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Direction de l’économie Service de l’agriculture et de l’agroalimentaire Session du Conseil Régional Juin 2013 Mise en œuvre d’une démarche d’innovation et de progrès vers une agriculture écologiquement performante par la Région Bretagne La Bretagne est la première région agricole de France et la troisième d’Europe. Elle est donc confrontée plus que d’autres aux multiples défis auxquels fait face l'agriculture : crises sanitaires diverses et défi de l’alimentation de neuf milliards d'êtres humains en 2050, mondialisation et impact des négociations commerciales internationales pour l'agriculture et l’industrie agro-alimentaire très présentes en Bretagne, réforme de la PAC, variabilité du revenu des agriculteurs, respect de l’environnement et construction d'alternatives durables aux intrants chimiques, évolution de la demande sociale vis-à-vis de l'agriculture... Parmi les orientations définies dans la Nouvelle Alliance, figure notamment la nécessaire évolution vers des agricultures mettant la performance écologique au service des performances agronomiques et économiques dans les exploitations agricoles bretonnes. Deux propositions concrétisent cette orientation et introduisent le concept d’Agriculture Ecologiquement Performante (AEP). Proposition Nouvelle Alliance n°12 Le Conseil régional de Bretagne rédigera dans le cadre du budget 2012 un document de référence technique adapté à notre région de polyculture-élevage (objectifs et indicateurs), défini avec les organisations professionnelles, en vue de soutenir les agricultures écologiquement performantes. Proposition Nouvelle Alliance n°13 A partir de 2012, le Conseil régional de Bretagne conditionnera progressivement ses aides à l’engagement dans le cahier des charges régional des agricultures écologiquement performantes, ou dans un système herbager ou biologique. A travers l’AEP, fer de lance de la Nouvelle Alliance, il s’agit de produire en quantité suffisante une alimentation saine et de qualité. L’AEP, dessine une nouvelle stratégie pour l'agriculture et l’agroalimentaire dans un contexte de mutations importantes et rapides de l'agriculture bretonne. Pour cela, il convient de s'adapter en privilégiant une agriculture économe en énergie, en eau et en chimie et d'innover en utilisant au mieux le fonctionnement des écosystèmes, sans altérer leur renouvellement. Il est

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Direction de l’économie

Service de l’agriculture et de l’agroalimentaire

Session du Conseil Régional Juin 2013

Mise en œuvre d’une démarche d’innovation et de progrès vers une agriculture écologiquement performante par la Région Bretagne

La Bretagne est la première région agricole de France et la troisième d’Europe. Elle est donc confrontée plus que

d’autres aux multiples défis auxquels fait face l'agriculture : crises sanitaires diverses et défi de l’alimentation de

neuf milliards d'êtres humains en 2050, mondialisation et impact des négociations commerciales internationales

pour l'agriculture et l’industrie agro-alimentaire très présentes en Bretagne, réforme de la PAC, variabilité du

revenu des agriculteurs, respect de l’environnement et construction d'alternatives durables aux intrants chimiques,

évolution de la demande sociale vis-à-vis de l'agriculture...

Parmi les orientations définies dans la Nouvelle Alliance, figure notamment la nécessaire évolution vers des

agricultures mettant la performance écologique au service des performances agronomiques et économiques dans

les exploitations agricoles bretonnes. Deux propositions concrétisent cette orientation et introduisent le concept

d’Agriculture Ecologiquement Performante (AEP).

Proposition Nouvelle Alliance n°12

Le Conseil régional de Bretagne rédigera dans le cadre du budget 2012 un document de référence

technique adapté à notre région de polyculture-élevage (objectifs et indicateurs), défini avec les

organisations professionnelles, en vue de soutenir les agricultures écologiquement performantes.

Proposition Nouvelle Alliance n°13

A partir de 2012, le Conseil régional de Bretagne conditionnera progressivement ses aides à

l’engagement dans le cahier des charges régional des agricultures écologiquement performantes,

ou dans un système herbager ou biologique.

A travers l’AEP, fer de lance de la Nouvelle Alliance, il s’agit de produire en quantité suffisante une alimentation

saine et de qualité. L’AEP, dessine une nouvelle stratégie pour l'agriculture et l’agroalimentaire dans un contexte de

mutations importantes et rapides de l'agriculture bretonne.

Pour cela, il convient de s'adapter en privilégiant une agriculture économe en énergie, en eau et en chimie et

d'innover en utilisant au mieux le fonctionnement des écosystèmes, sans altérer leur renouvellement. Il est

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nécessaire d’envisager une réorganisation progressive de l'agriculture et des filières agroalimentaires. Cette

Agriculture Ecologiquement Performante doit être appropriée et généralisée par l'ensemble des acteurs,

agriculteurs et organisations de l’amont et de l’aval.

Un changement dans les modes de production est déjà enclenché vers plus d’agro-écologie. Ces différents

changements montrent qu’il est possible d’allier performance économique, sociale et environnementale.

Ainsi la définition d’une politique régionale d’appui à l’AEP revêt une dimension stratégique et une dimension

technique.

Après avoir présenté des éléments de contexte, ce document décline une caractérisation de l’agriculture

écologiquement performante et les modalités de mise en œuvre de l’AEP par la Région Bretagne.

Je vous propose :

- d’approuver les orientations régionales sur la mise en œuvre de l’agriculture

écologiquement performante telles que présentées dans le rapport joint.

- de m’autoriser à mettre au point, avec nos partenaires, les axes opérationnels qui en

découlent.

Le Président

Pierrick MASSIOT

16643
P Massiot
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1

Vers une agriculture

écologiquement performante

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2

Sommaire

INTRODUCTION................................................................................................................................................. 3

1 – CONTEXTE DE MISE EN ŒUVRE DE L’AGRICULTURE ECOL OGIQUEMENT PERFORMANTE ................................................................................................................................................. 4

L’AEP, PILIER DE LA NOUVELLE ALLIANCE ....................................................................................................... 4 UN CONTEXTE FAVORABLE AU CHANGEMENT..................................................................................................... 5 UNE ANALYSE PARTAGEE DES ENJEUX DE L’AGRICULTURE BRETONNE............................................................... 6

Au niveau spatial ........................................................................................................................................... 6 Au niveau de l’entreprise............................................................................................................................... 6 Au niveau de l’environnement ....................................................................................................................... 7 Au niveau de l’économie................................................................................................................................ 8

2 – VERS UNE DEFINITION DE L’AEP .......................................................................................................... 8

UN TRAVAIL PREPARATOIRE INDISPENSABLE......................................................................................................8 L’AEP ET LES DIFFERENTS COURANTS AGRICOLES............................................................................................. 9

Une diversité de courants agricoles .............................................................................................................. 9 L’AEI : concept, méthode ou outil ?............................................................................................................ 10 Le positionnement de l’AEP ........................................................................................................................ 11

L’AEP, UNE DEMARCHE SYSTEMIQUE DE PROGRES ET D’ INNOVATION PLUTOT QU’UN CAHIER DES CHARGES.. 11 Le refus quasi-unanime du cahier des charges ........................................................................................... 11

L’AEP, DEMARCHE DE PROGRES....................................................................................................................... 12

3 – PROPOSITIONS DE MISE EN ŒUVRE DE L’AEP............................................................................... 15

SCHEMA D’ENSEMBLE DE MISE EN ŒUVRE DE L’AEP........................................................................................ 15 DES CONTRATS COLLECTIFS DEDIES A L’AEP AVEC LES GROUPES AGRICOLES................................................. 15

Objectifs et moyens......................................................................................................................................15 Les conditions de base................................................................................................................................. 16 Une grille d’analyse des projets .................................................................................................................. 17 Attributions.................................................................................................................................................. 17

LA CREATION D’UN COMITE AEP...................................................................................................................... 17 Objectifs et moyens......................................................................................................................................17 Principes de fonctionnement ....................................................................................................................... 18 Attributions.................................................................................................................................................. 18

