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Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005 MIEUX GERER L’ETAT : LE CONTROLE DE GESTION A L’HORIZON 2005 2 JUILLET 2002 SOMMAIRE SOMMAIRE 1 INTRODUCTION 3 Jacky RICHARD 3 Délégué interministériel à la réforme de l’Etat 3 Le contrôle de gestion, les concepts 4 Patrick GIBERT 4 Professeur d’Université 4 Le besoin de contrôle de gestion dans les administrations 9 Jean-Benoît FRECHES 9 Conseiller-maître à la Cour des comptes 9 La vision politique de la réforme de l’Etat 14 Jean-Paul DELEVOYE 14 Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’Etat et de l’Aménagement du territoire 14 Questions et débat 19 TABLE RONDE N°1 : L’ETAT DE L’ART 22 Le contrôle de gestion appliqué à la gestion des ressources humaines militaires au ministère de la Défense 23 et des Anciens combattants 23 Général Louis ZELLER 23 Directeur du personnel militaire de l’armée de terre 23 Un service déconcentré – le contrôle de gestion d’une préfecture dont les crédits ont été globalisés 27 Pascal BOLOT 27 Secrétaire général de la préfecture d’Eure-et-Loir 27 Un dispositif de contrôle de gestion orienté vers la mesure 31 du résultat et la comptabilité par activité 31 Noëlle BIRON 31 Directrice du contrôle de gestion et de la contractualisation interne 31 Centre hospitalier régional universitaire de Strasbourg 31

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Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005

MIEUX GERER L’ETAT : LE CONTROLE DE GESTION A L’HORIZON 2005

2 JUILLET 2002

SOMMAIRE

SOMMAIRE 1

INTRODUCTION 3 Jacky RICHARD 3 Délégué interministériel à la réforme de l’Etat 3

Le contrôle de gestion, les concepts 4 Patrick GIBERT 4 Professeur d’Université 4

Le besoin de contrôle de gestion dans les administrations 9 Jean-Benoît FRECHES 9 Conseiller-maître à la Cour des comptes 9

La vision politique de la réforme de l’Etat 14 Jean-Paul DELEVOYE 14 Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’Etat et de l’Aménagement du territoire 14

Questions et débat 19

TABLE RONDE N°1 : L’ETAT DE L’ART 22

Le contrôle de gestion appliqué à la gestion des ressources humaines militaires au ministère de la Défense 23

et des Anciens combattants 23 Général Louis ZELLER 23 Directeur du personnel militaire de l’armée de terre 23

Un service déconcentré – le contrôle de gestion d’une préfecture dont les crédits ont été globalisés 27 Pascal BOLOT 27 Secrétaire général de la préfecture d’Eure-et-Loir 27

Un dispositif de contrôle de gestion orienté vers la mesure 31

du résultat et la comptabilité par activité 31 Noëlle BIRON 31 Directrice du contrôle de gestion et de la contractualisation interne 31 Centre hospitalier régional universitaire de Strasbourg 31

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Questions et débat 36

LES ORIENTATIONS POUR LE DEVELOPPEMENT DU CONTROLE DE GESTION : LES PLANS TRIENNAUX DE DEVELOPPEMENT ET DE GENERALISATION 38 Marie-Hélène GRANIER-FAUQUERT 38 Chef de l’équipe projet pour la mise en œuvre de la LOLF 38 Direction du Budget 38

PRESENTATION DU DOCUMENT 43

“ LE CONTROLE DE GESTION DANS LES ADMINISTRATIONS DE L’ETAT : ELEMENTS DE METHODOLOGIE ” 43 Stéphane ZUGETTA 43 Chargé de mission au centre de ressources “ gestion publique ” 43 DIRE 43

TABLE RONDE N°2 : 46

LES MOYENS DU CONTROLE DE GESTION 46

Les ressources humaines : de la définition des compétences aux ressources humaines dédiées au contrôle de gestion 47 Dominique LACAMBRE 47 Directeur de l’administration générale et de la modernisation des services 47 Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité 47

Les systèmes d’information, organisation de la structure 51

et application PRESAGE 51 Marc CHALLEAT 51 Conseiller aux affaires européennes 51 DATAR 51

Questions et débat 54

Clôture de la journée 57 Monsieur Jacky RICHARD 57 Délégué interministériel à la réforme de l’Etat 57

INDEX 1

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INTRODUCTION

Jacky RICHARD Délégué interministériel à la réforme de l’Etat

Je suis très heureux de vous accueillir pour cette nouvelle journée d’étude de la délégation interministérielle à la réforme de l’Etat (DIRE). Nous organisons des journées d’études depuis plusieurs années sur des sujets divers, mais qui concourent tous à cette grande action collective que sont la réforme de l’Etat et la modernisation de nos administrations.

Nous avions organisé en novembre dernier, avec le ministère de l’Economie et des Finances, une importante journée d’études portant sur les conditions de mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Plus de six cents participants étaient alors présents ici même. Au mois de janvier, nous nous étions réunis pour échanger les regards que nous portions sur la gestion des établissements publics nationaux (EPN). Depuis lors, la DIRE n’a cessé de travailler avec certains EPN et nous avons crée un club des EPN qui va se réunir régulièrement. Enfin, au mois d’avril dernier, nous avions réfléchi avec les représentants des trois fonctions publiques au défi démographique et aux questions de ressources humaines qui s’y attachent puisqu’il est établi que la moitié des fonctionnaires partira à la retraite dans les dix ou douze années qui viennent.

Dans le contexte de ces trois manifestations, il est utile aujourd’hui de s’arrêter sur le contrôle de gestion. Trois grands thèmes seront abordés :

• la question conceptuelle Il s’agit de la définition du contrôle de gestion et de son intérêt pour l’administration. Deux grands spécialistes de la question, le professeur d’université Patrick Gibert et le conseiller-maître à la Cour des comptes Jean-Benoît Frêches nous livreront leurs analyses conceptuelles du contrôle de gestion appliqué à l’administration.

• les actions déjà menées dans le domaine du contrôle de gestion dans les administrations Une table ronde nous éclairera à ce propos sur diverses expériences qui ont déjà été menées. Marie-Hélène Granier-Fauquert interviendra pour nous parler de la loi organique et de la façon dont le contrôle de gestion s’insère dans ce grand projet de modernisation de l’administration de la gestion publique.

• les moyens à mobiliser pour installer durablement le contrôle de gestion Nous les aborderons sous l’angle méthodologique, puisque la DIRE a mené avec les autres ministères un important travail pour vous proposer un guide avec des éléments de méthodologie, ouvrage qui a le mérite de concerner l’administration, contrairement à la presse spécialisée dans le contrôle de gestion. Nous évoquerons également les moyens humains, les questions de personnels et de formation autour de deux praticiens que je remercie vivement, Dominique Lacambre et Marc Challéat.

Le ministre Jean-Paul Delevoye interviendra après les deux premiers intervenants pour nous présenter sa vision de la situation. Accueillant le vice-premier ministre russe, il n’a pu ouvrir la session, comme cela était initialement prévu.

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Le contrôle de gestion, les concepts

Patrick GIBERT Professeur d’Université

Je suis très honoré de devoir présenter un exposé conceptuel. Il est vrai que je m’occupe depuis une trentaine d’années du contrôle de gestion dans les administrations publiques. Bien que le contrôle de gestion recouvre une notion assez complexe, mon exposé sera très sélectif.

I. Le contrôle de gestion : une source de confusion

1. Un concept protéiforme

Le contrôle de gestion est protéiforme car il est possible de tout dire et de tout entendre à son sujet. En effet, nous pouvons affirmer que le contrôle de gestion n’a rien en commun avec le contrôle traditionnel, mais nous pouvons également dire qu’il s’agit des deux faces d’une même pratique. Nous pouvons qualifier le contrôle de gestion d’autocontrôle, mais nous pouvons aussi affirmer le contraire. L’évaluation des politiques publiques peut être assimilée à du contrôle de gestion, mais il est aussi possible de dire que ces deux actions n’ont rien à voir entre elles. Nous pouvons également indiquer que l’administration pratique le contrôle de gestion, ou, au contraire, qu’elle n’en a jamais véritablement mis en œuvre. Nous pouvons avancer une affirmation et son contraire parce qu’il existe des sources de confusion.

2. Une confusion sémantique

Le contrôle de gestion vient de l’expression anglo-saxonne “ management control ”. Or le terme control n’a pas la même signification qu’en français. Il signifie outre Manche “ ce dont on sait faire preuve tous les jours ”, comme dans l’expression “ self control ”. En revanche, en français, il a un sens plus inquisiteur et moins aimable. Toutefois, il faut savoir que le deuxième sens du mot, dans l’une et l’autre langue, correspond exactement au sens premier dans l’autre langue.

3. Un écart croissant entre la théorie et la pratique dans les entreprises

La théorie ne cesse d’élargir le concept afin d’en faire une fonction de plus en plus noble. La définition la plus récente du contrôle de gestion est l’ensemble des moyens dont disposent les dirigeants d’une organisation pour s’assurer que leurs subordonnés mettent en œuvre de façon efficace et efficiente des stratégies. Vous remarquerez qu’il n’y a pas grand chose dans le management qui échappe à cette définition. Pourtant, à un enrichissement permanent du concept théorique répondent des pratiques qui sont parfois très diverses. Bien souvent, dans les entreprises privées, le contrôle de gestion correspond à du reporting. “ Reporter, reporter, il en restera toujours quelque chose ” semble être le leitmotiv.

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4. La confusion entre la préoccupation du contrôle et les outils du contrôle

J’appelle « anthropomorphisme » en matière de contrôle transposé aux organisations publiques le fait que deux éléments soient confondus, à savoir la préoccupation du contrôle et ses outils. La préoccupation de contrôle ou, en d’autres termes, la maîtrise de sa gestion doit être commune à toutes les formes d’organisation, que ce soient des entreprises, des collectivités publiques ou d’autres. En revanche, les outils du contrôle de gestion tels qu’ils se sont développés dans les entreprises sont cohérents avec la finalité de l’entreprise, plus particulièrement le profit et la rentabilité, mais ne sont pas nécessairement adaptés à l’Etat. Je maintiendrai toujours contre vents et marées que l’Etat et les collectivités publiques ne doivent pas être gérés comme une entreprise. C’est au mieux une métaphore. Il ne faut donc pas confondre la préoccupation de contrôle, incontestable, avec les outils du contrôle, qui sont eux contingents.

II. La place des systèmes de contrôle de gestion au sein de la préoccupation globale du contrôle

1. Deux logiques différentes du contrôle Historiquement, il existe dans ce pays une opposition classique entre le contrôle de régularité, auquel nous sommes habitués, et le contrôle de gestion. La véritable opposition vient de deux logiques différentes du contrôle. D’une part, l’objectif est l’évitement des risques de toute nature : les risques juridiques qui comprennent les problèmes de mise en cause de la responsabilité personnelle ou d’une organisation vis-à-vis d’un tiers ; les risques stratégiques qui incitent à ne pas prendre des voies de développement inconsidérées ; ou encore les risques financiers, etc. D’autre part, l’objectif du contrôle est la recherche de la performance. C’est la notion moderne qui recouvre ce que nous appelons efficience ou efficacité.

La première conception du contrôle correspond à un système de contrôle interne. Ce système s’est bien développé dans les organisations privées, mais beaucoup moins dans le public. La seconde conception, celle de recherche de la performance, est le point de centrage du contrôle de gestion. Les deux formes de contrôle ne sont pas contradictoires et sont bénéfiques pour toute organisation. Il faut donc rechercher un point d’équilibre entre ces deux types de contrôle.

2. Une autre façon de voir les choses : la construction d’une typologie

Nous pouvons situer les systèmes de contrôle de gestion d’une autre manière, qui consiste à construire une typologie à partir de deux variables. En effet, d’une part, nous pouvons mettre sous contrôle :

• le fonctionnement d’une organisation, par exemple un ministère, ou un sous-ensemble d’une organisation ;

• une action de changement.

D’autre part, il existe deux façons de suivre une performance.

Premièrement, il est possible d’instaurer des systèmes d’information périodique Mois après mois, trimestre après trimestre, nous pouvons recueillir des informations qui sont saisies de façon comparable dans le temps. Un système de comptabilité analytique ou un système de tableaux de bord sont des systèmes d’information périodique.

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Deuxièmement, nous pouvons nous limiter, provisoirement ou durablement, à des informations ponctuelles et à des études ad hoc.

Lorsque nous croisons ces deux dimensions, c’est-à-dire le champ du contrôle et la technologie du contrôle, nous obtenons quatre cas de figures :

• les systèmes d’information périodique, qui donnent des renseignements réguliers sur le fonctionnement d’une organisation Ce sont les systèmes classiques de contrôle.

• les systèmes d’information périodique qui donnent des informations sur des actions déterminées, des programmes, des politiques, sur des chantiers ou des projets Cette pratique est appelée contrôle de projet dans le cas d’une entreprise de travaux publics qui pense faire du recrutement ou contrôle de programme en matière d’action publique ou monitorage de programme. Elle peut aussi s’appeler évaluation concomitante en matière de politique publique.

• les investigations ponctuelles sur le fonctionnement d’une organisation Elles sont pratiquées depuis longtemps. Elles se seraient appelées autrefois diagnostics ou plus récemment audits organisationnels ou encore évaluations d’une structure, chaque terme « cannibalisant » le précédent au fil du temps.

• les études ponctuelles sur une action de changement ou de préservation sociale Elles correspondent à une évaluation de politique ou de programme.

A partir de cette analyse, je peux affirmer que le contrôle de gestion peut être très englobant ou plus limité. Tout ce qui vient d’être évoqué est du contrôle au sens large du terme. Ainsi, l’évaluation politique est considérée comme contrôle si nous estimons que le contrôle est la pratique qui permet de savoir si nous avons été efficaces et efficients.

Si nous adoptons une vision plus restrictive, nous sommes amenés à considérer que le contrôle de gestion stricto sensu ou plus exactement les systèmes de contrôle de gestion correspondent à des systèmes d’information qui permettent de vérifier périodiquement où nous en sommes du fonctionnement d’un service, d’un programme ou d’un projet. Ce sont alors les deux premiers croisements évoqués précédemment. C’est cette définition qui me semble la plus adaptée et par la suite, je me concentrerai sur cette définition limitée.

III. La mise en œuvre des systèmes de contrôle

1. La mise en place préalable d’un modèle

En premier lieu, je rappellerai qu’un système de contrôle est nécessairement contingent. Le “ prêt-à-porter ” n’existe pas en contrôle de gestion. En second lieu, je partirai d’une idée de base partagée par tous les spécialistes du contrôle : un système de contrôle ne peut pas exister s’il n’existe pas de modèle de ce que nous voulons mettre sous contrôle. En d’autres termes, il faut une représentation simplifiée significative de ce qui doit être mis sous contrôle, c’est-à-dire du mode de fonctionnement de l’organisation, de ses objectifs et de ses facteurs clés de succès ou d’échec.

Il est toujours possible de mettre en place des indicateurs sans qu’il y ait de représentation simplifiée au préalable, mais cela ne s’appellera pas du contrôle de gestion. Mettre en place un

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modèle fait partie des points qui, pour moi, ne sont pas négociables. Selon les auteurs, cette représentation simplifiée est appelée différemment : ils l’appellent soit modèle, soit maquette, soit carte ou encore mapping. Ce dernier mot est le plus à la mode, tant en termes de contrôle de gestion que d’évaluation de coûts. Etant donné que cette carte est le fondement du système de contrôle, il faut qu’elle soit avalisée par la hiérarchie.

La mise en place de ce modèle dans le privé est moins délicate que dans le public. En effet, le secteur privé dispose déjà de quelques éléments pour construire cette carte, car l’objectif de base est facile à cerner bien que difficile à atteindre : il s’agit de la profitabilité et de la rentabilité. Dans les organisations publiques, les finalités sont plus complexes, ce qui nous prive de l’aspect naturel de l’objectif global. Il est donc nécessaire de s’interroger au préalable sur les objectifs poursuivis, tant au niveau supérieur de l’administration qu’aux niveaux subordonnés.

2. Le choix judicieux des indicateurs

Pour la mise en œuvre d’un système de contrôle de gestion, un autre écueil est à éviter : la frénésie d’indicateurs. Connectez-vous sur n’importe quel serveur public du net et vous vous rendrez compte de cette frénésie qui touche le monde entier. Or nous ne pouvons pas considérer les indicateurs comme un bien collectif.

En fait, trois types de clientèles existent en matière d’indicateurs :

• chaque manager à son niveau, pour l’aide au pilotage d’un centre de responsabilité Il s’agit d’autocontrôle. C’est l’aspect qui plaît le plus à chacun.

• la hiérarchie, pour l’information des niveaux supérieurs Cette information est appelée “ reporting interne ”. Il n’existe toujours pas de terme français adéquat. Cette notion traduit la création d’une information ascendante qui soit pertinente et significative et remontée au niveau supérieur.

• les parties prenantes ou stakeholders Il s’agit alors de communication ou de reporting externe. Les administrations, qu’il s’agisse d’un ministère ou d’un service déconcentré, doivent rendre des comptes, que cela soit au Parlement ou à chaque citoyen. Il s’agit alors d’une légitimation de l’activité de l’administration.

A chaque type de clientèle correspond un type d’instrument. Par exemple le tableau de bord est à l’évidence une aide au pilotage d’un service ; le reporting permet de rendre compte au niveau supérieur de ses aptitudes de décision ; le rapport d’activité est l’instrument typique de la communication.

3. Un équilibre à rechercher entre technologie et animation

a. La technologie du contrôle de gestion

Il ne peut pas y avoir de contrôle de gestion sans technologie. Cette technologie est double. Le contrôle de gestion dispose de sa propre technologie, une technologie de comptage et de chiffrage. Un collègue affirmait un jour : “ la modernisation, c’est appréhender de façon quantitative ce qui jusque-là l’était de manière qualitative ”. Ce n’est pas entièrement faux. Le contrôle correspond à

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du chiffrage. La technologie de contrôle doit faire ressortir un chiffrage pertinent, que cela soit en matière de contrôle des coûts ou de confection d’indicateurs.

