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MINISTERE DE LA COOPÉRATION ET DU DÉVELOPPEMENT INSEE

DDE Département de la Coopération Administrative Service de Coopération

SOMMAIRE

N° 29 - Mars 1982

ISSN 0224 — 098 X

Pages

EDITORIAL 3

Ph. COUTY

Le temps, l'histoire et le planificateur 5

J. SCHWARTZ

Stratégie de satisfaction des besoins essentiels et planification dans les pays les moins avancés 18

G. OLIVE et G. WINTER

Libres propos sur les interventions du Fonds Monétaire International dans les pays en voie de développement

31

J.L. WEBER

Principes généraux d'un système de comptes du patrimoine naturel 38

A. de BENOIST

Pour une exploitation anthropologique des recensements : L'évaluation spontanée des âges en Afghanistan 52

M. ABZAHD

Le dispositif d'enquêtes périodiques sur l'emploi urbain au Maroc : Bref aperçu méthodologique et principaux résultats du ler passage 1976 59

M. AYED

Pour la constitution d'une base de sondage permanente pour les enquêtes auprès des ménages. Cas : Tunisie 81

M. TAHON

Note de lecture sur : "Guide d'Elaboration des Comptes Economiques dans les pays en voie le développement"

99

G. WINTER

Note de lecture sur "LE MACROCOSPE : Vers une vision globale" 102

STATECO : Bulletin de Liaison non officiel des Statisticiens et Economistes exerçant leur activité en Afrique

Directeur de la Publication : Jean IIOSSENLOPP

Secrétariat de la Rédaction : INSEE - Service Coopération 18, bd Adolphe Pinard

Mme BONJOUR 75675 PARIS Cedex 14

Tirage : 1 150 exemplaires

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- 3 -

EDITORIAL

Jean HOSSENLOPP

Les deux numéros précédents de STATECO étaient centrés chacun sur un

thème. Le numéro 27 traitait essentiellement du choix et de l'exécution des prio-

rités statistiques, thème d'un Séminaire organisé en juillet 1981 par le Centre

de Recyclage de Munich. Le numéro 28 portait sur les principaux enseignements du

Séminaire AISE - INSEE qui a eu lieu à Dakar en novembre 1981 sur les problèmes

méthodologiques des enquêtes statistiques.

Ce nouveau numéro couvre un champ beaucoup plus vaste puisqu'il aborde

des thèmes aussi divers que les rapports entre approche historique et pratique de

la planification, les interventions du Fonds Monétaire International dans les pays

sous-développés, la planification des besoins essentiels, les comptes de patrimoi-

ne, les enquêtes auprès des ménages, etc.

Le premier article reprend une note AMIRA de Philippe COUTY (ORSTOM)

sur : "Le temps, l'histoire et le planificateur" qui montre que la connaissance

historique permet de rejeter certaines simplifications, de relativiser certaines

attentes, voire de remettre en question la notion même du développement.

C'est en se basant sur son expérience récente de coopération technique

au RWANDA que Jacques SCHWARTZ s'efforce de préciser, au-delà des mots à la mode,

la signification d'une stratégie de développement basée sur la satisfaction des be-

soins essentiels. Il montre en particulier les implications pratiques d'une telle

stratégie en matière de méthodologie de la planification : quelle Comptabilité

Nationale ? Quelle méthode d'évaluation des projets et programmes ? Quelle infor-

mation statistique ?

L'article qui suit se veut quelque peu provocateur. En se basant là

encore sur des expériences récentes, Gaston OLIVE et Gérard WINTER présentent des

"Libres propos sur les interventions du FMI dans les pays en voie de développement",

libres propos assez critiques et que les auteurs soumettent à ... la critique des

lecteurs de STATECO.

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4

Après la provocation, la présentation rigoureuse d'une innovation l'a:-

thodologiquet Jean-Louis WEBER analyse "Les principes généraux d'un système de

comptes du patrimoine naturel" ; ces comptes sont testés en Côte d'Ivoire dans le

cadre d'une recherche menée à l'Université d'Abidjan avec l'appui du CESD et le

soutien méthodologique de l'INSEE, recherche portant sur le thème "Patrimoine na-

turel et croissance économique en Afrique". La nouveauté de ce thème, difficile,

mais important, est à souligner.

On en revient ensuite aux enquêtes : Augustin de BENOIST avait déjà ren-

du compte de son expérience de recensement des populations nomades en Afghanistan

dans le numéro 22 de STATECO (mars 1980). Il énonce ici, dans cette nouvelle note,

des perspectives originales sur l'intérêt d'une "exploitation anthropologique des

recensements". Prenant l'exemple de l'évaluation spontanée des âges au sein des di-

verses tribus nomades afghanes, il montre comment ce problème classique qu'affron-

tent les démographes dans les régions dépourvues d'état ^ivil est lié à des faits

de culture qui, enracinés dans une lointaine histoire (Cf article de COUTY), dif-

férencient ou regroupent des ensembles de population hors des délimitations ethni-

ques ou linguistiques traditionnelles.

Les deux derniers articles complètent le numéro précédent de STATECO

consacré aux communications du Séminaire AISE - INSEE sur les enquêtes statisti-

ques. Mohamed ABZAHD présente le dispositif d'enquêtes annuelles sur l'emploi

urbain au Maroc et analyse brièvement quelques résultats obtenus en 1976.

M'Hamed AYED, quant à lui, expose l'expérience tunisienne en matière de constitu-

tion d'une base de sondage permanente pour les enquêtes auprès des ménages, en dis-

tinguant, bien entendu, milieu rural et milieu urbain.

Deux notes de lecture complètent cette série d'articles :

Dans la première, Marie TAHON présente le "Guide d'Elaboration des

Comptes Economiques dans les pays en voie de développement", publié récemment par

le Ministère de la Coopération et du Développement (2 tomes : Méthodologie et

Exercices d'Application).

Dans la deuxième, Gérard WINTER retrace les axes originaux de la

pensée que Joël de ROSNAY expose dans son livre : "Le Macrocospe, Vers une vision

globale".

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LE TEMPS, L'HISTOIRE ET LE PLANIFICATEUR (1)

Par Philippe COUTY

Les planificateurs et les praticiens du développement doivent-ils s'in-

téresser à l'histoire des pays où ils travaillent ? Si oui, s'agit-il pour eux

d'acquérir simplement une sensibilité accrue à la dimension temporelle des phéno-

mènes socio-économiques, ou leur faut-il entreprendre systématiquement, à propos

de chaque problème et de chaque projet, une analyse historique visant à dévoiler

les évolutions en cours, à étudier les erreurs commises autrefois, afin de donner

aux décisions un caractère plus réaliste ?

A partir de cas concrets, peut-on montrer notamment que certains choix

fâcheux auraient pu être évités si l'on avait pris le temps et la peine de réflé-

chir aux enseignements du passé ?

Telles sont les questions que deux chercheurs de l'ORSTOM (2) ont es-

sayé de traiter en mai 1901 devant les auditeurs du CPDCET (3). Les exposés ont

porté sur les problèmes posés par le pays baule en Côte d'Ivoire et par la zone

arachidière au Sénégal. Dans les deux cas, il a été montré que la connaissance

historique permet de rejeter certaines simplifications, de relativiser certaines

attentes et peut-être, discrètement mais fondamentalement, de remettre en cause

la notion même du développement. En même temps, quelques informations ont été don-

nées sur la façon dont travaillent les historiens de l'Afrique, et en particulier

sur le parti qu'on peut tirer des archives coloniales et des traditions orales.

(1) Cet article a déjà été présenté dans la note AtIIRA n° 32.

(2) J.P. CHAUVEAU et Ph. COUTY.

(3) Centre de Perfectionnement pour le Développement et la Coopération Economique et Technique - Ministère de la Coopération et du Développement -21, rue du Port 91350 GRIGNY - Le responsable du Centre est Michel GAUD.

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Préalablement à ces études de cas, une brève introduction avait présen-

té quelques points de vue, évidemment discutables, sur les rapports entre approche

historique et pratique de la planification ou des projets de développement. Récri-

te, augmentée, assortie de quelques références, cette introduction a été discutée

au Séminaire Interdisciplinaire de l'ORSTOM ; elle constitue l'essentiel du texte

qu'on va lire. Pour éviter tout malentendu, on souligne que ce texte ne prétend

nullement résumer l'état de la question, mais vise seulement à contribuer à un

débat. Conçu d'abord comme simple canevas d'un exposé oral, il garde de sa forme

originale le caractère d'une ébauche ou d'une tentative.

Il ne saurait être question de chercher à justifier le choix d'un sujet

dont les lecteurs sauront bien peser l'intérêt. Néanmoins, on peut attirer l'atten-

tion sur la fréquence croissante avec laquelle l'histoire, l'analyse historique,

l'approche historique (ou dynamique), sont présentées aujourd'hui comme des voies

de recours. En général, il ne s'agit guère plus que d'allusions et de projets,

peut-être d'échappatoires. Quoiqu'il en soit, dans les articles écrits par des

spécialistes que leur discipline a cessé de combler, dans les rapports confection-

nés par des sociétés d'études soucieuses de faire croire qu'un jour de nouvelles

données pourront fonder des interventions efficaces, le couplet sur la nécessité

et les vertus de l'histoire devient presque banal. S'il est sincère, cet appel à

l'histoire ne nourrit-il pas de vaines espérances ? Ne traduit-il pas une concep-

tion qui ferait de l'histoire un outil de plus dans la trousse de l'expert en dé-

veloppement, un instrument supplémentaire dans l'orchestre dirigé par le planifi-

cateur ?

En 1883, un esprit aussi averti que RENAN prévoyait la disparition de

l'histoire pour dans cent ans, c'est-à-dire maintenant : "Je fus entraîné vers les

sciences historiques, petites sciences conjecturales qui se défont sans cesse

après s'être faites, et qu'on négligera dans cent ans. On voit poindre en effet un

âge où l'homme n'attachera plus beaucoup d'intérêt à son passé ... C'est par la

chimie à un bout, par l'astronomie à un autre, c'est surtout par la physiologie

générale que nous tenons vraiment le secret de l'être, du monde" (1). Depuis RENAN,

(1) RENAN, 1973, p. 163.

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le vent a tourné. Alors qu'en 1920, Alfred IIARSHALL mettait dans la préface de la

Sème édition de ses fameux Principes cette petite phrase qui eût enchanté RENAN :

"The Necca of the economist lies in economic biology" (1), WICKSELL, économiste

pourtant particulièrement convaincu de la supériorité du raisonnement logico-

mathématique en économie, recommandait sur la fin de sa vie (2) aux jeunes écono-

mistes d'acquérir avant tout une solide culture historique.

Pour dépasser ces revirements, cherchons à distinguer quels peuvent

être, pour un planificateur d'aujourd'hui, les paliers d'intensité du recours à

l'histoire.

1/ Commençons par ce qu'on pourrait appeler le niveau minimum. Il

correspond à des exigences de simple bon sens, mais en la matière on est bien

obligé de reconnaître que le bon sens n'est peut-être pas toujours la chose au

monde la mieux partagée.

Critiquant le plan nigérien de 1965 - 1968, THENEVIN (3) regrette par

exemple que le modèle de développement retenu n'ait pas intégré le risque clima-

tique : "L'absence d'analyse historique est grave car l'étude du passé aurait per-

mis d'éviter l'oubli du risque d'apparition de périodes de grande sécheresse". Ce

risque existe en effet en Afrique soudano-sahélienne, il n'est pas besoin d'être

historien pour en avoir entendu parler, mais il est sûr qu'une certaine connais-

sance des archives le rend davantage présent à l'esprit. Il n'est sans doute pas

inutile, par exemple, de se souvenir qu'à la suite d'une série de mauvaises sai-

sons agricoles commencée six ans plus tôt, la situation du Soudan vers 1914

était catastrophique. Il y eût cette année-là plus de 30 000 morts dans le cercle

de Ouahigouya, dans l'actuelle Haute-Volta, sur un total de quelque 315 000 habi-

tants (4). On peut se rappeler également que c'est à l'occasion de la grande séche-

resse de 173E - 1756 que le déclin de l'empire du Bornou s'amorça même si l'écrou-

lement final de cet état doit être attribué à la guerre sainte de 1804 - 1808, et

à la destruction de sa capitale par les armées islamiques ... (5).

(1) MARSHALL, 1956, p. XII.

(2) SELIGMAN, 1962, p. 561. Notons que WICKSELL est mort en 1926.

(3) THENEVIN, 1980, p. 56.

(4) IIARCHAL, 1980, p. 70. (5) LOVEJOY, 1978, pp. 65C sqq.

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En ce qui concerne les projets ponctuels aussi, d'étranges ignorances

se manifestent parfois. Aurait-on construit la station de recherche piscicole de

Bagakawa, au Nigeria, sur la rive ouest du Lac Tchad, à un endroit qui se trouva

peu à peu envahi par les eaux au début des années 60, si l'on avait su que le ni-

veau du Lac varie selon un cycle de longue durée ? Mieux connu aujourd'hui, ce cy-

cle pouvait être pressenti dès les années 50 par simple comparaison entre l'état

du Lac à cette époque et celui dont rend compte l'exploration réalisée par le

Général TILHO en 1905 et 1906 (1).

On dira qu'il s'agit ici de climatologie et non d'histoire. Reste que

ne pas oublier de prendre en compte certaines données essentielles, sur lesquel-

les les archives ou parfois des documents imprimés facilement accessibles disent

tout ce qu'il importe de savoir, c'est bien un minimum. Observons toutefois que

derrière cette proposition, se dissimule un "toutes choses égales par ailleurs"

qu'il vaudrait mieux expliciter, ne serait-ce que pour s'obliger à en vérifier

la vraisemblance. On trouvera souvent que cette vraisemblance est douteuse. Après

tout, avec un bon système d'information et de transport, les sécheresses sahélien-

nes auraient pu cesser d'être catastrophiques. Cela veut-il dire que si trop de

choses changent, les leçons de l'histoire perdent toute valeur ? La conclusion se-

rait paradoxale : pour tirer pleinement parti de l'histoire, il faudrait en somme

que celle-ci restât immobile. Or, l'histoire n'est-elle pas justement l'étude du

changement ?

2/ Pour sortir de cette impasse, examinons un autre mode d'utilisa-

tion de la connaissance historique, défini par THENEVIN (p. 69) lorsqu'il étudie

le système d'information nécessaire à l'élaboration de la stratégie et de la poli-

tique de développement. Il s'agit, nous dit THENEVIN, de dévoiler trois choses :

- les tendances d'évolution et les changements à prévoir ;

- les potentialités physiques, techniques ou humaines qui pourraient

se réaliser ;

- les contradictions ou tensions futures à résoudre.

(1) TILHO, 1910 - 1914.

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On n'arrivera jamais, bien sûr, à une connaissance totale de ces ten-

dances, de ces potentialités et de ces contradictions, mais on peut au moins s'ef-

forcer d'aller le plus loin possible dans chacune des directions indiquées. L'idée

qui inspirera cet effort, c'est que certains événements, certaines situations, ont

leur germe et leur commencement dans une époque antérieure. Tout est lié : le pas-

sé annonce et détermine le présent, lequel à son tour pousse l'avenir sur la scène:

Il y a dans toutes les vies humaines des faits qui représentent

l'état des temps évanouis ; en les observant, un homme peut pré-

dire presque à coup sûr le développement essentiel des choses

encore à naître, qui sont recélées en germe dans leurs faibles

prodromes, et que l'avenir doit couver et faire éclore (1).

Ce thème est éminemment poétique, et CLAUDEL s'y attarde avec jubila-

tion : "Le passé est une incantation de la chose à venir, sa nécessaire différen-

ce génératrice, la somme sans cesse croissante des conditions du futur" (2). Trans-

posée dans le domaine scientifique, une telle façon de voir présente au moins un

avantage, mais aussi certains dangers.

L'avantage, c'est de consolider, presque à l'excès, l'idée que person-

ne -et surtout pas le planificateur- ne part de zéro. Il n'y a pas de table rase.

Comme les chefs d'armée dont parle TOLSTOI dans Guerre et Paix, les décideurs éco-

nomiques ne se trouvent jamais au début, mais toujours au milieu d'une série d'é-

vénements dont chacun découle de tous ceux qui l'ont précédé. TOLSTOI en conclut

que le commandant en chef a l'illusion de commander. Son héros, c'est le vieux

Koutouzov, qui se contente de gagner du temps en lisant des romans français. Moins

négativement, nous pourrions retenir que la connaissance de l'histoire est double-

ment utile. Elle fait sentir au planificateur enthousiaste la force des enchaîne-

ments qu'il devra rompre s'il veut leur substituer d'autres séquences d'évolution.

Elle suggère au planificateur devenu plus modeste de rendre ses schémas d'inter-

vention compatibles avec le cours quasi-irrésistible des choses.

(1) SHAKESPEARE, IIème Partie de Henri IV, Acte III, tion de F.V. HUGO, mais le texte original vaut d

There is a history in all men's lives Figuring the nature of the time deceas The which observ'd, a man may prophesy With a near aim, of the main chance of As yet not corne to life, who in their And weak beginnings lie intreasured.

(2) CLAUDEL, 1967, p. 140.

Scène 2. Je cite la traduc-'être consulté.:

'd,

things seeds

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Venons-en aux dangers. Le premier est facile à éviter. Il naît de la

tentation qu'on peut éprouver de réduire les données historiques à des séries

statistiques, en particulier lorsqu'on cherche à déceler une tendance. Que cette

tendance existe ne fait aucun doute. Dans le document déjà cité, THENEVIN écrit,

par exemple, à propos du plan ivoirien 1976 - 1980 :

"Les problèmes de long terme énoncés par le Groupe Côte d'Ivoire

2000 sont nombreux et ne se limitent pas aux options choisies en

définitive par les planificateurs ... On ne peut, en particulier,

omettre une analyse historique portant sur les mécanismes de déve-

loppement passés de la Côte d'Ivoire et les résultats observés, ou

sur les relations entre économie ivoirienne et reste du monde. Or,

aucune chronique, ne serait-ce que des séries fournies par les comp-

tables nationaux ou statisticiens, n'est fournie par le Plan" (1).

L'auteur semble suggérer ici qu'il y aurait eu moindre mal si des sé-

ries comptables et statistiques avaient été recueillies et analysées. On aurait

eu au moins un commencement de lumière sur les "mécanismes de développement pas-

sés de la Côte d'Ivoire". Pourtant, même chiffrée, la description n'eût pas expli-

qué ce qui met en mouvement ces mécanismes et ce qui les fait fonctionner à tel ou

tel rythme pendant une période. La liste des chroniques donnée par THENEVIN (p.70)

est longue, mais elle ne permettrait de connaître que des résultats ex post, dont

le rapprochement ou même la co-variation ne signifie pas grand'chose. Il y manque-

ra toujours le compte-rendu de ce que Paul VEYNE (2) appelle des intrigues, parfai-

tement singulières et imprévisibles. De ces intrigues, l'analyse de l'expansion

arachidière au Sénégal de 1850 à 1960 donne un bon exemple. Derrière les séries

statistiques de production et d'exportation, on décèle un faisceau de processus

historiques, dont certains ne sont pas mesurables. Il y a la révolution sociale

qui mue en paysans les anciens captifs du Cayor, ainsi que les ex-hommes de main

des chefs dépossédés. Il y a la transformation d'une illumination mystique indivi-

duelle, reçue par un certain Amadou BAMBA, en entreprise de colonisation agraire.

Il y a la spoliation des Peul du Baol, appuyée par l'administration coloniale ...

Le résultat, c'est que du premier chargement de 70 tonnes d'arachides parti de

(1) THENEVIN, 1980, pp. 26 et 27.

(2) P. VEYNE, 1978.

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Rufisque vers les huileries de Rouen en 1841 (1), on passe à 90 000 tonnes expor-

tées en 1900 et 1 400 000 tonnes en 1964. Mais ce résultat, même si l'on pouvait

le rapprocher d'autres indicateurs chiffrés, ne nous apprend rien sur les ressorts

et les moyens dont on vient de donner un aperçu.

THENEVIN ne s'enferme en aucune façon dans cette approche statistique.

Il prend garde de signaler que l'analyse dynamique comporte aussi, et surtout,

une "analyse historique approfondie d'évolution des systèmes de production et des

systèmes sociaux", à partir de "monographies et études non statistiques révélant

des changements importants dans les comportements, en particulier les mécanismes

de décision et les aspirations" (pp. 70 et 71). Mais il y a un deuxième danger,

plus subtil, dans lequel on risque de tomber lorsqu'on attend de la connaissance

historique qu'elle dévoile des tendances, des potentialités et des contradictions.

Si l'on va jusqu'au bout de cette démarche en effet, n'y trouve-t-on pas les mêmes

espérances, et peut-être les mêmes certitudes que celles du positivisme ? Auguste

COMTE écrivait en 1884 à ce sujet : "La doctrine qui aura suffisamment expliqué

l'ensemble du passé obtiendra inévitablement, par suite de cette seule épreuve, la

présidence mentale de l'avenir" (2). Expliquer doit être entendu ici, me semble-t-

il, au sens latin : explicare vestem : déployer des étoffes, explicare volumen :

dérouler un manuscrit. Expliquer le passé, c'est le démonter et l'étaler comme on

dispose les pièces d'un fusil sur une toile de tente pour la revue d'armes.

L'histoire à venir serait virtuellement inscrite dans un présent qui, lui-même,

était virtuellement inscrit dans le passé. Si nous savions tout, ou le maximum de

choses, sur le passé et le présent, nous pourrions prédire l'avenir. Il est possi-

ble d'étaler devant nos yeux, à un moment donné, l'ensemble des processus histori-

ques, c'est-à-dire de les faire sortir du temps, de nier le temps. Paradoxalement,

le positivisme rejoint ici la connaissance atemporelle et divine des scolastiques,

(1) V. MONTEIL, 1966, p. 189.

(2) Cité avec ironie par H.I. MARROU, 1954, p. 11. On trouve dans le Discours sur l'Esprit Positif d'où est tirée cette phrase un autre passage encore plus ré-vélateur : "L'esprit positif ... peut seul représenter convenablement toutes les grandes époques historiques comme autant de phases déterminées d'une même évolution fondamentale, où chacune résulte de la précédente et prépare la sui-vante selon des lois invariables qui fixent sa participation spéciale à la com-mune progression" (COMTE, 1970, p. 61 du Discours ...).

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la vision statique et omnisciente du passé, du présent et de l'avenir (1). Là en-

core, le recours à l'histoire semble reposer, en dernière analyse, sur une néga-

tion et une disparition de la spécificité historique. L'effort de connaissance

historique n'aurait d'autre but que de ruiner et d'éliminer son objet.

Parvenus à ce point, il nous reste à nous demander si l'on ne doit pas

rechercher dans l'histoire autre chose d'irréductible et d'inentamable, qui serait

enfin le changement lié au déroulement même du temps.

