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ERATJ dossier special report nutrition Space food u JUILLET 2006 2 cnesm ma ag g Servir l’espace et la PAR/by BRIGITTE THOMAS Trouver de la nourriture a toujours été critique au cours de l'évolution des espèces, que ce soit sur terre ou dans l'eau. Ce concept essentiel de biologie évolutive est évidemment applicable chez l’homme. Pour ce dernier, il peut se résumer à la notion de balance énergétique. © ESA Trouver de la nourriture a toujours été critique au cours de l'évolution des espèces, que ce soit sur terre ou dans l'eau. Ce concept essentiel de biologie évolutive est évidemment applicable chez l’homme. Pour ce dernier, il peut se résumer à la notion de balance énergétique.

Mise en page 1 - cnes-multimedia.fr · simple déficience en vitamine C. ... doivent être définis d’autant plus précisé- ... Pégase 2 en 1998). Face aux retours excel-lents

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ERATJdossier special report

nutritionSpace food

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Serving space and improving health

Servir l’espace et la santé

u GUILLEMETTE GAUQUELIN-KOCH, responsable sciences de la vie, CNESHead of Life Sciences, CNES

PAR/by BRIGITTE THOMAS

Trouver de la nourriture a toujours étécritique au cours de l'évolution des espèces,que ce soit sur terre ou dans l'eau. Ce conceptessentiel de biologie évolutive estévidemment applicable chez l’homme.Pour ce dernier, il peut se résumer à la notionde balance énergétique.

© ESA

Trouver de la nourriture a toujours étécritique au cours de l'évolution des espèces,que ce soit sur terre ou dans l'eau. Ce conceptessentiel de biologie évolutive estévidemment applicable chez l’homme.Pour ce dernier, il peut se résumer à la notionde balance énergétique.

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Serving space and improving health

t la santé

u GUILLEMETTE GAUQUELIN-KOCH, responsable sciences de la vie, CNESHead of Life Sciences, CNES

Finding food, on land or onwater, has always beencritical throughout humanevolution. This key conceptof evolutionary biologyobviously applies to modernman. Basically, it’s all to dowith energy balance.

Today, the clearestexamples of long-term

energy imbalances aremalnutrition and wastingsyndrome, and—at the other endof the scale—overweight andobesity. It is therefore hard to seenutrition as a marginal science.History offers a host of exampleswhere lack of nutritionalknowledge dealt a fatal blow toexploratory expeditions. As farback as 1535, when Jacques Cartierdiscovered Canada, half of thecrew succumbed to scurvy causedby a simple vitamin C deficiency.At the start of the 21st century, thesame thing is happening again.The space exploration vision,which seeks to take us back to theMoon and on to Mars, dictates thatwe must conduct a precise andexhaustive evaluation of the long-term macro- and micro-nutritionaleffects of the space environmenton astronauts. A number of issuesrelating to space food forexploration missions needs to bestudied. These include volume(since storage space is limited),quality and choice (internationalcrews will have different eating andcultural habits), which grow inimportance as human spaceflightmissions get longer. Insufficientattention to defining space foodrations can have physiological andpsychological impacts on crews,both in terms of health—leading tomuscle atrophy, decalcification,immune system deficiencies andcardiovascular problems—andmission success, as a result ofanorexia, space sickness, stress,relational imbalances and so on.Ever since the very first spacemissions, we have alwaysobserved major nutritionalimbalances. But the short durationof missions until now has meantthat studying the effects ofmicrogravity on nutrition was of

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A compter de début juillet 2006, le spationaute allemand de l'ESA Thomas Reiter séjourne pour une durée de 6 mois dans la station spatialedans le cadre de la mission Astrolab.

From early July 2006, the ESA astronaut ThomasReiter, from Germany, will spend 6 months in theSpace Station as part of the Astrolab mission.

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Àl’heure actuelle, les exemples lesplus patents d’écarts sur du longterme dans cette balance sontd’un côté la malnutrition et lacachexie, de l’autre la surchargepondérale et l’obésité. Il appa-

raît donc difficile de considérer la nutritioncomme une science annexe. L’histoireregorge d’exemples où le manque deconnaissances nutritionnelles a porté un coupfatidique à de nombreuses expéditions explo-ratoires. Déjà en 1535, lors de la découverte duCanada par Jacques Cartier, la moitié de sonéquipage avait succombé au scorbut, soit à unesimple déficience en vitamine C. En ce début du XXIe siècle, une situation simi-laire se reproduit. La politique d’explorationspatiale, envisagée pour la Lune et pour Mars,implique de facto une évaluation précise etexhaustive des conséquences macro et micro-nutritionnelles à long terme de l’environne-ment spatial sur les spationautes. Un certainnombre de phénomènes liés à la nourrituresont à étudier dans le cadre de l’explorationspatiale : le volume (stockage limité), la qua-lité, le choix (équipages internationaux auxhabitudes alimentaires et culturelles différen-tes) doivent être définis d’autant plus précisé-ment que la durée des vols habités augmente.Car, une définition approximative de la nour-riture peut avoir des répercussions tant physio-logiques que psychologiques sur l’équipage,impactant non seulement sur la santé deshommes (atrophie musculaire, décalcifica-

tion, déficience du système immunitaire, pro-blèmes cardiovasculaires) que sur le bondéroulement de la mission (anorexie, nausée,stress, déséquilibre relationnel, etc.).Depuis le début des premières missions spa-tiales, des déséquilibres nutritionnels majeursont été observés. Mais la durée courte desmissions a, jusqu’à présent, limité la perti-nence des études de l’impact de la micrope-santeur sur le statut nutritionnel. Certainesétudes (bedrest, vols de courte durée, etc.)ont déjà montré le rôle prépondérant decompléments nutritionnels en vitamine D(un déficit permanent a été relevé au cours

des vols), des acides gras oméga 3 pour laprotection du cancer lié aux radiations, de labonne administration de protéines contre laperte musculaire et osseuse, ou encore desantioxydants contre les désordres cardiovas-culaires. De même que les vitamines B ontune influence majeure sur l’humeur ou lesfonctions cognitives… De nombreuses ques-tions restent toutefois ouvertes et des étudescomplémentaires doivent être entreprisesavant que l’humanité puisse continuer d’évo-luer dans un milieu aussi hostile que l’espace.Aucune erreur ne sera tolérée pour une mis-sion de trois ans sur Mars ! n

des cuisiniers “terrestres”, à savoir en priorité :la sécurité et l’hygiène avec des résultatsd’analyses microbactériologiques parfaits ;le faible taux d’humidité résiduel pourn’avoir ni bulles de liquide dans l’air, ni miet-tes trop sèches au risque d’être inhalées, etc.(cf. article d’Alain Maillet p. 33). Ainsi, mêmesi nous n’étions pas convaincus que les platspréparés à Souillac (Lot, France) seraientqualifiés pour Mir, il s’agissait de formida-bles TP pour ces futurs chefs. Or, petit àpetit, essai après essai, l’espoir est né. Toutd’abord, les process mis au point ont été cer-tifiés pour voler, puis ont servi aux repasd’agrément de trois missions spatiales(Cassiopée en 1996, Pégase 1 en 1997,Pégase 2 en 1998). Face aux retours excel-lents et unanimes des cosmonautes russes,français et américains (missions Shuttle-Mir),une réelle demande opérationnelle s’est expri-mée officiellement. Ainsi, pour le vol de trèslongue durée Perséus (188 jours en 1999), lespationaute Jean-Pierre Haigneré et sonéquipage ont demandé formellement auCNES de bénéficier des “rations d’agrémentfrançaises”. Entre-temps, les équipes au solavaient pris conscience de l’importance deces “extras”, comme support psychologiquedes équipages.

C’EST BON POUR LE MORALCes “repas français”, selon l’expression russe,ne concurrencent en rien la nourriture quo-tidienne produite par les Russes et lesAméricains (aujourd’hui 50/50 sur l’ISS), lesseuls accrédités dans les protocoles interna-tionaux. Cette nourriture dite opération-nelle, aux goûts peu marqués relativementstandard, tente malgré tout d’éviter routineet lassitude… même si la carte à bord resterelativement restreinte ! La proposition fran-çaise concerne, uniquement, les repas d’ex-ception dégustés lors d’événements particu-liers, comme les relèves d’équipage ou unesortie extravéhiculaire, qui méritent d’êtrefêtés. Bref, une occasion exceptionnelle quiréunit tout l’équipage autour d’un bon repas.Un atout incontestable pour le moral destroupes (cf. article Jean-Pierre Haigneré p. 32) !Qui plus est, sur l’ISS, ces repas ont apportéune touche de culture européenne dans unestation, aujourd’hui, principalement améri-cano-russe. Toutefois dans le choix des plats,

il est important de respecter les goûts culi-naires et culturels de chacun. Aussi les nouvel-les recettes tiennent compte des habitudesalimentaires des différentes nationalités pré-sentes à bord de la station.

