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Maison de l’UPA 555, boul. Roland-Therrien, bureau 225 Longueuil (Québec) J4H 4E7 Téléphone : 450 679-0540, poste 8601 Télécopieur : 450 463-5226 Courriel : [email protected] www.apiculteursduquebec.com Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec Février 2012

Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques ... · Mentionnons deux changements importants qui serviront à illustrer notre réflexion : 1. La progression très

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Maison de l’UPA

555, boul. Roland-Therrien, bureau 225

Longueuil (Québec) J4H 4E7

Téléphone : 450 679-0540, poste 8601 Télécopieur : 450 463-5226

Courriel : [email protected] www.apiculteursduquebec.com

Mémoire présenté dans le cadre

des consultations publiques sur

le Livre vert pour une politique

bioalimentaire du Québec

Février 2012

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Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec par la Fédération des apiculteurs du Québec

Table des matières

1 Introduction .............................................................................................................. 4

2 L’agriculture actuelle, l’environnement et l’abeille ................................................ 4

2.1 L’évolution des cultures et la biodiversité ............................................................ 4

2.2 L’évolution de la phytoprotection et l’objectif de réduction de l’usage des

pesticides ....................................................................................................................... 6

2.2.1 L’augmentation de l’usage des herbicides ..................................................... 6 2.2.2 L’implantation des insecticides systémiques ................................................. 7

2.2.2.1 De nouvelles molécules ......................................................................... 7 2.2.2.2 Des insecticides qui s’intègrent aux plantes............................................ 7

2.2.2.3 La technologie des pesticides systémiques s’est rapidement implantée à

très grande échelle .................................................................................................. 8

2.2.2.4 Une révolution phytosanitaire dont les impacts n’ont jamais été évalués 9 2.2.3 L’évolution du bilan global de l’utilisation des pesticides ........................... 10

2.3 Les faits saillants de l’évolution récente de l’apiculture ...................................... 11 2.3.1 Le portrait global ........................................................................................ 11 2.3.2 Les services de pollinisation en forte croissance .......................................... 13

2.3.3 Des baisses de production en miel inquiétantes ........................................... 13 2.3.4 Des taux de pertes d’abeilles anormaux ....................................................... 14

2.3.4.1 Les pertes hivernales ............................................................................ 14 2.3.4.2 Les pertes estivales .............................................................................. 14

2.3.4.3 Les causes des pertes anormales et de l’affaiblissement des colonies.... 15

2.4 L’abeille et les pesticides agricoles .................................................................... 16

2.4.1 L’abeille est très exposée à la pollution ....................................................... 16 2.4.2 Les voies d’exposition de l’abeille aux pesticides........................................ 17

2.4.2.1 L’exposition par contact direct avec une substance insecticide ............. 17 2.4.2.2 L’exposition par le pollen et le nectar .................................................. 18

2.4.2.3 L’exposition par l’eau contaminée ....................................................... 18 2.4.2.4 La guttation comme source d’intoxication............................................ 19

2.4.2.5 L’exposition par la contamination de la cire des rayons de la ruche ...... 19 2.4.3 Les effets des pesticides sur l’abeille ........................................................... 19

2.4.3.1 Les effets chroniques des résidus de pesticides conventionnels accumulés

dans la ruche ........................................................................................................ 19 2.4.3.2 Les effets des néonicotinoïdes .............................................................. 20

2.5 L’évolution de la cohabitation entre apiculture et agriculture ............................. 21

2.6 Phytoprotection moderne : une évolution technologique qui comporte beaucoup

d’autres risques inconnus ............................................................................................. 23

2.6.1 Des impacts qui dépassent largement ceux ressentis par le secteur apicole .. 23

3 Réflexion sur notre incapacité à diriger notre agriculture vers des pratiques

compatibles avec la pérennité de la ressource ............................................................... 25

4 Repenser notre modèle agricole et se donner les moyens pour reprendre le

contrôle de l’évolution de notre agriculture .................................................................. 27

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5 Pistes d’action ......................................................................................................... 28

5.1 Mesures pour préserver la pérennité de l’écosystème agricole québécois ............ 28

5.2 Mesures pour soutenir le secteur apicole dans le contexte de « crise

environnementale » actuelle ......................................................................................... 30

6 Références ............................................................................................................... 32

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1 Introduction

Plusieurs aspects de l’agriculture québécoise traités à l’intérieur du Livre vert sur la

politique bioalimentaire du Québec intéressent la Fédération des apiculteurs du Québec.

Cependant, par manque de ressources, nous faisons le choix de concentrer nos réflexions

sur l’aspect qui nous préoccupe le plus à l’heure actuelle, à savoir la relation entre notre

agriculture et l’environnement.

Ce mémoire propose une réflexion qui porte sur notre capacité, comme société, à faire

évoluer nos modes de production agricole de façon à préserver la pérennité de la ressource.

Nous illustrerons notre propos, entre autres, en mettant en lumière les impacts de

l’évolution récente de notre agriculture sur les abeilles ainsi que sur les autres

pollinisateurs. Nous suggérerons quelques orientations afin que notre production d’aliments

puisse se faire dans un meilleur respect de l’écosystème naturel tout en répondant mieux

aux besoins de la population et des agriculteurs.

2 L’agriculture actuelle, l’environnement et l’abeille

2.1 L’évolution des cultures et la biodiversité

La mosaïque des cultures a bien changé au Québec au cours des dernières années. Les

ensemencements combinés de maïs-grain, de soya et de maïs fourrager qui occupaient

350 700 hectares en 1991 ont plus que doublé pour atteindre 717 000 hectares en 2011.

Cette augmentation a accaparé à elle seule toutes les nouvelles superficies agricoles, et

même bien davantage, puisque les superficies en cultures n’ont augmenté que de 15 %

entre 1992 (1 664 400 ha) et 2008 (1 915 463 ha). Parallèlement, des changements survenus

dans les pratiques d’élevage ont amené une réduction des superficies occupées par les

pâturages. Ainsi, l’Institut national de la statistique publie des chiffres montrant une

réduction de 33 % des superficies ensemencées en pâturages entre 1991 et 2005. La figure

numéro 1 permet d’analyser plus finement cette évolution.

Cette spécialisation de l’agriculture québécoise occasionne une perte de biodiversité

végétale. La suppression des fossés, des ilots de roches et des boisés de ferme nous a privés

du compagnonnage de nombreuses espèces végétales sauvages et a aussi fait disparaître des

espaces qui constituaient des aires de nidification pour de nombreuses espèces. Par ailleurs,

l’usage croissant des pesticides réduit les populations d’une foule d’organismes vivants

bénéfiques qui faisaient partie de l’écosystème à la base de l’agriculture, contribuant ainsi à

la perte de biodiversité de cet écosystème. Nous élaborerons davantage sur la question des

pesticides agricoles dans le reste de ce mémoire.

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pâturage ensemensé

total maïs-soja

0

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

700 000

800 000

1991 1997 2002 2005 2009 2011

hecta

res

maïs grain

soya

maïs fourrage

pâturage ensemensé

total maïs-soja

Figure 1. Évolution récente des superficies (ha) de certaines cultures au Québec. On constate une

augmentation des cultures de maïs et soja en parallèle avec la réduction de l’espace agricole utilisé par

les pâturages (1991-2011). i

Parmi les objectifs énoncés dans le Livre vert figure celui de protéger la biodiversité. Nous adhérons à cette orientation. Cependant, force est de constater que l’évolution actuelle en agriculture est contraire à cette orientation, comme le montre la figure 1. La tendance actuelle à la sur spécialisation des cultures et l’évolution des méthodes culturales résultent en une perte sans cesse croissante de biodiversité. Cette problématique occasionne des pertes de rendement à l’ensemble du secteur agricole, y compris à l’apiculture. Elle annonce des problèmes plus importants, à différents niveaux, pour l’avenir.

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2.2 L’évolution de la phytoprotection et l’objectif de réduction de l’usage des pesticides

D’autres changements majeurs se sont produits dans le monde agricole au cours de la

dernière décennie. Certains de ces changements concernent la phytoprotection.

Mentionnons deux changements importants qui serviront à illustrer notre réflexion :

1. La progression très importante de l’usage des herbicides;

2. L’apparition et l’utilisation à grande échelle d’une nouvelle génération

d’insecticides : les insecticides systémiques.

2.2.1 L’augmentation de l’usage des herbicides La commercialisation à grande échelle des semences génétiquement modifiées a fait

augmenter considérablement l’utilisation des herbicides. De 2004 à 2008, le volume des

herbicides vendus au Québec a bondi de 45 %, passant respectivement de 1,58 millions à

2,3 millions de kilogrammesii. Bien que les statistiques ne soient pas disponibles pour les

trois dernières années de production, on peut supposer que la situation s’est aggravée

davantage puisque les semences génétiquement modifiées prennent de plus en plus de place

sur le marché.

