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20 3 MARS 2016 REPORTAGE

Mise en page 1 - Veraluc · 2016-03-07 · 3 MARS 2016 sait Michel Peissel (1937-2011). Suite REPORTAGE enfin, il est «le fleuve des neufs dra-gons». Son bassin est le poumon de

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Pendant huit mois, le photographe Luciano Lepre a parcouru 5000 km à

pied, du delta aux sources du Mékong.Il présente aujourd’hui un diaporama à travers la Suisse romande. Et défend

une culture menacée.

Texte: Claude Marthaler, photos: Luciano Lepre

Asie

Les pêcheurs du Mékong

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«J’aime bien choisir où poser lespieds sans qu’on me le dise»,

explique Luciano Lepre. Il a été en-seignant, représentant, chauffeur-li-vreur, secrétaire, sommelier et maçonavant de découvrir sa passion pour laphotographie. Son ancêtre, l’ItalienMarco Polo, mais aussi Chris topheColomb et la simple évocation deNew York l’ont toujours fasciné. Onle croit volontiers. Ses gestes animéstrahissent son italianité, son flot tré-pidant de paroles une vivacité rebelle.

SAC À DOS, VÉLO ET PHOTODe 1988 à 1990, Luciano arpente laplanète sac au dos avec sa femme Vé-réna. En Nouvelle-Zélande, ils ren-contrent un Espagnol qui confection-ne des bicyclettes miniatures en fil de

fer pour financer son voyage. L’éner-gumène leur apparaît complètementgivré. Leur route croise ensuite celled’un autre fou, Jamel Balhi, coureurplanétaire invétéré1, puis ils tombentsur Les aventures de Rossinante deBernard Magnouloux2, un récit hila-rant d’un tour du monde à vélo réali-sé dans les années 1990. Ces rencon-tres de hasard ont sans doute pesé surla suite. Coincé dans un bouchon es-tival d’autoroute, se rappelle précisé-ment Luciano, il lance à sa femme in-terloquée l’idée «de partir à vélo jus-qu’au Népal». Sans aucune expérien-ce de la bicyclette, ils quittent Ville-neuve en 1996, atteignent leur «terrepromise» quinze mois plus tard, pour-suivent la grande boucle et n’en re-viennent que huit ans après!

Transport du bétail dans le delta du Mékong au Vietnam.

Chercheuse d’or près de Luang Prabang au Laos.

Après 8 mois de marche, Luciano Lepre atteint la source spirituelle du Mékong dans

la province de Qinghai en Chine.

Une carpe de 12 kg pêchée dans le canal de DonSahong à Siphandone (4’000 îles), au Laos.

Page précédenteA bord d’une péniche dans le delta du Mékong,

Vietnam.

1) www.coureur-du-monde.org2) www.magnouloux.fr

3) www.olivier-follmi.net/fr

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vient photographe par passion. Cha-que prise de vue lui rappelle un ins-tant privilégié, une émotion particu-lière, «car l’image naît d’abord dansla tête». Peu à peu, Luciano Lepre s’affirmecomme l’un des rares passionnés enSuisse romande qui peut vivre en ra-contant ses voyages. Il nous épargneles tribulations du chemin, les clo -ques, les longues journées d’effort ensolitaire, ses ennuis avec la police etle poids du sac à dos. Avec lui, l’aven-ture est plus humaine que physiquesur un fleuve-monde tout sauf tran-

quille. Le marcheur se fait passeurd’émotions.

MÉKONG, MÈRE DES EAUXLe Mékong, il l’a vu pour la pre-mière fois en 1978. Depuis, il n’a passu s’en détacher. Le quatrième fleuved’Asie change de nom et d’allure danschacun des six pays qu’il traverse.Surnommé «fleuve tumultueux» ou«Rhin asiatique» par les Chinois, ildevient «la mère des eaux» pour lesLaotiens avant de longer la Birmanieet la Thaïlande. Le Cambodge le qua-lifie de «grand fleuve». Au Vietnam,

Ce voyage leur a révêlé la richesse du cheminement; l’Inde, par exem-ple, ne se résume pas au Taj Mahal.«Plus que voyager, il faut vivre», in-tensément, sans passé ni futur, justepour savourer l’instant. Sélectionnerles rencontres, pouvoir repartir n’im-porte quand sans collectionner leslieux. Entrer de plain-pied dans lesmaisons et partager la vie quotidien-ne de familles aussi diverses qu’ac-cueillantes. Côté photo, le merveilleux montageaudiovisuel Le fleuve gelé d’OlivierFöllmi3, réalisé dans les années 1990,a marqué toute une génération. Lu-ciano Lepre s’en inspire quand il serend au Ladakh. «En recherchant ob-stinément l’image, en traquant l’hom-me dans son environnement», il de-

Ci-dessousDans les méandres du delta près de My Tho au Vietnam.

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barrage. Or les barrages sur le Mé-kong se multiplient: cinq existent etneuf sont en cours de construction.Même si Lepre n’est pas un scienti-fique, il tire la sonnette d’alarme. Bar-rer un fleuve, c’est inverser le coursdu monde, en clair, empêcher la mi-gration du poisson et fragiliser unecommunauté qui vit de l’eau. «L’eauest un droit humain!», s’exclame Le-pre en ajoutant que «sous nos latitu-des, on gaspille l’eau potable pourlaver les voitures et rincer nos toilet-tes». Mais Lepre aimerait avant toutnous inviter à contempler la beauténaturelle et la richesse culturelle decette surprenante région.

