( f )(x)|2 dx ≤ 1

∫ 2π

0| f (x)|2 dx = ‖ f ‖2

L2 , ∀ f ∈ L2(]0,2π[) (12.8) bb1

et l’identité

‖ f ‖2L2 = ‖Sn( f )‖2

L2 +‖ f −Sn( f )‖2L2 . (12.9) ba19

12.2 Séries de Fourier dans L2

bb21

bb3 Théorème 12.1 (théorème de Fatou). Soit f ∈ L2 = L2(]0,2π[). Alors :a) Sn( f )→ f dans L2 quand n →∞.

b)∞∑

k=−∞|ck( f )|2 = 1

∫ 2π

0| f (x)|2 dx = ‖ f ‖2

L2 (identité de Parseval).

En combinant le théorèmebb312.1 et le corollaire

ao610.2, nous obtenons la conséquence suivante.

taf1 Corollaire 12.1. Soit f ∈ L2 = L2(]0,2π[). Alors il existe une sous-suite (n j) de N telle que

Sn j ( f )(x)→ f (x) quand j →∞, pour presque tout x ∈]0,2π[. (12.10) taf2

bb4 Théorème 12.2 (théorème de Riesz-Fischer). Soit (an)n∈Z une suite telle que∑∞

n=−∞ |an|2 <∞. Alors il existe une et une seule fonction f ∈ L2 = L2(]0,2π[) telle que cn( f )= an, ∀n ∈Z.

Démonstration du théorèmebb312.1. L’ingrédient fondamental dans la preuve est le résultat suivant

de densité, qui sera démontré plus tard.

bb5 Théorème 12.3. Soit g ∈ C([0,2π]) telle que g(0) = g(2π). Soit ε > 0. Alors il existe un polynômetrigonométrique P tel que |g(x)−P(x)| < ε, ∀x ∈ [0,2π].De manière équivalente, soit Cpér = g ∈ C([0,2π]) ; g(0)= g(2π), muni de la norme uniforme. Alorsles polynômes trigonométriques sont denses dans Cpér.

Démonstration du théorèmebb312.1 (en admettant le théorème

bb512.3). Soit f ∈ L2 et soit ε > 0. Soit

g ∈ C∞c (]0,2π[) telle que ‖ f − g‖L2 < ε (l’existence de g suit du théorème

as211.3). Soit P un polynôme

trigonométrique tel que |g(x)−P(x)| < ε, ∀x ∈ [0,2π]. Notons que ‖g−P‖L2 < ε, ce qui implique‖ f −P‖L2 < 2ε.

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12.2. SÉRIES DE FOURIER DANS L2 109

Soit n0 tel que P =∑|k|≤n0 akek. Alors pour n ≥ n0 nous avons Sn(P)= P (vérifier). Pour un tel

n, il s’ensuit que

‖ f −Sn( f )‖L2 ≤ ‖ f −P‖L2 +‖P −Sn( f )‖L2 = ‖ f −P‖L2 +‖Sn(P − f )‖L2

≤ ‖ f −P‖L2 +‖P − f ‖L2 < 4ε.

Au passage, nous avons utilisé l’inégalité ‖Sn(P − f )‖L2 ≤ ‖P − f ‖L2 , qui suit de (bb112.8).

ε> 0 étant arbitraire, nous concluons à Sn( f )→ f dans L2.

b) suit de (ba1912.9) et de a). En effet,

∞∑k=−∞

|ck( f )|2 = limn→∞

n∑k=−n

|ck( f )|2 = limn→∞‖Sn( f )‖2

L2 = ‖ f ‖2L2 .

Démonstration du théorèmebb412.2. Soit Pn = ∑n

k=−n akek. Alors chaque Pn est un polynôme trigo-nométrique et ck(Pn)= ak si |k| ≤ n (justifier). L’identité (

ba512.4) donne, pour 0≤ n < m :

‖Pm −Pn‖2L2 =

∑n+1≤|k|≤m

|ak|2 → 0 quand n,m →∞.

Il s’ensuit que (Pn) est une suite de Cauchy dans L2. Par complétude de L2, il existe f ∈ L2 telleque Pn → f dans L2 quand n →∞. Nous avons, pour n ≥ |k| :

|ck( f )−ak| = |ck( f )− ck(Pn)| = | < f −Pn, ek > | ≤ ‖ f −Pn‖L2 ‖en‖L2

= ‖ f −Pn‖L2 → 0 quand n →∞,

d’où ck( f )= ak pour tout k.

Pour l’unicité, notons que si ck( f ) = ck(g) pour tout k ∈ Z, avec f , g ∈ L2, alors l’identité deParseval appliquée à f − g donne f = g.

ba21 Exercice 12.2. Que donne l’identité de Parseval pour f (x)= x ?

Un autre résultat qui s’obtient en raisonnant par densité, dans l’esprit de la preuve du théo-rème

bb312.1 (voir aussi la section

at111.3) est le

be1 Lemme 12.1 (lemme de Riemann-Lebesgue). Soit f ∈ L1 = L1(]0,2π[). Alors cn( f ) → 0 quand|n|→∞.

Démonstration. Soit d’abord g ∈ C∞c (]0,2π[). Si n 6= 0, alors une intégration par parties donne

cn(g)= 12π

∫ 2π

0g(x) e−ınx dx = 1

2ıπn

∫ 2π

0g′(x) e−ınx dx,

d’où |cn(g)| ≤max |g′|/|n|→ 0 quand |n|→∞.

Soient f ∈ L1 et ε> 0. Soit g ∈ C∞c (]0,2π[) telle que ‖ f − g‖L1 < ε et soit n0 tel que |cn(g)| < ε si

|n| ≥ n0. Pour un tel n, nous avons

|cn( f )| ≤ |cn(g)|+ |cn( f − g)| ≤ |cn(g)|+‖ f − g‖L1 < 2ε,

d’où la conclusion.

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110 CHAPITRE 12. SÉRIES DE FOURIER

12.3 Comportement ponctuel des séries de Fourierbc1

Dans cette partie, il sera commode de travailler avec des fonctions définies d’abord sur [0,2π[,qui sont prolongées par 2π-périodicité à R. Par exemple, si f (x) = x, x ∈ [0,2π[, alors le prolonge-ment 2π-périodique de f est f (x)= x−2πE(x/(2π)), ∀x ∈R.†

bd1 Exercice 12.3. Soit f 2π-périodique et intégrable sur ]0,2π[. Alors :a) f est intégrable sur tout intervalle borné.b)

∫ 2π0 f (y)d y= ∫ a+2π

a f (y)d y, ∀a ∈R.

bd2 Exercice 12.4. Soit f 2π-périodique et intégrable sur ]0,2π[. Soit Dn(x)=∑nk=−n eıkx, ∀x ∈R. (Dn

est le noyau de Dirichlet).a) Montrer que

Sn f (x)= 12π

∫ 2π

0f (x− y)Dn(y)d y= 1

∫ π

−πf (x− y)Dn(y)d y, ∀x ∈R.