3/ "We must take time seriously. To make a comparison between two

situations, each with its own future and its own past, is not the same thing as

to trace a movement from one to the other" (2). Un économiste a suivi cette recom-

mandation de Joan ROBINSON bien avant qu'elle ne fut écrite. C'est Augustin COURNOT

lorsqu'il opposait histoire et théorie (3). Si l'on peut, dit COURNOT, remonter de

l'état final d'un système, et de proche en proche, jusqu'à son état initial, alors

la dimension historique est absente. Le système s'est développé de lui-même, hors

du temps. En réalité, quand on veut expliquer l'état actuel d'un système, on de-

vra faire appel à des faits qu'aucune théorie ne peut expliquer ni prévoir. Ce

sont ces faits qui sont du ressort de la connaissance historique. Leur nombre et

leur importance croissent avec la complication des processus étudiés. On n'a pas

à recourir à l'histoire dans la recherche mathématique, alors que les faits d'évo-

lution ont une grande importance en biologie, et une importance primordiale en

sociologie.

Autrement dit, les faits historiques entrent dans la catégorie des cho-

ses données, immédiates, qui rendent d'emblée superfétatoire et insuffisant tout

essai de formalisation. DESCARTES l'avait dit brutalement : "Les philosophes, en

tâchant d'expliquer par les règles de leur logique des choses qui sont manifestes

d'elles-mêmes, n'ont rien fait que les obscurcir" (4). Ces choses manifestes d'el-

les-mêmes, mais inimaginables, imprévisibles, proviennent de l'invention sociale

(1) Telle qu'elle est décrite par exemple dans la Somme Théologique : "Deus autem omnia videt-in uno unde simul et non successive omnia videt" (I, Qu. 14, art. 7). Et plus loin : "Deus autem non sic cognoscit infinitum, vel infinita, quasi enumerando partem post partem, cum cognoscat omnia simul, non successive" (I, Qu. 14, art. 12).

(2) ROBINSON, 1960, p. V. (3) COURNOT, 1975 (Essai sur le fondement de nos connaissances et sur le caractère

de la critique philosophique, chap. 20). Voir les observations de F. MENTRE, à l'article Histoire du Vocabulaire ... de LALANDE, 1976, p. 415.

(4) DESCARTES, 1953, p. 575.

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et témoignent de la multiplicité des cheminements historiques. "Dans les crises,

écrit Michel AGLIETTA (1), se forment des conjonctures instables dont l'issue

n'est pas contenue dans les processus qui ont participé aux régimes de fonction-

nement passés du système. Tout se passe comme si le système était contraint à la

mutation, mais que des bifurcations soient possibles sans que son orientation dans

telle ou telle voie soit assignable. En ce sens, on peut dire que l'histoire est

invention et liberté. Il n'est pas plus possible d'en décrire un état final que

de la soumettre à une raison universelle. Créatrice de toutes les formes sociales

et par conséquent de toutes les normes, l'histoire est elle-même au-delà de toute

loi. C'est pourquoi cette invention est indissolublement liée à la violence

sociale".

Prendre conscience des possibilités ouvertes par cette liberté, cette

capacité d'invention et de violence, c'est accomplir bien évidemment un progrès

d'un tout autre ordre que celui qui consistait à fouiller le passé pour y collec-

tionner les mises en garde, ou pour en extraire des tendances extrapolables. Il

n'y a pas addition d'information, mais changement dans la façon de savoir ce qu'on

savait déjà. "L'histoire, écrit H.I. MARROU, est l'homme devenu conscient, qui mar-

che les yeux ouverts" (2).

4/ Quand on s'intéresse à l'histoire africaine, cette prise de cons-

cience est en même temps une "décentration", pour reprendre une expression de

J. PIAGET. Scientifiquement, il s'agit en effet d'un domaine frontière. Longtemps,

l'Afrique a été considérée comme située en grande partie hors de l'histoire, et

tout l'effort récent a justement consisté à la replacer dans l'historicité. Or,

c'est bien à la limite séparant ce qui ressortit à l'histoire et ce qui lui échap-

pe qu'on peut faire le mieux l'expérience de cheminements inhabituels, déconcer-

tants, embarrassants, et pour tout dire : nouveaux. Non par vaine curiosité exoti-

que, mais pour mieux comprendre à quel point les ressources de l'invention sociale

sont inépuisables. "Ce que l'histoire signifie globalement, écrit Karl JASPERS,

nous l'apprenons peut-être le mieux à partir de ses frontières. L'expérience de

ces frontières se fait par confrontation avec ce qui n'est pas l'histoire, avec

l'avant (Vorher) et l'en-dehors (Ausserhalb)" (3). Toute la question est justement

(1) AGLIETTA, 1981, p. 19.

(2) H.I. MARROU, 1954, p. 265.

(3) K. JASPERS, 1949, p. 295.

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de savoir si l'Afrique se trouve encore, ou s'est trouvée jusqu'à une époque qu'il

faut préciser, dans cet au-delà de l'histoire. La réintégrer dans l'historicité,

repousser les limites du Vorher et de l'Ausserhalb, comme tout nous y convie,

c'est donner une configuration plus ample à l'histoire, et donc adopter de nou-

veaux points de vue sur l'inachèvement et la perfectibilité des sociétés humaines.

Car l'histoire n'est pas autre chose : "Pourquoi l'histoire existe-t-elle ? Parce

qu'au bout du compte l'homme est inachevé et inachevable ... L'inachèvement de

l'homme et son historicité sont une seule et même chose", (K. JASPERS, p. 296).

Il y a des implications très pratiques dans cette expérience. C'est en

Afrique que le colonisateur, puis le développeur, ont cru et ont voulu se trouver

confrontés à une société traditionnelle située dans le Vorher et l'Ausserhalb de

JASPERS. Pourtant la connaissance historique, étendue à la période pré-coloniale,

rend indéfendable l'idée d'une société immobile, se reproduisant à l'identique

pendant une période indéfinie. Elle nous persuade que le développement n'est pas

un processus simple commençant avec la mise en contact de l'Afrique et de ce qu'on

appelle le monde capitaliste, mais résulte d'une combinaison entre la ou les dyna-

miques européennes et mondiales d'une part, les changements internes aux sociétés

africaines d'autre part.

Finalement, on ne peut que partager l'opinion de Cl. GRUSON : les plans,

les programmes de développement se réfèrent à une conception de l'avenir inspirée

soit du modèle occidental, soit du modèle soviétique. Conception trop restrictive:

l'histoire et l'ethnologie nous mettent devant les yeux la "grande diversité des

destins possibles de l'homme" (1). Nous ne pouvons prétendre prévoir les orienta-

tions que prendraient les hommes du Tiers-Monde s'ils mettaient en oeuvre librement

cet élément de solution qu'est une attitude rationnelle devant les problèmes de

production et d'organisation économique. Autrement dit, la rationalité économique

ne fournit pas de guide univoque à l'action ; elle permet tout au plus de trier

les projets. De ces principes simples, GRUSON déduit qu'une véritable politique de

(1) GRUSON, 1977, p. 475.

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développement devrait se donner pour règle d'éviter ou de réduire au minimum tou-

te rupture avec l'état initial de l'activité économique. Mis à part les cas où il

s'agit de porter secours à des personnes en danger (en raison de l'évolution démo-

graphique notamment), le développement suppose une assimilation véritable des ac-

quis scientifiques de la communauté internationale. Cette assimilation exige des

délais, ne serait-ce que parce qu'apprendre, c'est souvent réinventer. En atten-

dant, mieux vaut freiner toute utilisation d'équipements conçus et produits dans

les pays développés, mieux vaut ralentir l'importation de produits de consommation

achetés à l'extérieur.

Pour en revenir à l'essentiel, il suffit de rappeler avec P. VEYNE que

"les faits humains sont rares ... (qu') il y a du vide autour d'eux pour d'autres

faits que notre sagesse ne devine pas" (1). Ce qui est pourrait être autre, "C'est

assurément une chose curieuse que cette capacité qu'ont les hommes d'ignorer leurs

limites, leur rareté, de ne pas voir qu'il y a du vide autour d'eux, de se croire

à chaque fois installés dans la plénitude de la raison" (2). Personne n'est ins-

tallé dans la plénitude de la raison, ni l'historien -lui-même produit de l'his-

toire- ni le planificateur. Savoir cela change irréversiblement les certitudes en

alarme, et les évidences en interrogations. Plus rien ne va de soi, et d'abord

parce qu'il faut désormais éliminer les fantômes du langage. Le mot "développement",

par exemple.

(1) VEYNE, 1978, p. 204.

(2) VEYNE, 1978, p. 216.

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CLAUDEL (P.) - 1967

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mard, pp. 121 - 145.

COMTE (A.) - 1971

Catéchisme positiviste. Appel aux conservateurs. Discours sur l'Esprit

Positif in Oeuvres, vol. XI, Paris, Anthropos.

COURNOT (A.) - 1975

Essai sur le Fondement de nos connaissances et sur le caractère de la

critique philosophique, in Oeuvres Complètes, vol. X, Paris, Vrin.

GRUSON (Cl.) - 1977

Une politique de développement pour le Tiers-Monde : ses données

technico-économiques, in Revenu Tiers-Monde, T. XVIII, n° 71, juillet-

septembre 1977.

JASPERS (K.) - 1949

Vom Ursprung und Ziel der Geschichte, Artemis Verlag, Zürich, 360 p.

LALANDE (A.) - 1976

Vocabulaire Technique et Critique de la Philosophie, 12e édition, Paris,

PUF, 1 323 p.

LOVEJOY (P.E.) - 1978

The Borno salt industry, The International Journal of African Histori-

cal Studies, XI, 4, pp. 629 - 668.

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Chronique d'un cercle de l'A.O.F., Ouahigouya (Haute-Volta) 1908 - 1914

Travaux et Documents de l'ORSTOM, n° 125, Paris, ORSTOM.

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Une Confrérie musulmane : les Mourides du Sénégal, in Initiations et

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SELIGMAN (B.B.) - 1962

Main Currents in Modern Economics, New York, Free Press of Glencoe,

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Documents scientifiques de la mission Tilho (1906 - 1909), Paris,

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VEYNE (P.) - 1973

Comment on écrit l'histoire, suivi de Foucault révolutionne l'histoire

Paris, Seuil, 242 p.

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STRATEGIE DE SATISFACTION DES BESOINS ESSENTIELS

ET PLANIFICATION DANS LES PAYS LES MOINS AVANCES

Par Jacques SCHWARTZ

I - ORIGINE

La satisfaction des besoins essentiels comme stratégie de développement

pour les pays à très bas revenus (devenus depuis "PMA", pays les moins avancés)

est apparue en 1976 lors de la Conférence Mondiale pour l'emploi de l'Organisation

Internationale du Travail et a été recommandée dans le programme d'action qui a

été adopté alors.

Il n'est pas étonnant que ce soit l'organisme des Nations-Unies s'occu-

pant plus spécialement des "ressources humaines" qui soit à l'origine de ce pro-

gramme d'action. Certes un certain accord s'était manifesté, chez les théoriciens

tout au moins, pour reconnaître que les stratégies de développement et de planifi-

cationpratiquées dans les P.V.D. dans les décennies 60 et 70 privilégiaient trop

la croissance de la production, celle-ci étant mesurée globalement par le fameux

PIB et unanimement imaginée comme le "gâteau" national à partager. Certes on com-

mençait à insister sur l'équité dans la distribution et sur le progrès social que,

pauvre traduction de l'anglais "welfare", on appelait parfois "bien-être". Mais

les rectifications proposées, notamment par la Banque Mondiale, en faveur d'un dé-

veloppement auto-centré (développement au sein de son champ géographique et social)

insistaient encore trop sur les variables quantifiables et ne savaient pas prendre

"en compte" les facteurs plus ou moins bien regroupés sous le concept de qualité

de la vie.

La stratégie de satisfaction des besoins essentiels n'a pas eu le suc-

cès que ses principes simples et basés sur un certain "bon sens" politique pou-

vaient laisser espérer. Une fois affirmé le postulat que cette stratégie ne pou-

vait concerner à la rigueur que les pays les moins avancés, le Groupe des 77, ou

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tout au moins ses porte-parole, l'a refusée de fait. Il la taxait de "misérabilis-

me" et accusait les idéologues des pays industrialisés qui la défendaient de s'en

servir pour masquer le vrai débat sur le développement qui allait être abordé à

l'occasion d'ONUDI III à New Delhi, celui de l'exigence d'industrialisation du

Tiers-Monde.

On peut pourtant se demander, en se cantonnant volontairement, dans un

premier temps, à l'aspect technique, si une méthode de planification basée sur une

telle stratégie des besoins essentiels ne conviendrait pas mieux aux pays les plus

démunis que celle habituellement suivie. Cette dernière, comme chacun sait, est une

planification incitative, basée sur le "libéralisme planifié" et sur un objectif

de croissance et de diversification de l'appareil de production, au mieux tempéré

par l'introduction d'une fonction de redistribution (1).

II - L'IDENTIFICATION DES BESOINS ESSENTIELS ET LEUR INSERTION DANS LE PLAN

Le nombre et la définition des besoins considérés comme essentiels va-

rient selon les pays où cette approche a été étudiée. Ce qui montre déjà qu'il

s'agit là d'une stratégie adaptable aux conditions géo-climatiques ou au niveau

de développement du pays considéré, et non d'une démarche rigide et figée.

Cinq besoins se retrouvent constamment. Ce sont :

1- la satisfaction des besoins alimentaires ;

2- la possibilité d'obtenir une instruction qui prépare à l'exercice

d'une activité productive et à l'insertion dans la vie sociale ;

3- l'exercice d'un emploi ;

4- la disposition d'un logement et de son équipement ;

5- le droit à la santé.

(1) La référence d'une telle planification reste : J.L. FYOT : "L'expérience de la Côte d'Ivoire", n° 2 de la Collection "Méthodologie de la Planification" -Ministère de la Coopération - Paris.

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A ce tronc commun viennent s'ajouter d'autres besoins en fonction du

niveau économique déjà atteint par le pays et surtout de ses coutumes sociales.

L'habillement sera ainsi souvent mentionné en Afrique de l'Ouest, moins par néces-

sité d'une protection contre les intempéries que pour tenir compte de son rôle so-

cial. Les transports peuvent aussi apparaître dans la liste des besoins, surtout

dans les pays où la croissance incontrôlée des villes entraîne des migrations pen-

dulaires journalières de plus en plus importantes pour les habitants des quartiers

marginaux. L'inclusion du transport dans les besoins essentiels pose néanmoins un

problème théorique, celui de savoir s'il s'agit bien d'un besoin essentiel et pas

seulement de la nécessité de trouver un remède aux problèmes posés par une situa-

tion défectueuse en matière d'emploi et de logement.

Sont par contre curieusement absentes des listes la sécurité (intérieu-

re et extérieure) et l'activité religieuse malgré l'importance que prennent d'une

part les budgets de police et de défense dans l'économie nationale et d'autre part

la pratique religieuse, aussi bien du point de vue individuel que du point de vue

politique et même économique. Cet oubli apparaît assez significatif d'une tendance,

perceptible même parmi les partisans de la stratégie de satisfaction des besoins

essentiels, tendance qui limite cette stratégie à certains aspects de la vie écono-

mique et sociale et qui ne veut pas poursuivre cette démarche jusqu'à en faire une

méthode globalisante. Or, la sécurité des personnes et la sécurité du territoire

doivent être considérées comme des besoins essentiels et, en conséquence, il ne de-

vrait pas y avoir de raison de les traiter à part. Il faut reconnaître que cette

lacune existe dans les plans réalisés selon la méthodologie habituelle, et cela ne

semble pas choquer leurs auteurs de complètement ignorer, aussi bien au niveau des

investissements, des charges récurrentes, des emplois que de leurs "effets", un

pan de l'économie qui représente, bon an, mal an, 20 à 30 % du budget national.

La description plus détaillée des besoins essentiels retenus permet très

rapidement de préciser les choix fondamentaux de politique économique et surtout

elle force à les expliciter clairement. La satisfaction des besoins alimentaires,

par exemple, suppose soit l'autosuffisance alimentaire (au niveau national ou ré-

gional), soit l'intégration au marché international des produits vivriers (marché

commercial ou marché de l'aide alimentaire).

Dans le cas de l'intégration au marché international, il est nécessaire

de bien mettre en balance d'une part les revenus tirés des exportations des

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cultures agro-industrielles et des produits industriels ou miniers et d'autre

part le coût, financier mais aussi politique, d'acquisition des denrées alimentai-

res. Les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire l'objectif fixé concernant non

seulement la production agricole mais aussi la commercialisation intérieure, la

politique de stockage (localisation et volume des stocks), les habitudes alimen-

taires, l'état sanitaire, la protection maternelle et infantile, etc.

Ce raisonnement sur les besoins alimentaires, qui illustre la nécessité

de dépasser largement le cadre habituel de la seule production agricole, peut être

appliqué aux autres types de besoins. Il permet de montrer que l'instruction est

plus que la seule éducation nationale, surtout dans les pays où le taux de scola-

risation est loin d'atteindre 100 %, que l'emploi est lié en amont à l'instruction

et en aval à la distribution comme à l'aménagement du territoire, que le logement

fait partie intégrante de l'urbanisme, etc.

Dès lors, il apparaît que le découpage sectoriel de l'activité économi-

que, qui est celui, très contraignant, en vigueur dans l'administration, ne peut

convenir à un processus de planification basé sur la stratégie de satisfaction des

besoins essentiels. Pas plus d'ailleurs qu'il ne convenait quand on cherchait à

promouvoir au niveau régional les "projets de développement intégré". Ceci revêt

une importance fondamentale pour la méthode de planification.

Tous ces thèmes ne sont pourtant pas absents du discours économique et

politique. Souvent même ils figurent comme "missions du plan" dans l'introduction

politique des documents du Plan. Mais, dès les premiers chapitres, on en revient

à la démarche sectorielle. Les discours politiques font de même un grand usage de

ces thèmes, indépendamment du plan et en des occasions bien spécifiques : le ler

mai est ainsi l'occasion d'un discours sur l'emploi, l'ouverture de l'année univer-

sitaire d'une dissertation sur l'instruction, l'ouverture d'un silo de stockage

d'une évocation du spectre de la famine et de ce qu'il faut faire pour l'éviter,

etc. Mais ces discours-programmes n'ont que peu d'influence sur la pratique des

planificateurs.

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III - CONSEQUENCES PRATIQUES SUR LA MÉTHODOLOGIE DE PLANIFICATION

L'idée qui prévaut derrière la stratégie de satisfaction des besoins

essentiels est celle d'un modèle de société où les ménages ont un rôle prédominant

Les ménages sont considérés essentiellement comme consommateurs de biens et servi-

ces, mais ceux-ci ne sont pas uniquement marchands. L'introduction de facteurs

qualitatifs plus nombreux impose au planificateur, et surtout au macro-économiste

dont l'outil de base est la Comptabilité Nationale, de raisonner différemment.

Le paradoxe, maintenant devenu classique, du chef de ménage qui fait

baisser le PIB en épousant sa cuisinière, apparaît élémentaire si on le compare

à celui de la consommation de biens et services de santé qui n'est pas synonyme,

bien au contraire, de l'amélioration de l'état de santé. De nombreux exemples ana-

logues apparaîtront à la faveur d'une démarche prenant en considération les besoins

essentiels. Ils concernent la qualité et la valeur sociale des aliments ; la forma-

tion des autodidactes ou l'apprentissage "sur le tas" au sein du secteur informel;

la richesse de la vie sociale ; l'environnement du logement et en particulier la

diminution des services de transport du fait d'un urbanisme réussi, etc.

La priorité accordée aux besoins de la population ne doit pas être con-

fondue avec l'intérêt nouveau que l'on porte dans les pays industrialisés, ceux à

économie planifiée comme ceux à économie de marché, au consommateur ... solvable.

Il ne s'agit pas seulement ici, on l'aura compris, de la seule consommation de

biens et services marchands.

Il y a d'ailleurs lieu de s'interroger à ce propos sur le concept de

"ménage" tel qu'il est utilisé dans la Comptabilité Nationale. A ne faire qu'un

seul compte global de l'agent "ménages", on donne prise aux réticences de certaines

couches sociales, les plus favorisées, dont font partie d'ailleurs ceux qui déci-

dent de la politique de développement, vis-à-vis de la stratégie de satisfaction

des besoins essentiels.

Une crainte de nivellement par la base apparaît, renforcée par la vi-

sion homogénéisante et standardisante de la Comptabilité Nationale qui fait du PIB

global une sorte de gâteau à se partager, en ignorant les mécanismes et les compor-

tements qui, au sein même des processus de production et de répartition, sont sour-

ce d'expansion. Faute d'une représentation dynamique de l'économie nationale, les

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couches sociales supérieures vont avoir tendance à confondre satisfaction des be-

soins essentiels (pour tous) et blocage de la croissance de leur niveau de vie

tant que les couches les plus pauvres n'auront pas atteint un niveau de vie accep-

table.

Un modèle de société est en fait beaucoup plus riche qu'un modèle fon-

dé sur un taux de croissance prévisionnel du PIB, même détaillé en taux de crois-

sance sectoriels et augmenté d'objectifs et de missions assignés à la prochaine

période, ce à quoi se résument de plus en plus les documents généraux des Plans.

Pour reprendre les catégories de la Comptabilité Nationale, on pourrait

définir un modèle de société comme un ensemble de vecteurs de consommation corres-

pondant aux différents types de ménages présents dans le pays, augmenté d'un cer-

tain nombre d'indicateurs sociaux, quantifiables (en particulier ceux exprimant la

dispersion à l'intérieur de chaque type) ou qualitatifs, ces indicateurs étant jus-

tement ceux traduisant le niveau de satisfaction des besoins considérés comme es-

sentiels pour chacun des types. Ces types de ménages doivent de même être connus

et projetés en effectifs, en tenant compte de leur croissance "naturelle" (sur des

bases démographiques), mais aussi des transferts entre ces types.

On est ainsi amené à considérer des besoins essentiels par types de mé-

nages ou par couches sociales.

Ces considérations ont deux conséquences immédiates sur la méthodologie

de la planification.

Tout d'abord et bien évidemment, la Comptabilité Nationale doit présen-

ter les comptes des diverses catégories de ménages retenus, en allant plus loin que

les quelques tentatives déjà amorcées pour distinguer ménages ruraux et ménages

urbains.

De plus, la projection du Tableau Economique d'Ensemble (T.E.E.) doit,

dans cette optique, avoir un certain caractère normatif.

Les vecteurs représentant les objectifs de consommation pour chacun des

types de ménages permettent de remonter au niveau souhaitable pour la production

de chacune des branches, et d'appliquer les méthodes classiques d'identification

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des goulots d'étranglement. Ces goulots, physiques, financiers, monétaires, sont

liés au respect des contraintes de commerce extérieur et de niveau d'inflation (1).

L'identification comme l'évaluation des programmes et des projets se-

raient d'ailleurs elles-mêmes facilitées puisqu'elles se feraient en fonction de

l'intérêt, mesurable, de ces programmes et projets pour les différentes catégories

de mènages.