L’ APPUI DE LA RECHERCHE............................................................................................................................... 19 Objectifs et moyens......................................................................................................................................19 Attributions.................................................................................................................................................. 19

L’ IMPLICATION DES LYCEES AGRICOLES........................................................................................................... 19 Objectifs et moyens......................................................................................................................................19 Attributions.................................................................................................................................................. 20

L’ AMELIORATION CONTINUE DES DISPOSITIFS REGIONAUX ACTUELS................................................................ 20

4 – LES ENGAGEMENTS BUDGETAIRES DE LA REGION..................................................................... 21

5 - SUIVI DU PROJET AEP ET EVALUATION............................................................................................ 21

CONCLUSION.................................................................................................................................................... 22

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Introduction En votant la Nouvelle Alliance agricole en juin 2011, le Conseil régional de Bretagne s’est engagé dans une démarche progressive de métamorphose de l’agriculture bretonne. Il ne s’agit pas de privilégier un ou plusieurs systèmes de production au détriment des autres, mais bien d’engager l’ensemble de l’agriculture bretonne dans une démarche de progrès. Pour y parvenir, le Conseil régional proposait de soutenir les agricultures écologiquement performantes. Après deux ans de travail, c’est l’objet du présent rapport. Il a tout d’abord été nécessaire de faire l’état des lieux actualisé des courants de pensée qui traversent actuellement le monde agricole et agronomique d’une part, mais également du vécu et des attentes des acteurs de terrain d’autre part. Fidèle à la méthode qu’elle a mise en œuvre avec succès dans la préparation de la Nouvelle Alliance, la Région s’est attachée à prendre le temps d’une large concertation avant d’élaborer ses propositions. L’agriculture connaît actuellement une période de crises à la fois très difficile à vivre pour celles et ceux qui doivent en supporter les conséquences socio-économiques, mais aussi potentiellement fertile pour l’avenir grâce au foisonnement d’idées et de concepts pour faire évoluer l’agriculture bretonne afin qu’elle parvienne à relever les défis qui se présentent à elle. La responsabilité de la Région Bretagne n’est pas de prendre partie pour l’un ou l’autre des courants existants, mais de permettre les conditions d’une concrétisation de toutes les bonnes volontés. Le Conseil régional propose donc dans ce rapport sa vision de l’agriculture écologiquement performante ainsi qu’une méthode pour sa mise en œuvre, dans une logique de souplesse et d’ouverture afin que nul n’en soit exclu a priori. C’est à cette condition que l’AEP sera fidèle à l’esprit de la Nouvelle Alliance et qu’elle sera en mesure de contribuer réellement à la métamorphose de l’agriculture bretonne.

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1 – Contexte de mise en œuvre de l’agriculture écologiquement performante

L’AEP, pilier de la Nouvelle Alliance

La Bretagne est la première région agricole de France et la troisième d’Europe. Elle est donc

confrontée plus que d’autres aux multiples défis auxquels fait face l'agriculture : défi de l’alimentation

de neuf milliards d'êtres humains en 2050 et crises sanitaires diverses, mondialisation et impact des

négociations commerciales internationales pour l'agriculture et l’industrie agro-alimentaire très

présentes en Bretagne, réforme de la PAC, variabilité du revenu des agriculteurs, respect de

l’environnement et construction d'alternatives durables aux intrants chimiques, évolution de la

demande sociale vis-à-vis de l'agriculture...

Pour répondre à ces défis et construire de nouvelles orientations, le Conseil régional de Bretagne a

organisé six mois de débats et de consultations publiques entre décembre 2010 et mai 2011. Sur cette

base, il a bâti une Nouvelle Alliance agricole pour rassembler les Bretonnes et les Bretons autour de cet

enjeu de société qu'est l'agriculture, particulièrement en Bretagne.

Parmi les orientations définies dans la Nouvelle Alliance, figure notamment la nécessaire évolution

vers des agricultures mettant la performance écologique au service des performances agronomiques et

économiques dans les exploitations agricoles bretonnes. Deux propositions concrétisent cette

orientation et introduisent le concept d’Agriculture Ecologiquement Performante (AEP).

Proposition Nouvelle Alliance n°12

Le Conseil régional de Bretagne rédigera dans le cadre du budget 2012 un document de

référence technique adapté à notre région de polyculture-élevage (objectifs et

indicateurs), défini avec les organisations professionnelles, en vue de soutenir les

agricultures écologiquement performantes.

Proposition Nouvelle Alliance n°13

A partir de 2012, le Conseil régional de Bretagne conditionnera progressivement ses

aides à l’engagement dans le cahier des charges régional des agricultures

écologiquement performantes, ou dans un système herbager ou biologique.

A travers l’AEP, pilier de la Nouvelle Alliance, il s’agit de produire en quantité suffisante une

alimentation saine et de qualité. L’AEP doit dessiner une nouvelle stratégie pour l'agriculture et

l’agroalimentaire dans un contexte de mutations importantes et rapides de l'agriculture bretonne.

Pour cela, il convient de s'adapter en privilégiant une agriculture économe en énergie, en eau et en

chimie et d'innover en utilisant au mieux le fonctionnement des écosystèmes, sans altérer leur

renouvellement. Il est nécessaire d’envisager une réorganisation progressive de l'agriculture et des

filières agroalimentaires. Cette Agriculture Ecologiquement Performante doit être appropriée et

généralisée par l'ensemble des acteurs, qu’ils soient agriculteurs ou de structures de l’amont ou de

l’aval.

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Un contexte favorable au changement

Les difficultés traversées par l’agriculture bretonne, qui vont jusqu’à remettre en question la nature du

métier d’agriculteur, rendent nécessaire la refondation d’un contrat social autour de l'agriculture. En

effet dans les années 60, le contrat social au cœur des politiques publiques agricoles européennes était

fondé sur :

� L’autosuffisance alimentaire (produire en quantité et en qualité) puis la vocation exportatrice

de l’agriculture, la société ayant délégué exclusivement cette mission aux agriculteurs et aux

IAA ;

� La garantie d’un revenu aux producteurs (toujours dans le traité européen actuellement), à

parité avec les autres acteurs économiques ;

� Le réemploi de la main d’œuvre agricole en « surplus » vers l’industrie prévue par exemple

dans le cadre des plans d'aménagement de la DATAR.

Aujourd’hui, un nouveau contrat social est à construire sur les bases de l’agriculture écologiquement

performante et du développement durable car :

� L’autosuffisance agroalimentaire a été atteinte en Europe (sauf en ce qui concerne

l’alimentation animale), alors que la qualité de l'alimentation redevient de plus en plus une

question sociétale ;

� Les réformes successives de la PAC ont conduit à l’abandon d’une politique de régulation des

prix au profit d’aides directes découplées qui ne sont plus en mesures de stabiliser les revenus

agricoles ;

� La concentration industrielle de l'agriculture change profondément les modèles économiques

imaginés dans les années 60 (agriculture familiale). L’agro-alimentaire ne compense plus les

pertes d’emplois.

Dans cette perspective de changement de contrat social, l’AEP constitue une opportunité sur laquelle

peut se fonder une nouvelle articulation entre la société bretonne et son agriculture.

Les acteurs de la sphère agricole sont actuellement à la recherche d’un nouveau souffle en raison de

crises à répétition. L’AEP peut permettre d’ouvrir des perspectives en termes de progrès possibles au

niveau social, économique et environnemental par une approche systémique. Les acteurs bretons, dans

leur grande majorité, expriment l’envie de participer à une dynamique collective.

Ce changement, comme dans les années 60, ne peut pas être uniquement descendant mais doit

résulter d'une synergie entre le développement d'expérimentations locales qui peu à peu se

sédimentent et des politiques nationales et européennes porteuses. La mise en place d'un processus

d'innovation socio-technique est le bon moyen pour arriver à mettre cette dynamique de changement

en marche.