b) Montrer que

Dn(y)=

sin((n+1/2)y)sin(y/2)

, si y 6∈ 2πZ

2n+1, si y ∈ 2πZ=

sin(ny) cotan(y/2)+cos(ny), si y 6∈ 2πZ2n+1, si y ∈ 2πZ

.

c) Montrer que∫ π

0 Dn(y)d y= ∫ 0−πDn(y)d y=π.

bc2 Théorème 12.4 (théorème de Dirichlet). Soit f : R→ R mesurable et 2π-périodique. Si f estde classe C1 par morceaux, alors Sn( f )(x0)→ [ f (x0+)+ f (x0−)]/2 quand n →∞, ∀x0 ∈R.Plus généralement, la même conclusion est vraie au point x0 si :i) f est mesurable et bornée ;ii) f a des limites à gauche f (x0−) et à droite f (x0+) en x0 ;iii) il existe C <∞ et ε> 0 tels que | f (x0+)− f (x0 + t)| ≤ C t, | f (x0−)− f (x0 − t)| ≤ C t, ∀0< t < ε.

Démonstration. Traitons directement le cas général.‡ Posons

g(y)=

[ f (x0 − y)− f (x0−)] cos(y/2)

sin(y/2), si 0< y<π

[ f (x0 − y)− f (x0+)] cos(y/2)sin(y/2)

, si −π< y< 0

et

h(y)=

f (x0 − y)− f (x0−), si 0< y<πf (x0 − y)− f (x0+), si −π< y< 0

.

Les hypothèses i)–iii) impliquent que g et h sont mesurables et bornées. (Vérifier. L’élément cléest que g est bornée au voisinage de 0, grâce à l’hypothèse iii).) Par conséquent, si nous notonsencore g, h les prolongements 2π-périodiques de ces fonctions, alors g,h ∈ L1(]0,2π[).

†. E(x) désigne la partie entière de x.‡. Vérifier que les fonctions de classe C1 par morceaux satisfont les hypothèses i)–iii).

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12.3. COMPORTEMENT PONCTUEL DES SÉRIES DE FOURIER 111

En utilisant l’exercicebd212.4, nous obtenons

Sn f (x0)− f (x0+)+ f (x0−)2

= 12π

∫ 0

−π( f (x− y)− f (x0+))Dn(y)d y

+ 12π

∫ π

0( f (x− y)− f (x0−))Dn(y)d y

= 12π

∫ π

−πsin(ny) g(y)d y+ 1

∫ π

−πcos(ny)h(y)dy

= 14ıπ

∫ π

−πg(y) [eıny − e−ıny]d y+ 1

∫ π

−πh(y) [eıny + e−ıny]d y

= 12ı

[c−n(g)− cn(g)]+ 12

[c−n(h)+ cn(h)]→ 0 quand n →∞,

la conclusion finale étant une conséquence du lemme de Riemann-Lebesgue.

be121 Définition 12.2. Si f ∈ L1, alors Tn( f )= S0( f )+S1( f )+·· ·Sn( f )n+1

, n ∈N.‡

be2 Exercice 12.5. Soit Fn = D0 +D1 +·· ·+Dn

n+1, avec n ∈ N et D j le noyau de Dirichlet (Fn est le

noyau de Fejér). Montrer les propriétés suivantes.

a) Si f est 2π-périodique et intégrable sur ]0,2π[, alors Tn( f )(x)= 12π

∫ π

−πf (x− y)Fn(y)d y, ∀x ∈R.

b) Fn(y)=

sin2[(n+1)y/2](n+1) sin2(y/2)

, si y 6∈ 2πZ

n+1, si y ∈ 2πZ.

En particulier, Fn(y)≥ 0, ∀ y, ∀n.c)

∫ π−πFn(y)d y= 2π.

d) Pour tout 0< δ<π, Fn → 0 uniformément sur [−π,−δ]∪ [δ,π] quand n →∞.En particulier, pour tout 0< δ<π,

∫[−π,−δ]∪[δ,π]

Fn(y)d y→ 0 quand n →∞. (12.11) be3

Théorème 12.5 (théorème de Fejér). Soit f :R→C continue et 2π-périodique. Alors Tn( f )→ funiformément quand n →∞.De manière équivalente, soit f ∈ C([0,2π]) telle que f (0) = f (2π). Alors Tn( f ) → f uniformémentsur [0,2π] quand n →∞.

Démonstration. Nous travaillons sur R. Rappelons qu’une fonction continue et périodique sur Rest bornée et uniformément continue.

Soit M <∞ tel que | f (x)| ≤ M, ∀x ∈R. Soit ε> 0 et soit 0< δ<π tel que

∀x, x′ ∈R, |x− x′| < δ =⇒ | f (x)− f (x′)| < ε.

‡. Tn( f ) est la moyenne de Cesàro de S0( f ), . . . ,Sn( f ).

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112 CHAPITRE 12. SÉRIES DE FOURIER

En utilisant l’exercicebe212.5 nous obtenons, pour tout x ∈R :

|Tn f (x)− f (x)| = 12π

∣∣∣∣∫ π

−πf (x− y)Fn(y)d y−2π f (x)

∣∣∣∣= 12π

∣∣∣∣∫ π

−π[ f (x− y)− f (x)]Fn(y)d y

∣∣∣∣≤ 1

∫ π

−π| f (x− y)− f (x)|Fn(y)d y

= 12π

∫ δ

−δ| f (x− y)− f (x)|Fn(y)d y+ 1

∫[−π,−δ]∪[δ,π]

| f (x− y)− f (x)|Fn(y)d y

≤ ε

∫ δ

−δFn(y)d y+ 2M

∫[−π,−δ]∪[δ,π]

Fn(y)d y

≤ ε

∫ π

−πFn(y)d y+ M

π

∫[−π,−δ]∪[δ,π]

Fn(y)d y

= ε+ Mπ

∫[−π,−δ]∪[δ,π]

Fn(y)d y→ ε quand n →∞.

Notons que la majoration finale dans la formule ci-dessus est indépendante de x, ce qui entraîne

limsupn→∞

supx∈R

|Tn f (x)− f (x)| ≤ ε, ∀ε> 0.

ε étant arbitraire, nous obtenons la convergence uniforme de Tn( f ) vers f quand n →∞.

Démonstration du théorèmebb512.3. Au vu du théorème de Fejér, il suffit de prendre P = Tn(g) avec

n suffisamment grand.

12.4 Pour aller plus loinbf2

L’étude du comportement de la suite (Sn( f )) a été l’un des moteurs importants du dévelop-pement de l’analyse entre 1850 et 1970. Nous mentionnons ici sans preuve quelques résultatsmarquants.

bf3 Théorème 12.6 (critère de Jordan). Si f : [0,2π[→R est monotone (étendue par 2π-périodicitéà R), alors Sn( f )(x0)→ [ f (x0+)+ f (x0−)]/2 quand n →∞, ∀x0 ∈R.