La méthode des effets, utilisée pour apprécier les incidences macro-

économiques des projets de développement, devrait s'en trouver considérablement

enrichie. En utilisant le même principe technique (décomposition des investisse-

ments et de la valeur ajoutée selon la grille du Tableau Economique d'Ensemble) et

en prenant certaines précautions (prise en compte de phénomènes de saturation pour

certains types de ménages et pour certaines consommations, ou, au contraire, phéno-

mènes d'exclusion pour des raisons autres que le niveau du pouvoir d'achat), il de-

vrait être possible d'analyser ex ante les effets d'un projet sur le niveau et la

structure de la consommation de chaque catégorie de ménages (2).

L'analyse risque cependant de ne pas être simple, en particulier du

fait que la typologie des ménages retenue, si elle est hiérarchisée, n'est certai-

nement pas totalement ordonnée (3). Un projet ne peut, en conséquence, être retenu

(1) Dans cette optique, ces contraintes d'équilibre (ou de déséquilibre contrôlé) du commerce extérieur et des prix restent des contraintes. Elles n'ont pas à se transformer, comme cela devient la tendance dans de nombreux plans, en ob-jectifs prioritaires.

(2) Ainsi appliquée, la méthode des effets aurait l'intérêt de recentrer l'atten-tion sur la consommation des ménages alors que, de plus en plus, on l'utilise pour calculer l'influence globale d'un projet sur le commerce extérieur.

(3) On peut prendre comme exemple schématique une population de ménages où cinq types ont été identifiés (1) les ménages urbains à modèle de consommation euro-péen , (2) les ménages urbains à revenus réguliers, (3) les ménages urbains à revenus faibles et irréguliers, (4) les ménages ruraux pratiquant une culture de rente, (5) les ménages ruraux ne pratiquant pas de culture de rente. Si l'on peut admettre une hiérarchie du type :

(2) (4) (3) (.5)

on ne peut par contre, comparer les niveaux (2), (3) et les niveaux (4) et (5).

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-25 -

ou rejeté selon des critères quantifiables aussi simples que dans le cas d'appli-

cation classique où c'est le niveau de la valeur ajoutée intérieure qui est retenu

On se retrouve en particulier confronté au même problème théorique que celui, en

micro-économie, des optimum au sens de Koopmans et de la construction d'une fonc-

tion d'utilité collective. Mais la méthode devrait aussi permettre de mettre en

évidence et d'exhiber des projets de compensation rendus nécessaires par l'exis-

tence de projets ne profitant qu'à certains types de ménages.

La deuxième conséquence majeure sur la méthodologie de la planification

c'estpour les programmes destinés à la satisfaction des besoins essentiels, la né-

cessité de recourir systématiquement à des procédures de rationalisation des choix

budgétaires. Ceci s'avère obligatoire dès lors que plusieurs départements ministé-

riels sont concernés et qu'une approche sectorielle est insuffisante. Ces procédu-

res, outre l'identification de tous les paramètres qui entrent en compte et la

quantification des objectifs (lorsque cela est possible), doivent permettre de re-

tenir les indicateurs qui devront être suivis au cours de l'exécution des program-

mes.

Il faut ici noter une particularité de la stratégie de satisfaction des

besoins essentiels. Elle accorde une importance très grande à la sécurité (sécuri-

té alimentaire, de l'emploi, du logement, etc.). En conséquence, plutôt que de

chercher à maximiser une production à l'année terminale du plan, ou encore à maxi-

miser une moyenne (c'est-à-dire une espérance mathématique) de production sur cinq

années (pour les productions soumises à de fortes influences extérieures ou à des

aléas climatiques), on cherchera à maximiser une espérance mathématique sous con-

trainte de niveau minimal garanti de production (1).

(1) On peut reprendre l'exemple relatif à la satisfaction des besoins alimentaires. En matière de production agricole, l'habitude consiste à fixer comme objectif une production moyenne pour les années du plan (pour tenir compte des aléas climatiques). La recherche de l'optimum de production peut conduire à adopter des méthodes culturales qui maximisent l'espérance mathématique de production (monoculture) mais qui acceptent un risque de production quasi-nulle. La stra-tégie opposée peut au contraire consister à ne pas retenir la méthode cultura-le la plus productive, mais celle qui assure un niveau minimal garanti (asso-ciation de cultures, utilisation simultanée de variétés hâtives et tardives) fixé en fonction du niveau des stocks ou du temps minimal nécessaire pour ache-miner une aide alimentaire. Cette deuxième façon satisfait beaucoup mieux l'ob-jectif de satisfaction des besoins alimentaires.

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IV - QUELS BESOINS EN INFORMATION STATISTIQUE DANS LE CADRE D'UNE METHODOLOGIE

DE PLANIFICATION REPOSANT SUR LA STRATEGIE DE SATISFACTION DES BESOINS

ESSENTIELS ? (1)

Le planificateur va immédiatement ressentir les insuffisances de la

Comptabilité Nationale et les difficultés que celle-ci éprouvera à lui fournir

les tableaux statistiques indispensables, en particulier le TEE avec plusieurs

colonnes pour les ménages.

Si, avec l'enquête annuelle auprès des entreprises, des commerces et

des administrations, le comptable national a un outil maintenant au point (à con-

dition que le plan comptable national soit bien appliqué) pour remplir les bran-

ches relatives aux entreprises, si les statistiques du commerce extérieur et cel-

les des administrations et des institutions financières sont fiables, la situation

est beaucoup moins favorable pour établir le compte des ménages. Bien souvent,

celui-ci est obtenu par solde, solde que permettent tout juste de caler de façon

périodique les trop rares enquêtes budget-consommation.

Or, si à la limite une colonne peut être remplie par solde, il ne peut

en être de même pour les diverses colonnes correspondant aux divers types de ména-

ges retenus. L'enquête budget-consommation prend ainsi une dimension toute diffé-

rente pour le comptable national qui ne l'utilisera plus seulement pour réaliser

la cohérence interne de ses tableaux. L'enquête auprès des ménages devient tout

aussi déterminante que l'enquête industrielle annuelle pour élaborer les comptes

nationaux.

Il n'est pas question pour autant de rendre cette enquête annuelle,

tout au moins sous sa forme classique. Comme la fréquence décennale est, elle, net-

tement insuffisante, une fréquence égale à celle des Plans devrait s'imposer (tous

les cinq ans dans un grand nombre de pays).

(1) Cette partie devrait être beaucoup plus développée que ne le laisserait suppo-ser les trois pages qui lui sont réservées dans cette synthèse. On peut cepen-dant signaler aux lecteurs intéressés que le Groupe AMIRA (Amélioration des Méthodes d'Investigation en Milieu Rural Africain), dont le Secrétariat est au Service de Coopération de l'INSEE, a produit un certain nombre de travaux qui trouvent parfaitement leur place dans une planification axée sur la stratégie de satisfaction des besoins essentiels (en particulier les travaux relatifs aux "Fichiers de Village", aux indicateurs de transition et aux systèmes d'enquêtes intégrées).

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Cette enquête devrait naturellement faire ressortir la typologie des

ménages qui sera finalement utilisée pour décrire et projeter les modes de consom-

mation des ménages.

Une telle typologie ne pourra elle-même être déterminée qu'après une

première enquête descriptive, même si au départ on a recours à une classification

a priori largement intuitive (ne serait-ce que pour définir les critères de stra-

tification lors de la mise au point du plan de sondage de l'enquête). Pour établir

cette typologie, le statisticien pourra utiliser les puissantes méthodes d'analyse

des données mises au point ces dernières années (analyse factorielle, analyse ma-

tricielle "Bertin", analyse graphique). Pour l'année de réalisation de l'enquête,

un TEE descriptif particulièrement détaillé pourra ainsi être élaboré. Ce TEE

"idéal" ne pourra pas être reconstruit chaque année mais il existera pour l'année

de référence du Plan (1).

Outre ce TEE descriptif détaillé,doit être construit le TEE normatif

projeté à l'année horizon du futur plan (dernière année d'exécution du prochain

plan, ou année médiane). Pour ce faire, le planificateur devra disposer d'infor-

mations beaucoup plus nombreuses que celles qu'il a habituellement (les dossiers

de projets). Il devra, en particulier, avoir des données sur les élasticités de

(1) Cette année de référence ne sera plus comme auparavant la dernière année d'exé-cution du Plan. Dans le cas d'un plan quinquennal, on aura intérêt à prendre la troisième année (centrale) du plan précédent comme année de référence, pour tenir compte des délais d'exploitation de l'enquête, délais que l'on devra raccourcir au maximum, et du temps nécessaire à la confection des comptes na-tionaux, à leur diffusion et à leur explication. La maîtrise de la lecture des tableaux de la Comptabilité Nationale par un beaucoup plus grand nombre de décideurs est aussi nécessaire pour que toute la démarche du planificateur soit comprise.

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-28-

substitution de produits et services par catégories de ménages et sur les mouve-

ments prévisibles ou souhaités, faisant passer des ménages d'une catégorie à une

autre (1).

L'enquête auprès des ménages, portant sur les revenus et leur utilisa-

tion, devrait donc voir son rôle considérablement augmenté et occuper une position

centrale dans l'arsenal d'investigation statistique. On ne devrait plus considérer

qu'elle ne sert en fait qu'à calculer les pondérations d'un indice des prix à la

consommation (2).

(1) Il n'est pas sûr que les résultats des enquêtes classiques auprès des ménages puissent permettre de calculer ces élasticités de substitution, en particulier pour les produits pour lesquels la dépense est très variable d'un ménage à l'autre et pour les dépenses impliquant des engagements financiers portant sur de longues périodes (acquisition d'un logement ou d'une voiture par exem-ple). Pour ces dépenses de caractère exceptionnel, il convient d'accroître la taille des échantillons de ménages enquêtés et d'allonger la période de réfé-rence grâce à des passages trimestriels voire annuels et à des questionnaires rétrospectifs.

La psychologie économique, encore balbutiante, devrait aussi avoir un rôle im-portant à jouer pour juger de la cohérence des modèles de consommation par ty-pes de ménages retenus dans le TEE projeté. On ne peut se contenter de l'asser-tion selon laquelle les ménages aspirent à avoir le modèle de consommation de la couche sociale immédiatement supérieure pour réaliser de telles projections. Ceci est vrai en particulier pour les grosses dépenses d'investissement (quand et pourquoi franchit-on le seuil qui fait passer par exemple de locataire à propriétaire de son logement ?), ainsi que pour les phénomènes de saturation ou d'exclusion déjà cités.

(2) Si l'on admet, au contraire, que le TEE projeté pour l'année terminale du plan peut avoir un certain caractère normatif, on peut même se permettre de rempla-cer cet indice des prix à la consommation par des budgets-types pour chaque catégorie de ménages, budgets-types représentants les vecteurs de consommation du TEE projeté.

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-29-

Parallèlement à l'amélioration de la Comptabilité Nationale, une action

devrait être entreprise pour identifier et suivre les indicateurs de réalisation

des objectifs prioritaires (les besoins essentiels). Il s'agit là d'une démarche

beaucoup plus classique et qui a déjà fait l'objet d'application chaque fois que

des procédures de rationalisation des choix budgétaires ont été mises en vigueur.

Certains indicateurs, tels que l'espérance de vie à la naissance, le taux de mor-

talité infantile, les taux de scolarisation (taux moyen et taux à l'entrée en

première année du primaire) sont maintenant couramment utilisés.

Mais, on peut penser qu'une procédure de Rationalisation des Choix

Budgétaires, si elle est bien conduite, devrait permettre d'identifier des indi-

cateurs significatifs de la stratégie de développement suivie, en beaucoup plus

grand nombre. Il importera alors de suivre l'évolution de ces indicateurs, en

valeur absolue comme en valeur relative, pour les différents groupes sociaux

retenus.

Les fichiers de village (ou ce qui en tient lieu dans les pays où ces

structures spatiales n'existent pas) sont des instruments méthodologiques qui pa-

raissent bien adaptés aux types d'informations et d'analyses que l'on veut promou-

voir dans le cadre d'une stratégie de satisfaction des besoins essentiels. Ils

permettent une représentation fine et décentralisée des réalités, d'autant plus

utile qu'elle se prête à une expression graphique comme à un travail d'analyse des

facteurs explicatifs de certaines variables (1).

(1) En reprenant à nouveau l'exemple des besoins alimentaires, la confrontation de cartes représentant d'une part le niveau théorique de satisfaction des besoins caloriques et protéiques et, d'autre part, l'implantation et la fréquentation

des centres nutritionnels, la ration calorique ou protéique effective, les axes de communication et les circuits de commercialisation, les zones de cultures d'exportation, etc, donne un meilleur éclairage sur la malnutrition que les statistiques agricoles classiques. Là encore, d'ailleurs, le recours aux mé-thodes de l'analyse factorielle s'avère indispensable.

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- 30

V - CONCLUSION SOMMAIRE

Ce premier approfondissement des conséquences de l'adoption éventuelle

de la stratégie de satisfaction des besoins essentiels sur la méthodologie de la

planification et de l'investigation statistique montre l'importance que devrait

prendre une Comptabilité Nationale basée sur une enquête auprès des ménages à

périodicité plus rapprochée et à objectifs repensés. L'accent a aussi été mis sur

l'intérêt qu'il y a à adopter des procédures de rationalisation des choix budgétai-

res qui doivent déboucher sur ces fameux indicateurs de transition dont l'intérêt

se fait de plus en plus sentir. Enfin, rien ne prouve que le coût financier d'une

telle méthodologie de planification soit plus élevé que celui découlant de la

pratique actuelle.

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- 31 -

LIBRES PROPOS SUR

LES INTERVENTIONS DU FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL

DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT

Par Gaston OLIVE

et Gérard WINTER

I - LE SChEMA D'INTERVENTION

Au cours des années 70, on a vu dans plusieurs pays se dérouler le

scénario suivant :

- Forte augmentation des recettes extérieures et budgétaires, à la sui-

te d'une hausse du prix des produits exportés ou de leur volume.

mat ion.

venir.

- Forte croissance des revenus, puis de la demande de biens de consom-

- Accélération des dépenses publiques, anticipant sur les recettes à

- En conséquence, accélération des importations de tous produits.

Puis dans un deuxième temps :

- stabilisation des recettes extérieures ;

- création d'un important déficit budgétaire et extérieur.

Bien que des mesures visant à freiner l'investissement et, parfois, les

dépenses de fonctionnement soient prises, la dette extérieure et son service pren-

nent une ampleur excessive. Le pays a alors recours aux bons offices du FMI.

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-32 -

Le Fonds envoie une équipe relativement nombreuse de spécialistes éco-

nomiques et financiers. Ayant accès à tous les dossiers de l'Administration Natio-

nale et disposant d'informations régulièrement accumulées à Washington, au siège

du Fonds, utilisant enfin de petits modèles économétriques ad hoc, cette équipe

élabore très rapidement un tableau statistique de l'économie et formule un diagnos-

tic global de la situation.

Puis elle définit une politique de redressement qui est la contrepartie

plus ou moins obligatoire de l'aide du Fonds.

II - EXEMPLE D'UNE DEVALUATION EN 1979

On peut émettre des appréciations assez nuancées sur cette manière de

faire et surtout sur la nature des politiques de redressement généralement recom-

mandées.

L'exemple récent d'un petit pays maritime dont les ressources essentiel-

les proviennent de ses plantations de canne à sucre et qui ne dispose que d'un

modeste appareil industriel, peut illustrer notre propos.

A la fin de 1979, le FMI a accordé à ce pays une aide financière étalée

dans le temps.

En contrepartie, les mesures suivantes ont été appliquées :

1- Dévaluation de 30 % de la monnaie nationale •

2- Suppression de subventions à l'importation sur le riz, la farine,

et hausses de prix subséquentes •

3- Augmentation de certains tarifs publics •

4- Augmentation de la taxe sur les exportations de sucre et sur le

tourisme •

5- Encadrement et réorientation du crédit, modification des taux

d'intérêt •

6- Freinage des dépenses et du recrutement dans le secteur gouverne-mental.

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-33-

Ces mesures ont provoqué une augmentation des prix de 15 à 20 %.

La dégradation de la balance courante a repris dans les années suivan-

tes. Le pays a dévalué de nouveau en septembre 1981, probablement avec aussi peu

d'espoir de redresser la situation à moyen terme.

Le diagnostic formulé en 1979 par le FMI, pour autant qu'on puisse le

reconstituer, était juste : après une période d'euphorie liée aux cours élevés du

sucre, et au développement des exportations de la zone franche, le Gouvernement

(soumis à des contraintes électorales), a fortement augmenté les revenus salariaux

et ses dépenses de fonctionnement et d'équipement.

Les importations ont crû de façon excessive. Les accidents de conjonctu-

re (baisse du prix du sucre, cyclone, ralentissement de l'activité de la zone fran-

che) ont débouché directement sur un solde extérieur encore plus déficitaire.

III - EXAMEN DES MESURES DU F.M.I.

La politique recommandée peut s'analyser en deux volets :

- restriction de la demande ;

- dévaluation.

On la critiquera selon divers points de vue.

1- Mesures entraînant des conséquences économiques négatives.

2- Mesures n'atteignant pas leur objectif.

3- Mesures socialement négatives.

4- Mesures visant un objectif autre que celui annoncé.

5- Mesures politiquement inapplicables.

1- Conséquences économiques négatives

La dévaluation et les mesures 2- et 3- ont créé une tension inflation-

niste considérable (+ 42 % de prix de 1979 à 1980). Les revendications salariales

qui en ont découlé ont abouti en partie seulement (le FMI avait recommandé 13 %

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-34-

d'augmentation de salaire, il y en a eu environ 22 %), mais ont prolongé cette

tension en 1980 et 1981.

2- Objectifs non atteints

La dévaluation ne peut améliorer le solde commercial estimé en devises:

- les exportations de sucre ne dépendent que de la production et des

prix mondiaux ; les exportations de vêtements (75 % des exports de manufacturés)

sont limitées par des quotas en unités physiques ;

- les importations comportent principalement des biens alimentaires,

des équipements, des combustibles, du ciment, tous produits indispensables à l'é-

conomie ; ils ont une faible élasticité-prix ; ils ne sont pas substituables par

la production locale.

3- Mesures socialement néuatives

Le pouvoir d'achat des entrepreneurs individuels ne travaillant pas

dans les secteurs exportateurs et des salariés a baissé de 20 % environ. La deman-

de de produits locaux s'est donc déprimée, le chômage a fortement augmenté.

4- Mesures à but implicite

En réalité, la dévaluation vise un but autre que l'équilibre commercial.

Augmentant les revenus en monnaie nationale du Gouvernement et des producteurs de

sucre, si elle s'accompagne de la quasi-stabilisation des salaires, elle s'analyse

comme un transfert des revenus des salariés vers le Gouvernement et les producteurs

de sucre.

C'est là son but véritable. La forme sous laquelle il est présenté em-

pêche toute discussion avec les partenaires sociaux, tout compromis visant à l'ac-

ceptation collective des mesures de redressement.

5- Mesures inapplicables

Le Gouvernement a dû retarder ou annuler certaines augmentations de prix

prévues par le FMI et décidément trop impopulaires.

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-35-

IV - CRITIQUE GLOBALE DE L'APPROCHE DU F.M.I.

On peut, après ces critiques ponctuelles, essayer une approche plus

globale.

Le plan du FUI ne s'insère pas dans une perspective à moyen terme. Le

problème est de viser une demande d'importations en harmonie avec le niveau moyen

à moyen terme d'exportations. Ce dernier niveau n'est pas repéré. Aucune perspec-

tive sur la zone franche (pourtant dangereusement concurrencée dans la Région)

n'est avancée. Rien n'est prévu pour faire face à l'aléa climatique moyen.

Du côté des importations, on laisse au marché le soin d'engendrer des

industries ou des cultures de substitution, alors que toute protection douanière

est rejetée. Les relations :

. revenu - consommation

. profits - investissements

. investissements - production

ne sont pas analysés. Rien ne garantit donc que le freinage de la demande globale

permettra un rééquilibrage structurel. Corrélativement, les mesures ont un carac-

tère global. Elles ignorent les processus de la distribution sociale des revenus

et la grande dispersion des revenus moyens par catégorie. Elles négligent le fait

que les importations de produits de première nécessité peuvent représenter une part

notable des importations totales alors qu'elles sont très peu compressibles. Elles

ne distinguent pas les investissements débouchant sur un marché certain et les in-

vestissements augmentant au contraire la dépendance extérieure et les risques.

Les mesures sont très orientées vers les mécanismes financiers ; on y

retrouve un arrière-plan théorique monétariste peu convaincant quand il s'agit

d'économies en développement.

De manière encore plus générale, on peut estimer que la philosophie

sous-jacente aux politiques de redressement préconisées par le FUI, philosophie

d'où ces politiques tireraient leur justification, est la suivante : l'ensemble

des mesures préconisées conduira globalement à des transferts entre les divers

partenaires économiques, transferts qui aboutiront à une réallocation des

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-36-

ressources nationales supposée plus productive et de nature à remédier aux désé-

quilibres économiques et financiers.

Or, il apparaît que cette réallocation des ressources est trop globale.

Elle ne débouche pas nécessairement ni immédiatement sur un système économique

plus performant. Elle devrait en fait s'accompagner d'une analyse relativement fi-

ne du potentiel de croissance des différents secteurs de l'économie. Elle devrait

aussi tenir compte du comportement des principaux centres de décision et de l'é-

quilibre des forces économiques et sociales en présence tant il est vrai que cer-

taines d'entre elles risquent de récupérer à leur profit une bonne part des trans-

ferts induits par la politique de redressement mise en oeuvre, sans pour autant

les affecter à des investissements productifs.

Mais modifier ou prendre en compte les structures de production et les

mécanismes de répartition c'est véritablement, qu'on le veuille ou non, intervenir

dans le processus de développement du pays. Une politique de redressement des dé-

séquilibres de court terme doit nécessairement s'articuler à une politique de dé-

veloppement à moyen terme.

Enfin, on peut penser que, dans certains pays, il serait plus réaliste

de rechercher dans le cadre d'une négociation politique globale un minimum d'accord

des partenaires sociaux sur la réallocation des ressources visée.

N'y a-t-il pas quelque naïveté en effet à penser qu'une politique de

transferts des revenus sera acceptée plus facilement sous prétexte qu'elle n'appa-

raîtra que comme la conséquence indirecte, implicite et anonyme d'une politique

globale de redressement financier ?

V - QUELQUES PROPOSITIONS TECHNIQUES EN GUISE DE CONCLUSION

Pour aider les pays non développés à négocier avec le FMI, améliorer

la qualification des techniciens nationaux paraît essentiel. Ils sont trop souvent

incapables de faire la moindre objection aux spécialistes du Fonds, faute de con-

naissances économiques de base. Leur formation nous paraît un domaine prioritaire.

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-37-

Pour prévenir les effets des politiques souvent hasardeuses pratiquées

par les Etats, il faut munir ceux-ci d'organismes de prévision à court terme. Les

groupes de Prévision Annuelle du Sénégal et du Cameroun, créés il y a cinq ans,

oeuvrent dans ce sens.

L'appareil statistique qui permet de repérer les problèmes, c'est la

Comptabilité Nationale ; non pas la Comptabilité dirigée vers l'élaboration d'a-

grégats utilisés pour l'essentiel à des fins de comparaisons internationales, mais

une Comptabilité simple, robuste, rapide, articulée selon la structure économique

du pays, mettant en évidence les comportements d'agents et les objectifs de la

politique économique.