1,58

2,3

0

0,5

1

1,5

2

2,5

2004 2008

millio

ns d

e k

g

Figure 2. Progression de l'usage des herbicides au Québec entre 2004 et 2008. L'usage des herbicides a

augmenté de 45 % au Québec entre 2004 et 2008.

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Par contraste, les efforts concertés du secteur agricole avaient permis de réduire l’utilisation

des herbicides de 0,3 millions de kilogrammes entre 1992 et 2002. Cette bonne

performance s’était maintenue durant trois ans. Ainsi, une innovation technologique

proposée par le privé a fait en sorte que la courbe des ventes d’herbicides a été radicalement

inversée.

2.2.2 L’implantation des insecticides systémiques Au cours de la décennie 90 est progressivement apparue une nouvelle génération

d’insecticides dits « systémiques ». Ces insecticides systémiques sont maintenant utilisés à

très grande échelle. Ils représentent une véritable révolution des façons de faire en matière

de phytoprotection. La nouveauté technologique est à deux niveaux :

o Premièrement, leur matière active appartient à une toute nouvelle classe de molécules

qui agissent sur le système nerveux des insectes;

o Deuxièmement, ils sont dorénavant intégrés aux fluides mêmes des plantes plutôt que

d’être appliqués de l’extérieur par pulvérisation.

2.2.2.1 De nouvelles molécules

Les insecticides systémiques ont été développés en parallèle avec l’invention d’une

nouvelle classe de molécules : les néonicotinoïdes1. Voici les caractéristiques de ces

molécules :

o Les néonicotinoïdes sont des neurotoxiques : ils agissent sur le système nerveux des

insectes. Comparativement aux insecticides traditionnels, les néonicotinoïdes sont

efficaces à beaucoup plus faible dose.

o Ce sont aussi des insecticides à large spectre, c’est-à-dire qu’ils ne visent pas un

groupe d’insectes en particulier mais tous les insectes.

o Autres caractéristique particulière, les néonicotinoïdes ont la propriété d’être

hydrosolubles.

o Ils sont très persistants dans le sol. À titre d’exemple, la demi-vie de la clothianidine

varie de 495 à 990 jours selon SAgE pesticides2.

o Tous les néonicotinoïdes ont un potentiel de lessivage élevé dans le sol, selon SAgE

pesticides.

o Toujours selon SAgE pesticides, les néonicotinoïdes sont hautement toxiques pour les

abeilles.

2.2.2.2 Des insecticides qui s’intègrent aux plantes

La nouveauté ne s’arrête pas là, puisque les insecticides systémiques, comme leur nom le

suggère, s’intègrent au système vasculaire même de la plante plutôt que d’être déposés sur

les surfaces externes des végétaux comme les insecticides conventionnels appliqués par

pulvérisation. Ceci est rendu possible par leur caractère hydrosoluble. Ils sont généralement

appliqués au moment de la mise en terre. Pour les cultures telles que le maïs, le soya et le

1 Les principales molécules de cette famille sont la clothianidine, le thiamétoxame et l’imidaclopride.

2 SAgE pesticides est un outil d'information développé par le MAPAQ sur les risques pour la Santé et

l'Environnement ainsi que sur les usages Agricoles pour une gestion rationnelle et sécuritaire des pesticides au

Québec : www.sagepesticides.qc.ca/

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canola, les semences sont même pré-enrobées avec une substance contenant la matière

active.

Même si cette nouvelle approche comporte ses bons côtés, en particulier la simplicité

d’utilisation, les implications de ce changement sont nombreux.

D’abord, la période d’exposition des insectes est beaucoup plus longue et correspond

maintenant à toute la vie de la plante, même si la concentration des molécules toxiques dans

la plante baisse au fur et à mesure que cette dernière croît. Auparavant, avec les insecticides

conventionnels, les insectes n’étaient exposés que de façon ponctuelle, au moment de

l’application et pendant les quelques jours qui suivaient.

Les voies d’exposition sont aussi maintenant différentes. Bien sûr, les ravageurs sont

détruits lorsqu’ils s’alimentent à même la plante comme c’est l’intention. Cependant, les

insectes pollinisateurs, qui ne sont pas ciblés, sont eux aussi intoxiqués à des degrés divers

par le pollen ou le nectar qu’ils recueillent sur les plantes traitées. Même si la concentration

de l’insecticide dans la plante a beaucoup diminué au moment de sa floraison, les

molécules toxiques sont encore présentes dans le nectar et le pollen à des niveaux

mesurables et toxiques. Certains insectes non ciblés sont aussi intoxiqués alors qu’ils

s’abreuvent aux exsudats des plantes (phénomène de la guttation3).

Malheureusement, la suppression de l’étape de la pulvérisation qui caractérisait l’usage des

insecticides conventionnels n’a pas pour autant éliminé le contact direct des insectes

pollinisateurs avec les substances toxiques. Un nouveau mode d’intoxication aiguë et

chronique est apparu avec l’exposition des pollinisateurs aux poussières de talc et

d’insecticide émises par les semoirs pneumatiques lors des opérations de semis. Les

intoxications ont lieu pendant le semis et aussi dans les jours et les semaines qui suivent,

alors que les poussières hautement toxiques se sont déposées entre autres sur les fleurs et

dans les flaques d’eaux,xi

. Les plus récentes recherchesxi ont montré que cette voie

d’exposition est beaucoup plus importante qu’on ne le pensait.

2.2.2.3 La technologie des pesticides systémiques s’est rapidement implantée

à très grande échelle

La technologie des pesticides systémiques s’est implantée extrêmement rapidement. Les

pesticides systémiques sont maintenant utilisés chaque année sur environ 30 % des terres en

culture au Québec (plus de 550 000 hectares sur un total de 1 900 000 hectares4). Sur une

base régionale, on peut facilement déduire que dans les régions où sont concentrées les

productions de maïs et de soya la proportion des cultures ainsi traitées doit excéder les deux

tiers! Alors que de 50 à 60 % du soya ensemencé l’est à partir de semences prétraitées avec

des néonicotinoïdes, la proportion atteint presque 100 % pour ce qui est du maïs. Il faut

aussi comptabiliser toutes les cultures de canola dont les semences sont aussi traitées avec

des néonicotinoïdes. L’usage des insecticides systémiques tend également à se répandre à

d’autres cultures : des insecticides à base de néonicotinoïdes ont en effet été homologués

pour la quasi-totalité des productions maraîchères et fruitières. Ils sont utilisés depuis

3 La guttation (du latin gutta signifiant goutte) est un processus biologique caractérisé par l'apparition de

gouttelettes d'eau, au petit matin, aux extrémités ou aux bords des feuilles chez les plantes vasculaires et chez certaines graminées. Ce phénomène ne doit pas être confondu avec la rosée qui provient de la condensation de

l'eau atmosphérique sur la plante. (Wikipedia) 4 Incluant les cultures de foin.

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longtemps dans culture de la pomme de terre et leur usage s’implante progressivement en

culture maraîchère.

Étonnamment, au printemps 2011, les semences de maïs non traitées avec des

néonicotinoïdes n’étaient même plus disponibles chez les semenciers, sinon sur commande

spéciale à la Coopérative fédérée seulement! Un autre facteur a contribué à l’usage quasi

universel de cette technologie : c’est que les agriculteurs n’ont jamais été informés des

risques environnementaux liés à l’usage des néonicotinoïdes. Bon nombre d’entre eux ne

sont même pas informés que l’enrobage de la semence qu’ils achètent contient un

insecticide en plus du traditionnel fongicide! L’étiquette apposée sur les sacs de maïs,

pourtant prescrite par l’ARLA, ne fait en effet aucune mention des risques pour les

pollinisateurs et des risques de contamination de l’eau, que ce soit l’eau de surface, l’eau de

ruissellement ou la nappe phréatique. Ces deux risques figurent pourtant sur l’étiquette de

la bouillie d’enrobage que les agriculteurs ne voient jamais!

2.2.2.4 Une révolution phytosanitaire dont les impacts n’ont jamais été

évalués

Même si les insecticides systémiques semblent représenter un progrès lorsqu’on les

compare aux produits qu’ils remplacent, ils introduisent toute une nouvelle gamme de

risques inconnus. Les incertitudes se situent à plusieurs niveaux :

1. Quels seront les impacts de l’utilisation à grande échelle des pesticides systémiques

sur les populations de pollinisateurs domestiques et sauvages?

2. Connaissant la persistance dans le sol et le caractère hydrosoluble des

néonicotinoïdes, quels seront les risques de contamination des nappes phréatiques et

de l’eau potable lorsqu’on les aura incorporés année après années dans nos sols?

Quels sont les risques de contamination des plans d’eau, des cours d’eau et des

organismes aquatiques? Rappelons-nous que ces molécules peuvent persister et

s’accumuler dans nos sols pendant trois ans.