Les évolutions européennes et nationales des politiques agricoles sont autant de facteurs favorables à

l’AEP dont la Région Bretagne doit se saisir pour anticiper et préparer les évolutions à venir :

� La mise en place de groupes opérationnels développant des projets agro-écologiques locaux

seront soutenus dans le cadre du Partenariat européen d’innovation (PEI) sur la productivité

et la durabilité en agriculture.

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� La loi d’avenir en préparation à l’échelon national fera vraisemblablement référence à l’agro-

écologie et aux organisations collectives des agriculteurs au travers du projet de Groupements

d’Intérêt Economique et Environnemental1 (GIEE) ;

� La nouvelle Politique agricole commune (PAC) actuellement en négociation avec le

verdissement et la surprime aux 50 premiers hectares, ainsi que la régionalisation du FEADER

vont impacter la mise en œuvre de l’AEP au niveau régional.

Une analyse partagée des enjeux de l’agriculture br etonne

Bien que très divers, les acteurs rencontrés au cours du travail préparatoire à l’AEP se rejoignent

lorsqu’il s’agit de décrire les enjeux auxquels l’agriculture bretonne est aujourd’hui confrontée. Ils

évoquent quatre familles d’enjeux, auxquels l’AEP peut apporter une forme de réponse.

Au niveau spatial

L’évolution de l’occupation et de la qualité des sols, et plus largement de l’aménagement du territoire

est une préoccupation majeure dans le monde agricole. Beaucoup, observant la progression actuelle

des surfaces en grandes cultures et un marché mondial favorable, craignent le développement de la

végétalisation, c'est-à-dire l’abandon de l’élevage au profit des grandes cultures.

Ses conséquences prévisibles seraient la chute de l’élevage en Bretagne et la mise en péril des outils

industriels de découpe et de transformation de la viande et du lait, sans parler de la transformation des

paysages et de la perte d’une part de l’identité culturelle régionale.

A l’échelle nationale vire européenne, différentes évolutions sont envisageables à partir de la situation

actuelle.

Pour certains acteurs, la spécialisation par bassin est inéluctable, comme dans certains pays d’Europe

du Nord, car elle permettrait de rationaliser notamment les déplacements liés à l’approvisionnement

des exploitations et à la collecte des produits. On pourrait ainsi aboutir à la juxtaposition de bassins

laitiers et de bassins de productions hors-sol.

Pour d’autres à l’inverse, la coexistence de différents systèmes d’exploitation au sein d’un même bassin

doit perdurer car elle permet des formes de complémentarité et d’équilibre, particulièrement pour la

gestion des déjections, l’état sanitaire des animaux, la lutte contre les ravageurs et le maintien du

revenu agricole, etc.

Pour d’autres encore, l’idéal serait de retrouver davantage de diversité au sein même des exploitations,

afin de maximiser les bénéfices liés à cette biodiversité.

Au niveau de l’entreprise

Un choix du même type s’offre à l’agriculteur concernant son travail. A-t-il intérêt à se spécialiser pour

optimiser son temps ou doit-il privilégier la polyvalence, afin de préserver sa capacité d’adaptation en

cas de nécessité de changer de type de production ?

La question de la transmission des exploitations émerge également comme une problématique

majeure de l’agriculture contemporaine. Les solutions actuelles, au travers des dispositifs DJA-PJA

(dotation et prêts pour les jeunes agriculteurs) apparaissent insuffisantes et d’effet limité. Certains

1 Modèle d’organisation collective qui permettrait de réaliser des investissements ou d’effectuer des changements de pratiques agricoles dans une démarche agro-écologique. Ils pourraient mobiliser les outils budgétaires de la PAC en bénéficiant d’incitations plus fortes que pour des projets individuels. Ils bénéficieraient aussi d’une fiscalité avantageuse.

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appellent de leurs vœux une caution publique pour sécuriser la transmission d’outils aujourd’hui trop

coûteux pour être portés sur le modèle de l’exploitation familiale.

La question de l’articulation du capital et de la main d’œuvre également fait débat. Les structures

classiques dans lesquelles le capital et les travailleurs sont d’origine familiale, sont moins fréquentes

aujourd’hui, au profit de structures dans lesquelles le capital reste familial mais où l’on a recours à des

travailleurs salariés.

Une autre forme d’entreprises est parfois avancée, qui ferait coexister un capital privé collectif et des

travailleurs indépendants ou salariés, par exemple sous la forme de SCAEC2. Cette solution, qui

présente l’avantage de dissocier capital et travail et de donner une forme de réponse à la

problématique de la transmission à chaque génération, est peu évoquée et fait l’objet de rares travaux,

mais pourrait constituer une alternative à une gouvernance capitalistique de l’agriculture.

De plus, sans aller jusqu'à ces formes coopératives de production, encore culturellement éloignée du

monde agricole breton3 (à l'exception de certains des jeunes installés hors cadre familial), des formes

complexes d'organisations collectives, articulant différents statuts et objectifs (CUMA intégrale,

assolement en commun, alimentation des troupeaux en commun...) voient le jour et pourraient

préfigurer de nouvelles formes d'entreprises de production en agriculture.

Au niveau de l’environnement

Un autre débat, qui traverse l’agriculture depuis l’émergence des problématiques environnementales,

porte sur la manière dont les agriculteurs prennent en compte cette préoccupation. On retrouve encore

aujourd’hui deux attitudes différentes face à la pression sociétale croissante et au renforcement

parallèle de la réglementation environnementale. Certains agriculteurs subissent ces nouvelles normes

environnementales comme des contraintes qui s’additionnent progressivement avec le sentiment que

« cela n’en finit pas ». D’autres, à l’inverse intègrent cette préoccupation dans leur stratégie et

devancent ainsi l’évolution réglementaire, ou en tout cas s’y adaptent plus facilement.

On peut distinguer4 :

- Les éco-promoteurs sont sensibilisés aux problèmes de l’environnement et aux

impacts négatifs de certaines pratiques agricoles. Ils expérimentent donc des pratiques

plus respectueuses de l’environnement et peuvent aller jusqu’à la conversion en

agriculture biologique. Ils cherchent à redéfinir leur identité professionnelle sur un

modèle alternatif à celui de l’agriculteur-producteur et à promouvoir une agriculture qui

rétablit le lien entre agriculteurs et consommateurs.

- Les éco-opportunistes adoptent un comportement d’appropriation stratégique de

l’enjeu environnemental pour préserver une identité professionnelle fondée sur le modèle

de l’agriculteur-producteur. L’adhésion aux dispositifs pour ces agriculteurs représente

une série d’opportunités : anticiper sur la réglementation, tirer bénéfice des financements

publics (mise aux normes des bâtiments d’élevage…), améliorer son image de marque et

prévenir les conflits avec l’environnement social.

- Les éco-sceptiques tendent à relativiser le rôle de l’agriculture dans la dégradation des

milieux. Ils s’estiment prisonniers d’un système agricole symbolisé par la PAC et la

mainmise de filières intégrées de production et de distribution. Ils subissent les normes

environnementales.

2 Une Société Coopérative Agricole d'Exploitations en Commun (SCAEC) est une SCOP ou les agriculteurs sont coopérateurs (comme dans une CUMA ou dans une coopérative), ils travaillent obligatoirement dans la structure. Les SCAEC ont des capitaux impartageables. Il en existe très peu en France (recensé de l'ordre de 5 ou 6 en 2007). 3 Les SCOP montrent quotidiennement que l'on peut entreprendre dans un cadre collectif. On peut, par exemple, faire le parallèle entre les secteurs de l'agriculture et du bâtiment. Un jeune formé dans les métiers du bâtiment aura envie de créer sa propre entreprise. Quand il rencontre une SCOP, il découvre qu'il peut entreprendre collectivement sans renier son idéal de liberté, d'autonomie... 4 Busca, 2010

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Au niveau de l’économie

Certains acteurs économiques restent sur des stratégies classiques plutôt poussées par l'offre. De

manière caricaturale, on pourrait dire « continuer à vendre ce que l'on produit ». En production

laitière par exemple, ces acteurs sont sur une offre classique (beurre, poudre, lait de consommation).

