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L a modélisation multi-physique et multi-échelle est une approche de R&D relativement récente née de la nécessité de prendre en compte, dans la modélisation d’un système dont on cherche à prédire le comportement, tous les phénomènes, dans la pratique cou- plés entre eux, agissant sur (ou présents dans) ce système. C’est la forme la plus complète de modélisation d’un enchaî- nement de phénomènes divers et d’or- dres de grandeur très différents puis- qu’il en intègre toute la connaissance, théorique comme empirique, et ce à dif- férentes échelles, dans des briques élé- mentaires qu’il s’agit d’assembler. Sur le plan physique, elle prend en compte les couplages entre phénomè- nes élémentaires de nature différente. Dans le domaine de la physique des réacteurs, on couple par exemple la mécanique des structures, la neutro- nique et la thermohydraulique. Ce type de modélisation vise aussi à don- ner une description des phénomènes à différentes échelles. Dans le domaine de la physique des matériaux, il s’agira par exemple de déduire les propriétés macroscopiques d’un matériau poly- cristallin à partir de sa description à l’échelle la plus microscopique (l’atome), via des niveaux de description emboîtés (la dynamique moléculaire, la dyna- mique des dislocations). Tout le pro- blème est de lier ces différents niveaux de description en utilisant la bonne information pour passer d’une échelle à l’autre sans discontinuité, de mani- puler de façon modulaire ces lois de comportement valables à diverses échelles (figure). C’est donc un calcul numérique com- posite, selon l’échelle spatiale considé- rée, qui fait “tourner” le modèle d’en- semble. D’autant plus composite que les chercheurs sont amenés à “enchaî- ner” des modèles déterministes et des modèles probabilistes, soit parce qu’ils n’ont pas la connaissance exhaustive des mécanismes élémentaires en jeu, soit parce que la résolution numérique des équations déterministes du système serait difficile ou trop lourde. D’où le recours à des méthodes comme celle de Monte Carlo, en particulier. Enfin, le multi-échelle raccorde, par des techniques de superposition, des modè- les numériques à des échelles diffé- rentes. Cela permet, pour conserver l’exemple des matériaux, d’effectuer des “zooms” sur des zones particulièrement sensibles aux contraintes comme des fissures, des soudures ou des supports. La modélisation multi-physique et multi-échelle pose donc de façon aiguë le problème de la compatibilité et de la cohérence des codes de calcul qui cons- tituent les briques élémentaires de la description. Mais les résultats sont à la hauteur de la difficulté : dans le domaine des matériaux métalliques, notamment, il est maintenant possible de mener une démarche de prévision des propriétés macroscopiques en partant des “pre- miers principes” de la physique ato- mique et de la dynamique moléculaire (voir note (1) p. 79) (méthode ab initio) en passant par la description phy- sique des microstructures. Dans le nucléaire, l’étude des matériaux sou- mis à l’irradiation illustre bien cette approche, puisqu’il est enfin devenu possible de lancer un pont entre la connaissance des défauts à l’échelle macroscopique et la modélisation des phénomènes de création des défauts ponctuels à l’échelle atomique. Si la physique constitue évidemment le premier niveau de ce type de modélisa- tion, les deux autres sont mathématique et numérique, dans la mesure où il s’agit de raccorder entre eux des résul- tats de mesures ou de calculs valables à des échelles différentes, puis de met- tre en œuvre les algorithmes élaborés. La modélisation multi-physique et multi- échelle n’est donc rendue possible que par la conjonction de deux progrès paral- lèles : celui de la connaissance des phé- nomènes élémentaires et celui de la puissance de calcul informatique. Le CEA est l’un des rares organismes dans le monde à pouvoir développer une telle modélisation multi-physique et multi- échelle dans ses différents secteurs de recherche et de développement en concen- trant un vaste ensemble d’outils de modé- lisation, d’expérimentation et de calcul lui permettant à la fois de démontrer la vali- dité des théories, la pertinence des tech- nologies et de faire progresser les études de composants, tant dans le domaine nucléaire (où s’effectuent d’ailleurs des couplages entre codes partiels CEA et EDF) que, par exemple, dans celui des nouvelles technologies de l’énergie. Qu’est-ce que la modélisation multi-physique et multi-échelle ? D MÉMO Figure. L’amélioration de la fiabilité et de la rentabilité du combustible nucléaire nécessite une modélisation fine dudit combustible (ici du MOX). Les caractéristiques microstructurales (porosité, taille et répartition des amas, taille de grain…) ont un impact direct sur le comportement du crayon combustible sous irradiation, et donc sur la maniabilité du réacteur ainsi que sur la durée de vie de ce crayon.

MÉMO D Qu’est-ce que la modélisation multi-physique et ... · PDF fileL a modélisation multi-physiqueet multi-échelle est une approche de R&D relativement récente née de la

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La modélisation multi-physique etmulti-échelle est une approche de

R&D relativement récente née de lanécessité de prendre en compte, dansla modélisation d’un système dont oncherche à prédire le comportement, tousles phénomènes, dans la pratique cou-plés entre eux, agissant sur (ou présentsdans) ce système. C’est la forme la pluscomplète de modélisation d’un enchaî-nement de phénomènes divers et d’or-dres de grandeur très différents puis-qu’il en intègre toute la connaissance,théorique comme empirique, et ce à dif-férentes échelles, dans des briques élé-mentaires qu’il s’agit d’assembler. Sur le plan physique, elle prend encompte les couplages entre phénomè-nes élémentaires de nature différente.Dans le domaine de la physique desréacteurs, on couple par exemple lamécanique des structures, la neutro-nique et la thermohydraulique. Ce type de modélisation vise aussi à don-ner une description des phénomènes àdifférentes échelles. Dans le domainede la physique des matériaux, il s’agirapar exemple de déduire les propriétésmacroscopiques d’un matériau poly-cristallin à partir de sa description àl’échelle la plus microscopique (l’atome),

via des niveaux de description emboîtés(la dynamique moléculaire, la dyna-mique des dislocations). Tout le pro-blème est de lier ces différents niveauxde description en utilisant la bonneinformation pour passer d’une échelleà l’autre sans discontinuité, de mani-puler de façon modulaire ces lois decomportement valables à diverseséchelles (figure). C’est donc un calcul numérique com-posite, selon l’échelle spatiale considé-rée, qui fait “tourner” le modèle d’en-semble. D’autant plus composite queles chercheurs sont amenés à “enchaî-ner” des modèles déterministes et desmodèles probabilistes, soit parce qu’ilsn’ont pas la connaissance exhaustivedes mécanismes élémentaires en jeu,soit parce que la résolution numériquedes équations déterministes du systèmeserait difficile ou trop lourde. D’où lerecours à des méthodes comme cellede Monte Carlo, en particulier. Enfin, le multi-échelle raccorde, par destechniques de superposition, des modè-les numériques à des échelles diffé-rentes. Cela permet, pour conserverl’exemple des matériaux, d’effectuer des“zooms” sur des zones particulièrementsensibles aux contraintes comme des

