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REGARD SUR... CRANACH musée des Beaux-Arts de Reims 25 MARS 04 AVRIL 2016 Lucas Cranach le Jeune (1515-1586), Un prince, vers 1540, Inv. 795.1.272 n° 2 Gratuit Espace - Évènement JOURNAL LE PETIT 25 mars > 04 avril 2016 petit journal Cranach_Mise en page 1 30/03/16 09:08 Page1

Mise en page 1 - Ville de Reims · (Jakob Rosenberg, Theo Ludwing Girshausen, Heinrich Zimmermann), ces études sur papier ont participé à la renommée du musée des Beaux-Arts

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REGARD SUR...CRANACH musée

des Beaux-Artsde Reims

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n° 2 Gratuit

Espace - ÉvènementJOURNALLE PETIT

25 mars > 04 avril 2016

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REGARD SUR...

LucasCRANACHle Jeune

muséedes Beaux-Artsde Reims

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Le projet d’un nouveau grand musée in situ

est envisagé depuis 2014. Dans ce cadre, a

été créé, au rez-de-chaussée, un espace

évènement, accessible à tous.

« Regard sur… » est le générique choisi pour

la présentation des expositions consacrées à

nos collections, un « Petit journal »

accompagne désormais ces évènements.

Regard sur…Lucas Cranach le Jeune

Attribués à Albert Dürer puis à Hans Holbeindurant le XIXe siècle, puis enfin à LucasCranach l’Ancien et Lucas Cranach le Jeune,au XXe siècle, la recherche se poursuit auXXIe siècle, permettant d’affiner et depréciser l’origine et la paternité des dessinsissus de l’École de dessin de Reims.Cranach le Jeune est donc l’auteur de cesœuvres qui depuis des siècles, à présent, fontla réputation de notre musée des Beaux-Arts.Il était important pour la Conservation dumusée de faire part de l’état de ces dernièresdécouvertes établies à l’occasion de larétrospective de 2015 sur l’artiste, àLutherstadt Wittenberg (Allemagne) par lesplus grands spécialistes, en concertation avecnotre équipe. Outre la conservation des œuvres, larecherche sur celles-ci est l’une des missionsde l’équipe scientifique du musée, latransmission en étant une autre. C’estl’intérêt des expositions Regard sur…, quipermettent entre autres une meilleureconnaissance de nos collections. Unenouvelle approche pour le visiteur se présenteainsi aujourd’hui, avec Cranach le Jeune, enattendant la rédaction d’un catalogue. Celui-ci donnera la possibilité de mieuxappréhender les éléments de comparaison,évoqués ici dans les notices, entreparenthèses, par de simples énumérations.

Catherine DelotDirecteur du musée des Beaux-Arts

de la ville de Reims

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Ces œuvres sur papier sont d’une extrême fragilité et ne peuvent être exposées de façonpermanente. Comme toutes les pièces graphiques, les dessins doivent bénéficier régulièrement d’un temps de repos. C’estpourquoi, avant qu’ils ne retournent dans lesréserves du musée, nous avons souhaité lesmontrer au public. Présentées exceptionnel-lement pendant dix jours, au moment du 25e Salon du dessin qui se tient à Paris, levisiteur pourra admirer chacune de ces têtes,en toute intimité, mais aussi, la série com-plète qui révèle toute la force et la puissanced’écriture de Cranach dessinateur…

« Faut-il considérer les précieux feuillets deReims comme des dessins ou des peintures ?Ils participent aux deux méthodes. Mais,comme dans les célèbres « préparations » deLa Tour auxquelles, à travers deux siècles etdemi, on a quelque envie de les comparer,c’est le dessin qui prédomine. » 1930, PaulJamot, extrait de la notice pour Dix portraitsde Cranach le Vieux au musée de Reimsgravés par Abel Jamas, à Paris, chez l’auteurà Reims, librairie Michaud.

REGARD SUR...CRANACH musée

des Beaux-Artsde Reims

25MARS

04AVRIL2016

En 2015, dans le cadre du projet de rénova-tion du musée des Beaux-Arts et suite à desopérations de conservation préventiveprogrammées sur les treize Cranach, ceux-ciont été prêtés en Allemagne, au musée deWittenberg, berceau de la Réforme. Autour dela première rétrospective consacrée à LucasCranach le Jeune, nous avons pu valorisercette série prestigieuse et la faire revivre àtravers une collaboration scientifique. Deséchanges avec les commissaires et experts(Georg Josef Dietz, Guido Messling, KatjaSchneider) nous ont conduits à réattribuer lasérie et revoir certaines identifications quenous nous devions de restituer au public français. En effet, ces dernières années, laquestion des attributions des œuvres à Cranach l’Ancien et à Cranach le Jeune a étélargement disputée. Un certain nombre decelles-ci est désormais à rattacher à l’œuvrede Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien. Nos dessins en font partie. Malgrédes divergences subsistantes, ces conclu-sions participent à reconnaitre cet artiste quiaffirme son propre style. Il n’y a pas deconcurrence entre le travail du père et celuidu fils mais plutôt de la complémentarité,une forme d’interactivité qui a quelque chosede moderne dans la transmission des savoirs.

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valorisant la puissance de sa lignée etparticipant à la diffusion de nouvelles idées.Ici, nous découvrons des hommes, desenfants et une femme liés aux familles deSaxe, celles des princes électeurs de la lignéeernestine ou albertine, mais aussi les ducs oucomtes des maisons d’Anhalt, de Brunswicket de Grubenhagen, tous partisans de laRéforme. Ils font partie des quatre centsprinces qui, par leur territoire, dessinent unensemble purement géographique du Saint-Empire romain germanique et qui, par leurspouvoirs sont quasiment indépendants del’autorité impériale de Charles Quint puis deses successeurs. D’autres portraits restentencore anonymes ou incertains.Comme les Clouet l’ont fait pour Marie deMédicis, les Cranach père et fils ont dépasséleur rôle d’artistes. En gardant ainsi lemonopole de la maison des princes de Saxe,leur atelier a prospéré. Artistes mais aussibourgmestres de leur cité, ils ont su tirerprofit de leurs rencontres avec les puissantsde la région et développer un art deproduction et d’imagination sans limite.Longtemps délaissé par l’histoire de l’art, lesCranach retrouvent leur place parmi les plusgrands artistes de la Renaissance. Lesartistes du XXe siècle ne s’y sont pas trompésà l’image d’Ernst, Picasso ou Warhol.

Enfin, demain, nous poursuivrons notretravail, sur ce corpus exceptionnel par saqualité et sa rareté. Nous tenterons deconfirmer ou de retrouver l’identification despersonnalités représentées, d’expliquer lerapport technique et artistique entre le dessinet la peinture. Dans le cadre de son nouveauprojet de réaménagement, l’équipe du muséedes Beaux-Arts devrait lancer une étude surle temps et la nature de l’éclairage, ainsi quesur leur présentation. Elle mettra tout enœuvre afin de proposer au public uneexposition permanente des treize portraits.