D'autres acteurs mettent en place des stratégies construites sur la demande et ses évolutions. Une

partie de la filière légumes adoptent ces stratégies avec une segmentation très forte de leur offre, un

marketing puissant qui a un impact fort sur la production et son organisation : « on produit, on récolte

en fonction de la demande et des cours du marché ».

Enfin, de nouvelles stratégies émergent, proches de la seconde, mais fondées sur un pari de l'évolution

sociétale plutôt que sur des choix marketing. Ceux qui portent ces nouvelles stratégies sont prêts à

dialoguer et à répondre à des demandes sociales protéiformes (certains disent contradictoires,

notamment les acteurs de la première stratégie) : refus des OGM, approvisionnement de proximité,

sécurité alimentaire en qualité et en quantité, prix accessibles, préoccupations environnementales...

2 – Vers une définition de l’AEP

La réflexion sur l’AEP a nécessité un important travail préparatoire, accompagné par un cabinet

spécialisé.

Un travail préparatoire indispensable

La définition de l’AEP a nécessité un travail de réflexion et de construction qui a été mené de juin 2012

à juin 2013. L’accompagnement par un cabinet a donné des gages de neutralité et de confidentialité qui

a permis d’avoir accès à une parole plus libre, l’anonymat étant garanti lors des entretiens. Un

important travail bibliographique a été réalisé sur les sujets se rapportant à une agriculture

écologiquement performante, qui a été synthétisé sous un format court d’une dizaine de pages.

Le travail préparatoire a conduit à rencontrer une trentaine d’acteurs agricoles : coopératives,

organisations consulaires de développement agricole, association de développement agricole,

groupement économique de producteurs, chercheurs, instituts techniques, institutions, centre

comptable, représentant des industries agro-alimentaires.

Ce travail d’entretien individuel a été complété par une séance collective de travail créatif, avec

l’ensemble des acteurs agricoles bretons, le 5 décembre 2012. L’objectif a été de décloisonner les

réseaux lors de cette réunion qui a mis les acteurs en position d’échanges libres et créatifs face à des

scénarios fictifs d’évolution de l’agriculture. Une cinquantaine de personnes ont participé à la

réflexion : en plus des acteurs rencontrés individuellement, les services des conseils généraux, des

représentants des lycées, des élus régionaux, un représentant de la formation continue des agriculteurs

étaient présents.

Les participants ont travaillé sur la base de scenarii contrastés : « demain est moins à découvrir qu’à

inventer »5. Travailler à partir de scenarii est une méthode tirée de la prospective. Son objet est de

former un projet pour l’avenir, de préparer à l’action. Nous avons utilisé, comme support à notre

5 G. BERGER

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9

réflexion, quatre scenarii rédigés en s'inspirant librement des travaux de la recherche en sociologie et

sciences politiques (Hervieu & Purseigle)6, et en s'appuyant sur les enseignements de la phase d'état

des lieux :

� contrastés pour pousser la réflexion et ne pas chercher, à ce stade créatif, de consensus ;

� crédibles pour travailler dans le « concret » ;

� parfois décalés, car nous étions dans la réflexion et la créativité.

Le résultat final n’étant pas l'un de ces scenarii, il ne s'agissait donc pas de choisir.

Suite à ces différentes phases, le cabinet a pu faire un certain nombre de propositions ambitieuses et

ancrées dans les préoccupations des acteurs professionnels.

Par la suite, les propositions ont été discutées à deux reprises en Commission Economie avec les élus

régionaux et présentées au Directeur de la DRAAF, aux syndicats agricoles, à la Chambre Régionale

d’Agriculture, à Eaux et Rivières de Bretagne et au Président du CESER.

Les propositions ont également été discutées dans le cadre de la démarche Agenda 21 via la grille de

questionnement de la durabilité PADUS. Cette lecture confirme que l'AEP s'inscrit pleinement dans

une démarche intégrée de développement durable. Elle a également permis de faire apparaître des

pistes de travail tant pour contribuer à faire émerger des actions et affiner ainsi la définition de l'AEP

que pour la réalisation du projet. PADUS sera également utilisé comme guide pour la mise en œuvre de

l’AEP.

L’AEP et les différents courants agricoles

Le travail préparatoire a également mis en exergue la diversité des courants au sein de la profession

agricole. Il nous a semblé indispensable de positionner l’AEP par rapport à ces différents courants.

Une diversité de courants agricoles

Une mise en perspective historique des différents courants (modèles d’organisation) agricoles permet

de dégager des liens de filiation.

Un premier ensemble est constitué de l’agriculture biologique, de l’agriculture intégrée et de l’agro-

écologie, qui ont pour point commun d’activer le fonctionnement biologique des écosystèmes.

L’agro-écologie peut être une discipline scientifique, un mouvement ou une pratique. Les racines de

l’agroécologie comme science sont basées principalement sur les disciplines de l‘agronomie et de

l’écologie. Néanmoins, la pratique agroécologique est devenue un mode de production agricole qui fait

l'objet d'étude et se développe indépendamment de toutes considérations autres qu'agronomiques, à

l'image des travaux menés dans ce domaine par le CIRAD et l'INRA. En France, divers mouvements

représentent ce mouvement qui prône le respect des écosystèmes et intègre les dimensions

économiques, sociales et politiques de la vie humaine. Il s'agit d'une démarche qui vise à associer le

développement agricole à la protection de l’environnement. Plus récemment, l’agro-écologie a été

reprise dans le programme de travail de Stéphane Le Foll, Ministre en charge de l’agriculture. Olivier

De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation y fait également

référence.

6 HERVIEU (Bertrand) et PURSEIGLE (François), Pour une sociologie des mondes agricoles dans la globalisation, Études rurales, n°183, janvier-juin 2009 et Des agricultures avec des agriculteurs. Une nécessité pour l’Europe Projet, n°321, avril 2011

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Les autres courants principaux sont :

- L’agriculture durable se réfère à la définition du développement durable avec le respect des

trois piliers économique, social et environnemental ; elle est décliné concrètement par la mise

en place de systèmes de production autonomes et économes, viables, vivables et

transmissibles (système herbager ou de cultures économe en intrants) ; elle contribue à des

espaces d'échange entre paysans et citoyens ; elle est mise en œuvre dans l’Ouest par le Réseau

agriculture durable des CIVAM (centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu

rural).

- L’agriculture de conservation repose sur trois principes : la rotation longue des cultures et la

mise en place de couverts, la réduction du travail des sols et la restitution des résidus au sol ;

elle est mise en œuvre par le réseau BASE (Biodiversité, Agriculture, Sol et Environnement).

- L’agriculture à haute valeur environnementale issue du Grenelle de l'environnement est bâtie

sur un système de trois certifications de performance environnementale ; elle est mise en

œuvre par le Ministère de l’agriculture.

A ces différents courants, s’ajoute l’Agriculture Ecologiquement Intensive (AEI), de conception plus

récente, et qui représente un élément de réflexion particulier au regard de la construction de l’AEP.

L’AEI : concept, méthode ou outil ?

L’AEI est issue du Grenelle de l'environnement. Elle repose sur une diminution des intrants, une

augmentation des processus naturels, un recours aux bio-mimétismes. Elle est portée par l’Association

Internationale pour une agriculture écologiquement intensive7, présidée par Michel Griffon, Agronome

– Economiste, Conseiller pour le Développement durable au CIRAD (Centre de Coopération

Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) et conseiller scientifique à l’ANR

(Agence nationale de la recherche). Michel Griffon est l’auteur de nombreux ouvrages sur ce thème8.