Théorème 12.7 (théorème de du Bois-Reymond). Il existe une fonction continue et 2π-pério-dique f telle que Sn( f )(0) 6→ f (0) quand n →∞.†bf5

Théorème 12.8 (théorème de Riesz). Soient 1 < p <∞ et f ∈ Lp = Lp(]0,2π[). Alors Sn( f ) → fdans Lp quand n →∞.

bf4 Théorème 12.9 (théorème de Kolmogorov). Il existe une fonction f ∈ L1 = L1(]0,2π[) telle quela suite (Sn( f )(x0)) diverge, ∀x0 ∈ [0,2π].

Enfin, une amélioration remarquable du corollairetaf112.1.

bf7 Théorème 12.10 (théorème de Carleson-Hunt). Soient 1< p <∞ et f ∈ Lp = Lp(]0,2π[). AlorsSn( f )→ f p. p. sur [0,2π] quand n →∞.‡

Pour une description historique de ces problèmes, une bonne référence est Edwardsedwards[6, Cha-

pitre 10], qui contient aussi des (ébauches de) démonstrations de ces résultats, sauf du dernier.La preuve du dernier théorème est longue et difficile, même si elle a été beaucoup simplifiée entre1973 et 2000 ; voir Grafakos

grafakos[9, Chapitre 11].

†. Cette propriété négative est vraie pour « la plupart » des fonctions continues, mais donner un sens précis à « laplupart » nécessite un formalisme qui ne sera pas développé ici.

‡. Le cas p = 2 est dû à Carleson, qui conjectura que le cas général 1< p <∞ devait se faire de manière analogue.Une preuve pour 1< p <∞ fut trouvée ultérieurement par Hunt.

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Chapitre 13

Transformée de Fourier

ca1

Dans ce chapitre, les fonctions considérées sont définies sur Rn et à valeurs complexes ; ellessont supposées Lebesgue mesurables et/ou intégrables (par rapport à la tribu et à la mesurede Lebesgue). Nous étudierons les propriétés basiques de la transformée de Fourier. Rappelons sadéfinition : si f ∈L 1 =L 1(R)=L 1(R,C) et ξ ∈R, alors

f (ξ)=F ( f )(ξ)=∫R

e−ıxξ f (x)dx. (13.1) ca2

Notons que si f = g p. p., alors f = g en tout point. Nous pouvons donc définir f pour une classef ∈ L1(R), le résultat étant une fonction définie de manière unique en tout point de R. Pour cettemême raison, nous allons faire les calculs de transformée de Fourier sur des fonctions et non passur des classes.

La définition et les remarques précédentes s’étendent aux fonctions définies sur Rn. Si f ∈L1(Rn) et ξ ∈Rn, alors

f (ξ)=F ( f )(ξ)=∫Rn

e−ıx·ξ f (x)dx. (13.2) ca3

Ici, · désigne le produit scalaire standard dans Rn : x ·ξ=∑nj=1 x j ξ j.

Certaines propriétés de la transformée de Fourier s’obtiennent par des intégrations par partieset/ou par « récurrence » sur les dérivées partielles. Les deux deviennent plus compliquée dans Rn

avec n ≥ 2 ; c’est pourquoi parfois les arguments sont détaillés uniquement en dimension un. Ilest instructif d’essayer d’adapter ces arguments aux dimensions supérieures.

Notations. a) α désigne un multi-indice α= (α1, . . . ,αn) ∈Nn.b) La longueur de α est |α| =∑n

j=1 |α j|.c) Si x ∈Cn et α ∈Nn, xα = (x1)α1 · · · (xn)αn .d) Si f est de classe C|α|, alors ∂α f = (∂1)α1 · · · (∂n)αn f .

cf1 Exercice 13.1. Montrer que

|xα| ≤ |x||α|, ∀x ∈Rn, ∀α ∈Nn. (13.3) cf2

13.1 Transformée de Fourier dans L1

ca4

Nous travaillons dans L1 = L1(Rn).

113

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114 CHAPITRE 13. TRANSFORMÉE DE FOURIER

ca7 Proposition 13.1. Soit f ∈ L1.a) f est continue et

| f (ξ)| ≤ ‖ f ‖L1 , ∀ξ ∈Rn. (13.4) ca21

b) (lemme de Riemann-Lebesgue)

lim|ξ|→∞

f (ξ)= 0. (13.5) ca9

c) Si, de plus, g ∈ L1, alors

f ∗ g = f g (13.6) cb1

et ∫Rn

f (ξ) g(ξ)dξ=∫

Rnf (x) g(x)dx. (13.7) cb2

Démonstration. a) Pour la première partie, nous appliquons le théorèmedepen7.7 à la fonction (x,ξ) 7→

e−ıxξ f (x), en utilisant la majoration |e−ıxξ f (x)| ≤ | f (x)| (vérifier).

Pour la deuxième partie, notons que

| f (ξ)| ≤∫

Rn|e−ıxξ f (x)|dx = ‖ f ‖L1 .

b) Le raisonnement se fait par densité, en partant de g ∈ C∞c (Rn) et en utilisant (

ca2113.4) (justifier

cette démarche, en adaptant la fin de la preuve du lemmebe112.1).

Soit g ∈ C∞c (Rn). Nous prenons sur Rn la norme ‖ ‖∞. Soit R <∞ tel que g(x)= 0 si ‖x‖∞ ≥ R.

Soit ξ ∈Rn \0. Soit j = j(ξ) tel que ‖ξ‖∞ = |ξ j| > 0. Sans perte de généralité, nous supposons j = 1.

Nous écrivons un point de Rn sous la forme x = (x1, x′), avec x′ ∈ Rn−1. Le théorème de Fubinidonne (justifier)

g(ξ)=∫

[−R,R]n−1

(∫ R

−Re−ıx1ξ1 g(x1, x′)dx1

)e−ıx′·ξ′ dx′

= 1ıξ1

∫[−R,R]n−1

(∫ R

−Re−ıx1ξ1∂1 g(x1, x′)dx1

)e−ıx′·ξ′ dx′ = 1

ıξ1∂1 g(ξ),

d’où | g(ξ)| ≤ (1/‖ξ‖∞)‖|∇g|‖L1 → 0 quand |ξ|→∞.

c) L’inégalité de Young donne f ∗ g ∈ L1. En utilisant le fait que∫Rn×Rn | f (x− y)| |g(y)|dxdy<∞

(vérifier), le théorème de Fubini permet de justifier le calcul suivant

f ∗ g(ξ)=∫Rn

e−ıx·ξ f ∗ g(x)dx

=∫Rn

e−ıx·ξ(∫Rn

f (x− y) g(y)d y)

dx

=∫Rn

(∫Rn

e−ıx·ξ f (x− y)dx)

g(y)dy

=∫Rn

(∫Rn

e−ı(x−y)·ξ f (x− y)dx)

e−ıy·ξ g(y)d y

=∫Rn

(∫Rn

e−ız·ξ f (z)dz)

e−ıy·ξ g(y)d y= f (ξ) g(ξ).