Marie-Hélène Montout-RichardAttachée de conservation du patrimoine,chargée des collections d'arts graphiques

et du centre de ressources du musée des Beaux-Arts de la ville de Reims

Au cours des siècles, attribuées à Dürer,Holbein, Cranach l'Ancien et/ou Cranach leJeune, par les différents conservateurs dumusée (Louis Paris, Charles Loriquet, RéginePernoud) et spécialistes de l’art allemand(Jakob Rosenberg, Theo Ludwing Girshausen,Heinrich Zimmermann), ces études surpapier ont participé à la renommée du muséedes Beaux-Arts de Reims. Depuis leur arrivéeen 1752, avec le legs Ferrand de Monthelonfait à la ville de Reims, ces feuilles, quiservaient de modèles aux élèves de l’École dedessin, fascinent toujours par leur qualitépicturale et leur rendu du vivant : contrastesentre les rapides esquisses des bustes, desoreilles, des parures et la précision des traitsdes visages, modelés avec des tonalitésdouces et une technique en demi-tons pourla plupart cernés de contours noirs. Noussavons qu'ils servaient de réserves demodèles pour l'atelier des Cranach au XVIe

siècle. Ainsi, ils étaient utilisés pour lacréation de portraits peints individuels maisaussi pour être intégrés à des compositionsplus complexes ou réalisés avec d’autrestechniques (vitrail, médaille, tapisserie). Leschercheurs s’interrogent sur les pratiquesartistiques liées à ces œuvres sur papier : sont-ce de simples cartons ? Des prototypes dumaître mis à la disposition des collaborateursde l’atelier ? Sont-ils une étape dans unprocessus de fabrication de l’image (outils etinstruments de report) ? Si tel est le cas,comment sont-ils concrètement utilisés ?Cette série confirme l'activité de Cranach leJeune à la cour de Saxe de Jean-Frédéric leMagnanime, dès le début des années 1540,date à laquelle a été réalisée la plupart de cesesquisses (trois plus tardives). Chaqueportrait commandé, sans doute par le princede Saxe, lors d’évènements festifs auxquelsles Cranach, peintres de la cour, étaientsouvent conviés, révèle ce face à face entrele modèle et l’artiste. Ainsi, il constituait,pour l ’avenir, une galerie de portraits

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La Réforme et lesCranach

Réalisés entre 1540 et 1550, les portraits de membres de la famille de Saxe-Wettin par Lucas

Cranach le Jeune ont contribué à renforcer le pouvoir des chancelleries saxonnes et à diffuser les

idées luthériennes au nord-est du Saint-Empire romain germanique. À travers la personnalité de

chacune de ces études, l’histoire de ces conflits politiques et religieux peut ainsi être rappelée

et nous renvoyer aussi à l’histoire de l’Europe.

1524 : une partie de la population séduite par la doctrine protestante réclame aussi des réformes1525 sociales et politiques – c’est la guerre des paysans allemands. De retour à Wittenberg,

Luther approuve ces revendications. Mais, face aux violences perpétrées, il décide des’appuyer sur les princes pour développer la Réforme. Les princes et ducs de Saxe,d'Anhalt, de Brandebourg, de Brunswick adoptent la religion protestante. À cette période,Cranach le Jeune soutient l'activité de son père et de l'atelier familial.

1530 : à la diète d'Augsbourg, Charles Quint convoque les princes pour faire cesser les querellesreligieuses dans son Empire. Mélanchton, humaniste ami de Luther, présente un texte.Rédigé en commun avec d’autres partisans, la Confession d’Augsbourg définit la doctrineprotestante. Elle est signée par les princes luthériens qui pensent qu'une conciliation estencore possible avec les catholiques. C’est un échec.

1531 : les princes protestants et les villes impériales passées à la Réforme n’ont aucune envie derevenir au catholicisme, après s’être enrichis des biens et des pouvoirs ecclésiastiques.Ils forment la ligue de Schmalkalde.

1540 : Cranach le Jeune se marie avec Barbara Brück, fille du chancelier de Saxe. À partir de1549, comme son père, il assure différentes charges pour la ville de Wittenberg.

1547 : la bataille de Muelhberg donne la victoire aux princes catholiques contre la ligue deSchmalkalde, réactivée au lendemain du concile de Trente. Jean-Frédéric le Magnanime,prince-électeur de Saxe est emprisonné. Cranach l’Ancien le rejoint. Maurice de Saxe,pourtant protestant zélé, rallie les troupes de Charles Quint et prend la tête de l'électoratde son cousin. Bientôt, il retrouve la foi luthérienne en reprenant les armes. La guerrecesse en 1552 avec la paix de Passau qui permet aux protestants de pratiquer leur religionen Saxe.

1553 : mort de Cranach l’Ancien. Son fils, Cranach le Jeune, devient propriétaire de l’atelier.

1555 : la paix d’Augsbourg met fin aux guerres de religion dans le Saint-Empire romaingermanique. Chaque prince choisit sa religion et l’impose aux habitants de sa province.L’Europe du Nord devient majoritairement protestante. L’année suivante, l’empereurabdique en faveur de son fils Philippe II.

1586 : mort de Cranach le Jeune.

1472 : naissance de Cranach l’Ancien.

1505 : Cranach l’Ancien s’installe à Wittenberg, en Saxe-Anhalt. Il est nommé peintre de la courde Frédéric le Sage, prince-électeur de Saxe, l’une des sept personnes importantes duSaint-Empire romain germanique. Il sert durant trois règnes successifs la maison de Saxedans sa diversité politique et religieuse.

1513 : Luther, moine augustin, docteur en théologie, enseigne à l’université de Wittenberg.

1515 : naissance de Cranach le Jeune.

1517 : Luther dénonce dans ses 95 thèses le commerce des indulgences qui promettent auxfidèles d’accéder au paradis en échange d’un tribut au clergé.

1519 : Charles de Habsbourg, roi catholique d’Espagne, devient Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique.

1521 : excommunié l’année précédente, Luther est mis au ban de l’Empire par l’édit de Worms.Protégé par Frédéric le Sage dans son duché, il traduit la Bible en allemand. Cranach,peintre, pharmacien, maire et aussi imprimeur contribue à sa diffusion.