L’AEI est diversement perçue par les acteurs du monde agricole. Ainsi, pour évoquer l’AEI, chacun cite

des techniques, qui peuvent être très différentes les unes des autres, qui selon lui participe de la

démarche d’AEI. On trouve ainsi des techniques aussi diverses que l’utilisation d’un pré-refroidisseur,

des échanges parcellaires, la diversification des cultures, l’allongement des rotations, la réduction de

l’usage des produits phytosanitaires…

Les techniques de l’AEI sont variées et peuvent apparaître sans lien entre elles. Néanmoins elles

peuvent être classées selon les systèmes de référence auxquelles elles se réfèrent : l’intensification des

fonctions écosystémiques, l’optimisation technico-économique, le développement durable et la qualité

de vie.

Ces multiples représentations de l’AEI témoignent d’un gradient dans la définition de l’AEI, allant

d’une vision restrictive de l’AEI à une vision très large, qualifiée d’« AEI-washing ». Ce constat renvoie

à deux modèles de développement possibles, opposés : d’un côté l’AEI vue comme une véritable

évolution de l’agriculture, de l’autre, la poursuite du modèle actuel.

Tous les acteurs se retrouvent dans la démarche AEI parce que le concept permet de légitimer toutes

les stratégies, mais chacun y met sa propre définition. Ainsi, la communauté des techniques ne doit pas

7 http://www.aei-asso.org 8

Citons notamment « Développement durable, ensemble » (avec Marie-Odile Monchicourt, 2003), « Nourrir la Planète » (Odile Jacob, 2006) et « Pour des agricultures écologiquement intensives » (Ed. Aube, 2011).

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occulter la rupture entre des modèles de développement incompatibles entre eux. La stratégie et la

perception des évolutions de l'agriculture de chaque acteur déterminent sa conception de l'AEI. Les

agriculteurs aussi, extrêmement divers, ont une perception variable de l'AEI. Du fait de sa large

définition, l’AEI recueille de larges suffrages mais les finalités et les conceptions évoquées par les

acteurs sont très variées. Si les acteurs refusent quasi unanimement la constitution d’un cahier des

charges, tous éprouvent la nécessité d'aller vers une démarche de progrès.

En synthèse, on peut retenir :

– Un accord sur l’intérêt de l’intensification des fonctions écosystémiques (mais pas d’accord sur

le périmètre de l’AEI et sur le modèle) ;

– La mobilisation autour d’une nouvelle manière de concevoir l’agriculture (cohérence et

cohésion de la profession agricole, développement durable, lien avec le territoire et la

société…) ;

– Le discours sur l’AEI n’est pas incompatible avec une vision agro-industrielle de l’agriculture.

Avec des différences notables :

- pour certains, c’est une approche technique qui se limite à des outils, existants ou à créer, qu’il

suffit de mettre en œuvre, parfois indépendamment les uns des autres ;

- pour d’autres, ce sont des outils qui commencent à s’articuler dans une démarche systémique :

l’application des outils n’est pas suffisante, il faut rechercher une cohérence entre eux ;

- Pour d’autres encore, c’est avant tout une démarche systémique à laquelle on cherche à

intégrer des outils : l’approche globale est privilégiée, l’outil n’est qu’un moyen ;

- Pour les derniers, c’est un concept en cours de structuration qu’il faut « affermir ».

Le positionnement de l’AEP

Le principe de réduction du rôle de la chimie au profit de l’agronomie désigné par de nombreuses

appellations (agro-écologie, agriculture durable, de conservation, écologiquement intensive…) fait

consensus. Ces différentes démarches se réfèrent à une même ambition, celle de mettre à profit

l’agronomie pour inventer l’agriculture de demain.

Cependant, l’AEP, démarche de progrès, tout en s’inscrivant dans une certaine continuité de ces

évolutions agricoles, impose de passer d’une approche analytique à une approche systémique.

Réfléchir et agir selon une approche systémique est sans doute le facteur de changement culturel le

plus important à initier car il est orthogonal aux schémas mentaux issus des années 1960. En cela

l’AEP se distingue clairement de l’AEI.

L’AEP, une démarche systémique de progrès et d’inno vation plutôt qu’un cahier des charges

Le refus quasi-unanime du cahier des charges

Dans les entretiens réalisés avec les professionnels agricoles et lors de la rencontre du 5 décembre

2012, le cahier des charges est décrit comme un objet de discussion majeur, voire radicalement rejeté.

Il convient de noter une exception pour les acteurs issus de la filière de l'agriculture biologique, pour

qui le cahier des charges est indispensable pour la distinguer d'autres formes d'agricultures certifiées

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comme la leur. L'idée de cahier des charges est acceptée par eux car la filière s'est justement construite

autour de cet élément fondamental. Ils soulignent ensuite l'importance de définir l'AEP par un cahier

des charges pour bien la distinguer de l’agriculture biologique et pour ne surtout pas banaliser cette

dernière. Enfin, il est stratégiquement important pour eux de poser le cahier des charges de l'AEP pour

montrer les différences avec l’agriculture biologique.

En dehors des acteurs de l'agriculture biologique, le refus du cahier des charges est unanime et repose

sur trois types d'arguments.

Les premiers arguments sont d'ordre culturel. Le cahier des charges renvoie tout d'abord au

travail administratif. Il fait aujourd’hui partie intégrante de l’activité des chefs d’entreprise agricole.

Même si, d'après les enquêtes, il nécessite assez peu de temps, ce travail administratif représente une

forte charge mentale.

Le cahier des charges rebute ensuite par sa brutalité : on est dedans ou pas. Cette exclusion potentielle

est mal vécue par une profession qui tente de conserver une unité dans une période de profondes

mutations. Des responsables d'organisations professionnelles agricoles sont particulièrement sensibles

à cette dimension : construire un cahier des charges, c'est continuer à exclure et à diviser là où ils

souhaiteraient plutôt construire un nouvel élan collectif.

Les arguments suivants sont techniques. Le cahier des charges définit un état que l'on a atteint

et que l'on conserve, alors que l'AEP est définie par nos interlocuteurs comme une démarche de

progrès. De plus, un cahier des charges serait universel alors que l'AEP est pensée comme

contextualisée et territorialisée. Soit on multiplie les cahiers des charges pour prendre en compte la

diversité des productions, des contextes pédo-climatiques, des écosystèmes... ce qui est irréaliste, soit

on recherche une autre voie : passer du cahier des charges au cahier des pratiques et de leurs

évolutions.

Enfin les derniers arguments sont davantage philosophiques. Si on considère l'AEP comme

une démarche de progrès, il faut créer les conditions favorables à l'innovation. Pour certains de nos

interlocuteurs, les conditions essentielles relèvent de la liberté (liberté d'adhésion à la démarche plutôt

qu'imposition d'un modèle, liberté d'entreprendre...) et de la responsabilité individuelle et collective,

qui excluent le recours au cahier des charges.

Pour la Région Bretagne, la démarche vers l’AEP doit donc avant tout être une

démarche systémique de progrès et d’innovation, collective et individuelle mais surtout

territorialisée, plutôt qu’un cahier des charges aux bornes fixes.