L’identité (cb213.7) est une application directe du théorème de Fubini, dont l’application est jus-

tifiée par le fait que∫Rn×Rn | f (x)| |g(ξ)|dxdξ<∞ (vérifier).

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13.1. TRANSFORMÉE DE FOURIER DANS L1 115

L’exercice suivant liste quelques calculs de routine qui nous seront utiles plus tard.

ci2 Exercice 13.2. a) Soient f ∈ L1(Rn) et ε> 0. Rappelons que fε(x)= ε−n f (x/ε), ∀x ∈Rn.(i) Montrer que fε ∈ L1.(ii) Montrer que fε

∧(ξ)= f (εξ).

(iii) Montrer que | fε∧

(ξ)| ≤ ‖ f ‖L1 , ∀ε> 0, ∀ξ ∈Rn.b) Soient f ∈ L1(Rn) et h ∈Rn. Rappelons que τh f (x)= f (x−h), ∀x ∈Rn.(i) Montrer que τh f ∈ L1.(ii) Montrer que τh f

∧(ξ)= e−ıh·ξ f (ξ), ∀ξ ∈Rn.

c) Soit f ∈ L1(Rn).(i) Montrer que f ∈ L1.

(ii) Montrer que f∧

(ξ)= f (−ξ), ∀ξ ∈Rn.d) Soit f ∈ L1(Rn). Soit f (x)= f (−x), ∀x ∈Rn.(i) Montrer que f ∈ L1.(ii) Montrer que f

(ξ)= f (−ξ)= ˇf (ξ), ∀ξ ∈Rn.

Si f est « mieux que L1 », alors la transformée de Fourier a quelques propriétés supplémen-taires.

cb3 Proposition 13.2. Soient f ∈ L1(R) et k ∈ N∗. Si∫R |x|k | f (x)|dx < ∞, alors f

∧∈ Ck et f (`)(ξ) =

(−ıx)` f∧

(ξ), ∀0≤ `≤ j, ∀ξ.Plus généralement, soient f ∈ L1(Rn) et k ∈ N∗. Si

∫Rn |x|k | f (x)|dx <∞, alors f ∈ Ck et ∂α f

∧(ξ) =

(−ıx)α f∧

(ξ), ∀α tel que |α| ≤ k.

Démonstration. Notons que pour 1 ≤ ` ≤ k nous avons t` ≤ 1+ tk, ∀ t ≥ 0.† En combinant cetteinégalité avec l’inégalité (

cf213.3), nous obtenons que la fonction x 7→ xα f (x) est intégrable si |α| ≤ k.

Ceci permet d’appliquer le corollairec7.17.1 et d’obtenir les formules de l’énoncé.

cf4 Exercice 13.3. a) Soit g :R→R continue et intégrable. Alors il existe une suite R j →∞ telle que|g(R j)|+ |g(−R j)|→ 0 quand n →∞.De manière équivalente, lim

R→∞inf|x|≥R

(|g(x)|+ |g(−x)|)= 0.

b) Soit g : Rn → R continue et intégrable, avec n ≥ 2. Donner un analogue de a) faisant intervenirdes intégrales sur les sphères x ∈Rn ; ‖x‖∞ = R j.

cf3 Proposition 13.3. Si f ∈ Ck(Rn) et si ∂α f ∈ L1, ∀α tel que |α| ≤ k, alors ∂α f (ξ)= (ıξ)α f (ξ), ∀α telque |α| ≤ k.

Démonstration. Nous considérons uniquement le cas n = 1, qui repose sur l’exercicecf413.3 a). La

preuve pour n ≥ 2 est similaire et est basée sur la partie b) de l’exercice.

La preuve se fait par récurrence sur k ; le point essentiel est le passage de k = 0 à k = 1. Soit(R j) comme dans l’exercice

cf413.3 a) avec g = f . Nous avons (justifier)

f ′∧

(ξ)=∫R

e−ıxξ f ′(x)dx = limj→∞

∫ R j

−R j

e−ıxξ f ′(x)dx

= limj→∞

([e−ıxξ f (x)

]R j

−R j+ ıξ

∫ R j

−R j

e−ıxξ f (x)dx)= ıξ

∫R

e−ıxξ f (x)dx,

qui est l’égalité désirée.

cg1 Corollaire 13.1. Soit f ∈ Cn+1c (Rn). Alors f ∈ C∞(Rn) et f est intégrable.

†. Montrer cette inégalité en examinant les cas 0≤ t ≤ 1 et t > 1.

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116 CHAPITRE 13. TRANSFORMÉE DE FOURIER

Démonstration. Sous l’hypothèse plus faible f ∈ Cc(Rn), nous avons∫Rn |x|k | f (x)|dx <∞, ∀k ∈N

(vérifier), d’où f ∈ C∞ (propositioncb313.2).

Si |α| ≤ n + 1, alors ∂α f ∈ L1 (vérifier). La propositioncf313.3 et l’inégalité (

ca2113.4) impliquent

|ξα| | f (ξ)| ≤ Cα. En prenant α= (0,0, . . . ,0), α= (n+1,0, . . . ,0), α= (0,n+1,0, . . . ,0), . . . ,α= (0,0, . . . ,n+1) et en sommant les inégalités obtenues, nous obtenons

(1+‖ξ‖n+1∞ ) | f (ξ)| ≤

(1+∑

j|ξ j|n+1

)| f (ξ)| ≤ C <∞,

d’où, pour C′ <∞ convenable,

| f (ξ)| ≤ C1+‖ξ‖n+1∞

≤ C′

1+|ξ|n+1 , ∀ξ

(justifier).

Par comparaison avec les intégrales de référence, f ∈ L1.

cf6 Exercice 13.4. Nous nous proposons ici de montrer (pour simplifier, uniquement pour n = 1) que,pour k ≥ 2, il y a trop d’hypothèses dans la proposition

cf313.3.

a) Prenons d’abord k = 2. Soit f ∈ C2(R).(i) Exprimer f (x+1) en fonction de f (x), f ′(x) et f ′′ en utilisant la formule de Taylor à l’ordre deuxsous forme intégrale au point x. En déduire une formule pour f ′(x).(ii) Montrer qu’il existe une constante C <∞ telle que ‖ f ′‖L1 ≤ C(‖ f ‖L1 +‖ f ′′‖L1).(iii) En déduire que, pour n = 1 et k = 2, la conclusion de la proposition peut s’obtenir sous leshypothèses plus faibles f ∈ C2, f , f ′′ ∈ L1.b) Soit maintenant k ≥ 3. Soit f ∈ Ck(R).(i) Exprimer f (x+1), f (x+2), . . . , f (x+k−1) en fonction de f (x), f ′(x), . . . , f (k−1)(x) et f (k) en utilisantla formule de Taylor à l’ordre k sous forme intégrale au point x. En déduire des formules pourf ′(x), . . . , f (k−1)(x).(ii) Montrer qu’il existe une constante C <∞ telle que ‖ f ′‖L1+·· ·+‖ f (k−1)‖L1 ≤ C(‖ f ‖L1+‖ f (k)‖L1).(iii) En déduire que, pour n = 1 et k ≥ 2, la conclusion de la proposition peut s’obtenir sous leshypothèses plus faibles f ∈ Ck, f , f (k) ∈ L1.