La technologie du contrôle doit non seulement produire des chiffres, mais aussi réussir à les faire parler de la manière la plus juste qui soit. Il existe pour cela des techniques qu’un bon contrôleur de gestion arrive à maîtriser relativement rapidement. Quant à la technologie de soutien, dans des organisations d’une certaine taille, il est difficile de ne pas avoir recours à l’informatique ou à des systèmes d’information. Les relations entre le contrôleur de gestion et l’informaticien sont des relations délicates.

b. L’animation du contrôle de gestion

Le deuxième aspect du contrôle est l’animation. Le contrôle de gestion est alors vu selon une approche organisationnelle. Il doit en effet servir à influencer les comportements dans une organisation. Pour que cela reste possible, il faut veiller à ne pas dissocier le contrôle de gestion de la direction d’ensemble d’une organisation et il faut s’interroger sur les rôles tenus par chacun et sur l’organisation en elle-même. La notion de “ dialogue de gestion ” est à la mode dans la fonction publique mais pour qu’il y ait un dialogue, il faut parler un même langage. Il faut aussi organiser ce dialogue, ce qui est tout aussi important que l’aspect technologique précédemment évoqué.

IV. Rapprochement entre contrôle de gestion et management

Je conclurai donc en affirmant que le contrôle de gestion n’est pas que du contrôle. En tout cas, si ce n’est que cela, il est voué à l’échec. En effet, le management moderne repose sur trois actions distinctes :

• finaliser, c’est-à-dire fixer des objectifs et détailler les objectifs globaux en objectifs particuliers, pour que l’ensemble de l’organisation soit irriguée par des objectifs et sache où aller ;

• animer, c’est-à-dire faire en sorte que ces objectifs ne restent pas théoriques et ne circulent pas au moyen de circulaires ou de décrets, mais soient intériorisés par chaque individu, ce qui est le plus difficile ;

• contrôler, c’est-à-dire savoir où l’on en est au niveau des objectifs fixés.

Lorsque le contrôle de gestion est mis en place, renforcé ou structuré, nous choisissons l’une de ces trois entrées. L’axe du contrôle est privilégié, mais ce n’est qu’une apparence. Notre système de contrôle ne doit pas être une sorte de ramassis de chiffres auxquels nous rendons hommage comme le vice rend hommage à la vertu. Pour mettre en œuvre un bon système de contrôle et choisir de bons indicateurs, il faut travailler sur les deux autres axes. En d’autres termes, il est nécessaire de s’interroger sur son système de finalisation. Sans objectif, sans stratégie définie, le contrôle de gestion est impossible. De la même façon, le contrôle doit vivre et ne pas rester qu’une formalité, qu’une théorie destinée à être marginalisée. Il faut donc travailler le système d’animation grâce notamment au dialogue de gestion. Le contrôle de gestion ne peut donc avoir du succès que s’il touche à l’ensemble du management.

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Le besoin de contrôle de gestion dans les administrations

Jean-Benoît FRECHES Conseiller-maître à la Cour des comptes

Je suis ici pour témoigner d’une double expérience. Je suis magistrat à la Cour des comptes et j’ai de ce fait une expérience qui est à la fois individuelle et collective. Nombreux sont mes collègues dans la salle et s’ils m’y autorisent, je m’exprimerai aussi en leur nom. Plus personnellement, j’ai réorganisé et mis en place d’un outil de gestion entre 1996 et l’an 2000 à la direction générale pour l’armement (DGA), un grand service du ministère de la Défense.

I. La Cour des comptes et le contrôle de gestion

1. La double filiation du contrôle de gestion

Je m’appuierai sur deux textes. Le premier est extrait de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il s’agit de l’article 15 : “ La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ”. Les Chambres de comptes avaient été créées quelques siècles auparavant à la demande des souverains et des rois afin de faire appliquer pour leur propre compte cette exigence de vertu et de transparence. Cette déclaration a repris cette exigence, mais pour le compte du public et des élus.

Le deuxième extrait est issu du Code des juridictions financières. L’article concerne les pouvoirs d’audits opérationnels de la Cour des comptes. Celle-ci juge les comptes des comptables publics et leur adresse des arrêts. Elle s’assure du bon emploi des crédits, fonds ou valeurs gérés par les services de l’Etat et par les autres personnes morales de droit public. Cette fonction a été étendue après la loi de décentralisation aux chambres régionales des comptes créées ex nihilo. Elles examinent la gestion des collectivités territoriales et des établissements publics.

Ces textes servent à comprendre la double filiation du contrôle de gestion. D’une part, elle vient de l’obligation démocratique, historique, de rendre compte, ce que les Anglais appellent “ accountability ”. D’autre part, plus récemment, le contrôle de gestion vient de la notion de pilotage. Nous retrouvons cette double filiation dans la LOLF qui est à la fois productrice de bonne gestion et de transparence. Les textes productifs de bonne gestion sont assez rares pour être signalés.

2. Les principaux constats de la Cour des comptes

Ces constats sont publiés par l’intermédiaire du rapport public annuel ou de rapports publics particuliers. La Cour exprime aussi aux ministres, par voie de référé, et aux directeurs, par voie de lettre, ses principaux enseignements, ses principales demandes et critiques. Ces dernières convergent autour des quelques grands axes suivants :

• un contrôle interne insuffisant Certaines organisations, petites ou grandes, ne font pas du tout l’objet de contrôles internes. En outre, d’autres ont un contrôle interne défaillant ou existant, mais qui peut être amélioré.

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• des objectifs mal formulés ou peu lisibles Ces critiques ont été émises notamment dans le rapport public relatif à la politique de la ville.

• des organisations incohérentes ou incomplètes Des processus sont redondants ou, a contrario, des fonctions ne sont pas couvertes.

• un contrôle de gestion insuffisant

• des systèmes d’information non performants

• des conduites de projets défaillantes.

L’objectif n’est pas de faire un palmarès de la mauvaise gestion et des pratiques critiquables mais bien d’insister sur les marges de progrès qui existent dans nos administrations, que ce soit en matière de contrôle de gestion, d’évaluation ou même d’organisation.

3. Deux exemples de rapports récents

Je vous donne deux exemples des productions de la Cour qui sont à votre disposition. Le premier est le dernier rapport d’enquête et de conclusions du comité d’enquête sur le coût et rendement des services publics, qui porte sur la mise en place des indicateurs de résultats dans trois ministères. Ce rapport, rendu public il y a un peu plus d’un an, concerne les ministères de la Justice, de l’Education nationale et de l’Intérieur.

Le second rentre également bien dans le sujet de cette journée. Il s’agit du rapport du comité d’enquête sur l’exécution de la loi de finances en vue du règlement du budget de l’exercice 2001 qui est sorti il y a quelques jours. Il comprend des passages qui concernent directement la mise en œuvre de la nouvelle loi organique. Il s’agit du chapitre sept, titre deux. Il comprend un point sur la LOLF pour chaque ministère, traité dans une partie de synthèses ministérielles. Plusieurs ministères sont ainsi passés en revue sous une forme moins synthétique et le chapitre premier du titre quatre livre l’état de différentes comptabilités et systèmes d’information avec un point sur le système ACCORD. Ces deux documents sont disponibles sur le site internet de la Cour des comptes (www.ccomptes.fr).

II. Les clés du contrôle de gestion

1. Les notions clés

Je converge avec le professeur Gibert sur ces notions clés.

La première est la notion d’objectifs, qui renvoie à la notion de stratégie. Sans objectif, le contrôle de gestion ne sert à rien.

La deuxième est la notion d’activités, qui renvoie à la notion de clients. Il est particulièrement difficile d’isoler et d’interpréter cette notion dans les administrations publiques et plus généralement dans tout le secteur non marchand. Dans le secteur privé, le client est celui qui paie, il est donc plus facilement identifiable. La notion de client dans le service public peut même parfois être contestée sur le plan idéologique.

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La troisième est la notion de mesure et de résultat. Sans mesure et sans comptes, il est impossible de contrôler. La notion de résultat renvoie aux notions précédentes d’objectifs et d’activités.

La notion suivante est celle de décision et de management. Un système de contrôle de gestion sert à décider. Evaluer les résultats n’est pas une fin en soi, les décisions doivent suivre et le management doit être imprégné des notions de mesure, d’évaluation et de décision.

Le dernier élément correspond aux systèmes d’information et de pilotage.

2. L’organisation : le fondement du contrôle de gestion

Je tiens à souligner avant tout que l’organisation se trouve au fondement du contrôle de gestion. Aucun contrôle de gestion ne peut être mis en place si vous ne procédez pas à un changement profond d’organisation. Il ne s’agit pas simplement de changements de structures. Il faut des changements au niveau du management, des systèmes d’information ou des systèmes de pilotage. L’organisation est donc l’acte fondateur préalable au bon contrôle de gestion.

III. L’environnement du contrôle de gestion

Il s’agit d’un ensemble de prérequis et de facteurs clés de succès. Nous devons avoir les prérequis avant même de dire que nous allons faire du contrôle de gestion. Les facteurs clés de succès sont les conditions qui doivent être réunies pour qu’une fois le processus lancé, tout se passe bien et que le contrôle de gestion soit bon.

1. Les prérequis

Il faut avant tout :

• une organisation cohérente, sans laquelle il est impossible de piloter

• la modélisation des activités Il faut non seulement la concevoir, mais aussi la faire passer dans la mentalité de nos collaborateurs. Cela touche aux questions de la gestion des changements qui sont si précieuses dans ces processus.

• la culture Elle doit être orientée vers les résultats. Ce n’est pas évident car dans des organisations bureaucratiques, la culture peut être orientée vers des logiques de moyens ou de territoires, ou guidée par des non-dits, etc.

• une direction “ pilotante ” A la tête de cette véritable organisation, il faut une véritable direction générale, même si elle n’en a pas le titre. Elle doit être capable de fixer les objectifs, de les traduire selon les différentes structures dans les différents modes d’action. Elle doit également décider de l’organisation et des mesures de redressement et de correction qui s’imposent.

• un management par objectif pour chaque entité.

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2. Les facteurs clés

Premièrement, le soutien des dirigeants est nécessaire. Ils doivent souhaiter cette nouvelle organisation et soutenir le processus de mise en place du contrôle de gestion en dépit des bourrasques et des obstacles qui surgissent.

Deuxièmement, les contrôleurs de gestion doivent être bien intégrés dans l’organisation. Ils sont au départ “ parachutés ” dans la structure. Il faut par la suite qu’ils s’intègrent harmonieusement dans les processus de décision et qu’ils deviennent de véritables conseillers des directeurs et pas simplement ces commandos qui arrivent avec leurs compteurs, leurs instruments et viennent bouleverser les attitudes et imposer des activités que les gens n’aiment pas faire au départ.

Les trois derniers facteurs clés sont la formation, la communication et les systèmes.

IV. Les obstacles au contrôle de gestion

Le contrôle de gestion n’est pas un long fleuve tranquille. Devant une assemblée comme la vôtre, il semble facile, mais des difficultés se posent sur le terrain. Nous nous heurtons à de nombreuses réticences et de nombreux obstacles. Ils ne sont pas insurmontables mais il faut les connaître pour pouvoir mieux les franchir.

La réticence à rendre compte

Cette attitude est humaine et certains affirment qu’elle est franco-française. Les Anglo-saxons auraient une culture plus orientée vers le reporting. D’ailleurs, reporting et accountability sont des termes anglais.

La peur de la sanction

C’est une crainte liée à l’obtention d’un résultat. Les interrogations portent sur les conséquences de ces résultats. S’ils sont mauvais, que va-t-il se passer ? Vais-je être sanctionné ? Ces questions sont valables du haut en bas de la hiérarchie.

La prégnance des anciens paradigmes

Nous nous heurtons à une logique de territoire ou à certains alibis. Par exemple, tout le monde doit être traité de la même façon sous prétexte d’être au service de l’intérêt général.

Des difficultés conceptuelles

Ce sont des modèles de gestion qui sont complexes à mettre en place. Il ne faut pas se tromper ou être trop ambitieux. Il vaut mieux un système assez robuste qui recueille un consensus plutôt qu’un système exhaustif qui traite tous les rouages de l’entité.

Les indicateurs

Il en existe beaucoup et dès que nous entrons dans les notions de source d’information ou de périodicité, des protestations émergent.

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Un management inadapté

Il affiche un management par objectif mais, en pratique, ne fonctionne pas du tout de la sorte. Ce contraste est tout de suite perçu par les collaborateurs et décrédibilise la démarche ou la rend très difficile.

Le calcul des coûts

Il est difficile et compliqué dans les administrations car il renvoie à des notions de mauvaise gestion.

Des systèmes d’information inadaptés

Ils ont été créés pour répondre à des prescriptions réglementaires et non pas pour fournir de la gestion de qualité.

Des tâches supplémentaires

Le contrôle de gestion fournit des tâches supplémentaires.

Une progression différenciée difficile à gérer au sein de l’organisation

Les services pilotes vont aller très vite, et des services qui n’ont pas été déclarés pilotes car ils étaient plus difficiles à traiter vont l’être par la suite.

Je conclurai par un florilège de manifestations très concrètes que nous rencontrons dans nos rapports quotidiens. Ils peuvent vous amener à sourire mais sont autant d’objections pour lesquelles la réponse n’est pas nécessairement évidente.

• “ Ils demandent toujours des informations, on ne sait jamais à quoi ça sert, on n’a jamais de retour ”.

• “ Chef, si on n’a pas atteint les objectifs, c’est qu’on n’a pas eu les moyens demandés ”

• “ J’ai tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises mais il ne s’est rien passé ”, cette situation étant valable du chef à son grand chef, ou du chef moyen au chef de niveau N+1.

• “Bientôt, on passera plus de temps à faire du reporting qu’à traiter nos dossiers”.

• “Consommation des crédits : est-ce que vous pouvez m’expliquer ce que cet indicateur définit ?” Commencent alors les complaintes, car nous avons beaucoup de mal à définir les indicateurs et les définitions, sans que vous le sachiez nécessairement, ne sont pas partagées par tout le monde.

En conclusion, je soulignerai que nous devons communiquer, persévérer et faire preuve d’une certaine abnégation et nous pourrons alors réussir.

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Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005

La vision politique de la réforme de l’Etat

Jean-Paul DELEVOYE Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’Etat et de l’Aménagement du territoire

I. Une forte volonté politique de changement

1. Mieux répondre aux exigences de nos concitoyens

Permettez-moi tout d’abord de me réjouir du thème que vous avez choisi. J’y accorde une grande importance et vous assure d’une volonté politique forte de changer de culture. Vous avez parlé de persévérance et de clairvoyance, nous espérons avoir ces qualités. Aujourd’hui, et c’était un petit peu notre défaut, il faut que nous intégrions que la gestion n’est pas imposée. Gérer, c’est expliquer, justifier, adapter et c’est en tout cas réussir le contrat que nous avons passé avec un client, un usager, un contribuable, un habitant ou un fonctionnaire.

Dans cette époque moderne, nos consommateurs ont réussi à imposer leurs contraintes vis-à-vis des industriels les plus puissants ; les actionnaires exigent la vérité et sanctionnent lourdement le mensonge ; le citoyen, en tant que contribuable, exige la justification de son impôt ; en tant qu’habitant, il exige le résultat de l’action publique et en tant que fonctionnaire, la compréhension, la considération et la participation à l’action publique. Le niveau d’exigence est légitime. Il est tellement légitime que celles et ceux qui, s’abritant derrière un statut d’un quelconque pouvoir, négligeraient cette exigence commettraient une lourde erreur. Je le dis à toutes celles et ceux qui servent l’Etat, nous devons être attentifs au fait qu’un état d’esprit nouveau frappe nos concitoyens : la légitimité de l’action de l’Etat peut être contestée quand elle ne répond pas aux exigences d’efficacité souhaitée par le citoyen.

Concilier la satisfaction de l’usager, la demande de justification du contribuable, l’exigence du responsable de l’action publique, l’épanouissement de l’agent est une équation dont l’écriture doit se trouver au cœur de la gestion moderne et donc du contrôle de gestion.

2. La fin du principe de précaution maximum

Pour relever ce défi, il faut imaginer des indicateurs de performance et de qualité, des indices de satisfaction, des analyses qualitatives, des réponses et des délais. Plus aucun paravent ne sera suffisamment solide pour se protéger de cette exigence. Nous devons éviter l’écueil du principe de précaution maximum. Celui-ci engendre l’immobilisme et la paralysie. Grâce au contrôle de gestion, nous devons réintroduire dans l’action la notion de prise de risques, de responsabilisation et donc d’évaluation.

Pourquoi systématiser le refus de l’échec dans l’action publique ? L’échec est enrichissant lorsque nous avons la capacité d’en analyser les causes. A vouloir imposer le « zéro défaut », nous sommes en train d’instituer un crime contre l’action publique puisque dans action publique, il y a action et qu’une action implique une prise de risques. Le contrôle de la gestion de cette action doit favoriser son efficacité et non pas sa neutralisation. La loi organique, qui favorise la mise en place des programmes, l’adéquation des moyens aux objectifs, la territorialisation qui nécessite une coordination locale et centrale, l’expérimentation et la décentralisation sont de formidables chantiers qui vont donner toute leur importance à la gestion et au contrôle de gestion. Celui-ci ne

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doit jamais être la prime à la non décision, au zéro risque, à la non consommation des crédits, mais à la bonne utilisation des moyens.

Les uns et les autres, nous devons relever ce défi. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à participer personnellement à cette journée d’étude, de façon à entendre vos réactions sur ce sujet : “ Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005 ”.

3. Une réussite administrative indispensable à la réussite économique

C’est d’autant plus important que la raison de mon arrivée tardive était la rencontre avec le ministre de la Fédération russe et j’aurais pu croire qu’il était ministre du gouvernement français tant ses problèmes ressemblaient aux nôtres : répartition du pouvoir entre l’Etat et les collectivités locales, contrôle budgétaire, contrôle financier.