3. Quels seront les impacts pour les humains? Comment le consommateur réagira-t-il

lorsqu’il prendra conscience que les résidus d’insecticides ne se trouvent plus

uniquement à l’extérieur des fruits et légumes mais aussi à l’intérieur? Quels seront

les impacts sur sa santé à long terme?

L’importance du double changement technologique qu’implique le passage aux insecticides systémiques aurait mérité qu’on réfléchisse, qu’on observe et qu’on évalue… avant de propager cette

technologie à une si forte proportion du territoire agricole québécois.

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Au Canada, l’insecticide Poncho© (enrobage de semence à base de clothianidine) a même

obtenu une homologation temporaire alors que, de l’aveu même de l’ARLA, la preuve

d’innocuité pour l’abeille domestique n’a pas été faite iii

. Sept ans plus tard, l’homologation

temporaire n’a toujours pas été révisée alors que tout le maïs semé au Québec est ainsi

traité!

2.2.3 L’évolution du bilan global de l’utilisation des pesticides

Nous avons vu précédemment comment l’usage des herbicides avait augmenté au cours des

dernières années. La tendance est malheureusement similaire pour ce qui est des

insecticides. Même si les volumes de matières actives insecticides utilisées ont baissé,

l’indice de risque (IRPeQ) élevé associé aux néonicotinoïdes5, lié à l’immensité des

superficies ainsi nouvellement traitées, ont fait bondir l’indice de risque global de tous les

pesticides utilisés par l’agriculture de 33 %6 entre 1997 et 2008.

Le principe d’utiliser des semences prétraitées avec un insecticide court-circuite les étapes

normales de la gestion intégrée7

des ravageurs. En effet, il n’y a aucune évaluation du

5 L’IRPeQ (Indicateur de risque des pesticides du Québec) est l’outil utilisé pour déterminer entre autres

l’indice de risque pour l’environnement (IRE). Ce dernier qui tient compte de la toxicité pour des espèces non

visées (dont les abeilles) ainsi que du devenir et du comportement des pesticides dans l’environnement. L’IRE

des nénicotinoïdes est de 210. 6 Le dernier Bilan des ventes de pesticides fait état d’une réduction de 19 % de l’IRPeQ global. Cependant, les

semences de maïs étant prétraitées à l’extérieur du Canada, les néonicotinoïdes utilisés pour les cultures de

maïs ne figurent donc pas dans le bilan des ventes. Cet état de fait fausse considérablement le portrait de

l’utilisation des insecticides. L’évaluation de l’IRPeQ réel, c’est-à-dire tenant compte de l’utilisation des néonicotinoïdes, provient de M. Claude Parent, agronome à la Direction de la phytoprotection du MAPAQ. 7 La lutte intégrée dicte d’utiliser un insecticide seulement quand un dépistage a permis d’établir que le seuil

économique de dommage aux cultures est atteint.

Un peu partout dans le monde le débat sur les insecticides systémiques vient à peine de commencer alors que les apiculteurs ont étalé publiquement les problèmes de leurs abeilles. Ici comme ailleurs, les organismes régulateurs ont homologué toutes ces substances une à une, sans restriction d’usage, en se basant sur la même méthodologie d’évaluation que pour les pesticides conventionnels. La nouvelle technologie aurait toutefois demandé d’adapter la méthode d’évaluation pour tenir compte de tous les nouveaux risques. Il est renversant de voir comment cette révolution de la phytoprotection a été accueillie sans méfiance, et même avec désinvolture, en premier lieu par l’organisme qui a justement pour mission de s’assurer de l’innocuité des nouveaux produits

phytosanitaires.

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besoin d’insecticide comme le suggère la gestion intégrée. Ainsi, l’évolution actuelle de la

phytoprotection fait de moins en moins de place à la lutte intégrée des ravageurs.

Les stratégies commerciales des fabricants et distributeurs d’intrants ont artificiellement

intensifié l’usage des insecticides en éliminant de l’offre courante des semenciers les

semences non enrobées de néonicotinoïdes8. Ce changement s’est implanté sans apparente

justification agronomique selon Geneviève Labrie entomologiste au CÉROMiv. Ainsi, la

lutte intégrée n’est même plus un choix possible pour l’agriculteur! Comme dans le cas des

herbicides, les stratégies de la filière des intrants ont rendu complètement caducs les efforts

concertés du MAPAQ et de tous les autres partenaires pour réduire l’usage des insecticides

en agriculture!

2.3 Les faits saillants de l’évolution récente de l’apiculture

2.3.1 Le portrait global Grosso modo, le nombre de ruches est passé de 30 000 à 40 000 entre 1998 et 2010. Cette

même période a été marquée par des taux de pertes annuelles d’abeilles plus importants que

la normale. La dernière décennie est aussi caractérisée par une diminution significative des

rendements en miel par ruche (voir Figure 3).

8 En 2011, seule la Coop Fédérée donnait accès aux agriculteurs aux semences sans néonicotinoïdes, mais sur

commande spéciale faite à l’avance.

La technologie des insecticides systémiques, utilisée à grande échelle sans discernement comme elle l’est présentement, rend impossible l’atteinte des objectifs de réduction de l’usage des pesticides du MAPAQ et du MDDEP. Ainsi, si on tient compte de l’usage généralisé des insecticides systémiques dans certaines grandes cultures, l’indice de risque global associé à l’usage de tous les pesticides a

plutôt augmenté de 33 % entre 1997 et 2008.

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Figure 3. Évolution du rendement par ruche de 1998 à 2010. La productivité des colonies d'abeilles a

baissé de 30 % au Québec au cours de la dernière décennie.

Fort heureusement, un accroissement significatif de la demande des services de

pollinisation de même qu’une hausse importante du prix payé à l’apiculteur pour ces

services ont considérablement aidé les entreprises apicoles à maintenir une certaine

rentabilité (Figure 4). La hausse du prix du miel a aussi en partie compensé pour la

diminution de la productivité (voir Figure 5).

Figure 4. Évolution du nombre de ruches en pollinisation et du prix moyen payé par ruche de 1998 à

2010. La demande en services de pollinisation a beaucoup augmenté au cours de la dernière décennie.

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Figure 5. Évolution du prix du miel de 1998 à 2010. La hausse du prix du miel a aidé les apiculteurs

dans cette période difficile.

2.3.2 Les services de pollinisation en forte croissance Les pertes anormalement élevées d’abeilles ont rendu la vie dure aux apiculteurs qui

doivent peiner pour refaire à chaque année des nouvelles ruches pour compenser les pertes,

mais aussi pour répondre à la demande croissante en services de pollinisation. Malgré

l’augmentation du nombre de ruches de 33 %, une plus forte proportion du cheptel est

maintenant utilisée pour la pollinisation. Depuis 2008, plus de 80 % des ruches d’abeilles

sont louées à des producteurs agricoles pour fins de pollinisation. Cette proportion n’était

que de 64 % en 1998. Le nombre de ruches québécoises louées pour la pollinisation est

passé de 19 168 en 1998 à 31 865 en 2010. Ceci est sans compter les 5000 ruches

ontariennes qui s’ajoutent au compte durant la période de floraison des bleuetières, car les

abeilles du Québec ne suffisent pas à la demande. L’augmentation des contrats de

pollinisation entre 1998 et 2010 a été de 92 %. Au cours de la même période, le prix moyen

payé par l’agriculteur à l’apiculteur pour une ruche en pollinisation est passé de 52 $ à

105 $. C’est donc dire à quel point les productions utilisatrices des services de pollinisation

valorisent ces services et les voient comme essentiels pour maintenir ou augmenter leur

rentabilité.

2.3.3 Des baisses de production en miel inquiétantes

La baisse de productivité du miel est préoccupante. Cette baisse est de 30 % si on compare

la moyenne des huit dernières années (36 kg/ruche) à celle des sept années précédentes

(51 kg/ruche).

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Plusieurs facteurs ont certainement contribué à cette diminution de rendement, mais les

plus importants sont :

o La perte de potentiel floral mellifère;

o L’affaiblissement des colonies d’abeilles.

La perte de potentiel mellifère est liée à la perte de diversité florale qui résulte de

l’évolution de l’environnement agricole. L’affaiblissement des colonies a des causes

multiples que nous discuterons à la section suivante.

2.3.4 Des taux de pertes d’abeilles anormaux Il est normal pour un apiculteur de perdre un certain nombre de colonies d’abeilles en cours

d’année. Les causes sont multiples : maladies, essaimage, prédateurs, perte accidentelle de

la reine, accidents de gestion, etc. On doit ici distinguer entre pertes hivernales et autres

pertes subies en cours de saison.

2.3.4.1 Les pertes hivernales

On considère généralement qu’un taux de pertes hivernales normal se situe autour de 15 %.

La figure (ci-dessous) montre la hausse des taux de pertes hivernales au cours de la dernière

décennie. Le taux fut de 29 % en moyenne entre 2003 et 2009.