Nous présentons maintenant un calcul fondamental : la transformée de Fourier des « gaus-siennes » (centrées).

cg2 Exercice 13.5. a) Soit a > 0. Soit ga :R→R, ga(x)= e−a x2, x ∈R. Nous nous proposons de calculer

ha = ga∧

.

Rappelons que∫R

e−x2dx =π1/2.

(i) Montrer que ga ∈ L1 et calculer ha(0).(ii) Montrer que ha ∈ C1 et donner la formule de (ha)′.

(iii) En utilisant une intégration par parties, montrer que (ha)′(ξ)=−ξha(ξ)2a

. Indication : x e−x2/a =−1/(2a)

(e−a x2

)′.

(iv) Obtenir la formule e−a x2∧

(ξ)= (π/a)1/2 e−ξ2/(4a).

Sous une forme plus compacte, nous avons ga(ξ)= (π/a)1/2 g1/(4a)(ξ).b) Plus généralement, soit ga(x) = e−a |x|2 , x ∈ Rn. Montrer que ga(ξ) = (π/a)n/2 g1/(4a)(ξ), ∀a > 0,∀ξ ∈Rn.

cg3 Théorème 13.1 (formule d’inversion de la transformée de Fourier). a) Soit f :Rn →C conti-nue et intégrable. Supposons f intégrable. Alors

f (x)= (2π)−n∫Rn

eıx·ξ f (ξ)dξ= (2π)−n f (−x)= (2π)−n ˇf (x), ∀x ∈Rn. (13.8) cg4

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13.1. TRANSFORMÉE DE FOURIER DANS L1 117

b) Soit f ∈L 1(Rn). Supposons f intégrable. Alors

f (x)= (2π)−n∫Rn

eıx·ξ f (ξ)dξ= (2π)−n f (−x)= (2π)−n ˇf (x) p. p. dans Rn. (13.9) cg5

Démonstration. Étape 1. Preuve de (cg413.8) pour x = 0 si, de plus, f est bornée

L’identité (cb213.7) avec g = (2π)−n ga, ga étant comme dans l’exercice précédent, donne

(2π)−n∫Rn

f (ξ) e−a |ξ|2 dξ︸ ︷︷ ︸Ia

= (1/(4πa))n/2∫Rn

f (x) e−|x|2/(4a) dx︸ ︷︷ ︸

Ja

. (13.10) cg6

La domination | f (ξ) e−a |ξ|2 | ≤ | f (ξ)|, l’hypothèse f ∈ L1 et le théorèmedepen7.7 donnent (justifier)

lima0

Ia = (2π)−n∫Rn

f (ξ)dξ. (13.11) chi2

Pour étudier Ja, posons ψ(x)= (1/(4π))n/2e−|x|2/4, de sorte que ψ ∈ L1 et

∫Rn ψ= 1 (vérifier). Nous

avons Ja =∫Rn f (x)ψa1/2(x)dx. Le changement de variables x = a1/2 y donne (vérifier)

Ja =∫Rn

f (a1/2 y)ψ(y)d y→∫Rn

f (0)ψ(y)d y= f (0) quand a 0. (13.12) chi4

Le passage à la limite dans (chi413.12) se fait en utilisant le théorème

depen7.7 et repose sur la continuité

de f et sur la domination | f (a1/2 y)ψ(y)| ≤ (sup | f |) |ψ(y)|, ∀a > 0, ∀ y ∈Rn (vérifier).

Nous concluons la première étape grâce à (cg613.10)–(

chi413.12).

Étape 2. Preuve de (cg413.8) si, de plus, f est bornée

Soit k = τ−x f , dont la transformée de Fourier est ξ 7→ eıx·ξ f (ξ) (exerciceci213.2 b)). La fonction k

vérifie les hypothèses assumées à l’étape 1 (vérifier), d’où

(2π)−n∫Rn

eıx·ξ f (ξ)dξ= (2π)−n∫Rn

k(ξ)dξ= k(0)= f (x),

ce qui équivaut à (cg413.8) pour un x quelconque.

Étape 3. Preuve de (cg513.9)

Soit ρ un noyau régularisant. Soit f ε = f ∗ρε. Alors f ε ∈ C∞ (propositionaq711.1), f ε est intégrable

(ceci suit de l’inégalité de Young avec p = 1 et q = 1) et bornée (conséquence de l’inégalité de Youngavec p = 1 et q =∞, en utilisant le fait que ρε ∈ L∞). Par ailleurs, nous avons f ε

∧= f ρε

∧(proposition

ca713.1). Comme |ρε

∧(ξ)| ≤ 1 (exercice

ci213.2), nous obtenons que f ε

∧∈ L1. Grâce à la deuxième étape, il

s’ensuit que

f ∗ρε(x)︸ ︷︷ ︸f ε(x)

= (2π)−n∫Rn

eıx·ξ f ∗ρε∧

(ξ)dξ= (2π)−n∫Rn

eıx·ξ f (ξ) ρε∧

(ξ)dξ︸ ︷︷ ︸Lε(x)

,∀ε> 0, ∀x ∈Rn. (13.13) ci1

Nous allons maintenant faire ε→ 0 dans (ci113.13). Grâce à l’exercice

ci213.2 a) (appliqué à ρ), au fait

que ρ(0)= ∫ρ = 1 et à l’hypothèse f ∈ L1, nous obtenons

limε→0

Lε(x)= (2π)−n∫Rn

eıx·ξ f (ξ)dξ, ∀x ∈Rn. (13.14) ci5

Par ailleurs, nous avons f ε → f dans L1 quand ε→ 0 (théorèmeaq811.2). Il s’ensuit qu’il existe une

suite ε j → 0 et un ensemble négligeable A ⊂ Rn avec f ε j (x) → f (x) quand j → ∞, ∀x ∈ Rn \ A(corollaire

ao610.2). En combinant ce fait avec (

ci113.13) et (

ci513.14), nous obtenons (

cg513.9).

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118 CHAPITRE 13. TRANSFORMÉE DE FOURIER

Étape 4. Preuve de (cg413.8)

De (cg513.9), l’égalité (

cg413.8) est vraie p. p. Le membre de droite de (

cg413.8) est continu (car la trans-

formée de Fourier de f l’est, grâce à la propositionca713.1). Nous avons donc l’égalité p. p. de deux

fonctions continues sur Rn, ce qui revient à une égalité partout (exerciceef14.13 b)) et implique

(cg413.8).

cq1 Corollaire 13.2. La transformée de Fourier F : L1 → L∞ est injective.