Une des réussites de la dimension européenne, voire de l’équilibre du monde dans un certain nombre de politiques publiques, passera par la capacité administrative des pays à mettre en place une politique publique. Dans cette exigence, une bonne performance économique ne pourra pas se conjuguer sans une bonne performance administrative. La place de la France est tout à fait essentielle par l’exemple de sa capacité administrative. Nous avons donc à relever le défi de l’exportation des savoir-faire. La façon dont nous nous impliquerons dans ce nouveau changement de la gestion publique et notre capacité à la conduite du changement auront des conséquences économiques, culturelles et industrielles majeures.

II. La résistance sociale au changement

Dès que vous avancez le mot changement, vous déclenchez un phénomène de résistance. Tout le monde craint le changement. Dans notre pays, c’est également le cas. Vous l’avez tous vécu : dès que vous avez demandé à votre secrétaire de s’initier à l’informatique, vous avez certainement dû affronter une résistance, car vous le perturbiez dans son travail. Demander à une administration de changer de culture est interprété comme un procès, une remise en cause, une accusation.

C’est pourtant exactement le contraire. Faire participer les fonctionnaires à la réussite d’une action publique favorise leur épanouissement. L’évaluation permet la correction et facilite l’accès à l’excellence. A l’évidence, rapprocher le citoyen, l’usager ou le contribuable de l’action publique, c’est lui faire toucher du doigt les résultats et donc la justification de son impôt et l’implication décideur dans l’action publique. C’est d’autant plus important que notre monde bouge à toute vitesse. Comment imaginer qu’à un monde mobile conviennent des structures immobiles ? Ce sont nos structures qui doivent s’adapter aux problèmes, le contraire serait un paradoxe. La résistance au changement nous mènera systématiquement à l’échec.

III. La mise en œuvre du changement

1. Une meilleure répartition territoriale des pouvoirs décisionnaires

Les nouvelles technologies de l’information nous livreront peut-être une autre approche concernant la répartition sur le territoire des organes de décision. Pour être efficace, faut-il être réparti harmonieusement sur le territoire ? Faut-il au contraire mettre en place des pôles de compétence ? Grâce aux nouvelles technologies, ces différents pôles pourraient nous aider à prendre les

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meilleures décisions publiques, même si ces pôles de compétence ne sont pas territorialement harmonisés sur l’ensemble du territoire.

2. Une prime à la prise de risques

Réfléchir désormais en termes de performance et de résultats va nous amener à beaucoup d’inventivité et de créativité. Il y a dans l’administration des trésors d’inventivité et de créativité mais il faut pour cela libérer vos capacités d’initiatives. Pour cela, les prises de risques que vous prendrez au cours de votre carrière ne doivent pas être pénalisantes. Il faut donner une prime à ceux qui sont inventifs, créatifs, et imaginent mettre en place des conduites de changement favorisant la conciliation d’un bon résultat de l’action publique avec la satisfaction et l’épanouissement du personnel.

3. L’implication collective dans le changement

Comme l’indiquait Jean-Benoît Frêches, le contrôle de gestion n’est pas un outil de vérification mais un outil de pilotage qui doit mobiliser l’ensemble des acteurs de la conduite publique. Malgré la bonne volonté des dirigeants, rien ne peut fonctionner sans pédagogie sur les acteurs qui doivent mettre en œuvre le changement.

A contrario, s’il y a une volonté des acteurs mais que les dirigeants sont réticents (car la culture du parapluie l’emporte sur la culture du management), cela ne fonctionnera pas plus. Si chacun est aveugle dans cette nécessité de changement, alors la volonté politique sera vouée à disparaître dans un désert d’indifférence. Nous sommes donc condamnés à une impulsion collective forte, à une détermination des dirigeants, à une motivation et une participation active des acteurs qui engendreront un changement concret. Une meilleure affectation des moyens doit être cherchée en fonction des objectifs poursuivis. Il faut alors suivre l’avancement de ces objectifs, la consommation de ces moyens et l’adaptation permanente du résultat.

Cette mobilité est nécessaire dans plusieurs domaines. Par exemple, sommes-nous capables aujourd’hui de mettre en place des procédures permettant de réduire le délai entre la décision politique et l’application de celle-ci ? Cela concerne notamment les fonds structurels européens. Leur finalité n’est pas remise en cause mais la constitution d’un dossier donne lieu à des procédures si compliquées que celles et ceux qui peuvent y prétendre baissent les bras. En revanche, le contrôle du dossier et celui du paiement sont excellents. A quoi bon passer son temps à peindre les wagons si l’on détruit les locomotives ?

4. Des résultats nécessaires à la préservation du pacte républicain

Certes, la transition d’une culture du zéro défaut vers une culture de la prise de risques engendrera une remise en cause du confort d’une situation acquise, mais combien est grand le plaisir à enclencher un changement porteur de résultats et de plus-value pour tous ! Nous avons la détermination de poser toutes les questions, y compris les plus désagréables et celles qui ont trait au politique, car nous avons le souci du résultat.

En effet, si nous n’obtenons pas de résultat, la contestation de l’action publique et de l’autorité de l’Etat risque de causer la fracture d’un pacte républicain auquel nous sommes tous attachés. L’administration française est l’une des plus belles du monde. La mise en place de la loi organique nous offre la possibilité d’exprimer toute l’intelligence de notre administration. Cette loi favorise la

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mise en œuvre du contrôle de gestion et par là même la gestion prévisionnelle des effectifs et l’évolution de la gestion en masse en contractualisant sur des objectifs pluriannuels, avec des procédures d’évaluation qui nous permettront de faire le point sur la pertinence de nos actions politiques au travers de leurs résultats.

IV. Les difficultés pratiques rencontrées

1. Le choix crucial des indicateurs

Certes, nous aurons besoin d’indicateurs. Un certain nombre d’entre eux seront même non quantifiables : les indicateurs sont difficiles à mettre en place. Je prendrai un seul exemple. L’Europe avait une réelle volonté de s’impliquer fortement dans l’économie marocaine, dépendante à 50 % de ses productions agricoles. Les décideurs politiques européens ont proposé de réduire la dépendance aux aléas climatiques en mettant en place un facteur d’irrigation. Ce fut une grande réussite, puisque 10 % des agriculteurs produisaient 90 % des récoltes. Cependant, aucun crédit n’a été alloué pour accompagner la mutation rurale que nous avions causée. Une désertification du monde rural et l’arrivée massive de paysans dans les villes menaçaient. Nous avons là l’exemple d’une pertinence très forte sur le plan macroéconomique mais d’une performance sociologique et sociale beaucoup moins évidente.

2. Une sectorisation néfaste de l’évaluation des politiques

Vouloir sectoriser l’évaluation des politiques publiques sans en mesurer les incidences collatérales peut donc avoir des effets neutralisants négatifs sur une bonne politique publique. Celle-ci pourrait alors avoir globalement un bilan négatif.

3. Quelle structure décisionnaire choisir ?

Cette implication, concernant la territorialisation des politiques publiques, nécessitera que nous désignions très clairement un chef d’orchestre des politiques de l’Etat. Le partage du pouvoir administratif se posera alors. A un pouvoir vertical, qui satisfait quelques personnes au détriment d’un système horizontal permettant la réussite d’une politique publique, nous préférerons bien sûr la réussite collective. Le pouvoir politique devra prendre cette décision et il le fera. Cela impliquera l’adoption d’une nouvelle structure, qui passera par la globalisation des moyens, la fongibilité de ceux-ci, l’adaptation des politiques publiques à chaque situation et à la nécessité d’égalité des chances. Comment imaginer par exemple que nous puissions demander aux départements et territoires d’Outre-mer de s’investir dans une politique qui concerne les personnes âgées alors même qu’ils sont confrontés à un problème de la jeunesse ?

V. Le défi du changement : une réponse au procès intenté aux acteurs publics

Nous avons donc devant nous une période fabuleuse pendant laquelle nous pouvons mettre au service de l’activité publique notre intelligence, notre créativité et notre imagination pour demander à nos décideurs cette conduite du changement. Il faut en effet réussir cette équation que je vous évoquais tout à l’heure au nom de la capacité de donner satisfaction à l’usager, de rendre un service de qualité, de justifier de la bonne utilisation de l’impôt au contribuable et de favoriser l’épanouissement des fonctionnaires.

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Aujourd’hui, les fonctionnaires demandent de la valorisation et de la considération car ils se sentent condamnés par l’opinion publique et par ce procès systématique d’inefficacité de l’administration livré par médias interposés à longueur de journée. Nous avons de bons fonctionnaires, motivés, mais qui souffrent dans leur chair de ce procès. Il faut que nous en renversions la charge et c’est maintenant à nous de prouver aux uns et aux autres, par la réussite de la politique publique, que nous sommes parfaitement capables de donner plus d’efficacité à l’action publique, plus d’épanouissement aux fonctionnaires et ainsi de parvenir à l’adhésion de nos concitoyens au pilotage de celle-ci.

Je vous souhaite un excellent séminaire et écouterai avec beaucoup d’intérêt vos réactions aux deux exposés qui ont précédé.

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Questions et débat

Hervé PHILIPPE, DDE du Val d’Oise

Quel lien faites-vous entre la politique qualité et le contrôle de gestion, tant au niveau conceptuel que concret ?

Jean-Benoît FRECHES

Lorsque nous étions à la DGA, nous avions mis en place une action d’installation d’un véritable contrôle interne car il y avait des questions difficiles à régler, particulièrement à Toulon. Il m’avait été demandé de faire un exposé sur le contrôle interne et sa mise en place devant le collège des directeurs de la DGA. J’avais donc rappelé que le contrôle interne était destiné à minimiser les risques. Ils m’ont répondu qu’ils ne voyaient pas la différence avec la démarche qualité… J’ai alors compris que la démarche qualité, qui a pour objet de répondre à des normes fixées et qui est à l’origine une démarche de type industriel, est très proche du contrôle interne. Les deux notions sont très liées.

Patrick HALLINGER, CGT

N’avons-nous pas besoin d’une plus grande implication du personnel dans les instances de décision ? Ne faut-il pas un meilleur contrôle démocratique notamment dans les commissions de modernisation ou dans les comités d’évaluation ? Quelle est la place réservée aux clients dans les décisions de gestion ?

Patrick GIBERT

Lorsque nous parlons de clients, nous devons préciser de quels clients il s’agit, car il en existe deux niveaux possibles. Dans mon exposé, j’ai parlé des clients du système de contrôle, qui sont différents des clients de l’administration.

Dans le cadre du ministère de l’Equipement, j’ai proposé il y a quelques années une typologie montrant que le terme traditionnel de client ne pouvait pas être utilisé dans le cadre de l’administration. Nous parlons plutôt d’assujettis mais cela ne change pas grand chose. Raisonnant en matière pénitentiaire, nos clients deviendraient alors des clients captifs. Le terme de client est donc un peu réducteur. La relation que chacun d’entre nous entretient avec l’administration est très complexe. L’administration fait des réalisations qui aboutissent à des impacts. Lorsque nous distribuons des primes à des chefs d’entreprise pour qu’ils embauchent des jeunes, le client de la réalisation est le chef d’entreprise mais le client de l’impact est l’économie nationale.

Nous devons accepter que le secteur public fonctionne sous le système de contrôle de gestion. Cela se faisait déjà en 1970. Au-delà des considérations d’efficacité et d’efficience communes à toutes les organisations, il y a des considérations de distribution, d’équité, de répartition qui sont d’ailleurs reprises par des indicateurs : ce n’est pas parce que nous parlons de distribution que nous ne pouvons pas objectiver.

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Je terminerai en soulignant que le point de vue des différentes parties prenantes est très largement pris en compte dans l’évaluation des politiques. Il faut d’ailleurs veiller à ce que les parties prenantes ou « stakeholders » ne prennent pas le pas sur les citoyens en tant que tels et ne deviennent de véritables groupes de pression.

Un chargé de mission au ministère de la Défense

Plus qu’une question, j’ai un service à demander à Monsieur le ministre : les ministres eux-mêmes doivent s’impliquer, être exigeants dans la déclinaison des objectifs concrets, critiquer les tableaux de bord lorsqu’ils ont été déjà faits. Il faut qu’ils utilisent eux-mêmes les instruments dans leur comité de direction ministériel. Comment demander aux subordonnés de s’impliquer si le premier niveau ne s’implique pas lui-même ?

Jean-Paul DELEVOYE

Il n’y aura effectivement pas de conduite du changement sans implication des chefs. Le ministre doit lui aussi être totalement responsable de ses objectifs politiques et de l’adéquation des moyens par rapport aux objectifs fixés. C’est une contractualisation que nous devons avoir.

J’aimerais revenir au consommateur citoyen. Nos concitoyens deviennent de moins en moins citoyens et de plus en plus consommateurs. Mon inquiétude est qu’ils ne portent plus sur l’école publique le regard de l’école pour tous mais, dans un réflexe consumériste, celui de la bonne ou la mauvaise école ; qu’ils ne voient plus l’hôpital comme l’hôpital pour tous mais préfèrent intégrer tel ou tel hôpital. Nous devons réussir à réintroduire la notion de public, de qualité, d’éthique, de transparence. Sinon, la vision consumériste de notre concitoyen le poussera à aller chercher ces services ailleurs. Nous risquons alors un déséquilibre majeur qui fragilisera notre service public. Faire participer le consommateur l’invitera à plus de civisme et de citoyenneté. La citoyenneté passe donc aussi par la participation à la gestion du service public.

Jean-Marie POIROT, Union nationale des syndicats autonomes

Trois points ont attiré mon attention : le fait que la société puisse demander des comptes, la mise en place de la loi organique et la notion de risque dans l’administration. A quel niveau et en quel lieu géographique allons-nous pouvoir faire le lien entre ces trois points ? Comment pouvons-nous réaliser ce chaînage vertueux entre la loi de règlement N-1 et la loi de finances N+1, chaînage vertueux qui doit, à mon avis, prendre en compte la société et le dialogue social ?

Patrick GIBERT

La réponse est claire. Ce lient doit exister partout où c’est possible, à savoir dans les commissions parlementaires, au sein du gouvernement, dans les comités de direction, dans les services déconcentrés. En d’autres termes, ce lien doit être présent dans tous les lieux de dialogue de gestion et ceux de dialogue social. L’ensemble de ces dialogues servira alors à améliorer la grande cause qui nous unit ici.

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Jean-Pierre LACROIX, préfet de la région Centre

L’administration territoriale de l’Etat semble penser actuellement à tort que le contrôle de gestion, la globalisation et toutes les démarches qui se mettent en place représentent une tentative de reconcentration de l’Etat et de recentralisation. Or c’est justement grâce à une déconcentration et une décentralisation que nous pouvons avoir cette politique du changement. Celle-ci ne peut en effet pas être uniforme et initiée une fois pour toutes. Il faudra donc arriver à ce qu’il y ait au niveau des administrations territoriales un autocontrôle, de façon à ce que nous n’ayons pas une remontée systématique de l’ensemble des indicateurs. Il leur faut une certaine marge de manœuvre pour qu’elles ne se calent pas en permanence, de manière aveugle et sourde, sur des instructions extrêmement nombreuses qui parviennent de Paris. Cela serait valorisant et permettrait une prise de risques.

La maîtrise de ces techniques modernes, dans lesquelles nous nous engageons sans arrière-pensée, ne peut donc pas se faire sans décentralisation. Il faut atteindre un certain niveau d’équilibre.

Jean-Paul DELEVOYE

Vous soulevez une question majeure. Si nous mettons en place un système de diagnostic et d’objectifs partagés et si un partage des risques n’y répond pas, alors, en bout de chaîne, quelqu’un assumera seul le risque. Celui qui sera ainsi acculé à prendre le risque voudra également prendre la gestion. Par exemple, en matière de contrôle de sécurité, dans un souci de protection, une commission de sécurité peut demander au maire de signer. Tôt ou tard, le maire demandera à gérer lui-même le contrôle de sécurité puisque de toute façon, il est celui qui prend les risques. Ce schéma se reproduit de la même manière pour les trésoriers-payeurs généraux. Nous sommes donc devant un vrai problème. Les sources de contentieux juridique sont nombreuses. Dès que vous prenez une décision, il faut analyser le contentieux, ce qui revient à analyser la gestion des risques. Si ce risque n’est pas partagé, la tentation est grande d’ouvrir le parapluie et de neutraliser l’application des politiques publiques. Dans la conduite du changement, le partage des risques est donc capital.

En ce qui concerne l’administration territoriale, il faut mettre en place une obligation politique de simplifier les démarches pour les usagers et les contribuables, laissant ainsi à l’administration le soin de gérer elle-même la complexité des procédures. Vous mettrez alors votre créativité au service de la simplification des démarches. Nous avons donc à déconcentrer notre pouvoir : c’est en effet sur le terrain que nous trouverons l’imagination, la créativité, l’adaptabilité nécessaires. Toutefois, cela doit se faire autour d’un représentant de l’Etat car, quand un dirigeant a de la volonté, il faut aussi qu’il ait le pouvoir pour la mettre en œuvre.

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Table ronde n°1 : L’état de l’art

Participaient à la table ronde :

Général Louis ZELLER, directeur du personnel militaire de l’armée de terre Pascal BOLOT, secrétaire général de la préfecture d’Eure-et-Loir Noëlle BIRON, directrice du contrôle de gestion et de la contractualisation interne, Centre hospitalier régional universitaire de Strasbourg.

La table ronde a été animée par Benoît CHEVAUCHEZ, directeur de l’Institut de la gestion publique et du développement économique.

Benoît CHEVAUCHEZ

Mes chers collègues, le premier sous-titre de cette journée d’étude est “ Des concepts à l’état de l’art ”. Il faut en effet avoir des concepts clairs et des idées claires pour pouvoir avancer et parler le même langage. Nous devons faire le point sur l’avancement pratique du contrôle de gestion. Les trois interventions de ce matin vont nous apporter la preuve qu’il n’existe pas de “ prêt-à-porter ” en la matière. Les intervenants nous raconteront leur propre expérience.