L’AEP, démarche de progrès

A l’issue du travail préparatoire, 5 caractéristiques sont apparues comme étant fondamentales pour

esquisser une première définition de l’AEP vers laquelle tendre :

1) L’intensification des processus écologiques et la réduction des intrants visant une optimisation

de la production de biomasse dans le temps et l’espace pour produire en quantité tout en

limitant l’impact environnemental : l’agriculture doit rechercher une meilleure efficience du

processus de production et une diminution des dépendances de l’exploitation en terme

d'alimentation et notamment de protéines, mais aussi d'engrais, d'énergies, de

phytosanitaires, de biotechnologies, d’eau et de capitaux. Cela passera par la mise en œuvre de

pratiques agronomiques ou zootechniques tendant vers une diminution forte des intrants, la

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prise en compte des interactions écosystémiques, l’utilisation optimale des ressources

naturelles :

o Rotations longues, assolement intégrant les légumineuses, association

culturales de céréales et légumineuses, mélanges d'espèces et variétés, le recours

aux plantes nettoyantes.

o Travail simplifié du sol permettant de reconquérir la fertilité des sols.

o Cultures intercalaires maintenant un couvert végétal permanent.

o Présence importante d’infrastructures agro-écologiques comme les haies, les

arbres et les zones humides.

o L’idée est de valoriser les intrants disponibles localement au lieu de consommer

avec parfois un rendement faible des intrants importés et coûteux. Cela peut

nécessiter une réappropriation d’un certain nombre de connaissances sur les

ressources locales et spécifiques présentes sur l’exploitation ou à proximité.

o La production locale des protéines végétales, qui au delà peut entraîner des

réflexions sur un autre équilibre alimentaire entre les protéines végétales et

animales dans l’alimentation humaine.

2) L’approche systémique, qui nécessite d’appréhender les interrelations entre les différentes

composantes (sol, eau, paysage, climat, animal…) et de prendre en compte les différentes

échelles d’action (parcelle-exploitation-paysage agraire), à l’échelle de territoires

pédoclimatiques homogènes. L’AEP doit être pensée de façon large que ce soit au niveau :

o de la collaboration entre voisins (échanges parcellaires, assolement en commun,

paysage agraire, mutualisation de matériels innovants).

o ou encore de la réorganisation des filières amont et aval (vente d’outils d’aide à

la décision plutôt que d’intrants, utilisation de nouvelles machines, de nouveaux

produits, de nouveaux usages pour répondre à la question de la non-

standardisation des productions végétales issues de l’AEP et la capacité des IAA

à les utiliser).

3) La recherche de l’autonomie économique : capacité à créer du revenu/de la valeur ajoutée par

rapport à un produit donné et un capital donné, ce qui améliore l’efficacité économique et la

capacité à élargir et renforcer ses débouchés, et donc contribue à sécuriser le revenu.

4) La recherche d’une plus-value sociale par une plus grande cohésion entre agriculteurs, une

sécurisation du revenu, une reconquête du sens du métier et de l’autonomie décisionnelle et de

gestion, une bonne qualité de vie et la création d’emplois stables et de qualité. Cette plus value

sociale doit aussi faciliter l’intégration des jeunes qui s’installent.

5) Une démarche d’amélioration continue, en valorisant l’expérimentation collective, vers une

agriculture moins émettrice de gaz à effet de serre, avec une meilleure efficacité productive des

sols9, plus efficace économiquement et socialement.

Il est important de noter qu’une définition rigide de l’AEP serait contre-productive, dans le sens où

certains acteurs pourraient se sentir exclus de la dynamique alors que c’est un effet d’entraînement qui

est au contraire rechercher dans l’esprit de l’Nouvelle Alliance. La démarche a en effet pour vertu de

transcender les clivages existants au sein du monde agricole.

9 Jusqu’à 6 productions par hectare avec des cultures intermédiaires associées ou de l’agro-foresterie, selon le scénario d’utilisation des terres agricoles et forestières pour satisfaire les besoins en alimentation, en énergie, en matériaux et réduire les gaz à effet de serre, Afterres2050, (Solagro, 2011)

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A la lumière de ces travaux préparatoires, la Région propose dans ce rapport une

méthode de mise en œuvre de l’AEP en Bretagne.

Cette méthode devra certainement être ajustée en fonction de considérants européens

et nationaux qui viendront en appui de la démarche régionale initiée depuis 2011 par la

Nouvelle Alliance :

• Le vote définitif des règlements européens de la Politique agricole commune ;

• L’élaboration et le financement du programme opérationnel du Fonds européen

agricole de développement rural (FEADER) pour lequel la Région sera pour la

première fois autorité de gestion ;

• Le vote de la future loi d’avenir de l’agriculture en cours d’élaboration au

Ministère de l’agriculture et qui mettra vraisemblablement en avant la notion

d’agro-écologie.

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3 – Propositions de mise en œuvre de l’AEP

Schéma d’ensemble de mise en œuvre de l’AEP

Le cœur du dispositif est la mise en place de groupes agricoles qui expérimentent et mettent en œuvre

des pratiques relevant de l’AEP et qui participent à leur diffusion, via le financement de contrat

collectifs dédiés à l’AEP.

La Région propose la mise en place d’un comité consultatif, dénommé Comité AEP, pour mutualiser

les expériences des groupes, en débattre et participer à leur diffusion.

Ces deux éléments du dispositif établiront des relations en tant que de besoin avec les acteurs de la

recherche fondamentale et appliquée pour consolider les expérimentations et les acteurs des lycées

pour diffuser les résultats auprès des apprenants.

Des contrats collectifs dédiés à l’AEP avec les gro upes agricoles

La Région privilégie une approche collective pour le dispositif principal de la politique publique AEP.

Cette approche permettra de créer une dynamique collective pour l’ensemble des acteurs du monde

agricole en dépassant les clivages institutionnels et politiques, d’assurer une plus grande sécurité face à

la prise de risque, mais également de travailler à l’échelle d’une micro-région, ce qui est un des

éléments fondamentaux de la définition de l’AEP, pensée comme une démarche territorialisée. Enfin,

les dispositifs d’aide publique qui s’adressent à des collectifs d’agriculteurs sont peu présents dans le

paysage actuel.

Objectifs et moyens

Les objectifs des contrats collectifs passés entre un groupe d’agriculteurs volontaires et la Région

Bretagne sont :

o D’engager des groupes d’agriculteurs dans un processus de changement durable et diffuser

plus largement les nouvelles pratiques,

o De multiplier les expérimentations en sécurisant les agriculteurs,

o De progresser ensemble,

o De diffuser au plus grand nombre les expérimentations réussies.

Il s’agit de créer un contrat engageant un collectif d’agriculteurs volontaires avec la Région Bretagne.

La Région Bretagne lancera un premier appel à projet d’ici fin 2013. L’appel à projet précisera les

modalités pratiques détaillées. Cependant dès à présent la Région Bretagne acte les principes suivants.

Le contrat collectif comprendra une aide à l’animation technique, scientifique ou méthodologique :

chaque groupe bénéficiera d’un soutien financier pour se former et rémunérer l’animation du groupe.

Un agriculteur membre du groupe pourra être l’accompagnateur du groupe. A défaut le groupe pourra

faire appel à un animateur habilité. L’animation fera l’objet d’un encadrement méthodologique auquel

devra répondre l’animateur choisi. Il s’agit d’un accompagnement de démarche collective vers une

agriculture plus durable et non une démarche de conseil technique.

La Région veillera à intégrer le principe des contrats collectifs AEP dans le programme opérationnel du

FEADER 2014/2020.

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Les conditions de base

Les groupes agricoles souhaitant contractualiser avec la Région doivent respecter un certain nombre

de conditions :

o Ils doivent expérimenter et innover une démarche AEP selon une approche systémique (voir à

titre d’exemple sur la partie environnementale ci-dessous le tableau des familles de techniques

pour améliorer les fonctionnalités écosystémiques) ;

o Le groupe doit être composé d’agriculteurs volontaires, ayant des orientations technico-

économiques variées, des modes de productions pouvant être différents, pour évoluer

individuellement et collectivement sur une problématique commune, pour une période de 3

ans ;

o Ils doivent appartenir à un même territoire, homogène du point de vue agro-écologique donc

de taille assez limité (voisins, proximité de l’ordre d’une trentaine de km de diamètre) ;

o L’animateur sera habilité et doit respecter la charte de l’accompagnement qui sera diffusé en

même temps que l’appel à projet.

o Les membres du groupe participent au moment du lancement du groupe à un temps d’échange

collectif sur l’AEP et de diagnostic partagé.

o Chaque groupe devra être composé de 5 à 15 agriculteurs.

o Les liens avec la recherche sont possibles et encouragés.

o Les communes et intercommunalités seront informées des projets de groupes d’agriculteurs

retenus pour un lien accru avec le territoire.