Démonstration. Si f ∈L 1(Rn) et f = 0, alors f = 0 νn-p. p. (théorèmecg313.1 b)) et donc la classe de

f est nulle.

En combinant le théorèmecg313.1 et le corollaire

cg113.1, nous obtenons le résultat suivant.

cl2 Corollaire 13.3. Soit f ∈ Cn+1c (Rn). Alors

f (x)= (2π)−n∫Rn

eıx·ξ f (ξ)dξ, ∀x ∈Rn. (13.15) cl3

chi1 Exercice 13.6. Dans R, soit f = χ[0,1]. Montrer que f ∈ L 1 mais que f 6∈ L 1. En déduire que laformule d’inversion (

cg513.9) ne s’applique pas à toutes les fonctions de L 1.

cl1 Exercice 13.7. a) Soit f :R→R, f (x)= e−|x|, ∀x ∈R. Calculer f .

b) Soit g :R→R, g(x)= 11+ x2 , ∀x ∈R. Calculer g.

cp1 Exercice 13.8. Soit λ> 0. Soit

f (x)=∫ ∞

0e−λ t (4π t)−n/2 e−|x|

2/(4t) dt, ∀x ∈Rn.

a) Montrer que f ∈ L1(Rn).b) Calculer f .

13.2 Transformée de Fourier dans L2

ca5

cl4 Proposition 13.4. Soient f ∈ L1(Rn) et g ∈ Cn+1c (Rn). Alors∫

Rnf (ξ) g(ξ)dξ= (2π)n

∫Rn

f (x) g(x)dx. (13.16) cl5

Démonstration. Notons que f , g ∈ L1 et f , g ∈ L∞ (justifier). Grâce à l’inégalité de Hölder, nousobtenons f g, f g ∈ L1. Il s’ensuit que les deux membres de (

cl513.16) sont donnés par des intégrales

convergentes.

En utilisant la formule (cg413.8) et le corollaire

cl213.3, nous obtenons (justifier l’utilisation du

théorème de Fubini)

(2π)n∫Rn

f (x) g(x)dx =∫Rn

f (x)(∫Rn

eıx·ξ g(ξ)dξ)

dx =∫Rn

f (x)(∫Rn

e−ıx·ξ g(ξ)dξ)

dx

=∫Rn

(∫Rn

e−ıx·ξ f (x)dx)

g(ξ)dξ=∫Rn

f (ξ) g(ξ)dξ,

d’où la conclusion.

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13.2. TRANSFORMÉE DE FOURIER DANS L2 119

cm1 Théorème 13.2 (théorème de Plancherel). a) Soit f ∈ L1 ∩L2 = L1(Rn)∩L2(Rn). Alors f ∈ L2

et ‖ f ‖L2 = (2π)n/2 ‖ f ‖L2 .b) L’application L1 ∩L2 3 f 7→ f ∈ L2 admet une et une seule extension continue de L2 vers L2.Par abus de notation, cette extension est encore notée F , et nous posons f =F ( f ), ∀ f ∈ L2.c) F : L2 → L2 a les propriétés suivantes :

(i)∫Rn

f (ξ) g(ξ)dξ= (2π)n∫Rn

f (x) g(x)dx, ∀ f , g ∈ L2 ;

(ii) ‖ f ‖L2 = (2π)n/2 ‖ f ‖L2 , ∀ f ∈ L2 ;(iii) F , F−1 sont linéaires, continus et bijectifs ;

(iv) f = (2π)−n ˇf , ∀ f ∈ L2.

Démonstration. a) La formule (cl513.16) s’applique en particulier si f ∈ Cn+1

c = Cn+1c (Rn). En prenant

g = f , nous obtenons

‖ f ‖L2 = (2π)n/2 ‖ f ‖L2 , ∀ f ∈ Cn+1c . (13.17) cn2

Soit f ∈ L1∩L2. Alors il existe une suite (g j)⊂ C∞c (Rn) telle que g j → f dans L1 et dans L2 quand

j →∞ (exercicecn111.4). Nous avons

‖ g j − gk‖L2 = (2π)n/2 ‖g j − gk‖L2 → 0 quand j,k →∞,

ce qui montre que la suite(g j

)est de Cauchy dans L2. Nous obtenons l’existence d’une fonction

h ∈ L2 telle que g j → h dans L2 (théorèmeao210.3). Quitte à passer à une sous-suite, nous pouvons

aussi supposer que g j → h p. p. (corollaireao610.2).

D’autre part, nous avons g j → f dans L1, ce qui entraîne g j → f uniformément (inégalité (ca213.1)).

La limite p. p. d’une suite étant unique p. p. (justifier), nous en déduisons que f = h p. p., d’où enparticulier f ∈ L2 et g j → f dans L2.En appliquant (

cn213.17) à g j et en passant à la limite sur j, nous obtenons la validité de (

cn213.17)

pour tout f ∈ L1 ∩L2 (vérifier).

b) Rappelons le résultat suivant de topologie. Soient X ,Y des espaces de Banach, et Z un sous-espace vectoriel de X . Soit T : Z →Y une application linéaire et continue. Si Z est dense dans X ,alors T admet une et une seule extension continue T : X →Y . De plus, T est linéaire.Appliquons ceci avec X = Y = L2, Z = L1 ∩L2 et T = F . Z contient C∞

c , donc Z est dense dans X(justifier). D’après le point a), T est continu, de norme (2π)n/2. La conclusion de b) suit de ce quiprécède.

c) (i) L’égalité est vraie si f , g ∈ C∞c (proposition

cl413.4). Soient f , g ∈ L2 et des suites ( f j), (g j) ⊂

C∞c telles que f j → f et g j → g dans L2 quand j →∞. Nous avons∫

Rnf j(ξ) g j(ξ)dξ= (2π)n

∫Rn

f j(x) g j(x)dx, ∀ j. (13.18) cn3

Si <, > est le produit scalaire complexe dans L2, alors (cn313.18) équivaut à

< f j, g j >= (2π)n < f j, g j >, ∀ j. (13.19) cn4

Pour obtenir c) (i), nous passons à la limite j →∞ dans (cn413.19). Nous avons par exemple∣∣< f j, g j >−< f , g >∣∣≤ ∣∣< f j, g j − g >∣∣+ ∣∣∣< f j − f , g >∣∣∣

≤ ∥∥ f j∥∥

L2

∥∥ g j − g∥∥

L2 +∥∥∥f j − f

∥∥∥L2

‖ g‖L2

= (2π)n [∥∥ f j∥∥

L2

∥∥g j − g∥∥

L2 +∥∥ f j − f

∥∥L2 ‖g‖L2

]→ 0 quand j →∞.

Le passage à la limite dans le membre de droite de (cn413.19) se justifie de manière similaire. Nous

obtenons la validité de (i) pour tout f , g ∈ L2.