Le général Zeller va nous faire part le premier de son expérience. Général, vous avez alterné des responsabilités opérationnelles et des responsabilités fonctionnelles. Vous allez nous expliquer comment, dans vos propres services, vous avez mis en place une démarche de contrôle de gestion.

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Le contrôle de gestion appliqué à la gestion des ressources humaines militaires au ministère de la Défense

et des Anciens combattants

Général Louis ZELLER Directeur du personnel militaire de l’armée de terre

I. Le défi de la professionnalisation des armées

La professionnalisation des armées, et plus singulièrement celle de l’armée de terre, est et restera dans les années à venir un très grand défi de ressources humaines tant le changement dans le mode de constitution des ressources humaines a été radical. Le pilotage dans le domaine de la gestion des ressources humaines a donc été très stratégique.

Il y a une dizaine d’années, l’armée de terre pouvait compter 250 000 hommes. Quand je suis arrivé en 1996, l’objectif était de construire pour l’année 2002 une armée de terre entièrement professionnelle avec 138 000 militaires et 30 000 civils contre 200 000 militaires et 20 000 civils en 1996. Notre armée était mixte : elle était constituée à 50 % de personnel appelé et 50 % de personnel de carrière sous contrat. Les autres armées, marine et gendarmerie, comprenaient déjà entre 70 % et 85 % de personnel professionnel. Nous avions deux modèles d’armées professionnelles possibles : les armées anglaise et américaine.

Entre 1996 et 2002, je me situais aux deux bouts de la chaîne. Premièrement, j’occupais la fonction de sous-chef d’état-major dédié à l’organisation des ressources humaines et donc, pour cet état-major, de donneur d’ordres à la direction du personnel. Deuxièmement, depuis l’année 2000, j’occupe la fonction de directeur du personnel et m’occupe de la gestion. Je peux donc témoigner des interrogations que nous avions en 1996. Il en existait principalement cinq :

• Comment allons-nous recruter ? L’armée de terre a recruté en 2001 près de 19 800 personnes. Cette année, nous recrutons entre 17 000 et 18 000 personnes. Le recrutement fonctionne donc bien aujourd’hui.

• Comment allons-nous assurer la déflation de nos cadres ? 6 000 sous-officiers et 1 000 officiers étaient concernés par cette mesure. Nous n’avons pas fait un pilotage optimal et nous nous y sommes pris un peu tard.

• Combien de temps va durer le service national ? Le service national a admirablement tenu. Heureusement, car il a joué un rôle capital au moment où nous avions les pics d’interventions les plus forts.

• Comment va se passer la “ civilianisation ” de certaines de nos formations ? Elle s’est bien passée.

• Comment arriverions-nous à fidéliser notre personnel dans la durée? Cela reste un défi d’actualité. Par exemple, nous nous sommes fixés pour objectif un taux de renouvellement de contrat de 70 % minimum. Nous en sommes à 73 %.

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II. Les éléments d’environnement du contrôle de gestion

Nous avions en 1996 une loi de programmation. Les informations sur les personnels et les effectifs étaient peu nombreuses mais néanmoins suffisantes. La démarche concernait toute l’armée de terre, y compris les forces opérationnelles. L’état-major a été amaigri et recentré sous les ordres de quatre sous-chefs : opérations logistiques, plan/finances, organisation des ressources humaines et télécommunication des systèmes d’information. Tout le monde a participé à ce processus de recentrage qui correspondait à la ligne adoptée grâce au contrôle de gestion.

Pour faire du contrôle de gestion, il faut être deux. Au ministère de la Défense, nous avons la particularité d’avoir un gouverneur, l’état-major, qui fixe la politique de ressources humaines, et un directeur gestionnaire chargé de la remontée d’informations, le poste que j’occupe actuellement. Les deux fonctions sont complémentaires. Concrètement, le chef d’état-major signe une directive qui reste valable deux ans. Je le rencontre deux fois par an :

• d’une part, pour le conseil de gestion qui regroupe le chef d’état-major et ses principaux collaborateurs, pour une courte réunion de deux heures. Il y a alors égal partage entre le temps de présentation et le temps de dialogue.

• d’autre part, pour le comité intermédiaire de gestion, qui permet de faire l’état de l’art de la conduite de gestion.

Je m’appuie également sur des pilotes de métier. Ils doivent me signaler les évolutions de métiers en terme qualitatif : il y en a une trentaine dans l’armée de terre. Ce rôle est capital. Je suis directement chargé de la fonction d’information des ressources humaines.

Enfin, pour compléter ce tableau, nous disposons d’une école de formation, l’école militaire supérieure de l’administration et du management, située à Montpellier et qui forme nos spécialistes des ressources humaines.

Pour clore ces éléments de contexte, j’aimerais insister sur le fait que nous sommes deux à traiter les problèmes de personnels. Ce sont deux prismes différents et cela me semble capital. Je n’oublierai pas d’évoquer le rôle des organisations représentatives du personnel et celui des instances de concertation.

III. Les moyens à disposition pour animer le contrôle de gestion

Le plus important à mon sens est d’avoir un horizon de l’organisation à cinq ans. Il appartient à l’état-major de décrire l’armée. Je dispose donc de deux documents qui décrivent qualitativement et quantitativement les 138 000 emplois militaires et les 30 000 emplois de personnel civil

Il faut également évoquer de nouveau les pilotes de métier. Je vais, à l’aide d’un exemple concret, vous montrer leur rôle. Si nous nous intéressions à la technique d’opérations d’infrastructures, nous étions amenés à faire évoluer ce métier vers une fonction de maîtrise d’ouvrage. Ce n’est donc pas du tout le même type de personnel qu’il me faut et je vais pouvoir agir pour mieux traiter nos besoins.

Une très grande synergie avec les organismes de formation est nécessaire, tout en prenant garde aux délais qui incombent à toute formation.

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Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005

IV. Les axes d’efforts actuels

Avant tout, je mentionnerai la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences. En 1996, nous définissions à l’horizon 2002 les métiers et les qualifications dont nous allions avoir besoin. En rapprochant cela avec les ressources dont nous disposions, nous nous sommes aperçu que nous étions contraints d’engager une grande évolution. Nécessité fait loi et nous l’avons fait.

De la gestion prévisionnelle découlent également des demandes à faire et des propositions à émettre, ainsi que des résultats concrets qui débouchent sur des plans de recrutement sur cinq ans et des plans annuels de transferts d’emplois. En aval de tout cela, les conséquences sont directes sur la réorientation du personnel.

Le troisième axe d’effort actuel est de mener des études sectorielles. Nous l’avons fait pour quatre métiers. Le but est de faire émerger des propositions, des solutions et des évolutions de politiques.

V. Les difficultés rencontrées

Nous avons des objectifs de simplification de la gestion administrative imposés par la loi, sous le nom de mission de modernisation des tâches administratives. La première difficulté est donc que ce système de gestion prévisionnelle ne soit pas vécu comme un alourdissement de ces tâches. Nous avons donc fait en sorte de ne pas trop technocratiser le contrôle de gestion dont le cœur est le dialogue de chef à chef sur la base d’objectifs clairement identifiés et définis en commun.

Avoir un horizon à cinq ans fait aussi partie des difficultés. D’une année sur l’autre, nous affinons nos propres hypothèses, mais plus l’horizon est lointain, moins les hypothèses sont précises.

Plus qu’une difficulté, la loi organique relative aux lois de finances est une nouveauté qui a, pour nous, trois conséquences majeures :

-premièrement, elle pose sous un jour nouveau le problème de la coordination et de la synthèse des politiques des ressources humaines par mission et programme.

-deuxièmement, elle aura certainement des conséquences sur notre système de formation

-troisièmement, étant donné la profonde réorganisation qu’elle va engendrer, nous devons faire en sorte que notre personnel ne perde pas ses repères.

Le système de contrôle de gestion commence donc à vivre. Dès qu’il y a un problème, il y une réaction du terrain, le contrôle n’est donc pas uniquement central. De surcroît, plus aucun acte de gestion n’est commis sans avoir présent à l’esprit l’aspect prévisionnel des effectifs et des métiers.

VI. Un ensemble solide et bénéfique

Notre environnement est donc bien posé, le rôle des deux interlocuteurs est bien défini, nous disposons d’objectifs sur un horizon à cinq ans et d’outils de gestion prévisionnelle qui nous permettent notamment une bonne réorientation du personnel et de la formation. Nous avons su mettre en œuvre une déconcentration (nos cinq régions jouent un rôle majeur), assortie d’une forte communication interne, car notre intérêt est de communiquer.

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Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005

Benoît CHEVAUCHEZ

Ce témoignage du général montre que le contrôle de gestion n’est pas simplement une affaire technocratique mais aussi une question de communication et de management dans lequel les éléments humains sont centraux. Chaque fois que j’écoute quelqu’un du monde militaire parler de gestion, je me dis que ce domaine est pionnier dans le pilotage des grandes organisations.

Pascal Bolot sera notre deuxième témoin. Il vient lui aussi du monde militaire puisqu’il y a commencé sa carrière il y a une dizaine d’années. Il a rejoint depuis quelques temps la carrière préfectorale où il a occupé des postes opérationnels. Il va nous apporter son témoignage sur la globalisation des crédits de fonctionnement en préfecture. Les miracles auxquels cela a conduit sont souvent cités et il va maintenant nous en expliquer les contours.

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Un service déconcentré – le contrôle de gestion d’une préfecture dont les crédits ont été globalisés

Pascal BOLOT Secrétaire général de la préfecture d’Eure-et-Loir

Je vais vous rendre compte de l’expérience menée depuis plus de dix-huit mois dans la préfecture d’Eure-et-Loir.

I. Le contexte de l’expérience de globalisation

1. La mise en place du dispositif

Elle vient de l’initiative de deux ministères. Il a été décidé il y a un peu plus de trois ans de mettre en place un dispositif de globalisation des crédits. Quatre préfectures étaient concernées au départ puis le système s’est étendu à une dizaine d’autres préfectures dont l’Eure-et-Loir. Enfin, en 2002, quatre autres préfectures ont adopté ce dispositif. Ce sont donc dix-huit préfectures qui sont actuellement concernées. A terme, si l’expérience est généralisée, elle concernerait trente mille agents pour un budget de 1,6 milliard de francs.

2. Les buts recherchés

L’objectif n’était pas l’application de la loi organique relative aux lois de finances, sortie par la suite, mais l’amélioration de l’efficacité des dépenses publiques (tout en mesurant la performance) et la qualité du service rendu à l’usager.

3. Les moyens mis en œuvre

Il s’agissait de confier au préfet des tâches managériales nouvelles, ce qui devait amener plusieurs bénéfices :

• une affectation plus fine des ressources aux différentes missions afin de dégager des marges financières Celles-ci sont alors affectées aux missions qui, après analyse, s’avèrent avoir de gros besoins financiers.

• le développement de la gestion prévisionnelle des ressources humaines Le budget des rémunérations a été transféré à la préfecture. Nous devons donc avoir en permanence un coût prévisionnel, pour pouvoir évaluer le coût global de nos agents en fonction des départs, des arrivées, des promotions et des changements d’échelons. Une fois les agents payés, nous confrontons leur coût réel avec le coût prévisionnel. En terme managérial, cela amène à se demander si la structure de notre organisation et notre ventilation en fonction des catégories A, B ou C sont optimales ou non. Cette marge de manœuvre est encadrée par deux plafonds que j’évoquerai tout à l’heure.

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• le développement de la gestion prévisionnelle des investissements Notre ressource est amortie et garantie sur trois ans. Il est donc plus facile de mettre en œuvre des programmes pluriannuels. Les domaines de l’immobilier et de l’informatique sont particulièrement concernés. Les achats d’équipements sont plus facilement programmés et accélérés.

• L’importance du dialogue social local Il n’est plus seulement fondé sur les doublons ou sur la reconstitution des effectifs. L’autonomie de gestion permet d’entamer un dialogue sur la structure des effectifs et sa composition en fonction des missions à accomplir. Nous ne remplaçons plus systématiquement deux cadres A par deux cadres A si ce n’est pas pertinent.

Cette expérience s’est faite à droit constant. Il n’y a pas eu de globalisation statutaire mais juste une globalisation financière. Cette liberté de gestion a eu pour effet l’arrivée en interne d’outils de contrôle de gestion et de comptabilité analytique. Le développement de ces outils a été mené en étroite collaboration avec l’administration centrale.

II. Les principes de l’expérimentation

1. Le périmètre

Il nous est délégué ce qui l’était déjà avant la globalisation des crédits : les crédits de fonctionnement et les reports de l’année précédente qui continuent de nous être réaffectés selon la procédure ancienne.

Ce qui est nouveau, c’est la délégation de l’ensemble des crédits de prestations, de rémunérations et de cotisations sociales et ce depuis le 31 mars 2000. Enfin, le programme des équipements n’est plus négocié avec le préfet de région année après année mais il est fixé par rapport à notre surface de bâtiments à 20 francs par mètre carré.

2. Les évolutions de crédits

L’enveloppe annuelle de crédits s’élève à 8,34 millions d’euros. Elle est garantie pour trois ans et est augmentée de 0,3 % chaque année, ce qui est peu et nous contraint à gagner une productivité de 0,5 % par an. Cependant, le montant de cette enveloppe varie de fait en fonction des amendements votés qui ont une influence sur le coût des agents. Lorsque l’indice des fonctionnaires augmente, la préfecture le répercute immédiatement sur les salaires. Un décret de virement vient alors compenser cette avance pour que cela soit plus équitable.

Avant, la marge de gestion du préfet portait sur 25 % de l’enveloppe des crédits de fonctionnement. Actuellement, le préfet a le pouvoir de disposer, en théorie mais aussi en pratique, de la totalité de ces crédits.

3. L’utilisation des crédits

Il y a deux types de crédits : les crédits de fonctionnement et les crédits de rémunérations. Les premiers s’élèvent, pour la préfecture d’Eure-et-Loir, à environ 13 millions de francs et les seconds à environ 41 millions de francs. A l’intérieur de ces deux enveloppes, les mouvements de crédits sont totalement libres. De plus, l’affectation des crédits peut être modifiée en cours d’exercice :

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nous pouvons donc faire glisser de façon symétrique des crédits de rémunérations vers ceux de fonctionnement et vice-versa. Aucune des dix-huit préfectures n’a pour le moment fait glisser des crédits de fonctionnement vers ceux de rémunérations.

Ces crédits sont fongibles. Il y a cependant une dizaine de contrôleurs financiers par région qui veillent à ce que deux plafonds soient respectés :

• le plafond d’emplois qui est négocié à l’avance en équivalent temps plein, c’est-à-dire que c’est le temps de travail payé qui est comptabilisé et non le nombre d’agents, naturellement plus élevé ;

• le plafond de masse indiciaire, calculé par rapport à la composition de l’effectif en mars 2000, juste avant le début de l’expérimentation.

Nous avons la liberté de modifier la structure salariale, donc de remplacer des agents d’une catégorie par ceux d’une autre catégorie. Si nous remplaçons des agents de catégorie C par des agents de catégorie A, nous pouvons rester au-dessous du plafond d’emploi. En revanche, il est possible que nous dépassions le plafond indiciaire.

La gestion des effectifs est donc beaucoup plus motivante. Nous pouvons maintenant prendre de manière décentralisée bon nombre de décisions auparavant prises à Paris.

III. La mise en place d’un suivi analytique et d’un dispositif de contrôle de gestion

1. L’apport indéniable de ces outils

Il a été nécessaire de mettre en place ces deux outils pour favoriser une remontée d’informations sur la gestion des effectifs et sur les performances de la préfecture en fonction des sept missions qui lui sont attribuées. Le management de l’organisation a donc pu être optimisé. Je retiendrai principalement les trois améliorations suivantes.

Premièrement, nous pouvons désormais suivre l’évolution des coûts des différentes missions et fonctions logistiques.

Deuxièmement, nous disposons d’outils de comparaison avec d’autres préfectures. Cela permet de dédramatiser un certain nombre de questions que nous nous posions. Par exemple, nous comparons le temps de délivrance d’une carte grise de notre préfecture avec celui d’autres préfectures qui font partie de la même strate, c’est-à-dire qui administrent un nombre voisin d’habitants. Nous voyons alors où nous nous situons par rapport à la moyenne ou par rapport à la médiane. Cela amène une certaine émulation et permet de mieux localiser les problèmes.

Troisièmement, nous instaurons un dialogue de gestion avec l’administration centrale. C’est une contrepartie évidente : celle-ci souhaite connaître l’évolution de notre organisation et une sorte de feuille de route est établie. L’administration centrale fixe des objectifs et la préfecture lui demande de l’aide dans plusieurs domaines, méthodologique, informatique ou autre.

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2. Les outils qui servent à l’accomplissement des missions

Pour parvenir à accomplir les sept missions qui nous ont été fixées, nous avons mis en place six fonctions logistiques. D’autres outils nous aident à mener à bien nos missions.

a. L’imputation analytique

Elle en est encore à son commencement. Nous disposons d’un logiciel applicatif qui nous permet de ventiler les coûts de fonctionnement et de rémunération en fonction des missions et des différentes fonctions logistiques. Le principe retenu est celui des coûts directs, c’est-à-dire que nous raccrochons la dépense à telle mission ou à telle fonction.

Pour le moment, son efficacité est limitée car l’outil n’est pas encore suffisamment performant pour en tirer des enseignements. Le recours à la méthode des coûts complets est envisagé mais, avant, il conviendra de savoir ce que nous en ferons précisément. Avec la méthode actuelle, la rémunération d’un préfet est affectée entièrement au coût de la représentation de l’Etat. Pourtant, le préfet fait bien d’autres choses… Il faudrait pouvoir réaffecter sur les six autres missions possibles le coût effectif provenant de la rémunération du préfet.

b. Le contrôle de gestion

Il comporte 82 indicateurs qui permettent de rendre compte des performances de la préfecture par rapport à ses différentes missions. Ils mesurent également l’efficience de la consommation de certains crédits ou la qualité des services rendus.