L'interprétation du SCN (Système de Comptabilité Nationale) en fonction

des besoins effectifs des pays est une tâche prioritaire.

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-38-

PRINCIPES GENERAUX D'UN SYSTEIIE DE COMPTES DU PATRIMOINE NATUREL (1)

Par Jean-Louis WEBER

1- LE PATRIMOINE NATUREL

1.1. Ecosphère et patrimoine naturel

Notre patrimoine est ce qui nous a été légué par nos ancêtres et que

nous avons fait fructifier ou que nous avons dilapidé ; en d'autres termes, c'est

ce que nous pouvons transmettre aux générations futures. Le patrimoine naturel

n'est donc constitué que d'une partie des éléments qui constituent la nature (ou

écosphère), la matière en mouvement ou l'énergie en perpétuelle transformation,

dont l'homme n'est qu'une fraction infinitésimale.

Envisager le patrimoine naturel du point de vue de sa transmission de

génération en génération suppose en effet deux choses :

a) que l'homme lui attribue une valeur ;

b) qu'il est susceptible de se transformer, de croître, de décroître,

de disparaître, à un rythme qui soit à la mesure de l'histoire humaine.

La roche des montagnes ou le sable du désert ne sont pas des éléments

du patrimoine naturel, au moins pour l'instant dans leur majeure partie. De même,

ne font pas partie du patrimoine naturel les éléments que l'on peut considérer, du

point de vue de l'homme, comme permanents :

(1) Extrait du rapport rédigé à la suite de la mission effectuée par l'auteur du 04 au 15 janvier 1982, à Abidjan, dans le cadre du Projet "Patrimoine naturel et croissance économique en Afrique".

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-39-

- le rayonnement émis par le soleil ;

- les éléments chimiques simples ou composés stables (H20, ...) ;

- le globe terrestre, y compris sa géothermie, son relief, ses terres

émergées, etc.

Ces éléments existent hors de toute possibilité d'action de l'homme,

ils évoluent sur un rythme géologique ou sur une échelle de temps plus longue. Ne

pouvant transformer ces éléments, l'homme n'a pas à les transmettre : ils ne font

pas partie de son patrimoine naturel.

Ces éléments permanents constituent cependant la substance même des élé-

ments du patrimoine naturel. Le patrimoine naturel apparaît alors comme une combi-

naison temporaire d'éléments de base (matière - énergie) sous une forme déterminée,

en un lieu. donné :

- l'élément chimique "eau" n'est qu'un élément permanent, mais les

"eaux continentales" sont un élément fondamental du patrimoine naturel, dont le

cycle peut être modifié par les interventions directes de l'homme (barrages, exhau-

re, réseaux, ...) ou par ses actions sur la couverture végétale ;

- le climat, qui est un élément du patrimoine naturel que l'homme peut

modifier par son action sur le couvert végétal est déterminé par la combinaison

des éléments permanents que sont le rayonnement solaire, la latitude, l'altitude

et la longitude (position par rapport à la mer) ;

- le sol, élément de base d'une grande partie des organismes vivants,

est conditionné par le relief et le sous-sol ; mais il évolue par l'action du cy-

cle de l'eau, de l'homme, de la végétation, ... ;

- parmi les éléments que contient le sous-sol, certains peuvent égale-

ment se trouver inclus dans le patrimoine naturel de l'homme, s'ils ont acquis une

valeur particulière pour celui-ci. Le cycle de reproduction des éléments du sous-

sol -énergie fossile, minerais, ...- est bien sûr sans commune mesure avec l'his-

toire humaine, mais le fait qu'ils soient consommés entraîne une diminution de

leur stock, donc de leur transmissibilité.

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-40-

1.2. Patrimoine naturel et autres formes du patrimoine humain

Le fait que l'homme considère la nature comme son patrimoine -auquel

il peut attribuer une valeur monétaire- ne change rien au fait qu'il fait partie

de la nature, qu'il est un organisme vivant. Il doit respecter les cycles essen-

tiels de la nature s'il veut la dominer ou simplement y vivre.

Mais l'homme est un organisme vivant particulier, qui occupe une place

à part dans les écosystèmes du fait des transformations qui résultent de son action

volontaire, de son travail.

Ceci conduit :

a) à considérer l'économie comme un sous-ensemble de la nature ;

b) à exclure du patrimoine naturel les éléments dont la caractéristique

principale est d'être le produit du travail humain ; ces objets ressortent de la

seule analyse du patrimoine économique ou du patrimoine culturel.

Un champ, ou une forêt de production, sont d'abord régis par les cycles

naturels (que l'activité humaine cesse, la végétation croîtra différemment mais

croîtra) : ils sont éléments du patrimoine naturel -en même temps que du patrimoi-

ne économique.

Un barrage est seulement un élément du patrimoine économique. L'eau de

la retenue est un élément de patrimoine naturel.

Le château qui rehausse un site n'est qu'un élément du patrimoine cul-

turel et du patrimoine économique. Le site qui l'inclut est par contre un élément

de patrimoine naturel, évaluable dans une optique socio-culturelle.

1.3. Analyse du patrimoine naturel

Le patrimoine naturel, tel qu'il est délimité aux § 1.1. et 1.2. peut

être décomposé selon divers points de vue.

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-41 -

Le patrimoine naturel peut d'abord être considéré comme un ensemble

d'éléments. Ces éléments peuvent être classés selon les caractéristiques propres

de leur cycle de reproduction. On distingue ainsi :

a) les éléments non-renouvelables (charbon, pétrole, minerais métalli-

ques, etc.) ;

b) les milieux physiques qui constituent le substrat de la vie. Leur

reproduction ou leur régénération est entièrement liée à des facteurs exogènes à

chacun d'eux, soit qu'il s'agisse d'organismes vivants ou de l'homme, soit de

l'action d'autres milieux physiques (le cycle de l'eau est influencé par la végé-

tation, l'action de l'homme, et l'aptitude des eaux continentales à permettre la

vie est elle-même conditionnée par les micro-organismes qui y vivent -les sols

évoluent en fonction de la végétation et du cycle de l'eau, ...).;

c) les organismes vivants dont la reproduction est liée à la qualité

et à la disponibilité des milieux physiques ainsi qu'à l'existence des autres or-

ganismes des chaînes alimentaires, mais aussi à l'action propre de leur système

biologique.

On remarquera que ces trois catégories correspondent approximativement

à trois rythmes de reproduction.

Le patrimoine naturel peut aussi se décrire du point de vue de la re-

production de la vie. La notion d'écosystème rend compte de la combinaison, sur

une aire donnée, d'un biotope, lui-même combinant plusieurs milieux physiques (sol,

eau, air, climat, ...) et d'une biocoenose, ensemble d'organismes vivants, végé-

taux et animaux, associés dans une -ou plusieurs- chaîne alimentaire. D'une cer-

taine manière, l'écosystème constitue l'unité de production des organismes vivants

et l'unité de régénération des milieux physiques.

Comme on l'a vu en 1.2., l'homme occupe une place particulière dans la

nature qu'il transforme par son travail conscient. Il ne peut donc y être décrit à

l'aide des seules notions d'organisme vivant et d'écosystème (agricole ou urbain).

C'est par ailleurs en fonction de lui qu'est définie la notion même de patrimoine

naturel. Il convient donc de compléter l'analyse qui est faite par l'introduction

d'une catégorie rendant compte des rapports de l'homme à la nature : ce sont les

agents.

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-42-

Ces différentes notions peuvent se représenter par le schéma de la

page 43.

2- STRUCTURE DU SYSTE/ΠDE COMPTES DU PATRIMOINE NATUREL

2.1. Objectifs de la structuration de l'information sur le

patrimoine naturel

Trois objectifs peuvent être assignés à un système structuré de comptes

du patrimoine naturel :

- promouvoir une approche systémique généralisée ;

- standardiser l'information afin de faciliter la communication entre

spécialistes et non spécialistes ;

- fournir des données synthétiques aux décideurs et notamment aux déci-

deurs centraux.

2.1.1. Approche systémique généralisée

Le patrimoine naturel est un ensemble complexe d'objets en interrela-

tion. L'étude approfondie de chacun d'eux, à des fins scientifiques ou de gestion

suppose nécessairement une délimitation du champ (à telle catégorie d'éléments, à

tel territoire, ...). Une telle délimitation comporte toujours le risque de perdre

de vue une partie des interrelations du système, ce qui peut avoir des conséquen-

ces négatives au niveau de la gestion de l'environnement naturel. Ainsi, la réso-

lution satisfaisante d'un problème donné peut entraîner des conséquences néfastes

dans un autre domaine ou sur un territoire voisin.

Pour pouvoir évaluer ces conséquences, il faut pouvoir disposer d'un

modèle -ou de modèles- de représentation de ces interrelations. C'est la concep-

tion de tels modèles qui est l'objet de cette science pluridisciplinaire relati-

vement nouvelle que constitue l'écologie.

La validité de tels modèles dépend de leur capacité à rendre compte

des phénomènes naturels, c'est-à-dire à la fois de la précision des concepts et

des mécanismes qui sont décrits et de leur globalité. Cette validité s'apprécie

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-44-

du point de vue de la cohérence interne des modèles et par les vérifications quan-

titatives qui peuvent être réalisées.

Ce dernier point pose la question de l'information nécessaire. Un mo-

dèle partiel peut être vérifié expérimentalement au niveau d'une station d'obser-

vation (laboratoire, unité de production, unité administrative). La vérification

des généralisations qui peuvent en être faites suppose que l'on dispose d'une in-

formation quantifiée au niveau global.

Une telle information, pour être utilisable pour la vérification de mo-

dèles d'ensemble doit elle-même présenter un degré minimum de cohérence interne.

Les méthodes doivent être les mêmes sur l'ensemble du territoire observé. Les pa-

ramètres utilisés pour décrire les différents éléments et cycles doivent corres-

pondre à une même logique d'observation ou à des logiques cohérentes.

Condition de l'utilisation correcte de l'information globale, sa struc-

turation est également la condition de l'application satisfaisante de méthodes

statistiques.

Plusieurs approches sont possibles et les environnementalistes et les

statisticiens de l'environnement ont commencé à rassembler des données suivant

diverses logiques d'observation :

- bilans-matière et comptes de ressources naturelles privilégiant un

point de vue économique (système norvégien par exemple) ;

- indicateurs de la qualité des milieux (dans de nombreux pays) ;

- description du fonctionnement des écosystèmes (système "Stress"

(agressions - réactions) canadien).

Ce que propose de réaliser le système de comptes du patrimoine naturel,

c'est une synthèse, limitée mais globale, des différentes approches possibles.

L'hypothèse de départ est qu'il est possible de s'inspirer du modèle comptable

pour structurer la présentation de l'information de base. Les principes de la comp-

tabilité permettent d'élaborer une information qui résume l'activité d'une entre-

prise, d'un organisme, d'un Etat. Appliqués à une économie nationale, ces principes

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-45-

ont permis d'élaborer les systèmes de comptabilité nationale qui rassemblent une

partie de l'information économique et qui, de plus en plus, jouent le rale de pôle

fédérateur dans l'élaboration des systèmes d'information économique et même des

plans comptables d'entreprises.

C'est une position analogue qu'occupe le système de comptes du patri-

moine naturel dans le champ de l'information sur l'environnement naturel. Un tel

modèle comptable est nécessairement synthétique, résumé, comme l'est la comptabi-

lité économique nationale. Mais comme elle, à un niveau analogue, il est exhaustif

en ce sens qu'il englobe tous les objets et fournit une trace de tous les mouve-

ments qui les ont affectés.

Toute modification d'une case du système a des implications immédiates

pour d'autres postes, tous ceux qui lui sont liés par la logique comptable. Modè-

le de représentation globale, le système comptable peut également fonctionner

comme cadre élémentaire de vérification des conséquences des prévisions particu-

lières ou des projets spécifiques.

2.1.2. Standardisation du langage

La définition des classes d'objets et de relations, dont le nombre est

nécessairement restreint, pouvant figurer dans le système de compte est un résumé,

une synthèse des catégories utilisées par les spécialistes des différentes scien-

ces de la nature et humaines.

En tant que résumé, elles constituent un appauvrissement des connais-

sances dont on dispose. Mais la standardisation du langage, qu'un tel résumé per-

met, facilite la communication entre spécialistes et non spécialistes.

La validité des définitions retenues dépend de leur articulation avec

les concepts de base des sciences concernées. Bien que le système se situe sur un

plan très général, il pourra être amené à se modifier avec l'évolution des diver-

ses sciences. De même, la comptabilité nationale connaît divers systèmes et ceux-

ci se sont modifiés avec le temps.

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-46-

2.1.3. Fourniture de données synthétiques

La cohérence logique des informations contenues dans un système compta-

ble autorise l'élaboration d'indicateurs synthétiques. Leur utilité est double.

Du point de vue de l'étude du patrimoine naturel, ils constituent des

vues d'ensemble susceptibles de mettre en évidence des phénomènes qu'une approche

sectorielle conduirait à ignorer ou à en négliger l'ampleur.

Du point de vue de la prise de décision, ils constituent des outils

maniables pour les décideurs et fiables dans la mesure où l'existence du système

comptable permet de les relier aux éléments qu'ils résument.

2.1.4. Organisation du système d'informations statistiques

sur l'environnement

Les particularités d'un système de comptes du patrimoine naturel en

font aussi un bon outil pour l'organisation d'un programme statistique pour l'en-

vironnement naturel. Les priorités nationales peuvent y être définies et replacées

dans un cadre d'ensemble permettant de définir logiquement une hiérarchie entre

les différentes phases du travail.

2.2. Structure générale du système de comptes du patrimoine naturel

Elle peut se ieprésenter par le schéma de la page suivante. La structu-

re des comptes découle directement de l'analyse du patrimoine naturel au § 1.3.

2.2.1. Les différents regroupements comptables

On établit des comptes pour les éléments, les écosystèmes, les agents

ainsi que pour les territoires ou espaces, sur lesquels écosystèmes et agents sont

en concurrence.

Chaque regroupement comptable peut se définir par les objectifs de la

mesure.

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-48-

2.2.1.1. Les comptes d'éléments

On cherche, dans un compte d'élément, à en apprécier la quantité et

son évolution.

Le compte des éléments non renouvelables devra tenir compte des diver-

ses évaluations possibles du stock compte tenu des conditions technico-économiques

de son exploitation.

Le compte des milieux physiques s'attachera à la mesure de la disponi-

bilité de ceux-ci, en un lieu donné, dans la quantité nécessaire et sous une for-

me convenable (qualité).

Le compte des organismes vivants présentera leur démographie et leurs

aires de répartition ainsi que des données sur leur biomasse.

Les principes de l'agrégation des comptes d'éléments restent à dévelop-

per. Il est possible qu'elle puisse se faire sur la base des travaux menés autour

du concept d'énergie.

2.2.1:2. Les comptes d'écosystèmes

Ils s'attachent à décrire la performance des écosystèmes. Ils mesurent

leur état, leur diversité, leur productivité biologique, leur résistance aux agres-

sions. L'établissement de comptes d'écosystèmes suppose l'établissement de typolo-

gies et de nomenclatures et la définition de classes d'équivalence.

Pour chaque écosystème, on déterminera si ses performances évoluent fa-

vorablement, se dégradent ou sont stationnaires. L'agrégation des différents comp-

tes pourra se faire sur la base de la superficie des écosystèmes, pondérée, par

exemple par la biomasse qu'ils produisent.

2.2.1.3. Les comptes d'agents

Du point de vue du patrimoine naturel, l'action de l'homme occupe une

place particulière. Les agents sont les hommes et leurs institutions, considérés

du point de vue de leur rapport à la nature (prélèvements, usages, y compris usa-

ges récréatifs, pollutions, aménagements, sélection, production, etc.).

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Ce rapport se situant pour une large part dans le champ de l'économie,

les agents sont classés à titre principal selon les catégories de la comptabilité

nationale (secteurs institutionnels, branches, ...).

Les mesures du compte d'agents portent sur les actions des agents, l'é-

tat du patrimoine qu'ils utilisent, les bilans-matière de l'activité économique,

l'usage socio-culturel de la nature. Les comptes peuvent être établis en données

physiques et en monnaie.

2.2.1.4. Les comptes de territoires ou d'espaces

L'espace naturel est l'enjeu d'une concurrence entre les organismes

vivants, entre ceux-ci et les agents. Il est possible de décrire l'évolution du

patrimoine naturel en se plaçant seulement dans une optique territoriale d'utili-

sation du sol. Dans une optique spatiale, il apparaît clairement que l'on peut

procéder à des évaluations très différentes d'un espace naturel. On peut ainsi

évaluer un espace forestier en tant qu'écosystème (on attachera alors une grande

importance à la diversité génétique, à la composition de l'écosystème, etc.) ; on

peut procéder à une évaluation différente du point de vue de la production de bois

(qui peut être plus importante si l'on procède à la sélection des essences par

exemple) ; on peut enfin évaluer l'espace forestier selon sa dimension socio-

culturelle comme lieu de promenade, de chasse, etc.

L'approche spatiale du patrimoine naturel est par ailleurs fondamenta-

le au niveau de l'observation et de la mesure. Un bon système d'observation peut

être établi pour des mailles pour lesquelles on mesure un certain nombre de para-

mètres (au sol ou à distance, par avion ou par satellite) de manière exhaustive

ou par sondage (après stratification de l'espace). Chaque compte du système ayant

une dimension spatiale, il est possible d'affecter une maille à une catégorie dé-

terminée et d'alimenter ainsi le système.

2.3. Architecture d'un compte de patrimoine naturel

On distingue un compte (ou un ensemble de comptes) central et des comp-

tes périphériques (ou comptes de relations) pour chaque élément, écosystème ou

espace.

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2.3.1. Le compte central

Le compte central décrit l'état du stock d'un élément, d'un écosystème

ou d'un espace au début et en fin de période (1), ainsi que les facteurs qui ont

entraîné les modifications. Le compte central peut se subdiviser en trois tableaux

articulés :

- un tableau montrant la réalisation de l'équilibre global (lié à la

dimension territoriale spécifique de chaque phénomène) ;

- un tableau d'emplois ou de répartition ;

- un tableau d'agrégation détaillant et pondérant les différents élé-

ments pour arriver à des grandeurs synthétiques.

2.3.2. Les comptes périphériques

Les facteurs ayant entraîné des modifications d'un stock considéré cor-

respondent en fait à des opérations qui traduisent la relation de l'élément (éco-

système, espace) avec d'autres. Les comptes périphériques développent les rela-

tions entre comptes centraux et détaillent l'analyse des relations du type eau -

sol, eau - forêt, climat - forêt, sol - forêt, eau - agents, ... La présentation

comptable des cycles naturels a conduit à les segmenter ; les comptes périphéri-

ques décrivent les relations entre les différents segments (comptes).

2.3.3. Les comptes d'adents et la liaison avec la statistique

économique et socio-culturelle

Traduisant des actions de l'homme sur la nature, ils réfléchissent les

comptes précédemment décrits. Ils vont partiellement constituer un rassemblement

particulier des données contenues dans les comptes périphériques. Par ailleurs,

les comptes d'agents vont contenir des éléments de passage à la comptabilité natio-

nale, aux comptes économiques non monétaires (de produits, d'activité, de filières

ou de processus technologiques, ...). On y verra apparaître le coût des efforts de

(1) Le rythme d'évolution des phénomènes naturels suggère que la période considé-rée puisse être en général de cinq ans. Certaines évolutions pourront cepen-dant être suivies annuellement.

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l'homme pour la préservation et l'aménagement de l'environnement ainsi que des

bilans-matière détaillés décrivant les caractères plus ou moins coûteux en matiè-

res premières, énergie, etc. des différentes techniques de production ou habitu-

des de consommation, ainsi que les pollutions correspondantes.

La liaison avec la comptabilité socio-culturelle se fera par la prise

en compte des dimensions paysagères, de proximité d'espaces naturels de loisir,

ainsi que de santé (incidence de la pollution atmosphérique, ...). La liaison

peut notamment se faire par l'intermédiaire du compte du tourisme, du compte de

la pêche et de la chasse, du compte de la vie associative (défense de l'environne-

ment) et de données d'aménagement du territoire.

2.4. Etudes par domaines

La structure ainsi définie n'implique pas que le travail s'effectue

case à case. Connaissant les implications générales du système et les contraintes

qui découlent du choix d'une évaluation globalement cohérente, il est possible

de travailler par domaines prioritaires.

Par exemple, un compte de l'eau rassemblera des données relatives :

- au milieu physique "eaux continentales" ;

- aux ëcosystèmes aquatiques ;

- aux besoins des sols et de la végétation en eau ;

- aux besoins humains (agents) ;

- aux aménagements de la ressource ;

- à la pluviométrie (climat) et à sa liaison avec les micro-climats

forestiers.

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POUR UNE EXPLOITATION ANTHROPOLOGIQUE DES RECENSEMENTS

L'évaluation spontanée des âges en Afghanistan

Par Augustin DE BENOIST

Si l'anthropologie et la démographie relèvent bien du même champ scien-

tifique, à savoir celui des sciences sociales, elles n'en entretiennent pas pour

autant des rapports étroits. Cette quasi-absence de contacts est d'ailleurs bien

plus le fait de leurs vocations respectives que de leurs démarches qui pourraient,

comme on voudrait l'illustrer dans ces lignes, beaucoup gagner à des emprunts

mutuels.

Nul ne doute qu'un recensement soit un gisement considérable de données

inédites sur les faits culturels des différents groupes enregistrés. Les démogra-

phes ne sont pas rares qui, au cours de l'analyse des données, ont conçu d'excel-

lentes monographies opposant les comportements démographiques entre tribus voisi-

nes, entre catégories sociales, groupes religieux, etc. Toutefois, il reste que

peu d'expériences systématiques ont été menées cherchant à explorer de manière

exhaustive la totalité du contenu culturel d'un recensement. La vocation première

d'une telle opération étant de fournir un instrument statistique au planificateur,

les recherches évoquées plus haut, ouvertement à l'écart de telles préoccupations,

n'ont dû leur existence qu'au hasard de la curiosité de quelques démographes.

Le recensement d'Afghanistan a pourtant imposé de s'orienter délibéré-

ment dans cette direction pour le traitement de ses données nomades. En effet, la

couverture de cette catégorie de population était trop faible pour se prêter à la

moindre tentative de péréquation ou d'extension des résultats à des zones omises.

La seule voie qui portait quelque espoir encore d'éclairer un tant soit peu les mé-

canismes démographiques des nomades était de procéder à un examen attentif et scru-

puleux, groupe après groupe, de leurs habitudes de sous-déclaration des femmes,

des enfants, de leurs modes d'évaluation des âges, de la composition de leurs ména-

ges, toutes choses qui, une fois mises en rapport avec les grandes composantes qui

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déterminent leur contexte socio-culturel, devaient nous renseigner sur la partie

cachée de l'iceberg.

Ces composantes étaient au nombre de quatre :

- l'appartenance ethnique ;

- la localisation géographique ;

- le type de nomadisme ;

- le niveau de richesse.