12%10%

27%

17%15%

26%

17%14%

18%

14%17%

50%

26% 25%

15%

37%

19%

30%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

1921 1922 1923 1924 1925 1926 1927 1928 1954 1955 1963 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Figure 6. Évolution des pertes hivernales de colonies d'abeilles au Québec entre 1921 et 20099. Les

pertes hivernales moyennes ont beaucoup augmenté au cours des huit dernières années.

2.3.4.2 Les pertes estivales

Les pertes de colonies subies en saison de production ne font malheureusement pas l’objet

d’une enquête annuelle comme les pertes hivernales10

. Nous ne disposons donc pas de

9 Source : Claude Boucher, vétérinaire, DSAIV

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Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec par la Fédération des apiculteurs du Québec

statistiques. La pratique des apiculteurs nous montre qu’elles se situaient normalement

entre 15-30 %. Cependant, ce taux peut varier beaucoup selon le type d’entreprise et de

gestion des ruchers. La question des pertes estivales doit cependant être envisagée de façon

plus large. Indépendamment des pertes de colonies complètes, il faut aussi considérer un

autre phénomène : celui des pertes d’abeilles qui affaiblissent les colonies sans pour autant

causer leur perte totale. Des pertes croissantes de cette nature ont en effet été constatées par

les apiculteurs au cours de la dernière décennie.

2.3.4.3 Les causes des pertes anormales et de l’affaiblissement des colonies

Un comité ad hoc a été mis sur pied par la Table filière apicole pour tenter de comprendre

le phénomène des pertes anormales et pour élaborer un plan d’action afin de les contrer.

Bien que ce comité n’ait pas terminé son mandat au moment de rédiger ce mémoire, nous

pouvons ici utiliser les informations résultant de l’analyse de la situation qui a pu y être

faite.

Les facteurs suivants ont été identifiés comme causes probables de pertes hivernales

anormales :

o les dommages causés par une parasitose : la varroase;

o l’affaiblissement des colonies entrainé indirectement par les effets chroniques des

pesticides;

o l’affaiblissement des colonies lié à l’appauvrissement des ressources alimentaires;

o les pertes incombant à la régie de l’apiculteur ou à des problèmes liés aux reines.

Il semble que tous ces facteurs interviennent à des degrés divers. Il est très difficile de

départager la part relative de chaque facteur, mais il semble que la varroase soit directement

ou indirectement11

un facteur de pertes hivernales très important dans l’ensemble.

Par contre, tout n’est pas si simple. Il est connu que le système immunitaire de l’abeille est

affecté par les pesticides. Ainsi, on a démontré que les abeilles dont le système immunitaire

est affecté en raison des effets chroniques des pesticides résistent moins à la nosémose v,vi

.

Il est probable également qu’elles résistent moins bien aux infestations virales12

qui sont

favorisée par la présence des varroas.

La perte de diversité végétale fait que les abeilles disposent d’une variété et d’une quantité

moindres de fleurs pour trouver le nectar et le pollen. Le manque de variété florale cause un

appauvrissement de la diète, particulièrement de l’apport protéique, qui contribue lui aussi à

l’affaiblissement des colonies. Une récente étudevii

confirme l’importance de ce facteur.

10 Depuis 2003, une enquête annuelle réalisée par la DSAIV permet de connaître l’évolution des pertes

hivernales dans la province. 11 La varroase peut en elle-même causer directement la perte de la colonie, mais le plus souvent la colonie

succombe à cause de la trop grande présence de virus dont la propagation est facilitée par l’activité d’alimentation des parasites sur les abeilles. 12 La présence de virus et de spores de nosémoses dans les colonies est considérée comme normale et reste

habituellement à des niveaux qui ne causent pas de problème.

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Il y a aussi les pertes qui surviennent en saison de production. Outre les pertes engendrées

par des causes « normales » (essaimage, maladies, etc.), il existe des cas de pertes de

colonies complètes qui résultent d’intoxications aiguës par les pesticides 13,viii

. Mais selon la

perception des apiculteurs, à tout le moins de ceux qui ont leurs ruches dans des

environnements d’agriculture intensive, les pertes estivales anormales se manifestent

essentiellement par un affaiblissement des colonies.

Les divisions de colonies effectuées par l’apiculteur pour compenser ces pertes peuvent

dans certains cas aggraver la situation : c’est le cercle vicieux!

Il est aussi probable qu’un faible pourcentage des pertes soit imputable à des problèmes de

régie. L’apiculture ayant beaucoup changé au cours des dernières décennies, il est

probablement temps de mettre à jour les pratiques apicoles à promouvoir pour obtenir une

performance optimale des ruchers dans le nouveau contexte. Le contexte a en effet

passablement changé. Citons par exemple l’effort et le stress plus importants imposés aux

abeilles avec l’intensification des services de pollinisation.

Une incidence élevée de problèmes causés par des reines défectueuses ou peu performantes

a aussi été rapportée comme cause potentielle, mais certainement mineure. Soulignons

toutefois que la recherche a mis en évidence une connexion possible entre ce problème et

celui des empoisonnements chroniques causés par les pesticides. Nous en reparlerons plus

loin à la section « L’abeille et les pesticides agricoles » (2.4.3.2).

Il n’est pas possible de quantifier avec précision la part respective de ces différentes causes.

Cependant, il faut noter que presque toutes ces causes sont en lien plus ou moins direct

avec le manque de biodiversité et l’usage de plus en plus répandu des pesticides.

2.4 L’abeille et les pesticides agricoles

2.4.1 L’abeille est très exposée à la pollution L’abeille est très sensible à la pollution. Elle y est aussi très exposée. Par son activité de

butinage, elle est mise en contact intime avec tous les éléments de son environnement :

l’eau, l’air et indirectement la terre. En vol, elle agit comme un électro-aimant. Les

microparticules polluantes en suspension dans l’air s’agglutinent à ses poils. Ces particules

13 À titre d’exemple, consulter la déclaration d’incident #2010-4374 (mai 2005) faite à l’ARLA concernant le

cas de 200 colonies d’abeilles effondrées à la suite d’une intoxication aiguë causée par la clothianidine lors

des semis de semences traitées www.hc-sc.gc.ca/cps-spc/pubs/pest/_decisions/erc2010-4374/index-fra.php

Le manque de diversité florale et les effets chroniques des pesticides provoquent un affaiblissement des colonies qui cause à son tour des pertes de rendement en saison de production, mais qui augmente aussi les risques de pertes de colonies complètes lors de l’épreuve

de l’hivernage.

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sont par la suite libérées dans l’atmosphère de la ruche et peuvent ainsi nuire à la santé de la

colonie. L’abeille butineuse recueille aussi dans l’environnement une quantité

impressionnante d’eau qui est consommée par d’autres abeilles adultes et par les abeilles en

développement. Cette eau est le plus souvent recueillie à même le sol, en bordure des

flaques et des points d’eau, exposant ainsi d’une façon indirecte la colonie à la pollution

créée par les pesticides. Indépendamment du nectar, l’abeille trouve dans les fleurs du

pollen qu’elle rapporte à la ruche à titre de nourriture protéinée. Le pollen sert à nourrir les

abeilles en croissance. Le plus souvent, il est mis en réserve dans les alvéoles afin d’être

utilisé plus tard selon les besoins de la colonie. De par sa nature, le pollen est très exposé à

la pollution, autant celle de l’air que de la terre car, bien sûr, il est élaboré par la plante à

partir de nutriments provenant de la terre. À cause de sa texture légèrement collante et aussi

de sa position on ne peut plus exposée sur les anthères des fleurs, il capte et fixe facilement

les polluants de l’air.

2.4.2 Les voies d’exposition de l’abeille aux pesticides Les pesticides agricoles sont une source de pollution très importante en milieu agricole. À

titre d’exemple, mentionnons la récente problématique du ruisseau Gibeault-Delisle où des

résidus de 36 pesticides ont été trouvés lors d’une étudeix

conjointe de l’Université Laval et

du MDDEP. On trouve bien sûr des résidus de pesticides sur les plantes. Cependant, les

pesticides polluent aussi l’air alors que des microgouttelettes dérivent lors d’une application

par pulvérisation, ou encore sous forme de fines particules solides qui s’échappent des

semoirs pneumatiques lors des opérations de la mise en terre des semences traitées. Ces

pesticides aboutissent finalement dans le sol et, aussi, à la suite du lessivage, dans les eaux

de surface.

2.4.2.1 L’exposition par contact direct avec une substance insecticide

L’abeille peut être exposée aux insecticides par contact direct accidentel lors de

l’application de ceux-ci par pulvérisation. Elle peut aussi être exposée à la dérive aérienne

des substances qui survient souvent lors des applications. Elle peut de plus être exposée par

contact indirect alors qu’elle butine sur des fleurs sur lesquelles le produit insecticide s’est

déposé, soit à dessein, soit accidentellement à cause de la dérive. Le plus souvent, ce type

d’exposition provoque la mort de l’abeille par intoxication aiguë. Les abeilles peuvent ne

jamais revenir à la ruche et mourir au champ. Parfois, elles reviennent à la ruche mais les

cadavres d’abeilles mortes s’empilent très vite sur le sol devant la ruche.