fissures, des soudures ou des supports.La modélisation multi-physique etmulti-échelle pose donc de façon aiguële problème de la compatibilité et de lacohérence des codes de calcul qui cons-tituent les briques élémentaires de ladescription. Mais les résultats sont à lahauteur de la difficulté : dans le domainedes matériaux métalliques, notamment,il est maintenant possible de mener unedémarche de prévision des propriétésmacroscopiques en partant des “pre-miers principes” de la physique ato-mique et de la dynamique moléculaire(voir note (1) p. 79) (méthode ab initio)en passant par la description phy-sique des microstructures. Dans lenucléaire, l’étude des matériaux sou-mis à l’irradiation illustre bien cetteapproche, puisqu’il est enfin devenupossible de lancer un pont entre laconnaissance des défauts à l’échellemacroscopique et la modélisation desphénomènes de création des défautsponctuels à l’échelle atomique. Si la physique constitue évidemment lepremier niveau de ce type de modélisa-tion, les deux autres sont mathématiqueet numérique, dans la mesure où ils’agit de raccorder entre eux des résul-tats de mesures ou de calculs valablesà des échelles différentes, puis de met-tre en œuvre les algorithmes élaborés.La modélisation multi-physique et multi-échelle n’est donc rendue possible quepar la conjonction de deux progrès paral-lèles : celui de la connaissance des phé-nomènes élémentaires et celui de lapuissance de calcul informatique. Le CEA est l’un des rares organismes dansle monde à pouvoir développer une tellemodélisation multi-physique et multi-échelle dans ses différents secteurs derecherche et de développement en concen-trant un vaste ensemble d’outils de modé-lisation, d’expérimentation et de calcul luipermettant à la fois de démontrer la vali-dité des théories, la pertinence des tech-nologies et de faire progresser les étudesde composants, tant dans le domainenucléaire (où s’effectuent d’ailleurs descouplages entre codes partiels CEA etEDF) que, par exemple, dans celui desnouvelles technologies de l’énergie.

Qu’est-ce que la modélisation multi-physique et multi-échelle ?

DMÉMO

Figure.L’amélioration de la fiabilité et de la rentabilité du combustible nucléaire nécessite unemodélisation fine dudit combustible (ici du MOX). Les caractéristiques microstructurales(porosité, taille et répartition des amas, taille de grain…) ont un impact direct sur le comportement du crayon combustible sous irradiation, et donc sur la maniabilité du réacteur ainsi que sur la durée de vie de ce crayon.

Les conditions spécifiques imputablesaux rayonnements régnant dans les

réacteurs nucléaires imposent d’avoirrecours à des matériaux présentant des pro-priétés particulières qui peuvent être clas-sés en deux grandes catégories: les maté-riaux de gainage et de structured’une part,et les matériaux combustiblesd’autre part.Pour les uns comme pour les autres, les sixconcepts de systèmes de quatrième géné-ration retenus par le Forum internationalGEN IV exigent le plus souvent de privilé-gier des formules innovantes (tableau p.71).Les propriétés de résistance à la tempéra-ture, à la pression, à la fatigue, à la chaleur,à la corrosion, souvent sous contrainte, quedoivent présenter d’une manière généraleles matériaux impliqués dans tout processindustriel doivent, dans le domaine nucléaire,être pour l’essentiel maintenues malgré leseffets de l’irradiation, imputables en parti-culier au flux de neutrons. L’irradiation accé-lère ou amplifie en effet des phénomènescomme le fluage (fluage d’irradiation) ouen crée d’autres comme le gonflement oula croissance, qui désigne une déformationanisotrope obtenue sous flux de neutronsen l’absence de toute autre sollicitation. Les matériaux de structure sont notam-ment soumis au phénomène d’activationpar bombardement par les neutrons ou d’au-tres particules (photons, électrons).Ceux qui entrent dans la structure des com-bustibles (les assemblages, les gaines ouautres plaques) sont en outre soumis à d’au-tres contraintes. Enfin, le combustible lui-même est un matériau prenant par exem-ple, dans les réacteurs à eau légère actuels,la forme de céramiques d’uranium et/oude plutonium frittées sous forme de pas-tilles. L’irradiation neutronique peut provoquerune modification importante des proprié-tés des matériaux. Dans les métaux etleurs alliages, mais aussi dans d’autresmatériaux solides comme les céra-miques(1), ces changements sont liés à l’é-volution des défauts ponctuels que cetteirradiation produit et aux atomes étran-

gers produits par les réactions nucléaireset qui se substituent à l’un des atomes duréseau cristallin. La nature et le nombrede ces défauts dépendent à la fois du fluxde neutrons et de leur énergie, mais ceuxqui provoquent des évolutions structura-les notables sont, dans les réacteurs àneutrons thermiques comme dans lesréacteurs à neutrons rapides, les neu-trons rapides. Un cristal présente toujours des défauts, etl’irradiation peut en créer de nouveaux. Lesdéfauts ponctuels sont de deux types: leslacunes (un atome est chassé de son empla-cement dans le cristal), et les interstitiels(un atome excédentaire se place en sur-nombre entre les plans du réseau cristal-lin).Les dislocations, qui délimitent une régionoù l’empilement du cristal est perturbé parun glissement localisé affectant un plan ato-mique, constituent pour leur part des sour-ces et des puits pour les défauts ponctuels.Les lacunes peuvent se grouper sous formed’amas lacunaires, de boucles ou de cavités,les interstitiels sous celle d’amas d’inters-ticiels ou de boucles de dislocation. Parailleurs, les atomes de cuivre, de manga-nèse et de nickel d’un alliage d’acier de cuve,par exemple, tendent à se rassembler enamas (clusters) en durcissant l’acier. Enfin,les joints de grainsont des défauts qui déli-mitent deux cristaux d’orientation différenteet des facteurs de fragilisation potentiels.De nombreuses propriétés du métal y sontmodifiées.Les dommages causés à ces matériaux s’ex-priment en dpa (déplacements par atome),ndpa signifiant que tous les atomes du maté-riau ont été déplacés n fois en moyenne pen-dant l’irradiation.

