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REMERCIEMENTS Mes premiers remerciements s’adressent à M. CHASSAGNE et à M. DEBELIZAL pour leur accueil et leur disponibilité. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma plus sincère reconnaissance. Je souhaite remercier l’ensemble des formateurs de l’IUFM et du CARFEP qui m’ont donné les clés pour enseigner Je voudrais aussi remercier MME LAPENDRY pour son aide et ses conseils judicieux qui m’ont permis d’avancer dans mes réflexions et dans la rédaction de ce mémoire. Qu’elle trouve ici aussi tous mes remerciements Un grand merci à mon tuteur, M. JEAN-PAUL BOUSSEAU. Son expérience, sa disponibilité et sa gentillesse m’ont permis de progresser durant cette année de formation. Il m’a ouvert ses classes et il est venu assister sans compter à mes cours pour me donner des conseils. Qu’il en soit sincèrement remercié. Je n’oublie pas MME HENRIETTE PAULIN et MME BRIGITTE LEMEUR (professeurs de Sciences de la Vie & de la Terre) qui m’ont tout de suite intégré dans l’équipe pédagogique. Je voudrais les remercier pour leurs conseils avisés, si riches d’enseignement. Je voudrais aussi remercier MME CATHERINE MINOT avec qui j’ai fait équipe lors des séances de TP en seconde, mais aussi lors des TPE Une pensée à toute l’équipe du lycée La Sauque, qu’ils soient enseignant de physique chimie, de mathématiques, d’économie, d’histoire géographie, de sciences économiques et sociales, de langues vivantes, de sport,... Ils m’ont tout de suite accepté dans l’établissement. Enfin un très grand merci à mes élèves de 2 nd 3 et de 1 ère S 2 en TPE. Qu’ils en soient remerciés ici de leur travail et de leur comportement. Je leur souhaite bonne route et bonne continuation dans leur travail.

Mémoire de validation stage IUFMs4.e-monsite.com/2011/07/19/55360051memoire-de... · 2011. 7. 19. · Je souhaite remercier l’ensemble des formateurs de l’IUFM et du CARFEP qui

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  • REMERCIEMENTS

    Mes premiers remerciements s’adressent à M. CHASSAGNE et à M. DEBELIZAL pour leur accueil et leur disponibilité. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma plus sincère reconnaissance. Je souhaite remercier l’ensemble des formateurs de l’IUFM et du CARFEP qui m’ont donné les clés pour enseigner Je voudrais aussi remercier MME LAPENDRY pour son aide et ses conseils judicieux qui m’ont permis d’avancer dans mes réflexions et dans la rédaction de ce mémoire. Qu’elle trouve ici aussi tous mes remerciements Un grand merci à mon tuteur, M. JEAN-PAUL BOUSSEAU. Son expérience, sa disponibilité et sa gentillesse m’ont permis de progresser durant cette année de formation. Il m’a ouvert ses classes et il est venu assister sans compter à mes cours pour me donner des conseils. Qu’il en soit sincèrement remercié. Je n’oublie pas MME HENRIETTE PAULIN et MME BRIGITTE LEMEUR (professeurs de Sciences de la Vie & de la Terre) qui m’ont tout de suite intégré dans l’équipe pédagogique. Je voudrais les remercier pour leurs conseils avisés, si riches d’enseignement. Je voudrais aussi remercier MME CATHERINE M INOT avec qui j’ai fait équipe lors des séances de TP en seconde, mais aussi lors des TPE Une pensée à toute l’équipe du lycée La Sauque, qu’ils soient enseignant de physique chimie, de mathématiques, d’économie, d’histoire géographie, de sciences économiques et sociales, de langues vivantes, de sport,... Ils m’ont tout de suite accepté dans l’établissement. Enfin un très grand merci à mes élèves de 2nd3 et de 1ère S2 en TPE. Qu’ils en soient remerciés ici de leur travail et de leur comportement. Je leur souhaite bonne route et bonne continuation dans leur travail.

  • 1

    RR ÉÉ SSUU MM ÉÉ Ma pratique professionnelle, cette année, s’est confrontée à un manque de communication entre mes élèves. En observant la classe de M . JEAN-PAUL BOUSSEAU, mon tuteur, et en observant également les attitudes de mes élèves de 1ère S2 en TPE, j’ai constaté que les interactions entre pairs étaient possibles. Au cours de la lecture bibliographique, j’ai découvert qu’elles étaient importantes pour l’apprentissage même des élèves, d’où l’intérêt de m’y intéresser. Les interactions entre pairs n’étant pas une attitude spontanée de mes élèves, il me faut concevoir des séquences d’apprentissage adaptées. Ces dernières sont décrites dans ce mémoire. Pour les analyser et les comprendre, j’ai utilisé régulièrement des enregistrements audio et vidéo afin d’accéder directement aux discussions entre les élèves. Au fur et à mesure de mon étude, j’ai essayé d’améliorer les tâches proposées aux élèves. Ce travail est loin d’être terminé. Mes prochaines années d’enseignement devront compléter ma réflexion

  • SSOOMM MM AA II RREE

    I. LES INTERACTIONS ENTRE PAIRS ABSENTES DANS MA CLASSE --------------- P 2

    II. DES INTERACTIONS ENTRE PAIRS ? MAIS POURQUOI FAIRE ?

    A. Une relation symétrique ou asymétrique -------------------------------------- P 7 B. Des interactions symétriques ou asymétrique plus appropriées

    pour engendrer des progrès individuels ------------------------------------- P 8

    III. LES INTERACTIONS ENTRE PAIRS DANS MA CLASSE..... QUE DOIS-JE FAIRE POUR LES PROVOQUER ?

    A. Des interactions entre pairs possibles dans ma classe ------------------- P 15 B. Des interactions possibles sur les questions ouvertes -------------------- P 17

    IV. VERS L’ INTÉGRATION DES INTERACTIONS ENTRE PAIRS DANS MA PRATIQUE PROFESSIONNELLE ------------------------------------------ P 24

    V. CONCLUSION -------------------------------------------------------------------------------------- P 27 ANNEXES

  • II NN TT RR OO DD UU CC TT II OO NN Mon stage en responsabilité se déroule au lycée La Sauque, situé sur la commune de la Brède en Gironde. L’établissement accueille 600 élèves sur ….hectares. Seule une partie est accessible aux élèves , le reste étant constitués de forêts utilisées en partie lors du cross annuel.

    Contrairement à d’autres établissements scolaires, le lycée La Sauque n’a pas de projet d’établissement écrit. Il a pour objectif la formation de l’individu autant d’un point de vue intellectuel que personnel, au travers d’activités scolaires et extrascolaires. La moitié des élèves sont internes, ce qui leur permet de bénéficier de conditions de travails exceptionnelles mais aussi de sorties culturelles, telle que le théâtre, l’opéra, le cinéma. Ces sorties sont souvent réutilisées par les enseignants, lors de leur cours. L’établissement dispose également d’une chorale et d’un groupe de musique. Toutes ces activités tendent à former l’individu en développant leur culture, leur curiosité et leur talent.

    J’ai en responsabilité deux classes : la classe de 2nd 3 et la classe de 1ère S2 en travaux personnels encadrés (TPE).

    Les horaires d’enseignement en Sciences de la Vie & de la Terre en seconde sont d’une heure de cours toutes les quinzaines et une heure et demi en travaux pratiques en classe dédoublée.

    Les TPE sont organisés toutes les semaines durant trois heures, à l’espace Auzone (centre de documentation et information). Les travaux pratiques de seconde ont lieu au laboratoire de biologie alors que les cours ont lieu directement dans la salle de classe habituelle. Ceci pour des raisons d’effectifs. En effet, la classe de 2nd 3 est constituée de 34 élèves, dédoublés en deux groupes de 17 élèves pour les TP.

    Cette classe de seconde 3 est caractérisée par une très forte hétérogénéité. On y distingue 19 filles et 15 garçons. Les choix d’orientation de début d’année sont assez partagées avec …% d’élèves souhaitant se diriger vers une section scientifique et .% d’élèves préférant intégrer l’année prochaine une section littéraire.

    La classe de 1ère S2 est constituée de trente quatre élèves. Les travaux personnels encadrés, comme le nom l’indique, encadrent les projets de groupe d’élèves. Ils sont autonomes, les professeurs et la documentaliste ne sont là que pour vérifier le contenu scientifique des productions d’élèves mais aussi le respect des consignes méthodologiques.

    Si cette classe me permet d’avoir une approche différente de la gestion d’une classe, je me suis intéressé plus particulièrement au problème liée à l’exercice de mon métier dans la classe de seconde 3. Je dispose en effet d’une liberté d’organisation des séances, que je n’ai pas au sein des TPE. Le rythme de travail et les productions attendues sont définis depuis le ministère pour favoriser l’égalité des conditions de travail et d’évaluation d’un établissement à l’autre (la note finale des TPE comptant pour le baccalauréat). Je ne peux donc qu’observer le fonctionnement de la classe, intervenir dans le cadre précis des TPE mais je ne peux pas mettre en place des « expérimentations ».

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    I / LES INTERACTIONS ENTRE PAIRS ABSENTES DANS MA CLASSE Je définis les interactions entre pairs comme étant une relation orale d’élèves à élèves sans que le professeur fasse l’intermédiaire. Ce sont donc des relations spontanées et directes d’élèves à élèves J’ai pu constaté au cours de mes séances de cours et de TP en seconde que la part des interactions entre les élèves est relativement faible, voire nulle. Ainsi, dans le triangle didactique, les relations sont essentiellement de professeur à élèves et non d’élèves à élèves. Le triangle didactique est souvent symbolisé par un triangle, symbolisant le système qui relie le savoir, l’élève et le maître (figure 1). On y distingue notamment le processus « ENSEIGNER » qui se définit par une centration sur le maître, une relation impersonnelle et le postulat que l’élève a besoin du maître. .