IV. Une réussite qui n’est pas sans interrogations

A l’heure actuelle, dix-huit préfectures sont globalisées. Le jour où cent préfectures le seront, est-ce que les garanties apportées aux nouvelles préfectures seront les mêmes qu’aujourd’hui ? Est-ce que les plafonds actuels pourront être maintenus pour que nous puissions continuer à dégager des marges de manœuvre financières réaffectées en interne ?

En matière de gestion des effectifs, sera-t-il possible de généraliser l’expérience de globalisation ? Imaginons que tous les préfets décident, une année donnée, de ne recruter aucun cadre A. Que fait l’administration centrale des cinquante quatre cadres A qui sortent des Ira ? Les affecte-t-elle d’office, en contradiction avec la liberté de gestion ?

Un certain nombre de questions sont donc posées et n’ont pas encore trouvé de réponse à ce stade.

Benoît CHEVAUCHEZ

Nous allons maintenant entendre le témoignage de Noëlle Biron. Elle a commencé sa carrière dans le secteur privé avant de diriger le service contrôle de gestion du CHU de Strasbourg.

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Un dispositif de contrôle de gestion orienté vers la mesure du résultat et la comptabilité par activité

Noëlle BIRON Directrice du contrôle de gestion et de la contractualisation interne

Centre hospitalier régional universitaire de Strasbourg

I. Généralités sur le Centre hospitalier universitaire de Strasbourg

1. Ses missions

Les missions essentielles du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Strasbourg sont le soin, l’enseignement et la recherche. Cet établissement est réparti sur cinq sites tous situés dans l’agglomération strasbourgeoise. Nous disposons de 75 services médicaux, ce qui représente 2 536 lits. L’hôpital a un lien indirect avec le ministère par le biais des Drass et des Ddass et également de l’agence régionale d’hospitalisation. Le directeur général est également en contact avec les caisses d’assurance maladie et les mutuelles.

2. Son organisation

Notre organisation s’appuie sur un schéma tout à fait classique avec un conseil d’administration, une commission médicale d’établissement, un comité technique, etc. Le budget de l’établissement s’élève à 3,382 milliards de francs et 235 millions de francs d’investissement pour l’année 2001. Au niveau de la répartition des dépenses d’exploitation, une très grosse part provient des dépenses de personnel : 65 % contre 23 % pour les dépenses pharmaceutiques.

3. L’indice ISA, un indice de mesure fondamental

Les recettes nous proviennent essentiellement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) mais aussi de produits de l’activité hospitalière ainsi que de recettes subsidiaires. La DGF nous est attribuée sur la base de critères.

Le plus important est l’Indice synthétique d’activité (ISA), calculé à partir du programme de médicalisation des systèmes d’information. En fait, quand un malade entre dans l’établissement, sa prise en charge donne lieu à un séjour. Au cours du séjour du malade, toutes les informations concernant le patient sont stockées, que ce soit le diagnostic ou les actes dus à sa prise en charge. A sa sortie, le séjour est classé dans un groupe homogène de malades : il y a six cents groupes différents correspondant à une répartition de toutes les prises en charge possibles.

A chaque groupe correspond un nombre de points ISA qui reflète la lourdeur de la prise en charge de la pathologie. Par exemple, une méningite virale vaut 1 075 points alors qu’une transplantation cardiaque en vaut 27 000. De cette façon, nous mesurons la production d’un établissement en nombre de points. Celui-ci va ensuite être mis en rapport avec le montant des dépenses de l’établissement. Nous calculons alors le coût unitaire du point ISA d’un hôpital. Il s’agit de l’indicateur majeur pour affecter les budgets. Le même calcul est fait au niveau de tous les établissements nationaux, ce qui va donner lieu à un classement. Trois groupes d’hôpitaux sont

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alors distingués : les sous-dotés, avec un coût du point ISA inférieur à ceux de la région, les normo dotés et les sur dotés.

La logique de cette démarche est de fixer deux objectifs : mettre en rapport l’activité et le budget et réduire le déséquilibre entre les différents établissements.

Je ferai ensuite un point sur l’activité soin. Il y a eu plus de 568 000 hospitalisations en l’an 2000 pour une durée moyenne de séjour de 7,69 jours.

II. Le contexte du contrôle de gestion dans le CHU de Strasbourg

1. La mise en place

Sa mise en place remonte aux années 1996 et 1997. Nous étions un établissement sur doté, comme la plupart des CHU, avec des difficultés de budget, et nous avions un projet de restructuration très ambitieux. Le but était d’optimiser les ressources pour offrir des prestations de qualité à tous les niveaux hospitaliers. La direction générale a alors mené une réflexion stratégique et a éprouvé le besoin de se doter d’un outil d’aide à la décision : le contrôle de gestion a alors été créé.

2. Le lien entre contractualisation interne et contrôle de gestion

C’est la contractualisation interne qui a permis d’accélérer la mise en place du contrôle de gestion. Elle fixe deux objectifs : améliorer la qualité du service rendu et optimiser l’utilisation des ressources. Nous retrouvons donc les mêmes préoccupations que précédemment. Pour cela, il faut adapter la gestion aux nouvelles contraintes, c’est-à-dire négocier en interne les objectifs sur la qualité des soins et sur l’activité médicale. Il faut aussi responsabiliser les acteurs de l’établissement en associant les équipes à la gestion et en déconcentrant les procédures internes.

III. Les contrats de première génération

1. Les modalités de leur mise en place

Pour mettre en place en 1996 le contrôle de gestion, nous avons transformé une direction préexistante qui avait essentiellement pour objectif de faire des statistiques d’activités et du suivi des dépenses. Sa mission a été de développer les outils de contrôle de gestion et de mettre en place la contractualisation interne. Pour cela, nous avons décidé d’utiliser les outils déjà existants, à savoir les tableaux de bord de la comptabilité des dépenses ainsi que la comptabilité analytique de l’établissement. Nous avons appelé cela le contrat de première génération.

Au niveau des services, le contrat fixait des objectifs budgétaires, comme réduire la durée des séjours ou augmenter les recettes subsidiaires, et quelques objectifs de qualité, comme sécuriser les procédures dans certains secteurs ou améliorer les délais. Un intéressement collectif était lié à la tenue des engagements.

2. Des résultats qui ne sont pas à la hauteur des espérances

Entre 1997 et 1999, nous avons signé quinze contrats de la sorte d’une durée de trois ans. Les services médicaux, médico-techniques et administratifs étaient concernés. Un premier bilan a été

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dressé à la fin de l’année 1999. Parmi les points positifs, cette démarche nous a permis de développer un dialogue très riche avec les différents services et notamment d’avoir un langage commun autour d’activités médicales, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cependant, nous n’avons pas réussi à faire d’économies.

3. L’analyse de l’échec

Nous avons alors dégagé les deux causes principales de cet échec :

-d’une part, nous avions utilisé des indicateurs purement comptables qui donnent une très mauvaise visibilité de l’activité des services. Quand vous présentez à un service des tableaux de bord construits sur la base de la comptabilité analytique, il y de très fortes chances que l’on vous dise que vos chiffres sont faux. Le dialogue est alors difficile à engager.

-d’autre part, le niveau de formation des équipes à la gestion était très nettement insuffisant. Dans ce contexte, l’implication des agents est compromise, ce qui remet en cause tous les efforts déployés.

Nous avons donc travaillé sur l’amélioration de la connaissance des activités et des coûts afin de pouvoir réellement agir sur la performance ainsi que sur la mise en place des actions de formation à la gestion.

4. Les réponses apportées à cet échec

Nous avons élaboré en interne une formation qui fonctionne en deux temps. Il est mieux que ce soit un médecin, plutôt qu’un administratif, qui explique la gestion à un autre médecin. Nous formons donc chaque année un petit groupe de médecins aux outils de gestion de l’hôpital, en interne, en 61 heures réparties sur 12 mois. Cette formation est complétée par un séminaire de 3 jours où un professeur spécialisé du contrôle de gestion et de la comptabilité par activité intervient.

Dans un second temps, ces médecins vont former leurs collègues, sur la base du volontariat, grâce à 5 séances de 2 heures réparties sur 5 semaines. Un contrôleur de gestion est aussi présent de façon à pouvoir répondre à des questions plus spécifiques. Nous avons ainsi formé 20 services de soins et aujourd’hui, il y a une liste d’attente car la demande est supérieure à l’offre.

Pour ce qui est de l’amélioration de la connaissance des activités et des coûts, nous avons choisi un outil, la comptabilité par activité. Notre comptabilité analytique reflétait en effet très mal le coût des activités, car le fondement du système était biaisé : les activités simples étaient surévaluées et les activités complexes sous-évaluées. La comptabilité par activité n’est pas un outil de financiers. Cela nous a permis de mieux impliquer nos équipes opérationnelles au lieu de simplement les sensibiliser.

De plus, cette méthode utilise une approche processus très concrète, ce qui nous permettra de ne plus simplement nous poser la question “ combien ? ” mais aussi la question “ comment ? ”. Nous avons grâce à cela pu nous recentrer sur l’efficacité et sur l’efficience, c’est-à-dire la performance. Auparavant, nous pouvions mesurer assez bien l’efficience mais pas du tout l’efficacité, ce qui peut sembler dangereux pour un établissement de soins.

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IV. Les contrats de seconde génération

1. Le principe de comptabilité par activité

Traiter les problèmes liés au contrat de première génération nous a amenés à établir des contrats de seconde génération. Ce sont des contrats d’étude visant à améliorer la connaissance des activités et des coûts. L’outil utilisé, la comptabilité par activité, a permis une approche processus. Cette étape transitoire nous permet d’aller vers un troisième type de contrat qui, lui, fixera des objectifs et des moyens plus précis. Ces contrats ont été signés dans 25 services. La direction du contrôle de gestion est aussi devenue direction de la contractualisation interne, ce qui prouve la volonté très forte de la direction générale d’affirmer l’importance de cette démarche.

2. Quelques exemples pratiques de l’application du contrôle de gestion

Par exemple, pour le service de stérilisation centrale, notre démarche a permis de calculer le coût de stérilisation de chaque dispositif médical. Grâce à cela, nous pouvons accepter ou refuser des demandes de sous-traitance venues d’établissements extérieurs et mettre en place une facturation pertinente car faite sur mesure.

Dans le service pharmaceutique, nous avons travaillé sur le coût de gestion des essais cliniques. C’est le nom donné aux essais qui se pratiquent dans un établissement quand un laboratoire est en phase terminale de découverte d’une molécule. Nous avons déterminé un prix de revient selon le type d’essai clinique, ce qui nous a permis d’adapter la facturation et de dégager des recettes supplémentaires. Celles-ci ont été réaffectés à un poste dédié à cette activité propre.

Dans le laboratoire de biologie, nous avons déterminé la répartition des ressources selon les différents types d’activité : les activités techniques, administratives, le support logistique, la recherche et les activités de diagnostic. En fait, l’activité administrative revient à gérer le service, communiquer, classer et archiver, gérer l’actualité et traiter le courrier. Les professionnels jugeaient la rubrique “ classer et archiver ” beaucoup trop importante et pensaient qu’une erreur s’était glissée. Cependant, comme il s’agit d’une démarche participative, ce sont leurs propres chiffres qui sont repris…En fait, le problème était bien réel : dans le laboratoire, tout le monde classait les documents et avait du mal à les retrouver. Ils traitaient pourtant des cancers, maladie pour laquelle les archives d’échantillons et de résultats sont obligatoires. Le système d’archivage était donc très important. Nous avons alors mis en évidence des activités doublons et avons réorganisé cette fonction archivage, ce qui a été source de performance.

De nombreux autres exemples pratiques pourraient être pris pour montrer tous les fruits récoltés grâce à la mise en place des systèmes de contrôle de gestion. Ainsi, dans le service d’anatomie pathologique, nous avons revu la méthode de facturation des examens, ce qui nous a permis de répondre à des appels d’offres extérieurs et de réaffecter une partie des recettes dégagées vers les fonctionnaires du service.

Concernant l’analyse des processus, nous avions étudié celui de la prise en charge des patients dans le traitement chirurgical du cancer, étude faite à la demande des acteurs. Une mauvaise réponse aux besoins des patients a ainsi pu être mise en évidence. Nous avons donc travaillé sur l’efficacité de la prise en charge. Les attitudes de travail ont été modifiées et les affectations de ressources changées. L’analyse découle d’une reconstitution du chemin du patient à l’intérieur de l’hôpital entre son arrivée et son départ. Nous mettons alors en évidence des zones de non qualité perçues par les clients.

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Le dernier exemple concerne le service de chirurgie infantile. Nous avons calculé le coût des activités et des process. Un écart de 40 à 50 % a alors été constaté entre le coût calculé par la comptabilité analytique traditionnelle et le coût calculé par activités. A partir de cela, nous avons engagé un dialogue avec la tutelle pour attirer leur attention sur les méfaits de l’utilisation de certains outils classiques.

V. Les moyens du contrôle de gestion

1. Le personnel

Notre équipe de contrôle de gestion est constituée de huit personnes, à savoir une secrétaire, deux adjoints dont un est compétent dans le domaine informatique, quatre contrôleurs de gestion contractuels de niveau bac + 5 et moi-même. Nous avons également un recours massif à des étudiants stagiaires qui nous viennent en grande partie d’écoles de commerce.

2. Les outils informatiques

Au niveau informatique, nous utilisons essentiellement des outils bureautiques. Nous développons nous-mêmes des applications spécifiques par rapport à nos besoins. Les compétences de notre équipe à la fois en informatique et en contrôle de gestion doivent donc être très fortes. Cela reste un système parallèle qui n’est pas intégré au système central de l’établissement. Nous sommes en cours d’acquisition d’un logiciel de comptabilité par activités qui serait cette fois intégré au système central.

3. L’utilisation des ressources

Nous utilisons 10 % de nos ressources pour notre plan informatique. C’est le suivi d’activités et des dépenses qui représente le plus gros poste, avec 30 % des ressources. Chaque mise en place d’une comptabilité par activité dans un service médico-technique coûte 20 000 euros et dure six mois. La mesure de performance d’un process coûte 6 000 euros et dure deux mois.

VI. Le changement de mentalité vis-à-vis du contrôle de gestion

Le contrôle de gestion est donc bien un outil d’aide à la décision dirigé vers la direction générale mais aussi vers les acteurs de l’hôpital. Il est fortement accès sur la performance des prestations, c’est-à-dire sur leur efficacité et leur efficience. Il est fondé sur une notion de partage, que ce soit au niveau du travail, des connaissances, des analyses ou de leurs conséquences. La fonction, transversale, doit trouver sa place dans une organisation structurée de manière verticale. Notre positionnement n’est donc pas évident et nous nous trouvons parfois à la frontière de certaines directions, notamment celle de la qualité.

Actuellement, notre contrôle de gestion répond à une demande forte des acteurs de l’hôpital en matière de transparence. Nous assistons à un réel renversement de tendance : nous ne sommes plus contraints à aller demander des volontaires, ce sont les acteurs de l’hôpital qui viennent à nous…

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Questions et débat

Jean-Pierre LACROIX, préfet de la région Centre

A propos de l’expérience de globalisation des crédits de fonctionnement en préfecture, j’aimerais signaler que les conditions de cette expérience ne sont déjà plus complètement réunies. Par exemple, il est vrai que nous perdons chaque année un pourcentage donné de nos agents et le ministère de l’Economie et des Finances a décidé de récupérer la moitié du taux de vacances frictionnelles.

Je ne reviendrai pas sur la fongibilité asymétrique car c’est la loi et cela ne peut donc être discuté. Sachez simplement que cette expérience s’est construite sans fongibilité asymétrique. La durée de l’octroi des crédits est théoriquement de trois ans. Actuellement, pour les nouvelles expériences menées, cette durée a été ramenée à un an.

Ces expériences sont passionnantes et j’apprécie beaucoup le dialogue de gestion qui est un échange très créateur. Il faut cependant faire attention car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Il ne faut pas que l’expérience soit handicapée par des réflexes élémentaires d’encadrement plus lourd. Si nous sommes démobilisés, nous pourrions alors nous laisser aller et dépenser notre budget alloué à l’année au centime près. Cette démarche est donc passionnante mais il faut prendre garde à ne pas décourager les éventuels expérimentateurs.

Yves MISSAIRE, secrétaire général CFTC

A propos de l’expérience menée sur la globalisation des crédits, j’aimerais connaître les difficultés rencontrées en matière statutaire. La gestion des carrières qui se substitue à la gestion des emplois représente-t-elle des difficultés ?

J’aimerais également savoir comment vous gérez la mobilité des personnels entre les préfectures qui pratiquent la globalisation et celles qui ne la pratiquent pas.

Pascal BOLOT

Cette expérience a été menée à droit constant. Les postes vacants sont réapprovisionnés en fonction des demandes de mutation, des demandes de détachement et des recrutements des fonctionnaires sortant de l’école. Grâce à la gestion prévisionnelle des effectifs, nous sommes capables de déterminer de quels types de postes nous avons besoin pour la période N+1. L’administration centrale, avec l’aide des représentants du personnel au niveau national, fait en sorte de répondre à ces besoins.

Jusqu’à maintenant, l’administration répondait positivement aux demandes des préfectures globalisées. Evidemment, si aucun fonctionnaire ne veut venir travailler en Eure-et-Loir, qui ne fait pas partie des départements les plus attractifs, nous n’allons forcer personne. Nous ferons alors appel aux détachements de fonctionnaires d’entreprises parapubliques. Il n’y a donc pas de contraintes supplémentaires.

Il est néanmoins évident que, si l’expérience est généralisée, le management global des effectifs posera problème. Nous serons alors dans une logique de bourse à l’emploi qui serait régularisée. Il

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faudrait nous mettre d’accord avec les organisations syndicales pour un certain nombre de mouvements, mais ce serait l’enveloppe de ces mouvements qui serait négociée et non pas les noms des fonctionnaires. C’est une des pistes pour que l’expérience soit généralisable. Il est certain que cette généralisation posera plus de problèmes à l’administration centrale qu’à l’administration déconcentrée.