Les structures cristallinesLes matériaux métalliques ont une struc-ture cristalline: ils sont constitués de larépétition périodique dans l’espace d’unecellule élémentaire appeléemaille et cons-tituée d’atomes dont le nombre et la posi-tion sont précisément déterminés. La répé-tition de ces structures leur confère despropriétés particulières. Trois de ces struc-tures définissant la position des atomes sontimportantes:• la structure cubique centrée (celle à l’am-biante du fer, du chrome, du vanadium). Lesmatériaux présentent généralement unetransition en température de comportementductile/fragile.

• la structure cubique à faces centrées(nickel, aluminium, cuivre, fer haute tem-pérature). • la structure hexagonale (celle du zirco-nium ou du titane).En fonction de la température et de la com-position, le métal s’organisera en cristauxélémentaires, les grains, avec différentesmicrostructures, les phases. Leur arrange-ment a une influence importante sur lespropriétés des métaux, en particulier desaciers. La ferrite du fer pur, à la structurecubique centrée, devient une austénite, struc-ture cubique à faces centrées au-delà de910 °C. La martensite est une structure particulière obtenue par une trempe qui ladurcit suivie d’un revenu qui la rend moinsfragile. La bainite est une structure inter-médiaire entre la ferrite et la martensiteégalement obtenue par trempe puis revenu. Parmi les métaux, les aciers inoxydables àforte teneur en chrome (plus de 13 %), dontla résistance à la corrosion et à l’oxydationest imputable à la formation d’une pelliculed’oxyde de chrome à leur surface, se taillentla part du lion. Si l’on considère que le cri-tère d’inoxydabilité est la teneur en chromequi doit être supérieure à 13 %, il existe troiscatégories principales : les ferritiques, lesausténitiques et les austéno-ferritiques.

Les familles d’aciersLes aciers ferritiques à structure cristal-line cubique centrée (F17 par exemple) ontune faible concentration de carbone (0,08 à0,20 %) et une concentration élevée dechrome. Ne contenant en général pas denickel, ce sont des alliages fer/chrome oufer/chrome/molybdène dont la teneur enchrome varie de 10,5 à 28 %: ils ne mani-festent pas un durcissement appréciablelors de la trempe et ne se durcissent quepar écrouissage. Leur coefficient de dilata-tion est faible, ils sont très résistants à l’oxy-dation et adaptés aux températures élevées.Dans le nucléaire, l’acier bainitique16MND5à bas taux de carbone et faiblement allié(1,5% de manganèse, 1% de nickel et 0,5%de molybdène) occupe une place centralepuisqu’il constitue le matériau de cuve desREP français, choisi pour ses qualités à unetempérature de 290 °C et soumis à unefluencede 3·1019 n·cm-2 pour des neutronsd’énergie supérieure au MeV.Les aciers martensitiques, qui présententune structure cristallinecubique centrée,sontdes aciers ferritiques avec moins de 13 %de chrome (9 à 12% en général) et un maxi-

(1) Les céramiques seront employées seules ouincorporées à des composites pouvant être dutype CerCer (céramique dans une matriceégalement céramique) ou CerMet (matériaucéramique intégré dans une matricemétallique). S’agissant d’un combustiblenucléaire, c’est un mélange intime de produitsmétalliques et de composés réfractaires, leséléments fissiles étant contenus dans une seulephase ou dans les deux.

Les grandes familles de matériaux nucléairesEMÉMO

mum de 0,15 % de carbone qui ont subi unrecuit: ils deviennent martensitiques au sai-sissement dans l’air ou dans un liquide aprèsun chauffage dans le domaine austénitique.Ils subissent ensuite un adoucissement partraitement thermique. Ils peuvent contenirdu nickel, du molybdène ainsi que d’autreséléments d’addition. Ils sont magnétiques,très rigides et résistants mais peuvent êtrefragiles aux chocs, notamment à basse tem-pérature. Ils sont largement utilisés dansl’industrie nucléaire (visserie, robinetterie…)du fait de leur bonne résistance à la corro-sion associée à des caractéristiques méca-niques élevées. Les aciers austénitiques, qui se caractéri-sent par une structure cristalline cubique àfaces centrées, sont composés autour de 17à 18 % de chrome, de 8 à 12 % de nickel (quiaccroît la résistance à la corrosion: la grandemajorité des aciers inoxydables est austé-nitique), de peu de carbone, éventuellementde molybdène, de titane ou niobium, et sur-tout de fer. Ils présentent une ductilité etune tenacité remarquables, un coefficientde dilatation thermique élevé et un coeffi-cient de conductivité thermique plus faibleque les aciers ferritiques/martensitiques.Parmi les principaux (sous la désignationaméricaine AISI(2) 301 à 304, 308, 316, 316L,316LN, 316, 316Ti, 316Cb, 318, 321, 330,347), les 304 et 316 ont eu une importanceparticulière dans le nucléaire avant d’êtreabandonnés en raison de leur gonflementexcessif sous irradiation. Des dérivés (le304L des structures internes et des emboutsd’assemblages combustibles REP ou le316Tiεdes gaines, par exemple) constituentdes matériaux de référence. Dans les réac-teurs à neutrons rapides, Ils entrent notam-ment (acier 316L[N]) dans la fabrication destubes hexagonaux (typiques des réacteurscomme Phénix), et l’acier austénitique15/15Ti a été optimisé pour les aiguillesde cette filière et a été la solution de