RÉPERCUSSIONS DE LA NUTRITION SUR LE MÉTABOLISMEPar ailleurs, d’un point de vue scientifique,des études sont menées en micropesanteurau sujet des répercussions de la nutrition surle métabolisme humain (cf. article StéphaneBlanc p. 34). Ces études deviennent unthème majeur de recherche sur la physiolo-gie humaine spatiale. Pour certains protoco-les, il s’avère nécessaire de contrôler, pen-dant un à trois jours, les apports nutritionnelsdes spationautes. Les produits proposés faci-

De gauche à droite : Yuri P. Gidzenko, William M. Shepherd, Sergei K. Krikalev s’apprêtent à manger uneorange le 4 décembre 2000.From left: Yuri P. Gidzenko, William M. Shepherd and Sergei K. Krikalev prepare to eat an orange on4 December 2000.

Nourriture spatiale

Au-delà du simple besoin de nutritionSe nourrir est un des besoins les plus fondamentaux de tout être vivant, c’est pourquoi la nutrition demeureun élément central du support de vie dans une station spatiale. En revanche, la “gastronomie spatiale”, qui veutproposer des produits de haute qualité organoleptique, peut légitimement soulever la question : luxe, futilité ouréel soutien psychologique ?

En 1994, lorsque nous avons étécontactés par Richard Filippi, pro-fesseur de cuisine au lycée hôtelierde Souillac (cf. encadré p. 30), pour

améliorer la qualité des repas des spationau-tes à bord de la station Mir, nous pensions

qu’il s’agissait d’un sujet mineur, dans undomaine où il serait difficile de concurrencerl’expérience russe dans le support de vie pourles vols longue durée. À l’époque, le projet aété retenu uniquement pour sa dimensionpédagogique. Il s’agissait de faire travailler un

groupe de marmitons en herbe sur lescontraintes inhérentes à l’environnementspatial, tout en conservant les qualités gusta-tives, olfactives et visuelles des plats préparés.Or ces contraintes étaient et restent nom-breuses, complètement inhabituelles pour

u LIONEL SUCHET, chef de service Sciences de l’Univers, CNESHead of Universe Sciences, CNES

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des cuisiniers “terrestres”, à savoir en priorité :la sécurité et l’hygiène avec des résultatsd’analyses microbactériologiques parfaits ;le faible taux d’humidité résiduel pourn’avoir ni bulles de liquide dans l’air, ni miet-tes trop sèches au risque d’être inhalées, etc.(cf. article d’Alain Maillet p. 33). Ainsi, mêmesi nous n’étions pas convaincus que les platspréparés à Souillac (Lot, France) seraientqualifiés pour Mir, il s’agissait de formida-bles TP pour ces futurs chefs. Or, petit àpetit, essai après essai, l’espoir est né. Toutd’abord, les process mis au point ont été cer-tifiés pour voler, puis ont servi aux repasd’agrément de trois missions spatiales(Cassiopée en 1996, Pégase 1 en 1997,Pégase 2 en 1998). Face aux retours excel-lents et unanimes des cosmonautes russes,français et américains (missions Shuttle-Mir),une réelle demande opérationnelle s’est expri-mée officiellement. Ainsi, pour le vol de trèslongue durée Perséus (188 jours en 1999), lespationaute Jean-Pierre Haigneré et sonéquipage ont demandé formellement auCNES de bénéficier des “rations d’agrémentfrançaises”. Entre-temps, les équipes au solavaient pris conscience de l’importance deces “extras”, comme support psychologiquedes équipages.

C’EST BON POUR LE MORALCes “repas français”, selon l’expression russe,ne concurrencent en rien la nourriture quo-tidienne produite par les Russes et lesAméricains (aujourd’hui 50/50 sur l’ISS), lesseuls accrédités dans les protocoles interna-tionaux. Cette nourriture dite opération-nelle, aux goûts peu marqués relativementstandard, tente malgré tout d’éviter routineet lassitude… même si la carte à bord resterelativement restreinte ! La proposition fran-çaise concerne, uniquement, les repas d’ex-ception dégustés lors d’événements particu-liers, comme les relèves d’équipage ou unesortie extravéhiculaire, qui méritent d’êtrefêtés. Bref, une occasion exceptionnelle quiréunit tout l’équipage autour d’un bon repas.Un atout incontestable pour le moral destroupes (cf. article Jean-Pierre Haigneré p. 32) !Qui plus est, sur l’ISS, ces repas ont apportéune touche de culture européenne dans unestation, aujourd’hui, principalement améri-cano-russe. Toutefois dans le choix des plats,

il est important de respecter les goûts culi-naires et culturels de chacun. Aussi les nouvel-les recettes tiennent compte des habitudesalimentaires des différentes nationalités pré-sentes à bord de la station.

RÉPERCUSSIONS DE LA NUTRITION SUR LE MÉTABOLISMEPar ailleurs, d’un point de vue scientifique,des études sont menées en micropesanteurau sujet des répercussions de la nutrition surle métabolisme humain (cf. article StéphaneBlanc p. 34). Ces études deviennent unthème majeur de recherche sur la physiolo-gie humaine spatiale. Pour certains protoco-les, il s’avère nécessaire de contrôler, pen-dant un à trois jours, les apports nutritionnelsdes spationautes. Les produits proposés faci-

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limited use. Some bedrest andshort-flight studies have alreadydemonstrated the key role ofvitamin D complements,highlighting a permanentdeficiency during flights; the valueof Omega 3 fatty acids in avertingcancer due to radiation exposure;the importance of correctlyadministering proteins to combatmuscle and bone loss; and the useof antioxidants in mitigatingcardiovascular dysfunction.Likewise, B vitamins have a biginfluence on mood and cognitivefunctions. However, manyquestions remain and moreresearch is required before humanscan continue to evolve in anenvironment as hostile as space.On a three-year mission to Mars,there will be no margin for error! n

More than justnourishment

Food is a fundamentalneed of all living

things, which is why nutritionis a key element of life supporton board an orbiting spacestation. However, the idea of“space gastronomy” aimed atoffering products of highorganoleptic qualitylegitimately begs the question:is it a needless luxury or agenuine psychological benefit?

When Richard Filippi, a cookeryinstructor at the Souillac cateringschool (see box), contacted us toimprove the quality of astronauts’meals on the Mir space station in1994, we thought it a minorconcern. When Richard Filippicontacted us to improveastronauts’ meals on the Mir spacestation in 1994, we felt it would be

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52 500 Kcal / jourApport minimalMinimum daily intake

7 000 Kcal / jourPour une sortie extra véhiculairePerforming an EVA

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Emincé de volaille aux petits légumes.Thin slice of poultry with small vegetables

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litent ce contrôle puisqu’ils sont préparésspécifiquement, leur composition parfaite-ment connue et maîtrisée, donc modifiableà souhait. Ces expériences permettent,notamment, d’étudier l’évolution du rapportmuscle/graisse au cours des vols. Elles sontégalement capitales pour une meilleurecompréhension du diabète, maladie critiquepour nos sociétés sédentaires.

UNE NOURRITURE DE L’EXTRÊMEEnfin, le milieu confiné d’une station spatialen’est pas le seul endroit où la nourriturereprésente un support psychologique impor-tant, un lien jouissif et nourricier avec laTerre. Pour certains sports extrêmes (commeles courses en solitaire ou les traversées polai-res), les plats mis au point pour le spatial ontété testés avec succès et appréciés notam-ment lors de la transatlantique en solitaire etrécemment de la trans-Groenland à la mar-che. On peut espérer que ce type de platspréparés dans des conditions microbiologi-ques parfaites puisse être servi aux grandsmalades isolés en chambre stérile (commepar exemple pour les greffes de moelleosseuse). Des contacts ont déjà été établisdans ce sens. La communauté médicale

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semble être demandeuse, même si le coûtreste encore un obstacle.

AVEC ALAIN DUCASSE FORMATION LA DEMARCHE SE PROFESSIONNALISELe projet pédagogique initial est devenu unvéritable projet opérationnel en voie d’êtretraité avec beaucoup de professionnalisme.C’est malgré tout cette continuité de l’espritde départ que le Cadmos a entrepris, en col-laboration avec l’Esa et le pôle Conseils etformation du groupe Alain Ducasse (ADF)(cf. poster), d’adapter et de faire certifier uneliste de plats destinés à la station spatialeinternationale. Les premières 1250 boîtesde conserve, fabriquées au Pays basque,sont actuellement en cours de test aubedrest. Les résultats obtenus auprès despartenaires russes (IMBP et Institut denourriture de Moscou) sont tout à fait pro-metteurs. L’objectif est d’être systématique-ment de la partie et non plus au coup parcoup. Peut-être impulseront-ils un nouveausouffle à la coopération franco-russe, qui nedemande que ça ! n

LES BESOINS ALIMENTAIRES

DES SPATIONAUTES

DÉPENDENT DE LEUR TAILLE,

LEUR POIDS, LEUR ÂGE, LEUR

SEXE ET SURTOUT DE LEUR

ACTIVITÉ PHYSIQUE DURANT

LE VOL.