Une autre forme d’exposition par contact direct vient d’apparaître avec l’arrivée de la

technologie des semences enrobées avec des néonicotinoïdes. L’intoxication survient

lorsque l’abeille est mise en contact avec les poussières d’enrobage (mélange de talc et

d’insecticide hautement concentré) au moment du semis ou par la suite. Elle peut capter ces

Les voies d’exposition de l’abeille aux pesticides sont multiples en

milieu agricole.

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poussières sur son corps alors qu’elle est en vol. Ces poussières sont extrêmement fines et

peuvent rester très longtemps en suspension dans l’air. Elles peuvent donc aussi dériver.

Tôt ou tard, elles se déposent au sol, dans les flaques d’eau, sur la végétation et les fleurs

environnantes. L’abeille est aussi mise indirectement en contact en butinant les fleurs

contaminées. Ces poussières contiennent des concentrations très élevées de néonicotinoïdes

qui, selon la base de données SAgE pesticides, sont hautement toxiques par contact direct

ou par exposition orale.

Des cas de pertes totales de ruches ont été rapportés à l’ARLA à la suite d’intoxications

aiguës de ce type13

. Deux récentes étudesx,xi

nous montrent cependant que ce type

d’exposition peut aussi causer des intoxications chroniques. La plus récente étudexi nous

apprend que cette voie d’exposition est beaucoup plus importante qu’on ne le croyait.

2.4.2.2 L’exposition par le pollen et le nectar

Il est fréquent que le pollen des fleurs soit contaminé lors des applications de fongicides ou

d’insecticides conventionnels. Lorsque les abeilles rapportent du pollen contaminé à la

ruche, celui-ci peut intoxiquer la colonie à des degrés divers. Ainsi, du pollen contaminé

peut être stocké dans les alvéoles et perturber la santé de la ruche petit à petit, sur une

longue période, au fur et à mesure qu’il est consommé.

Une recherche récentexxi

a démontré que les pesticides peuvent avoir d’autres effets

négatifs insoupçonnés sur le pollen stocké dans la ruche. L’abeille a une façon bien

particulière de conserver ses récoltes de pollen à long terme : elle le fait fermenter dans les

alvéoles en présence de miel. Cette fermentation est bénéfique, car en plus de garantir sa

conservation, elle augmente la valeur nutritive du pollen. On considérait jusqu’à récemment

que les fongicides utilisés en agriculture étaient sans effet négatif sur l’abeille. Cependant ,

on sait maintenant que la présence de fongicide(s) dans le pollen récolté par les abeilles

peut interférer avec le processus de fermentation nécessaire à sa conservation dans la ruche

et, de façon imprévue, causer ainsi la détérioration ou la perte des réserves protéiques de la

colonie!

Les pesticides systémiques changent complètement la problématique de la contamination

du pollen et du nectar. Désormais, la contamination du nectar et du pollen n’est plus

seulement ponctuelle et accidentelle. Elle est systématique pour toutes les plantes traitées

directement ou indirectement14

avec des produits systémiques.

2.4.2.3 L’exposition par l’eau contaminée

Nous avons peu de données concernant cette voie d’exposition, mais certains apiculteurs

affirment que les abeilles sont souvent intoxiquées par l’eau qu’elles trouvent dans

14 On retrouve la présence de néonicotinoïdes même dans les plantes poussant sur des parcelles où des

néonicotinoïdes ont été utilisés seulement les années antérieures. Cette contamination de la végétation de

succession est rendue possible à cause de la demi-vie très longue des néonicotinoïdes dans le sol.

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l’environnement à proximité des parcelles semées avec des semences traitées aux

néonicotinoïdes.

2.4.2.4 La guttation comme source d’intoxication

On s’est aperçu que la guttation (voir note 3) peut représenter un risque pour les abeilles

dans le cas des plantes traitées avec des insecticides systémiques. La goutte émise à la

pointe des feuilles contient, en effet, des concentrations de matière active suffisantes pour

tuer directement l’abeille. Cependant, dans le cadre d’une étude réalisée en Italiex, cette

voie d’exposition n’a pas été significative, car peu d’abeilles se sont abreuvées à ces

gouttes.

2.4.2.5 L’exposition par la contamination de la cire des rayons de la ruche

La cire des rayons des ruches peut être contaminée par les pesticides, et ainsi constituer une

autre source d’exposition continue à l’intérieur de la ruche. Cette voie d’exposition

concerne principalement les stades immatures de l’abeille15

. Cependant, on a trouvé aux

États-Unis que les pesticides les plus présents dans la cire des rayons sont les acaricides

utilisés par certains apiculteurs pour contrôler la varroasexii

xxii

.

2.4.3 Les effets des pesticides sur l’abeille

2.4.3.1 Les effets chroniques des résidus de pesticides conventionnels

accumulés dans la ruche

Une étude a démontré que les abeilles élevées dans des alvéoles de cire contaminéexii

(herbicides, fongicides, insecticides et acaricides) avaient une longévité moindre. On s’est

aussi aperçu que ces abeilles avaient des périodes de développement (stades larvaire et

nymphal) plus longues, ce qui favorise ainsi la multiplication plus rapide des varroas

(parasites externes) qui se multiplient à l’intérieur du couvain.

L’altération des réserves de pollen des ruches par l’effet des résidus de fongicides constitue

un autre problème. Nous en avons aussi parlé précédemment.

15 Larves et nymphes en développement dans les alvéoles des rayons de couvain.

La mort de l’abeille causée par la toxicité aiguë est l’effet le plus connu des insecticides. Ce type de toxicité a longtemps été le seul connu ou considéré grave. L’intensification de la recherche au cours des dernières années a permis de s’apercevoir que l’abeille pouvait être affectée de multiples façons par les pesticides. Les intoxications dites « chroniques » sont finalement bien plus courantes que les

intoxications aiguës.

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2.4.3.2 Les effets des néonicotinoïdes

Outre la toxicité aiguë qui survient, entre autres, lorsque l’abeille est exposée à des

poussières d’insecticide résultant des opérations de semis de semences traitées aux

néonicotinoïdes, toute une série d’effets chroniques ont été mis en évidence par différentes

recherches. Voici les principaux effets chroniques des néonicotinoïdes sur les abeilles qui

ont été documentés jusqu’à maintenant :

o Perturbation du système enzymatique (impacts sur le fonctionnement de l’abeille)xiii

;

o Impacts sur la capacité de l’abeille à s’orienter (certaines abeilles ne reviennent pas à

la ruche)xiv, xvi,xv

;

o Impacts sur la mémoire olfactive de l’abeille ce qui compromet, entre autres, sa

capacité à trouver ou retrouver efficacement les sources de nourriture;

o Affaiblissement du système immunitairev, vi

rendant l’abeille plus vulnérable aux

virus, bactéries, champignons pathogènes;

o Réduction de la capacité de l’abeille à percevoir les phéromonesx. Ce problème peut

perturber de toutes sortes de façons le fonctionnement de la colonie car les

phéromones contrôlent tout le fonctionnement de la colonie, de la même façon que

les hormones contrôlent les fonctions du corps humain. Ceci pourrait expliquer

l’incidence plus élevée de problèmes liés à l’acceptation et à la performance des

reines constatés par les apiculteurs;

o Réduction des fonctions cognitives (capacités d’apprentissage)xvi

;

o Perturbation dans le développement du couvain (période de développement prolongée

et réduction du nombre de larves viables)xvi

.

L’existence d’impacts négatifs des néonicotinoïdes sur les abeilles ne fait plus de doutes au sein de la communauté scientifique. La question non résolue est plutôt la suivante : à quel point l’abeille est-elle exposée et affectée? Quelle proportion des colonies sont-elles exposées à cette source d’intoxication? Quelle proportion des abeilles d’une colonie exposée est-elle touchée? La situation qui prévaut aux États-Unis nous fait craindre que cette proportion s’accroisse au cours des années à venir, au fur et à mesure que la charge toxique

des sols en néonicotinoïdes augmentera.

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2.5 L’évolution de la cohabitation entre apiculture et agriculture

Notre agriculture s’intègre de moins en moins au milieu naturel et tend plutôt à s’y

substituer.

La quasi-totalité des productions fruitières et beaucoup de production maraîchères

bénéficient de la visite des insectes pollinisateurs. La plupart des productions de semences

requièrent la présence de ruches d’abeilles. L’abeille augmentait traditionnellement les

rendements dans les cultures de légumineuses et aussi de sarrasin. La présence d’abeilles à

proximité des fermes laitières favorisait aussi une meilleure persistance du trèfle et des

autres légumineuses dans les pâturages.