référence pour les gaines des réacteursRNR à neutrons rapides. Les austéno-ferritiques à 0, 8, 20, 32, voire50% de ferrite présentent une bonne résis-tance à la corrosion et une bonne aptitudeau soudage, ce qui leur vaut d’être utilisés,moulés, pour les tuyauteries entre cuves etgénérateurs de vapeur.Une classe d’alliages particulièrementimportante dans le nucléaire est celle desalliages de nickel, qui ont une structure aus-ténitique. L’alliage 600 (Inconel 600 d’INCO),alliage de nickel (72 %), de chrome (16 %)et de fer (8 %) de cobalt et de carbone uti-lisé dans les générateurs de vapeur (ainsique le 620) et les traversées de couverclede REP, résistant mal à la corrosion souscontrainte, a été remplacé par le 690, conte-nant plus de chrome (30 %). Pour certainespièces, l’Inconel 706, l’Inconel 718 pour lesgrilles d’assemblages du combustible REP)et l’Inconel X750 avec ajout de titane et d’a-luminium ont été choisis pour leur résis-tance au gonflement et leur très granderésistance mécanique. Pour les générateursde vapeur de réacteurs à neutrons rapidescomme Superphénix, l’alliage 800 (35 % denickel, 20 % de chrome et un peu moins de50 % de fer) a été sélectionné. Les alliages617 (Ni-Cr-Co-Mo) et 230 (Ni-Cr-W) large-ment utilisés dans l’industrie chimique sontévalués pour les RTHT à gaz.Les aciers ferritiques-martensitiques(aciers F/M) sont des aciers à structurecubique centrée. Ils regroupent en fait lafamille des aciers martensitiques et celledes aciers ferritiques. Ils allient un coeffi-cient de dilatation thermique faible à uneforte conductibilité thermique. Des aciersmartensitiques ou ferritiques avec uneteneur en chrome comprise entre 9 et 18%voient leur utilisation limitée par leur résis-tance au fluage plus faible que les austéni-tiques. Les aciers martensitiques Fe9/12Cr(contenant de 9 à 12% en masse de chrome)peuvent cependant supporter des tempé-ratures élevées et sont en cours d’optimi-sation pour le fluage. Par exemple, l’acierFe9Cr1Mo au molybdène pourrait convenirpour le tube hexagonal des assemblagesdes RNR-Na. Sous la dénomination d’AFMA(Aciers Ferritiques-Martensitiques Avancés),ils sont particulièrement étudiés pour lesréacteurs rapides à gaz.Les aciers ferritiques et martensitiques àdispersion d’oxyde (ODS, pour OxideDispersion Strenghtened) ont été dévelop-pés afin d’allier la résistance au gonflement

des ferritiques avec une résistance au fluageà chaud au moins égale à celle des austé-nitiques. Ils constituent actuellement la solu-tion de référence pour le gainage du com-bustible des futurs réacteurs au sodium.Le matériau de gainagedes réacteurs à eauordinaire, qui a d’abord été de l’acier inoxy-dable, est maintenant un alliage de zirco-nium choisi pour sa “transparence” auxneutrons dont la structure cristalline esthexagonale compacte à basse températureet cubique centréeà haute température. Lesalliages zirconium-fer-chrome les plus uti-lisés sont les Zircaloy à l’étain (Zircaloy-4dans les REP, Zircaloy-2 dans les REB etZrNb au niobium dans les VVER) pour leurexcellent comportement sous rayonnementet leur aptitude au fluage à chaud.Après avoir abaissé la teneur en étain afind’améliorer la tenue à la corrosion, un alliagezirconium-niobium (M5®) pour ce gainageest en cours de déploiement.Parmi les matériaux nucléaires, le graphitemérite une mention particulière; avec l’eaulourde, il est associé aux réacteurs qui doi-vent fonctionner à l’uranium naturel. Il estun modérateur intéressant car il absorbepeu les neutrons.Pour le RNR-G, de nouvelles céramiques etde nouveaux alliages doivent être dévelop-pés, à la frontière des hautes fluences. Leschercheurs espèrent beaucoup des maté-riaux réfractaires sans métal. Dans les combustibles à particules, les oxy-des d’uranium et de plutonium sont enve-loppés par plusieurs couches de pyrocar-bones et /ou de carbure de silicium isolant(SiC), éventuellement sous forme fibreuses(SiCf). On parle alors de particules revêtues(Coated particles, ou CP). Si les billes de UO2

ou de MOX revêtues de SiC constituent laréférence, le ZrC pourrait offrir une alter-native.Par ailleurs, les classiques pastilles frittéesd’oxyde d’uranium (et d’oxyde de plutoniumdans les MOX) pourraient laisser la place àdes combustibles avancés avec ou sansadditifs de chrome afin d’essayer de s’af-franchir des problèmes posés par l’inte-raction pastille gaine, liée à la tendance augonflement de la pastille de céramique com-bustible sous irradiation. Les oxydes pourraient être remplacés pardes nitrures (compatibles avec le procédéde traitement Purex) ou par des carburessous forme, par exemple, d’alliage d’ura-nium plutonium avec 10 % de zirconium.

Virole porte-tubulure de la cuve destinée auréacteur Flamanville 3 d’EDF, le premier EPRdevant être construit sur le sol français.

EMÉMO suite

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(2) Pour American Iron and Steel Institute.

Les six concepts sélectionnés par le Forum GEN IV

Des six concepts de réacteurs sélectionnés par le Forum international Génération IV en fonction de leurcapacité à répondre aux critères évoqués, trois, et à terme quatre, mettent en œuvre les neutrons rapides,les trois autres (à terme deux) les neutrons thermiques. Deux des six systèmes utilisent d’autre part le gaz comme caloporteur (ce sont donc des RCG, réacteurs à caloporteur gaz). Ces six concepts sont:

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Le GFRLe GFR (Gas Fast Reactor, en français RNR-G) est un réacteur àhaute température (RHT) refroidi au gaz, généralement à l’hélium,à neutrons rapides, permettant le recyclage homogène ou hété-rogène des actinides tout en conservant un gain de régénérationsupérieur à 1. Le concept de référence est un réacteur refroidi àl’hélium en cycle directou indirectavec un rendement élevé (48%).L’évacuation de la puissance résiduelle en cas de dépressurisa-tion est possible en convection naturelle quelques heures aprèsl’accident. Le maintien d’une circulation forcée est nécessaire dansla première phase de l’accident. La puissance volumique dans lecœur est déterminée de façon à limiter la température du com-bustible à 1600 °C en transitoire. Le combustible, innovant, estconçu pour retenir les produits de fission (pour une températureinférieure à la limite de 1600 °C) et éviter leur relâchement ensituations accidentelles. Le recyclage du combustible usé est envi-sagé sur le site même du réacteur par un procédé soit pyrochi-mique, soit hydrométallurgique. Le GFR est un concept très per-formant en termes d’utilisation des ressources naturelles et deminimisation des déchets à vie longue. Il se situe dans la lignetechnologique gaz, en complément des concepts à spectre ther-mique GT-MHR(1), PBMR(2) et VHTR.(1) GT-MHR : Gas-Turbine Modular High Temperature Reactor.(2) PBMR : Pebble Bed Modular Reactor.