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u LILIANE FEUILLERAC, pour le CNESfor CNES

LA GASTRONOMIE SPATIALE AU CARREFOUR DE DEUX PASSIONSLa cuisine, c’est son métier, l’espace sa passion… pour ces deux raisons, en 1995, Richard Filippisignait les premières “rations d’agrément” des spationautes. Une mise en bouche qui, dix ans plustard, fait toujours recette. Portrait.

Richard Filippi est cuisinier par choix… et corse par naissance, ce qui justifie, sans aucun doute, cefeu sacré pour tout ce qu’il aime. Et il aime deux choses, son métier et… l’espace. Adepte de sportsaériens (il compte 1 200 sauts à son actif), il suit de près l’actualité spatiale. Le rapprochement de

ces deux passions déclenche le déclic au retour de la mission Altaïr, en 1993. Cuisinier depuis 1958, RichardFilippi, qui a intégré le corps de l’Éducation nationale en 1977, initie alors une double démarche : ajouterdu piquant au menu des spationautes et donner à la sphère spatiale le goût des rations gourmandes et…compactées. Cette aventure, il ne la mènera pas seul. Outre un collègue, il entraîne avec lui les élèves duLycée Hôtelier du Lot dans lequel il enseigne. “Pour les gosses, l’espace, c’est du rêve. Relever ce défi,ça les passionnait et ça ouvraitdes horizons nouveaux, notam-ment en microbiologie.” En réserves, Richard Filippi “éplu-che” les documents transmis parle département jeunesse-éduca-tion du CNES de l’époque pourcerner les exigences de la micro-pesanteur. Aux fourneaux, avecses élèves, il fait naître des platsgastronomiques. En 1996, ilobtient l’accréditation du staffrusse pour embarquer ses “peti-tes boîtes” sur Cassiopée. ClaudieHaigneré (alors Claudie André-Deshays) est membre de l’équi-page : “Elle a beaucoup aimé madaube de joue de bœuf”, se sou-vient, avec fierté, le chef, qui,depuis, a étoffé sa carte : rôti deveau au miel, cailles au madiran,thon au citron confit, semoule aucaramel… Autre souvenir savou-reux : “Nous avons servi la mission Perséus. Trois mois après, il a fallu renvoyer des rations !”. Et RichardFilippi a remis le couvert avec un plaisir évident. Pourtant, en marge de l’anecdote, la fabrication de ces rations d’agrément doit marier saveur et… rigueur.D’ailleurs, la gastronomie spatiale compte également à son actif l’approvisionnement de deux VendéeGlobe, une transatatlantique et un menu “spécial 2000” lors de l’expérience de confinement du spéléo-logue Michel Siffre.

A MEETING OF TWO PASSIONSCookery is his job, and space his passion … So, in 1995, Richard Filippi set about providing thefirst “special rations” for cosmonauts. A taste of things to come which, ten years on, hasproved very popular. Profile.

Richard Filippi is a cook by choice … and Corsican by birth, which no doubt explains hisboundless enthusiasm for the two things he enjoys most: his job and space. A keenpractitioner of aerial sports, having chalked up 1,200 parachute jumps, he likes to keep up

with space news. These two passions combined to spur him into action when the Altaïr missionreturned to Earth in 1993. A cook since 1958, Richard Filippi had gone into teaching in 1977. Now,he set out to pursue a dual aim: to add a bit of spice to the menu for astronauts and bring a tastefor good food—compactly packaged—to space missions. But he didn’t undertake this adventurealone. Along with a colleague, he enlisted the help of his pupils at the Lycée Hôtelier du Lotcatering school. “Space is something that kids dream about. They were really keen to take up thechallenge, which also opened up new avenues of study, notably in microbiology.”Back in the kitchen, Richard Filippi delved into documents from CNES’s youth and educationdepartment to learn about the constraints of weightlessness. In the kitchen with his pupils, hecreated a range of gourmet dishes. In 1996, he obtained certification from the Russian authoritiesto supply tinned meals for the Cassiopée mission. Claudie Haigneré—formerly Claudie André-Deshays—was a member of the crew: “She loved my beef daube,” he remembers with pride. Hehas since added to the menu, with honey roast veal, quail au Madiran, tuna and lemon confit,toffee semolina pudding and more besides. He also fondly remembers the Perseus mission. “Wesupplied meals for the crew, and three months later they were asking for more!” Richard Filippireturned to his kitchen with obvious pleasure.Anecdotes besides, producing these special rations combines the ability to create tasty disheswith a rigorous approach. Space food has also been supplied for competitors in two Vendée Globeround-the-world yacht races and a transatlantic yacht race, and a Year 2000 special menu wasconcocted for French potholer Michel Siffre during his long-term experiment underground.

La spationaute Claudie Haigneré à l’école hôtelière de Souillac.Astronaut Claudie Haigneré at Souillac catering school.

Mission Delta avril 2004. De gauche à droite : le Russe Aleksandr Kaleri, l’AméricainMichael Foale, le Néerlandais André Kuipers.Meal time during the Delta mission in April 2004. From left: Aleksandr Kaleri(Russia), Michael Foale (United States), André Kuipers (Netherlands).

CADMOSCréé par le CNES à Toulouse en 1993, le Cadmos prépare, organiseet assure le contrôle des missions spatiales habitées françaises etl’exploitation des expériences scientifiques sur l’ISS.Founded by CNES in Toulouse in 1993, CADMOS plans,organizes and controls French human spaceflight missionsand science experiments on the ISS.

Astronauts’ food requirementsdepend on their height , weight , age,gender and above al l their level ofphysical act iv i ty dur ing a f l ight .

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semble être demandeuse, même si le coûtreste encore un obstacle.

AVEC ALAIN DUCASSE FORMATION LA DEMARCHE SE PROFESSIONNALISELe projet pédagogique initial est devenu unvéritable projet opérationnel en voie d’êtretraité avec beaucoup de professionnalisme.C’est malgré tout cette continuité de l’espritde départ que le Cadmos a entrepris, en col-laboration avec l’Esa et le pôle Conseils etformation du groupe Alain Ducasse (ADF)(cf. poster), d’adapter et de faire certifier uneliste de plats destinés à la station spatialeinternationale. Les premières 1250 boîtesde conserve, fabriquées au Pays basque,sont actuellement en cours de test aubedrest. Les résultats obtenus auprès despartenaires russes (IMBP et Institut denourriture de Moscou) sont tout à fait pro-metteurs. L’objectif est d’être systématique-ment de la partie et non plus au coup parcoup. Peut-être impulseront-ils un nouveausouffle à la coopération franco-russe, qui nedemande que ça ! n

difficult to outdo the Russians, giventheir experience in life support forlong-stay space missions. We decidedto go ahead with the project for itseducational utility. The idea was to puta group of budding kitchen hands towork on the culinary constraintsimposed by the space environment,while retaining the taste, aroma andappeal of food. Chief among theseconstraints were the tight health andsafety rules that require perfectmicrobacteriological conditions, lowresidual humidity to avoid releasingbubbles of liquid, and the right degreeof moisture in crumbs.To begin, processes were flight-certified for three space missions:Cassiopée in 1996, Pégase 1 in 1997and Pégase 2 in 1998. After approvalfrom crews on space shuttle flights toMir, an operational requirement wasofficially expressed. For the firstPerseus 188-day flight on Mir in 1999,astronaut Jean-Pierre Haigneré and hiscrewmates formally requested Frenchextra rations. In the meantime, teamson the ground were beginning torealize their importance for crewmorale.

Morale boosterThe meals in no way replace the dailyrations produced by the Russians andAmericans. These rations try to avoidboredom setting in, although themenu is fairly limited. The Frenchmeals are for special occasions, likecrew handovers or extravehicularactivities. In other words, anopportunity to share a good meal andan undeniable boost for morale, asJean-Pierre Haigneré attests on p. 32.

These meals have brought aEuropean flavour to the ISS, whichtoday is a mainly American-Russianendeavour. However, it is important toallow for each individual’s culinaryand cultural tastes, so new recipestake into account the eating habits ofthe different crew nationalities.

Nutrition and metabolismScientific studies are now beingconducted in weightless conditions toanalyse the impact of nutrition on thehuman metabolism (see article byStéphane Blanc p. 34). Certainexperiment protocols requireastronauts’ food intake to bemeasured for one to three days. Inparticular, these experiments allowscientists to study how the body’smuscle/fat balance changes duringspace missions. They are also veryvaluable to gain a clearerunderstanding of diabetes, which isreaching critical proportions in ourincreasingly sedentary societies.