    Figure 1 : Le triangle didactique Si on peut comprendre que les interactions entre pairs peuvent être réduites en cours, elles sont primordiales en TP. Que ce soit en intergroupe ou intragroupe, la communication permet de confronter des points de vue, d’argumenter. Mais, ce n’est pas le comportement naturel de mes élèves. Ainsi, dans le cadre d’un TP sur les conceptions des élèves sur l’origine des saisons (SECONDE), j’ai été amené à prendre en compte leurs hypothèses. Au cours d’une séance, j’ai recueilli leurs représentations pour travailler sur celles-ci à la séance suivante. Cette dernière séance était organisée de la manière suivante : des groupes imposés travaillaient chacun sur une hypothèse à l’aide de documents que j’avais fournis pour renforcer l’hypothèse commune ou bien la réfuter. Les membres d’un même groupe avaient tous émis la même hypothèse. J’attendais d’eux qu’ils analysent ensemble les documents, qu’ils en discutent pour au final conclure sur leur hypothèse. Chaque groupe ne travaillant que sur une seule hypothèse, le bilan de la séance s’est déroulé par un passage à l’oral de chaque groupe ; ceci pour que tous les élèves

    SAVOIR

    ÉLÈVES PROFESSEUR

    Processus « Apprendre »

    Processus « Enseigner »

    Processus « Former »

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    puissent prendre conscience des conceptions fausses, pour les remplacer par celle admise par la communauté scientifique et la communauté de la classe. S’il y a bien eu communication intragroupe pour organiser le passage à l’oral, il y a eu très rarement, voire aucun échange sur l’interprétation des documents. Chacun ayant défini la partie qu’il présentait, chacun se plongeant dans son interprétation. S’il n’y a pas eu réellement d’interaction entre pairs au sein d’un même groupe, je n’ai pas non plus observé d’interactions intergroupes lors du passage à l’oral. Chaque groupe passait expliquer pourquoi il validait ou invalidait l’hypothèse en question, sans que les autres demandent des précisions. Pourtant, l’intervention de certains groupes nécessitait justement des précisions car les documents étaient trop rapidement présentés pour des élèves n’ayant pas travaillés sur l’hypothèse en question. Il a donc fallu que j’intervienne afin de m’assurer de la bonne compréhension par tous les élèves. J’ai essayé d’analyser la situation : comment se fait–il qu’il y ait si peu d’interactions entre élèves inter et intragroupe. Pourtant, j’étais bien parti de leur représentation, je ne leur avais rien imposé comme hypothèse. Ils travaillaient donc sur leurs propres productions, ce qui aurait dû les motiver davantage. Ceci me permet d’émettre plusieurs hypothèses qui viendraient expliquer ce manque d’interaction. Etant donné que l’on était au début de l’année (début octobre), je peux présumer qu’une part du problème pouvait résulter de la méconnaissance des élèves entre eux. De plus, dans le cadre du passage à l’oral, la disposition même de la classe pouvait représenter une part du problème. Les élèves passant à l’oral ayant pris la place de l’enseignant à son bureau, prenaient-ils le statut d’enseignant pour la durée de l’oral, au regard des autres élèves. Une autre configuration aurait-elle permis d’améliorer les interactions entre pairs ? Dans le cadre d’un autre TP, j’ai pu constater que l’objectif des élèves d’un groupe n’était pas de confronter leurs réponses pour une question, mais bien au contraire, de gagner le maximum de temps. Ceci peut se comprendre, puisqu’ils savaient que la production du groupe devait être rendu à la fin de l’heure et qu’elle serait notée. Ils n’hésitent donc pas à court-circuiter les parties d’un même TP. Ainsi, pour leur faire comprendre les différents paramètres qui influent sur la température d’une planète, j’ai conçu un TP où les différentes parties s’articulent les unes par rapport aux autres. Il y avait un fil conducteur tout au long du TP. Par exemple, après qu’ils aient conclu que la température d’une planète dépendait de la distance au soleil et de l’albédo, une donnée montrait que cela n’expliquait pas la température réelle sur Vénus et la Terre. Cela avait pour objectif de les interpeller. Or, les élèves de certains groupes ont commencé à traiter la troisième partie du TP (effet de serre) pendant que leur camarade faisait le graphique (partie I). Lorsque je suis venu leur signaler qu’il fallait suivre dans l’ordre le TP, ils m’ont répondu « Mais, pendant que Benoît fait le graphique, je remplis le tableau pour nous avancer ». C’est à ce moment que je me suis rendu compte que l’interaction entre élèves doit être provoquée et n’est pas naturelle à ceux ci . Je n’attendais dans la production finale qu’à un seul graphique par groupe, pensant que les autres aideraient l’élève qui était chargé de le faire ( aide dans le calcul de l’échelle, dictée des données, etc.…). Mais, cela n’a pas été le cas. Ils sont déchargés le travail du tracé du graphique sur un élève. Les autres, pendant ce temps, essayaient de répondre aux autres questions.

  • 6

    Ce même TP a été réalisé par mon tuteur Jean- Paul Bousseau qui a demandé une production graphique par élève. Ceci a permis à tous les élèves d’avancer aux mêmes rythmes, et donc d’être disponible ensemble pour la suite du TP. De plus, l’observation attentive des groupes de 3 élèves montre que tous les élèves n’interagissent pas sur la même question. Il y a une certaine délégation des autres élèves sur un élève volontaire ou désigné par le groupe. Il m’est arrivé de constater que, dans un groupe, les élèves s’étaient partagés le TP en trois parties. Chaque élève de la partie répondaient aux questions et mettait au propre sa propre réponse sans aucune concertation au sein du groupe. Les autres membres du groupe avaient délégué l’élève pour représenter le groupe sur la question concernée. Voyant la pauvreté des interactions entre pairs des élèves dans ma classe, il m’est paru intéressant d’observer d’autres situations en dehors de ma classe de seconde :

    • soit dans le cadre des travaux personnels encadrés (TPE), • soit dans la classe de mon tuteur ou de mes collègues de travail.

    Les TPE sont caractérisés par de fortes interactions entre pairs. C’est souvent au moment du choix du thème et du sujet qu’ on les observe. Si ces interactions existent, cela ne veut pas dire que chaque élève a une situation « sociale » équitable dans le groupe. On retrouve souvent l’existence d’un leader qui impose son choix. Cependant, les TPE étant notés pour le baccalauréat, les membres ne se laissent pas imposer un sujet. Nous avons donc des interactions moins dissymétriques dans le cadre des TPE. Il m’a donc paru important, en plus de provoquer ces interactions, de les contrôler afin d’éviter l’effet de leader, néfaste à l’apprentissage de tous les membres du groupe. Si les interactions entre élèves existent au sein des TPE, je pense que cela est dû à la situation même dans laquelle se trouvent les élèves. Il faut donc provoquer les interactions à l’aide de situations pédagogiques adaptées. Les TPE étant des situations particulières, j’ai voulu voir si les interactions entre élèves se retrouvaient dans la classe de mon tuteur. Et dans l’affirmative, je voulais analyser la situation proposée, le cadre spatial de l’échange,…. afin de proposer des hypothèses pour résoudre mon problème professionnel. Je suis allé assister à un cours en classe de terminale S spécialité SVT. Il s’agit d’un cadre différent du mien car le nombre d’élèves est plus faible et où il n’y a pas réellement de travail de groupe mis en place, en dehors de situations particulières (débat,..). J’ai donc assisté à un débat sur les modifications climatiques. Chaque groupe devait réaliser un court exposé oral (de cinq à dix minutes) et le présenter devant le reste de la classe. Il y avait de nombreux thèmes comme les variations du niveau de la mer et ses conséquences, le Gulf Stream,… La classe était disposée en rond, où chaque intervenant pouvait se voir. A la fin de chaque intervention de groupe, Jean Paul Bousseau, mon tuteur, interrogeait le groupe et l’ensemble de la classe. On rentre dans les interactions professeur à élèves dans le triangle didactique. L’enseignant joue le rôle d’intermédiaire, voir d’animateur dans la classe. Il y eut quelques interactions entre pairs, mais cela n’a été que des courtes réactions, qui n’engendrent pas de réels échanges d’élèves à élèves. Ce n’est qu’en fin de la séance, quand un groupe est passé sur le thème « Les solutions au réchauffement climatique » que j’ai pu observer de véritables interactions entre pairs. Le professeur ne jouait le rôle que de spectateur, évidemment prêt à intervenir en cas de « débordement » ou de problèmes de gestion de

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    temps. Cependant, le professeur a été dans l’obligation l’interrompre l’arrêter et de le reporter au cours suivant ; le cours étant terminé. J’ai souhaité assister au prochain cours, pour voir si le débat pouvait continuer. La disposition de la classe était différente. Le cours ayant lieu au laboratoire de biologie, la disposition en rond n’était pas possible. Jean-Paul Bousseau a donc demandé au dernier groupe de repasser à l’oral, au bureau du professeur. Après le passage de celui-ci, j’ai pu constater que le débat reprenait effectivement entre les élèves. Les échanges entre pairs ne sont pas intervenu aussitôt, l’enseignant a été dans l’obligation de préciser certaines notions dont la gestion de l’énergie (voir annexes). Ce n’est qu’après les avoir défini que j’ai pu observer de nombreuses interactions entre pairs. C’est ainsi que Benjamin maintient sa position par des exemples précis, que d’autres tentent de mettre à mal. Le professeur intervient rarement dans le débat et l’interaction a bien duré une quinzaine de minutes (les retranscriptions de l’annexe ne concernent pas tout l’échange). J’ai donc pu observer de vrais échanges entre élèves, chacun essayant de défendre son point de vue. Plusieurs critères importants, à mon avis, ont permis de provoquer ces interactions. D’une part, le sujet doit être connu de tous. C’est ainsi que je tente de m’expliquer la si grande pauvreté des échanges entre pairs lors du passage des groupes. Chaque groupe ayant travaillé sur un thème différent, les élèves ne disposaient pas de l’intégralité des données leur permettant de discuter entre eux D’autre part, un climat de confiance règne au sein des membres de ce groupe de classe de terminale. Ceux-ci ayant suivis leur scolarité dans le même établissement, on peut penser qu’ils se connaissent bien, comparé aux élèves de seconde nouvellement arrivés dans l’établissement et venant d’horizons différents. Est-ce que la disposition de la classe a une importance dans la mise en place des interactions entre pairs ? De plus, le travail en petit nombre, et la définition de consignes précises favorise-t-il ce type d’interaction ? Les observations menées ne me permettent pas d’y répondre actuellement. Il s’est donc dégagé une problématique : Les interactions entre élèves : quelles sont les activités à mettre en place pour les favoriser et en quoi facilite-t-elle l’apprentissage des élèves ? En utilisant mes observations initiales, je souhaite organiser mon travail suivant deux axes différents mais complémentaires. Premièrement, il me parait indispensable d’instaurer un climat de confiance et d’écoute dans la classe. Le travail sur les conceptions des élèves me parait essentiel. Ainsi, mon objectif est de prendre en compte chaque parole d’élèves et de les valoriser. Il me semble aussi que donner en correction les productions de certains élèves, utiliser leurs dessins d’observations pour définir ensemble les critères de réalisation d’une telle production sont importants. J’envisage donc tout au long de l’année de favoriser cette méthode de travail. Elle ne sera pas développe dans ce mémoire puisque je considère que si le climat de confiance est un préalable à des interactions entre élèves, il n’est pas suffisant pour les provoquer. Deuxièmement, je m’appuierai sur la conception de situations d’apprentissages particulières permettant les interactions entre pairs. Il m’appartient d’en réaliser pour succiter chez les élèves des réactions. Si succiter une réaction est un premier pas, il n’est pas suffisant pour qu’il y ait des effets sur l’apprentissage des élèves. Je travaillerai donc, en parallèle, sur ces deux points :