Le LFRle LFR (Lead Fast Reactor, en français RNR-Pb) est un réacteurrefroidi au plomb (ou alliage au plomb plomb-bismuth), à neu-trons rapides associé à un cycle fermé du combustible permet-tant une utilisation optimale de l’uranium. Plusieurs systèmesde référence ont été sélectionnés. Les puissances unitaires vontde 50-100 MWe, pour les concepts dits battery jusqu’à 1200 MWe,incluant les concepts modulaires de 300-400 MWe. Ces conceptsont une gestion du combustible à longue durée (10 à 30 ans). Lescombustibles peuvent être soit métalliques, soit de type nitrureet permettent le recyclage de l’ensemble des actinides.

Le SFRLe SFR (Sodium Fast reactor, en français RNR-Na) est un réacteurrefroidi au sodium liquide, à neutrons rapides associé à un cyclefermé permettant le recyclage de l’ensemble des actinides et larégénération du plutonium. Du fait de la régénération de la matièrefissile, ce type de réacteur peut fonctionner très longtemps sansintervention sur le cœur. Deux options principales sont envisa-gées: l’une qui, associée à un retraitement de combustible métal-lique, conduit à un réacteur de puissance unitaire intermédiairede 150-500 MWe, l’autre, caractérisée par un retraitement Purexde combustible mixte d’oxydes (MOX), correspond à un réacteurde puissance unitaire élevée, entre 500 et 1500 MWe. Le SFR pré-sente de très bonnes propriétés d’utilisation des ressources natu-relles et de gestion des actinides. Il a été évalué comme ayant debonnes caractéristiques de sûreté. Plusieurs prototypes de SFRexistent dans le monde, dont Joyo et Monju au Japon, BN600 enRussie et Phénix en France. Les principaux enjeux de rechercheconcernent le recyclage intégral des actinides (les combustiblescomportant des actinides sont radioactifs, donc délicats à fabri-quer), l’inspection en service (le sodium n’est pas transparent), lasûreté (des approches de sûretépassive sont à l’étude) et la réduc-tion du coût d’investissement. Le remplacement de l’eau par duCO2 supercritique comme fluide de travail dans le système deconversion est également à l’étude.

hélium

générateur puissanceélectrique

turbine

barres de contrôle

récupérateurde chaleur

compresseurintercooler

puits de chaleur

puits de chaleur

puits de chaleur

puits de chaleur

puits de chaleur

précooler

réacteur

plenum froid

plenum chaud

barres de contrôle

sodium primaire(chaud)

sodiumprimaire(froid)

pompesodiumsecondaire

pompe pompe

réacteur

générateur

turbine

compresseur

compresseurintercooler

cœur

pompe

condenseur

générateur

puissanceélectrique

puissanceélectrique

récupérateurde chaleurmodule

réacteur à cartouchecombustible

amovible

module derefroidissement

caloporteurplomb liquide

quatre échangeurs

de chaleur à tube en U

tête d’échangeur

générateurde vapeur

échangeurde chaleur

turbine

w

w

w

Le MSRLe MSR (Molten Salt Reactor, en français RSF) est un réac-teur à sels fondus (cœur liquide et cycle fermé par traite-ment continu par pyrochimie), à neutrons thermiques etplus précisément épithermiques. Son originalité est lamise en œuvre d’une solution de sels fondus servant à lafois de combustible (liquide) et de caloporteur. La régé-nération de la matière fissile est possible avec un cycleuranium-thorium optionnel. Le MSR intègre dans saconception un recyclage en ligne du combustible et offreainsi l’opportunité de regrouper sur le même site un réac-teur producteur d’électricité et son usine de retraitement.Le sel retenu pour le concept de référence (puissance uni-taire de 1 000 MWe) est un fluorure de sodium, de zirco-nium et d’actinides. La modération de spectre est obte-nue dans le cœur par la présence de blocs de graphitetraversés par le sel combustible. Le MSR comprend uncircuit intermédiaire en sels fluorures et un circuit ter-tiaire à eau ou hélium pour la production d’électricité.

Le VHTRle VHTR (Very High Temperature Reactor, en français RTHT)est un réacteur à très haute température à neutrons ther-miques refroidi au gaz hélium et initialement prévu pourfonctionner avec un cycle de combustible ouvert. Sespoints forts sont l’économie et surtout la sûreté. Son apti-tude au développement durable est similaire à celle d’unréacteur de troisième génération, en raison de l’utilisationd’un cycle ouvert. Il est dédié à la production d’hydrogène,même s’il doit aussi permettre la production d’électricité(seule ou en cogénération). La particularité du VHTR estson fonctionnement à très haute température (>1 000 °C)pour fournir la chaleur nécessaire à des procédés dedécomposition de l’eau par cycle thermochimique(iode/soufre) ou électrolyse à haute température. Le sys-tème de référence a une puissance unitaire de 600 MWthet utilise l’hélium comme caloporteur. Le cœur est cons-titué de blocs prismatiques ou de boulets.

Le SCWRle SCWR (Supercritical Water Reactor, en français RESC)est un réacteur refroidi à l’eau supercritique à neutronsthermiques dans une 1re étape (cycle du combustibleouvert) et à neutrons rapides dans sa configuration abou-tie (cycle fermé pour un recyclage de l’ensemble desactinides). Deux cycles de combustible correspondent àces deux versions. Les deux options ont un point de fonc-tionnement en eau supercritique identique : pression de25 MPa et température de sortie du cœur de 550 °C per-mettant un rendement thermodynamique de 44 %. Lapuissance unitaire du système de référence est de1700 MWe. Le SCWR a été évalué comme ayant un poten-tiel élevé de compétitivité économique.