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120 CHAPITRE 13. TRANSFORMÉE DE FOURIER

c) (ii) Il suffit de prendre g = f dans (i).

c) (iii) Montrons d’abord que l’image de F est fermée dans L2.† En effet, soit (h j)⊂F (L2) unesuite qui converge vers un h ∈ L2. Soit f j ∈ L2 tel que f j = h j. De (ii), nous avons

‖ f j − fk‖L2 = (2π)−n/2 ‖h j −hk‖L2 → 0 quand j,k →∞.

Nous obtenons que ( f j) est une suite de Cauchy dans L2 et donc il existe f ∈ L2 tel que f j → fdans L2 quand j →∞ (théorème

ao210.3). Il s’ensuit que h j → f dans L2 quand j →∞ (justifier), d’où

f = h et donc h ∈F (L2).Par ailleurs, l’image de F contient C∞

c . En effet, si g ∈ C∞c , alors nous avons d’une part (justifier)

g = ˇg =F ((2π)−n F ( g)).

D’autre part, nous avons F g ∈ L1 ∩L∞ ; ceci suit de la propositionca713.1 a) et du corollaire

cg113.1.

Il s’ensuit que F g ∈ L2 (utiliser l’exerciceam2010.11). Donc, comme affirmé, nous avons g ∈ F (L2),

∀ g ∈ C∞c .

De ce qui précède, F (L2) est fermé dans L2 et contient C∞c , qui est dense dans L2 (théorème

as211.3).

Il s’ensuit que F (L2)= L2, d’où F est surjectif.La formule c) (ii) montre que F est injectif. Donc F est bijectif.F étant bijectif, la formule c) (ii) donne ‖F−1( f )‖L2 = (2π)−n/2 ‖ f ‖L2 (vérifier). En particulier, F−1

est continu.

c) (iv) se démontre de la manière suivante. La formule est vraie si f ∈ C∞c . De ce qui précède,

chacun des membres de l’égalité est continu pour la topologie de L2. Par densité de C∞c dans L2,

la formule reste vraie pour tout f ∈ L2 (justifier).

co1 Remarque 13.1. a) Le théorème précédent permet de définir « de manière naturelle » f pourf ∈ L2. Si f ∈ L2, nous n’avons pas nécessairement f ∈ L1.‡ Si f ∈ L2 \ L1, la formule f (ξ) =∫Rn

e−ıx·ξ f (x)dx n’a pas de sens et ne définit pas f .

La définition de f se fait de la manière suivante. Nous prenons une suite ( f j) telle que f j ∈ L1∩L2

et f j → f dans L2 quand j →∞. Alors la suite(f j

)converge dans L2. Si g est sa limite, alors g ne

dépend pas du choix de la suite, et par définition nous avons f = g.b) Le long d’une sous-suite

(f jk

), nous avons f jk

∧→ g p. p., et donc f (ξ)= limk→∞ f jk

∧(ξ) p. p.

c) Considérons le choix particulier f j = f χB(0, j), j ∈N∗. Alors f j ∈ L1 ∩L2 et f j → f dans L2 quandj →∞ (vérifier). Il s’ensuit que, pour tout f ∈ L2, il existe une suite d’entiers jk →∞ (en principedépendante de f ) telle que

f (ξ)= limk→∞

∫B(0, jk)

e−ıx·ξ f (x)dx, pour presque tout ξ ∈Rn.

co2 Exercice 13.9. Calculer les transformées de Fourier des fonctions suivantes.a) f :R→R, f (x)= (sgn x) e−|x|, ∀x ∈R.

b) g :R→C, g(x)= 1x+ ı

, ∀x ∈R.

†. Nous donnons une preuve directe de ce fait, mais nous aurions pu invoquer le résultat plus général suivant. SoitT : X →Y linéaire et continu, avec X , Y espaces de Banach. S’il existe une constante C > 0 telle que ‖Tx‖Y ≥ C‖x‖X ,∀x ∈ X , alors l’image de T est fermée. Dans notre cas, X = Y = L2, T = F , et nous avons ‖F ( f )‖L2 = (2π)n/2 ‖ f ‖L2 ,∀ f ∈ L2.

‡. Prendre par exemple n = 1 et f (x)= 1/(1+|x|), ∀x ∈R.

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13.3. POUR ALLER PLUS LOIN 121

13.3 Pour aller plus loinca6

La transformée de Fourier a d’innombrables applications, par exemple en théorie du signal,traitement des images et équations aux dérivées partielles. Pour expliquer le rôle joué par latransformée de Fourier dans l’étude des équations au dérivées partielles, partons d’un calcul for-mel.

Nous cherchons à résoudre une équation aux dérivées partielles dans l’espace entier, parexemple

u−∆u = f dans Rn, (13.20) cp122

où ∆ est le laplacien, ∆u = (∂1)2u + (∂2)2u + ·· · + (∂n)2u. Si nous avons le droit de prendre latransformée de Fourier dans (

cp12213.20) et si la proposition

cf313.3 s’applique, alors (

cp12213.20) devient

(1+|ξ|2) u(ξ)= f (ξ),∀ξ ∈Rn, (13.21) cp2

ce qui donne

u(ξ)= 11+|ξ|2 f (ξ),∀ξ ∈Rn. (13.22) cp3

Admettons qu’il existe une fonction K telle que

K(ξ)= 11+|ξ|2 , ∀ξ ∈Rn.† (13.23) cp4

Alors (cp213.21) et (

cp313.22) donnent

u(ξ)= K(ξ) f (ξ),∀ξ ∈Rn. (13.24) cp5

En comparant (cp213.21) à (

cb213.7) et en supposant que l’on puisse identifier une fonction à partir

de sa transformée de Fourier,‡ nous obtenons, du moins formellement, l’égalité

u = K ∗ f . (13.25) cp6

Nous voyons sur cet exemple le besoin de pouvoir définir la transformée de Fourier directeou inverse dans un cadre le plus large possible qui préserve les propriétés de la transforméede Fourier obtenues dans la section

ca413.1. Le cadre naturel pour de tels résultats est celui des

distributions tempérées introduites par Schwartz. Pour une introduction rapide et efficace àcette théorie et à quelques applications aux équations aux dérivées partielles, voir par exempleHörmander

hormander[13, Chapitre VII].

†. K existe bien ! Utiliser l’exercicecp113.8 pour le montrer.

‡. Ceci est le cas si le corollairecq113.2 ou le théorème de Plancherel s’appliquent.

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Propriétés des ensembles

Les objets qui apparaissent dans les exercices suivants sont :a) A,B, ... sont des parties d’un ensemble X .b) I est un ensemble d’indices.c) f : X →Y .

Exercice 10.1. a) Si (An)n∈N est une suite croissante, alors ∪n≥0An =∪n≥n0 An, ∀n0 ∈N.b) Si (An)n∈N est une suite décroissante, alors ∩n≥0An =∩n≥n0 An, ∀n0 ∈N.