    • provoquer les interactions et

  • 8

    • les analyser afin d’en améliorer leur efficacité. Pour le premier axe de travail, j’ai souhaité créer des activités favorisant ce type d’interaction, à partir des conclusions tirées de mes observations. Ces activités peuvent être mené en classe entière ou au sein de groupes d’élèves. Ces activités devaient, en rapport avec mes observations, remplir différents critères. L’activité proposée doit être identique à tous les élèves, clairement présenté avec des consignes précises. Les membres du groupe doivent s’apprécier, en tout cas, se tolérer. Il est indispensable que chaque membre du groupe prenne en compte la parole de l’autre. Mes observations étant ponctuelles, je considère qu’elle ne me permettent pas de proposer une liste exhaustive de critères supposés importants pour provoquer des interactions entre élèves. J’émets donc d’autres hypothèses, comme le travail personnel individuel avant que les élèves ne rentrent dans le travail de groupe,… Au sujet de mon deuxième axe de travail, les retranscriptions des élèves sont un moyen d’avoir accès aux interactions et de comprendre leur fonctionnement. En jouant sur de nombreux paramètres (conception même de l’activité, groupe homogène et hétérogène,…), je pense que l’on peut améliorer les interactions dans le sens de la progression de chacun des membres du groupe (le groupe pouvant être la classe, ou bien plus restreint) Si j’ai souhaité développer de telles activités, j’ai voulu savoir avant si la mise en place de ces interactions était importante dans la construction du savoir des élèves. Dans le cas contraire, je ne voyais pas l’utilité d’y travailler. Ce sera l’objet de ma deuxième partie.

  • 9

    II / DES INTERACTIONS ENTRE PAIRS , MAIS POURQUOI FAIRE ?

    A/ UNE RELATION SYMÉTRIQUE OU ASYMÉTRIQUE C’est CATTANEO (1864) qui fut le premier à supposer que l’élaboration des connaissances résultaiterait des « ACCORDS ET DESACCORDS ENTRE INDIVIDUS ». On définit différents types d’interactions :

    • Les interactions asymétriques regroupant les imitations (BINET , BANDURA (1900) et BALDWIN (1897)) et le tutorat

    • Les interactions symétriques où l’on distingue les coopérations sans conflit (ROGOFF (1990), AZMITIA (1988), DUMONT et MOSS (1992)) et les coopérations avec conflit appelées aussi conflit sociocognitif (DOISE ET MUGNY (1981), PERRET-CLERMONT (1979).

    Tous les auteurs ne s’accordent pas sur l’importante de telle ou telle interaction dans l’apprentissage. Cependant, ils sont unanimes sur le rôle joué par autrui dans l’apprentissage. L’interaction est ainsi, pour l’individu, un lieu de confrontation à autrui, à ses idées et à ses actions.

    RR EE LL AA TT II OO NN As y mé t r i q u e S y mét r i q u e

    SOUTIEN

    TUTORAT

    ET IMITATIONS

    COOPÉRATION

    OPPOSITION

    CONFLIT

    INTENTIONNEL

    CONFLIT

    SOCIO-COGNITIF

    Si la séparation entre intéractions symétriques et asymétriques est pratique, il est néanmoins pas évident car l’asymétrie peut résulter de l’âge des participants, le degré d’expertise des sujets en présence,…C’est ainsi que, au sein de ma classe, l’asymétrie peut résulter de la présence d’un élève redoublant dans le groupe. Même si, au sein même des élèves, nous avons des niveaux différents, on considérera que l’interaction entre pairs est une relation symétrique, comparée à une relation professeur à élève.

    Figure 2 : Les interactions symétriques et asymétriques selon PONTECORVO (1987)

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    En quoi l’interaction peut-elle engendrer des progrès ? Laquelle de ces deux interactions est la plus profitable à l’élève :

    • La relation asymétrique professeur-élève ou • La relation entre pairs, symétriques ?

    B/ DES INTÉRACTIONS SYMÉTRIQUES OU ASYMÉTRIQUES PLUS APPROPRIÉES

    POUR ENGENDRER DES PROGRÈS INDIVIDUELS : 1/ LE MOD ÈLE DE BANDURA : QUAND LES INT ÉRACTIONS ASYM ÉTRIQUES SONT

    LE PLUS PRÉFÉRABLE Tous les auteurs ne s’accordent pas sur ce point. Ainsi, BANDURA , qui a développé la théorie du modeling, prétend que c’est l’imitation qui permet de provoquer des progressions dans les apprentissages. Selon ce même auteur, si la réponse de l’adulte est supérieure à celle de l’enfant, ce qui est habituellement le cas, il en résulte un progrès puisque la réponse du modèle se substitue à la réponse moins bonne de l’enfant. Certains auteurs comme COWAN et AL (1969) et KOLBERG (1969) contestent la signification des résultats obtenus par BANDURA , et donc l’efficacité de ce modèle. Si on transpose ces idées à la classe, les progrès individuels seraient dus à une imitation (théorie du modeling) des conceptions du professeur pour le substituer au modèle acquis ultérieurement par l’élève. Dans ce cas, il suffirait de surimposer un modèle sans connaître les conceptions initiales des élèves. Si je prends un exemple en Sciences de la Vie & de la Terre, dans le chapitre sur le trajet de l’air, en 5ème, il suffirait de présenter le modèle faisant intervenir la trachée, les bronches et bronchioles pour que les élèves, par imitation, l’assimilent. Cependant, comment expliquer que plusieurs années plus tard, des étudiants placent le cœur sur le trajet de l’air. Si on peut supposer qu’à l’époque, ils avaient intégré le modèle enseigné, ce n’est plus le cas pour les années suivantes. Les progrès individuels sont , dans cet exemple, temporaires et donc peu efficaces T H ÉO R I E D U M O D E L I N G T H ÉO R I E D E PI A G E T

    Situation propice au changement

    Observation Discussion

    Type de changement Progrès ou régression Progrès (régression

    temporaire) Relation propice au progrès

    Avec un adulte Avec un semblable

    Source du progrès Supériorité du modèle Opposition des points de vue

    Figure 3 : La théorie de BANDULA et de PIAGET, vu par FLIELLER (1981)

  • 11

    2/ QUAND LES INTERACTIONS SYM ÉTRIQUES SONT PLUS FAVORABLES A L ’APPRENTISSAGE.

    a/ Aspects expérimentaux De très nombreuses expérimentations ont été réalisées par des auteurs et ont démontrés l’effet bénéfique de faire travailler les élèves ensemble. Je ne ferai que citer ici un des travaux de ANNE-NELLY PERRET-CLERMONT Cet auteur a travaillé sur la conservation des liquides avec des enfants de cinq à sept ans. L’expérience a nécessite l’usage de plusieurs verres de hauteur et de largeur différentes, et d’une bouteille de sirop. Par un pré-test, les enfants sont classés soit en non conservant, soit conservant ou intermédiaire. Les non conversants désignent les élèves qui expliquent que la quantité de liquide augmente ou diminue, quand on verse le sirop du verre A dans le verre B. Les élèves conservants sont ceux qui justifient la conservation du volume du sirop par une identité (« c’est la même chose ») soit par une compensation (« le verre est juste plus petit »). Enfin les intermédiaires se situent entre les conservants et non conservants. Lors de l’expérience, l’auteur a organisé des groupes de travail de trois élèves, composé de deux conservants et d’un non conservant ( ou un intermédiaire). Les enfants sont invités, par la présence d’un expérimentateur, à ajuster leurs points de vue jusqu’à ce qu’ils parviennent à un accord. Un post-test est réalisé une semaine puis de nouveau un mois après. Un progrès significatif est constaté sur un très grand nombre de sujets, qui deviennent conservants. Celui-ci ne peut résulter d’un processus d’imitation car, dans ce cas, des conservants imiteraient aussi bien les non-conservants, puisque les élèves ignorent leurs statuts respectifs. De plus, un groupe de contrôle qui n’ont pas travaillé en groupe ne progresse pas dans les mêmes proportions que le groupe expérimental. ANNE-NELLY PERRET -CLERMONT conclut donc que les progrès ne peuvent être dû qu’aux seules interactions entre les enfants. b/ aspects théoriques

    11.. La conception de Piaget : les interactions symétriques plus appropriées pour le développement intellectuel

    C’est PIAGET qui a bien étudié les interactions symétriques. Il considère que « toute coopération entre pairs est essentielle et à différencier nettement de la relation adulte/enfant ». Il est parti d’un constat simple. D’un coté, il constate qu’un enfant de moins de sept ans n’éprouve aucune gène apparente à formuler à de brefs intervalles des jugements contradictoires sur une même réalité .D’un autre coté, l’étude du langage enfantin semble indiquer que les petits parlent autant pour eux-mêmes que pour leurs interlocuteurs. Ainsi, il est possible de penser que « c’est l’habitude de la discussion qui entraîne le besoin de faire l’unité en soi, de systématiser ses propres opinions ». « Sans l’échange de pensée et la coopération avec les autres, l’individu ne parviendrait pas à grouper ses opérations en un tout cohérent : en ce sens, le groupement opératoire suppose donc la vie sociale. »

  • 12

    PIAGET distingue habituellement quatre groupes dans les facteurs du développement intellectuel :

    • la maturation nerveuse, • l’expérience du monde physique, • les facteurs sociaux et • l’équilibration.