Une telle démarche, dont les objectifs étaient, nous l'avons dit, stric-

tement démographiques, s'est trouvée emprunter au moins dans une première étape

les voies d'une exploration à vocation culturelle des données. L'objet du présent

exposé est de décrire la méthodologie qui a guidé notre cheminement durant cette

première phase, ainsi que la nature des résultats obtenus. Un questionnaire de re-

censement offre de toute évidence un éventail immense de paramètres à caractère

culturel. De ceux qui ont été explorés, on a retenu pour ce premier document tout

ce qui touche à la détermination spontanée de l'âge par l'enquêté lorsque, bien

évidemment, il ignore ou parfois même refuse de prendre en considération la date

de naissance (on verra que ce peut être le cas pour les enfants en bas âge).

ATTRACTION ET EVITEMENT DES AGES

La préférence ou le rejet de certains chiffres pour évaluer l'âge sont

des phénomènes bien connus de l'homme de l'art, qui s'empresse du reste de les

identifier afin de les mieux effacer de sa structure par âge. De larges mentions

sont faites, dans tous les ouvrages de démographie, des concentrations sur des mul-

tiples de 5 ou sur les âges pairs, assorties de méthodes de lissage finement élabo-

rées. Le point de vue qui a été retenu ici se veut radicalement différent : il ne

s'agit plus de se débarrasser de l'imperfection des données, mais de la saisir en

soi, c'est-à-dire comme une partie vivante du matériau. Cette perspective vise es-

sentiellement deux objectifs, d'une part opérer une fonction de tri afin de rassem-

bler les groupes pratiquant le même type de choix dans l'échelle des âges possibles,

d'autre part identifier des zones de communauté de pratique culturelle.

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En effet, nul ne doute que la série des chiffres adoptés ou rejetés par

un groupe résulte d'un vieux fond mythologique propre à l'histoire des influences

qui ont forgé sa culture. Les choix préférentiels qui vont vers certains âges cons-

tituent donc des traces des espaces religieux et politiques avec lesquels une so-

ciété a été mise en contact dans le passé. Toutefois, si le vestige est toujours

présent, son contenu symbolique est bien souvent effacé. C'est pourquoi le démo-

graphe ne peut guère que livrer son résultat à quelque spécialiste des sociétés

antiques dans l'espoir qu'une source, un objet, une inscription viennent en éclai-

rer la signification.

Du point de vue méthodologique, des indices comme celui de Whipple don-

nent des résultats tout à fait suffisants, permettant d'associer à chaque groupe

considéré son système de préférence et d'évitement d'âges. La seconde étape consis-

te en une analyse transversale de ces systèmes, c'est-à-dire à la projection sur

une carte des territoires associés à chaque chiffre symbolique. C'est ainsi que

dans le cas Afghan, on découvre que les Pashtoo-Taraki se caractérisent par une

profusion d'âges en "0", qu'une vaste zone du pays évite le "39" qui symbolise le

mari trompé, que l'adolescente à la veille du mariage aura de préférence 16 ans

chez les Balooch ou les Aymaq et 15 ans chez les Pashtoo-Durrani, etc. Ce n'est

pas l'objet de ce document de faire l'inventaire de résultats locaux, mais d'il-

lustrer la possibilité qu'il y a de déboucher sur une typologie des tribus totale-

ment inédite.

Toutefois, il importe de signaler un possible écueil susceptible de gê-

ner l'exploitation d'une telle classification. Il tient à l'existence de phénomènes

propres au contexte socio-politique national ou local qui substituent à la sélec-

tion spontanée de l'âge par l'enquêté, un choix chargé d'arrière-pensées. On songe

ici à des réflexes qui sont le fait pratiquement, de toutes les époques et de tous

les pays, face au service militaire, à l'école obligatoire, mais aussi de caractère

plus local qui, dans certaines régions Afghanes où se pratique le "mariage par

achat", poussent le père à rajeunir sa fille pour en accroître la valeur. Il y

aurait bien d'autres situations du même type à évoquer, qui toutes concourent à

formuler un même avertissement, à savoir qu'une telle analyse ne saurait déposer

ses conclusions sans une enquête de contrôle, afin de séparer ce qui tient à une

mémorisation inconsciente de ce qui ne répond qu'à une préoccupation strictement

contemporaine.

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-55-

L'AGE COMME REPERE

A côté de l'âge-symbole, il y a l'âge-repère où le chiffre devient

moins important par sa valeur arithmétique que par sa place dans l'échelle des

âges possibles. La détermination d'un âge commence par le bilan d'un certain nom-

bre de traits physiologiques, plus précis chez l'enfant que chez l'adulte -ce qui

explique probablement la plus grande concentration d'âges préférentiels chez les

premiers- puis par la mise en correspondance de ce bilan avec l'échelle des chif-

fres. Ces deux phases sont des faits culturels spécifiques de chaque tribu. De la

première, on sait peu de choses, si ce n'est que l'éventail des coloris de la bar-

be du noir au blanc, passant par le grisonnant constituent des références parmi

certains groupes nomades, de même que les différentes étapes de l'enfance et de

l'adolescence, toutes choses qui sont bien entendu sexuées. De la seconde, on ne

connaît que l'aboutissement, à savoir les âges préférentiels, en particulier pour

les jeunes, ainsi que des choix qui feront valoir des concentrations plus fortes

sur le 40 que sur le 50 ou le 30, etc.

En fait, bien souvent, entre ces deux phases il s'en glisse une troi-

sième, où l'individu ajuste son évaluation selon des repères complémentaires, en

quelque sorte plus raffinés. Ces derniers peuvent être rassemblés sous deux catégo-

ries : référence aux moments de la vie, et référence aux personnages environnants.

LES EVENEMENTS DE LA VIE

On observe, par exemple, que chez les Pashtoo -qui, sans en avoir le

monopole, pratiquent le mariage par achat- les jeunes femmes sont "vieillies" brus-

quement de 4 à 5 ans peu après leur mariage. On pourrait songer que ce n'est pas

sans rapport avec la sous-estimation signalée plus haut, mais il y a là aussi une

sorte de tradition qui veut qu'une feumie, une fois mariée, ait au moins 25 ans.

Parler de tradition peut être en l'occurence quelque peu inexact, car on sait à

quel point la première grossesse, le premier accouchement peuvent, dans certaines

conditions de sous-développement, altérer l'apparence d'une jeune femme.

Chez l'hoimue aussi, le mariage provoque un saut de l'âge dans certaines

tribus, mais toujours moins important que chez la feumie. Il serait possible, quoi-

que cette étude n'ait pas été entamée, qu'il règle son âge par rapport au nombre

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de ses enfants. On constate que, par endroit, le statut de grand-père, ou même seu-

lement de beau-père renvoie l'adulte vers les 60 ou 80 ans. De même, l'orphelin

vieillirait plus vite que l'individu qui possède encore son père ...

L'ENVIRONNEMENT

Les deux derniers exemples laissaient pointer l'importance de l'entou-

rage comme référence pour une détermination mutuelle des âges. On ne veut pas,

pour autant, laisser entendre que l'enquêté se livre à de savants calculs pour que

son âge soit compatible avec celui de ses fils aînés ou cadets. Bien au contraire,

les questionnaires regorgent de femmes de 60 ans déclarant sortir de couches. Mais

il semble que l'âge, bien souvent, vienne régler une sorte de hiérarchie au sein

du ménage. On distingue nettement les tribus qui font systématiquement, après la

trentaine, passer le mari pour plus vieux que l'épouse, de celles qui maintiennent

en toute indifférence le sens de l'écart entre époux. De même, à la mort du père,

les Pashtoo ont l'habitude de confier le plus souvent à l'aîné la commande du ména-

ge, y compris de ses frères qui continuent de l'entourer. On constate que, dans

ces familles, -ceci n'étant pas étendu à toutes les tribus Pashtoo-, et pour peu

que l'aîné ait passé la vingtaine, il saute automatiquement à 30 ou 35 ans alors

que son puîné gravit sagement les 22, 24 ou 26 ans.

L'intérêt majeur de cette série de faits réside dans la possibilité

qu'il y a de les quantifier d'une part et de les interpréter selon des schémas et

des règles d'organisation sociale. L'âge qui symbolise une hiérarchie ou qui con-

note une étape de l'existence éclaire à sa manière les mécanismes culturels. A ce

stade, il se pose plusieurs questions qui concernent l'exploitation de tels résul-

tats, comme de savoir depuis quand le chiffre est utilisé en Asie Centrale pour

désigner l'âge d'un individu, puisqu'il existe tout un arsenal de termes précis

pour fixer les différents stades de l'enfance et, dans une certaine mesure, de la

vie adulte. En acceptant le point de vue très probable comme quoi cet usage est an-

cien, on peut se demander quelle correspondance existe entre le chiffre et le seg-

ment d'âges fixé par le vocabulaire ; enfin, en ce qui concerne les chiffres sym-

boliques, on peut essayer de voir quelles peuvent être leur relation aux anciens

systèmes de numération dont les traces linguistiques laissent entendre qu'ils n'é-

taient pas tous décimaux.

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Il s'agit, en fait, à travers ces interrogations, de déterminer quelle

est la nature précise de la typologie résultante. Si les systèmes de préférences

s'appuient sur des bases numériques maintenant disparues, ils renvoient à des espa-

ces culturels qui pouvaient n'avoir en commun que les méthodes de comptage, si au

contraire ils reposent sur des chiffres à connotation sacrée comme le 7, le 9 ou

le 3, ils établissent alors une correspondance avec des croyances qu'il est néces-

saire d'identifier historiquement. On constate par exemple qu'une large subdivi-

sion du monde Pashtoo projette toutes ses barbes blanches systématiquement vers

les 80 à 100 ans, alors qu'un autre secteur tribal les concentre sur 60 ans. La

question peut se poser -il s'agit là d'une suggestion tout à fait hasardeuse-

d'examiner si ce contraste ne peut être mis en rapport avec d'anciennes pratiques

de gérontocide. On songe ici à diverses vagues Scythes qui ont submergé le sud-

Afghan dont les légendes rapportent des traits de cette nature.

A côté des phénomènes qui, comme le précédent, se prêtent à des esquis-

ses d'interprétation, il y a tous ceux qui demeurent inexplicables, comme une ca-

ractéristique des Balooch du sud qui les isole de tout leur voisinage : leur répar-

tition des âges de 0 à 5 ans est toujours strictement croissante de 0 à 2 ans,

alors que chez leurs voisins Tajik, ou Pashtoo-Durrani, fort nombreux dans la ré-

gion, le 0 et le 2 atteignent des montants comparables, abandonnant le 1 à un ni-

veau minimum (voir le graphique ci-dessous). Cette opposition ne souffre, de tribu

en tribu, aucune exception dans les provinces concernées ; elle débouche donc bien

sur une classification des tribus locales sans qu'on sache en décoder le contenu

culturel.

Proportions d'enfants de 0 à 2 ans chez les Balooch et non Balooch des provinces

du sud Afghan (données brutes).

a) Balooch b) Non Balooch

Nombre ^ Nombre d'enfants d'enfants

0 1 2 Age 0 1 2 Age

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Ceci illustre en outre les précautions nécessaires avant d'entreprendre

une étude comparée des structures par âge de ces deux catégories, manifestement

marquées par des types différents de sous-estimation et de transferts des premiè-

res classes d'âge.

CONCLUSION

Il ressort de ce premier survol des "possibilités" d'exploration cultu-

relle d'un recensement que la difficulté de fond réside dans l'interprétation de

la classification obtenue. En effet, cette dernière ne coincide pas toujours avec

les grandes délimitations ethniques ou linguistiques traditionnelles ; au contrai-

re, elle peut traverser de part en part des ensembles comme les Pashtoo ou les

Aymaqs que le sens commun tient pour indivisibles. Là réside, d'ailleurs, toute

l'originalité de l'apport scientifique d'un recensement, car chacun sait à quel

point le concept d'ethnie est souvent simplificateur et chargé de malentendus.

Alors qu'il recouvre une signification essentiellement politique en enregistrant

le résultat du jeu des groupes dominants et des minorités, de leurs équilibres

territoriaux, il est abusivement employé pour désigner une communauté de comporte-

ment culturel.

L'histoire de l'Afghanistan est typique à cet égard, qui a vu monter à

partir du XVIIème siècle d'immenses confédérations tribales, rassemblant des grou-

pes de toute origine autour d'un projet strictement politique de fixation d'un ter-

ritoire national. Leur dénomination actuelle a valeur ethnique, alors que les sour-

ces indiquent la diversité de leur composition de départ.

L'ambition des tentatives de typologie qui ont été exposées, et de bien

d'autres qui viendront par la suite, est de restituer au-delà des contours ethni-

ques contemporains, des ensembles qui présentent une homogénéité de culture. A ce

projet, qui constitue déjà une large préoccupation parmi de nombreux chercheurs

d'autres disciplines, la démographie peut apporter une précieuse contribution.

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LE DISPOSITIF D'ENQUETES PERIODIQUES SUR L'EMPLOI URBAIN AU MAROC :

Bref aperçu méthodologique et principaux résultats du premier passage 1976

Par Mohamed ABZAIID

0- INTRODUCTION

Les Recensements de Population réalisés au Maroc ont certes apporté

des résultats d'un grand intérêt ; ils comptent parmi les sources permettant d'a-

voir des informations concernant l'emploi au Maroc. Ils ont permis en effet d'ob-

tenir des statistiques relatives au volume et à la structure de la population ac-

tive par profession et par branches d'activités économiques. Toutefois, ces Recen-

sements de Population restent des opérations de grande envergure dont les objectifs

sont nombreux, et où, par conséquent, la question de l'emploi ne peut être appro-

fondie. Ils n'ont permis d'obtenir que des données très sommaires sur l'emploi,

données qui se trouvent très rapidement dépassées vu la période de dix ans qui sé-

pare deux Recensements. En outre, les Recensements ne fournissent qu'une situation

statique, alors que l'aspect dynamique au moins aussi important pour toute analyse

et que cet aspect est le plus mal connu.

Afin de disposer d'un diagnostic sur la situation de l'emploi et sur

son évolution, le Secrétariat d'Etat au Plan et au Développement Régional (Direc-

tion de la Statistique) a décidé de mettre en oeuvre, dans une première phase, un et dispositif d'enquêtes périodiques sur l'emploi en milieu urbain dans une deuxième

phase, de procéder à sa généralisation au milieu rural.

Il s'agit d'enquêtes annuelles auprès des ménages ayant pour but d'éva-

luer le niveau et la structure de l'emploi au Maroc. Les enquêtes par sondage sont

un des moyens le plus utilisé dans divers pays pour obtenir des données sur le vo-

lume et la structure de la population active. Le choix des enquêtes par sondage

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- 60-

est motivé par le fait que ces dernières mettent en oeuvre des moyens limités et

permettent de par l'utilisation d'un personnel qualifé, de mieux cerner les divers

aspects de l'emploi urbain.

La présente étude comprend une première partie retraçant l'aspect mé-

thodologique du dispositif d'enquêtes annuelles sur l'emploi et une deuxième par-

tie donnant une analyse sommaire des résultats du premier passage de 1976.

1- APERCU METHODOLOGIQUE

Le dispositif d'enquêtes annuelles auprès des ménages reste un instru-

ment précieux pour appréhender le niveau et la structure de la population active

entre deux Recensements. On décrira ci-dessous la méthodologie adoptée pour la

réalisation des différents passages de l'enquête.

1.1. Le but du dispositif d'enquêtes annuelles sur l'emploi : Les

objectifs qu'on se propose de réaliser par les enquêtes sur l'emploi auprès des

ménages urbains sont essentiellement les suivants :

a) connaissance du niveau et de la structure de la population urbaine

par sexe, âge, état matrimonial, niveau d'instruction, ... ;

b) appréciation du volume et de la structure de la population active ;

c) étude du chômage et de ses caractéristiques ;

d) étude du sous-emploi et de ses caractéristiques ;

e) connaissance de la population d'origine rurale, et particulièrement

de celle se déclarant active au moment de la réalisation de chaque passage annuel.

1.2. Le champ d'observation : La population observée est constituée

par toutes les personnes résidentes en milieu urbain (1) et celles absentes depuis

moins de six mois.

(1) Le milieu urbain pris en considération est celui défini par le Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 1971.

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- 61 -

Sont exclus du champ de l'enquête :

- la population des provinces sahariennes récupérées ;

- les personnes sans abri ;

- la population étrangère résidant dans les consulats et ambassades ;

- les touristes étrangers de passage au Maroc durant l'enquête ;

- les nationaux résidant à l'étranger de passage au Maroc au moment de

l'enquête ;

- la population comptée à part.

1.3. La méthode d'échantillonnage

L'enquête est réalisée selon les principes du sondage aréolaire strati-

fié à deux degrés. Les unités primaires sont formées par les districts du Recense-

ment de Population de 1971, c'est-à-dire des zones géographiques délimitées par

des limites identifiables (rue, avenue, impasse, ...) et comportant chacune une

population de 1 200 personnes en moyenne en 1971, soit près de 240 ménages (1).

Les unités secondaires sont formées par des grappes. Ainsi, chaque district est

découpé en trois grappes de taille égale à 80 ménages en moyenne. Les unités pri-

maires sont stratifiées selon l'importance des villes où ces dernières sont loca-

lisées et le type d'habitat (2).

La taille de l'échantillon s'élève à 1 % de la population urbaine, soit

près de 63 500 personnes en 1976. Une fois les districts stratifiés et le poids de

chaque strate par rapport à l'univers déterminé, on a procédé au tirage des dis-

tricts au sein de chaque strate proportionnellement à leur effectif.

(1) Estimation de la taille faite en juillet 1971.

(2) On distingue les types d'habitat suivants : bidonvilles, médina, moderne, luxe, et zones industrielles.

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- 62 -

Vu le caractère périodique de l'enquête, un tiers de l'échantillon est

renouvelé à l'occasion de chaque passage afin d'éviter une lassitude de la popula-

tion et de réduire par conséquent les refus de réponse qui pourraient surgir entre

les différents passages. Ainsi, les 150 districts-échantillon sont découpés chacun

en trois grappes de taille égale. L'ensemble des grappes formées sont partagées en

neuf sous-échantillons. Seuls les ménages de trois sous-échantillons sont enquêtés

à l'occasion de chaque passage. Deux passages consécutifs ont en commun deux sous-

échantillons ce qui permet de saisir l'aspect dynamique des caractéristiques de

l'emploi étudiées.

Le choix d'une taille de 30 ménages par grappes a été dicté par les con-

sidérations suivantes :

a) créer des grappes facilement repérables sur le terrain ; en effet,

plus la taille de la grappe est petite (en termes de population), plus les diffi-

cultés de trouver des limites géographiques appropriées sont grandes ;

b) une taille de grappe plus petite nécessite la sélection d'un nombre

plus grand d'unités primaires ; ceci pourrait augmenter substantiellement le coût

de l'opération.

1.4. La réalisation du premier passage 1976

On tentera de décrire brièvement ci-dessous les différentes opérations

réalisées dans le cadre de l'exécution du premier passage de 1976, à savoir l'opé-

ration cartographique, la collecte des données et le dépouillement de l'informa-

tion collectée.

1.41. L'opération cartographique

La méthode d'échantillonnage aréolaire choisie pour la réalisation des

différents passages de l'enquête sur l'emploi nécessite une documentation cartogra-

phique concise, c'est-à-dire une documentation permettant à n'importe quelle per-

sonne de déterminer sans ambiguïté les zones d'observation sélectionnées. L'opéra-

tion cartographique s'est déroulée en deux étapes :

a) Première étape : travaux sur le terrain : Au cours de cette phase,

on a procédé à la délimitation des districts, à l'établissement des schémas de

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- 63 -

ces derniers et à la collecte d'un certain nombre de renseignements relatifs aux

ménages qui y résident afin de pouvoir découper au bureau chaque district en trois

grappes. La réalisation de ces travaux a demandé en moyenne neuf jours par agent

et par district.

b) Deuxième étape : le découpage au bureau du district en grappes :

L'objectif de cette phase a été de découper le district en trois grappes en pre-

nant en considération les contraintes suivantes :

- avoir des grappes facilement repérables sur le terrain ;

- avoir des grappes de taille approximativement égale ;

- avoir une structure "urbaniste" par grappe similaire à celle du

district.

Vu les transformations rapides que subit le milieu urbain marocain, on

procède annuellement à la mise à jour des grappes à enquêter, et ce avant le lan-

cement de l'enquête proprement dite. Cette actualisation des grappes consiste à :

- voir si les limites des districts et des grappes sont encore repéra-

bles sur le terrain ;

- vérifier si la grappe à enquêter a subi des changements sur le plan

d'urbanisation (apparition de nouvelles constructions ou disparition des construc-

tions déjà signalées auparavant).

1.42. La collecte des données

On analysera ci-après les points suivants :

- le choix de la période d'exécution de l'enquête ;

- le déroulement de l'enquête ;

- les difficultés techniques auxquelles s'est heurté le ler passage.

a) Le choix de la période d'exécution du premier passage : Les choix

d'une telle période est dicté par les préoccupations suivantes :

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- 64-

- avoir une période où le niveau de l'activité est proche du niveau

annuel moyen ;

- avoir une période où les perturbations dues aux mouvements internes

des vacanciers sont faibles ;

- avoir une période où les conditions climatiques n'entravent pas le

déroulement des travaux sur le terrain.

Ainsi, le choix s'est porté sur la période d'avril - mai.

b) Le déroulement du passage 1976 : La collecte de l'information sur le

terrain est faite au moyen de l'interview direct auprès des ménages. Le déroulement

de l'enquête 1976 a mobilisé près de 80 enquêteurs, 30 contrôleurs et sept super-

viseurs pour une période d'un mois. Au cours de cette période, les enquêteurs ont

interrogé près de 12 700 ménages.

Malgré l'absence d'une campagne publicitaire avant le lancement de l'en-

quête, la population observée n'a manifesté aucune réticence à répondre aux ques-

tions posées dans le cadre de l'enquête.

On a même constaté que certaines personnes en-dehors des aires-échantil-

lon ont demandé aux enquêteurs de les interviewer, ceci s'explique par le fait que

l'enquête a été considérée comme une opération d'embauche par certains enquêteurs.

Malgré les consignes données aux enquêteurs d'exposer avec clarté l'objet de l'opé-

ration, certains enquêtés ont assimilé cette dernière à un Recensement.

c) Les difficultés techniques : L'enquête s'est trouvée, au moment de

l'exécution, confrontée principalement aux deux difficultés suivantes :

- une mauvaise assimilation de certains concepts par les enquêteurs ;

ceci a abouti à une mauvaise formulation de certaines questions de la part de ces

derniers ;

- des déclarations imprécises ou vagues de la part de certains enquêtés

aux questions se rapportant à la profession, l'activité, le temps de travail annuel

en semaines, le degré de qualification, ...

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- 65 -

1.43. Le dépouillement de l'information collectée

Une fois la collecte de l'information achevée, on a procédé au chiffre-

ment des réponses obtenues. L'opération s'est déroulée dans les Délégations Régio-

nales. Le personnel exécutant était composé :

- des superviseurs ;

- des contrôleurs dont le rôle est le contrôle du travail effectué

par les agents chiffreurs ;

- des agents chiffreurs dont la tâche est de traduire en chiffres les

données collectées.