Food in the extremeFood also provides valuablepsychological support for extremesports like single-handed yacht racingand polar expeditions. Space food hasbeen tested and enjoyed, notablyduring the last single-handed Trans-Atlantic yacht race and the Greenlandcrossing. There is also hope thatmeals prepared in perfectmicrobiological conditions could beserved to seriously ill patients insterile rooms, for example thosereceiving bone marrow transplants.

A more professional approachThe initial educational project hassince evolved toward a veryprofessional approach. But it is withthe philosophy adopted from theoutset in mind that the CADMOScentre, in partnership with ESA andthe Alain Ducasse group (see poster),set out to adapt meals for the ISS. Thefirst meals produced in SouthwestFrance are currently being tested bybedrest volunteers. The resultsobtained with IMBP, the Russianspace medicine institute, and theMoscow nutrition institute are verypromising. Maybe this latest projectwill give fresh impetus to French-Russian cooperation—and what couldbe better than that? n

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CADMOSCréé par le CNES à Toulouse en 1993, le Cadmos prépare, organiseet assure le contrôle des missions spatiales habitées françaises etl’exploitation des expériences scientifiques sur l’ISS.Founded by CNES in Toulouse in 1993, CADMOS plans,organizes and controls French human spaceflight missionsand science experiments on the ISS.

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Apport calorique :

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Un label durement gagné auregard des multiples critèresobligatoires, dont les tests orga-noleptiques qui portent, à eux

seuls, sur six paramètres : la couleur des ali-ments, l’aspect du plat, la texture, le goût,l’assaisonnement et l’humidité résiduelledans leur conditionnement. Tous les repasdoivent être présentés dans des boîtes deconserve pour faciliter la conservation, letransport et la mise en température avant lerepas. Au cours des procédés de fabrica-tion, il est primordial de produire des repasen conserve répondant aussi bien aux critè-res de sécurité sanitaire qu’aux contraintesliées à la nourriture spatiale, dite “zéro bac-térie”, qui ne doit en aucun cas altérer lesqualités organoleptiques des aliments.Ainsi les paramètres évalués ont reposé,entre autres, sur le maitien de la couleur etde l’aspect des aliments toujours attractifsaprès stérilisation, sur le goût toujours mar-qué des recettes après le transport, etc. Laprésentation des plats a également été pas-sée en revue (taille des morceaux de viandeprédécoupés) afin d’éviter la flottaison detout débris solide ou liquide dans la station.

OBJECTIF VISÉ : ZÉRO BACTÉRIEEn parallèle aux tests sur les recettes, uneprésentation des procédés de fabrication(stérilisation des locaux, traçabilité desmatières premières, profils de stérilisationdes boîtes) et la visite des locaux de produc-tion, situés dans la conserverie du GroupeAlain Ducasse à Bidarray au Pays Basque,ont été faites à la délégation russe afinqu’elle vérifie, sur le terrain, le respect desspécifications techniques inhérentes à lafourniture de repas spatiaux pour l’ISS.Une attention spéciale a été apportée auxrésultats des analyses réalisées par les ser-vices vétérinaires qui portaient sur l’absence

de micro-organismes, de coliformes, de sta-phylocoques, de bactéries sulfito-réduc-trices et de salmonelles après incubation de7 jours à température ambiante, puis à37°C, et enfin à 55°C. La mesure du pHdu contenu de chaque boîte a égalementété réalisée. Pour les boîtes au pH com-pris entre 3,8 et 4,2, il a fallu vérifier l’ab-sence de mésophiles anaérobies dans 5 gde produit, et l’absence de champignonset levures dans 2 g.Enfin, une autre série de tests a démarré auMédès à Toulouse (France), à l’occasion dubedrest 2005. Alitées pendant 2 mois, lesfemmes volontaires sains reçoivent chaquesemaine, le mardi midi, un repas composéà partir des boîtes “SpaceFood”. Chacunedonne son avis sur ces repas, attribue unenote à chacun des six critères et les com-pare avec les repas de tous les jours. Cetteétape passée, il faudra encore quelquestests avant que ces petites boîtes “made inFrance” s’envolent vers les étoiles. n

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Témoignage “Le spationaute resteun être social”

“Le vol spatial compte bien desmoments extraordinaires”, ditJean-Pierre Haigneré, chef de la

division des spationautes à l’Esa, qui aramené de son vol orbital en 1999 le souve-nir d’une mission scientifique exaltante,d’une sortie extravéhiculaire inoubliable, etdes images somptueuses à la base d’unouvrage qu’il signe sous le titre de La Terre vuede l’espace. Il reconnaît pourtant que, “pendantces vols au long cours, le spationaute est soumis à rude épreuvephysiologiquement, mais il l’est aussi psychologiquement”. Si ellepeut être considérée de manière anecdotique, la gastronomie spa-tiale reste un “accessoire” qui a son importance. “Sur des missions courtes, la nourriture n’a qu’une importance réduite. Surdes missions longues, pendant six mois, les ruptures de rythme sont néces-saires. Dans l’espace ou sur Terre, le spationaute est un être social ; parta-ger un repas, se réunir autour d’aliments raffinés, restaure des éléments devie sociale. La gastronomie spatiale réintroduit la notion de saveur, de plai-sir, de partage communautaire…”

Un plaisir retrouvéElle tient aussi de l’événementiel : “Les quantités sont limitées et c’est doncà l’occasion d’événements qu’elles sont consommées de manièreimpromptue ; elles conservent “le goût” de la convivialité et en ce sens, ellesconstituent un lien avec la Terre. On a aussi bien fêté la sortie extravéhiculaireque la Saint-Gagarine”… parce qu’un scientifique, quel qu’il soit, reste avanttout un individu avec cette nécessité de donner du sens et… de la saveur auxévénements.Mais la nourriture est aussi le meilleur passeport entre les cul-tures. Si la science est un langage universel, les équipages internationauxont parfois du mal à maîtriser, jusque dans le détail, les éléments de lin-guistique. “La gastronomie est un vecteur naturel de culture. Elle participede la connaissance des coutumes, des habitudes, de l’histoire des pays”,dit Jean-Pierre Haigneré. Et cette dégustation ponctuelle et commune demets recherchés est comme un point d’orgue dans une aventure qui, elle,a le goût de l’exceptionnel.

u LILIANE FEUILLERAC, pour le CNESfor CNES

Eyewitness“Astronauts are socialbeings”

“A spaceflight brings many extra-ordinary moments,” says Jean-Pierre Haigneré, now Head of

the ESA Astronaut Corps, whose 1999 flightleft fond memories of an exciting sciencemission, an unforgettable extravehicular acti-

vity and a series of superb pictures later publi-shed in his book La Terre vue de l’Espace(Earth

viewed from Space).Nevertheless, he is the first to admit, “during such long flights, astronautshave a hard time physiologically and psychologically.” And while spacefood might appear anecdotal, it is in fact an important “accessory”.

“Food is relatively unimportant on short missions. But on longer missionslasting six months, you need to break the monotony. Whether they are inspace or on Earth, astronauts are social beings. Sharing a really good mealprovides a bit of social interaction. Space cuisine brings back notions oftaste, pleasure and community …” It also serves to mark special occasions.“This more refined food comes in limited quantities, so the crew brings itout for impromptu celebrations. It helps to create a convivial atmosphere,and in that sense a link with Earth. We celebrated the EVA and SaintGagarin’s Day just the same.”Because scientists, like anyone else, feel theneed to “savour” and give meaning to events.

Food is also a great way to bridge cultures. While science is universal, inter-national crews sometimes have trouble with the finer points of language.“Cuisine is a natural cultural vector that helps to get inside the customs,habits and history of a country,” says Jean-Pierre Haigneré. And the occa-sional sharing of fine food is one of the high points in what is already anexceptional adventure.

Tests organoleptiques sous diktat russeAu total, 15 recettes ont été testées, fabriquées et soumises auxpapilles des experts russes de l’IMBP et de l’Institut de nourriture deMoscou pour acceptation. Les spécialistes russes ont participé à toutesles étapes de la validation du process. Leur avis fait office de diktat. ©

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Sortie extravéhiculaire de Jean-Pierre Haigneré lors de l’installation de l’an-tenne géorgienne de la station Mir le 28 juillet 1999 au cours de la missionPerséus.Jean-Pierre Haigneré conducts an EVA 28 July 1999 to install the Georgianantenna on the Mir space station during the Perseus mission.