Jean-Marie POIROT, UNSA

L’exposé de Noëlle Biron, bien que très brillant, ne m’a pas permis de cerner le rôle de l’agent comptable, à moins qu’il ne joue aucun rôle dans la gestion.

Noëlle BIRON

Nous n’avons pas de relation avec le comptable public. Celui-ci intervient au niveau de la gestion des dépenses en tant qu’ordonnateur. Nous, nous travaillons en interne sur la gestion des ressources à l’intérieur de l’établissement.

Kim PHAM, Centre national de la cinématographie

Je m’interroge sur la difficulté de la définition des objectifs publics. Il existe non seulement des objectifs non quantifiables mais aussi des objectifs qui, bien que quantifiables, ne sont atteints que partiellement grâce à l’action de l’administration, celle-ci n’ayant eu qu’à faciliter le rôle des acteurs privés.

Par exemple, comment peut-on juger de la qualité du service de contrôle de la légalité ? Est-ce par exemple le nombre de déférés devant le tribunal administratif qui compte ? Si tel était le cas, nous pourrions l’accuser de mal avoir joué son rôle de prévention…

En ce qui concerne les objectifs quantifiables mais où les opérateurs privés interviennent pour partie, les agents d’un service accepteront-ils d’être jugés sur le résultat d’une action collective ? C’est souvent le cas pour bon nombre d’actions culturelles telles que le nombre de courts métrages diffusés…

Benoît CHEVAUCHEZ

Je vous propose que votre réflexion soit la conclusion de ce débat. Je vais passer la parole à Marie-Hélène Granier-Fauquert.

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Les orientations pour le développement du contrôle de gestion : les plans triennaux de

développement et de généralisation

Marie-Hélène GRANIER-FAUQUERT Chef de l’équipe projet pour la mise en œuvre de la LOLF

Direction du Budget

Tout d’abord, je vous livrerai la lecture du ministère des Finances sur la mise en cohérence entre la réforme budgétaire et le contrôle de gestion. Ensuite, je vous présenterai les perspectives envisagées collectivement pour un développement opérationnel du contrôle de gestion dans les années à venir. Enfin, j’évoquerai la dynamique des changements en cours.

I. La mise en cohérence entre la réforme budgétaire et le contrôle de gestion

1. Les effets du vote de la loi organique

La loi organique a été votée il y a bientôt un an, le 1er août 2001. Il faut s’attendre à ce qu’elle bouscule nos modes de travail ainsi que nos comportements collectifs et individuels. Cette loi a trois ambitions principales :

• redonner du pouvoir de contrôle au Parlement par l’amélioration de la transparence des informations budgétaires ;

• favoriser un meilleur cadre de débat sur les orientations des finances publiques ; • rénover la gestion des finances publiques.

Ces trois objectifs doivent être atteints selon un calendrier fixé par la loi et qui s’étale de 2001 à 2006. Le premier acte notoire de cette réforme budgétaire est que nous devons établir une première version du nouveau budget redynamisé, restructuré et reconfiguré dès l’année 2005. Il nous reste donc peu de temps pour être à pied d’œuvre et faire progresser l’ensemble des éléments d’information dont nous avons besoin.

2. Le rôle du contrôle de gestion

Ce matin, c’est bien évidemment le cadre de la gestion publique rénovée qui nous intéresse principalement. C’est le point de recoupement entre la mise en œuvre du contrôle budgétaire et la dynamique du contrôle de gestion.

En effet le contrôle de gestion donne de la visibilité aux responsables pour mieux connaître leurs objectifs et mieux conduire leur action dans le cadre de cette rénovation de la gestion publique que la LOLF nous propose. Cette visibilité est importante aussi bien pour le citoyen (du côté de la mise en œuvre des politiques publiques) que pour l’usager (qualité du service rendu) et qu’enfin pour la collectivité en général (optimisation de l’utilisation des moyens). Nous passons d’une logique de

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maximisation du volume des moyens à celle d’une meilleure utilisation des ressources dont nous disposons. Nous devons collectivement entrer dans cette démarche. Cela nécessite notamment des responsables plus clairs sur leurs attentes vis-à-vis de leurs équipes ainsi qu’un enrichissement du dialogue sur les améliorations à apporter en termes d’organisation des tâches et de besoins d’information.

Ces préoccupations correspondent donc aussi aux objectifs fixés par le Parlement en 2001, à savoir la recherche d’une plus grande efficacité des actions de l’Etat et une liberté de gestion accrue pour les responsables. En contrepartie de responsabilités et plus de liberté, le gestionnaire doit rendre compte de ses résultats.

3. Réussir à articuler le cadre de gestion et le cadre budgétaire

Une plus grande efficacité de la mise en œuvre des politiques publiques passe par une définition des programmes et par une restructuration profonde des budgets. Chacun des programmes correspondra à une politique publique et à un centre de responsabilité. L’approche des politiques publiques doit être articulée avec les modes d’administration et de gestion du terrain et de l’administration centrale. Il faut donc arriver à articuler le cadre budgétaire et le cadre de gestion, sous peine de ne pas rénover nos modes de gestion publique et de ne pas atteindre les objectifs fixés par le Parlement.

Bien évidemment, la liberté de gestion des services doit être déconcentrée. Nous essayons donc de lever le carcan des chapitres budgétaires pour avoir des enveloppes de crédits beaucoup plus larges et permettre aux gestionnaires d’exercer un réel pouvoir d’arbitrage sur l’utilisation de leurs moyens. Cette démarche est progressive et se fera sur de nombreuses années.

II. Les perspectives de développement opérationnel du contrôle de gestion

1. Le schéma de contrôle de gestion

Je vais faire la synthèse des travaux que nous avons menés avec la DIRE depuis plusieurs années. Nous nous sommes aperçu que les dispositifs de contrôle de gestion des différents services étaient assez incomplets, manquaient de cohérence et étaient relativement peu utilisés pour améliorer le fonctionnement des services et réfléchir à une meilleure allocation des moyens. Nous animons des réseaux de contrôleurs de gestion grâce auxquels nous avons établi un schéma de contrôle de gestion, conduit une réflexion sur son développement pour la période 2002/ 2004 et établi quelques éléments de synthèse sur ce développement.

Voici le schéma auxquels nous sommes parvenus et qui présente quelques étapes à franchir :

• identifier les secteurs d’activités homogènes, ce qui rejoint notre préoccupation de la réforme budgétaire ;

• mettre en évidence les points sur lesquels le contrôle doit porter ; • trouver des indicateurs pertinents et fiables dans le temps ; • travailler à l’élaboration d’objectifs et de programmes d’action permettant de réfléchir à

l’emploi optimum des moyens.

Ces étapes ne peuvent être franchies qu’avec des systèmes de mesure et d’information cohérents, couvrant la totalité du secteur d’activité et permettant de quantifier les résultats. Ceux-ci sont

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analysés et participent à la décision de gestion. On en vient alors à l’étape d’élaboration des objectifs, puisque ceux-ci doivent être établis en fonction des résultats obtenus.

Ce schéma a donné lieu à un guide d’autoévaluation proposé aux ministères durant l’année 2000. Il a été élaboré en collaboration avec des universitaires français et étrangers.

2. Les plans ministériels de développement et de généralisation du contrôle de gestion

Ces plans ont été réalisés par les ministères au cours de l’année dernière. Ils appliquent une démarche d’autoévaluation sur une période s’échelonnant de 2002 à 2004. Ils doivent maintenant faire l’objet d’une large diffusion auprès de tous les ministères tant au niveau des directions centrales que des services déconcentrés.

Ils proposent une démarche logique partant d’un état des lieux et évoluant vers un plan d’action. Les services concernés doivent déterminer les principaux dispositifs visés, les principales actions nécessaires pour atteindre l’objectif, ainsi l’accompagnement en termes de communication, de formation et de documentation professionnelle.

3. Quelle synthèse pouvons-nous tirer de la lecture de ces plans ?

a. Des points à améliorer

Une chose fondamentale a été l’acquis représenté par le schéma de contrôle de gestion que je vous ai livré tout à l’heure: ce schéma a été partagé et retenu par tous.

Le deuxième élément de synthèse est le changement de culture qui doit avoir lieu. Il doit passer par l’appropriation de compétences qui sont encore assez rares dans les services mais se développent assez largement et par la mise en place d’outils de mesure des résultats et de systèmes d’information.

Trois autres points essentiels doivent être améliorés :

• les objectifs intermédiaires utilisables pour le pilotage des services Une finalité d’intérêt public ne peut pas être un objectif opératoire pour un service. Par exemple, l’insertion des jeunes en difficulté peut être une finalité d’intérêt public, mais pas un objectif opératoire à atteindre pour un service. Ces finalités générales, bien souvent des orientations de politiques gouvernementales, doivent donc être déclinées en objectifs ayant un sens opérationnel pour chaque service. Ces objectifs intermédiaires ne sont pas encore suffisamment fixés et explorés.

• les systèmes de mesure Ils doivent être beaucoup plus souvent utilisés dans la mesure de la performance. De plus, ils sont trop rarement connectés les uns aux autres. Il faut qu’ils soient articulés de manière stratégique en fonction des objectifs à suivre.

• le dialogue de gestion Il doit se développer, que ce soit entre les administrations centrales et les services déconcentrés ou avec les grands opérateurs externes. Dans bon nombre de ministères en effet, les établissements publics sont des opérateurs externes, tant pour la mise en œuvre des politiques

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que pour la gestion de leur trésorerie. Ce dialogue de gestion doit notamment servir à améliorer dans le temps le mode de travail.

b. Des progrès constatés

Pour rester optimiste, j’aimerais souligner les réels efforts de développement des outils de mesure ces deux ou trois dernières années, en particulier pour l’emploi des ressources. Des progrès ont également été constatés sur la méthode d’analyse et de pilotage des projets et une méthode visant à une meilleure approche des fonctions transversales a été mise au point. Cela concerne les fonctions logistiques, immobilières et informatiques. Nous nous rendons compte combien le pilotage de la gestion est une affaire spécifique à chaque ministère, par rapport à ses objectifs et à ses politiques publiques. Nous ne pouvons donc que proposer des outils à partager et des mutualisations d’expériences. Au-delà, chacun doit mener à bien son affaire selon ses objectifs politiques.

4. Les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de ces plans

D’abord, je soulignerai le dynamisme dont ont fait preuve tous les ministères dans la phase d’élaboration. Les axes de développement choisis sont très hétérogènes. Ce n’est pas étonnant puisque chacun réagit selon ses propres objectifs. Ces plans sont destinés à compléter le dispositif déjà existant. Le but est d’atteindre une couverture plus importante qu’elle ne l’était auparavant au sein de chaque service.

En réalité, les plans ont davantage pris la forme d’orientations que de programmes d’action. Cela montre combien il est difficile d’établir un document auquel on puisse se référer dans son activité hebdomadaire ou mensuelle comme à un fil rouge à suivre pour la conduite de son action.

Enfin, nous avons vu combien il est difficile d’organiser le développement du contrôle de gestion car les équipes sont restreintes. Parfois, elles se résument même à une personne au sein de la direction financière. Ce n’est pourtant pas la direction financière seule qui peut mettre en place une dynamique de contrôle de gestion, les opérationnels doivent aussi être impliqués. Les outils et les processus sont aussi insuffisamment développés. Les conclusions de la plupart des plans des ministères mettent l’accent sur les besoins de formation et de documentation professionnelle. C’est pour cela que nous proposons aujourd’hui des partages d’expériences et que nous renforçons le pilotage en mettant à disposition des outils et des normes.

III. Une dynamique de changement en marche

Une dynamique est donc en marche. Les exigences du Parlement qui doivent être atteintes en 2006 nous mettent dans l’obligation d’avancer. Cette obligation de résultat ne se décrète pas, il faut donc entrer de plain pied dans cette démarche afin que l’exercice budgétaire, en 2006, ne soit pas déconnecté des problèmes de gestion.

Le succès ne peut passer que par une mise en cohérence du cadre budgétaire avec le cadre de gestion. Nous vous proposons donc de continuer à travailler avec le réseau des responsables du contrôle de gestion dans les ministères. Celui-ci poursuit ses travaux sur la mise au point d’outils de pilotage, de systèmes de mesure communs. Afin de bien mesurer les progrès enregistrés par l’administration dans le domaine du contrôle de gestion, le réseau propose un rendez-vous annuel. Il donnera lieu à un rapport transmis chaque année au premier ministre et aux membres du gouvernement.

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La synthèse des plans et un cadre d’élaboration figurent dans les documents qui vous ont été remis. Si vous en éprouvez le besoin, n’hésitez pas à nous contacter, nous travaillons en étroite collaboration avec la DIRE. La diffusion d’information et le partage d’expériences sont nécessaires pour la mise en œuvre de nos préoccupations communes.

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Présentation du document “ Le contrôle de gestion dans les administrations

de l’Etat : éléments de méthodologie ”

Stéphane ZUGETTA Chargé de mission au centre de ressources “ gestion publique ”

DIRE

L’ouvrage dont je vais vous parler est le fruit d’un travail interministériel. Je remercie l’ensemble de l’équipe qui en a permis la réalisation. Le comité de rédaction était composé d’agents de l’Etat, experts du contrôle de gestion ou généralistes, d’experts du cabinet de conseil Deloitte et Touche et d’un représentant de la société civile en la personne de Philippe Baron, président du comité technique de l’association nationale des directeurs financiers et des contrôleurs de gestion (DFCG). Les remerciements vont également à tous ceux qui ont relu, enrichi et validé les versions successives du document, dont le professeur Gibert et le groupe de travail interministériel “ Amélioration de la gestion publique ”.

I. La nature de l’ouvrage

Cet ouvrage n’est pas un recueil de recettes dont la seule application permettrait le développement du contrôle de gestion dans l’administration d’Etat. Il peut en revanche aider les gestionnaires publics à mieux comprendre ce que recouvre la notion de contrôle de gestion et livre un certain nombre de techniques et d’outils utiles au pilotage d’un centre de responsabilité. Le comité de rédaction propose un ensemble de référentiels communs pour que les gestionnaires publics puissent se comprendre en matière de contrôle de gestion.

Cette définition d’un référentiel commun est un prérequis à la mise en place de formations interministérielles sur le sujet. Je ferai juste quatre remarques préliminaires avant d’aborder le contenu concret de l’ouvrage.

• La rédaction de l’ouvrage a suscité de vifs débats avant que nous ne parvenions à un consensus.

• Nous avons valorisé les acquis de l’administration dans le contrôle de gestion. Nous assumons l’héritage de certaines publications comme le rapport du groupe “ amélioration de la gestion publique ” paru en l’an 2000 appelé aussi rapport Weiss, la circulaire interministérielle du 21 juin 2001 ou encore le guide publié par la DIRE en septembre 2001 sur la contractualisation dans le cadre d’une démarche de contrôle de gestion.

• Des travaux sont en cours au niveau interministériel sur la mise en œuvre de la LOLF. Ce que nous avons écrit ne saurait préjuger des résultats de ces travaux.

• Le synthèse que nous vous proposons doit être déclinée au niveau de chaque ministère et de chaque métier.

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Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005

II. Le contenu de l’ouvrage et les principales sections

Les éléments méthodologiques sont présentés sous forme de fiches de façon à permettre une consultation plus rapide et plus conviviale bien qu’un ordre de lecture préférentiel soit conseillé. Les concepts et les méthodes présentés sont généralement et dans la mesure du possible illustrés par un exemple issu des administrations de l’Etat. Enfin, un index situé à la fin du livre vous aide à retrouver la définition des concepts clés. L’ouvrage est constitué de quatre sections.

1. La première section

Nous vous conseillons de la lire en premier car elle définit des concepts clés utiles à la bonne compréhension du reste de l’ouvrage. La fiche n°2 livre la définition du contrôle de gestion et donne le schéma de ce qui est appelé le triangle du contrôle de gestion. Vous trouverez également le positionnement du contrôle de gestion par rapport aux autres formes de contrôle et à l’évaluation des politiques publiques.

2. La deuxième section

C’est la plus importante car c’est elle qui présente des outils et des méthodes utiles au gestionnaire public. Il s’agit bien entendu d’une sélection. Nous vous suggérons de pratiquer un diagnostic de vos besoins avant d’aborder les outils proposés.

Toutes les fiches sont construites suivant le même modèle. Au début figure une définition du concept suivie d’une utilisation possible de la méthode, des acteurs concernés, d’une méthode pour la mise en œuvre des outils concernés et des conditions de réussite. Une dernière partie vous invite à consulter d’autres fiches ou d’autres éléments bibliographiques.

Nous avons classé les outils de cette deuxième section selon les champs habituels du contrôle de gestion qui sont les suivants :

• la prévision et la programmation des budgets

• la segmentation des activités préalable à la mise en œuvre effective du contrôle de gestion Nous vous présentons aussi bien des méthodes traditionnelles, comme la méthode des centres de responsabilité, que des méthodes novatrices comme la segmentation stratégique des activités.

•••• les outils d’analyse des coûts selon la méthode des coûts complets ou la méthode ABC, plus novatrice

• Les indicateurs et les tableaux de bord Cette sous-section aborde une technique novatrice qui est celle du tableau de bord prospectif. Nous remarquerons aussi que la fiche 16 rappelle ce que recouvrent les termes de « performance dans l’administration ».

•••• l’analyse comparative

Je terminerai en soulignant les difficultés liées à l’adaptation des outils issus des entreprises du secteur concurrentiel. Néanmoins, ces méthodes sont utiles au développement d’une culture de

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contrôle de gestion dans les administrations de l’Etat. Je pense à des méthodes comme la gestion stratégique des coûts ou bien la segmentation stratégique des activités.

3. Le troisième section

Elle est consacrée à la mise en place effective du contrôle de gestion dans les administrations de l’Etat. Nous nous sommes largement appuyé sur l’expérience acquise par les préfectures globalisées. Cet exemple illustre parfaitement l’idée selon laquelle la responsabilisation des gestionnaires publics s’appuie utilement sur le contrôle de gestion comme outil de pilotage pour les gestionnaires et comme outil de reporting pour l’autorité de tutelle. Les questions de recrutement, de formation des contrôleurs de gestion et de positionnement du contrôle de gestion au sein de l’organisation sont également abordées. Enfin, nous rappelons le lien structurant qui doit exister entre les systèmes d’information et le développement effectif du contrôle de gestion.