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Dessinés par Cranach d’après nature sur desfeuilles de papier chiffon, ces portraits servirentde modèle original pour leur diffusion. Sur lepapier préparé, la pierre noire fut privilégiéepour rendre la vivacité des tracés préparatoireset l’estompe des modelés sous-jacents. Pourdonner vie, lumière et couleurs aux portraits, ladétrempe fut employée dans les grandes lignesde la composition et le modelé des chairs. Yfurent ajoutés quelques rehauts de peinture enémulsion pour les parties saillantes des visages.Parvenus jusqu’en France, un inventaire et unestampillage de ces portraits, avec appositionde paraphe et cachet encrés, furent réalisésvers 1770, après le décès du directeur del’École de dessin de Reims qui les avait léguésà la Ville, avec l’ensemble de sa collection.Après la Révolution, ces modèles à la charnièreentre dessin et peinture furent retrouvés

souillés et leurs papiers fort dégradés. Lepeintre rémois Hécart eut pour tâche en 1835de les consolider, les nettoyer et leur rendrelisibilité. De manière à unifier l’ensemble, lesfeuilles furent contrecollées sur carton ; leursmarges furent peintes et un vernis recouvritl’entière surface. Ces opérations conféraient àces études une approche picturale et changealeur statut typologique. Leur lecture continua àse transformer par d’autres ajouts et desallégements de vernis postérieurs. Leur statut retrouvé et notre regard avertirendent à ces modèles la liberté de préserverles traces techniques de leur histoire.Récemment ils ont été ré-encadrés avec desmatériaux de conservation leur assurantinnocuité, stabilité et pérennité, avant que denouvelles recherches ouvrent la voie à depossibles restaurations.

Nadège DaugaRestauratrice du patrimoine, spécialité arts graphiques

Plan del’exposition

Les œuvres décrites dans les notices du Petit journal apparaissent dans l’ordre du plan ci-dessus. Elles sont toutes deLucas Cranach le Jeune sauf mention spécifique. Quant aux personnages identifiés, ils ont des liens de parenté entre eux.Parfois complexes, ils apparaissent en partie dans l’arbre généalogique situé au centre du Petit journal.

Regard technique sur les portraits deCranach

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1.

Antoine FERRAND DE MONTHELON (1686-1752) (attribué à)

Jacques-Philippe Ferrand Huile sur toile85,3 x 65,2 cmSaisies révolutionnaires sur l’École de dessin de Reims

Inv. 795.1.185

Ce tableau, restauré en 2014, est unhommage au peintre Philippe Ferrand(1653-1732), fils de Louis Ferrand,médecin ordinaire du roi Louis XIII, élève dePierre Mignard. Miniaturiste, écrivain, ilcollectionne des œuvres d’art, et lestransmet ensuite à son fils ; il enseigne,ainsi que son fils, l’art du dessin, à Paris et,pour Antoine, également à Reims. LesCranach, sans doute achetés par Philippelors d’un séjour en Allemagne, ont ainsirejoint, en 1745, le fonds de modèles duprofesseur Antoine Ferrand de Monthelon àl’École de dessin et de mathématiques deReims. Par legs, sa collection, elle-mêmeenrichie de nouvelles acquisitions et detravaux d’élèves, est à l’origine, avec lessaisies révolutionnaires, de la création dumusée des Beaux-Arts en 1794.

2.

Philippe Ier, duc de Poméranie-WolgastVers 1540-41Inscription : « h pfhilips von pommern » à l’encre bruneTechnique mixte sur papier contrecollé sur carton34,8 x 23,7 cmSaisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.266

À la mort de son père, Georges Ier, duc dePoméranie, en 1531, Philippe (1515-1560) reprend le titre et se partage lesterres avec son oncle Barnim IX. En 1535,après avoir aboli la religion catholique, ilimpose l’église protestante. JeanBugenhagen, surnommé à cause de sapatrie « le docteur poméranien » et parrainavec Cranach du premier fils de Luther, acontribué à sa diffusion. Au côté de sonfutur beau-frère, l’électeur de Saxe Jean-Frédéric le Magnanime, le duc adhèrerapidement à la ligue de Schmalkalde. En1536, Luther marie le duc à Marie de Saxeau château d’Hartenfels, à Torgau,résidence des princes électeurs de Saxe.Cranach est présent.C’est le premier mariage protestant d’unduc poméranien mais c’est aussi unmariage politique. Quelques années plustard, le duc choisira de marquer cetévènement en faisant réaliser une tapisserie(tapisserie de Croy, université de Greisfwald

1554). Celle-ci, en mettant en scène demanière fictive le rassemblement despuissants acteurs politiques, religieux etculturels des temps nouveaux, devientsymbole de cette alliance et du changementen marche.Marguerite, la sœur du duc épousera le ducErnest de Brunswick-Grubenhagen. Sononcle Barnim IX épousera Anna deBrunswick-Lünebourg, de la familled’Ernest le Confesseur.

Ce portrait est identifié par le conservateurdu musée de Reims, Louis Paris, en 1845grâce à l’inscription portée par l’artiste surce dessin. En 1933, Helmuth Bethe leconfirme par comparaison avec un portraità l’huile du duc. Ce tableau peint en 1541,attribué aujourd’hui à Cranach le Jeune(Stettin, musée des arts des antiquités

poméraniennes) permet de dater notre dessin.Ils sont si proches que l’hypothèse d’unreport via un autre medium de type estampepeut être envisagée. De plus, il a étéconstaté des sortes d’incisions, notammentau niveau des yeux et de la bouche, quiviennent enrichir cette supposition deméthode pour réaliser avec fidélité unportrait. Sans doute est-ce à l’occasion d’un voyagele menant en Allemagne du Sud pour desquestions religieuses avec PhilippeMelanchton, ami des Cranach, que le ducrencontre Cranach. Le duc Philippe a alorsvingt-six ans et est l’un des participants lesplus passionnés de la Réforme.

3.

Wolfgang, prince d’Anhalt-Köthen ?Vers 1540 Technique mixte sur papier contrecollé sur carton 31,5 x 20,7 cm Filigrane : lettre F double, dans un cercle, fil comme axe du milieu, les contours touchent le cercle, lignes perpendiculaires sur la largeur ; voir Piccard-online nos 27229, 27230 (Mergentheim 1543, 1542)Saisies révolutionnaires sur l’École de dessin de Reims

Inv. 795.1.271

Fils du prince de Valdemar d’Anhalt-Köthenet de Marguerite, comtesse deSchwarsbourg, Wolfgang (1492-1566)étudie à l’université de Leipzig. À la mortde son père, il a seize ans. Comme PhilippeIer de Poméranie, il prend la succession del’une des plus anciennes famillesd’Allemagne, la maison d’Anhalt d’Ascanie.En 1521, à la diète de Worms, le princedevient ami et disciple de Luther. En 1530,il signe, à la diète d’Augsbourg, laconfession de foi évangélique, rédigée parMelanchton et devient vite l’un desfondateurs de la ligue de Schmalkalde. À lasuite des nombreux voyages qui servent la

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Réforme, Luther le surnomme « légat de Dieu ».En 1547, mis au ban de l’empire parl’empereur Charles Quint, il se réfugie dansles montagnes du Harz. Ce n’est qu’en1552 qu’il rentre en possession de sesétats, dont, durant ses dernières années, ilconfie le gouvernement à ses cousins. À samort, en 1556, il est enterré dans l’égliseSaint-Barthélémy à Zerbst, où l’on peutencore lire une longue épitaphe à samémoire.Si Wolfgang d’Anhalt est surtout connu pouravoir introduit et propagé la Réforme dansses états, il l’est également pour soncaractère enjoué et pour son courage, savigueur physique, ses habitudeschevaleresques et son habileté auxexercices du corps.