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Un label durement gagné auregard des multiples critèresobligatoires, dont les tests orga-noleptiques qui portent, à eux

seuls, sur six paramètres : la couleur des ali-ments, l’aspect du plat, la texture, le goût,l’assaisonnement et l’humidité résiduelledans leur conditionnement. Tous les repasdoivent être présentés dans des boîtes deconserve pour faciliter la conservation, letransport et la mise en température avant lerepas. Au cours des procédés de fabrica-tion, il est primordial de produire des repasen conserve répondant aussi bien aux critè-res de sécurité sanitaire qu’aux contraintesliées à la nourriture spatiale, dite “zéro bac-térie”, qui ne doit en aucun cas altérer lesqualités organoleptiques des aliments.Ainsi les paramètres évalués ont reposé,entre autres, sur le maitien de la couleur etde l’aspect des aliments toujours attractifsaprès stérilisation, sur le goût toujours mar-qué des recettes après le transport, etc. Laprésentation des plats a également été pas-sée en revue (taille des morceaux de viandeprédécoupés) afin d’éviter la flottaison detout débris solide ou liquide dans la station.

OBJECTIF VISÉ : ZÉRO BACTÉRIEEn parallèle aux tests sur les recettes, uneprésentation des procédés de fabrication(stérilisation des locaux, traçabilité desmatières premières, profils de stérilisationdes boîtes) et la visite des locaux de produc-tion, situés dans la conserverie du GroupeAlain Ducasse à Bidarray au Pays Basque,ont été faites à la délégation russe afinqu’elle vérifie, sur le terrain, le respect desspécifications techniques inhérentes à lafourniture de repas spatiaux pour l’ISS.Une attention spéciale a été apportée auxrésultats des analyses réalisées par les ser-vices vétérinaires qui portaient sur l’absence

de micro-organismes, de coliformes, de sta-phylocoques, de bactéries sulfito-réduc-trices et de salmonelles après incubation de7 jours à température ambiante, puis à37°C, et enfin à 55°C. La mesure du pHdu contenu de chaque boîte a égalementété réalisée. Pour les boîtes au pH com-pris entre 3,8 et 4,2, il a fallu vérifier l’ab-sence de mésophiles anaérobies dans 5 gde produit, et l’absence de champignonset levures dans 2 g.Enfin, une autre série de tests a démarré auMédès à Toulouse (France), à l’occasion dubedrest 2005. Alitées pendant 2 mois, lesfemmes volontaires sains reçoivent chaquesemaine, le mardi midi, un repas composéà partir des boîtes “SpaceFood”. Chacunedonne son avis sur ces repas, attribue unenote à chacun des six critères et les com-pare avec les repas de tous les jours. Cetteétape passée, il faudra encore quelquestests avant que ces petites boîtes “made inFrance” s’envolent vers les étoiles. n

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u ALAIN MAILLET, service Sciences de l’Univers, CNES CNES Universe sciences department

Tests organoleptiques sous diktat russeAu total, 15 recettes ont été testées, fabriquées et soumises auxpapilles des experts russes de l’IMBP et de l’Institut de nourriture deMoscou pour acceptation. Les spécialistes russes ont participé à toutesles étapes de la validation du process. Leur avis fait office de diktat.

Organoleptictesting the RussianwayIn all, 15 recipes were tested,produced and subjected to thetaste buds of Russian experts atIMBP and the Moscow nutritioninstitute for approval. TheRussian specialists were involvedin validating the process everystep of the way. Their opinionwas final, giving the green lightfor France’s tinned delights!

A whole series of approvalcriteria had to be satisfied,

including organoleptic tests, whichalone concentrated on sixparameters: food colour,appearance, texture, taste,seasoning and residual humidityafter packaging. Meals must becanned so they keep well and areeasily transported and heated.During the production process, stricthygiene standards are vital, whichmeans no bacteria and no alterationof the food’s organoleptic qualities.For example, checks ensured thatfood colour and appearance werestill appealing after sterilization, andthat recipes tasted the same afterdelivery. Meal presentation was alsoreviewed, focusing on aspects likethe size of meat chunks, to avoidsolid or liquid debris floating insidethe space station.Production processes were reviewedby a Russian delegation, whichvisited Alain Ducasse’s canning plantto check compliance on site with ISSmeal specifications. Special attentionwas paid to veterinary tests to screenfor micro-organisms, coliform,staphylococcus and sulphite-reducing bacteria, as well assalmonella. The pH of each tin wasalso measured.A final series of tests began at theMEDES space clinic in Toulouseduring the 2005 bedrest experimentcampaign. Healthy womenvolunteers taking part their opinionof the meals and a score for each ofthe six criteria already described.After this stage, meals will besubjected to a few more tests beforegoing into space. n

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Question de santé publique

Comprendre l’obésité pour la prévenir Une nouvelle communauté scientifique s’organise aujourd’hui autour du Centre d’écologieet de physiologie énergétique du CNRS de Strasbourg sur la nutrition. Un sujet de santé publiquepréoccupant face à l’augmentation de l’obésité en Europe. À plus d’un titre, l’espace offre un cadreexpérimental pour comprendre le rôle que joue l’activité physique sur le devenir des lipidesalimentaires, donc dans la régulation du poids.

Après l’étude des répercussionsde la perte de calcium sur l’os(ostéoporose), des effets pro-tecteurs des vitamines C et E

sur l’ADN, du maintien de notre tauxd’insuline grâce au sport, c’est au tourdes lipides de répondre à des protocolesd’étude. Est-ce que l’inactivité physiquediminue l’oxydation des graisses alimen-taires ? Cette réduction se fait-elle enfonction du type de gras dans l’alimen-tation ? Quelle est la relation avec leprofil endocrinien ? Est-ce que l’exer-cice physique, prescrit dans le décubi-tus*, sera qualitativement et quantitati-vement suffisant pour réduire les effetsdélétères de l’alitement ? Autant dequestions qui se posent et abordent, une

fois encore, le fonctionnement de notremétabolisme.

DES INTÉRÊTS DE SANTÉ PUBLIQUEStéphane Blanc, chercheur au CEPE, adémarré en 1996 ses recherches à Lyondans l’équipe du professeur Gharib, pré-curseur des interactions potentielles desproblèmes nutritionnels observés chez lesspationautes (sous-nutrition, perte depoids) avec les problèmes cardiovascu-laires (hypotension orthostatique etréduction de capacité à l’exercice). “Nousnous sommes aperçus, en faisant des recher-ches bibliographiques, que les pilotes de l’airmusulmans (qui pratiquaient le ramadan etjeûnaient pendant un mois) présentaient lesmêmes caractéristiques physiopathologiques

inactifs durant la même période. Égale-ment sur des sujets obèses que nous allonsentraîner. À chaque fois, nous regardonscomment l’organisme gère le devenir desgraisses alimentaires. Pour mener à biencette étude, je travaille avec le professeurChantal Simon qui étudie à Strasbourgl’obésité chez l’enfant et avec le Dr Sylvie

Normand du Centre de recherche en nutri-tion humaine de Lyon.” Car en Alsace letaux d’obèses (environ 20 % de la popu-lation) est deux fois plus élevé que dansle Sud-Ouest. La seule chose qui diffé-rencie ces populations, c’est le type delipides de leur alimentation.

LE DÉCUBITUS, UN MODÈLE UNIQUELa thématique de recherche est ici decomprendre le rôle de l’inactivité dans lagenèse de l’obésité. Actuellement lemodèle du bedrest est unique pour ana-lyser les conséquences de variationsimportantes de l’activité physique sur lemétabolisme. L’hypothèse de départrepose sur les travaux de l’Américain JeanMayer émis dans les années 1950 : toutva bien quand on est actif, tout va malquand on est inactif. Entre les deux, il ya une activité physique minimale en des-sous de laquelle notre corps n’est pluscapable de régler la balance poids sta-ble/apport calorique. “Je participe au décu-bitus depuis 1996, précise StéphaneBlanc. Nous nous sommes d’abord intéressésau métabolisme glucidique et à la résistanceà l’insuline chez l’homme, maintenant au

que les spationautes. Il y avait donc unerelation de cause à effet à creuser car les spa-tionautes présentent toujours un déficit éner-gétique important. Aujourd’hui de plus enplus de personnes investissent ce domaine derecherche aux États-Unis (Peter Stein), enAllemagne (Martina Heer), et ailleurs.”En France, la recherche s’est spécialiséedans le métabolisme énergétique. Parquels mécanismes l’énergie apportée parl’alimentation est-elle dépensée oustockée dans l’organisme ? Commentl’activité physique règle-t-elle la balanceénergétique entre entrée et sortie ?Quelles proportions de lipides, glucides,protéines sont utilisées ? Est-ce que telou tel nutriment va limiter l’atrophie desmuscles et développer la résistance àl’insuline ? “Nous essayons d’utiliser desparadigmes qui affectent indépendammentchaque donnée de la balance énergétiquepour tenter de démasquer les mécanismes derégulation.”À Strasbourg, c’est le laboratoire d’YvonLe Maho qui est leader dans ce domaine.Un laboratoire des plus hétéroclites quitravaille sur la physiologie environne-mentale, à savoir les adaptations physio-logiques des animaux et de l’homme enconditions extrêmes. Habitué aux expé-rimentations en décubitus, StéphaneBlanc aborde, à l’occasion du bedrest2005, l’effet de l’inactivité physique surle métabolisme des lipides alimentaires,donc sur la régulation du poids. “Enparallèle à ce bedrest, nous essayons denous placer à différents niveaux d’activitésphysiques. Une étude démarre sur dessujets inactifs que nous allons rendre actifspendant deux mois. Et inversement sur dessujets très actifs, notamment des sportifsde haut niveau, que nous allons rendre

One advantage of decubitusexper iments is the abi l i ty totest physical exercise protocolsl ikely to achieve the r ight levelof l ip id oxidat ion, and thereforeprevent weight gain .