4. La quatrième section

Elle est consacrée aux annexes. Vous retrouverez notamment la circulaire interministérielle du 21 juin 2001 ainsi que le guide d’autoévaluation de la direction du Budget. Une fiche d’évaluation y figure également.

III. Vers une autre édition

Nous avons voulu que cet ouvrage soit évolutif. Il est un point de départ pour le développement d’une culture de contrôle de gestion. Nous souhaitons qu’il soit enrichi sur trois plans qui sont autant de pistes à explorer pour une édition ultérieure.

Premièrement, certaines méthodes comme le pilotage des processus transversaux doivent être approfondies, tout comme le concept de gestion de la valeur.

Deuxièmement, des outils novateurs ou issus du secteur concurrentiel doivent être encore davantage adaptés aux spécificités des administrations de l’Etat.

Troisièmement, les bonnes pratiques développées par les ministères dans le cadre du plan de généralisation du contrôle de gestion devront être mutualisées.

IV. Quelques considérations pratiques

L’ouvrage a été tiré à 6000 exemplaires auxquels s’ajoutent 3000 CD Roms. La plus grande majorité des administrations et des services auront un exemplaire. Sauf exception, la diffusion se fera via les directions centrales des différents ministères en charge du développement du contrôle de gestion.

De plus, l’ouvrage sera mis en ligne sur le site du ministère en charge de la réforme de l’Etat ces jours-ci. Pour toute question complémentaire, vous pouvez joindre les membres du comité de rédaction grâce aux adresses e-mail indiquées en fin d’ouvrage.

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Table ronde n°2 : Les moyens du contrôle de gestion

Participaient à la table ronde :

Dominique LACAMBRE, directeur de l’administration générale et de la modernisation des services au ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité ; Marc CHALLEAT, conseiller aux affaires européennes à la DATAR.

La table ronde a été animée par Alain MANGEOL, responsable du centre de ressources “ gestion publique ” de la DIRE.

Alain MANGEOL

Nous allons continuer cette journée sur les moyens d’application du contrôle de gestion. Dominique Lacambre occupe depuis une vingtaine d’années des postes en rapport avec la gestion des emplois de personnes dans divers ministères dont ceux de la Justice, de la Fonction Publique et de l’Intérieur. Il va nous exposer la mise en place du contrôle de gestion sous l’angle des hommes et des femmes qui y travaillent. Marc Challéat, qui a notamment travaillé pour le secrétariat général des affaires régionales d’Aquitaine sur les questions de programmes européens, centrera son exposé sur les systèmes d’information et présentera le système d’information PRESAGE.

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Les ressources humaines : de la définition des compétences aux ressources humaines dédiées au contrôle de gestion

Dominique LACAMBRE Directeur de l’administration générale et de la modernisation des services

Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité

Je ne peux vous livrer qu’un témoignage, car aucune recette miracle n’existe en la matière. Actuellement, il y a une prise de conscience de la nécessité du contrôle de gestion et donc de celle de mettre en place les moyens permettant sa mise en œuvre.

I. L’organisation des ressources humaines pour la bonne mise en œuvre du contrôle de gestion

1. Le contrôle de gestion n’est pas une affaire de spécialistes

Le contrôle de gestion n’est pas seulement la maîtrise de quelques outils comptables mais découle de la nécessité pour un gestionnaire de conduire au mieux sa politique. A mon avis, il ne s’agit pas exclusivement d’une affaire de spécialiste ou de structure spécialisée. Suite aux différentes expériences menées, nous constatons que le spécialiste idéal n’existe pratiquement pas étant donné le nombre de compétences que le contrôle de gestion recouvre. Imaginer trouver dans l’administration de tels spécialistes serait assez utopique : l’administration produit bien les compétences juridiques, budgétaires ou techniques dont elle a besoin mais ne forme pas au contrôle de gestion.

De la même façon, aller chercher un spécialiste du contrôle de gestion dans le secteur privé ne donne aucune garantie car l’administration est bien spécifique. Beaucoup de ministères ont ainsi embauché des spécialistes de la comptabilité analytique qu’ils ont placés dans leurs services. Ces spécialistes ont mis du temps à comprendre que la méthode des marchés publics est une nécessité qui s’impose à tout le monde dans l’administration. Les règles comptables et juridiques, bien spécifiques, n’ont aucun rapport avec les notions de part de marché ou de dividende de l’actionnaire auxquelles ils sont habitués. Ces spécialistes s’enfuient alors assez rapidement. S’ils restent, ils se marginalisent progressivement et personne ne s’intéresse à ce qu’ils font, isolés dans leur bureau. Heureusement, de rares personnes ont réussi à s’adapter et ce n’est pas l’examen du CV qui permettait de l’envisager.

Conscients de ces difficultés, nous devons introduire dans une structure administrative des connaissances et des compétences de gens qui les ont développées dans un tout autre contexte.

Le contrôle de gestion n’est pas non plus exclusivement l’affaire d’une mission ou d’un service spécialisé. Une structure a souvent été créée où différents profils ont été associés pour surmonter des problèmes. Mais une mission spécialisée, si elle ne s’ouvre pas aux opérationnels, va courir après l’information. Ce serait alors le meilleur moyen pour que cette mission ne débouche jamais sur rien de concret.

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2. Des moyens humains répartis au sein de l’organisation

Les ressources humaines nécessaires au contrôle de gestion doivent être largement réparties et diffusées pour que l’information circule le mieux possible et que le changement culturel soit partagé par un maximum de gens. Partout où il y a un budget à gérer et un risque à prendre, il doit y avoir une personne ayant une responsabilité dans le contrôle de gestion, ce qui pourrait signifier à terme une personne ad hoc dans chaque département. Par ailleurs, l’adoption de la loi organique et les évolutions en cours dont la globalisation montrent que le contrôle de gestion devient une nécessité.

3. Une animation nécessaire des ressources humaines

Les ressources humaines en contrôle de gestion doivent aussi être animées. Tous les acteurs de l’organisation doivent y être sensibilisés. Il faut donc non seulement une structure centrale responsable du contrôle de gestion, mais aussi des correspondants locaux qui puissent animer et tout cela doit vivre en parallèle avec les fonctions administratives classiques. L’objectif n’est bien évidemment pas de court-circuiter les structures en place mais d’échanger un maximum d’expériences. En pratique, les contrôleurs de gestion en services déconcentrés doivent bien être dans les services déconcentrés et le contrôle de gestion en administration centrale doit bien être au service de l’administration centrale.

4. Des compétences diversifiées

Il faut donc que la compétence soit répartie mais il est également indispensable qu’elle soit diversifiée. Mixer les compétences diverses permet de pallier au fait qu’il n’existe pas de spécialiste. Il faut des gens qui sachent gérer un budget, qui connaissent la comptabilité publique, la gestion en général, la comptabilité analytique, l’outil informatique, les spécificités administratives, les ressources humaines et la liste n’est pas exhaustive. C’est dire si les compétences requises sont nombreuses. Il ne faut donc pas hésiter à mixer les compétences entre les personnes qui viennent du secteur privé et celles du secteur public.

Certes, les spécialistes du contrôle de gestion et de la comptabilité analytique sont précieux mais ma préférence va plutôt vers des gens qui ont déjà exercé des responsabilités. L’expérience de gestion me paraît indispensable pour bien savoir expliquer aux autres ce qu’il faut faire. N’oublions pas qu’un chef de service déconcentré a déjà fort à faire avec l’administration centrale, le contrôle financier, le préfet, etc. Il n’a donc pas besoin d’un donneur de leçon qui ne soit pas légitime a priori. En revanche, un dialogue s’établira plus facilement s’il s’agit de quelqu’un qui est capable de comprendre les choses et de faire preuve de compassion.

II. Les conditions préalables à une embauche dans le domaine du contrôle de gestion

1. Pour une personne issue du secteur privé

Deux conditions sont donc nécessaires pour qu’une embauche d’une personne issue du secteur privé soit réussie. Premièrement, il faut que la mission soit claire et précise. Sinon, il risque de partir sur des pistes hors de propos. Deuxièmement, il faut une véritable formation lors de la prise de poste et une réelle initiation à l’administration.

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Cela paraît basique mais ce n’est pas toujours le cas. Il est parfois demandé à une nouvelle recrue de faire son propre programme de travail. Celui-ci est validé à la hâte. La personne travaille seule à l’étonnement général puis à l’irritation générale. C’est un gâchis pour l’intéressé et pour l’administration qui paie parfois très cher ce type de contrat.

2. Pour une personne issue du secteur public

Recourir à des fonctionnaires est aussi faisable et souhaitable. Là aussi, il y a des prérequis supposés :

a. Une formation continue nécessaire

Le fonctionnaire n’aura pas eu de bonne formation initiale en contrôle de gestion. Il est d’ailleurs souhaitable que le contrôle de gestion fasse partie de la formation administrative, il le sera lorsqu’il aura été pleinement intégré à nos services et pleinement accepté. Il est vrai que, pour le moment, nous leur enseignons ce dont ils auront à notre avis besoin sur le terrain avant de leur enseigner ce qui est utile qu’ils connaissent. En matière de formation continue, il y a en revanche beaucoup de dynamisme. Il n’existe pas un seul cycle de formation continue qui puisse prétendre être le cycle particulier du contrôle de gestion. Cela dépend des individus, du contexte, du ministère… Il y a juste quelques points incontournables à maîtriser. A mon avis, mieux vaut organiser des formations continues pour un groupe d’agents qui aura à travailler dans la même administration plutôt que d’établir des formations continues par niveaux. Cela leur permettra d’utiliser un même langage et de se comprendre lors du travail en réseau. La constitution d’un groupe est donc primordiale. Celui-ci pourra par la suite bâtir sa propre formation permanente.

b. Un passage obligatoire dans un bon plan de carrière

Qui sont les fonctionnaires aptes au contrôle de gestion ? Le contrôle de gestion doit être un point de passage dans une carrière professionnelle, préparatoire à la prise d’autres fonctions. Nous devons choisir des gens qui ont un potentiel et une expérience. Ils acquerront alors une nouvelle expérience de contrôle de gestion et je prends le pari que, dans le futur, personne ne pourra exercer le poste de directeur départemental sans avoir eu cette expérience en contrôle de gestion. En tout cas, en termes de stratégie de carrière, travailler dans ce domaine devrait pouvoir facilement être valorisé.

Dans les ministères, les conséquences de l’échec relatif de l’introduction de nouveaux organisateurs dans les directions régionales ont été tirées. Désormais, nous sommes convaincus que les chefs de service doivent s’impliquer dans la démarche. Ensuite, il faut prendre des gens qui aient des galons suffisants pour être respectés. Enfin, il faut mettre des effectifs suffisants pour constituer un vrai réseau dynamique.

III. Une mise en place progressive du contrôle de gestion

Nous avons choisi une démarche progressive. En trois ans, nous allons implanter dans les régions des secrétaires généraux de comités techniques et régionaux interdépartementaux, c’est-à-dire des gens placés auprès du directeur régional et des directeurs départementaux sur les fonctions d’organisation, d’animation, de fonctionnement des services et de mise en œuvre des politiques. Ce sont des gens qui ont suffisamment d’expérience pour parler avec un directeur départemental d’égal à égal. Ils ont un positionnement hiérarchique et une expérience administrative qui leur permettront de parler de la mise en œuvre des politiques.

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Deuxièmement, il faut qu’il y en ait un dans chaque région pour que le réseau atteigne la taille critique permettant de fonctionner.

Troisièmement, nous sommes en train de structurer notre administration centrale. Nous avons mis en place une cellule d’expression incluant des gens qui ont l’expérience du secteur public, d’autres du privé, contractuels ou titulaires.

Enfin, les secrétaires généraux mis en place ne sont pas les correspondants de la direction de l’administration générale mais ceux des quatre directions de l’administration centrale pour la mise en œuvre des politiques.

Pour réussir la mise en place du contrôle de gestion dans les services déconcentrés en matière de ressources humaines, il faut suffisamment de gens qui aient l’expérience, la reconnaissance et le positionnement nécessaires. Je ne suis donc pas favorable à la mise en place d’un corps de fonctionnaires contrôleurs de gestion ; je plaide pour avoir deux millions de fonctionnaires contrôleurs de gestion.

Alain MANGEOL

Les questions que vous abordez sont en effet centrales. Où trouve-t-on la compétence ? C’est un enjeu capital et il faut avoir conscience que le concept même de contrôle de gestion n’est pas partagé par tous. Nous sommes là pour y remédier. Le problème du recrutement tient également au nombre d’agents à recruter. Vous avez cité quelques chiffres pour l’administration centrale et pour chaque région. J’aurai presque envie de lancer quelques chiffres par provocation : par exemple, 1 % de la gestion par service déconcentré. Combien cela fait-il d’emplois réservés ? En faut-il deux mille ou dix mille ? Voilà les questions qui se posent aujourd’hui.

Pour introduire le discours de Marc Challéat, je vais vous raconter une petite anecdote virtuelle. Imaginez un préfet de région qui revient d’une réunion parisienne et qui dit à son secrétaire général : “ Je suis préoccupé, j’ai un milliard de francs à dépenser sur cinq ans, ce sont des crédits européens. Dites-moi la stratégie à adopter ”. Le secrétaire général précise qu’elle doit être définie avec les partenaires locaux. Le préfet demande alors quelles sont les personnes qui vont l’aider à bien dépenser ce milliard. Le secrétaire général rappelle que la communauté européenne a alloué une enveloppe de crédits fongibles, en d’autres termes d’assistance technique. Ces crédits permettent d’embaucher du personnel, de louer des locaux et d’installer une équipe administrative. Le préfet demande alors : “ Quel est le système d’information qui va me permettre de répondre aux exigences de suivi et d’évaluation de la Commission ? Tous les ans, je dois lui rendre compte de l’état d’avancement de la dépense de l’argent et des projets qui y sont attachés. L’argent n’est obtenu que si les projets aboutissent. C’est la règle des programmes européens ”. Le secrétaire général, désolé, répond que le système d’information est à construire mais que le préfet dispose d’argent pour cela. Ce sont alors vingt préfets de région qui ont passé commande d’un système d’information. L’affaire s’est compliquée, elle a pris du temps…

Marc Challéat va maintenant nous raconter le rôle joué par ces systèmes d’information pour l’application des programmes communautaires. Cette petite histoire illustre bien la problématique devant laquelle nous nous trouvons lors de la mise en place du contrôle de gestion.

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Les systèmes d’information, organisation de la structure et application PRESAGE

Marc CHALLEAT Conseiller aux affaires européennes

DATAR

L’anecdote n’est pas si virtuelle que cela, elle est même très pratique. Les régions sont souvent confrontées à ce type de problème. Je vais surtout centrer mon discours sur l’expérience du dispositif PRESAGE. Il s’agit d’un outil développé pour le suivi des programmes régionaux communautaires.

I. Les programmes communautaires

1. Le contexte

Voici quelques chiffres pour bien appréhender le contexte. La politique régionale communautaire représente 35 % du budget communautaire. Pour la période 2000/2006, la France va bénéficier de plus de 16 milliards d’euros. Ces financements sont mis en œuvre essentiellement au travers de programmes régionaux. Il n’y a qu’un grand programme national qui s’appelle Objectif 3. Ce sont au total 11 milliards d’euros de crédits communautaires qui sont alloués aux programmes régionaux sur la période 2000/ 2006 sur un coût total de 30 milliards d’euros. Toutes les régions françaises bénéficient de ce type de programme, placé sous la responsabilité du préfet de région.

2. La période 1994/1999

Entre 1994 et 1999, la France avait déjà bénéficié de ce type de programmes. Chaque région avait alors essayé de mettre en place péniblement un dispositif de suivi de gestion pour être conforme aux exigences réglementaires communautaires. Sept régions s’étaient regroupées et avaient fait appel à un prestataire privé qui avait construit un outil appelé GPE. Il s’est avéré être un bon outil. Pour le reste des régions françaises, ce fut laborieux. Cinq d’entre elles ont fait appel à un prestataire privé qui a fait faillite. Leur outil n’a donc pas pu être suivi ni actualisé. Elles se sont alors tournées vers la DATAR. C’est à partir de ce moment-là que la DATAR a été impliquée dans la gestion du suivi des programmes. Le reste des régions avait fait avec les moyens du bord, que ce soit Excel ou les post-it…

3. L’origine du dispositif de suivi des programmes communautaires

Financièrement, la mise en place des dispositifs était très coûteuse. La DATAR a alors proposé de mettre en place un dispositif pour le suivi des programmes communautaires. Comme ce sont des programmes régionaux, l’unité de base du dispositif est le niveau régional et il serait bâti en réseau et autour du préfet de région puisqu’il a la maîtrise du programme. Celui-ci s’appuie sur l’ensemble des services déconcentrés de l’Etat, y compris les préfets départementaux. Le conseil régional et les conseils généraux sont des partenaires précieux puisqu’ils participent au cofinancement de ces programmes. L’objectif est également de les introduire dans le système de suivi et de gestion. Ce

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n’est donc pas qu’un outil d’Etat et la commission européenne tient tout particulièrement à ce que cela ne le soit pas.

II. Présentation de PRESAGE

1. Son architecture

Au niveau national, l’architecture est la suivante : une unité régionale et des bases nationales gérées par le ministère de l’Intérieur. L’exploitation des données utilise un infocentre qui dépend de la comptabilité publique. Un travail indispensable est donc fait en liaison avec la DGCP. La DATAR tient un rôle d’animation et de coordination d’ensemble et, comme les crédits communautaires transitent par le budget de l’Etat, les ministères gestionnaires de fonds font évidemment partie de l’ensemble du réseau. Pour un bon fonctionnement de l’outil, nous avons un besoin de connexion avec d’autres outils qui existent au niveau national comme NDL ou FSE.