L’apport économique de la pollinisation est incontestable. Même s’il a été chiffré en termes

de valeur économique, cette réalité ne semble pas facilement comprise et admise.

L’exemple concret de l’évolution de la production du bleuet nain du Lac Saint-Jean peut

peut-être mieux nous faire comprendre à quel point l’abeille peut être un partenaire

indispensable de la prospérité de l’agriculture.

La production du bleuet nain du Lac Saint-Jean a connu une croissance considérable au

cours des deux dernières décennies grâce au partenariat des abeilles. Cette production est

passée de quelques 4 000 tonnes métriques au début des années 1990 à près de 20 000

tonnes métriques ces dernières années. En effet, les producteurs de bleuets, en même temps

qu’ils augmentaient les superficies, introduisirent dans les champs de plus en plus de ruches

d’abeilles par hectare à chaque printemps pour maximiser la mise à fruit. Les résultats ont

été au rendez-vous.

La figure 7 montre que, exception faite de l’année 200716

, le rendement par hectare des

bleuetières a évolué en étroite corrélation avec la densité des ruches utilisées pour la

pollinisation. Le cas de l’année 2003 montre à quel point les pertes d’abeilles historiques de

16 La baisse de production de l’année 2007 s’explique par des conditions météorologiques hors normes.

Traditionnellement, apiculture et agriculture évoluaient en symbiose. L’abeille apportait ses bénéfices à l’agriculture par son travail d’intermédiaire assurant la fécondation des fleurs, la mise à fruit et la production de semences de nombreuses plantes cultivées. En retour, l’agriculture fournissait à l’abeille toute une variété de fleurs riches en pollen et nectar qui assuraient sa santé et sa prospérité. Traditionnellement, là où les sols étaient riches, là où le climat était clément pour les végétaux et les bestiaux, là où l’agriculture prospérait, là aussi, l’apiculture prospérait. Cette symbiose n’existe

plus!

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l’hiver 2003 (50 %) ont fait chuter dramatiquement la production de bleuets cette même

année à cause de la non-disponibilité des ruches. La productivité des bleuetières ne s’est

rétablie que trois années plus tard, reflétant le fait que la perte importante de 2003 avait

même affecté la disponibilité des ruches au cours des deux années suivantes.

0,00

0,20

0,40

0,60

0,80

1,00

1,20

tm/ha

ruches/ha

tm/ha 0,88 0,52 0,84 0,79 1,10 0,62 0,92 1,09

ruches/ha 0,75 0,38 0,52 0,57 0,65 0,69 0,74 0,78

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Figure 7. Incidence de l’introduction de ruches d’abeilles sur la production du bleuet. Plus on introduit

d'abeilles dans les bleuetières, plus la production de bleuets augmente. L’exemple des années 2002 à 2009

nous montre que la productivité des bleuetières a évolué en corrélation avec la densité moyenne des ruches

louées par hectare pour la pollinisation.17

D’autres productions doivent une part importante de leur productivité à la présence

d’abeilles louées pour la pollinisation. Mentionnons la pomme, la canneberge, la framboise,

la fraise, les cucurbitacées et bien d’autres.

Malgré quelques belles histoires comme celle du bleuet, le portrait de la cohabitation entre

agriculture et apiculture est aujourd’hui bien différent. Le rapport idyllique que nous avons

décrit en début de chapitre existe de moins en moins.

La grande tendance à la spécialisation de nos cultures a entrainé la diminution de la variété

florale. Faisons le constat que d’autres pratiques ont aggravé la situation : l’utilisation

accrue des herbicides, la disparition des fossés et des digues de roches et l’élimination des

pâturages sont tous des facteurs qui ont contribué à éliminer les fleurs sauvages de

l’environnement agricole. Ces pratiques ont fait disparaître des plantes qui étaient

essentielles aux insectes bénéfiques. La perte de diversité s’est faite en partie au détriment

du garde-manger de l’abeille et des pollinisateurs ainsi que d’une foule d’autres espèces

vivantes. Cette situation fait que l’abeille a de plus en plus de difficulté à trouver en milieu

agricole l’alimentation variée et équilibrée qui est essentielle à sa santévii

.

17 Les données de densité de ruches et de productivité ont été calculées à partir des chiffres bruts de l’ISQ. Les

calculs de densité de ruches par hectare ne tiennent pas compte des quelque 5 000 ruches d’abeilles en provenance de l’Ontario qui se sont ajoutées aux 20 000 ruches louées d’apiculteurs du Québec et qui ont

contribué à pousser les rendements au delà des sommets atteints en 2002. Malheureusement, les données

statistiques ne sont pas disponibles avant 2002 pour permettre d’allonger la comparaison.

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Par ailleurs, la perte de biodiversité a aussi eu pour effet que de moins en moins d’insectes

et autres espèces bénéfiques (oiseaux, chauve-souris) prolifèrent en milieu agricole. Ces

espèces qui participaient jadis à l’équilibre naturel global et à la répression des ravageurs

ont été remplacées par une phytoprotection de synthèse de plus en plus complexe et

élaborée avec laquelle l’agriculture a maintenant une relation de dépendance. Avec la

promesse d’une protection et de rendements accrus, l’industrie des intrants a proposé, et

parfois imposé, aux agriculteurs des façons d’utiliser de plus en plus de pesticides. Si la

nature proteste parfois à sa manière en rendant certaines espèces combattues résistantes aux

armes de synthèse, un nouveau pesticide est rapidement proposé à appliquer en supplément.

Les apiculteurs ont peine à composer avec cette nouvelle réalité. Certains fuient et

déplacent leurs ruchers en périphérie des zones d’agriculture intensive. Cette manœuvre est

possible pour certains mais pas pour tous. Les apiculteurs établis au cœur des zones

d’agriculture intensive ne peuvent rien faire. Ceux qui possèdent des ruchers de taille

importante ne peuvent non plus déplacer leurs ruchers, car ils ne trouvent pas en périphérie

suffisamment d’espaces propices pour relocaliser tous leurs ruchers. En outre, ces

relocalisations ne se font pas sans coûts importants. On doit aussi savoir que les abeilles

sont moins productives en ces zones périphériques. Comme nous l’avons évoqué

précédemment, la prospérité de l’apiculture est liée aux mêmes caractéristiques de sol et de

climat que l’agriculture en général : sols riches et unités thermiques élevées donnent plus de

miel que sols pauvres et unités thermiques basses!

2.6 Phytoprotection moderne : une évolution technologique qui comporte beaucoup d’autres risques inconnus

2.6.1 Des impacts qui dépassent largement ceux ressentis par le secteur apicole

Les difficultés que les abeilles vivent présentement dans le milieu agricole sont bien sûr

préoccupantes. Non seulement elles compromettent directement la rentabilité de

l’apiculture, mais elles handicapent sérieusement la capacité du cheptel apicole québécois à

Un foisonnement d’études récentes convergent pour montrer que l’augmentation des pesticides utilisés dans l’environnement agricole expose l’abeille à une charge toxique qu’elle ne sait plus gérer. La capacité de son organisme à se détoxifier est dépassée. Quand elle n’en meurt pas directement, sa santé en souffre et la survie de la

colonie à plus long terme peut être compromise!

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remplir adéquatement sa mission pollinisatrice. Des impacts sont donc également à prévoir

sur toutes les productions végétales qui bénéficient de la pollinisation entomophile.

L’abeille domestique est proche de nous et nous pouvons être attentifs aux signes de

détresse qu’elle montre. Des dizaines sinon des centaines d’autres espèces d’insectes utiles

sont certainement exposées aux mêmes difficultés. Leur survie est même davantage

menacée, car ces espèces n’ont pas d’« apiculteur » pour soigner leurs maladies et pour

compenser artificiellement leurs pertes quand l’appauvrissement de leurs ressources

alimentaires et les pesticides déciment leurs populations. Parmi les insectes bénéfiques

menacés figurent des centaines d’espèces de pollinisateurs sauvages. C’est ainsi que la

problématique de la pollution environnementale causée par les pesticides aggrave celle de

la perte de biodiversité dans l’écosystème agricole.