“UN DES AVANTAGES DUDÉCUBITUS EST DE TESTERDES PROTOCOLESD’EXERCICES PHYSIQUES QUISERAIENT SUSCEPTIBLES DERÉTABLIR LE NIVEAUD’OXYDATION DES LIPIDESET DONC DE PRÉVENIR LAPRISE DE POIDS.

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Série de tests sur le métabolisme des graisses réalisée par Stéphane Blanc surles volontaires sains du bedrest 2005.Series of tests to establish the metabolism of fats conducted by StéphaneBlanc on healthy volunteers during 2005 bedrest campaign.

u BRIGITTE THOMAS, CNES / by CNES

inactifs durant la même période. Égale-ment sur des sujets obèses que nous allonsentraîner. À chaque fois, nous regardonscomment l’organisme gère le devenir desgraisses alimentaires. Pour mener à biencette étude, je travaille avec le professeurChantal Simon qui étudie à Strasbourgl’obésité chez l’enfant et avec le Dr Sylvie

Normand du Centre de recherche en nutri-tion humaine de Lyon.” Car en Alsace letaux d’obèses (environ 20 % de la popu-lation) est deux fois plus élevé que dansle Sud-Ouest. La seule chose qui diffé-rencie ces populations, c’est le type delipides de leur alimentation.

LE DÉCUBITUS, UN MODÈLE UNIQUELa thématique de recherche est ici decomprendre le rôle de l’inactivité dans lagenèse de l’obésité. Actuellement lemodèle du bedrest est unique pour ana-lyser les conséquences de variationsimportantes de l’activité physique sur lemétabolisme. L’hypothèse de départrepose sur les travaux de l’Américain JeanMayer émis dans les années 1950 : toutva bien quand on est actif, tout va malquand on est inactif. Entre les deux, il ya une activité physique minimale en des-sous de laquelle notre corps n’est pluscapable de régler la balance poids sta-ble/apport calorique. “Je participe au décu-bitus depuis 1996, précise StéphaneBlanc. Nous nous sommes d’abord intéressésau métabolisme glucidique et à la résistanceà l’insuline chez l’homme, maintenant au

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Understanding andpreventing obesity

With obesity on the risein Europe, nutrition is

becoming an increasing publichealth concern. In more waysthan on, space offers goodexperimental conditions tounderstand how physicalexercise affects what happens tothe fats we eat and how weregulate our body weight.

Lipids are now the object ofscientists’ scrutiny. Does lack ofphysical exercise mean we burn lessfat? Does it depend on the type of fatwe eat? How is it tied to ourendocrine profile? Will physicalexercise prescribed in decubitusexperiments avert the unwantedeffects of bedrest? All thesequestions focus on how ourmetabolism works.

Public health concernsStéphane Blanc, from the CEPEresearch centre, began working in1996 in Lyon with the team headedby Professor Gharib, who pioneeredresearch into the potentialinteractions between nutritionaldisorders observed in astronauts andcardiovascular disorders. “Wediscovered that Muslim aircraftpilots who fasted for one monthduring Ramadan exhibited thesame characteristics as astronauts.That gave us a clue to look for acausal relationship, becauseastronauts always have a bigenergy deficit. Now, more and moreresearchers are concentrating onthis area.”In France, researchers areconcentrating their efforts on themetabolism mechanisms involved inusing and storing energy from food.How does physical exercise regulatethis “energy balance”? Whatproportions of fat, carbohydrate andprotein are used? Do particularnutrients limit muscle atrophy anddevelopment of insulin resistance?The Strasbourg-based laboratoryheaded by Yvon le Maho is leadingthe way in this area. Stéphane Blanc

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“UN DES AVANTAGES DUDÉCUBITUS EST DE TESTERDES PROTOCOLESD’EXERCICES PHYSIQUES QUISERAIENT SUSCEPTIBLES DERÉTABLIR LE NIVEAUD’OXYDATION DES LIPIDESET DONC DE PRÉVENIR LAPRISE DE POIDS.

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que 60 % de leur ration. Différentes rai-sons expliquent cette sous-nutrition. Larégulation défectueuse de l’apport calori-que peut être liée au mal de l’espace dûà la redistribution des fluides, à desaspects psychologiques dus au confine-ment, au sommeil, à l’ennui induit par lesrepas. Pour des vols courte durée, un teldéficit n’est pas important en raison de lahaute densité énergétique du tissu adi-peux. Toutefois, pour les vols de longuedurée tels que ceux envisagés vers Mars,un tel déficit remettrait en cause le suc-cès de la mission et la survie des spatio-nautes. Par ailleurs, l’aspect financier lié àla nutrition n’est pas négligeable. Un équi-page de six astronautes en mission de troisans vers Mars représente pas moins de22 tonnes de nourriture hydratée (sanscompter l’eau) ! Même si l’eau est partiel-lement recyclée et la nourriture déshydra-tée, une erreur de ±10 % dans l’estimationde la ration journalière n’est pas anodine.“Nous avons actuellement un projet en volsur les besoins énergétiques des spationautespour les vols longue durée. Nous allonsreprendre les mêmes techniques testées dans ledécubitus mais adaptées pour le vol et essayerde prédire les besoins énergétiques. Nousallons mesurer, avant et après des vols dequatre mois, les différents postes de la dépenseénergétique des spationautes en relation avecles changements de masse grasse et de musclestout en tenant compte des exercices physiquesprescrits en tant que contre-mesures. Ainsitoutes les composantes de la balance énergé-tique étant mesurées, une prescription adap-tée aux besoins pourra être établie.”À l’heure actuelle, les spationautes ont desrepas types en fonction de leur poids. Ilsont un plateau standard qui va jusqu’à7 000 calories pour les sorties extravéhicu-laires. Des discussions sont en cours avecAlain Ducasse Formation sur l’apportnutritionnel quotidien, la proportion delipides, des protéines dans l’élaborationdes recettes. Car, derrière l’aspect calori-que de tout repas, il y a le plaisir dessaveurs et la découverte d’un mets. Unplaisir qui renoue avec la convivialité del’instant partagé. n

*Décubitus : expériences de simulation des effets de l’impe-santeur réalisées au sol.

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est de tester des protocoles d’exercicesphysiques qui, a minima, seraient suscep-tibles de rétablir le niveau d’oxydationdes lipides et de prévenir la prise depoids. Les Américains recommandentune demi-heure d’exercice physique inten-sif par jour, alors que peut-être 15 minutesde marche pourraient suffire à prévenirl’obésité ! Des études longitudinales man-quent cruellement et, en ce sens, le décu-bitus est un modèle exceptionnel.

LES SÉJOURS LONGUE DURÉE SONT-ILS RÉALISTES ?La nutrition demeure un support de vieessentiel pour les spationautes. Sur desséjours de courte durée, ils ne mangent

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u PR CHANTAL SIMON, université Louis-Pasteur, StrasbourgProfessor Chantal Simon, Louis Pasteur University, Strasbourg

métabolisme des lipides alimentaires qui aune implication directe sur l’obésité. L’hommea, en effet, une capacité très limitée de synthé-tiser les lipides. Tous ceux que nous stockonsproviennent de l’alimentation. Nous avonsdémontré que lorsque l’on est inactif, si nousconsommons des acides gras mono-insaturés(tels que l’huile d’olive), nous les oxydons.Par contre, si nous consommons des acidesgras saturés (produits animaux), l’oxydationdiminue et le stockage de graisse augmente.”L’objectif direct serait de dire que pourles populations à risque, car inactives,(dont les populations alitées à l’hôpital) ilfaut favoriser des régimes riches en acidegras mono-insaturés (régime type médi-terranéen). L’autre avantage du décubitus

IcapsPour faire bouger les adolescents

Conduite par un groupe de chercheurs de l'université Louis-Pasteur deStrasbourg , Icaps* a été lancée en 2002. Cette étude réalisée auprès de1 000 élèves répartis dans huit collèges du Bas-Rhin vise, sur quatre ans,