Cette opération a mobilisé en 1976 près de 70 personnes (dont 52 agents

chiffreurs) pour une période d'un mois.

Le rendement moyen par agent et par grappe a été de 20 grilles de chif-

frement par jour. Les agents-chiffreurs ont trouvé relativement plus de difficul-

tés à chiffrer les questions concernant la profession et l'activité. Ces difficul-

tés sont dues essentiellement à :

- l'utilisation des nomenclatures qui sont trop imprécises pour permet-

tre de chiffrer sans ambiguïté les réponses collectées et qui sont, dans une cer-

taine mesure, mal adaptées à la réalité actuelle ;

- le vague et l'imprécision de certaines réponses consignées par cer-

tains enquêteurs, et ce malgré les diverses recommandations invitant à donner le

maximum de précision possible pour les questions relatives à la profession et

l'activité.

La répartition des erreurs observées, pendant le chiffrement, par les

contrôleurs de qualité selon le type de questions se présente comme suit :

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- 66-

STRUCTURE DES ERREURS OBSERVEES SELON LE TYPE DE QUESTIONS

Type de questions

Questions à caractère démographique et culturel 31

Type d'activité 3

Professions et activités économiques 49

Autres questions concernant l'emploi 17

TOTAL 100

2- ANALYSE SOMMAIRE DES RESULTATS DU PREMIER PASSAGE DE L'ENQUETE

Les différents thèmes saisis par l'enquête méritent chacun une analyse

approfondie. Cependant, on tentera au cours de cette étude de mettre en relief les

principaux résultats de l'enquête de 1976. Auparavant on définira la notion de po-

pulation active utilisée par le dispositif d'enquêtes périodiques sur l'emploi.

2.1. La définition de la population active

Celle-ci est formée par le groupe de personnes qui constituent la main-

d'oeuvre disponible pour la production des biens et services au cours de la pério-

de de référence. On distingue deux catégories de population active : la population

active du premier ordre et la population active marginale.

a) Population active du premier ordre : C'est le concept adopté lors de

l'exécution du dernier Recensement de Population de 1971. Elle comprend :

- les actifs occupés du premier ordre : les personnes en âge d'activité

(15 ans et plus) pourvues d'un emploi au moment de l'enquête (1) ;

- les chômeurs du premier ordre : les personnes en âge d'activité ne

travaillant pas au moment de l'enquête et cherchant un emploi. On distingue les

chômeurs n'ayant jamais travaillé (CH1) et ceux ayant déjà travaillé (CH2).

(1) La limite d'âge était de 7 ans pour le Recensement de Population de 1971.

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- 67 -

b) La population active du second ordre ou population active marginale:

Ce sont des personnes en âge d'activité qui ne travaillent ou ne cherchent un em-

ploi qu'incidemment et de manière occasionnelle. Elle comprend l'ensemble des per-

sonnes inactives (1) qui déclarent, à un stade avancé de l'interview, avoir exercé

des travaux marginaux ou recherché un travail. En général, c'est le manque ou l'ap-

parence de manque d'emplois adaptés qui décourage le plus souvent certains "membres

du groupe marginal" d'entrer dans la population active proprement dite.

Comme pour la population active du premier ordre, on distingue les ca-

tégories suivantes :

- les actifs occupés du second ordre (A02) : toute personne en âge d'ac-

tivité qui se considère comme inactive dans un premier temps (déclaration sponta-

née), mais se déclare à un stade avancé de l'interview avoir exercé une activité

d'une manière occasionnelle et dont l'âge est au moins égal à 15 ans révolus ;

- les chômeurs du second ordre : toute personne en âge d'activité (15

ans et plus) qui se considère d'abord comme inactive (déclaration spontanée), puis

se déclare à la recherche d'un travail à un stade avancé de l'interview ; comme

pour les chômeurs du premier ordre, on distingue les "chômeurs marginaux" ayant

déjà travaillé (CH3) et ceux n'ayant jamais travaillé (CI-14).

2.2. Les aspects démographiques de la population urbaine

Pour les pays à expansion démographique rapide, le potentiel de la main

d'oeuvre reste largement affecté par les facteurs démographiques. Par conséquent,

il est utile d'exposer brièvement les caractéristiques démographiques de la popu-

lation urbaine marocaine telles qu'elles ressortent du premier passage de l'enquê-

te sur l'emploi.

Comparativement aux structures démographiques dégagées par le Recense-

ment de Population de 1971, la population urbaine n'a pas connu de profondes muta-

tions structurelles pendant la période 1971-1976. Ses principales caractéristiques

sont :

(1)Si l'on juge d'après leur déclaration spontanée.

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-6g-

- une population composée par autant d'hommes que de femmes (taux de

masculinité de 94,0 %, c'est-à-dire 940 hommes pour 1 000 femmes) ;

- une population jeune : 64,4 % des citadins ont moins de 25 ans et

4 % seulement ont 65 ans ou plus ;

- une population dont 62 % des membres sont des célibataires et 31 %

sont mariés, les femmes se mariant plus jeunes en moyenne que les hommes.

Quant à l'aspect culturel de cette population, 50 % des personnes de

10 ans et plus résidant en ville savent lire et écrire.

2.3. Le niveau de l'activité

La part de la population active par rapport à la population totale est

certainement un des indicateurs essentiels de la structure économique d'un pays.

Telle qu'elle est définie, la population active au sens de l'enquête s'élève à

31,1 % de la population urbaine ; autrement dit, un citadin sur trois participe

à la production des biens et services.

Les personnes pourvues d'un emploi forment près de 89 % de la popula-

tion active, ou encore 28 % de la population urbaine.

Le taux d'activité global dégagé ci-dessus reste évidemment influencé

par la structure démographique, et plus particulièrement par l'effectif des jeunes

enfants âgés de moins de 15 ans, lesquels forment près de 42 % de la population

urbaine.

Pour mieux cerner l'activité, on analysera la seule population en âge

d'activité, c'est-à-dire celle constituée par les individus âgés de 15 ans et

plus. Le taux d'activité pour cette population est de 54,6 %. Analysé par sexe, ce

ratio s'élève à 80,8 % pour les hommes et à 31,1 % pour les femmes.

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-69-

TAUX D'ACTIVITE PAR SEXE ET AGE

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- 70-

TAUX D'ACTIVITE SELON LE SEXE ET L'ACE (en %)

Age Taux masculin Taux féminin Taux pour les

deux sexes

15 à 19 54,3 37,5 45,4

20 à 24 84,4 36,7 58,8

25 à 29 97,0 30,7 62,4

30 à 34 97,8 27,2 58,1

35 à 39 98,7 25,5 57,9

40 à 44 96,8 30,1 62,9

45 à 49 95,6 31,7 63,4

50 à 54 92,0 29,7 60,5

55 à 64 79,0 28,5 54,0

65 ans et plus 42,0 14,2 26,8

Ensemble de la population âgée de 15 ans et plus

80,8 31,1 54,6

Non moins intéressante est l'étude des actifs par âge et par sexe. Du

panorama des données ci-dessus se dégagent les conclusions suivantes :

a) Le profil d'activité pour les hommes ne présente aucune particulari-

té et demeure en quelque sorte similaire à celui observé dans d'autres pays.

Ce taux croît avec l'âge pour atteindre 97 % et plus dès 25 ans, puis

il amorce une baisse à partir de 40 ans.

b) Le profil féminin d'activité reste imprégné en général par les con-

ditions sociales et culturelles de la femme. Ainsi, pour le milieu urbain marocain,

le taux d'activité se situe à des niveaux élevés pour les femmes âgées de moins de

25 ans, puis il amorce une baisse pour celles dont l'âge révolu est compris entre

25 et 39 ans ; cette baisse est due probablement au mariage et à l'arrivée des en-

fants. A partir de 40 ans, on relève un regain d'intérêt pour le travail en-dehors

du foyer ; ceci pourrait s'expliquer, d'une part, par le fait que les enfants ont

grandi et ne posent pas les mêmes problèmes et, d'autre part, par le divorce ou le

veuvage qui caractérise cette population (sur l'ensemble des veuves, divorcées,

68 % sont âgées de 40 ans et plus). La femme se trouve ainsi intéressée par le

travail jusqu'à 60 ans.

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- 71 -

La population active féminine est relativement plus jeune que la popu-

lation active masculine. En effet, près de 45 % des felames actives possèdent moins

de 25 ans contre 31 % pour les hommes actifs. Ceci s'expliquerait d'une part par

le fait que l'accès des femmes au marché du travail -phénomène ayant touché essen-

tiellement les jeunes générations- remonte à une date récente et, d'autre part,

par le "renouvellement" de la population active, qui est plus rapide pour la popu-

lation féminine. En effet, le mariage et l'arrivée des enfants obligeraient cer-

taines femmes actives à quitter le marché de l'emploi, libérant ainsi des postes

qui pourraient être occupés par les jeunes actives.

2.4. La population inactive

Analysée par sexe, la population inactive est à dominance féminine

(61 %). Quant aux jeunes âgés de moins de 15 ans, ils forment près de 62 % des

inactifs.

Les femmes au foyer constituent de leur côté près de 39 % des inactives

féminines. Les rapports de dépendance (1) pour les catégories de population inac-

tive dégagées ci-dessus sont les suivants :

Catégorie de la population inactive Rapport de dépendance (pour 1000 actifs)

Ensemble des inactifs 2 270

Inactifs âgés de moins de 15 ans 1 380

Femmes au foyer 523

2.5. La population active marginale

Elle forme à peine 7,6 % de la population active. Comme on peut s'y

attendre, près de 81,8 % des personnes formant ce groupe marginal sont de sexe

féminin. Ce sont essentiellement des femmes au foyer qui, parallèlement à leurs

travaux ménagers, exercent une activité économique (en aidant leur mari ou quel-

qu'un de leur famille, en tissant ou en brodant les différents articles pour les

particuliers) ou cherchent évidemment un emploi.

(1) Le rapport de dépendance indique le nombre d'inactifs dont la subsistance dépend des actifs.

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- 72 -

2.6. Le chômage et le sous-emploi

La part des chômeurs dans la population active urbaine au sens de l'en-

quête s'élève à 10,8 %. Analysé par sexe, ce ratio est de 12,3 % pour les femmes

actives et de 10,1 % pour les actifs masculins. La répartition des chômeurs qui se

dégage des données du premier passage n'est pas moins intéressante. On est frappé

de constater que le chômage affecte surtout les jeunes actifs (près de 69 % ont

moins de 25 ans). Sur le nombre total des chômeurs enquêtés, près de 41 % sont en

quête de leur premier emploi. Le classement des chômeurs selon le dernier diplôme

obtenu demeure aussi révélateur.

TAUX DE CH.OMAGE SELON LE DERNIER DIPLOME OBTENU

Dernier diplôme obtenu Taux de chômage (%)

Néant 9,1

Ayant un diplôme 14,0

- Diplôme d'études primaires 19,8

- Diplôme d'études secondaires 8,7

- Diplôme d'études supérieures 1,8

Les constats qui se dégagent de la lecture des données ci-dessus,

sont :

- la population active ayant un diplôme scolaire reste plus touchée

par le chômage que celle n'ayant aucun diplôme ;

- l'existence du "chômage intellectuel" -malgré sa faible ampleur- qui

affecte les personnes ayant un diplôme d'études supérieures.

Le taux de chômage s'élève à 9,1 % pour les personnes actives sans di-

plôme scolaire contre 14,0 % pour celles,ayant un diplôme (le plus haut taux est

observé pour la catégorie ayant un diplôme d'études primaires, soit près de 20 %).

Ceci pourrait s'expliquer par le fait que les personnes sans diplôme sont disposées

en général à accepter n'importe quel travail, alors que la population ayant un ni-

veau d'instruction exige plutôt des emplois qui conviennent à sa formation.

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- 73-

"Le chômage, qualifié même parfois de "chômage visible", qu'on vient

d'analyser sommairement ci-dessus ne peut donner une idée complète de la situation

générale de l'emploi au Maroc. Le problème tient sans doute au fait que le chômage

visible ne constitue ni la seule ni la principale forme de sous-utilisation de la

main-d'oeuvre dans les pays en développement. Le sous-emploi est répandu ; cepen-

dant, les recherches méthodologiques entreprises dans le but de mieux mesurer ce

phénomène, se sont heurtées à des difficultés dues aux défaillances humaines ; la

plupart des enquêtés ne se rappellent pas exactement la durée effectivement tra-

vaillée au cours de l'année de référence" (1).

Le sous-emploi est un phénomène très complexe, il est nécessaire, pour

le mesurer et l'analyser, de l'aborder de plusieurs manières. Devant un faible

rythme d'activité, certaines catégories de la population active, surtout les tra-

vailleurs indépendants, sont souvent enclins à ralentir le rythme du travail et à

prendre plus de temps qu'il ne faut pour accomplir leur tâche, faute de pouvoir

mieux occuper leur temps. Par ailleurs, il est souvent très difficile de faire la

part entre le temps passé au travail et le sous-emploi.

Ainsi, pour un coiffeur (ou un commerçant ou un artisan ou un salarié

occasionnel), qui attend dans sa boutique un hypothétique client, l'enquête prend

en considération la durée totale que la personne concernée passe dans son lieu de

travail, même si elle ne produit rien en termes de biens et services. Nombreux sont

évidemment les actifs qui vivent dans cette situation. Ce phénomène pourrait tou-

cher avec plus d'acuité les personnes qui travaillent d'une manière occasionnelle

ou saisonnière ou marginale.

L'information disponible pour l'année 1976 permet de mesurer le sous-

emploi visible basé sur la durée annuelle du travail. Si l'on considère comme sous-

employée toute personne active occupée ayant travaillé pendant une durée inférieu-

re aux 2/3 de l'année (soit approximativement 36 semaines d'occupation), le taux

de sous-emploi relatif à la population active urbaine est de 33 % (y compris les

chômeurs). Si l'on ne tient pas compte des chômeurs, le niveau de sous-emploi pour

les actifs occupés se présente comme suit :

(1) Direction de la Statistique : "Résultats de l'enquête sur l'emploi urbain 1976" p. 18.

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-74-

TAUX DU SOUS-EMPLOI PAR SEXE RELATIFS A LA POPULATION ACTIVE OCCUPEE

Sexe Taux du sous-emploi (%)

Masculin 26,1

Féminin 43,1

Les deux sexes 30,4

2.7. Structure de la population active occupée par profession,

branches d'activités économiques et situation dans la pro-

fession principale

Non moins importante est l'étude de la structure de la population acti-

ve occupée par profession, branche d'activité économique et situation dans la

profession.

a) Structure par profession : Les réponses collectées au moment de

l'exécution du premier passage (1976) se réfèrent à la dernière profession princi-

pale exercée.

REPARTITION DE LA POPULATION ACTIVE OCCUPEE SELON LES GRANDS GROUPES

DE PROFESSION ET LE SEXE (en %)

Profession Sexe masculin Sexe féminin Les 2 sexes

Personnel des professions scientifiques, techniques, libérales et assimilées

Personnel commercial et vendeurs

Cadres administratifs, per-sonnel administratif et tra- vailleurs assimilés

Personnel spécialisé dans les services

Agriculteurs, éleveurs, forestiers, pêcheurs, chas-seurs et travailleurs assi-milés

Ouvriers et manoeuvres non agricoles

7,7

18,5

6,6

11,6

7,4

42,7

I 6,1

2,7

5,0

19,6

7,9

55,9

7,3

13,8

6,1

14,0

7,5

46,6

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- 75 -

Profession Sexe masculin Sexe féminin Les 2 sexes

Personnes ne pouvant être classés selon la profession

TOTAL

5,5

100,0

2,7

100,0

4,7

100,0

Des données ci-dessus, il ressort qu'en avril-mai 1976, près de 47

des actifs occupés engagés dans la production des biens et services sont des ou-

vriers et manoeuvres non agricoles. Le personnel commercial et les travailleurs

spécialisés dans les services viennent en deuxième position avec approximativement

14 %. Les actifs occupés urbains exerçant leur travail dans le secteur primaire

(agriculture, forêt, pêche et travaux assimilés) ne forment que 7,5 % de l'ensem-

ble. De ce panorama de données, on peut avancer que la population active occupée

urbaine exerce son travail essentiellement dans les secteurs secondaire et ter-

tiaire.

Analysées selon le sexe, les professions les plus exercées aussi bien

par les houmes que les femwes sont celles relatives aux "ouvriers et manoeuvres

non agricoles" suivi du personnel travaillant dans les services. Contrairement

aux hommes, les femmes exercent peu d'emplois à caractère commercial.

b) Structure par branche d'activité économique : L'analyse de la popu-

lation active occupée par branche d'activité économique reste l'un des aspects

les plus importants de toute enquête ad hoc sur l'emploi. Elle permet de dégager

en quelque sorte le niveau de développement atteint. Tout développement économi-

que entraîne en général une diminution relative de la main-d'oeuvre agricole. Cel-

le-ci est provoquée et entretenue par l'expansion de l'emploi dans les secteurs

des biens industriels et des services.

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-76-

REPARTITION DE LA POPULATION ACTIVE OCCUPEE

PAR BRANCHES D'ACTIVITE ECONOMIQUE ET PAR SEXE

Branche d'activité économique Sexe masculin Sexe féminin Les 2 sexes

Eau, électricité, énergie et mines 3,4 0,4 2,5

Bâtiments et travaux publics 11,0 0,3 7,8

Industries de transformation 22,5 51,3 31,0

Transport et communications 7,7 0,6 5,6

Commerce 21,8 4,2 16,6

Services 7,1 21,7 11,5

Administration 15,2 9,9 13,6

Autres activités (agricultu-re , activités mal désignées, 11,3 11,6 11,4 ...)

TOTAL 100,0 100,0 100,0

Au vu du tableau ci-dessus, il ressort que la branche "Industries de

transformation" reste le principe pale d'attraction de la main-d'oeuvre urbaine

(31 % des actifs occupés ont déclaré avoir exercé leur travail dans la branche

des "Industries de transformation"). Les autres branches relativement importantes

sont le "Commerce", 1'"Administration" et les "Services" ; elles emploient respec-

tivement 16,6 %, 13,6 % et 11,5 % de la population active occupée.

L'analyse de la population active occupée féminine selon l'activité

économique montre que plus de la moitié de cette population se trouve concentrée

dans les "Industries de transformation". Une autre part importante est employée

dans les services (21,7 %) ; ceci pourrait s'expliquer par l'emploi fréquent des

feues dans les travaux domestiques. Contrairement au phënomène constaté pour les

actifs occupés masculins, les branches "Commerce", "Eau, électricité, énergie et

mines", "Transports et communications" font appel à peu de main-d'oeuvre féminine.

c) Le statut professionnel : Quant à l'étude de la répartition de la po-

pulation active selon la situation dans la profession, qui reflète dans une cer-

taine mesure l'organisation économique du pays, elle reste à tous points de vue

révélateur.

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- 77 -

REPARTITION DE LA POPULATION ACTIVE OCCUPEE SELON LA SITUATION DANS LA PROFESSION

Situation dans la profession Masculin Féminin Total

Employeurs 5,7 0,6 4,2

Indépendants 25,6 31,2 27,3

Salariés 64,1 54,5 61,3

Aides-familiaux 3,5 6,7 4,4

Apprentis 1,1 7,0 2,0

TOTAL 100,0 100,0 100,0

Les données ci-jointes confirment la salarisation de l'emploi au Maroc

(près de 61 % de la population active occupée en mars-avril 1976). Cependant, la

méthode d'organisation du travail au Maroc reste marquée par son caractère tradi-

tionnel puisque les indépendants, les aides-familiaux et les apprentis forment

près de 34,5 % de la population active occupée.

L'analyse du statut professionnel par sexe montre que le phénomène de

salarisation touche aussi bien les hommes (près de 64 % des actifs occupés) que

les femmes (54,5 %). Par contre, les postes d'employeurs restent essentiellement

occupés par les hommes. Les femmes, de leur côté, s'adonnent plus à des travaux

en tant qu'apprenties ou aides-familiales.

2.8. Evolution de la population et de la main-d'oeuvre (1971-76)

Pour les pays à expansion démographique rapide, l'accroissement du po-

tentiel de la main-d'oeuvre est dû, pour une bonne part, à l'évolution de la popu-

lation et de ses structures. Cependant, les facteurs d'ordre économique,culturel

et social peuvent influer aussi sur l'expansion de la population active.

Mais, avant de dégager les tendances de l'évolution de la population

totale et de la main-d'oeuvre entre 1971 et 1976, il convient de définir tout d'a-

bord la population active qui sera la base de notre comparaison. On considère

qu'il s'agit de la population active stricto sensu, c'est-à-dire celle constituée

par les personnes âgées de 15 ans et plus et pourvues ou à la recherche d'un

emploi (1). (1) Population active de premier ordre telle qu'elle a été définie au § 2.1.

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- 78 -

TENDANCES DE L'EXPANSION DE LA POPULATION ET DE LA MAIN-D'OEUVRE ENTRE 1971 ET 1976

Indicateurs Taux annuel moyen et ratio

1- Accroissement de la population urbaine 5,3 %

2- Accroissement de la population en âge d'activité (15 ans et plus) 7 5,9

3- Accroissement de la population active 8,9 %

4- Evolution de l'indicateur "charge supportée par les actifs"

a) en 1971 2,936

b) en 1976 2,217

Il ressort des données ci-dessus que la main-d'oeuvre s'est accrue plus

rapidement que la population totale et la population en âge d'activité. Ceci est

corroboré évidemment par l'évolution de la population active qui a connu un taux

d'accroissement de 8,9 % (contre 5,3 % pour la population urbaine totale) ou celle

de la charge supportée par les actifs qui a enregistré une baisse durant la pério-

de 1971-1976.

Pour mieux saisir les causes précises de cette expansion, on devrait

avoir un dispositif pour mesurer des données multiples à caractère démographique,

économique et socio-culturel et pour analyser les liaisons entre ces données. Mal-

heureusement, on ne dispose pas de ce type d'informations.

Cependant, l'évolution de la structure économique reste parmi l'une des

causes déterminantes de l'accroissement de la main-d'oeuvre.

On pourrait avancer que la tendance observée au niveau de la population

active est due pour beaucoup au rythme d'investissement et de croissance économique

adoptés lors du plan 1973-77. En effet, à partir de 1973, la politique économique

a été influencée dans un sens expansionniste par la stimulation de la demande. Le

rythme d'investissement et de croissance économique réalisés au cours du plan

précité ont été respectivement de 37 % et 6,3 % (en termes réels) (1).

(1) Secrétariat d'Etat au Plan et au Développement Régional. Plan de Développement Economique et Social (1978-1980). Volume 1.