    Dans la catégorie des facteurs sociaux, on y distingue les transmissions culturelles et éducatives (variable aux cultures et sociétés) mais aussi les interactions sociales générales, communes aux diverses cultures et catégories sociales. Dans le cadre des apprentissages en classe, les interactions sociales peuvent désigner les interactions élève à professeur mais aussi les interactions élèves à élèves. Ces premiers sont à classer dans les interactions asymétriques puisque l’échange concerne l’élève (ou les élèves) avec un adulte considéré comme compétent. On peut se poser la question de savoir si l’interaction est aussi efficace avec un adulte qu’avec un autre enfant. PIAGET apporte certains éléments de réponse, dans son ouvrage « Le Langage et la pensée chez l’enfant (1947) ». En analysant des données recueillies dans des classes, il a constaté que le pourcentage de questions posées était environ le double quand l’enfant s’adresse à un adulte que lorsqu’il s’adresse à un camarade. De plus, il constate que les échanges sociaux en dehors de la tâche proposée sont deux fois supérieurs quand le partenaire est un camarade. Il en a donc conclu que l’adulte était considéré comme une source tout à fait privilégiée d’informations, et que l’élève questionnait plus facilement le professeur. Vis-à-vis de ses pairs, l’enfant éprouverait donc un besoin plus important de discuter, d’expliquer son point de vue et de comprendre celui de l’autre que vis-à-vis des adultes de son entourage. Par conséquent, l’interaction entre pairs serait, pour des raisons symétriques, plus appropriée à stimuler le développement intellectuel. Ainsi, selon Piaget, « là où la supériorité de l’adulte empêche la discussion et la coopération, le camarade donne occasion à ces conduites sociales, lesquelles déterminent la vrai socialisation de l’intelligence ».

    22.. Le modèle de Vygotsky : quand l’interaction est intégrée au développement des facteurs psychiques supérieurs

    Vygotsky propose en 1985 une relation tripolaire réunissant « l’individu, l’objet et l’autre ». Il s’oppose ainsi à Piaget qui n’envisage que les relations directes entre l’individu et l’environnement physique au sens large (modèle bipolaire).Pour Piaget, le facteur social même s’il est important n’est pas jugé indispensable dans la construction du savoir, alors que Vygotsky intègre les relations sociales au sein même du processus de développement. Ainsi, l’humanisation se réalise, selon Vygotsky, dans des contextes interactifs dans lesquels les personnes qui entourent l’enfant ne sont pas des objets passifs ou de simples juges de son développement, mais des compagnons actifs qui guident, planifient, régulent, terminent, etc.… le comportement de l’enfant. L’environnement social est donc un agent du développement.

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    Cette différence de point de vue se remarque dans la suite du modèle de Vygotsky. Ainsi, au sein de la structure de l’individu, Vygotsky distingue deux niveaux de fonctions psychiques dans le comportement :

    • La fonction psychique inférieure, qui apparaît au fur et à mesure de la maturation biologique

    • La fonction psychique supérieure (la mémoire, l’attention, la pensée) qui a pour origine la maturation biologique mais qui se développe à partir des contacts sociaux. On peut donc la qualifier de fonction sociale. Les interactions sociales sont déterminantes pour Vygotsky.

    Le développement de cette fonction psychique supérieure nécessite, par conséquent, un facteur social. Cependant, ce n’est pas suffisant selon Vygotcky. L’individu doit se réapproprier les données issues de la discussion entre pairs ; le travail est donc, à ce niveau, individuel. Il faut donc deux étapes dans le développement de la fonction psychique supérieure : une étape d’interactions sociales et une étape individuelle. Cela oblige Vygotsky à définir, deux étapes dans la sociogenèse des processus mentaux supérieurs : l’inter psychisme et l’intra psychisme.

    • L’inter psychique intervient en premier. Il désigne l’ensemble des activités que l’enfant est capable de réaliser avec l’aide, la collaboration ou le guidage d’autres personnes. Ce niveau « inter psychique » appelé aussi « niveau proximal du développement » est à différencier du « niveau actuel du développement » ou niveau « intrapsychique ».

    • L’intrapsychique, qui arrive en seconde position, désigne l’intériorisation et l’appropriation par l’individu des données acquises durant la discussion. On parle d’intériorisation active. A partir de ce moment, l’enfant est capable d’effectuer par lui-même l’activité sans être aidé ou guidé.

    Vygotsky introduit une notion importante « la zone proximale de développement ». Selon ses propres propos, « ce n’est pas autre chose que la distance entre le niveau actuel du développement, déterminé par la capacité de résoudre indépendamment un problème, et le niveau proximal du développement, déterminé par la capacité de résoudre un problème sous le guidage d’un adulte ou en collaboration avec un autre compagnon plus capables.

    INTRA PSYCHIQUE INTER PSYCHIQUE

    Compétence déjà maîtrisée par l’individu

    Tache que l’enfant ne peut pas réaliser qu’avec autrui.

    La différence désigne la zone proximale de développement

    (Vygotcky (1985))

    Figure 4 : Les fonctions intra psychiques et inter psychiques de Vygotcky (1985)

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    Selon ce modèle, toute apprentissage n’est donc pas possible : si l’activité proposée se situe trop au-delà des compétences actuelles, c'est-à-dire ne correspondant pas à la zone de développement proximale, il ne pourra pas y avoir apprentissage, ni développement Inversement, si l’apprentissage est orienté vers les niveaux de développement déjà atteints, il se révélera totalement inefficace du point de vue du développement total de l’enfant

    33.. Nature des interactions entre pairs favorisant les progrès individuels. Le modèle de VYGOTCKY prévoit donc un intérêt dans les interactions : le développement de toutes les fonctions supérieures « Les enfants qui ont participé à certaines coordinations sociales deviennent ensuite capable d’effectuer tout seul ces coordinations » (MUGNY & DOISE 1983). De nombreux auteurs s’accordent pour dire que les interactions entre pairs sont bénéfiques. Ainsi, FOULIN (« Psychologie de l’enseignement ») considère que les apprentissages peuvent être améliorés par les échanges entre pairs, et ceci, entre autre, parce que cela demande aux élèves de résumer les informations oralement. On sait que l’explication à autrui nécessite, auparavant, une bonne compréhension. Les élèves peuvent ainsi se rendre compte s’ils ont réellement compris. Cela profite donc à l’élève qui explique, mais, pas uniquement. Chaque élève bénéficie de ce qui se passe dans le groupe, notamment par l’enrichissement de la compréhension des informations à traiter. Cependant, toute interaction n’est pas nécessairement bénéfique. Il ne suffit pas de faire travailler des enfants ensemble pour qu’ils en tirent un bénéfice cognitif individuel. En effet, une discussion entre pairs est une situation complexe où de nombreuses variables psychosociales peuvent aboutir à un blocage ou à un court-circuitage de la discussion. Dans ce cas là, elle ne peut conduire à des progrès cognitifs chez les partenaires, soit parce que la résistance d’un élève cesse rapidement, soit parce que l’élève n’intègre pas la perturbation. Certains auteurs, dont FLIELLER , 1981, constatent qu’un dispositif matériel peut interpeller fortement un élève, autant certainement qu’un contradicteur humain. Les résultats de ces études montrent même des progressions équivalentes. Cependant, selon les activités, le dépassement de la contradiction peut être plus facile avec un partenaire. Par conséquent, les interactions peuvent devenir bénéfiques pour les élèves, à condition de leur proposer une activité adaptée. Certaines règles sont à respecter. Dans un premier temps, pour Vygotcky le partenaire doit être plus compétent. Ce critère n’est pas unanime parmi tous les auteurs. Les travaux de PERRET-CLERMONT (1979) et DOISE & MUGNY (1981) montre qu’un sujet peut tirer bénéfice d’une interaction sans qu’il soit nécessaire que son partenaire ait un niveau de compétence supérieur au sien. Cela signifie que des interactions entre sujets de niveau initiaux identiques peuvent conduire à des progrès individuels. C’est aussi le point de vue de PIAGET . Mais cela signifie aussi qu’un sujet de niveau supérieur peut tirer bénéfice d’une interaction avec un sujet de niveau inférieur. Ceci tend à réfuter l’hypothèse d’un apprentissage par imitation d’un partenaire plus compétent (BANDURA) De plus, on peut se demander si la présence d’un partenaire reconnu plus compétent par ses camarades ne va pas entraîner un comportement de complaisance des autres élèves, ce qui empêchera toute progression cognitive.

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    Dans un second temps, l’existence de différences et d’oppositions entre les sujets semble être une condition importante chez certains auteurs (M ICHEL GILLY 1987). Les conditions expérimentales, c'est-à-dire les activités proposées par l’enseignant doit rendre ces oppositions et différences très saillantes pour avoir un bénéfice quelconque. Certains, comme BLAYE ( 1988) et FRAISE & ROUX (1988) montre, que si les différences et oppositions jouent un rôle privilégié, les formes de coopération peuvent être tout aussi bénéfique, sans qu’il y ait de conflit sociocognitif proprement dit. Ainsi, le bénéfice de l’interaction ne serait pas lié directement à la présence d’un conflit socio-cognitif mais à la présence de deux critères importants : la déstabilisation et le contrôle.

    • La déstabilisation peut être une opposition dans le cadre d’un conflit socio-cognitif (GILLY 1987) mais aussi un apport d’information, une ouverture du champ des possibles, des interrogations. Il faut, comme le souligne FLIELLER (1981), que l’élève intègre la perturbation pour progresser. Si l’interaction conflictuelle est de courte durée, le travail individuel de l’élève (FLIELLER 1981) est beaucoup plus long, ce qui nécessite donc de la part de l’enseignant une maîtrise du temps de l’activité

    • Le contrôle qui peut être un renforcement des interventions par un acquiescement du partenaire ; ceci favorisant ainsi le cheminement cognitif du partenaire.

    Dans un troisième temps, la recherche d’un accord pour une réponse commune doit se faire sur un mode socio-cognitif et non sur un mode purement relationnel de type complaisance ou soumission. . PERRET-CLERMONT (1979) en vient même à se demander si la situation sociale des élèves ne peut pas dénaturer l’échange cognitif. La classe étant hiérarchisée, avec des différences de statut des élèves, ceux qui ont le plus haut statut parmi leurs pairs ont de bonnes chances de dominer le groupe, et ceux qui ont un bas statut de ne pas participer à la tâche. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas capable de participer, mais ils ne disposent pas d’attention dans le groupe. Le statut parmi les pairs peut se fonder sur la compétence des élèves ou sur leur charme et leur popularité (COHEN, 1994). Comme il y a apprentissage quand les élèves entrent en interaction. Les élèves qui ne participent pas parce qu’ils ont un bas statut apprendront moins qu’ils auraient pu le faire s’il y avait eu plus d’interaction. Il faut donc de la part de l’enseignant une réflexion sur la constitution des groupes de travail. Enfin, il faut que l’interaction, pour être producteur de progrès, concerne une connaissance ou une structure qui est prête à être modifiée : il faut se situer dans une zone appropriée du développement intellectuel, de Vygotsky. Malgré des différences de point de vue, tous ces auteurs s’accordent sur le bénéfice des interactions entre pairs. On retrouve ainsi, comme dans les travaux de PERRET-CLERMONT (1979) des expérimentations prouvant que les groupes expérimentaux (en interaction) progressent plus que les groupes témoins (travail individuel). L’apprentissage étant favorisé, je me dois donc de provoquer des interactions entre mes élèves.