L’AEP vise à optimiser les fonctionnalités écosystémiques, c’est-à-dire « les processus écologiques

identifiés par l’usage qu’on en perçoit »10 en renforçant la durabilité économique et sociale. Les

pratiques expérimentées chercheront donc à renforcer ces fonctionnalités. Différentes techniques

peuvent être envisagées, qui constituent en quelque sorte des guides pour l’expérimentation. Dans le

cadre de cette approche de l’ensemble du système, des liens entre le végétal et l’animal doivent être

faits.

Les familles de techniques pour améliorer les fonctionnalités écosystémiques1

• Le peuplement végétal : il doit être géré de manière à capter le maximum d’énergie solaire afin de

permettre l’accumulation de matière organique dans les sols et donc de développer leur fertilité. Il

s’agit donc d’associer dans l’espace et dans le temps différentes espèces en combinant de manière

optimale leurs caractéristiques respectives.

• La gestion de l’eau : différents aménagements ou dispositifs végétaux pérennes permettent soit de

mieux stocker l’eau dans le sol, soit de mieux la drainer.

• La fertilité : de nombreuses techniques émergent pour améliorer la fertilité sans recours aux

engrais chimiques (engrais organiques, diminution du labour, légumineuses, rotations,

couverture des sols, plantes à enracinement profond, agroforesterie…).

• La structure des sols : le recours au labour peut être remplacé par des techniques d’accumulation

de la matière organique ou l’utilisation des plantes services facilitant l’exploration du sol par les

racines.

• Le contrôle des adventices : le recours au désherbage mécanique, à la couverture des sols, à des

phénomènes d’incompatibilité de certaines plantes entre-elles. Les désherbants totaux seront

interdits.

• Le contrôle des maladies et ravageurs : réduction de doses, diversification des produits de

traitement, techniques de lutte biologique, techniques agroécologiques ; en ce domaine peu

investi par la recherche ces dernières décennies, les marges de progrès sont grandes.

10 GRIFFON (Michel), Pour des agricultures écologiquement intensives, Editions de l’Aube, 2010.

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• L’adaptation génétique des variétés cultivées : les variétés doivent être choisies en fonction de

leur adaptation aux problématiques locales. Les OGM seront interdits.

• L’alimentation du cheptel : privilégier une alimentation diversifiée, produite localement.

• La santé des animaux : choisir des techniques préventives plutôt que curative, visant à réduire

l’utilisation des produits vétérinaires dont les antibiotiques, promouvoir une approche

multifactorielle des maladies.

• Le bien-être animal : différents facteurs participent du bien-être animal : qualité du logement,

limitation du stress, alimentation équilibrée, exercice etc.

• La gestion des effluents : elle privilégiera au maximum l’équilibre de la fertilisation à l’échelle de

la petite région et la complémentarité des différents ateliers ou exploitations présentes en

valorisant le fumier et le compost organique.

Une grille d’analyse des projets

L’intérêt du contrat collectif réside notamment dans le fait que c’est le groupe agricole lui-même qui

décrit l’état initial du territoire et des pratiques, détermine le niveau d’ambition qu’il souhaite se

donner et définit des objectifs à atteindre.

Le dossier de candidature au contrat collectif AEP contiendra le descriptif de l’état initial et les

objectifs à atteindre. A ce titre, il fait partie du contrat passé entre la Région et le groupe agricole et

servira de base pour l’évaluation de la démarche.

On ne fournit donc pas de liste d’indicateurs et de critères prédéfinis ; ce sont les acteurs qui les

construisent et les indiquent dans le leur dossier. La quantification se réalise à partir de savoirs

scientifiques ou de savoirs experts (données empiriques).

Attributions

Rôles des groupes locaux ayant contractualisé avec la Région

Vis-à-vis du comité AEP

o Soumettent leur projet o Présentent leurs travaux une fois par an au comité AEP, o Font remonter les résultats techniques et sociologiques

(échecs et réussites).

Vis-à-vis de la R&D o Soumettent si nécessaire des questions de recherche, o Mettent les résultats de leurs expérimentations à

disposition.

Vis-à-vis des lycées

agricoles

o Accueillent si possible des groupes d’étudiants pour partager leurs expérimentations et objectiver les résultats.

La création d’un comité AEP

Objectifs et moyens

Les objectifs du comité régional AEP sont de :

o Donner un avis au Conseil Régional sur les projets des groupes d’agriculteurs,

o Instaurer au niveau régional une instance de concertation dédiée spécifiquement à l’AEP,

o Créer un espace de dialogue, de consolidation, de diffusion autour de cette nouvelle forme

d’agriculture, sous l’égide de la Région et transversal aux différents courants agricoles,

o Etre force de proposition auprès du Conseil Régional,

o Favoriser la diffusion des outils, des bonnes pratiques et des résultats de l’AEP.

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Ce comité régional AEP doit être envisagé comme une structure légère centrée sur l’AEP. Il sera

composé d’une majorité d’agriculteurs et de quelques personnes-ressources reconnues pour leur

implication dans les démarches de progrès. Seront privilégiés des agriculteurs engagés

personnellement dans l’AEP et inscrits dans des réseaux (économiques, syndicaux, professionnels…),

plutôt que des personnes en représentation institutionnelle de leur organisme d’appartenance.

La composition du comité AEP sera : 1 représentant par groupe d’agriculteurs ayant signé un contrat, 2

représentants de la DRAAF dont un du SRFD (service formation), 2 représentants de la CRAB dont un

de la recherche appliquée et 2 autres acteurs de la recherche (un du secteur végétal et un du secteur

animal), 2 représentants du CESER au titre de la société civile et 2 élus du Conseil Régional.

Un lycée public sera désigné pour être centre de ressources sur l’AEP par la Région Bretagne et devra

travailler en réseau avec l’ensemble des lycées agricoles bretons publics et privés, dès lors qu’ils seront

engagés dans la mise en œuvre du Contrat d’Autonomie et de Progrès sur l’exploitation agricole de leur

lycée.

Principes de fonctionnement Afin de remplir son rôle de manière efficace, le Comité AEP devra respecter quelques principes de

fonctionnement :

o Le président est choisi par consensus parmi les membres du Comité AEP pour ses qualités

d’animateur ; avec le vice-président du Conseil régional, il est garant de la méthode.

o Ce n’est pas un lieu de décision, ce n’est pas un lieu de représentation, c’est un lieu de débat et

de construction collective.

o L’animation a pour objectifs de garantir la qualité des échanges et la créativité.

o Dans les comptes-rendus, les propos rapportés sont anonymes afin de garantir l’expression la

plus libre possible. Ce sont les consensus et les controverses qui sont consignés.

Attributions

Rôles du comité AEP

Vis-à-vis de la Région

o Donne un avis sur chaque projet au Conseil Régional, o Est force de proposition auprès du Conseil Régional, o Conseille sur l’évolution des orientations agricoles, o Etaye progressivement le concept d’AEP, o Formalise au fil de l’eau les indicateurs, o Participe à l’évaluation in itinere de la politique AEP.

Vis-à-vis des groupes

locaux

o Aide à enrichir la candidature des groupes (audition), o Analyse les pratiques, les intérêts et limites vis-à-vis de

l’AEP o Capitalise et diffuse les résultats, o Propose des expérimentations.

Vis-à-vis de la R&D o Propose de nouveaux thèmes de recherche.

Vis-à-vis des lycées

agricoles o Propose des valorisations pédagogiques.