Cet homme de caractère a longtemps étéidentifié comme étant Jean-Frédéric leMagnanime, électeur de Saxe et grandcommanditaire de Cranach (Cranach l’Ancien,1531, Paris, Louvre). Le style du dessin, l’âgeprobable du modèle nous orientant vers1540 et des comparaisons avec d’autresvisages peints – eux-mêmes ré-identifiés –nous ont amenés à reconnaitre celui duprince Wolfgang d’Anhalt (Cranach, Chasse aucerf, 1545, Madrid, musée du Prado ;

monogramme I.S, copie d’un portrait perdu,

autrefois au musée de Gotha ; copie, Bâle ;

Cranach le Jeune, Le Baptême du Christ Zerbst,

église Saint- Barthélémy). Une autre hypothèseévoquant Philippe Ier de Brunswick-Grubenhagen (1476-1551), ferventpartisan de la Réforme, est à mentionner.Cette proposition est séduisante car ellenous relie à Ernest et Catherine deBrunswick-Grubenhagen, ses enfants,figurant dans notre série. Elle ne nousconvainc pas totalement (relief de Philippe Ier,duc de Brunswick-Grubenhagen, château de

Bernburg ; estampe post-mortem ; Hans Cranach,

dessin, Erlangen, Graphische Sammlung der

Universitätsbibliothek) si l’on prendnotamment en compte l’âge supposé dumodèle d’environ quarante ans. Pour cela,nous préférons rester prudent et laisser uneinterrogation sur l’identification retenue dece personnage.

Depuis les années 1930, ce dessin estconsidéré comme l’étude originale, pour leportrait peint d’Ernest le Confesseur.Aujourd’hui, ce tableau a disparu mais uneréplique titrée du monogrammiste I.S.,compagnon de l’atelier de Cranach(Wittenberg, Lutherhalle) permet d’étayer cettehypothèse tout comme une miniature trèsproche de notre dessin, à l’effigie du ducpour les Chroniques illustrées de Lunebourg(1595, Lunebourg, musée). Dans cette version,sans doute la plus fidèle à la peintureperdue, on peut distinguer au centre dumédaillon un aigle ou un griffon. Notonségalement qu’une facture datée de 1538 aété rattachée à une commande auprès deCranach le Jeune pour un portrait du duc.Cette date est selon nous un peu trop tôtpour correspondre à notre étude que noussituons, en raison des ressemblancesstylistiques des autres feuilles, vers 1540.Pour la même raison, le nom de Jean deSaxe évoqué (New York, Metropolitan museumof art, 1537) n’est également pas retenu.

4.

Ernest, duc de Brunswick-Lunebourg, dit le ConfesseurVers 1540 Technique mixte sur papier contrecollé sur carton29 x 19,8 cmSaisies révolutionnaires sur l’École de dessin de Reims

Inv. 795.1.273

Ernest (1497-1546) est le fils d’Henri leJeune, duc de Brunswick-Lunebourg et deMarguerite, fille d’Ernest de Saxe. Trèsjeune, il est à la cour de son oncle Frédéricle Sage, prince électeur de Saxe. Sonprécepteur Georges Spalatin, un des pluszélés partisans de la Réforme, le conduitavec son frère Otton en 1511 à Wittenberg,où il suit les leçons théologiques de Luther.Six ans plus tard, il se rend à Paris à la cour de François Ier. En 1520, son père lerappelle et le prend comme corégent. Ilsigne en 1530 la confession d’Augsbourget s’engage un an plus tard, aux côtés dePhilippe Ier de Poméranie, du princeWolfgang d’Anhalt et du duc Ernest deBrunswick-Grubenhagen, dans la ligue deSchmalkalde. Pendant son règne, lesdoctrines de la Réforme se propagent dansson duché du cercle de la Basse-Saxe. Il enassure la prospérité. Melanchton prononcedes éloges en sa faveur. Surnommé Ernestle Confesseur, il épouse, en 1528, Sophie,fille d’Henri de Mecklenbourg-Schwerin,dont la mère Sophie de Poméranie-Wolgastétait la grand-tante de Philippe dePoméranie et le père, frère de la premièrefemme de Jean le Constant, Sophie deMecklenbourg. Il aura deux enfants, Henri et Guillaume. Ilmeurt en 1546 à quarante-neuf ans,l’année même de la mort de Luther. Unsiècle et demi plus tard, en 1692, lamaison de Brunswick-Lunebourg est élevéeà l’électorat. Cette décision prise parl’empereur tente de rétablir un certainéquilibre entre les catholiques et lesprotestants au sein même des électeurs del’Empire.

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6.

Jean-Ernest, duc de Saxe-CobourgVers 1540Technique mixte sur papier contrecollé sur carton19,5 x 16,9 cm Saisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.275

Jean-Ernest (1521-1553), est le fils aînéde Jean le Constant, prince électeur deSaxe de la branche ernestine. Il a étééduqué par Georges Spalatin. À la mort deson père en 1528, il partage un temps lerègne avec son demi-frère Jean-Frédéric leMagnanime, alors son tuteur, jusqu’à ceque celui-ci lui cède, en 1541, un territoiredistinct provenant de la maison de Wettin-Cobourg.En 1542, il épouse à Torgau Catherine deBrunswick-Grubenhagen. Peu engagé dansla guerre avec l’Empereur, Jean-Ernests’occupe pleinement de son duché : ilconstruit le château d’Ehrenbourg,résidence des ducs de Cobourg jusqu’en1918 et débute à Steinfeld l’exploitation del’or. Sans héritier, ses terres resteront danssa famille, amputées du Königsberg cédé àCharles Quint.Respectivement, Jean-Ernest et Catherinesont par leur sœur et leur frère liés à lafamille de Poméranie.

Le début de la devise de Saxe Als (Alles inEhren traduit en général par « En touthonneur » ) lisible sur la coiffe et sur le colde la jeune femme, a permis d’orienter larecherche vers une princesse de Saxe.Longtemps identifiée à Sybille de Clèves,épouse de Jean-Frédéric le Magnanime,électeur de Saxe, c’est finalement le portraitde Catherine de Brunswick-Grubenhagenque nous retenons. Par comparaison avecd’autres portraits incluant certains détailsvestimentaires et accessoires (peinture ducouple par Cranach le Jeune, collection

américaine Holmès non localisée aujourd’hui ;

miniature, album de Saxe, Dresde, SLUB),l’identification se justifie. Par ailleurs, cetteétude pourrait être considérée comme étantcelle d’un portrait de Catherine nonretrouvé, facturé à Cranach l’Ancien en1541. Ainsi a-t-elle pu être réalisée parCranach le Jeune dans le contexte del’union entre Catherine et Jean-Ernest deSaxe célébrée un an plus tard.