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- 79-

EVOLUTION DES INDICATEURS DE L'ACTIVITE

Indicateurs de l'activité

économique

1971 1976

Masculin Féminin Total Masculin Féminin Total

- Taux d'activité global 41,3 9,7 25,4 43,9 14,5 28,7

- Taux d'activité pour la popu-lation en âge d'activité 76,4 17,3 45,3 79,2 24,7 50,3

- Taux de chômage 14,5 21,2 15,6 9,6 7,7 9,1

- Participation de la femme à la population active - 19,5 - - 26,0 -

- Population active occupée (en milliers) 939 210 1149 1337 480 1317

Comme en témoignent les données ci-dessus, l'activité a enregistré des

améliorations notables durant la période. Ainsi, le taux d'activité relatif à la

population en âge d'activité est passé de 45,3 % en 1971 à 50,3 % en 1976 (les

taux d'activité sont plus élevés pour les hommes que pour les femmes). L'emploi

féminin s'est accru sensiblement si l'on en juge d'après le taux d'activité et le

taux de chômage ; son taux de participation à la main-d'oeuvre est passé de 19,5 %

à 26,0 %. La coutume et la tradition ne font probablement plus, comme auparavant,

obstacle à la participation de la femme à l'activité économique. Ce changement

d'attitude vis-à-vis du travail féminin pourrait s'expliquer :

- soit par la diffusion de l'instruction chez les femmes, qui leur of-

fre la possibilité de concurrencer l'homme sur le marché du travail ;

- soit pour certaines femmes -surtout pour celles sans niveau d'instruc-

tion- par la réduction du revenu réel de la famille ; en effet, la baisse du reve-

nu réel familial inciterait certains membres de la famille à travailler.

En supposant que la croissance de l'emploi global soit égal à celle de

la population active occupée, on observe que près de 668 000 emplois ont été créés

par l'économie dans son ensemble. Notons aussi que la population active occupée

s'est accrue plus rapidement que la main-d'oeuvre totale, ce qui explique en quel-

que sorte la réduction du chômage.

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En conclusion, au cours de la période 1971-1976, l'économie a réussi

à absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail et à réduire le chôma-

ge visible observé en 1971, sans parler évidemment du sous-emploi.

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-01 -

POUR LA CONSTITUTION D'UNE BASE DE SONDAGE PERMANENTE

POUR LES ENQUETES AUPRES DES MENAGES

CAS : TUNISIE

par M'Hamed AYED

1. INTRODUCTION

La constitution d'une base de sondage permanente pour les enquêtes au-

près des ménages dans les pays africains pose encore des problèmes. Ceci est dû à

plusieurs raisons, dont les principales sont :

- l'importance de la population vivant à l'état dispersé (dans la plu-

part des pays d'Afrique la proportion de la population éparse dépasse 50 % du

total) ;

- un territoire immense (cas du Zaire, du Soudan, de l'Egypte, etc.) ;

- un découpage administratif fragile ;

- un encadrement technique et des moyens matériels très limités.

Pour toutes ces raisons, on s'accorde à dire qu'il n'y a pas de solu-

tion miracle à proposer à nos pays pour la constitution de bases de sondage perma-

nentesauprès des ménages ; néanmoins, il y a lieu de signaler les quelques tenta-

tives qui ont été faites dans ce sens pour la mise en place d'un système de base

de sondage permanente.

Le présent document a pour but de présenter l'expérience tunisienne en

matière de constitution d'une base de sondage permanente pour les enquêtes auprès

des ménages.

La constitution de telles bases de sondage s'appuie sur le découpage

adopté pour les besoins du recensement général de la population ; elle diffère

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- 82 -

selon le milieu concerné, soit urbain, soit rural.

Rappelons tout d'abord que le milieu urbain est formé de toutes les ag-

glomérations érigées en communes ; quant au milieu rural, il comprend toute la po-

pulation vivant à l'état dispersé, ainsi que la population résidant dans des agglo-

mérations non érigées en communes.

2. CONSTITUTION DE LA BASE DE SONDAGE EN MILIEU RURAL

2.1. Définitions et Principes

Au Recensement Général de la Population, le milieu rural a été découpé

en aires appelées "zones naturelles".

Rappelons tout d'abord qu'une zone naturelle est une aire géographique

strictement délimitée par des limites naturelles telsque : oueds, lignes de crête,

routes, voies ferrées, etc.

Les enquêtes auprès des ménages réalisées par l'INS ont tout simplement

adopté ce découpage. Cependant, l'habitat dans les zones naturelles pouvant être

concentré dans une agglomération ou dispersé, il a paru nécessaire, pour des rai-

sons d'efficacité, de distinguer dans le milieu rural deux types de population :

- d'une part, la population des agglomérations de 300 personnes et plus,

appelée, par commodité de langage, population des agglomérations ;

- d'autre part, la population des zones naturelles à l'exclusion des ag-

glomérations de 300 personnes et plus qui s'y trouvent ; cette population est appe-

lée, par commodité de langage, population des zones naturelles éparses.

Il convient de noter qu'une zone naturelle qui ne comprend pas une ag-

glomération de 300 personnes ou plus, se confond avec la zone naturelle éparse.

Avant de parler de la constitution d'un échantillon aréolaire permanent

pour les enquêtes auprès des ménages, il convient de donner quelques indications

sur la documentation cartographique qui était à la base du découpage du milieu ru-

ral en zones naturelles. Cette documentation cartographique est formée essentielle-

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-33-

ment de cartes d'état-major qui constituent le support matériel pour la délimita-

tion de l'espace géographique de chaque secteur rural.

Ces cartes d'état-major ont servi de guide pour les deux opérations

suivantes :

- reconnaissance, identification et fixation des limites extérieures

de chaque secteur ;

- découpage de chaque secteur en un nombre entier de zones naturelles.

Rappelons que la délimitation des secteurs a été élaborée à la demande

de l'INS par l'Office de la Topographie sur cartes d'état-major (échelle au

1/50 000 ou au 1/200 000e pour le Sud Tunisien) en double exemplaires pour chaque

délégation.

Une fois l'opération de découpage du milieu rural en zones naturelles

terminée, il s'agit de procéder au découpage des zones naturelles éparses - échan-

tillon et des agglomérations - échantillon en sous-aires de 60 ménages environ ap-

pelées "Grappes".

On ne dira jamais assez que cette opération est d'une importance primor-

diale. Un découpage fait à la hâte pourra conduire à l'échec de l'enquête. C'est

pourquoi, il convient de confier ce travail à des équipes d'enquêteurs ayant acquis

une expérience sur terrain.

Il y a lieu de remarquer que le découpage des zones naturelles en grap-

pes ne porte que sur les zones-échantillon afin d'éviter l'opération longue et

onéreuse qui consiste à découper tout le milieu rural en grappes de 60 ménages.

Pour cette raison, on a été conduit à procéder à un sondage à deux

degrés :

- au premier degré, est tiré un échantillon de zones naturelles éparses;

les zones naturelles-échantillon sont découpées en aires de 60 ménages environ,

appelées "Grappes" ;

- au second degré, est tiré un échantillon de grappes.

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- 8 4 -

2.2. Mise à iour de la base de sondage en milieu rural dispersé

La mise à jour de la base de sondage en milieu rural dispersé ne porte

que sur les unités-échantillon. Avant d'entamer l'opération de mise à jour, un ti-

rage proportionnellement à la taille (nombre de ménages) des zones naturelles est

fait sur la base du découpage du milieu rural en zones naturelles lors du recense-

ment (on peut dire que ce découpage en zones naturelles est presque définitif du

moins durant la période intercensitaire). Cependant, il y a lieu de signaler que,

pour les pays qui ne disposent pas d'un tel découpage ou qui n'ont jamais effectué

un recensement, tout le travail est à refaire ; il faut commencer avant tout par

découper le milieu rural en aires géographiques strictement délimitées et facile-

ment repérables sur le terrain ; ce découpage ne peut être fait que sur la base

des cartes d'état-major.

- Découpage des zones naturelles éparses-échantillon

Documents utilisés pour chaque zone naturelle

Pour chaque zone naturelle-échantillon à découper, on dispose des docu-

ments suivants (les limites extérieures de la zone naturelle sont portées sur la

carte) :

- une carte d'état-major relative à la zone naturelle : la carte d'état-

major sert à retrouver la zone naturelle sur le terrain ;

- les photos aériennes relatives à la zone naturelle : ces photos aé-

riennes servent à reconnaître les limites naturelles extérieures de la zone natu-

relle et les limites naturelles à l'intérieur de la zone naturelle ; elles servent

aussi à repérer les ménages résidant dans la zone naturelle ;

- le dossier de zone naturelle constitué pour les besoins du Recense-

ment ; ce dossier comporte notamment des indications statistiques et un schéma de

la zone naturelle, ainsi que la liste des ménages établie dans la zone naturelle

lors du pré-dénombrement de la population ;

- les carnets des agglomérations situées dans la zone naturelle-échan-

tillon.

Les étapes du découpage d'une zone naturelle - échantillon

Pour découper une zone naturelle-échantillon, on doit procéder en trois

étapes : la première et la troisième étape doivent être exécutées au bureau. Quant

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-05 -

à la deuxième étape intermédiaire, elle doit être exécutée sur le terrain.

Première étape : elle consiste à préparer le travail sur le terrain. A

cet effet, il convient d'établir successivement les tâches suivantes :

- faire l'assemblage des photos aériennes relatives à la zone naturel-

le en question et les numéroter de 1 à n ;

- faire apparaître sur cet assemblage les limites extérieures de la zo-

ne naturelle conformément aux limites indiquées sur la carte d'état-major.

Deuxième étape : sur le terrain, on doit avant tout reconnaître les li-

mites extérieures de la zone naturelle en s'appuyant sur le schéma indiqué aussi

bien sur la carte d'état-major que sur les photos aériennes ; puis, à partir d'un

point facilement repérable sur le terrain, on doit procéder au listing des ménages

comme suit (1) :

Ce listing se fait séparément sur chaque photo aérienne en indiquant

par un point l'emplacement géographique du ménage et son numéro corres-

pondant (les ménages sont numérotés de 1 à n dans chaque photo aérien-

ne) ; dans le cas de deux ou plusieurs ménages concentrés ou d'une peti-

te agglomération, on indique ce groupement par un point entouré d'un

cercle au crayon en portant la numérotation du premier et du dernier

ménage.

EXEMPLE : Si on rencontre une petite agglomération de 6 ménages dans l'aire relati-

ve à la photo aérienne et que l'on ait déjà listé 14 ménages, on porte à l'emplace-

ment géographique de cette petite agglomération un point entouré d'un cercle avec

la mention 15 - 20.

REMARQUE : Il y a lieu de souligner qu'un formulaire doit être rempli pour chaque

photo aérienne avec les indications statistiques suivantes :

- numéro du ménage ;

- nom et prénom du chef de ménage ;

- observations concernant l'emplacement géographique du ménage pour fa-

ciliter son repérage au moment de l'enquête.

(1) Les agglomérations de 300 personnes et plus dans les limites de 1975 sont exclues.

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Troisième étape : il s'agit maintenant de constituer les grappes de la

zone naturelle - échantillon à partir des photos aériennes et des formulaires rem-

plis. A cet effet, il convient d'établir les tâches suivantes :

- à partir des photos aériennes, constituer des grappes de 60 ménages

environ, ayant des limites précises et facilement repérables sur le terrain tel-

les que : pistes, cours d'eau, lignes de crête, routes, ... ; ces limites doivent

être indiquées aussi bien sur les photos aériennes après leurs assemblages, que

sur la carte d'état-major ;

- dresser un formulaire pour chaque zone naturelle - échantillon intitu-

lé : constitution des grappes dans la zone naturelle - échantillon et comportant

les indications suivantes :

. localisation géographique de la zone naturelle ;

. description en clair des limites extérieures de la zone naturelle

. informations sur les grappes de la zone naturelle ;

- dresser un formulaire pour chaque grappe intitulé : informations sur

la grappe et comportant les indications suivantes :

. localisation géographique de la grappe ;

. description en clair des limites extérieures de la grappe ;

. informations sur la grappe ;

- ranger tous les documents relatifs à la zone naturelle dans une enve-

loppe en isolant dans une chemise les documents concernant la grappe.

2.3. Cas des alomérations

On a mentionné dans le cas des zones naturelles que les agglomérations

(1) de 300 personnes et plus repérées à l'intérieur de ces zones, sont isolées et

doivent être découpées à part.

(1) Une agglomération est un groupement d'au moins 300 habitants ayant, en général, un nom ou une hiérarchie reconnue à l'échelle locale (village, douar, mechta, ...) ; d'une façon pratique, on considérera comme agglomération tout ensemble de 60 constructions au moins, telle qu'aucune d'entre elles ne soit éloignée de la plus proche de plus de 200 mètres.

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La liste des agglomérations est fournie par les documents du recense-

ment. Cependant l'opération qui consiste à mettre à jour et à découper la totali-

té des agglomérations en grappes est longue et onéreuse ; il a donc paru nécessai-

re de procéder à un sondage à deux degrés afin de ne découper que les aggloméra-

tions - échantillon :

- au 1er degré est tiré un échantillon d'agglomérations avec probabili-

tés proportionnelles à la taille ;

- au 2ème degré est tiré un échantillon de grappes.

- Découpage des agglomérations - échantillon

Pour chaque agglomération-échantillon à découper, on dispose des docu-

ments suivants :

- une carte d'état-major relative à la zone naturelle où se trouve

l'agglomération - échantillon ;

- le dossier de zone naturelle constitué pour les besoins du recense-

ment où se trouve située l'agglomération ; ce dossier comporte des indications

statistiques et le schéma concernant l'agglomération.

L'équipe chargée du découpage d'une agglomération doit procéder aux

tâches suivantes :

a) en s'appuyant sur le schéma de l'agglomération établi lors du der-

nier passage, l'enquêteur doit refaire le schéma de l'agglomération selon les li-

mites actuelles en portant les changements et les mises à jour des limites de

l'agglomération ;

b) elle doit procéder ensuite au découpage de l'agglomération en sections;

cette mise à jour est faite sur un carnet d'agglomération établi à cet effet ;

c) elle doit procéder enfin au dénombrement des ménages de chaque îlot en

portant les indications demandées sur le carnet d'agglomération ;

d) une fois les trois premières tâches terminées, il s'agit de consti-

tuer des grappes de 60 ménages ayant des limites précises et facilement repérables

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à partir des schémas et des indications statistiques des îlots de l'agglomération.

3. CONSTITUTION DE LA BASE DE SONDAGE EN MILIEU URBAIN

3.1. Définition des zones

Au recensement de la population, chaque commune a été découpée en aires

géographiques appelées "sections" (1) ; cependant, pour chaque commune, on distin-

gue les trois zones suivantes :

- zone centrale communale inchangée ;

- zone centrale communale mise à jour ;

- zone périphérique.

Zone centrale inchangée

C'est généralement la partie centrale de la commune ; elle est composée

d'un nombre entier de sections qui n'ont subi aucune transformation depuis le re-

censement ou depuis le dernier passage.

Zone centrale mise à jour

Elle est formée de sections ayant subi une légère transformation depuis

le dernier passage (un nouvel îlot, un îlot du dernier passage divisé en deux

îlots, ...).

REMARQUE : Ces deux zones constituent la zone centrale de la commune.

Zone périphérique

C'est le reste de l'aire communale formée de sections ayant subi de pro-

fonds changements depuis le découpage en sections établi pour les besoins de recen-

sement et des extensions qu'a connues la commune depuis le dernier passage ; géné-

ralement, ces sections se situent dans la périphérie de la commune (zone d'aménage-

ment).

La distinction entre zone centrale et zone périphérique est faite sur

le terrain sur la base des documents établis lors du passage précédent ; l'agent

(1) Une section est un ensemble d'un certain nombre d'îlots limités par des artères principales qui traversent une agglomération ou une commune.

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-89-

chargé de faire ce travail est tenu à classer les sections en quatre catégories,

à savoir :

- sections inchangées depuis le dernier passage ;

- sections légèrement transformées à l'intérieur et qui peuvent être

mises à jour sans passer par un pré-dénombrement systématique de la section ;

- sections totalement transformées et qui nécessitent un nouveau pré-

dénombrement ;

- sections nouvellement créées depuis le dernier passage, dues à l'ex-

tension des limites communales.

Les deux premières catégories sont classées dans la zone centrale

quant aux deux dernières, elles font partie de la zone périphérique.

3.2. Mise à jour de la base de sondage

La mise à jour de la base de sondage en milieu urbain diffère selon

qu'il s'agit de la zone centrale ou de la zone périphérique.

L'unité de base de la mise à jour de la zone communale centrale est la

section telle qu'elle a été définie lors du recensement de 1975.

En zone centrale, la mise à jour systématique ne s'impose pas ; cepen-

dant, une mise à jour légère est effectuée dans les sections relatives à cette

zone ; l'enquêteur est appelé à faire les deux opérations suivantes :

- reconnaître les limites extérieures des sections ;

- ratisser les sections et, si jamais il constate un changement (exem-

ple d'un terrain vague qui se transforme en un îlot construit), il est tenu d'ap-

porter les corrections nécessaires au schéma de section et au nombre des ménages.

Ce travail préliminaire est effectué sur la base des documents du recen-

sement (dossier de section) après avoir apporté toutes les corrections nécessaires.

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- 90-

3.21. Méthode de mise à jour en zone centrale

Notons que les sections de la zone centrale inchangée ne vont pas être

modifiées. On adopte de ce fait le découpage en îlots du dernier passage. La mise

à jour proprement dite porte uniquement sur les sections de la zone centrale "mi-

se à jour".

Cette mise à jour va donc porter essentiellement sur les sections qui

ont subi de légères transformations depuis le dernier passage (apparition de nou-

veaux immeubles, transformation de la configuration des îlots de la section tel

que regroupement d'anciens îlots, éclatement d'un ancien îlot, disparition d'un

îlot ou d'une partie d'îlot, ...).

Pour s'assurer que le changement a eu lieu après le dernier passage, il

y a lieu de consulter les schémas de section et les carnets d'îlots.

Dans le cas où on constate un changement dans une section donnée, on

doit procéder aux deux opérations de mise à jour suivantes :

a) schéma et numérotation des nouveaux îlots

on doit porter sur le schéma de section les modifications qui ont eu

lieu de la façon suivante :

- en traçant les nouveaux îlots et en attribuant des numéros à ces îlots;

- en attribuant de nouveaux numéros aux îlots fusionnés et aux îlots

éclatés et en éliminant les anciens îlots de la liste.

EXEMPLE : Les îlots 4 et 5 de la section 1 (dernier passage) ont été fusionnés en

un seul îlot : on affecte un nouveau numéro à cet îlot.

Les îlots disparus doivent figurer sur le schéma de la section tout en mentionnant

qu'il s'agit d'un terrain vague ; ils garderont les numéros attribués lors du

dernier passage.

REMARQUE : Notons que les îlots sont numérotés de 1 à n dans une section ; pour

les nouveaux îlots construits après le dernier passage, on donne le numéro n + 1,

n+ 2, ...

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- 91 -

b) Relevé du nombre de ménages et de logements

on doit relever ensuite le nombre de ménages et de logements dans les

nouveaux îlots et dans les îlots ayant subi un changement et porter ces nombres

sur la fiche (mise à jour de la zone centrale) préparée à cet effet avec le maxi-

mum d'indications.

Il y a lieu de remarquer que le relevé des ménages et des logements se

fera de la même façon que lors du pré-dénombrement du recensement.

- Déroulement des opérations

Notons que pour faciliter le travail sur le terrain, une classification

a priori des sections peut être faite au bureau avant la sortie sur le terrain.

Cette classification sera faite sur la base des documents du recensement, du plan

de la commune et de la connaissance de la commune. Trois types de section peuvent

être dégagés, à savoir :

- sections apparemment "inchangées" depuis 1975 ;

- sections "douteuses", c'est-à-dire qui pourraient être, soit mises à

jour, soit intégrées dans la zone centrale communale, soit considérés comme "péri-

phériques" ;

- sections considérées comme appartenant à la zone périphérique.

a) Sections inchangées

On doit commencer par contourner les sections classées a priori "inchan-

gées" et, s'il le faut, on doit vérifier la délimitation des différents îlots qui

n'ont pas subi de transformations depuis le dernier passage.

Si on n'observe aucun changement dans la configuration de ces sections,

on doit les classer comme sections appartenant à la zone centrale inchangée ; et

de ce fait on doit remplir un modèle spécial (type de section : section inchangée)

Mais si, au contraire, il y a eu de légères modifications, on doit appliquer les

instructions de la mise à jour d'une section (voir méthode de mise à jour exposée

ci-dessus).

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- 92 -

b) Sections "douteuses"

Ces sections a priori "douteuses" peuvent être classées, après vérifi-

cation sur le terrain, dans l'une des trois zones appropriées.

- Si la section est inchangée : on la classe dans la zone centrale

inchangée ;

- si la section a subi une légère modification : on la classe dans la

zone centrale mise à jour et on procède à la mise à jour telle qu'elle est décrite

ci-haut ;

- si la section a subi de profonds changements : on la classe dans la

zone périphérique.

c) Sections périphériques

Ces sections a priori "périphériques" doivent être vérifiées sur le

terrain pour s'assurer si elles nécessitent ou non un nouveau pré-dénombrement,

et ceci à l'aide des documents (plan de commune, schéma de section, ...) ; il y a

lieu de remarquer qu'une section classée a priori "périphérique" peut être classée:

- soit section inchangée : si on constate que cette section n'a pas

subi de modifications depuis le dernier passage ;

- soit section mise à jour : si on constate une légère transformation,

on doit alors procéder à la mise à jour nécessaire et classer la section comme

centrale mise à jour ;

- soit section périphérique : si on constate de grandes transformations

dans cette section, on la classe définitivement comme section "périphérique".

- Résultats de l'opération

On aboutit à la fin de cette opération à classer toutes les sections

d'une commune en deux catégories :

- la zone centrale constituée par les sections inchangées et les sec-

tions mises à jour ;

- la zone périphérique constituée par les sections périphériques.

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-93-

Une fois le travail de mise à jour terminé, il s'agit maintenant de

constituer, sur la base des documents corrigés, les districts (1) de 200 ménages

environ au niveau de chaque commune.

- Constitution des districts

Les opérations exécutées sur le terrain pour la mise à jour de la zone

centrale, ainsi que les résultats du dénombrement (recensement de 1975) permettent

d'avoir le nombre de ménages par îlot et section et par conséquent de procéder au

découpage de la commune (zone centrale) en districts.

Pour constituer les districts, on essaye dans la mesure du possible

d'adopter le découpage en districts utilisé lors du passage précédent. Il est évi-

dent qu'il faut tenir compte de la mise à jour de la section apportée sur le modè-

le "mise à jour de la zone centrale". Donc, avant de remplir le modèle intitulé

"constitution des districts de la zone centrale", il y a lieu d'éliminer du dossier

de section du recensement ou de l'enquête précédente les îlots disparus ou ayant

subi des transformations depuis la date du recensement (barrer ces îlots avec un

crayon sur le dossier de section). Ces modifications doivent en fait exister sur

le modèle intitulé "mise à jour de la zone centrale". Cette opération est néces-

saire pour éviter les omissions ou les doubles comptes.