à démontrer les bénéfices de l'activité physique sur le risque vasculaire et le sur-poids. Dans quatre collèges-témoins, les élèves conservent leur rythme habituel.Dans quatre collèges-action, ils bénéficient d'accès privilégiés à des activités phy-siques et participent à une réflexion sur leur rôle sanitaire. Leur état de santé estsans cesse comparé à celui de la population témoin. La nécessité de lutter contre l'inactivité La généralisation d'un comportement de type sédentaire est préoccupante etexplique, en partie, l'augmentation de l'obésité observée chez l'enfant et l'ado-lescent. En France, 40 % des adolescents ne pratiquent pas de sport en dehorsdes cours d'éducation physique dispensés à l'école; 15 à 20 % présentent unexcès de poids alors que la pratique d'une activité physique régulière protége-rait l'enfant et le futur adulte contre le diabète, l’obésité, les maladies cardiovas-culaires, voire certains cancers.Une mobilisation réussieAu terme des deux premières années, Icaps démontre qu'il est possible de modifierles comportements d'activité des adolescents. La proportion de collégiens sans acti-vité extrascolaire a été réduite des deux tiers. Plus nombreux à venir à pied ou à véloà l'école, ils ont également diminué le temps passé devant un écran (paradoxe, cettehabitude a augmenté chez les élèves-témoins). Ils sont 34 % à passer plus de 2 heu-res par jour devant la télévision (contre 41 % dans les collèges-témoins). Ces chan-gements comportementaux s'accompagnent d'un effet bénéfique sur le poids et lesfacteurs de risque cardiovasculaire. Le risque de surpoids a diminué de 21 % dansles collèges-action par rapport aux collèges-témoins. Une diminution significative dela pression artérielle et de la masse grasse est observée ainsi qu'une tendance à ladiminution des triglycérides.Icaps démontre qu'une action fondée sur un multipartenariat, prenant en compteles obstacles à l'activité physique et renouant avec la notion de plaisir, s'accom-pagne d'un effet positif sur l'état de santé. Il reste à démontrer que ces effets per-sistent à long terme.*Icaps : Intervention auprès des collégiens centrée sur l'activité physique et la sédentarité

ICAPSGetting teenagers to work (it) out

The ICAPS* initiative launched in 2002 is being conducted by a groupof researchers at Louis Pasteur University in Strasbourg, NortheastFrance. This study is looking at 1,000 pupils over a period of four

years to demonstrate the benefits of physical exercise in reducing vascu-lar risks and overweight. Four schools are serving as a control group, withpupils maintaining the same lifestyle and habits as before. In four otherschools, pupils have more opportunities to do physical exercise and areencouraged to think about the role it can play in their lives. Their health isbeing compared to that of the control group.Combating sedentary lifestylesOur increasingly sedentary lifestyles are a cause for concern and partlyexplain the rise in obesity observed in children and teenagers. In France,40% of teenagers do no exercise outside physical education lessons inschool. And 15 to 20% of them are overweight. Regular exercise pro-tects children now and in later life against the diseases that havebecome endemic in our society: diabetes, obesity, cardiovascular illnes-ses and certain cancers.More-healthy teenagersIn the first two years of the study, ICAPS showed it was possible to getteenagers to change their lifestyles. The proportion of pupils doing nophysical exercise outside school was reduced by two-thirds. More ofthem started walking or cycling to school. At the same time, they spentless time watching television or in front of a PC, whereas those in thecontrol group spent more time. The number watching more than twohours of television per day was 34%, compared to 41% in the controlgroup. These behavioural changes had a beneficial impact on weight andcardiovascular risk factors. The risk of overweight was reduced by 21% inthe schools doing more physical exercise than in the control schools. Thepupils exhibited a significant drop in blood pressure and body fat, and tri-glycerides also tended to fall.ICAPS shows that efforts engaging multiple partners and addressing theobstacles that prevent youngsters from exercising, while underlining the“fun” side of activities, are beneficial to health. It now remains to demons-trate that these effects endure in the long term.* Intervention auprès des Collégiens centrée sur l'Activité Physique et la Sédentarité

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que 60 % de leur ration. Différentes rai-sons expliquent cette sous-nutrition. Larégulation défectueuse de l’apport calori-que peut être liée au mal de l’espace dûà la redistribution des fluides, à desaspects psychologiques dus au confine-ment, au sommeil, à l’ennui induit par lesrepas. Pour des vols courte durée, un teldéficit n’est pas important en raison de lahaute densité énergétique du tissu adi-peux. Toutefois, pour les vols de longuedurée tels que ceux envisagés vers Mars,un tel déficit remettrait en cause le suc-cès de la mission et la survie des spatio-nautes. Par ailleurs, l’aspect financier lié àla nutrition n’est pas négligeable. Un équi-page de six astronautes en mission de troisans vers Mars représente pas moins de22 tonnes de nourriture hydratée (sanscompter l’eau) ! Même si l’eau est partiel-lement recyclée et la nourriture déshydra-tée, une erreur de ±10 % dans l’estimationde la ration journalière n’est pas anodine.“Nous avons actuellement un projet en volsur les besoins énergétiques des spationautespour les vols longue durée. Nous allonsreprendre les mêmes techniques testées dans ledécubitus mais adaptées pour le vol et essayerde prédire les besoins énergétiques. Nousallons mesurer, avant et après des vols dequatre mois, les différents postes de la dépenseénergétique des spationautes en relation avecles changements de masse grasse et de musclestout en tenant compte des exercices physiquesprescrits en tant que contre-mesures. Ainsitoutes les composantes de la balance énergé-tique étant mesurées, une prescription adap-tée aux besoins pourra être établie.”À l’heure actuelle, les spationautes ont desrepas types en fonction de leur poids. Ilsont un plateau standard qui va jusqu’à7 000 calories pour les sorties extravéhicu-laires. Des discussions sont en cours avecAlain Ducasse Formation sur l’apportnutritionnel quotidien, la proportion delipides, des protéines dans l’élaborationdes recettes. Car, derrière l’aspect calori-que de tout repas, il y a le plaisir dessaveurs et la découverte d’un mets. Unplaisir qui renoue avec la convivialité del’instant partagé. n

*Décubitus : expériences de simulation des effets de l’impe-santeur réalisées au sol.

advantage of decubitus experimentsis the ability to test physical exerciseprotocols likely to achieve the rightlevel of lipid oxidation, and thereforeprevent weight gain.

Is long-duration spaceflightfeasible?Nutrition remains a key aspect oflife support for astronauts, whoonly eat 60% of their food rationson short-stay missions. Incorrectregulation of calorie intake may belinked to space sickness due toshifting of body fluids, or to thepsychological aspects of living in aconfined space, to sleep patternsor meal boredom. On short flights,this deficit is not importantbecause of the high energydensity of adipose tissue.However, for long-duration flights,it could compromise missionsuccess and astronaut survival.There is also a financial side tonutrition. A crew of six astronauts ona three-year mission to Mars wouldneed no less than 22 tonnes ofhydrated food, not countingdrinking water. Even if water ispartly recycled and food partlydehydrated, it is easy to see that anerror of 10% either way inestimating daily rations is not trivial.“We’re currently working to analyseastronauts’ energy requirements forlong-duration flights,” explainsStéphane Blanc. “We will usetechniques already proven bydecubitus experiments and adaptthem to flight conditions in anattempt to predict energy needs.We will measure how astronautsexpend energy before and after afour-month flight, in relation tochanges in fat and muscle mass,taking into account physicalexercises prescribed to counter theeffects of inactivity.”Astronauts are currently givenstandard meals calculatedaccording to their weight, providingup to 7,000 calories before anextravehicular activity. Mealplanners are working with Frenchconsultant Alain Ducasse Formationto establish daily nutrient intake,and the proportion of fats andproteins in meals. Because, besidescounting calories, it’s important notto forget the pleasure procured bydifferent tastes and new dishes. n

is well used to performing decubitusexperiments. During the 2005bedrest campaign now underway, heis studying the effects of lack ofexercise on the metabolism of fats infood intake. “Alongside the bedrestcampaign, we’ll be studying differentlevels of physical activity. Anotherstudy just getting underway will takeinactive subjects and get themexercising for two months.Conversely, we will have very activesubjects—notably top sportsmen andwomen—staying inactive for thesame period. We will also be gettingobese subjects to work out. In eachcase, we are looking to see how theorganism manages fats.”