5.

Catherine, princesse de Brunswick-GrubenhagenVers 1540-41 Inscription sur la coiffure et sur le col : « ALS » Technique mixte sur papier contrecollé sur carton30,4 x 20,2 cmSaisies révolutionnaires sur l’École de dessin de Reims

Inv. 795.1.270

Fille de Philippe Ier, duc de Brunswick-Grubenhagen, Catherine est princesse deBrunswick-Grubenhagen (1524-1581). En1542, à dix-huit ans, elle se marie à Torgauavec le duc Jean-Ernest de Saxe-Cobourg,demi-frère du prince électeur de Saxe,Jean-Frédéric le Magnanime et frère deMarie de Saxe. Cette année, Jean-Frédériccède le gouvernement de Cobourg à sonmari et lui attribue une rente annuelle de14 000 gulden. Après la mort de son épouxen 1553, Catherine se remarie en 1559avec Philippe de Schwarzburg-Lautenberg.Elle meurt à Saalfeld, en 1581, sans enfant.Le domaine de Grubenhagen est intégré auXVIe siècle au domaine de Brunswick.Comme son château, situé sur leGrubenhagen, à environ une cinquantainede kilomètres au nord-ouest deNeubrandenbourg, cette ancienneprincipauté est rattachée au cercle deBasse-Saxe.Catherine, sœur du duc Ernest deBrunswick-Grubenhagen, dont nouspossédons le portrait, est la belle-sœur àdouble titre du duc Philippe Ier dePoméranie : par son mari dont la sœurMarie de Saxe a épousé Philippe et par sonfrère, marié à Marguerite de Poméranie.

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L’hypothèse d’une identification avec leportrait du duc Frédéric de Saxe, ferventcatholique de la branche albertine, estaujourd’hui écartée. Le style proche de nosdessins situant l’œuvre vers 1540 et l’âgeenvisagé du jeune homme ont permis dereconnaitre Jean-Ernest de Saxe-Cobourg.Cette nouvelle identification s’est affirméedernièrement en s’appuyant sur deséléments de ressemblance plus pertinents,avec des œuvres connues (portrait commencéen 1532, Sächsisches Stammbuch, Dresde,

SLUB ; l’atelier de Cranach panneau extérieur

droit du retable de Schneeberger, 1539 ; peinture

de l’atelier de Cranach, Berlin, Staatmuseum ;

miniature, Cranach le Jeune, Vienne,

Kunsthistorisches Museum, 1578-1580 ;

tapisserie de Croy, Greifswald, université, 1554)

et avec d’autres œuvres disparues (1546,fac-similé (1814), Stammbuch dit de Cranach,

Berlin, Staatbibliothek). Seules les bouclettesinterrogent encore : sont-elles des rajoutsd’une main extérieure ou le signe d’unemode capillaire qui apparaît après 1540.D’autre part, un autre argument vientenrichir cette reconnaissance : la présencedans la série du portrait de Lucas Cranachle Jeune de Catherine, sa femme, daté de1541. Sans doute, réalisé dans le contextede leur union, ce dessin comme celui deson épouse a pu servir de modèle pour unepeinture du couple par Cranach le Jeunedéjà signalée mais hélas aujourd’hui nonlocalisée.

7.

Ernest III, duc de Brunswick-GrubenhagenVers 1541-42Inscription : « Herzog Ernst von Grubenhagen » (en partie illisible) à l’encre brune Technique mixte sur papier contrecollé sur carton34,1 x 23,3 cm Saisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.274

Ernest (1518-1567) est le frère de laprincesse Catherine de Brunswick-Grubenhagen. Son père, le duc Philippe Ier

de Brunswick-Grubenhagen, assiste en1536 au mariage de Philippe Ier dePoméranie et de Marie de Saxe. Peut-être yest-il également ? Très jeune, Ernest estenvoyé à la cour de Mansfeld, puis à celledu prince héritier de Saxe à Wittenberg oùil écoute Luther. Membre de l’union deSchmalkalde, il combat dans l’arméesaxonne auprès de son père. En 1547, ilpartage la captivité avec Jean-Frédéric leMagnanime après la bataille de Muehlbergcontre Charles Quint. Libéré, Ernestretourne dans son territoire. Après un accord avec les duchés deBrunswick, il porte les armoiries de cettelignée mais s’engage à abandonnerl’héritage de la famille. Il épouse en 1548Marguerite, sœur du duc Philippe Ier dePoméranie. À la mort de son père en 1551,il assume le gouvernement de laprincipauté de Grubenhagen où ildéveloppe notamment une industrieminière importante. Partisan de la Réforme,il supprime la messe catholique dans lescouvents et impose aux prédicateursprotestants un enseignement de l’Évangiledans sa pureté. Pendant quelques années,il combat dans les guerres étrangèresauprès du roi d’Espagne Philippe II. À samort, ses frères lui succèdent ; la lignée deGrubenhagen s’interrompt.

Cette étude, annotée vraisemblablement par l’artiste lui-même, nous désignedirectement la personne représentée. Elleest à rapprocher de deux tableaux à l’effigiedu duc. L’un de Lucas Cranach le Jeune,l’autre du monogrammiste I.S (Wittenberg,Lutherhalle). Nous pouvons le dater auxalentours de 1542, année du mariage de sasœur Catherine (excellente occasion pourune étude de portrait). Ce dessinextrêmement abouti a pu servir de modèlepour d’autres œuvres (Chasse au cerf, 1545,Madrid, musée du Prado) ou collaborateurs del’atelier et artistes (médaille perdue de ValentinMaler, 1575, commandée par le prince électeur

Auguste de Saxe). Ainsi peut-il être considérécomme l’étude de référence. Resteaujourd’hui en suspens la possibilité qu’ilexiste un autre portrait du duc d’après unefacture de 1546 au nom de Cranach et quiaurait pu également être basé sur notredessin. Ernest III est aussi appelé Ernest IVsi l’on prend en compte un Ernest II (1400-1402), le troisième fils d’Ernest Ier.

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dans cette figure celle du comte Johann-Georges Ier de Mansfeld-Eisleben(1515-1579) aurait pu aussi retenir notreattention. Le comté de Mansfeld aégalement été un territoire soutenant laligne de Schmalkalde. Malheureusement, letableau auquel la comparaison faitréférence est une copie de qualité moyenne(entourage de Lucas Cranach l’Ancien, Varsovie,

musée Jean-Paul II ; Lucas Cranach le Jeune,

épitaphe pour Joachim Ie d’Anhalt, Dessau, église

évangélique de la paroisse Saint-Jean et Sainte-

Marie). Aussi, en attendant d’autres preuvesmatérielles, nous conservons pour cetteétude uniquement son attribution à Cranachle Jeune et une datation vers 1545-50, lamême que celle pour Maurice princeélecteur de Saxe, frère d’Auguste.