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    III / LES INTERACTIONS ENTRE PAIRS DANS MA CLASSE.....

    QUE DOIS-JE FAIRE POUR LES PROVOQUER ? Au vu de mes observations, de la bibliographie et de mes conclusions, j’ai essayé de concevoir des activités pouvant provoquer des interactions, dans un but de la progression individuelle. A/ DES INTERACTIONS ENTRE PAIRS POSSIBLES DANS MA CLASSE J’ai conçu un TP sur « La circulation océanique de surface et profonde (partie SVT Seconde La planète Terre et les enveloppes externes) mettant en jeu des interactions entre pairs. Ce TP était constitué de deux parties : une analyse de documents et des manipulations Comme j’avais constaté que les activités étaient souvent partagées entre les membres du groupe, j’ai souhaité que la première partie de mon TP (Analyse de documents) soit réalisée dans un premier temps de façon individuel sur un brouillon. Ensuite, les consignes étaient données de mettre en commun les réponses et de m’expliquer les différences de points de vue des membres du groupe. Au final, un seul compte rendu était relevé avec les brouillons de chaque élève. En comparant les brouillons et la production finale, je pouvais ainsi voir le point de départ de la réflexion (réflexion personnelle de l’élève) et le point d’arrivée (production finale). Des enregistrements audio ont été réalisés dans deux groupes pour analyser l’interaction provoquée par l’activité. Les groupes se sont formés spontanément selon les affinités des élèves. Le premier groupe analysé (Nicolas, Jean-Baptiste et Jean) est un groupe hétérogène alors que le second (Edouard et Antoine) est homogène constitué d’élèves de bon niveau scolaire.

    11.. ANALYSE DU PREMIER GROUPE

    La retranscription orale complète de ce groupe est mise en annexe. Pour les besoins de l’analyse, je me référerai à certaines interventions que j’intégrerai directement dans le corps du texte. La phase de travail personnel a duré environ vingt minutes. Elle a été entrecoupée par des interventions orales. Ces interactions non souhaitées sont souvent des demandes de précision :

    Jean-Baptiste : « C’est quoi la salinité ? » Nicolas : « C’est le taux de sel ».

    Ce sont aussi des lectures de texte à haute voix : Jean-Baptiste : « Pourquoi trouve-t-on de l’eau salée au Pole ?...je sais pas, l’eau est salée partout…car (lis le texte du document 1) »

    Cela peut être aussi des jeux devant le dictaphone Jean-Baptiste : « Hé, le prof d’SVT est génial, trop sympa ! »

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    Je constate que, souvent, les premières minutes d’enregistrement sont biaisées par la présence physique du dictaphone. La phase de mise en commun a bien crée des interactions. La question 1 était de localiser la zone de plongée des eaux de surface et d’indiquer la zone climatique correspondante, à l’aide de leur manuel. Le premier élève qui se lance dans la réponse est Jean-Baptiste. Il indique que la zone de plongée se « situe dans l’Océan Atlantique, au 60°N, en climat tempéré ». Nicolas propose sa réponse mais introduit le terme de « Groenland » et de « climat polaire ». Sa réponse s’oppose donc à celle de Jean-Baptiste qui place la zone de plongée dans la zone tempérée. Cependant, ce n’est pas cette opposition de point de vue entre la zone climatique de la zone de plongée qui va intéresser Jean-baptiste et JEAN dans un premier temps. Ils vont essayer de comprendre pourquoi Nicolas cite le Groenland Nicolas, pendant quelques minutes précise et explique en utilisant son livre et sa fiche TP. Pendant qu’il parle, il montre directement la carte de la fiche TP pour appuyer ses propos. Les autres acquiescent au final. L’interaction a donc permis à Nicolas de préciser sa pensée en expliquant à ses camarades pourquoi il avait signalé que la zone de plongée des eaux se situait prés du Groenland. Le conflit ayant été résolu, Jean revient sur le type de climat proposé par Nicolas : le climat polaire. Il émet directement un avis négatif, « Je ne suis pas d’accord que c’est le climat polaire », repris plus tard par Jean-Baptiste. Nicolas maintient son avis sans argumenter. L’interaction tend à rentrer dans une impasse où chaque membre du groupe reste sur leur position respective. Est-ce parce que j’avais demandé de réaliser une production finale que le blocage a cessé ? Dans le cas d’un groupe avec leader, on aurait pu penser qu’un avis soit imposé aux autres. Cependant, on peut considérer que Nicolas et Jean-Baptiste sont des élèves leaders : un avis ne peut donc pas être imposé à un autre membre leader. Quelques secondes après l’intervention de Nicolas, Jean-Baptiste décide d’argumenter en faisant référence à la carte des isothermes du livre vu en cours. La discussion s’entame entre les élèves pour savoir si la zone de plongée se situe en zone polaire ou tempérée. Au final, le point de vue de Jean-Baptiste s’impose par l’argumentation. Nicolas accepte l’opposition, « Tu as sûrement raison ». Ce type d’interaction s’inscrit directement dans le cadre du conflit socio-cognitif, avec argumentation pour convaincre ses pairs. L’analyse précise des interactions orales montre qu’un des membres du groupe, JEAN, se retire des discussions. Il a tendance à laisser les autres s’imposer, traduisant un manque d’assurance. Le brouillon de JEAN (annexe) montre des réponses souvent incomplètes, voir hors sujet, qui peut expliquer ce manque de confiance en soi . A la 40ème minute, JEAN tente même de se retirer des échanges en proposant à Jean-Baptiste et Nicolas de préparer la manipulation suivante. A la quarante deuxième minutes, je suis intervenu pour signaler l’importance de JEAN dans le groupe. Aussitôt, JEAN propose sa réponse. Celle-ci, même si elle est hors sujet, n’est pas reprise par les membres du groupe.

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    Nicolas propose sa réponse. Jean demande une précision sur la réponse de Nicolas (JEAN : « Il faut dire pourquoi ») mais cette tentative est stoppée involontairement par mes soins en rappelant la contrainte de temps. L’activité proposée a donc créer des échanges entre les élèves : on retrouve un conflit socio-cognitif avec argumentation. Y en a-t-il eu dans le deuxième groupe ?

    22.. ANALYSE DU DEUXI ÈME GROUPE. Le deuxième groupe est constitué d’élèves de bons niveaux scolaires : Edouard et Antoine. Au contraire du premier groupe, la phase de travail individuel est respectée. La phase de mise en commun a bien eu lieu mais, comme la retranscription des échanges oraux le montre, les interactions ne sont pas aussi riches que le premier groupe. ; Les réponses des deux élèves étant identiques. Cependant, on peut retrouver à certains niveaux les critères importants définis par GILLY (1987) : déstabilisation et contrôle. En bilan, l’activée proposée a bien provoqué des interactions. Elle consiste en un travail très dirigé où les élèves devaient mettre en commun leur réponse. Les groupes se sont formés par affinité des élèves. J’ai eu dans la classe des groupes spontanés de niveaux différents. L’enregistrement des interactions orales a concerné un groupe homogène (d’élèves de bons niveaux scolaires) et un groupe hétérogènes. Les conclusions sont multiples. D’une part, l’hétérogénéité des groupes semble favoriser les interactions. En tout cas, un groupe d’élève de bons niveaux scolaire n’engendre pas de conflit socio-cognitif. Peut–on en déduire que les résultats avec un groupe homogène composé d’élèves en difficulté auraient été identiques ? J’ai pu remarqué, dans le groupe enregistré mais aussi dans beaucoup d’autres groupes que certains élèves tentent de se retirer des échanges. Ceci peut être lié à la personnalité de certains élèves (timidité) mais aussi à un manque de confiance en leur réponse (exemple de Jean). Les résultats obtenus sont encourageants. Mais, l’activité proposée étaient volontairement cadré pour provoquer des interactions. Les échanges ne concernaient que les réponses à des questions d’un TP, elle-même très fermées. Ils ne me conviennent donc pas. Voyant que des interactions entre pairs sont possibles dans ma classe, j’ai souhaité que ces échanges se fassent sur des questions que l’on pourrait qualifiées d’ouvertes. Dans un premier temps, j’ai souhaité le réaliser au sein même de petits groupes de travail (trois à quatre élèves) pour ensuite l’étendre à la classe entière.

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    B/ DES INTERACTIONS POSSIBLES SUR LES QUESTIONS OUVERTES.

    11.. QUAND LA RÉPONSE EST CONNUE DE TOUS….L ’ INTERACTION EST ABSENTE . Le programme de seconde permet d’étudier les conceptions des élèves, notamment dans la partie Cellule, ADN et unité du vivant. Durant une séance de cours, j’ai demandé à mes élèves de représenter une cellule à partir de leurs connaissances. La question posée était donc une question ouverte. Ce travail était dans un premier temps personnel et d’une durée environ de quinze minutes. Ensuite, j’ai imposé des groupes de travail selon des critères d’affinité. En effet, auparavant, j’avais demandé aux élèves de m’indiquer par écrit leur préférence dans le choix des membres de leur groupe. Les groupes ainsi constitués étaient composés de trois à quatre élèves. Ces groupes avaient pour objectif de mettre en commun les conceptions de chaque élève pour proposer un schéma final de cellule. Quelques productions d’élèves et de groupe sont mises en annexe. On constate que celles-ci ne sont pas réellement différentes si on compare les productions individuelles et collectives. Je n’ai pas réalisé d’enregistrement audio et vidéo. Cependant, j’ai pu constaté que le travail de groupe n’étaient pas efficace : les membres étaient tous d’accord sur le schéma d’une cellule. Les discussions n’avaient plus que pour motif les occupations du week-end dernier (le cours ayant lieu le lundi après-midi). Ce que l’on peut conclure de ces observations, c’est que le travail de groupe doit être nécessaire. Dans le cas de la représentation d’une cellule, tous les élèves avaient une conception identique. Le fait de les mettre en groupe n’avait donc aucun intérêt, d’où la nécessité de l’enseignant de s’adapter à son public et de ne pas hésiter à modifier son programme si cela le nécessite. De plus, les groupes étant formés par affinité, je fut donc confronter à une autre difficulté : la distraction des élèves. Cependant, ayant deux paramètres qui varient (affinité des élèves, conception identique), je ne peux pas conclure sur la dominance de tel ou tel facteur. Je peux néanmoins supposer que les affinités des membres des groupes ont été un facteur « aggravant ». Même sans cela, je ne pense pas que des interactions auraient été crée, les élèves « n’ayant pas de matière à discuter ».