puissanceélectrique

barres de contrôle

réacteur

pompe

pompe

pompe

pompe

turbine générateur

condenseur

puits de chaleur

puits dechaleur

eau

puits de chaleur

oxygène

hydrogène

soufflante

échangeur de chaleur

unité de productiond’hydrogène

caloporteurhélium

réflecteur graphite

cœur duréacteur

barres de contrôle

barres de contrôle

réacteur générateur

turbine

échangeur de chaleur compresseurintercooler

puissance électrique

récupérateurde chaleur

sel purifié

unité de retraitement

bouchon froid

sel de refroidissement

sel combustible

réservoirs de secours

cœur

réacteur

eau supercritique

Un système nucléaire est formé parun réacteur nucléaire et le cycle du

combustible associé. Il est optimisé glo-balement dans sa mise en œuvre indus-trielle, de la matière première au déchet.Dans un tel système dont il est le pivot,le réacteur est rendu apte à recycler lecombustible afin de valoriser les matiè-res fissiles (uranium, plutonium), voirefertiles (uranium, thorium) et à minimi-ser, par transmutation, la production dedéchets à vie longue en incinérant engrande partie ses propres déchets, enl’occurrence les actinides mineurs (AM).Certains systèmes peuvent aussi incluredes unités de traitement en ligne.Le réacteur proprement dit, quelle quesoit la filière à laquelle il appartient(Mémo B, Filières, générations et spec-

tres neutroniques, p. 14) comprend lesmêmes éléments principaux (du moinsdans le domaine de la fission, les réac-teurs à fusion mettant en jeu des pro-cessus nucléaires totalement différents). Le cœur, région où sont entretenues lesréactions en chaîne, reçoit le combus-tible qui contient les matières fissilesénergétiques (noyaux lourds) ainsi quedes matières fertiles qui, sous l’actiondes neutrons, se transformeront par-tiellement en matières fissiles. Le com-bustible peut prendre différentes for-mes (pastilles, boulets, particules) etles éléments combustibles peuvent êtrerassemblés en crayons, en aiguilles ouen plaques, eux-mêmes réunis enassemblages, ce qui est notamment lecas dans les réacteurs à eau. Le modérateur joue, lorsqu’il est néces-saire, un rôle essentiel. C’est un maté-riau formé de noyaux légers qui ralen-

tissent les neutrons par diffusions élas-tiques. Il doit être peu capturant afin dene pas les “gaspiller” et suffisammentdense pour assurer un ralentissementefficace. Les réacteurs à spectre ther-mique (Mémo B) en ont besoin, contrai-rement aux réacteurs à spectre rapide(qui doivent en revanche compenser lafaible probabilité de fissions induites parles neutrons rapides par une forte aug-mentation du nombre des dits neutrons,afin de ralentir les neutrons après la fis-sion dont ils sont issus). Ils sont ainsiamenés à la vitesse optimale pour assu-rer à leur tour de nouvelles fissions. Unexemple de modérateur est le graphite,utilisé dès la première “pile” atomique,en 1942 en association avec un fluidecaloporteur gazeux. Le fluide caloporteur évacue du cœurl’énergie thermique dégagée par les fis-sions et transporte les calories vers lessystèmes qui mettront cette énergie sousune forme utilisable, en général l’élec-tricité. Le caloporteur est soit l’eau(1) dansles “réacteurs à eau” (celle-ci y joue éga-lement le rôle de modérateur), soit unmétal liquide (sodium ou plomb), soit ungaz (historiquement le gaz carbonique,puis l’hélium, dans les réacteurs à calo-porteur gaz (RCG) ou encore des sels fon-dus. Dans ce dernier cas, combustible etcaloporteur forment un fluide unique, quioffre la possibilité de pouvoir retraiter encontinu les matières nucléaires puisqueles actinides y seraient dissous.Le choix d’une filière à des répercus-sions majeures sur le choix des maté-riaux (Mémo E, Les grandes familles dematériaux nucléaires, p. 76). Ainsi, lecœur des réacteurs à neutrons rapidesne doit pas comporter d’éléments modé-rateurs des neutrons (eau, graphite) etleur caloporteur doit être transparent àces mêmes neutrons.Des dispositifs de contrôle (d’une part desbarres de commande, barres de contrôleou barres de pilotage et d’arrêt consti-tuée de matériaux absorbeurs de neu-trons [bore, cadmium…], et d’autre partdes “poisons” neutroniques) permet-

(1) L’eau lourde, dans laquelle le deutérium tient la place de l’hydrogène de l’eau ordinaire, a été la première forme de modérateur utilisée pour les concepts de réacteurs qui imposent de trèsfaibles absorptions des neutrons. L’eau légère s’est imposée pour les réacteurs opérationnels de deuxième génération. Dans l’avenir, l’eau supercritique, dont les propriétés thermodynamiques et de transport changent lors du passage du point critique (température de 374 °C pour une pression supérieure à 22 MPa (221 bars, soit environ 200 fois la pression atmosphérique)pourrait être mise en œuvre afin d’améliorer le rendement de Carnot du réacteur (Mémo C, Cycles thermodynamiques et conversion d’énergie, p. 23).

tent de réguler la population des neu-trons et, par là même, en influant sursa réactivité, de maintenir la puissancedu réacteur au niveau désiré, voire d’ar-rêter la réaction en chaîne. Les barres,ensemble de tiges solidaires mobiles(appelées grappes) sont introduites plusou moins profondément dans le cœur.Les poisons sont, pour leur part, ajus-tables en concentration dans le circuitde refroidissement.Un circuit primaire fermé et étanche con -tient le cœur et véhicule (au moyen decirculateurs, pompes ou compresseurs)le caloporteur qui transfère sa chaleur àun circuit secondaire via un échangeurde chaleur qui peut être un générateurde vapeur (c’est le cas aussi bien dansun réacteur à eau sous pression que dansle circuit secondaire d’un réacteur à neu-trons rapides comme Phénix). La cuve,récipient contenant le cœur d’un réac-teur baigné par son fluide caloporteur,constitue, lorsqu’elle existe, la partie cen-trale de ce circuit primaire.Le circuit secondaire sort de “l’îlotnucléaire” pour faire fonctionner via uneturbine un turboalternateur ou alimen-ter un réseau de chaleur. Dans les réac-teurs à eau lourde (1) et dans certainsréacteurs à gaz, la chaleur est trans-mise du gaz à l’eau dans des échan-geurs de chaleur classiques. Un circuit tertiaire évacue la chaleurinutilisée via un condenseur vers unesource froide (eau d’un fleuve ou de lamer) ou air dans une tour de refroidis-sement ou encore un autre dispositifthermique (par exemple pour la pro-duction d’hydrogène).D’autres éléments n’interviennent quedans une filière donnée, comme le pres-suriseur des réacteurs à eau sous pres-sion (REP) où la pressurisation main-tient l’eau à l’état liquide en l’empêchantde bouillir. L’ébullition est en revanchemise à profit dans les réacteurs à eaubouillante (REB), l’autre filière de réac-teurs à eau légère (REL), où l’eau ducircuit primaire entre en ébullition etentraîne directement la turbine.

Image virtuelle en 3D des composants et circuits d’un réacteur de type REP.