9.

Portrait anonymeVers 1545-50 Technique mixte sur papier contrecollé sur carton36,3 x 24,6 cmSaisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.277

Dernièrement, l’identification avec Auguste,prince électeur de Saxe, a été remise encause. Comme pour notre feuilleprécédente, une étude plus poussée, baséesur les comparaisons avec les tableauxjusqu’ici mis en rapport avec notre dessin,participe à cette remise en question (LucasCranach le Jeune, 1549, collection particulière

ancienne collection du Denver art museum;

Dresde, Staatliche Kunstsammlungen ; musée de

Friedberg). En effet, bien que le regard etl’orientation de la tête soient similaires, laforme du nez contredit chaque fois lemodèle peint, ainsi que l’âge du modèleestimé à une trentaine d’années. Une foisencore, la question d’une identificationbasée uniquement sur des ressemblancesphysionomistes est particulièrementrisquée. Ainsi, la proposition de reconnaitre

cet homme barbu d’environ quarante anspourrait lui aussi appartenir à la noblesse dela cour de Saxe. Les noms de deux princesde la maison d'Ascanie, l'une des plusanciennes familles princières del'Allemagne, Joachim Ier d’Anhalt-Dessau(1509-1561) et Wolfgang d’Anhalt-Köthen(1492-1566) peuvent être évoqués en lescomparant avec des représentations qui lesmettent en scène. Nous retiendrions plutôtJoachim (monogrammist I.S, Moscou, muséePouchkine ; Cranach, Chasse au cerf, 1545,

Madrid, musée du Prado ; Hans Cranach, 1532,

Dessau-Wörlitz, Kulturstiftung ; Épitaphe pour

Joachim Ier d’Anhalt, détail : Joachim Ier d’Anhalt,

donateur représenté à genoux à l’avant-plan, en

bas à gauche, Dessau, église évangélique de la

paroisse Saint-Jean et Sainte-Marie) pour cetteétude et Wolfgang pour une autre.

8.

Portrait d’un homme barbu(Un prince d’Anhalt ? Joachim Ier d’Anhalt-Dessau ?)Vers 1540Technique mixte sur papier contrecollé sur carton31,5 x 23,7 cm Saisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.269

Joachim Ier d’Anhalt-Dessau (1509-1561),formé à la cour de Georges le Barbu, ducde Saxe, et fervent catholique de la branchealbertine, est un prince qui sera pourtantproche des idées de Luther dont il était amiavec Melanchton. À la mort de leur père en1516, il co-règne avec ses deux frères Jean Vet Georges III. En 1544, après un partagede territoires, il devient le prince d’unenouvelle principauté comprenant Dessau,Lippene, Jeßnitz, Wörlitz et Raguhn.Célibataire et sans enfant, il la transmettraà ses neveux Joachim-Ernest et Bernard VII.

Les anciennes identifications à Jean leConstant, prince électeur de Saxe, puis àKonrad Krebs, architecte du château deTorgau travaillant avec les Cranach, ont étéabandonnées. En effet, les ressemblancestrop incertaines aux modèles précités et denouvelles comparaisons ont favoriséd’autres propositions. Tout en restantprudent, stylistiquement daté vers 1540,

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Depuis Charles Loriquet, conservateur dumusée de Reims en 1881, la fortepersonnalité de Maurice de Saxe et le stylede Lucas Cranach le Jeune ont étéidentifiés. En effet, le duc a été représentéde nombreuses fois par différents artistes.C’est un personnage historique importantpour la destinée de la Saxe et du Saint-Empire romain germanique au XVIe siècle.Dès l’âge de quatre ans, il est peint parLucas Cranach l’Ancien, à vingt-sept ans,sans doute par Titien et plus tard, onconnaît un portrait post mortem par LucasCranach le Jeune, daté de 1578. Notredessin s’apparente particulièrement à deuxtableaux du maître (Dresde Gemäldegalerie,1559 ; musée de Meissen, 1547). Les traits del’homme, le chapeau à la mode et sontraitement stylistique sont tout à faitreconnaissables et confortent la datationenvisagée entre 1545 et 1550. À cetteépoque, Maurice, âgé d’une vingtained’années, est devenu prince électeur deSaxe. Comme d’autres vainqueurs de labataille de Muehlberg en 1547, leursfigures peintes ou gravées par l’atelier desCranach seront largement diffusées à partirde cette date dans les états reconquis parles Habsbourg. Cette étude possède cettequalité de modèle de caractères allant àl’essentiel. Aussi est-il intéressant de noterles rapports qu’entretiennent les artistes decour avec les différents responsablespolitiques, ernestins ou albertins, oureligieux protestants ou catholiques, qu’ilsservent tour à tour simplement au nom del’art.

11.

Portrait anonyme (Auguste de Saxe ?)Vers 1550Technique mixte sur papier contrecollé sur carton36,5 x 24,7 cm Saisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.276

Auguste (1526-1586) est le fils d’Henri Vle Pieux et le frère de Maurice le premierélecteur de Saxe de la branche albertine.En 1548, il épouse Anna, la fille du roiChristian III du Danemark. À défautd’hériter de Maurice, et après avoirrepoussé les prétentions des descendantsde la ligne ernestine, Auguste prend le titred’électeur de Saxe en 1553. Auguste est un souverain collectionneur, surnommé« Auguste le Pieux », « l’Œil », « le Cœur »,et « la Tête de l’Empire ». À partir de 1560,il est le premier à rassembler à Dresde une collection d’outils et d’instrumentsscientifiques et les présente au public. Cecabinet est l’un des ancêtres des muséestechniques nés à la fin du XVIIIe siècle. Parailleurs, Auguste remet les finances en bonétat et donne une nouvelle organisation àl’administration publique de son territoire.En 1580, il favorise l‘adoption de laformule de Concorde par les luthériens quicommencent à se diviser. Deux ans plustard, il s’oppose dans la diète d’Augsbourgà l’introduction du calendrier grégoriendans l’Allemagne protestante. Il meurt en1586 à soixante ans, l’année de son secondmariage avec Agnès-Edwige, appartenant àla principauté d’Anhalt. Ses successeurs ne répondirent pas auxespérances que Maurice et lui-mêmeavaient nourries pour la Saxe. En 1697,Frédéric-Auguste Ier, fils de l’électeur Jean-Georges IV, abjura le luthérianisme pourjoindre à la Saxe le royaume de Pologne.

10.