    22.. QUAND LE TRAVAIL EST « SURHUMAIN » J’ai conclu que le travail en groupe devait se justifier. Cela signifie que la tâche doit avoir un niveau de complexité élevée telle qu’elle ne puisse pas être accomplie par des individus. J’ai donc conçu une activité remplissant ces critères sur le métabolisme des êtres vivants. Le métabolisme autotrophe, hétérotrophe et la notion de matière organique ont été définis ensemble en classe. Je leur proposais différents organismes : l’Elodée, la levure, les algues unicellulaires, etc.…La question posée était : Quel est le métabolisme de ces organismes ? L’activité proposée permettait de concevoir une démarche scientifique avec la question (quel est le métabolisme de l’organisme ?), les hypothèses

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    (l’organisme est autotrophe, l’organisme est hétérotrophe). Pour valider ou réfuter les hypothèses, les élèves étaient invités à concevoir eux-mêmes les expériences pour conclure du caractère autotrophe ou hétérotrophe de l’organisme. L’activité proposée a duré trois séquences : les deux premières avec un travail en petit groupe (avec éventuellement un travail individuel) et le dernier consistait à une mise en commun des protocoles expérimentaux à l’oral. Lors de la première séance, j’avais initialement conçu l’activité comme étant, dans un premier temps, individuel. Après cette première étape, un travail de groupe permettait de confronter les idées des élèves. Ce premier temps me paraissait important pour que chaque élève prenne le temps de réfléchir ; éliminer cette étape aurait favorisé les élèves qui réfléchissent rapidement. Cependant, je me suis vite aperçu que le travail demandé individuellement paraissait insurmontable pour beaucoup élèves. Paul m’a même dit : « Je n’y arriverai jamais monsieur…..c’est pas la peine que je le fasse, ça sert à rien…… » J’avais mis en lumière la mobilisation de l’élève. On la définit comme étant le niveau de l’effort que l’élève consent à fournir au moment de l’exécution d’une tache. Elle dépend des motivations, buts, attitudes et représentation du sujet. Elle dépend aussi de l’écart qui existe entre ce qui lui est demandé et ce qu’il est capable de faire. Ainsi, dans cet exemple, Paul estimait que l’écart entre ses capacités et l’activité demandée était trop importante. Paul n’est qu’un exemple de cette attitude, d’autres ayant eu la même réaction. Pour le deuxième groupe, ayant constaté ces attitudes, j’ai décidé d’organiser des groupes de travail et d’éliminer l’étape du travail individuel. J’ai eu quelques « C’est trop dur monsieur », « On n’a jamais fait çà, on s’est pas comment on fait ? ». Mais lorsque je quittais le groupe, je m’apercevais que les élèves discutaient de leur « amorce » d’idée. La mise en groupe avait donc eu un impact positif sur le travail de chacun. Les élèves se sentaient rassuré d’être en groupe, comme si le fait d’être ensemble les rendaient plus fort face à un travail difficile. Le travail de groupe dans le cadre de cette activité a donc été donc justifié et permettait de sécuriser les élèves. J’avais donc illustré un élèment important de l’intéraction entre pairs : si le travail est en dehors de la mobilisation de l’élève, les échanges au sein du groupe sont favorisés. De plus, le fait de proposer une question ouverte crée une diversité de réponses, autant de réponses à partager ensemble. Lors de la deuxième séance, j’ai reformé les groupes comme à la première séance pour continuer le travail. Vers les quinze dernières minutes, un groupe a pu passé à l’oral. Enfin, lors de la dernière séance, les autres groupes sont passés. Au final, tous les élèves de la classe se sont mis d’accord sur un protocole expérimental, suite aux interactions après la présentation des groupes. . Je souhaite donc étudier les interactions dans un groupe homogène d’élèves de bon niveau scolaire et d’élèves en difficulté. On avait montré que dans un groupe d’élèves de bon niveau scolaire, quand la réponse est connue, il n’y a pas d’interactions. Le fait de poser une question ouverte multiplie le champ des réponses, ce qui devrait entraîner des échanges entre ces élèves.

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    Mais, en ouvrant le champ des réponses, ne perturbons pas les élèves en difficulté. Vont-ils unir leur force pour répondre à la question. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité étudié un groupe d’élèves en difficulté. Enfin, afin d’élargir le niveau spatial des échanges, j’étudierai les interactions au sein de la classe.

    aa.. LES INTERACTIONS DANS UN GROUPE HOMOGÈNE DE BONS ÉLÈVES SUR UNE QUESTION OUVERTE ?

    Lors du travail précédent (partie A 1/), j’avais mis en évidence les faibles interactions dans un groupe homogène de bons élèves. Est-ce le cas lorsque la question est ouverte ? Pour cela, j’ai procédé à des enregistrements vidéo d’un groupe imposé de trois élèves de bons niveaux scolaires et d’un groupe de trois élèves en difficulté. La retranscription complète se situe en annexe. On remarque, que si on ne trouve pas de conflit socio-cognitif dans ce groupe , on observe ce que PONTECORVO (1987) appelle coopération. Chacun apporte « une pierre à l’édifice ». On peut le remarquer pour la construction de la définition du métabolisme autotrophe et hétérotrophe. Gersende est la première à proposer une définition « alors, c’est : les autotrophes synthétisent leur matière organique à partir de matières minérales ». Flavie modifie légèrement la définition en introduisant le terme prélever. « ….non, en gros, tu mets qu’ils prennent de la matière minérale ». Aussitôt, Gersende modifie sa réponse « .qu’ils se développent à partir de matière organique ». On a, ainsi durant quelques minutes des interactions de va et vient entre Gersende et Flavie qui essayent de compléter la définition. Caroline étant chargée de recopier la réponse, ayant une multitude de réponses, tente de proposer une réponse qui fasse l’unanimité entre Flavie et Gersende. La fin de l’interaction sur la définition est indiquée ci-dessous.

    Caroline : ou alors qu’ils puisent des matières minérales dans leur environnement afin de se déposer

    Gersende : puiser dans leur environnement Caroline : qu’ils puisent dans l’environnement des m……. (rire) Gersende : ils se développent, se nourrissent et tout….dans…..à partir de matière

    minérale puisée dans l’environnement Caroline (reprend pour être sûr pour la trace écrite) : ils puisent des matières minérales

    dans l’environnement. Si certains auteurs considèrent que le seul conflit socio - cognitif engendre des progressions individuelles, d’autres pensent que la coopération peut être un moyen d’apprentissage. La coopération n’est pas toujours présente dans le groupe. On peut notamment relever la méthode choisie par ce groupe pour se mettre d’accord sur les organismes à étudier. Ils avaient à disposition les levures, l’Elodée, les algues unicellulaires, les paramécies. Le choix n’ayant pas d’influence sur les expériences, ils semblent décider en fonction de leurs connaissances des organismes.

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    Le TP n’ayant pas pu être terminé, j’ai continué le travail lors de la séance suivante (les vacances ont séparé les deux séances). De nouveau, les groupes étaient reformés avec pour objectif de présenter à la classe le protocole expérimental. J’ai de nouveau procédé à des enregistrements vidéo : j’ai continué d’enregistrer le groupe de Gersende, Caroline et Flavie. De nouveau, on constate que les élèves se contrôlent mutuellement, apportent des idées. Cependant, je constate le rôle important de l’enseignant dans les échanges : il intervient souvent pour compléter le débat. Ainsi, Flavie propose un questionnement : « Comment savoir si le glucose que l’on teste est présent dans les cellules ou dans le milieu extérieur ». Il s’ensuit une suite d’interventions qui tentent de résoudre le problème mais aucune va satisfaire le groupe. C’est alors que Gersende m’appelle afin que je « puisse faire avancer la discussion ». Il est donc important pour l’enseignant de pouvoir intervenir dans les interactions entre pairs quand celles-ci ne permettent pas d’arriver à une réponse commune. Mais, je m questionne sur l’impact de l’enseignant sur le débat du groupe. il doit être le moins directif possible pour que l’intéraction entre pairs soit bénéfique. Il ne doit donc intervenir dans le groupe que pour « aiguiller les élèves ». En bilan, des interactions entre pairs se sont déroulés dans un groupe homogène d’élèves de bon niveau scolaire. Ses membres se contrôlent, se questionnent pour répondre à la question commune. En comparant avec le groupe d’Edouard et d’Antoine, je conclue que le fait de poser une question ouverte provoque des interactions. Je n’ai pas fait d’enregistrement audio du groupe d’Edouard et d’Antoine, puisque j’avais choisi de les intégrer chacun dans des groupes différents. Je n’explique donc pas la présence d’interaction par la personnalité des membres du groupe mais bien sur la présence d’une question ouverte.

    bb.. DES INTERACTIONS DANS UN GROUPE HOMOGÈNE D’ÉLÈVES EN DIFFICULT É SUR DES QUESTIONS OUVERTES ?

    J’ai enregistré un autre groupe constitué de Paul et Amaury , que l’on peut considérer comme des élèves en difficulté. Cela me permettra de comparer les interventions entre le groupe de Gersende, Caroline et Flavie avec ce groupe. On avait observé dans le groupe de Caroline, Gersende et Flavie des interactions de type coopération. Est-ce le même cas pour un groupe constitué d’élèves en difficulté ? La retranscription est proposée en annexe. On peut constaté de la pauvreté des échanges. Amaury arrive en séance avec une idée (les vacances ont séparé les deux séances, et selon ses dires, il aurait chercher individuellement…)

    Amaury : Je viens de m’apercevoir que le CO2, c’est une matière minérale. Tu t’en souviens de ce qu’il avait fait Antoine, avec le truc qui tourne (note : se référer à un TP précédent utilisant un agitateur magnétique)……..Prendre l’eau minérale, et après si çà tourne et dégagent de CO2, on sait si c’est un hétérotrophe ou un autotrophe car on sait qu’un des deux dégagent du CO2…tu vois !!! (l’air content) Dans la suite de la retranscription, Paul approuve chaque proposition d’Amaury , mais je m’interroge sur la sincérité des approbations. Il semble, après avoir visionné la vidéo, que cela est plus un jeu devant la caméra.