Les éléments d’un système nucléaire

AMÉMO

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Les filières de réacteurs nucléaires cor-respondent aux nombreuses combi-

naisons de trois éléments fondamentaux:un caloporteur, un modérateur (lorsquenécessaire) et un combustible, presque tou-jours l’uranium, éventuellement mélangéà du plutonium (voir Mémo A, Les élé-ments d’un système nucléaire, p. 10). De très nombreuses formules ont été expé-rimentées depuis les débuts de l’èrenucléaire industrielle dans les années 1950,et seulement un petit nombre d’entre ellesont été sélectionnées pour les différentesgénérations de réacteurs opérationnelsélectrogènes.On appelle ainsi filière une voie possible deréalisation de réacteurs nucléaires capa-bles de fonctionner dans des conditions desécurité et de rentabilité satisfaisantes,définie essentiellement par la nature ducombustible, l’énergie des neutrons impli-qués dans la réaction en chaîne, la naturedu modérateur et celle du caloporteur.Elle mérite ce nom dans la mesure où elleest à l’origine d’une série de réacteursprésentant une continuité technologique.Se rattachent plus ou moins directementà telle ou telle filière les réacteurs derecherche et d’essais, rarement construitsen série.Ces filières sont classées en deux grandesfamilles, selon le spectre neutroniquechoisi:thermiqueou rapide (une plage recouvranten partie les deux domaines est possible

pour des réacteurs de recherche), suivantqu’on laisse les neutrons qui s’échap-pent directement lors de la fission conser-ver leur vitesse de quelque 20000 km à laseconde ou qu’on les ralentit afin de les met-tre en équilibre thermique (les thermaliser)avec la matière dans laquelle ils diffusent.Le spectre neutronique, distribution en éner-gie de la population des neutrons présentsdans le cœurd’un réacteur, est ainsi le spec-tre thermique dans la quasi-totalité desréacteurs en service dans le monde, notam-ment en France, dans les 58 REP (réacteursà eau sous pression) du parc EDF. Dans cesréacteurs fonctionnant à l’uranium enrichiet éventuellement au plutonium, la chaleur

est transférée du cœur à des échangeursde chaleurpar de l’eau maintenue sous unepression élevée dans le circuit primaire.Avec les REB (réacteurs à eau bouillante)dans lesquels l’ébullition de l’eau se faitdirectement dans le cœur, les REP cons-tituent la grande famille des réacteurs àeau légère (REL) dans lesquels l’eau ordi-naire joue à la fois le rôle de caloporteuret de modérateur. La mise en œuvre du spectre rapide est,actuellement, limitée à un petit nombre deréacteurs à vocation essentiellement expé-rimentale, comme Phénix en France, Monjuet Joyo au Japon ou BOR-60 en Russie. Dansces RNR (réacteurs à neutrons rapides)sans

M. B

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Les quatre tranches REP de la centrale EDF d’Avoine, près de Chinon, appartiennent à la deuxièmegénération de réacteurs nucléaires.

Filières, générations et spectres neutroniques

BMÉMO

modérateur, la majorité des fissionssont pro-duites par des neutrons présentant des éner-gies du même ordre de grandeur que cellequ’ils possèdent lors de leur production parfission. Quelques réacteurs de ce type ont étéréalisés avec une vocation de productionindustrielle (Superphénix en France, BN 600en Russie) ou étudiés dans cette optique (prin-cipalement EFRau niveau européen dans lesannées 80-90, BN 800 en Russie, CEFR enChine et PFBR en Inde). Les réacteurs électrogènes sont regroupésen quatre générations. La première géné-ration comprend les réacteurs, développésdans les années 50/70, qui ont permis ledécollage de la production électronucléairedans les différents pays développés, en par-ticulier de la filière UNGG (Uranium NaturelGraphite Gaz) modérés au graphite et refroi-dis au gaz carbonique en France, de la filièreMagnox au Royaume-Uni et, aux États-Unis,le premier réacteur terrestre(1) à eau souspression (PWR, Pressurized Water Reactor)construit à Shippingport. Bien que comparable par certains côtés àdes réacteurs de première génération, lafilière soviétique RBMK (celle des réacteursde Tchernobyl) est classée dans la secondegénération du fait en particulier de sa périodede mise en service. Les RBMK, modérésau graphite et refroidis à l’eau ordinairebouillante dans des tubes de force, ont étédéfinitivement disqualifiés par l’accident deTchernobyl en 1986.

La deuxième génération est celle des réac-teurs, actuellement en service, entrés enfonctionnement entre les années 70 à 90.Exclusivement à vocation électrogène, la plu-part (87 % du parc mondial) sont des réac-teurs à eau, à l’exception notable des AGR(Advanced Gas Reactor) britanniques. Leurcombustible standard est formé de pastillesfrittées d’oxyde d’uranium enrichi aux envi-rons de 4 % en uranium 235, empilées dansdes tubes étanches (crayons) qui, réunis enfaisceaux, forment des assemblages. LesPWR (REP en français) dominent le marché,représentant 3 réacteurs nuclé aires sur 5dans le monde. En font partie les différents“paliers” de réacteurs REP réalisés en Francepour EDF par Framatome (aujourd’hui ArevaNP). Les réacteurs russes de la série VVER1000 sont comparables aux REP occiden-taux. Bien que moins nombreux que les REP,les BWR (Boiling Water Reactor) ou REB(réacteurs à eau bouillante) se trouventnotamment aux États-Unis, au Japon ou enAllemagne. Enfin les réacteurs à uraniumnaturel de type Candu, de conception cana-dienne, et leurs équivalents indiens se main-tiennent activement. Ce sont également desréacteurs à eau sous pression, mais utilisantl’eau lourde (D2O) comme modérateur et calo-porteur d’où le nom PHWR (PressurisedHeavy Water Reactor) donné à cette filière.La troisième génération correspond à desinstallations qui commencent à être misesen chantier en vue d’une mise en service àpartir de 2010 environ. Elle comprend en par-ticulier l’EPR franco-allemand conçu parAreva NP (Framatome et Siemens à l’origine),