AUX SOURCES DU MÉKONGAu 19e siècle, le Mékong était l’un desderniers grands fleuves dont on acherché la source, car «il est éloignéde tout et il n’y a rien à y voler» di-sait Michel Peissel (1937-2011). Suite

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enfin, il est «le fleuve des neufs dra-gons». Son bassin est le poumon del’ex-Indochine et ses eaux poisson-neuses assurent 70% des besoins enprotéines des 80 millions d’habitantsqui s’y baignent. Siphandon, avec ses quatre mille îles,est un archipel fluvial insolite au suddu Laos. Ses pêcheurs vivent près deschutes du Khone, auxquelles se heur-tèrent les premiers explorateurs fran-çais qui rêvaient d’un fleuve naviga-ble. Deux millions et demi de tonnesde poissons sont pêchées chaque an-née dans le bas Mékong. Lepre sentqu’il tient là un sujet. Les pêcheursconstruisent des «cages à poisson» enbambou qu’ils placent sur le cours dufleuve durant la saison sèche. Lors dela décrue, les poissons redescendentet s’y font capturer.

DÉBIT D’EAU PHÉNOMÉNALLes pêcheurs travaillent au péril deleur vie dans ces flots agités. Fascinépar leur connaissance de l’environne-ment, Lepre trouve en eux la motiva-tion pour sa longue marche à pied. Ilveut comprendre le rapport que lesinnombrables ethnies des six paysentretiennent avec la «mère des eaux»,leur fleuve de vie.Dans le bas Mékong, la saison despluies gonfle le débit du fleuve qui atteint une dizaine de kilomètres delarge et donne naissance au TonléSap, «le Grand Lac», le plus poisson-neux du monde. Celui-ci est alors àson niveau maximal et les poissonspondent entre les racines des arbressubmergés. La pleine lune de novem-bre annonce le début de la saisonsèche. Par un phénomène hydrolo-gique remarquable, le Mékong, quis’est engoncé dans ce bras, inverse son

Moment de détente et de

rafraîchis sementdans le Mékong.

Elevage de panga-sius dans une cageinstallée directe-

ment sous une mai-son flottante à Châu

Dôc au Vietnam.

A droiteDans les rapides du Khone (Laos), les pêcheurs ris-

quent chaque jourleur vie pour nour-

rir leur famille.

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courant: le fleuve se vide plein sud,jusqu’à la mer, tandis que les pois-sons entament leur remontée du cou-rant plein nord. Les pêcheurs suiventleur migration. Le Mékong, nourri-cier parce qu’indomptable, est touteleur vie, présente et future.

LA FIN D’UN MONDE?Le bassin du fleuve abrite la biodiver-sité la plus riche du globe après cellede l’Amazone. On y découvre chaqueannée cent à deux cents nouvelles es-pèces animales ou végétales. Quelque205 espèces de poissons y vivent,parmi lesquelles le poisson-chat, lepoisson d’eau douce le plus gros dumonde, qui peut peser jusqu’à 350kilos! En 2014, malgré l’opposition de plu-sieurs organisations non-gouverne-mentales, est lancée la constructiondu barrage de Dong Sahong. Per-sonne ne connaît l’impact réel de ce

En huit mois de marche, Lu-ciano Lepre ramène un carnetde voyage passionnant et untémoignage photographiquepalpitant du Mékong.

Son livre Mekong est en vente à l’Echo Magazine auprix de Fr. 49.– + frais d’envoi. Tél. 022 593 03 12.E-mail: [email protected]

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à la première exploration du Fran-çais Jules-Léon  Dutreuil de Rhins en 1884, le fier ethnologue annonce,un siècle plus tard, la découverte de la «vraie» source du Mékong, dite«de la branche ouest». Mais il s’esttrompé.Au terme de 5000 km de marche, Lu-ciano Lepre s’est approché sans au-cune prétention de sa source vérita-ble, située dans la «branche nord»,aujourd’hui reconnue unanimementpar les scientifiques. Pour les Tibétains, qui se contrefou-tent de cette quête illusoire propreaux Occidentaux, la source du Mé-kong a toujours été spirituelle. Ellejaillirait en effet mystérieusement d’unlac perché sur le plateau de Zaxiqi-wa, à 4650 mètres d’altitude. D’ail-leurs, relèvent les Tibétains, «lorsqueles glaciers auront fondu, elle seral’unique pourvoyeuse du fleuve». n

Claude Marthaler

Conférences de Luciano Lepre en Suisse romandeMe 2 mars FRIBOURG Aula CO Jolimont à 20hJe 3 mars PAYERNE Cinéma Apollo à 20h30Ve 4 mars SION Aula collège Planta à 20hDi 6 mars MARTIGNY Salle communale à 17hLu 14 mars YVERDON Aula Magna Château à 20hMe 16 mars GENÈVE Salle Madeleine à 20hJe 17 mars MONTREUX Collège de l’Est à 20hLu 21 mars BEX Cinéma Grain d’Sel à 20hMa 22 mars LAUSANNE Salle du Cazard à 16h et 20hMe 11 mai AIGLE Ecole professionnelle du Chablais à 19h30

Entrée: adultes Fr. 15.– / jusqu’à 16 ans entrée libre.

Voyage lecteurs ECHO MAGAZINE exclusifLAOSAuthenticité et traditions au fil du Mékong, avec Luciano Lepre.

Du 27 novembre au 13 décembre 2016 (17 jours)Maximum 14 participants pour une découverte optimale.Lieux attachants et insolites. Paysages spectaculaires. Charme. Atmosphère surannée. Coutumes, mode de vie et croyances ancestrales des populations.Prix par personne: Fr. 6’600.– tout compris en pension complète (supplément chambre individuelle: Fr. 890.–)Renseignements et programme complet: Gérard 022 593 03 12 ou [email protected]