Maurice, duc de SaxeVers 1545-50 Technique mixte sur papier contrecollé sur carton34,5 x 24,8 cm Saisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.278

Fils du duc Henri le Pieux, Maurice (1521-1553) appartient à la branche albertine dela maison de Saxe. Il épouse en 1541Agnès, la fille du Landgrave Philippe Ier deHesse. En 1544, il sert l’empereur CharlesQuint contre la France et quoiqueprotestant zélé, il combat en 1545 la liguede Schmalkalde. En 1547, il remporte labataille de Muehlberg. Jean-Frédéric leMagnanime est incarcéré un an plus tardavec Cranach l’Ancien : Maurice obtientl’électorat de Saxe. La diète d’Augsbourgoffre quelques concessions aux protestants ;pourtant ceux-ci se rebellent,particulièrement dans le nord del’Allemagne où, en 1551, le nouveau princeélecteur s’empare de Magdebourg toujoursau nom de l’Empereur. Le protestantismeallemand semble condamné à décliner,lorsque Maurice, à la suite d’un revirementinattendu, s’unit avec l’électeur deBrandebourg, le comte palatin et le duc deWurtemberg pour délivrer le Landgrave deHesse, son beau-père, que Charles Quintretient prisonnier. Puis allié avec la France,il s’empare d’Augsbourg et par surprise batCharles Quint à Innsbruck. Il contraintl’Empereur à traiter et à accorder, par letraité de Passau en 1552, une amnistiegénérale et le libre exercice du culteréformé jusqu’à la réunion d’une prochainediète.Chargé l’année suivante, par la chambreimpériale, de réprimer le margrave deBrandebourg, qui trouble la paix, il le bat àStevershausen. Il meurt deux jours après,des suites de ses blessures ; il a trente-deuxans et laisse la réputation d’un boncapitaine et d’un politique habile.À défaut d’héritier direct, Auguste, frère deMaurice, reprend le titre d’électeur de Saxe.

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13.

Un jeune garçon (Un prince de Saxe, Jean-Frédéric III de Saxe ?)Vers 1540 Technique mixte sur papier contrecollé sur carton30 x 20,8 cmSaisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.268

Les portraits d’enfants sont très rares dansl’œuvre des Cranach et de leur atelier. Danscette feuille, l’enfant semble plus jeune quele précédent. Nous pourrions lui donnercinq ans et rechercher également du côtédes familles régnantes de Saxe. De la mêmefacture, nous pouvons également situer ladate de son exécution vers 1540. Aussi,malgré la ressemblance avec le portrait àl’huile du prince Séverin de Saxe,mentionné précédemment, la date de 1526nous oblige à écarter cette hypothèse. Eneffet, le style de notre étude plus tardif nepeut lui correspondre.Et, dans l’esprit de notre série, nouspourrions reconnaitre plutôt le portrait deJean-Frédéric III (1538-1565) de labranche ernestine (miniature, album de Saxe,Dresde, SLUB). Il est le frère de Jean-Guillaume reconnu dans la feuilleprécédente.

12.

Un prince de Saxe (Jean-Guillaume Ier de Saxe ?)Vers 1540Technique mixte sur papier contrecollé sur carton26,7 x 19,5 cm Filigrane : une couronne haute avec doublearmature et perles, par-dessus, une croix doubleet une étoile simple, inscription en dehors de lacouronne (les lettres MI en dessous du diadème) ;cf. Piccard-online nos 55278 (Spandau 1534),55279, 55280 (Wittenberg 1535) et 55285 (Leipzig 1536)Saisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.267

En 1881, Charles Loriquet, conservateur dumusée de Reims reconnait la main de LucasCranach l’Ancien dans ce dessin et évoquela ressemblance avec Jean-Frédéric II, l’undes enfants de Jean-Frédéric le Magnanimeet Sybille de Clèves (copie XIXe siècle, Paris,musée du Louvre). Aujourd’hui, l’hypothèsefortement envisagée serait celle d’un autrefils du couple princier, Jean-Guillaume(1530-1573). L’âge du jeune enfant, dixans, correspond au style des dessins datésvers 1540 et surtout il est fidèle à d’autresreprésentations de lui, notamment dansl’aspect en forme de casque de sa coupe decheveux et son regard perdu (miniature, albumde Saxe, Dresde, SLUB ; atelier de Cranach,

peintures de chasse, Cleveland, Vienne et Madrid,

entre 1540 et 1545). Par ailleurs, nous savonsqu’en 1540, Lucas Cranach le Jeuneportraiturait régulièrement les trois fils duprince électeur, qui perd le pouvoir en 1547au profit de son cousin Maurice.Cette étude témoigne de la proximité desCranach avec la famille de Saxe. Cet enfantdoit apparaitre dans des tableaux, il porteen lui les valeurs de sa famille etcontribuera à les diffuser. Symbole desuccession, quel que soit son prénom, ilpourra jouer un rôle dans l’histoire de laSaxe. D’ailleurs, certains ont reconnu deuxautres enfants de la maison de Saxe de labranche albertine, Séverin et Maurice deSaxe, fils d’Henri le Pieux (Cranach l’Ancien,1526, Darmstadt, Hessisches Landesmuseum).

Au XIXe siècle déjà, la critique retenait pourles dessins qui suivent un style différent desautres études : le nom du fils de Cranachl’Ancien soit Lucas Cranach le Jeune,auquel nous attribuons aujourd’hui la série,était déjà évoqué. Par la suite, l’attributiona été étayée par le rapprochement avec untableau de l’artiste à l’effigie du ducAuguste de Saxe daté de 1549 (collectionparticulière – ancienne collection du Denver art

Museum ; Vienne, Kunsthistorisches museum).

Toutefois, le doute subsiste. En effet, lestyle plus diffus (moins de contours,couleurs plus estompées), plus tardif parrapport à l’ensemble de la série, vers 1550,pourrait correspondre davantage àl’esquisse préparatoire pour ce portraitd’Auguste introduisant même peut-être uneforme d’idéalisation du futur prince électeurde Saxe, amoureux des armes et des arts.Une nouvelle hypothèse doit êtrementionnée : celle d’une étude pour unereprésentation du prince Joachim-Ernestd’Anhalt (1536-1586) (atelier de Cranach,1563, Kulturstiftung Dessau-Wörlitz,

Gemäldesammlung ; Cranach le Jeune, Joachim

Ernest d’Anhalt et la princesse Agnès de Barby,

1563, Staatliche Galerie Moritzburg Halle ;

Cranach le Jeune, 1572, non localisé). Certes,dans ce dernier cas, la ressemblancephysique est intéressante et aussi les liensde parenté avec d’autres dessins de la série(son oncle Joachim ou son cousin Wolfgangd’Anhalt) mais l’âge du modèle présupposéet le style du dessin, que nous avons situévers 1550, ne nous permettent pas deretenir cette identification.