A unique model The central researchtheme is the role of lackof exercise in the onsetof obesity. Today, bedrestexperiments offer aunique model foranalysing the effects ofbig variations in physicalactivity on metabolism.The initial hypothesiscomes from the work ofAmerican researcherJean Mayer in the 1950s,who concluded that if weare active, we stayhealthy; if we areinactive, we don’t.Between these twoextremes, there is aminimum level ofphysical exercise below

which our body can no longerregulate the balance between astable weight and calorie intake.“We initially looked at carbohydratemetabolism and resistance to insulinin humans,” says Stéphane Blanc.“Now we are focusing on fats.Humans have a very limited capacityto synthesize fats. All the fat we storeis from our food intake. We haveshown that an inactive person whoeats mono-unsaturated fatty acids(like olive oil) oxidizes them. On theother hand, saturated fatty acids(animal fats) are oxidized less andstored in the body as fat.”This research aims to establish thathigh-risk populations should prefer adiet rich in mono-unsaturated fattyacids, of the type common inMediterranean regions. The other

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tionner les recettes les plus performanteset les plus appétissantes possible. Depuisun an environ, ces équipes en ont déjàélaboré une vingtaine, dont certaines,comme “le pain martien et sa confiturede tomates vertes”, “les gnocchis de pom-mes de terre à la spiruline” ou encore “lemillefeuille de pommes de terre à latomate”, sont aujourd’hui proposées dansle cadre du programme expérimentalWise (Bedrest 2005). Ces recettes sonttestées par des volontaires qui les éva-luent selon divers critères organolepti-ques. Ces essais permettront ensuite auxéquipes scientifiques de déterminer la las-situde psychologique engendrée par laconsommation répétée de certains pro-duits alimentaires. n

* L’université Blaise-Pascal (France), Sherpa (France),EPAS (Belgique), université de Gent (Belgique), Vito(Belgique), SCK/CEN (Belgique), université de Guelph(Canada), UAB (Espagne) et l’Esa se retrouvent côte àcôte dans un accord de coopération coordonné par l’Esaet soutenu financièrement par les agences spatiales natio-nales dont le CNES. Ce consortium scientifique et indus-triel développe depuis une quinzaine d’années des tech-nologies de recyclage des déchets pour la productiond’oxygène, d’eau et de nourriture.

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Oubliés les petits bonshommesverts, ce sera l’homme quivivra sur Mars. Les auteursde science-fiction, de René

Barjavel à Gustave Le Rouge, n’étaientpeut-être pas si loin d’une réalité enlaquelle les avancées techniques et tech-nologiques nous font croire. Quel’homme fasse “un petit pas sur Mars”est, désormais, un objectif majeur par-tagé par différentes agences spatiales.Toutefois, au vu de la capacité des lan-ceurs actuels, une mission d’explorationmartienne implique un séjour de 800 à1 000 jours en isolement complet. Pourune telle durée, un équipage de six spatio-nautes nécessite 30 tonnes de consom-mables (eau, oxygène et nourriture), sanscompter ni la quantité d’eau nécessaire àl’hygiène des spationautes (douche), aulavage des couverts (lave-vaisselle) oudes vêtements (lave-linge), ni la masse

associée aux emballages et aux moyensde réfrigération. À ce jour, le lanceur leplus puissant au monde ne peut achemi-ner que 9 tonnes de charge utile jusqu’àla surface de la Lune. Il est donc urgentet important de recycler les déchets orga-niques en consommables métaboliques.C’est pourquoi, en 1989, l’Agence spa-tiale européenne a initié le projet Melissa(Microbial Ecological Life Support SystemApplication), modèle européen de sys-tème de support de vie biorégénératif.

HUIT PLANTES EN COURS DE TEST Aujourd’hui la connaissance précise desqualités de l’oxygène et de l’eau à produireest acquise, mais pas concernant la nourri-ture. Appréhender la réaction des spatio-nautes, face à leur centième boîte deconserve ou repas lyophilisé, reste uneinconnue non négligeable. C’est pourquoile moral et les papilles des spationautes

préoccupent les partenaires* du projetMelissa qui étudient aujourd’hui la produc-tion et la préparation in situ de nourriture.D’après l’état des connaissances, les res-sources naturelles à la surface de Mars(dioxyde de carbone, lumière naturelle,cycle jour/nuit proche de celui de laTerre) seront utiles à la mise en œuvre deserres et à la production de cultures végé-tales et céréalières. Huit plantes ont déjàété sélectionnées (blé, laitue, oignon,chou, tomate, pomme de terre, soja, épi-nard). Compte tenu de ce nombre trèslimité d’ingrédients, un important travailde recherche et de création de recettesdoit être effectué afin de garantir unediversité optimale des menus, tout en res-pectant les spécifications nutritionnelles.Telle est la tâche des collaborateurs duconsortium Melissa (à savoir GEM,Alain Ducasse Formation et l’InstitutPaul Lambin) qui doivent créer et sélec-

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Un potager sur Mars !

Culture de laitue en environnement contrôlé.Growing lettuce in a controlled environment.

Puisque la planète rouge semble bénéficier d’un environnement favorable, alors pourquoine pas envisager des cultures végétales et céréalières sur son sol ? Rien de plus sérieux qued’y faire pousser sous serre du blé, de la laitue ou des épinards. L’Europe étudie cetteéventualité depuis plus de dix ans.

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Gardening on MarsSince the Red Planet’s soilappears capable of supportingcultivation of vegetables andcereals, we can envisiongrowing wheat, lettuce orspinach there in greenhouses.Europe has been looking at thispossibility for over a year now.

Forget little green men, it’shumans that will live on

Mars. A “small step for mankind” onMars is now a key objective sharedby space agencies. But there is acatch: the capacity of current launchvehicles implies that crews will haveto spend 800 to 1,000 days in totalisolation. For a mission that long, acrew of six would need 30 tonnes ofwater, oxygen and food, notcounting water for showering,washing dishes and clothes, nor theweight of packaging and coolingequipment. The most powerfullauncher in the world today can onlyloft a payload of nine tonnes to theMoon. So, we urgently need to findways to recycle organic waste into

consumable water, oxygen and food.This is the objective of the Melissaproject (Microbial Ecological LIfeSupport System Alternative),initiated by the European SpaceAgency in 1989.

Eight plants put to the testWe know precisely what quality ofoxygen and water will have to beproduced, but the same cannot besaid for food. How astronauts willreact on opening their 100th tin orsachet of dried food remains to beseen. That’s why the Melissa projectpartners* are studying how toproduce and prepare food in situ toboost crew morale and look aftertheir taste buds.According to the current status ofknowledge about Mars, naturalresources on the planet’s surface—carbon dioxide, natural light and aday/night cycle close to Earth’s—willbe useful for growing vegetables andcereals in greenhouses. The projectteam has already selected eightcandidate plants: wheat, lettuce,onion, cabbage, tomato, potato,soya bean and spinach. These willonly provide a very limited range ofingredients, so a lot of work is goinginto devising recipes. This is the taskgiven to GEM, Alain DucasseFormation and the Institut PaulLambin, who are helping the Melissaconsortium to create and select thebest and most appetizing recipes.These are being tested as part of theWISE bedrest experiment currentlyunderway at the MEDES space clinicin Toulouse, France. The volunteersrate the meals according to a rangeof organoleptic criteria. These testswill allow the science teams todetermine the degree of boredombrought on by repeatedconsumption of foods … because thefirst humans to reach Mars deserveto be smiling when they set foot onthe planet’s surface! n

* Blaise Pascal University (France), Sherpa(France), EPAS (Belgium), Ghent University(Belgium), Vito (Belgium), SCK/CEN(Belgium), Guelph University (Canada), UAB(Spain) and ESA are working side by side ona cooperation initiative coordinated by ESAand funded by national space agencies. Thisscientific and industrial consortium hasbeen developing waste recyclingtechnologies capable of producing oxygen,water and food for 15 years.

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tionner les recettes les plus performanteset les plus appétissantes possible. Depuisun an environ, ces équipes en ont déjàélaboré une vingtaine, dont certaines,comme “le pain martien et sa confiturede tomates vertes”, “les gnocchis de pom-mes de terre à la spiruline” ou encore “lemillefeuille de pommes de terre à latomate”, sont aujourd’hui proposées dansle cadre du programme expérimentalWise (Bedrest 2005). Ces recettes sonttestées par des volontaires qui les éva-luent selon divers critères organolepti-ques. Ces essais permettront ensuite auxéquipes scientifiques de déterminer la las-situde psychologique engendrée par laconsommation répétée de certains pro-duits alimentaires. n

* L’université Blaise-Pascal (France), Sherpa (France),EPAS (Belgique), université de Gent (Belgique), Vito(Belgique), SCK/CEN (Belgique), université de Guelph(Canada), UAB (Espagne) et l’Esa se retrouvent côte àcôte dans un accord de coopération coordonné par l’Esaet soutenu financièrement par les agences spatiales natio-nales dont le CNES. Ce consortium scientifique et indus-triel développe depuis une quinzaine d’années des tech-nologies de recyclage des déchets pour la productiond’oxygène, d’eau et de nourriture.

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