qui propose également un réacteur à eaubouillante, le SWR 1000 et qui s’est récem-ment rapproché du Japonais Mitsubishi HeavyIndustries. Elle comporte aussi les AP1000et AP600 de Westinghouse, société dontToshiba a pris le contrôle, l’ESBWR et l’ABWRII de General Electric, qui s’associe à Hitachi,les ACR canadiens et l’AES 92 russe, ainsique des projets de petits réacteurs intégrés. Les projets de réacteurs à haute tempéra-ture modulaires du type GT-MHR (projetinternational) ou PBMR (du Sud-AfricainEskom) appartiennent à la troisième maispeuvent préfigurer des réacteurs de qua-trième génération.La quatrième génération en cours d’étude,attendue vers 2040 sur un plan industriel,pourrait théoriquement faire appel à l’un oul’autre des six concepts retenus par le Foruminternational Génération IV (voir l’encadré deLes enjeux d’une production durable d’énergie,p.6). En dehors de l’utilisation électrogène, lesréacteurs de cette génération pourraient êtreaptes à la cogénérationd’électricité et de cha-leur, voire présenter pour certains d’entre euxune vocation exclusivement calogène, en vued’obtenir, soit une chaleur “basse tempéra-ture” (vers 200 °C) pour le chauffage urbain,soit une chaleur “moyenne température” (entre500 et 800 °C) pour des applications indus-trielles dont le dessalement d’eau de mer n’estqu’une possibilité parmi d’au tres, soit encoreune chaleur “haute – voire très haute – tem-pérature” (entre 1000 et 1200 °C), pour desapplications spécifiques comme la productiond’hydrogène, la gazéification de la biomasseou le craquage d’hydrocarbures.

(1) Aux États-Unis comme en France, les premiersréacteurs à eau sous pression ont été des réacteursdestinés à la propulsion navale (sous-marins).

BMÉMO suite

Pour convertir à grande échelle de lachaleur en électricité, il faut mettre

en œuvre un cycle thermodynamique. Lerendement η de la conversion est tou-jours inférieur au rendement de Carnot :

où Tc est la température de la sourcechaude et Tf la température de la sourcefroide. D’une manière générale, on distingue enmatière de conversion d’énergie le cycledirect, dans lequel le fluide issu de lasource chaude actionne directement ledispositif utilisateur (turbo-alternateurpar exemple) et, par opposition, le cycleindirect où le circuit caloporteur est dis-tinct de celui qui effectue la conversionproprement dite de l’énergie. Le cycleindirect combiné peut ajouter à ceschéma une turbine à gaz et, par l’in-termédiaire d’un générateur de vapeur,une turbine à vapeur.Tout système construit autour d’un réac-teur nucléaire est une machine thermiquemettant eu œuvre ces principes de lathermodynamique. Comme les centralesthermiques classiques brûlant des com-bustibles fossiles (charbon, fioul), les cen-trales nucléaires utilisent la chaleur pro-venant d’une “chaudière”, en l’occurrencedélivrée par les éléments combustiblesoù se déroulent les fissions. Cette cha-leur est transformée en énergie électrique

en faisant subir à un fluide (de l’eau dansla plupart des réacteurs actuellement enservice) un cycle thermodynamique indi-rect, dit de Rankine (ou de Hirn-Rankine),qui consiste en une vaporisation de l’eauà pression constante au niveau de lasource chaude, une détente de la vapeurdans une turbine, une condensation de lavapeur sortant à basse pression de la tur-bine, et une compression de l’eau conden-sée afin de ramener cette eau à la pres-sion initiale. Dans ce schéma, le circuitd’eau qui circule dans le cœur (circuit pri-maire, voir Mémo A : Les éléments d’unsystème nucléaire) est distinct de celui quieffectue la conversion proprement ditede l’énergie. Avec une température maxi-male de vapeur de quelque 280 °C et unepression de 7 MPa, le rendement éner-gétique net (ratio de la puissance élec-trique produite sur la puissance ther-mique dégagée par le cœur du réacteur)est de l’ordre d’un tiers pour un réacteurà eau sous pression de 2e génération.Celui-ci peut passer à 36-38 % pour unREP de 3e génération comme l’EPR, enaugmentant la température, car l’équa-tion de Carnot montre bien l’intérêt deproduire de la chaleur à haute tempéra-ture pour obtenir un rendement élevé.De fait, augmenter la température ensortie de cœur d’une centaine de degréspermet un gain en rendement de plu-sieurs points.

Les propriétés thermodynamiques d’ungaz caloporteur comme l’hélium per-mettent d’aller plus loin, et de viser unetempérature d’au moins 850 °C en sor-tie de cœur. Pour en profiter pleinement,il est théoriquement préférable d’utiliserun cycle direct de conversion d’énergie,le cycle de Joule-Brayton, où le fluide sor-tant du réacteur (ou de tout autre “chau-dière”) est envoyé directement dans laturbine qui entraîne l’alternateur, commec’est le cas dans les centrales électrogè-nes au gaz naturel et à cycle combiné ouencore dans un réacteur d’avion. Avec cecycle, il est même possible de porter lerendement de production d’électricité de51,5 % à 56 % en faisant passer T1 de850 °C à 1 000 °C.En effet, depuis un demi-siècle, l’utilisa-tion du gaz naturel comme combustiblea conduit au développement spectacu-laire des turbines à gaz (TAG) qui peuventfonctionner à des très hautes tempéra-tures, supérieures au millier de °C. C’estce type de conversion d’énergie qui cons-titue, pour les réacteurs nucléaires dufutur, une alternative séduisante aux tur-bines à vapeur. Les cycles thermodynamiques des TAGsont très largement utilisés, qu’il s’agissedes systèmes de propulsion ou des gran-des centrales électrogènes à combusti-ble fossile. Ces cycles, nommés cycles deBrayton (figure), consistent simplementà aspirer et comprimer de l’air pour l’in-jecter dans une chambre de combustion(1→2), brûler le mélange air-combusti-ble dans la chambre de combustion (2→3),détendre les gaz brûlés dans une turbine(3→4). À la sortie de la turbine, les gazbrûlés sont relâchés dans l’atmosphère(c’est la source froide), ce cycle est doncqualifié d’ouvert. Si la source chaude estun réacteur nucléaire, il devient très dif-ficile de fonctionner en cycle ouvert avecde l’air (ne serait-ce que parce qu’il fautrespecter le principe des trois barrièresde confinement entre le combustiblenucléaire et l’environnement). Pour fer-mer le cycle, il suffit d’ajouter un échan-geur en sortie de turbine, pour refroidirle gaz (via un échangeur vers la sourcefroide) avant de le ré-injecter dans le com-presseur. La nature du gaz n’est alorsplus imposée par la combustion.

Cycles thermodynamiques et conversion d’énergie

CMÉMO

Figure. Cycle de Brayton utilisé pour une turbine à gaz à cycle ouvert.

η =1- ----Tf

Tc

1

compresseur turbine

puissancemécanique

gaz brûlés

entréed’air

combustible

chambre decombustion

2 3 4