Il faut aussi craindre des impacts écologiques en cascade. La raréfaction des populations

d’insectes de toutes sortes affectera à son tour la survie d’espèces insectivores, dont

d’autres insectes prédateurs utiles, des espèces d’oiseaux, des chauves-souris, etc. Selon le

biologiste Michel Robert, cité par l’ornithologue Pierre Gingras, « (…) les oiseaux qui se

nourrissent exclusivement d'insectes, particulièrement ceux qui les capturent en vol, comme

les engoulevents, les hirondelles ou les martinets déclinent, indique le scientifique. La

situation n'est pas particulière au Québec et pourrait être attribuable à la baisse considérable

d'insectes, un problème probablement lié à l'agriculture intensive sur tout le continent. »xvii

Cette nouvelle menace ne concerne pas seulement la ressource agricole. La faune aquatique

de nos rivières et de notre fleuve peut être ultimement touchée alors que les néonicotinoïdes

et les herbicides, en surconcentration dans nos sols, seront lessivés vers nos cours d’eau

chaque printemps, à chaque orage. Qu’est est-il des risques pour les batraciens? La faune

aquatique? La pêche sportive? Une éventuelle contamination des nappes phréatiques

menace également les puits et les sources d’approvisionnement en eau des populations

rurales. Une telle éventualité ne relève pas de la spéculation : une étude très récentexviii

montre que l’eau est déjà sérieusement polluée par l’imidaclopride (un néonicotinoïde)

dans les régions agricoles de Californie. Une autre étudexix

scientifique récente montre

également une contamination par le glyphosate dans le bassin du fleuve Mississipi aux

États-Unis, à la suitede l’intensification récente de l’usage de cet herbicide dans les cultures

de maïs.

L’utilisation à très grande échelle de la technologie des insecticides systémiques à base de néonicotinoïdes comporte également d’autres risques environnementaux importants qui n’ont pas été évalués et qui peuvent compromettre la pérennité de la ressource. L’abeille doit être considérée comme le canari dans la mine. Ses difficultés sont annonciatrices d’autres problèmes liés à la pollution, à différents niveaux, en milieu agricole.

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Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec par la Fédération des apiculteurs du Québec

Soyons également conscients que les pesticides systémiques pourraient finalement

représenter une menace à la santé humaine par le biais des aliments. Jusqu’à maintenant, il

suffisait de laver, brosser ou peler les fruits et légumes pour les débarrasser des éventuels

résidus de pesticides. Avec les pesticides systémiques, les résidus se trouvent maintenant

dans les aliments. Est-on conscient des changements que cela implique? Ne serait-ce qu’au

niveau de la perception du consommateur?

Avons-nous des programmes en place pour faire le suivi de tous ces nouveaux risques? En

avons-nous les moyens?

3 Réflexion sur notre incapacité à diriger notre agriculture vers des pratiques compatibles avec la pérennité de la ressource

Les objectifs du MAPAQ sont les bons. Le Livre vert pour une politique bioalimentaire et

la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture 2011-2021 proposent les bonnes

orientations.

Les agriculteurs eux aussi sont bien intentionnés. Aucun ne veut polluer l’environnement.

Cependant, ces derniers travaillent avec les outils qui sont mis à leur disposition et dont

l’usage a été sanctionné par l’ARLA. Les systèmes de production auxquels ils adhèrent sont

ceux qu’on leur propose comme pouvant améliorer la productivité et la rentabilité de leur

ferme. Les développements technologiques ne leur sont malheureusement pas présentés

Nous savons bien que notre agriculture ne pourra prospérer à long terme si nous ne préservons pas son capital de base : l’environnement dans lequel nous la pratiquons. L’exemple de la cohabitation de plus en plus difficile entre apiculture et agriculture a permis d’illustrer concrètement la dichotomie entre nos intentions et la réalité. Malgré tous les efforts du MAPAQ et des agriculteurs, l’atteinte de nos

objectifs environnementaux est de plus en plus hors de portée.

Cette révolution de la phytoprotection, appliquée à si grande échelle, occasionne dans l’environnement des régions agricoles un déversement sans précédent de substances toxiques dont certaines sont hydrosolubles et persistantes! Ceci représente un nouveau risque de pollution de la ressource eau, comme c’est déjà une réalité dans les régions agricoles de la Californiexviii!

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avec toute l’information qui leur permettrait d’évaluer leur pertinence dans la perspective

de la pratique d’une agriculture durable.

Des forces externes court-circuitent les efforts de l’ensemble des partenaires. Même si les

objectifs sont les bons, leur atteinte ne pourrait pourtant se faire que grâce à l’adhésion de

tous les partenaires du monde de l’agriculture et aussi grâce à l’harmonisation de leurs

agissements. MAPAQ, agriculteurs, conseillers, chercheurs et fournisseurs de services

doivent travailler en fonction du même objectif.

Les compagnies d’intrants sont très présentes sur le terrain et conseillent les agriculteurs en

fonction d’une utilisation fidèle de leurs produits. Le conseil technique n’est plus neutre.

Les compagnies d’intrants disposent aussi d’importants budgets publicitaires et elles

réussissent à vendre la peur de la perte de rendement en même temps que la nécessité

d’investir toujours davantage dans la « protection » des cultures. Elles ne font pas la

promotion de la réduction de l’usage, elles ne font pas la promotion de la gestion intégrée

des ennemis des cultures. Producteurs et distributeurs d’intrants déploient même des

stratégies commerciales audacieuses qui leur permettent de contrôler totalement le marché

et d’imposer ainsi les modes de production. Le meilleur exemple est la disparition

« organisée » du marché des semences de maïs non traitées avec des néonicotinoïdes. Le

lobby de cette industrie est bien organisé et son influence s’exerce de multiples autres

façons!

Les agriculteurs ne sont pas à l’aise avec cette situation. Ils se sentent pris dans un

engrenage. Ils l’expriment de plus en plus. Ils voudraient retrouver, entre autres, le libre

droit de se procurer des semences sans traitement insecticide. Donnons aussi comme

exemple une résolution adoptée lors du dernier congrès de l’Union des producteurs

agricoles (UPA). Cette résolution porte justement sur la future politique bioalimentaire du

Québec. Citons-en les extraits pertinents :

« Résolution sur LA FUTURE POLITIQUE AGRICOLE ET ALIMENTAIRE

(…)

CONSIDÉRANT que le Livre vert demeure relativement muet sur les secteurs des intrants,

de la transformation ainsi que sur celui de la distribution alimentaire, notamment en ce qui

a trait à la transparence et à la concentration de ces secteurs;

Certains partenaires ne sont pas solidaires de l’objectif de réduction de l’usage des pesticides et leurs actions ne concourent pas à son atteinte. Pour un fabriquant de pesticides, le profit découle du volume des ventes et il n’est pas dans sa logique d’agir en accord avec l’objectif d’en réduire l’usage. La structure de notre modèle de production alimentaire fait en sorte que ce maillon de la chaîne de production agit à contre-courant et réussit même à renverser la tendance. Ce sont ces mêmes « partenaires » qui inventent et qui implantent les nouveaux outils de production, même si ceux-ci sont incompatibles ou peu compatibles avec les objectifs de l’ensemble

du secteur.

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Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec par la Fédération des apiculteurs du Québec

(…)

Le congrès général de l’UPA demande au gouvernement du Québec

d’adopter une politique agricole et alimentaire :

(…)

qui permet aux producteurs et productrices de retrouver ou de conserver leur

indépendance face aux fournisseurs d’intrants ou aux acheteurs de leurs produits;

(…) »

Il est clair que l’évolution de nos méthodes de production échappe de plus en plus à notre

contrôle.

4 Repenser notre modèle agricole et se donner les moyens pour reprendre le contrôle de l’évolution de notre agriculture

Lors de son premier discours à titre de nouveau président de l’UPA, M. Marcel Groleau a

proposé au Gouvernement du Québec que l’agriculture puisse offrir à la nation un « Plan

Nord » à portée de la main, pourvu qu’on y investisse les ressources nécessaires. Nous

partageons cette vision.

Nous venons de montrer certains problèmes structurels de notre modèle de production qui

nous empêchent de réaliser la condition qui est à la base de tout futur viable pour la

production d’aliments au Québec. Cette condition est la protection de la ressource naturelle

sans laquelle l’agriculture n’est pas possible.

Les agriculteurs doivent participer à la concrétisation des changements qui s’imposent. La

situation que nous avons décrite dans ce mémoire n’est pas à leur avantage. Même si les

dernières innovations technologiques ont dans certains cas apporté des gains de

productivité à court terme, ces gains sont bien cher payés. Alors que la facture des intrants

grimpe sans cesse, nos fermes sont-elles plus rentables qu’auparavant? C’est sans compter

la facture des impacts écologiques négatifs actuels et surtout à venir. Dans le moment, rares

Il est temps que le MAPAQ et les agriculteurs unissent leurs forces et utilisent tous les moyens dont ils disposent pour corriger les problèmes structurels qui compromettent le futur de notre production alimentaire. Notre société doit être maître d’orienter son agriculture selon la vision qui lui est propre. C’est une question d’autonomie et de sécurité alimentaire! C’est une question de préservation de nos ressources. C’est aussi une question de respect

de la dignité des gens qui font l’agriculture.

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Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec par la Fédération des apiculteurs du Québec

sont ceux qui ressentent ces impacts, sinon les apiculteurs. Mais tôt ou tard, toute la société

devra les assumer, y compris les agriculteurs eux-mêmes. La question concerne bien sûr le

revenu de l’agriculteur. Cependant, elle concerne aussi son bien-être et sa santé, le respect

de ses valeurs et sa dignité.