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L’appui de la recherche

Objectifs et moyens

Les objectifs de l’appui par la recherche sont de :

o Favoriser les expérimentations locales réalisées par des agriculteurs et leur confier des

missions d’innovations socio-techniques pour engager un processus de changement durable,

o Assigner à la recherche le rôle d’objectiver les expérimentations locales des agriculteurs,

d'étayer et d'évaluer scientifiquement les résultats obtenus pour pouvoir les diffuser,

o Identifier des thèmes de recherche prioritaires à partir des travaux du comité AEP et des

groupes d’agriculteurs,

o Réorienter l’effort des lieux de recherche sur l’intensification écologique et les processus de

changement (agronomie et sociologie).

Pour atteindre ces objectifs, les aides existantes à la recherche et l’expérimentation de la Région

devront être liées à la contribution effective de cette recherche à l’AEP.

Attributions

Rôles de la recherche et développement

Vis-à-vis du comité AEP o Participe aux travaux du comité AEP.

Vis-à-vis des groupes

agricoles locaux

o Si nécessaire, accompagne les groupes agricoles sur les plans agronomique et sociologique (validation scientifique des expérimentations, objectivation des résultats),

o Analyse, agrège, conforte les résultats et stabilise les concepts.

Vis-à-vis des lycées

agricoles o Alimente le lycée agricole référent avec leurs résultats.

L’implication des lycées agricoles

Objectifs et moyens

L’objectif de la réorientation de la stratégie des lycées agricoles, avec la mise en place des Contrats

d’autonomie et de progrès dont les principes ont été votés en décembre 2012, est d’entrer en synergie

avec la démarche AEP. Cet objectif, prévu par la proposition n°49 de la Nouvelle Alliance, concerne les

lycées publics et privés.

L’animation d’un dialogue ouvert entre la Région, les enseignants des lycées agricoles, le Service

Régional de la Formation et du Développement de la DRAAF et l’enseignement agricole privé

permettra de proposer de nouveaux outils pédagogiques sur l’agronomie et l’approche systémique par

exemple. Les avancées observées dans le cadre des expérimentations des groupes ayant contractualisé

avec le Conseil Régional alimenteront ces réflexions.

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Attributions

Rôles des lycées agricoles

Vis-à-vis du comité AEP o Participe aux travaux du comité AEP via le Service

Régional de la Formation et du Développement (SRFD). o Est centre de ressources sur l’AEP.

Vis-à-vis des groupes

agricoles locaux

o Organisent des rencontres avec les groupes agricoles dans leurs fermes dès lors qu’ils sont engagés dans le CAP.

o Est centre de ressources sur l’AEP.

Vis-à-vis de la recherche

et développement

o Soumettent des questions de recherche, o Mettent les résultats de leurs expérimentations à

disposition.

L’amélioration continue des dispositifs régionaux a ctuels

Parallèlement à la mise en place d’une dynamique régionale de changement durable autour de l’AEP,

un second levier peut être actionné par le Conseil Régional pour inciter à la généralisation de l’AEP, au

travers de l’amélioration continue des dispositifs régionaux d’accompagnement financier de la Région

Bretagne. Cette amélioration suppose de réviser régulièrement les programmes d’action régionaux en

cours pour éventuellement redéployer les crédits.

En résumé, la Région Bretagne souhaite promouvoir le changement durable au travers

de groupes d’agriculteurs expérimentateurs de pratiques innovantes relevant de l’AEP.

Le Comité AEP vise à promouvoir et diffuser les résultats, en particulier via le centre de

ressources AEP qui sera porté par un lycée agricole public.

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4 – Les engagements budgétaires de la Région

La Région Bretagne lancera un premier appel à projet doté d’une enveloppe budgétaire de 500 K€

pour 2013 pour accompagner 10 groupes. Chaque groupe sera accompagné pendant 3 ans. L’ambition

de la Région Bretagne est d’engager au moins 30 groupes d’agriculteurs sur les 3 prochaines années

pour un budget total d’environ 5 M€.

Le budget prévisionnel comprend une aide à l’expérimentation et à la prise de risque individuelle pour

tous les agriculteurs d’un groupe, un soutien financier à l’animation du groupe et des aides à

l’investissement.

Ces engagements budgétaires pourront éventuellement être complétés par l’intervention du FEADER

dans le cadre de la nouvelle programmation 20174/2020 donc la Région sera autorité de gestion, et

par le soutien de l’Etat dans le cadre de la loi d’avenir actuellement en préparation.

L’ensemble de ces engagements feront l’objet d’un débat dans le cadre du futur budget 2014 afin

d’intégrer les incidences des textes nationaux, la question du plafonnement des aides et le dispositif de

minimis notamment.

5 - Suivi du projet AEP et évaluation

La Région en lien avec le Comité AEP se chargera du suivi et de l’évaluation de la démarche, en lien

avec la démarche Agenda 21 de la Région Bretagne, au travers d’une réunion de bilan annuelle.

La mise en œuvre de l’AEP sera évaluée au travers de différents indicateurs :

- résultats environnementaux (sur quels enjeux ? pour quel impact ? pérennité des

changements ?)

- en terme économique (est ce que la situation économique des exploitations a évolué ? sur quel

aspects ? etc.),

- socialement (impact sociaux sur les membres du groupes, qualité et quantité de l’innovation,

sur les relations aux citoyens localement ou non, impact sur la formation des jeunes par la

diffusion dans les lycées, etc.),

- en termes de qualité et quantité de la diffusion de la connaissance par des supports de

communication réalisés sur ce sujet et selon différentes modalités et publics cibles : lycéens,

agriculteurs, organismes agricoles, etc.).

Page 24: Mise en œuvre d’une démarche d’innovation et de ... · Service de l’agriculture et de l’agroalimentaire Session du Conseil Régional Juin 2013 Mise en œuvre d’une démarche

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Conclusion

Pour mettre en œuvre l’AEP, le Conseil régional de Bretagne choisit de faire confiance aux agriculteurs

qui souhaitent s’engager dans une démarche d’innovation et de progrès, sans a priori sur leur point de

départ. L’esprit de la Nouvelle Alliance, c’est l’implication et la responsabilisation de tous au service de

la métamorphose de l’agriculture. C’est pourquoi la méthode contractuelle est apparue comme étant la

plus pertinente pour soutenir cette démarche.

Bien évidemment, cette contractualisation devra être établie sur la base d’une vérification du caractère

novateur et progressiste des projets présentés. Mais le critère le plus important sera celui de la

dimension systémique de chaque projet. L’agriculture est un domaine d’activité qui innove beaucoup

et quasiment en permanence. De ce fait il existe déjà beaucoup d’outils pour faire évoluer les systèmes

agricoles. La valeur ajoutée de l’agriculture écologiquement performante sera de mettre ces outils en

cohérence au sein d’une démarche systémique qui encourage les synergies et vise à une utilisation

optimale des processus écologiques, tant en agronomie qu’en zootechnie. La recherche d’une plus

grande autonomie des systèmes, qui doit aussi contribuer à mieux maîtriser les coûts et donc les

revenus, devra être partie intégrante de cette logique systémique.

En choisissant une approche ascendante, qui responsabilise les acteurs de terrains, tout en associant la

recherche, l’enseignement et les territoires, le Conseil régional signifie clairement que l’agriculture est

l’affaire de tous. L’agriculture écologiquement performante n’est ni un cahier des charge détaillé qui

exclurait ceux qui ne pourraient s’y conformer, ni un idéal vague et attrape-tout qui permettrait de se

donner bonne conscience à peu de frais. L’AEP est un processus d’amélioration continue ancré dans

des réalités concrètes : mené par des agriculteurs, il est évalué par des agriculteurs et ses succès seront

disséminés par des agriculteurs.

En 2011, le Conseil régional proposait de « s’appuyer sur l’agronomie pour des pratiques plus

durables » et « d’accompagner l’évolution vers plus d’autonomie ». En invitant aujourd’hui les

agriculteurs à aller vers une agriculture écologiquement performante et en leur donnant ainsi les

moyens de prendre en main leur destin, le Conseil régional de Bretagne renforce la Nouvelle Alliance

et prépare l’avenir.