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    Durant la suite de la séance, Paul intervient peu, il est distrait. Il n’a pas l’air concerné par le travail et laisse le soin à Amaury de chercher dans la liste du matériel disponible du laboratoire de biologie celui qu’il faudra prendre pour faire l’expérience. Il s’est attribué la fonction de préparer le transparent : on retrouve ici encore une partition du travail. Amaury est chargé de trouver le protocole expérimental, Paul lui de retranscrire ses propos par écrit. C’est l’une des deux dérives du travail en groupe (R.COUSINET 1996) : la dérive économique Cet exemple illustre la thèse de ALAIN BAUDRIT : Paul ne s’engage pas intellectuellement. Pourtant, c’est l’une des conditions de réussite du travail collectif. De plus, selon le même auteur, l’efficacité du travail de groupe homogène d’élève de niveau faible est très limité. En effet, « les échanges sont pratiquement inexistants, par l’absence de pré requis des interactants ». Ils ne peuvent ni coopérer, ni s’entraider. Ceci pourrait donc expliquer cela : l’absence de l’engagement de Paul s’expliquerait parce qu’il ne peut rien proposer d’autres. Ce sont souvent des groupes où l’on observe un partage des taches : exactement comme Amaury et Paul, où ce dernier s’est auto attribué la fonction de scripte. Ceci ne favoriserait pas l’apprentissage. En reprenant VYGOTSKY , on se rend compte que, dans la notion même de zone proximale de développement, la formation de groupe hétérogène est fortement conseillée. La zone proximale de développement détermine ce « dont l’enfant est capable en collaboration avec des pairs plus compétents » (SCHNEUWLY 1994). Au début, au moins, la présence d’une personne qualifiée parait important pour déclencher de nouveaux apprentissages. Je m’attacherai donc, dans la suite de mes expérimentations, à mettre en place des groupes hétérogènes pour favoriser les intéractions entre pairs

    cc.. DES INTERACTIONS SUR DES QUESTIONS OUVERTES, EN CLASSE ENTIÈRE ? Si je retrouve des interactions au sein de certains petits groupes, il me parait aussi important de favoriser le dialogue dans la classe. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité organiser des passages à l’oral. Chaque groupe passait devant ses camarades, en ayant comme support un transparent. A la fin de leur intervention, les élèves étaient invités à questionner leur camarade pour préciser certains points du protocole expérimental. Les retranscriptions complètes sont présentes en annexe. PASSAGE DU GROUPE D’EDOUARD/LENA /NICOLAS A L ’ORAL On constate que les interactions sont difficiles à mettre en place juste après le passage de groupe à l’oral. Mais, elles sont lieu. Antoine s’étonne de la nécessité de colorer le noyau pour déterminer le métabolisme. Cet idée est reprise par Jean-Baptiste, en disant « C’est pas la question…on cherche le métabolisme ». Edouard se défend, et Léna le soutient. Mais, au final, l’interaction ne permet pas de conclure sur la nécessité ou pas de colorer. Je suis obligé d’intervenir, en essayant de ne pas donner de valeur à leur réponse. Cependant, je signale que « Il colore le noyau…..donc, il sert à identifier le noyau uniquement ». Après analyse, le terme « uniquement » aurait-il aiguillé Léna sur mon avis. En effet, après mon intervention, Léna signale que le colorant ne sert « à rien », selon ses propres termes. Edouard maintient sa position, mais la nuance puisque il affirme qu « c’est pas le bleu de méthylène qui va faire la différence ». Je me pose donc la question de l’impact de mon intervention sur ce débat. S’il est bien d’amorcer un conflit socio-cognitif comme celui entre Edouard et Jean-Baptiste, il est nécessaire d’en sortir. Or, sans mon intervention, aucun accord n’aurait été trouvé. Mais, il est

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    important de ne pas porter de jugement sur la valeur sur la réponse de tel ou tel groupe, afin de favoriser le règlement du conflit socio-cognitif par les pairs eux-mêmes. PASSAGE DU GROUPE JEAN-BAPTISTE /PIERRE/JEAN A L ’ORAL J’apporte une précision suite au passage de ce groupe : mon tuteur était présent à la séance et était invité à participer aux débats. De même que pour le groupe précédent, on observe la mise en place d’un conflit socio-cognitif. Edouard demande comment on peut estimer la quantité de glucose prélevé par l’Elodée. Léna émet une hypothèse selon laquelle la bandelette de glucose permettrait de distinguer différentes concentrations en glucose. Son intervention est approuvée par mes soins. Mais, cela provoque un questionnement de Nicolas : si on regarde la concentration du glucose, l’évaporation pourrait modifier les résultats. Léna, repris ensuite par Jean-Baptiste, propose de mettre un bouchon. Jean-Baptiste maintient que l’évaporation est négligeable, mais ne refuse pas de placer un bouchon sur les tubes à essai... Jean-Baptiste a introduit dans son protocole une donnée issue de la discussion entre pairs. Nicolas et Léna l’ont déstabilisé et contrôlé. Mon intervention finale « On peut mettre un bouchon !! », ne vient pas, à mon avis, contrairement au groupe précédent, perturber l’échange puisque la donnée est définitivement acquise par Jean-Baptiste. La suite des échanges se font plus dans le schéma « enseignant-èlèves » . PASSAGE DU GROUPE AMAURY/PAUL A L ’ORAL C’est le groupe où les intéractions intragroupe étaient si pauvres. Paul, de nouveau, se retire de la présentation orale, mais aussi du débat qu’il y aura ensuite. Mon tuteur, Jean-Paul, débute le questionnement du protocole. Après cet échange, Léna intervient en s’interrogeant sur la nécessité d’agiter la solution à l’aide d’un agitateur magnétique. Quelques passages sont retranscris ci-dessous : Léna : pourquoi t’a besoin d’agiter la solution ? Amaury : pour voir la présence de CO2 Léna : oui, mais.. Edouard : ça sert à rien ! Bruno : Pourquoi tu veux l’agiter ? Amaury : pour voir s’il y a du CO2 CLEMENCE : ça, tu peux le faire tout seul, ça se fait tout seul Edouard : ça va plus vite Amaury : ça va plus vite CLEMENCE : oui.. Amaury : Nous, on se sert de la technologie (rire) Bruno : Pourquoi a-t-on agité dans le TP « cycle du carbone » ? On peut constater le changement de positionnement d’Edouard : il passe de « ça sert à rien » à « ça va plus vite ». Je peux supposer que cela est dû à une réflexion d’Edouard entre ces deux réponses. L’analyse de cet échange montre que, si l’on rentre dans un conflit socio-cognitif, les élèves arrivent à s’en sortir, mais en formulant une mauvaise hypothèse. Léna, Clémence et Edouard, au début de l’échange, s’interrogent sur la nécessité de tel appareil pour déterminer le métabolisme. La réponse d’Amaury convainc-t-elle

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    vraiment les « opposants ». En tout cas, Clémence semble accepter l’idée que l’utilisation d’un agitateur magnétique permet d’accélérer l’expérience. Je peux donc penser qu’elle a accepté la proposition d’Amaury, comme Edouard, qui après réflexion, propose la même réponse qu’Amaury. Dans ce cas, les élèves sont sortis du conflit socio-cognitif mais en acceptant une hypothèse erronée. Si je n’étais pas intervenu, je pense que tous les élèves avaient acquis cette nouvelle donnée dans le protocole expérimental. Il m’a donc fallu interroger les élèves sur les raisons de l’utilisation de l’agitateur magnétique, lors d’un précédent TP (Cycle du Carbone). C’est, parce que j’avais utilisé un tel appareil qu’Amaury en propose l’utilisation. Lors de ce TP, j’avais utilisé un agitateur magnétique pour montrer aux élèves que le CO2 atmosphérique pouvait se dissoudre dans l’eau : l’agitateur n’était présent que pour accélérer le processus. Ceci avait bien été compris par les élèves, comme le montre la réplique d’Amaury. Mais, il réutilise les données du TP sur le cycle du carbone sans l’adapter à la question posée. L’intervention de l’enseignant est donc aussi de jouer le rôle d’un élève fictif, qui avait compris que l’agitateur magnétique ne devait pas être cité dans le protocole expérimental. Un tel élève, s’il avait été présent dans ma classe, aurait permis de continuer le débat. Existe-t-il dans la classe ? En tout cas, il ne s’est pas exprimé. Afin de ne pas accepter une proposition erronée, l’enseignant est obligé de questionner les élèves sur le rôle de l’agitateur magnétique dans le TP Cycle de carbone, pour qu’ils comprennent que cet appareil n’est pas adapté au protocole attendu. En bilan, j’ai pu provoquer des intéractions dans ma classe. Il a fallu cependant que je mette en place des activités spécifiques. Ainsi, quand la tâche est en dehors de la mobilisation des élèves, le travail en groupe est justifié. Et, ce n’est qu’à partir de ce moment où les intéractions entre pairs prennent tous leur sens. Cependant, proposer des tâches difficiles n’est pas suffisant. L’enseignant doit prendre en compte d’autres facteurs pour que les échanges entre élèves profitent au mieux aux élèves. D’une part, l’établissement de groupe hétérogène semble être importante. Si, au sein des groupes homogènes d’élèves de bon niveau scolaire, on observe bien des interactions, j’ai pu constaté que cela n’était pas le cas pour des groupes d’élèves en difficulté. D’autre part, il faut de la part que l’enseignant contrôle les échanges, puisque toute discussion n’aboutit pas forcément à la bonne réponse. Il doit donc mettre en évidence le problème sans porter de jugement de valeur sur les réponses acceptées par l’enseignant. D’où la difficulté de ne pas être trop directif lors de son intervention. La première étape consiste à former des groupes. Chaque groupe effectue le même travail. C’est au sein de la deuxième étape où le travail est présenté sous forme de « puzzle ». Ainsi, chaque élève dans le groupe a un travail spécifique. Le travail est dans un premier temps individuel. Chaque élève ayant un travail différent, la troisième étape consiste à chaque élève à présenter son travail individuel. On contraint ainsi chaque élève à enseigner aux autres membres du groupe ce qu’il a appris, puisque, pour résoudre le problème initialement posé, il faut l’apport de toutes les pièces du puzzle. La bibliographie consultée signale que cette méthode favorise la réussite des élèves de bon niveau scolaire mais que les élèves en difficulté ont besoin d’échanger et de coopérer. C’est la raison pour laquelle je passerai, durant le travail individuel, voir le travail des élèves et les aider en cas de besoin. Dans le programme de seconde, j’ai réalise une activité sur la structure de l’ADN, qui répond à la méthode de ARONSON. Avant de la proposer aux élèves, j’ai réalisé une

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    évaluation diagnostic afin de pouvoir repérer les connaissances déjà acquises. Ceci afin de ne pas soumettre au élèves une activité qu’il pourrait réaliser individuellement (zone actuelle de développement de Vygotsky). Parmi les questions posées, on pouvait y trouver « donner la signification des initiales d’ADN ? », « Donnez la structure de l’ADN ? », etc… Quelques productions représentatives de la classe sont proposées en annexe. Après ce constat, j’ai conçu mon TP comme un puzzle, où chaque travail d’élève était important pour la réussite de la réflexion du groupe. Ils ne pouvaient pas concevoir la structure de l’ADN de façon individuel : l’interaction entre pairs était donc inévitable pour construire la réponse.