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Dernièrement, une nouvelle identification aété envisagée. Cette proposition nousrenvoie au portrait du duc Frédéric de Saxequi fut un temps également reconnu dansle portrait aujourd’hui identifié comme étantJean-Ernest de Saxe-Cobourg. Mais endehors de la coiffe qui les rassemble, lesportraits de comparaison ne nous semblentpas convaincants. Datée comme les autres,vers 1540, cette étude d’un homme d’unegrande sérénité et de force tranquille estéloignée du visage bouffi et expressifappartenant aux images connues de ceprince héritier handicapé mental.Aujourd’hui, nous conservons seule laqualité de prince à ce personnage. Soncollier énigmatique nous le suggère.Ce prince qui porte un élégant béret, inclinéà la mode espagnole, n’est donc toujourspas identifié. Sans doute est-t-il membre ouallié de la maison de Saxe, dont denombreux représentants sont identifiés dansnotre série ?

15.

Abel JAMAS (1862-1940)

Christian de DanemarkPlanche X, in Dix portraits de Cranach le Vieuxau musée de Reims gravés par Abel JamasExemplaire n°22/45 sur japon impérialParis, Bayeux, A. Porcabeuf, 1930Bibliothèque, centre de ressources

Abel Jamas est bien représenté dans lescollections du musée par quatre dessins(deux acquis par don en 2014) et dix-neufestampes. Son art, éloigné des avant-gardes, est un solide témoignage de lapoursuite de l’art de la gravure traditionnelleen France en cette première moitié du XXe

siècle. Dans cet ouvrage rare, préfacé avecenthousiasme par Paul Jamot, célèbredirecteur du Louvre mais aussi directeur dumusée, l’artiste propose son interprétationdes Cranach (présentée à Paris au Salon en1927, 1928 et 1930). À l’époque, l’auteurétait Cranach l’Ancien et les identificationsdes personnages parfois différentesd’aujourd’hui. D’une certaine manière,l’artiste se situe à la suite de ces grandsdessinateurs et graveurs nés en Champagnedepuis le XVIe siècle ; rappelons-les : JeanCousin, Robert Nanteuil, Edmé Moreau,Claude Gillot, les frères Varin.

14.

Un princeVers 1540 Technique mixte sur papier contrecollé sur carton30 x 19,7 cm Filigrane : une couronne haute avec double armature et perles, par-dessus, une croix doubleet une étoile simple. La partie inférieure est illisible. Impossible donc de dire s’il s’agit dela couronne en filigrane visible sur le portrait dujeune Prince de SaxeSaisies révolutionnaires sur l’École de dessin de ReimsInv. 795.1.272

L’hypothèse formulée du portrait deChristian II, roi du Danemark, chassé de sonpays et ayant séjourné à Wittenberg en1523 (peut-être dans la maison deCranach), est désormais totalement réfutée.La ressemblance n’est pas convaincante etla date des œuvres prématurée pour le stylede notre dessin. Comme pour nos autresdessins de Cranach le Jeune, par unitéd’écriture, visible notamment dans la libertémaîtrisée du trait et par unité esthétique,nous le datons autour des années 1540.Seul le chapeau, accessoire de base pour unportrait, est traité d’une façon différente.Celui-ci n’est plus cerné dans sa surface, ilest uniformément rempli. Cette techniquesemble être postérieure à la créationoriginale.

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Commissariat de l’exposition Marie-Hélène Montout-Richard et l’équipe de la conservation du musée des Beaux-Arts

Le Petit journalAuteurs des textes : Francine Bouré, Nadège Dauga, Catherine Delot, Catherine Drouin, Marie-Hélène Montout-RichardArbre généalogique : Maryline Bégat-GilsonConception 3D : Xavier TrédanielSuivi éditorial : centre de ressourcesMaquette : Isabelle PerreauImpression : reprographie et coordination moyens impression Reims Métropole

Accessible et téléchargeable avec une bibliographie sélective et critique sur http://www.reims.fr/musee-beaux-arts

Musée des Beaux-Arts8 rue Chanzy - 51100 ReimsTél : 03 26 35 36 00 fax : 03 26 86 87 75Contact informations générales : [email protected] : tous les jours sauf le mardi 10 h > 12 h et 14 h > 18 h

Tarifs

Collections du musée4 € : plein tarif, musée des Beaux-Arts / Chapelle Foujita3 € : ouverture partielle du musée3 € : tarif réduit 18 / 25 ans et + 65 ans3 € : tarif groupe à partir de 20 personnes3 € : exposition temporaire (en plus du tarif d’entrée)15 € : Pass intermusées (entrées pour les 5 musées municipaux - hors exposition temporaire)25 € : Pass fidélité (gratuité musée + exposition + toutes les actions du musée) - valable un an

Activités5 € : musique au musée concert professeurs 4 € : visite commentée (en plus du billet d’entrée)4 € : spectacles pour les adultes3 € : ateliers pour les adultes2 € : spectacles pour les enfants, à partir de 5 ans jusqu’à 8 ans Gratuit : spectacles pour les enfants de moins de 5 ans 25 € : scolaires hors Reims, en visite libre40 € : scolaires hors Reims, en visite accompagnée

GratuitéPour les étudiants (sur présentation de la carte), les écoles maternelles, primaires, les collèges et leslycées rémois, les maisons de quartier et centres de loisirs rémois, les personnes en situation dehandicap, les jeunes de la Mission locale, les demandeurs d’emplois, les titulaires du RSA.Lors des opérations nationales : journées européennes du patrimoine, les 1ers dimanches de chaquemois, la Nuit européenne des musées...

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Autour de l’expositionVisite-atelier *: spécial gravure / autour de CranachMercredi 30 mars et lundi 4 avril de 14 h à 16 hPour parents et enfants à partir de 6 ans

« Midis au musée »* : spécial CranachJeudi 31 mars à 12 h 30

Soirée :Jeudi 31 mars de 18 h à 21 h 30

Visite guidée : le portrait en question - de Cranach à ChampaigneSamedi 2 avril à 14 h 30 et à 16 h 30

Premier dimanche du mois :Le dimanche 3 avril, entrée gratuite du musée et de l’exposition.

*Réservation auprès du service des publics au 03 26 35 36 10

Centre de ressources :Ouvrages et documentation en consultation sur le sujet de l’expositionSur rendez-vous du lundi au vendredi au 03 26 35 36 08

Tarifs :Voir page précédente

En couvertureLucas Cranach le Jeune (1515-1586), Un prince,vers 1540, Inv. 795.1.272.

Ville de Reims Direction de la communicationMusée des Beaux-Arts Photo : Christian DevleeschauwerCrédits photographiques : © MBA REIMS 2016photos Christian Devleeschauwer

ISBN 13 N° 978-2-911846-54-0

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REGARD SUR...CRANACH musée

des Beaux-Artsde Reims

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