Pour constituer un district, il suffit de grouper entre eux un certain

nombre d'îlots coudes de façon telle qu'ils comptent dans leur ensemble environ

200 ménages. Pour ce faire, il y a lieu de remplir un modèle spécial appelé "cons-

titution des districts dans la zone centrale", à partir :

- du dossier de section du recensement ou de l'enquête précédente et la

fiche "mise à jour de la zone centrale communale" jointe à ce dossier ;

- du tableau récapitulatif donnant le nombre de ménages par section et

îlot.

- Découpage des districts - échantillon en grappes

Afin d'éviter l'opération longue qui consiste à découper la totalité

des districts de la zone centrale en grappes, on procède à un tirage à 2 degrés :

(1) Un district est une aire géographique strictement délimitée comptant environ 200 ménages.

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- 94 -

- au ler degré est tiré un échantillon de districts proportionnellement

à la taille (nombre de ménages) ;

- au 2ème degré est tiré un échantillon de grappes après avoir découpé

chaque district échantillon en trois grappes.

Donc après avoir terminé le tirage des districts-échantillon à partir

du modèle intitulé "constitution des districts dans la zone centrale", il s'agit

de procéder au découpage de ces districts en trois grappes de taille à peu près

égales. Cette opération est d'une importance primordiale ; c'est pourquoi il con-

viendrait de confier ce travail à une équipe ayant acquis une expérience sur le

terrain. Cette équipe a pour tâche :

- d'établir un modèle donnant le schéma du district-échantillon et le

nombre de ménages des îlots composant le district ;

- de découper les districts-échantillon en trois grappes ;

- d'établir les dossiers de grappes.

- Etablissement du modèle "dossier du district-échantillon"

Ce modèle doit être établi à partir des documents suivants :

- plan de commune ;

- schémas des sections inchangées ou mises à jour, relatifs aux dis-

tricts à découper en grappes ;

- fiche donnant la constitution des districts dans la zone centrale.

- Découpage des districts en trois grappes

Le travail de constitution des dossiers des districts-échantillon, étant

terminé, on procède alors au découpage du district en trois grappes. Cette opéra-

tion délicate doit obéir aux critères suivants :

- délimitation, précise et facilement repérable sur le terrain ;

- variabilité aussi réduite que possible de la taille des grappes.

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- 95 -

a) Délimitation précise et facilement repérable sur le terrain

Une grappe est une aire géographique ; donc l'ensemble des aires des

trois grappes doit couvrir toute l'aire du district. Une grappe peut être composée

d'un ou plusieurs îlots ou d'une partie d'îlot groupant un ensemble de construc-

tions voisines. A la limite, elle peut être composée d'un ou plusieurs étages d'un

même immeuble. Il y a lieu de noter qu'un logement ne peut appartenir qu'à une

seule grappe. Les limites géographiques de la grappe doivent être clairement et

nettement précisées de telle sorte que n'importe quel agent de l'enquête se ren-

dant sur le terrain puisse à tout moment les repérer sans aucune ambiguïté.

b) Variabilité aussi réduite que possible de la taille des grappes

La taille des grappes doit être en principe égale à la moyenne

arithmétique :

Nombre de ménages du district X

3

mais, étant donné les contraintes du terrain, cette taille ne pourra être rigou-

reusement égale à la moyenne X. Toutefois, il faudra faire en sorte que la taille

de la grappe soit aussi proche que possible de cette moyenne (plus ou moins 10 7).

Une fois la moyenne x établie, on procède ensuite à un cumul des ména-

ges des îlots jusqu'à l'obtention d'un total se rapprochant de la moyenne X. En

général, la grappe est constituée d'un ou plusieurs îlots contigus mais on peut

se trouver obligé de constituer deux ou trois grappes à partir d'un même îlot.

L'agent chargé du découpage du district tâche dans ce cas de vérifier d'abord sur

le terrain si l'ensemble des constructions d'une même artère (avenue, rue, impas-

se) sont susceptibles de constituer une même grappe. Dans le cas contraire, il est

amené à prendre comme limite de la grappe une construction qui se situe dans une

des artères limitant le district. Il convient dans ce cas, de donner toutes les

indications sur cette construction limitant la grappe.

Les grappes étant constituées, il y a lieu d'indiquer sur le schéma du

district, avec un crayon de couleur rouge, les limites des trois grappes : puis

on numérote les grappes au hasard : G1, G2, G3.

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- 96-

3.22. Mise à jour et pré-dénombrement dans la zone périphérique

La mise à jour proprement dite de la base de sondage en milieu urbain,

ne porte que sur la zone périphérique. Cependant cette mise à jour ne peut être

menée à bien que sur la base des documents (cartes de communes et plans d'aména-

gement). Ces documents permettent de cerner les limites des communes et de déli-

miter les zones d'aménagement.

Une fois la zone périphérique délimitée sur le terrain, on procède au

pré-dénombrement des ménages et des logements dans cette zone en vue de la décou-

per en unités primaires (districts).

- Principe du pré-dénombrement en zone périphérique

Il y a lieu de rappeler que pour chaque commune on dispose d'un plan ;

ce plan peut être "parlant", c'est-à-dire qu'il porte, en plus des limites de la

commune, le nom des quartiers, rues, avenues, places, édifices principaux.

Si le plan n'est pas parlant, ou partiellement parlant, il est indis-

pensable de porter les noms des grandes artères ou à défaut de quelques repères.

Une fois l'aire d'une commune et la zone périphérique bien déterminée

sur le plan et sur le terrain, on procède au découpage de la zone périphérique en

sections selon les grandes artères.

Il s'agit d'attribuer des numéros (1) aux sections relatives à la zone

périphérique ; ces numéros doivent être portés aussi sur le plan de la commune.

Pour chaque section ainsi déterminée, on établit un dossier (dossier de

section) en identifiant les artères principales et les autres repères qui servent

à limiter chaque section.

On procède après à la mise à jour des différents îlots de chaque section

en leur attribuant des numéros de 1 à n ; les numéros doivent être portés sur le

plan de section.

(1) Les sections sont numérotées de 1 à n dans chaque commune.

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- 97 -

- Identification des constructions et évaluation du nombre de logements

et de ménages

On établit un carnet d'îlot pour chaque îlot identifié en reproduisant

le plan de l'îlot tout en précisant les rues qui le limitent ou toute indication

permettant de le localiser.

L'agent chargé du pré-dénombrement doit identifier toutes les construc-

tions constituant l'îlot et leur attribuer un numéro de 1 à n dans l'ordre où el-

les se présentent, en prenant comme point de départ une maison qui fait angle.

Le sens du contour de l'îlot doit être tel que tout l'îlot soit laissé

à droite (sens des aiguilles d'une montre).

En résumé, une construction est repérée par un numéro à l'intérieur

d'un îlot, qui à son tour est identifié par un numéro à l'intérieur d'une section

identifiée aussi par un numéro à l'intérieur de la commune.

Pour chaque construction identifiée, il faut relever le nombre de loge-

ments et le nombre de ménages qu'elle comporte.

- Résultats du pré-dénombrement

On aboutit à la fin du pré-dénombrement à la constitution des documents

de base suivants :

a) Dossier de commune

Il a pour objet :

- de donner la localisation et la délimitation de l'aire géographique

de la commune ;

- de donner les renseignements sur le nombre d'îlots, de construction,

de logements et de ménages pour chacune des sections suivant lesquelles a été dé-

coupée l'aire communale.

b) Dossier de section

Il a pour objet :

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- 98 -

- de donner la localisation et la délimitation de la section ;

- de donner le plan mis à jour ou le plan établi de la section et d'i-

dentifier les îlots la constituant ;

- de donner les renseignements sur le nombre de constructions, de lo-

gements et de ménages pour chacun des îlots constituant la section ;

- de procéder aux opérations de découpage de l'aire en "district".

c) Carnet d'îlot

Il a pour objet :

- de localiser et de délimiter l'îlot ;

- de reproduire le plan de l'îlot avec indication des constructions le

constituant ;

- de relever les renseignements sur le nombre de logements et de ména-

ges de chaque construction.

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- 99-

NOTE DE LECTURE

GUIDE D'ELABORATION DES COMPTES ECONOMIQUES

dans les pays en voie de développement

Cadres de référence inadaptés, information statistique de base défail-

lante, voire inexistantes telles sont les critiques les plus courantes qui pèsent

sur la Comptabilité Nationale des pays en voie de développement.

Il est vrai que, bien souvent, pour faire face aux besoins de la plani-

fication puis de la prévision, la responsabilité d'élaborer des comptes économiques

a été confiée à des services statistiques trop démunis de moyens pour mener la

tâche à bien.

Il est non moins vrai que le système révisé de Comptabilité Nationale

des Nations-Unies n'est que la somme de l'expérience des comptables nationaux des

pays industrialisés. Il a cependant le gros avantage d'avoir été adopté par de

nombreux pays dès sa parution en 1970 en remplacement des systèmes beaucoup moins

raffinés utilisés auparavant. Mais son application aveugle à des économies moins

développées, limitée par les carences de l'appareil statistique, ne peut pas don-

ner un résultat très satisfaisant malgré les adaptations pour les pays en voie de

développement proposées dans le chapitre IX.

La critique est donc souvent justifiée : comptes trop globaux, trop

tardifs, trop rares et sans grand intérêt. Cependant, un cadre de cohérence macro-

économique reste indispensable. Et le bilan de ces dix dernières années de Compta-

bilité Nationale dans les pays en voie de développement n'est peut-être pas aussi

négatif qu'il y paraît. Il convient en effet de faire état des travaux et recher-

ches qui ont été menés pour améliorer la qualité des comptes de ces pays.

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- 100 -

C'est ce que propose le Guide d'élaboration des Comptes Economiques

dans les pays en voie de développement publié par le Ministère français de la

Coopération et du Développement, en s'appuyant principalement sur ce qui a été

fait en Afrique Noire Francophone durant ces dernières années.

Cet ouvrage s'adresse aussi bien aux praticiens de la Comptabilité

Nationale qu'aux statisticiens qui l'alimentent et planificateurs qui l'utilisent.

Il ne prétend pas apporter une réponse toute faite à tous les problèmes, les au-

teurs sont convaincus que c'est à chaque pays de trouver son système propre. Il

fait le point sur ce qu'on peut attendre du SCN, ses limites mais aussi les adap-

tations qu'on peut en faire lorsqu'on a analysé les structures économiques que les

comptes nationaux doivent retracer.

Il se présente en deux tomes :

Tome I "Méthodologie"

Tome II "Exercices Pratiques".

Tome I - Méthodologie

La lère partie est consacrée à une présentation simplifiée du système

révisé des Nations-Unies qui, dix ans après sa parution, est peut-être encore trop

méconnu et surtout ne fait pas l'objet d'un enseignement suffisant dans les Ecoles

francophones.

La 2ème partie analyse les insuffisances du système pour décrire les

réalités économiques des pays en voie de développement.

Les adaptations proposées par le chapitre IX du SCN ne font que pallier

l'insuffisance des données statistiques. Les auteurs s'attachent ici à mettre en

évidence les spécificités de ces économies que les comptes doivent refléter. A par-

tir de la demande des utilisateurs, quels comptes doit-on produire ? Ensuite,

quelles sont les priorités statistiques à dégager ?

La Ume partie décrit quelques expériences concrètes d'élaboration et

d'utilisation des comptes nationaux en pays en voie de développement.

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- 101 -

Tome II - Exercices d'application

Ces exercices, déjà connus des anciens stagiaires du CEPEF, permettent

d'élaborer les comptes de la Delicie, pays en voie de développement fictif. Les

documents utilisés sont tirés de cas réels.

Il est présenté sous forme de dossiers séparés facilitant l'utilisation

pour des travaux pratiques.

Marie TAHON

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- 102 -

NOTE DE LECTURE

LE MACROCOSPE : "Vers une vision globale" - Joël de ROSNAY -

Editions du Seuil - 1975 - 249 p.

Ce livre est un plaidoyer passionné, d'ailleurs fort bien construit et

présenté avec le plus grand sens pédagogique, en faveur de l'approche systémique.

Confrontés à l'infiniment complexe, nous avons besoin d'un nouvel outil : le ma-

crocospe. C'est un instrument symbolique, fait d'un ensemble de méthodes et de

techniques empruntées à des disciplines très différentes. Complémentaire de la

"méthode analytique" qui isole les éléments et les variables afin de les envisa-

ger un par un, l'approche systémique, symbolisée par le macrocospe, est une appro-

che globale des problèmes ou des systèmes, qui se concentre sur le jeu des inter-

actions et des régulations entre leurs éléments.

Les parties et les chapitres du Macrocospe sont des "modules" relative-

ment indépendants mais qui jouent tous un rale dans l'entraînement à la vision

d'ensemble que Joël de ROSNAY essaie de nous communiquer.

Le premier chapitre est essentiellement didactique. C'est une "mise en

condition" destinée à ceux qui désirent acquérir rapidement l'essentiel de ce

qu'il faut savoir aujourd'hui sur l'écologie, l'économie et la biologie modernes.

En présentant le fonctionnement des principaux systèmes de la nature (cellule, or-

ganisme, ville, entreprise, écosystème, économie) l'auteur, chemin faisant, appli-

que très pédagogiquement la méthode qu'il préconise.

Le deuxième chapitre (pp. 33 à 123), est la clé du livre, le mode d'em-

ploi du macrocospe. Intitulé, avec quelqu'emphase, "la révolution systémique : une

nouvelle culture", il a pour but de dégager ce qui se cache sous la banale notion

de "système" et de faire ressortir les lois fondamentales, les principes généraux

et les invariants qui relient et rapprochent les principaux systèmes de la nature.

C'est bien entendu sur ce 2ème chapitre que nous allons centrer notre analyse.

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- 103 -

Dans les trois chapitres suivants, l'énergie et la survie, l'informa-

tion et la société interactive, le temps et l'évolution, l'approche systémique est

appliquée à trois secteurs fondamentaux de la connaissance, l'énergie, l'informa-

tion et le temps, "éléments éternels dont dépend notre action, la trame de toute

connaissance et de toute signification".

Sans rentrer dans les détails, notons seulement qu'on trouve dans ces

trois chapitres de très intéressants aperçus sur des problèmes fondamentaux aux-

quels le monde actuel est affronté et sur les perspectives de solution (crise éner-

gétique, crise alimentaire, compétition entre énergie et travail, "la symbiose des

microbes et des ordinateurs", "la société en temps réel", les moyens de la parti-

cipation et le déséquélibre des pouvoirs, etc.). On y trouve surtout, au chapitre

6 pour l'essentiel, des réflexions épistémologiques non dépourvues d'originalité

et à tout le moins provocantes sur les notions de temps et d'irréversibilité qui

conditionnent notre manière de concevoir la causalité et la finalité, c'est-à-dire

la science et l'évolution.

A ce propos, il faut recommander de lire dans le même élan "Le Macrocos-

pe" et "Comment on écrit l'histoire" de Paul VEYNE tant ces deux ouvrages sont re-

présentatifs de conceptions opposées en ce qui concerne la possibilité et le conte-

nu d'une telle science de la dynamique des systèmes sociaux.

Le sixième chapitre, Valeurs et Education, tente de dessiner les gran-

des lignes de l'éducation de demain préparant à l'approche globale des problèmes

et au jeu de leurs interdépendances. Ce que l'éducation actuelle "désespérément

analytique et centrée sur quelques disciplines", est, aux dires de l'auteur empor-

té par son sujet et affichant in fine un parti-pris par trop manichéen, bien inca-

pable de faire.

L'approche systémique est donc une approche "transdisciplinaire" permet-

tant de mieux comprendre et de mieux décrire la complexité organisée. Elle est née

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- 104 -

au cours des trente dernières années de la fécondation de plusieurs disciplines

dont la biologie, la théorie de l'information, la cybernétique et la théorie des

systèmes. Il ne faut pas les considérer comme une "science", une "théorie" ou une

"discipline" mais comme une nouvelle méthodologie permettant de ressembler et

d'organiser les connaissances en vue d'une plus grande efficacité de l'action.

Elle est bien entendu fondée sur la notion de "système". Les principaux

traits structuraux de tout système sont les suivants : une limite ; des éléments

pouvant être dénombrés et assemblés en catégories, familles ou populations ; des

"réservoirs" dans lesquels les éléments peuvent être rassemblés et dans lesquels

sont stockés de l'énergie, de l'information, des matériaux ; et enfin un réseau de

communication qui permet l'échange d'énergie, de matière et d'information entre

les éléments du système et entre les différents réservoirs.

Quant aux principaux traits fonctionnels de tout système, on peut les

résumer comme suit : des flux d'énergie, d'information ou d'éléments circulant en-

tre les réservoirs (ou stocks) ; des "vannes" ou centres de décision contrôlant

les débits des flux ; des durées de stockage ou des "frottements" entre les élé-

ments du système ; enfin des boucles d'information ou encore boucles de rétroac-

tion (feed-back) jouant un rôle déterminant dans le comportement d'un système en

combinant les effets des réservoirs, des délais, des vannes et des flux.

A noter qu'il existe deux types de boucles de rétroaction : les boucles

positives (amplification des divergences) sur lesquelles repose toute la dynamique

de changement et les boucles négatives (convergence) sur lesquelles repose la ré-

gulation et la stabilité du système.

Naturellement, il s'agit de systèmes ouverts en relation permanente

avec leur environnement avec qui ils échangent énergie, matière et informations et

dont l'influence sur le comportement constitue des "contraintes".

Après avoir rappelé ces notions de base, l'auteur s'efforce de caracté-

riser la nature et l'utilité de l'approche systémique (le mode d'emploi du macro-

cospe) en le comparant à l'approche analytique, qu'il qualifie courtoisement de

complémentaire plutôt que d'opposée mais, tout de même, "irréductible" à l'appro-

che systémique. (A ce propos, on s'étonne d'ailleurs que l'auteur ignore aussi dé-

libérément le terme sinon la pensée "dialectique" !).

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- 105 -

L'approche analytique ramène un système à ses éléments les plus simples

afin de les étudier en détail et de comprendre les types d'interaction qui exis-

tent entre eux. En modifiant "une variable à la fois", elle s'efforce d'en déduire

des lois générales permettant de prédire les propriétés du système dans des condi-

tions très différentes. Pour que cette prédiction soit possible, il faut que les

lois d'additivité des propriétés élémentaires puissent jouer (autrement dit que

l'on puisse passer du niveau "micro" au niveau "macro" sans solution de continui-

té). Ce qui est le cas des systèmes homogènes, c'est-à-dire comportant des élé-

ments semblables et présentant entre eux des interactions faibles. Dans ce cas,

les lois statistiques s'appliquent bien et permettent de comprendre le comporte-

ment de la multitude, de la complexité non organisée.

Les lois d'additivité des propriétés élémentaires "ne jouent évidemment

plus" dans les systèmes très complexes constitués d'une très grande diversité d'é-

léments liés par des interactions fortes. Ils doivent être abordés par des méthodes

nouvelles "comme celles que regroupe l'approche systémique".

L'analyse de système consiste à définir les limites du système, à modé-

liser, à identifier les éléments importants et les types d'interaction puis à dé-

terminer les liaisons qui les intègrent en un tout organisé. Eléments et types de

liaison sont classés et hiérarchisés. Puis sont identifiés les variables de flux,

d'état, les boucles de rétroaction, les délais, etc. La modélisation consiste, à

partir des données de l'analyse de système, à "établir un schéma complet des rela-

tions entre les éléments des différents sous-systèmes" (l'auteur ne précise nulle

part ce qu'il entend par sous-système). Puis on exprime en un langage de program-

mation approprié (le lecteur souhaiterait là aussi avoir des précisions, voire des

exemples, à ce sujet) les équations décrivant les interactions et les liaisons en-

tre les différents éléments du système.

Enfin, la simulation étudie le comportement dans le temps d'un système

complexe en faisant varier simultanément des groupes de variables. Elle ne donne

jamais l'optimum ou la solution exacte à un problème posé. Elle ne fait que déga-

ger les tendances générales du comportement du système, ses directions probables

d'évolution tout en suggérant de nouvelles hypothèses. Les résultats de la simula-

tion ne doivent pas être confondus avec la réalité. Mais comparés à ce qu'on sait

de la réalité, ils servent de base à une modification éventuelle du modèle de dé-

part. C'est à la suite d'un tel processus itératif que se révèle l'utilité de la

simulation.

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- 106 -

L'interaction entre utilisateur et modèle (grâce à l'ordinateur) déve-

loppe l'intuition des interdépendances et permet de mieux prévoir les réactions

du modèle. Un des avantages de la simulation est de permettre l'acquisition plus

rapide de ces mécanismes fondamentaux (on reconnaît là l'importance pédagogique

irremplaçable de ce mode d'approche globale de la réalité). Enfin, la simulation

permet d'effectuer des choix sur des "futurs possibles" en modifiant les variables

de commande du système sur lesquelles on a pouvoir de décision.

Après quelques considérations sur la dynamique du changement qui lais-

sent le lecteur quelque peu insatisfait (comment une organisation stable, dont la

finalité est de se maintenir et de durer, peut-elle changer et évoluer ? Quand la

croissance et la diversification d'un système lui font-ils franchir un seuil qui

change sa nature ?), l'auteur termine ce chapitre essentiel par deux paragraphes

très précieux. Le premier énumère les "dix commandements de l'approche systémique",

parmi lesquels nous retiendrons : conserver la variété, ne pas couper des boucles

de régulation, rétablir les équilibres par la décentralisation, savoir maintenir

des contraintes, différencier pour mieux intégrer, préférer les objectifs à la pro-

grammation détaillée, respecter les temps de réponse. Le second signale certains

dangers de l'approche systémique : trop d'unification risque de devenir simplifi-

cation abusive puis idée fixe, recette de pensée ; l'utilisation du langage mathé-

matique peut conduire à un formalisme qui isole l'approche systémique au lieu de

l'ouvrir sur la pratique ; danger d'une transposition trop simpliste de modèles ou

de lois biologiques à la société : "la très grande faiblesse de ces modèles est

qu'ils ne peuvent évidemment tenir compte des rapports de force et des conflits

qui interviennent entre les éléments de tout système socio-économique". On ne

saurait mieux dire ...

Il n'en reste pas moins que l'approche systémique est certainement et

au minimum un bon instrument d'apprentissage des situations complexes qui nous im-

pliquent. Pour reprendre le terme d'A. DANZIN dans "La pensée scientifique sera-t-

elle modifiée par les recherches sur l'information ?" (Le Monde, 14/09/1970), elle

révèle la pauvreté de nos outils statistiques et la médiocrité des références qui

nous servent d'indicateurs économiques et sociaux, elle montre la faible qualité

de nos connaissances sur les relations qui interviennent entre les différents fac-

teurs de la vie économique, elle révèle que l'interdépendance des événements est

plus grande qu'on ne l'imagine.

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- 107 -

Même si on croit pouvoir résoudre la question piège de la délimitation,

de la nature et de la permanence de tel ou tel "système socio-économique" soumis à

l'analyse et à l'intervention, l'interrogation, issue de l'approche systémique

elle-même, demeure : s'il est vrai que l'impossibilité de dominer la complexité

engendre l'imprévisible, comment prendre en compte les fluctuations génératrices

de nouvelles mutations ? Comment imaginer le scénario de l'imprévisible ?

Gérard WINTER

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