2. Ses différentes fonctions

Ce système a une fonction de gestion et doit permettre un suivi complet depuis la naissance d’un projet ou d’un programme jusqu’à sa clôture. Un projet est une opération individuelle qui fait suite à un investissement avec une aide communautaire. Le suivi commence à l’instruction par les services techniques. Il concerne aussi la sélection des projets par un comité de programmation et toutes les informations qui peuvent intéresser ce comité sont compilées. Tout le monde travaille donc à partir du même document. Le suivi se poursuit sur l’engagement des paiements des programmes.

Tous les six mois a lieu en région un comité de suivi coprésidé par le préfet de région et le président du conseil régional et auquel participe la communauté européenne. Ce comité est l’occasion d’un point d’avancement comptable mais aussi d’un point sur l’avancement du programme en lui-même grâce à un certain nombre d’indicateurs représentatifs. Les exigences réglementaires sont également vérifiées. Enfin, ce comité permet l’automatisation des liaisons avec la communauté européenne qui facilite les appels de crédits communautaires. PRESAGE permet donc un suivi en temps réel de la vie du projet.

PRESAGE fait également fonction d’alerte : il repère les dossiers dormants ou défaillants à la demande et identifie les retards éventuels.

Enfin, il assure une fonction de restitution de l’information. Beaucoup d’informations sont à entrer dans le système ce qui représente un effort de saisie. Mais celui-ci n’est pas vain puisqu’il permet d’assurer le retour aux partenaires régionaux et nationaux et de préparer les documents nécessaires pour les comités de suivi ou les comités de programmation.

Le dispositif d’évaluation au niveau communautaire est extrêmement codifié et explique que les exigences communautaires soient très importantes dans ce domaine. Trois types d’indicateurs sont utilisés : indicateurs de réalisation, d’impact et de résultat. PRESAGE prévoit dans ses fonctionnalités d’assurer le suivi de ces indicateurs si les opérations de saisie sont correctement effectuées.

Au niveau des financements, nous assurons non seulement le suivi des crédits communautaires mais aussi celui des cofinancements publics nationaux et privés car la communauté européenne le

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demande. Un écran de saisie dédié à la localisation des impacts permettra de développer des analyses territoriales de la mise en œuvre des programmes.

3. Un point sur le développement actuel de PRESAGE

Le logiciel est fonctionnel et opérationnel. Il est en constante modification : il ne se passe pas deux mois sans que nous l’améliorions. 680 sites ou services sont aujourd’hui connectés : par exemple, tous les conseils régionaux sont connectés sauf quatre, pour des problèmes d’ordre politique. PRESAGE nous permet également d’agréger les informations quantitatives au niveau national, ce qui n’était pas le cas dans les années 1990. Nous estimons le nombre d’utilisateurs à 1668, ce qui représente 11 000 heures de connexions mensuelles en moyenne et plus de 35 000 opérations de saisie.

4. La mise en place du programme

Nous avons écrit un Programme National Informatique (PNI) cofinancé pour plus de la moitié par la communauté européenne et qui a coûté 19 millions d’euros. La France est la seule à avoir mis en place ce type de dispositif ; il est donc regardé de très près par la communauté européenne et le commissaire européen Michel Barnier qui reste très attentif à ce qu’il ne devienne pas un outil d’Etat. La communauté européenne a exigé une évaluation de ce programme chaque année.

5. Les principales difficultés rencontrées

Lors du démarrage du projet en 1999, la DATAR a été convaincue du bien-fondé d’un tel outil. Il a cependant fallu convaincre les autres ministères et cela n’a pas été simple. Aujourd’hui, les mêmes se demandent pourquoi cette mise en place a été si tardive.

Lors de la phase de mise en œuvre, nous avons rencontré quelques réticences de la part de certaines régions. La coordination des acteurs nationaux n’a pas été chose facile. Nous avons encore aujourd’hui le souci de développer une interface entre FSE et PRESAGE de façon à ne pas multiplier les opérations de saisie. Un autre interfaçage est réalisable avec NDL : puisque les informations comptables sont déjà présentes sur NDL, il est intéressant, pour éviter les doubles saisies en région, de récupérer les informations qui sont sur NDL. Cela devrait être opérationnel pour la rentrée prochaine.

Des problèmes techniques sont également liés à l’éloignement des DOM, les temps de réponse sont trop longs et cela représente un certain nombre de difficultés.

Je vous ai donc résumé les fonctionnalités de l’outil PRESAGE. C’est une perpétuelle course contre la montre pour améliorer ce dispositif. Nous avons mis en place une équipe de 36 personnes pour suivre le déploiement en région, au moins une par région. Au niveau national, nous réunissons tous les deux mois ces animateurs de PRESAGE de façon à les accompagner dans leur tâche.

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Questions et débat

Madame VASSEUR, ministère de l’Equipement

Est-ce qu’un interfaçage entre PRESAGE et un système d’information géographique a été prévu ?

Marc CHALLEAT

Pour le moment, les interfaçages sont prévus avec FSE et NDL. Nous avons défini les caractéristiques nécessaires des fichiers plats si l’on veut alimenter PRESAGE d’un certain nombre d’informations. C’est maintenant aux partenaires extérieurs de PRESAGE de voir s’ils souhaitent automatiser ce processus d’élaboration du fichier plat et de développer le petit module qui permette de faire cette connexion.

Nous pourrions utiliser les informations de PRESAGE pour faire des exploitations géographiques et cartographiques de ces données. Dans PRESAGE, un certain nombre de requêtes sont prédéfinies. En ce qui concerne les requêtes à la demande des acteurs locaux, elles seront traitées par la fonction TRIVIA. Lorsque le business object sera opérationnel, nous pourrons accéder à toutes les informations disponibles sur PRESAGE et utiliser ces données pour des questions locales. Nous n’assurons pas le transfert des données mais leur accessibilité par le biais de l’infocentre.

Alain MANGEOL

Nous n’avons pas voulu dire qu’il faut un système d’information par programme, nous avons juste voulu montrer un système d’information complet tel qu’il pourrait être.

Avec le développement du contrôle de gestion, une toute autre question se pose : dans la mesure où, sous l’action de la loi organique, le contrôle de gestion est généralisé à tous les programmes, quel type de système d’information public développer pour l’ensemble des programmes ? Devons-nous pérenniser PRESAGE par rapport au dispositif de gestion de la comptabilité publique, par rapport à NDL ou SIGMA qui devient ACCORD ? Est-ce que ces systèmes de comptabilité automatisés vont permettre de faire du contrôle de gestion ? La réponse n’est pas triviale même s’ils pourront certainement y contribuer.

Il est clair que les dispositifs informatisés de la comptabilité publique vont consister d’abord à automatiser les opérations manuelles. C’est là l’origine des applications NDL. Pouvons-nous dépasser ce type de service pour concevoir des systèmes d’information qui pourront gérer la mesure des résultats de l’action ? Et les associer au dispositif comptable, d’où nous vient l’information sur les coûts ?

Un agent du ministère des Sports

Selon ce que vous avez dit, travailler dans le domaine du contrôle de gestion pourrait être valorisé au cours de la carrière. Cependant, pour pouvoir exercer dans ce domaine, il faut selon vous des personnes qui ont déjà eu des responsabilités. Est-ce que cela signifie qu’il faut classer les contrôleurs de gestion et les métiers qui s’y rapportent dans les emplois fonctionnels ?

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Dominique LACAMBRE

Je n’en prends pas l’engagement ferme, notamment parce que je n’en ai pas encore parlé au ministère de la Fonction Publique mais, dans la logique des choses, ces emplois devraient être effectivement classés parmi les emplois fonctionnels. Ainsi, nous tiendrons compte du niveau de responsabilité exercé et du fait que ce soit un passage positif dans un plan de carrière.

Une directrice adjointe d’une Ddass

J’aimerais vous apporter le témoignage de la France d’en bas. Nous sommes prêts à mettre en œuvre beaucoup de changements mais dans un environnement stabilisé. Ce matin, il nous a été demandé de fixer des objectifs bien définis. Or dans nos services, les priorités changent très souvent, environ tous les trois mois… J’ai cru également comprendre qu’il nous faut prévoir notre organisation pour les cinq années à venir. Dans notre service, cela fait vingt ans que l’on nous dit que cela va changer. Comment pouvons-nous prévoir notre organisation dans ces cas-là ? De plus, nous n’avons actuellement aucune maîtrise de nos moyens, très fluctuants aussi bien pour le personnel que pour le budget.

Nous sommes donc entièrement prêts au changement mais nous offrir un environnement stable me paraît primordial.

Alain MANGEOL

Je vous remercie de ce témoignage qui semble effectivement très proche des réalités. L’un des points essentiels qui reste à mettre en œuvre est une bonne segmentation des activités. Nous pourrons alors fixer des objectifs de manière plus claire et aller vers une visibilité à cinq ans, ce qui est essentiel.

S’agissant des moyens, cette visibilité est tout aussi essentielle. Nous tâchons depuis plusieurs années d’assurer à la fois un suivi de la qualité et une pérennité de l’action en développant la contractualisation. La contractualisation n’est pas une réponse en soi mais un aboutissement : une fois les objectifs écrits, les moyens pourront alors être négociés dans le temps en fonction des résultats obtenus.

Je suis ravi par ailleurs de voir que vous êtes prêts au changement. La dynamique de changement qui nous attend n’est pas simple. Il ne suffit pas de partager des concepts, il faut évoluer concrètement et faire évoluer l’organisation. Tout un ensemble d’éléments nous y pousse, ce qui prouve que le moment est venu.

Dominique LACAMBRE

Je confirme que l’ensemble des acteurs des services est prêt au changement. Ce n’est plus seulement une affaire de spécialistes. Il est difficile de garder un environnement stable quand le découpage ministériel en lui-même change. Cependant, nous devrions avoir trouvé une stabilité de ce côté-ci pour cinq années. Si tout se passe bien, en 2006, les lois de finances fixeront les objectifs et les moyens qui s’y rapportent mais cela n’empêchera pas les politiques de changer de priorités. Actuellement, les Ddass ne manquent pas d’objectifs mais croulent sous leur nombre. Il y a trop d’urgences à traiter. Lorsque nous voudrons affecter des moyens à chacun de ces objectifs, nous sentirons alors la contradiction actuelle : tout n’est pas faisable en même temps. La planification

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remédierait partiellement à cela. Il est vrai que les choses ne se déroulent jamais comme prévu mais la planification donne les moyens de réagir.

Je suis globalement optimiste : les directives nationales d’orientation qui commencent à entrer dans les mœurs sont déjà un premier exercice de fixation de priorités. Tous les travaux que nous mettons en œuvre prendront petit à petit leur sens. Il ne faut pas attendre 2006 car il sera trop tard.

Une responsable d’un bureau de contrôle de gestion dans l’administration pénitentiaire

Je voulais vous parler du système ACCORD. Je sais bien que le contrôle de gestion, ce n’est pas uniquement des éléments financiers. Je voulais savoir s’il n’y avait pas un risque à aller prendre des chiffres sans savoir précisément ce qu’ils recouvrent. En outre, quelles conséquences faut-il prévoir pour le dialogue interne ?

Alain MANGEOL

Les chiffres doivent effectivement être interprétés. Les infocentres sont là pour pouvoir faire des comparaisons dans le temps. Les systèmes de type comptabilité publique fourniront des informations sur les coûts mais pas nécessairement sur les résultats. Il existe cependant une myriade de systèmes de données informatiques dans les ministères pour apprécier les résultats de telle ou telle action. Il faudra les rassembler et les mettre en cohérence pour mieux discuter sur les résultats.

Henri PREVOST

Le concept de contrôle de gestion est parfois un petit peu difficile à cerner. Ses contours sont parfois un peu flous. Or, si nous ne sommes pas capables de clarifier les choses, nous ne serons pas capables de répondre à des questions du type : Qui est responsable de quoi ? Quelle type de formation donner aux gens ? Auprès de qui est-on responsable ? S’agit-il d’une affaire budgétaire ? Devons-nous placer un secrétaire général auprès des directions régionales ?

Pouvez-vous donc à nouveau préciser les différences qui existent entre le contrôle de qualité et le contrôle de gestion ?

Alain MANGEOL

C’est l’exigence de qualité qui nous conduit au contrôle de gestion. La qualité fait partie du produit. Le contrôle de gestion consiste à vérifier la qualité du produit, à vérifier son coût et à orienter l’action pour organiser l’ensemble. En d’autres termes, la démarche qualité renforce et fonde la nécessité de contrôle de gestion. Ce dernier a maintenant un autre fondement qui est la mise en œuvre de la loi organique.

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Clôture de la journée

Monsieur Jacky RICHARD Délégué interministériel à la réforme de l’Etat

I. Des objectifs atteints

Cette journée d’étude me semble avoir atteint les objectifs que j’avais tracés ce matin à l’ouverture. Je retiens surtout cette phrase, prononcée tout à l’heure : “ Nous sommes prêts à y aller ”. Je salue cette motivation de ce qu’il est convenu d’appeler “ les fonctionnaires d’en bas ”. J’ai la forte conviction que le contrôle de gestion se décide au niveau de l’unité de production et donc notamment dans les services déconcentrés.

1. Une attention soutenue des participants

L’assistance nombreuse dans cette salle est pour moi une autre source de satisfaction de cette journée. J’ai noté une ambiance studieuse, une écoute attentive, une volonté de participer et le sujet méritait bien cela. Nous sommes 390 présents. Un tiers d’entre nous vient des services déconcentrés, un tiers de l’administration centrale et le dernier tiers des corps de contrôle, des écoles de formation, des consultants extérieurs… L’assemblée est donc diverse et prouve que le contrôle de gestion concerne tout le monde.

2. Un concept de contrôle de gestion éclairci

Nous avons pu tenir aujourd’hui le programme que nous nous étions assignés. Le terme de contrôle de gestion, ambigu et prêtant à confusion, a cette fois-ci retrouvé tout son sens grâce aux notions de pilotage (plutôt que de planification) et de mesure de l’écart entre l’objectif et la réalisation. Le cadre conceptuel du contrôle de gestion a donc été bien défini.

3. Des échanges d’expériences

Cette journée d’étude se voulait également un échange, une confrontation entre des points de vue, des expériences réussies et des interrogations. La table ronde de la fin de matinée a été très riche d’expériences très concrètes et je retiens des échanges de cet après-midi quelques idées :

• l’importance de la démarche d’organisation comme préalable au contrôle de gestion ; • la différence entre qualité et contrôle de gestion ainsi que les liens qui les unissent ; • le lien entre le contrôle de gestion et la gestion du personnel, qu’elle soit prévisionnelle ou

tournée vers la valorisation des agents qui prennent des risques ; • le fait que le contrôle de gestion n’est pas une affaire de spécialistes ; il faut des spécialistes,

mais c’est aussi une affaire de management et de pilotes.

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4. Un approfondissement des moyens du contrôle de gestion

Le troisième objectif de cette journée était de préciser les moyens du contrôle de gestion. Là encore, il a été atteint. Nous ne pouvons pas lancer de nouvelles méthodes d’action avec des morceaux de ficelle. La généralisation du contrôle de gestion demande beaucoup de moyens, en termes d’hommes, de formation, de systèmes d’information et d’outils méthodologiques.

II. La légitimation de la politique de contrôle de gestion

1. Un “ jeu de cache-cache ” dépassé entre administration et politiques

Cela me paraît être l’essentiel. La présence du ministre ce matin ainsi que ses propos montrent que la légitimation de cette politique est importante. Son engagement en faveur de la responsabilisation doit à mon sens lever toutes les inhibitions. J’ai passé plusieurs années à essayer de promouvoir la modernisation de l’administration. Souvent, j’ai été confronté à un jeu de cache-cache et d’attente entre l’administration et le politique. L’administration attend les orientations de la part du politique puis exécute. De son côté, le politique attend de l’administration des propositions qui ne viennent pas. Ce schéma où l’une et l’autre parties s’attendent me paraît dépassé à partir du moment où cette légitimation du contrôle de gestion a eu lieu.

2. La prise de risques mise à l’honneur

Le contrôle de gestion est mis en place pour éviter que l’absence de résultats n’alimente la contestation de l’action publique par les citoyens ou les usagers. Il doit également favoriser la prise de risques et éviter le piège du zéro défaut. Bien sûr, nous devons tendre vers l’absence de défaut mais sa recherche à tout prix peut inhiber les initiatives. Le contrôle de gestion peut servir à rendre compte des difficultés rencontrées et des erreurs éventuellement commises. Il légitime donc des cheminements qui ne seraient pas tous tournés vers l’excellence immédiate.

3. Une gestion du personnel adéquate

La gestion du personnel doit être en accord avec les méthodes de contrôle de gestion. L’évaluation ou la sanction éventuelle de l’encadrement supérieur doit prendre en considération la part de risque prise dans la décision.

Je vous ai présenté les quelques éléments de conclusion que je voulais livrer. Cette conclusion est bien évidemment ouverte. Je vous rappelle que le centre de ressources « contrôle de gestion » de la Dire assure quatre fonctions : l’animation de réseau, la méthodologie, la formation et surtout une fonction d’assistance à la maîtrise d’ouvrage. De retour sur le terrain, si vous rencontrez des difficultés ou avez des interrogations, n’hésitez pas à nous en faire part. Comme il est indiqué dans le guide des éléments de méthodologie, nous avons besoin de votre retour pour pouvoir nous améliorer et ce pour le bien commun de notre administration. Je vous remercie.

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Paris, le 2 juillet 2002 1

Mieux gérer l’Etat : le contrôle de gestion à l’horizon 2005

INDEX

CHU : centre hospitalier universitaire

Datar : délégation à l’aménagement du territoire et à l’actionr régionale

Ddass : direction départementale des affaires sanitaires et sociales

DDE : direction départementale de l’Equipement

DGCP : direction générale de la comptabilité publique

DGF : dotation globale de fonctionnement

DGA : direction générale pour l’armement (Défense)

DIRE : délégation interministérielle à la réforme de l’Etat

EPN : établissement public national

ISA : indice synthétique d’activité (hôpitaux)

LOLF : loi organique relative aux lois de finances