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    IV / VERS l’INTÉGRATION DES INTERACTIONS ENTRE PAIRS DANS MA PRATIQUE PROFESSIONNELLE J’ai rencontré au début de l’année une difficulté : le manque d’interactions entre les élèves ; mes élèves n’interagissaient pas entre eux. Or, c’est un élément important dans l’apprentissage, il ne faut donc pas le négliger. Pour y remédier, il faut que l’enseignant apporte aux élèves le matériel nécessaire pour interagir. Toutes les activités pédagogiques ne permettant pas de les provoquer, il faut donc qu’elles soient réfléchies pour atteindre « un des objectifs : l’interaction entre pairs » Au vu de mes constatations, pour favoriser les interactions, il faut que le travail en groupe soit nécessaire. Je n’avais pas conscience de cet aspect au début de ma pratique professionnelle. J’avais, au contraire, tendance à donner le même travail, que l’activité se déroule individuellement ou à plusieurs. Or, ceci aboutit souvent à un échec. En effet, comme chaque membre de groupe peut réaliser seul le travail demandé, les interactions entre pairs ne sont plus indispensables pour résoudre le problème. Désormais, je prends en compte cet aspect. De plus, je conçois plus le travail de groupe comme un moyen d’apprentissage à part entière. Quand l’enseignant souhaite un travail de groupe, il ne peut pas proposer la même tâche que celle qui aurait été donné lors d’un travail individuel. J’avais pourtant réaliser cette erreur lors de mon TP sur la circulation océanique : la fiche TP aurait très bien pu servir pour une activité individuelle que pour une activité en groupe. Ceci ne motive pas vraiment les élèves à travailler ensemble. Or, qu’est-ce qui pourrait mieux favoriser les interactions ( et donc l’apprentissage) que la motivation des élèves ? Quand je dis que le travail en groupe doit être nécessaire, cela signifie que l’activité proposée ne doit pas pouvoir être réalisé par un travail individuel. Pour cela, on peut disposer de plusieurs choix. J’ai essayé une possibilité : le travail difficile Si la tâche demandée est difficile, le fait de mettre les élèves en groupe peut se justifier. A plusieurs, on est plus fort. Mais, cela n’est pas profitable à tous les élèves : les élèves de bons niveaux scolaires s’en sortent mieux que les élèves en difficulté. Pour résoudre ce problème, on peut former des groupes hétérogènes. Mais, ce n’est pas une solution universelle. On peut se heurter à des problèmes de retrait des élèves en difficulté et de bas niveau social. Le statut social des élèves se retrouve dans les groupes. Il a été très difficile de lutter contre ces statuts sociaux des élèves, et je n’ai pu que les prendre en compte dans mes séquences. Lors de mon expérimentation, le travail proposé était beaucoup trop compliqué. Je l’avais justement conçu pour obliger les élèves à interagir entre eux. Mais, après constatation et réflexion, la réflexion demandée était en dehors de la mobilisation des élèves. La construction, en elle-même, du protocole expérimental est difficile pour des élèves de seconde. Ils n’ont eu que très peu l’occasion, durant leur cursus scolaire, de concevoir des expériences pour valider ou réfuter des hypothèses. Ils sont beaucoup plus habitués à suivre un protocole déjà établi par l’enseignant. Alors, le fait de rajouter dans la liste du matériel disponible du laboratoire des objets inutiles pour ce TP n’a fait que renforcer la difficulté de l’activité.

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    Cependant, ce n’est pas un exercice inintéressant à réaliser. J’ai distribué un questionnaire (joint en annexe). Ainsi, 85% des élèves ont trouvé un intérêt dans le travail proposé. Ceci conforte mes impressions et celles de mon tuteur. Nous avions observés que, durant la mise en commun des protocoles expérimentaux, les élèves étaient motivés. Même les élèves les plus turbulents ont été intéressés par le travail demandé. Les interactions en classe montrent que les élèves ont compris ce qu’on attendait d’eux. Ils connaissaient le point de départ (matériel disponible, question posée) et le point final (concevoir un protocole expérimental). Chaque élève a parcouru le chemin liant le point de départ et le point final à son rythme. Et, j’ai pu constaté que tous les groupes étaient arrivés à une proposition d’expériences. Ils ont pris conscience du chemin qu’ils avaient parcouru entre la première séance et la dernière. Chaque groupe présentait un protocole souvent incomplet, mais témoignant bien de la réflexion des élèves. Dans l’ensemble, les élèves ont apprécié ce travail à plusieurs. Par eux-mêmes, ils sont arrivés à définir les objectifs des échanges :

    -« exprimer clairement ses idées pour que les autres comprennent » selon Antoine -« ça nous apprend à avoir un esprit critique » par Jean-Baptiste -« toute seule, je n’y serai pas aussi bien arrivée et avec toutes les idées rassemblées,

    cela a été plus facile » signale Inès. Cependant, il est important de noter quelques problèmes qui sont survenus. D’une part, très souvent, on rencontre une des dérives du travail en groupe : la dérive économique. Elle fait référence à M. FORD, lorsque celui-ci proposa le travail en chaîne. Pour fabriquer un véhicule, il suffit que chacun apporte « une pierre à l’édifice ». Dans le travail en groupe, chacun des membres s’attribue une fonction : une fonction de réflexion et une fonction de scripte. Cette répartition du travail n’est pas bénéfique à l’apprentissage. En effet, qu’apprend Paul (l’élève passif d’un des groupes de TP) dans ma séquence ? Il ne fait que recopier ce que dit Amaury. Il ne réfléchit pas, il ne confronte pas ses idées. Comment l’expliquer. L’analyse du questionnaire rempli par Paul montre qu’il ne maîtrisait pas le sujet. Selon ses propres termes, « je n’ai rien compris, je ne comprenais pas ce que l’on me demandait de faire car c’est la première fois que je travaillais en groupe sur une expérience à réaliser en classe ». Les effets d’un tel travail est-il bénéfique pour Paul ? Je ne le pense pas, si on considère qu’il y a bénéfice uniquement s’il y a eu échanges. Mais, dans le cas de Paul, c’est la première fois qu’il réalisait ce type de travail. Il a sûrement été habitué à un enseignement frontal lors de son cursus scolaire. Si je me tiens à sa réponse au questionnaire, « grâce à ses échanges, j’ai pu comprendre ce qu’on faisait », je peux me poser la question : Paul a –t-il progressé entre le début et la fin de la séquence ? Le travail étant nouveau pour Paul, il n’a pas su réellement s’y adapter. Puis-je penser que, lors d’une deuxième séquence d’apprentissage construit sur le même principe, Paul participera mieux. A ce stade, je ne peux pas conclure. Il me faut concevoir de nouvelles séquences pour voir les réactions de Paul. En généralisant cette méthode de travail sur plusieurs chapitres, je pense que je serai capable de régler le problème illustré par Paul. Mais ce n’est pas tout. Il me semble qu’étendre cette technique me permettra d’obtenir des résultats plus rapides et plus efficaces. Le TP sur le métabolisme a duré quatre séances cette année, peut-être parce que les élèves sont formés à un enseignement frontal. Si j’habitue les élèves à devenir acteur de leur TP et à utiliser la communication pour progresser, il se peut qu’ils deviennent plus efficaces. Je n’ai pas pu expérimenter ceci puisque il faut le faire sur

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    plusieurs années, sur des classes successives (ce qui nécessite par conséquent un suivi des élèves sur plusieurs niveaux) Le second problème rencontré est le manque d’efficacité de groupes homogène d’élèves en difficulté. Mais, ce n’est pas tout : il faut que les membres du groupe s’apprécient. Or, parmi tous les questionnaires reçus, il s’avère que les membres d’un groupe ne se sont pas bien entendu. C’est ainsi qu’à la question Aimeriez-vous travaillé encore ensemble, Marie, Agathe et Benoît me répondent par la négative Et, quand on leur demande de se justifier, les réponses obtenues sont : « pas avec Benoît, il fait ce qu’il veut », « rien n’était vraiment organisé (note : dans le groupe), « aucune affinité ». Pourtant, le protocole expérimental proposé à l’oral est acceptable. Je pense donc qu’il n’a pas résulté d’une interaction au sein du groupe. mais uniquement d’un seul élève qui a imposé son choix. C’est ainsi Agathe désigne cet élève (« Pas avec Benoît, il fait ce qu’il veut »). L’enseignant doit donc faire face au problème de la formation des groupes. Doit-il les imposer et risquer de former des groupes où les membres ne s’apprécient pas ou doit-il les laisser se faire spontanément en prenant le risque de la dérive de la discussion sur les loisirs. Questionner les élèves me parait intéressant à réaliser. En leur demandant individuellement avec quels élèves il souhaitait travailler, j’ai pu obtenir une photographie de l’ambiance de la classe. Ensuite, l’enseignant peut, en connaissant le niveau de chaque élève, former des groupes qui respectent d’une part une hétérogénéité et d’autre part la tolérance mutuellement de ses membres. Même si un groupe est constitué d’élèves qui s’apprécient, l’une des difficultés est de motiver les élèves suffisamment pour qu’ils intègrent la question posée. Il faudrait, au maximum, que la question vienne des élèves. Si c’est l’enseignant qui impose la question, on aura, je pense, plus de difficulté à susciter l’ « enthousiasme » au travail, et donc on aura plus de difficulté pour favoriser les interactions entre élèves. Une deuxième solution serait de partager la tache au sein du groupe. Mais, cela n’est pas adapté aux interactions spontanées. Or, je pense qu’elles sont les plus efficaces. Alors, que dois-je faire ? Il me faut travailler à l’avenir plus sur la motivation des élèves. Pour cela, je dois travailler sur la présentation même des notions : les rendre les plus motivantes possibles. Enfin, j’ai pris conscience de la difficulté d’évaluer les interactions entre pairs. On peut corriger la production finale du groupe mais celle-ci ne reflète qu’une partie des échanges. Comme le montre l’exemple du groupe de Marie, Agathe et