Exercice 10.2. a) A∩ (∪i∈IBi)=∪i∈I(A∩Bi).b) A∪ (∩i∈IBi)=∩i∈I(A∪Bi) .c) (∪i∈I A i)c =∩i∈I Ac

i .d) (∩i∈I A i)c =∪i∈I Ac

i .e) A \ (∪i∈IBi)=∩i∈I(A \ Bi).f) (∪i∈I A i)\ B =∪i∈I(A i \ B).g) A \ (∩i∈IBi)=∪i∈I(A \ Bi).h) (∩i∈I A i)\ B =∩i∈I(A i \ B).

Exercice 10.3. a) f −1(∪i∈IBi)=∪i∈I f −1(Bi).b) f −1(∩i∈IBi)=∩i∈I f −1(Bi).c) f −1(Bc)= ( f −1(B))c.d) Si, de plus, g : Y → Z, alors (g f )−1(B)= f −1(g−1(B)).

Exercice 10.4. a) f (∪i∈I A i)=∪i∈I f (A i).b) f (∩i∈I A i)⊂∩i∈I f (A i). En général, l’inclusion est stricte.c) En général, il n’y a pas de relation d’inclusion entre f (Ac) et f (A)c.

af21 Exercice 10.5. χA∪B +χA∩B = χA +χB.

af3 Exercice 10.6. A ⊂ A1 ∪ . . .∪ An ssi χA ≤∑χA j .

af10 Exercice 10.7. A ⊂ B∪ (A∆B).

ae2 Exercice 10.8. Si A ⊂ B et A ⊂∪i∈I A i, alors A ⊂∪i∈I(A i ∩B).

ad5 Exercice 10.9. a) (Ac)∆(Bc)= A∆B.b) (∪i∈I A i)\ (∪i∈IBi)⊂∪i∈I A i \ Bi.c) (∪i∈I A i)∆(∪i∈IBi)⊂∪i∈I A i∆Bi.

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125

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Index

A∆B, 13Ac, 13An A, 14An A, 14‖(an)‖`p , 91BX , 21C (A ), 19Cpér, 108cn( f ), 108diam A, 47E(x), 57E y, 70Ex, 70esssup, 89F ( f )(ξ), 113[| f | > t], 55[ f ∈ A], 55[ f ≤ t], 55< f , g >, 96f (ξ), 113‖ f ‖Lp , 89f (A), 23f (·,λ), 65f (x, ·), 65f ∗ g, 97f ∼ g, 89f −1(B), 23f −1(y), 23f+, 51f−, 51f y, 74fx, 74inf A, 11L 1, 51L 1(X ,µ), 51L p(X ,µ), 89L p, 89Ln, 36Lp, 89Lp(X ,µ), 89`p, 91liminf xn, 11

limsup xn, 11M (A ), 19P(X ), 13Q j, 81R, 11Sn( f ), 108supxi; i ∈ I, 11supn≥n0

xn, 11

supx∈A

f (x), 11

sgn, 93sup A, 11T , 30T (A ), 19T ⊗S , 69(xn)⊂ A, 11x ·ξ, 113xα, 1130 ·∞, 26α, 113|α|, 113λn, 36µ-p. p., 31µ⊗ν, 71µ, 31νn, 36ρε, 99τ, 21τh, 102χA, 14∫

A f , 52∫A f dµ, 52∫I f (x)dx, 58∫X f dµ, 49, 50, 51∫Ω f (x)dx, 76∫f , 49, 50, 51, 53∫f dµ, 49, 50, 51

∂α, 66, 113∂ j, 66t, 15

a. p. d., 13

127

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128 INDEX

approximation de l’identité, 103

clan, 13clan

engendré, C (A ), 19induit, 14

classe monotone, 15classe monotone

engendrée, M (A ), 19coefficients de Fourier, 108coordonnées

cylindriques, 87polaires, 86sphériques, 87sphériques généralisées, 87

coupe, 70cube, 81cube

taille d’un cube, 81

d. d. d., 14

ensembleT -mesurable ou mesurable, 14élémentaire, 69a. p. d., 13borélien, 21dénombrable, 13de Cantor, 61négligeable, 30

ensembles d. d. d., 14escalier du diable, 61espace

mesuré, 15mesurable, 15

exposants conjugués, 91

fonctionétagée, 23borélienne, 23caractéristique, χA, 14intégrable, 50Lebesgue intégrable, 56mesurable, 23mesurable (à valeurs dans Rn), 25mesurable (définie sur A ⊂ X ), 25plateau, 101qui a une intégrale, 51

formuled’inversion de la transformée de Fourier,

116de dualité Lp–Lq, 92

identité de Parseval, 108inégalité

de Bessel, 108de Hölder, 91de Markov, 55de Minkowski, 95de Young (pour ab), 91de Young (pour f ∗ g), 97

intégraled’une fonction étagée, 49d’une fonction positive, 50

lemmed’Urysohn, 101de Fatou, 63de Riemann-Lebesgue, 109, 114

mesure, 15mesure

σ-additivité d’une mesure, 15σ-finie, 32additivité d’une mesure, 29borélienne, 33complétée, µ, 31complète, 31de comptage, 15de Hausdorff, 47de Lebesgue dans Rn, λn, 36de Lebesgue sur les boréliens de Rn, νn,

36de probabilité, 32de Radon dans Rn, 33de Stieltjes, 45extérieure, 46extension d’une mesure, 31finie, 32monotonie d’une mesure, 29produit, 71sous-additivité d’une mesure, 29

multi-indice, 113

noyaude Dirichlet, 110de Fejér, 111régularisant, 98

p. p., 31pavé

de Rn, 14de X ×Y , 69

polynôme trigonométrique, 108presque partout, µ-p. p., 31probabilité, 32

Page 129: Mesure et intégration - Claude Bernard University Lyon 1math.univ-lyon1.fr/~mironescu/resources/cours_mesure_integration.pdf2. Les espaces Lp traités du point de vue de l’analyse

INDEX 129

produit de convolution, 97pseudométrique, 64

représentationadmissible, 49canonique, 49normale, 49

série commutativement convergente, 59suite croissante d’ensembles, An A, 14suite décroissante d’ensembles, An A, 14suite de fonctions

convergeant presque uniformément, 38convergente en mesure, 38de Cauchy en mesure, 38de Cauchy presque uniforme, 38

théorèmed’approximation de Weierstrass, 104d’Egoroff, 38de Beppo Levi, 54de Cantor-Bernstein, 16de Carathéodory, 46de convergence décroissante, 56de convergence dominée (de Lebesgue),

63de convergence monotone, 54

de Dirichlet, 110de Fatou (dans L2(]0,2π[)), 108de Fatou (dans Lp(X )), 95de Fejér, 111de Fubini, 75, 77de la classe monotone, 20de la suite croissante, 30de la suite décroissante, 30de Plancherel, 119de Riesz-Fischer, 108de Tonelli, 74, 77du changement de variables, 84du presque changement de variables, 86réciproque du théorème de convergence

dominée, 64transformée de Fourier, 65, 113tribu, 14tribu

borélienne, BX , 21complétée, T , 30complète, 31de Lebesgue, Ln, 36engendrée, T (A ), 19induite, 14produit, 69