Sans attendre, le MAPAQ doit agir avec détermination pour changer la situation. Il dispose

de tous les outils nécessaires pour le faire. Il y a urgence d’agir. Les abeilles nous le disent.

Les études récentes sur la contamination de l’eau par les pesticides nous le rappellent aussi

brusquement!

5 Pistes d’action

Nous proposons ici des pistes d’action qui se répartissent dans deux volets. Le premier

volet concerne un ensemble de mesures pour garantir la pérennité de l’écosystème agricole

québécois. Le second concerne le support à la production apicole dans le contexte de crise

environnementale qu’elle traverse.

5.1 Mesures pour préserver la pérennité de l’écosystème agricole québécois

1. Reconnaître l’importance et l’urgence des problématiques soulevées par ce

mémoire et en saisir l’ensemble de la structure organisationnelle de la Stratégie

phytosanitaire du MAPAQ.

2. Reconnaître et supporter le travail du comité « Pertes d’abeilles » récemment mis

en place par la DSAIV dans le cadre du suivi des problématiques d’intoxication

des abeilles par les pesticides. Reconnaître l’importance du travail de ce comité

en fonction de l’atteinte de l’objectif 3.3 de la Stratégie phytosanitaire, à savoir

« Protéger les pollinisateurs et organismes non ciblés ». Rattacher officiellement

ce comité à la structure organisationnelle de la stratégie phytosanitaire.

3. Examiner et comprendre le fonctionnement du système de lobbying mis en place

au sein du modèle agricole québécois par les différents acteurs du secteur des

intrants.

4. Prendre des mesures énergiques afin que l’atteinte des objectifs

environnementaux du secteur agricole ne soit pas compromise par les

interventions, les influences et les agissements non compatibles des acteurs de la

filière des intrants.

5. Réaffirmer et renforcer l’objectif de répandre la pratique de la lutte intégrée dans

toutes les productions.

6. Sensibiliser les agriculteurs à l’importance de réduire considérablement l’usage

des pesticides et d’inclure les méthodes de lutte intégrée des ravageurs dans

toutes les productions.

7. Sensibiliser les agriculteurs aux dangers des néonicotinoïdes pour les

pollinisateurs et aux risques de contamination de l’eau qu’ils présentent.

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8. Supporter le développement des clubs-conseils en agroenvironnement et

s’assurer de la disponibilité des conseillers sur le terrain pour aider les

agriculteurs à concrétiser sur leurs fermes l’approche de la gestion intégrée des

ravageurs ainsi que les techniques de production qui protègent le mieux la

ressource.

9. Assurer la réintroduction des semences non traitées aux néonicotinoïdes sur le

marché.

10. Vérifier par des recherches et des essais la justification agronomique motivant

l’usage de semences prétraitées aux néonicotinoïdes.

11. Développer et fournir aux agriculteurs des moyens efficaces et pratiques

d’évaluer le besoin d’utiliser des semences traitées aux néonicotinoïdes dans le

cadre d’une gestion intégrée des ravageurs.

12. Stimuler la recherche sur les alternatives aux pesticides en phytoprotection et

développer un programme structuré en ce sens impliquant des partenariats avec

les universités et autres organismes pertinents (CEROM, IRDA, etc.)

13. Supporter techniquement et financièrement la transition des producteurs

agricoles vers des méthodes de production qui réduisent au minimum l’usage des

pesticides.

14. Encourager et supporter le développement et l’implantation de techniques de

grandes cultures susceptibles de favoriser la biodiversité et la réduction de

l’usage des intrants. À titre d’exemple, mentionnons l’initiative du réseau Pour

un sol conservé et vivant (SCV) xx

qui vise à répandre la pratique du semis direct

sous couvert végétal. Grâce à cette méthode, une plus grande variété de plantes

est cultivée et l’utilisation des intrants est réduite.

15. Conjointement avec le MDDEP, se donner les moyens de vérifier rapidement et

efficacement les résultats des politiques visant à réduire l’usage des pesticides. Il

faut adapter le bilan des ventes de pesticides pour qu’il tienne compte de tous les

pesticides utilisés et non uniquement ceux vendus au Québec. Accélérer sa

publication afin d’être informés plus rapidement de l’évolution de la situation.

Adopter dans le bilan un classement des substances qui permette d’identifier les

différentes molécules.

16. Conjointement avec le MDDEP, mettre en place des programmes de suivi

environnementaux (populations de pollinisateurs sauvages et autres insectes,

contamination des eaux par les pesticides) de façon à être rapidement informés

de toute situation qui menacerait la ressource.

17. Utiliser son pouvoir réglementaire pour pallier les lacunes de l’ARLA,

notamment pour pallier la problématique causée par l’utilisation illimitée et non

encadrée des pesticides les plus à risque.

18. Faire des demandes à l’ARLA et au gouvernement fédéral afin que les critères et

procédures d’homologation soient revus de façon à mieux protéger

l’environnement, en particulier les pollinisateurs et la ressource eau.

19. Demander à l’ARLA de compléter l’évaluation de la clothianidine qui dispose

encore, après sept ans, d’une homologation temporaire.

20. Imposer des mesures pour réduire l’émission des poussières d’insecticide au

moment des semis de semences traitées. (modification des semoirs, ajouts de

déflecteurs, etc.).

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21. Encourager la diversification des cultures par des mesures de soutien et des

incitatifs adéquats.

22. Orienter notre agriculture vers l’autosuffisance alimentaire davantage que sur

l’exportation. Cette orientation devrait assurer une plus grande diversification de

la production.

23. Maintenir le programme d’appui à la multifonctionnalité de l’agriculture et

multiplier les initiatives en ce sens qui favorisent la biodiversité.

24. Revoir les programmes de soutien du revenu agricole de façon à ce qu’ils ne

créent pas d’incitatifs involontaires contraires aux objectifs de diversification.

25. Freiner la culture du maïs pour production d’éthanol qui a pour effet

d’augmenter artificiellement les superficies en culture industrielle de cette

plante, l’usage des pesticides et la pollution des eaux lorsqu’elle est pratiquée à

trop grande échelle.

26. Encourager par divers moyens l’implantation de brise-vents et de bandes

riveraines qui constituent une source de biodiversité.

27. Assouplir certains aspects de la Loi de protection du territoire agricole de façon à

faciliter l’implantation des petites exploitations agricoles qui sont une source de

biodiversité.

28. Supporter l’agriculture biologique qui, à la fois, est pratiquée sans pesticides de

synthèse et constitue une source de biodiversité. L’agriculture biologique est le

mode de production alimentaire qui préserve le mieux la ressource. Le MAPAQ

doit supporter plus énergiquement sa pratique. Il doit éliminer les freins à sa

propagation (frais d’audit, etc.). Il doit aussi supporter les efforts de recherche

qui la rendront plus performante.

5.2 Mesures pour soutenir le secteur apicole dans le contexte de « crise environnementale » actuelle

29. Supporter et faciliter la concrétisation du plan d’action actuellement en voie

d’élaboration par la Table filière apicole et visant à réduire les pertes d’abeilles

anormales au Québec.

30. Aider à maintenir en santé les populations d’abeilles domestiques par le maintien

de services vétérinaires gouvernementaux performants et adéquatement financés.

Supporter le développement et la mise en place d’outils de diagnostic adaptés

(bilan de santé, etc.) par la DSAIV. Ce point fait l’objet d’une recommandation

par la Table filière apicole.

31. Supporter la mise en place et le fonctionnement, par le CRSAD, d’un Centre

intégré de recherche et de services-conseils destiné à optimiser la gestion des

ruchers québécois dans le nouveau contexte. Ce projet implique l’instauration

d’un poste de chercheur coordonnateur ainsi qu’un poste de responsable des

services-conseils de première ligne. Le projet fait présentement l’objet d’une

planification au niveau de la Table filière apicole du Québec.

32. Collaborer à l’implantation d’une veille technologique permanente dans les

domaines de la santé de l’abeille, de la gestion apicole et, aussi, en ce qui regarde

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la cohabitation apiculture-agriculture (pollinisation, impacts de la perte de

biodiversité, impacts des pesticides). Ce point fait l’objet d’une recommandation

par la Table filière apicole.

33. Faciliter le développement d’une stratégie de production d’abeilles et de reines

abeilles en vue d’une autosuffisance au Québec.

34. Supporter la DSAIV dans la mise en place d’un système de certification pour

garantir le bon état sanitaire des abeilles et reines produites au Québec. Ce point

fait l’objet d’une recommandation de la Table filière apicole.

35. Maintenir et améliorer les services gouvernementaux d’analyse permettant de

détecter les problématiques d’intoxication des abeilles par les pesticides. Entre

autres, étendre le service aux analyses de cire, de pollen et de nectar.

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Mémoire présenté dans le cadre des consultations publiques sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec par la Fédération des apiculteurs du Québec

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