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Mobilisation de 1’Elève en Fonction de la Demande et de ses Capacités Stéphane Ehrlich Université de Poitiers, France La mobilisation de l’élève est le niveau de l’effort qu’il consent à fournir au moment de l’exécution d’une tâche. Elle dépend des motivations, des buts, attitudes et représenta- tions du sujet. Elle dépend également - au moment même de l’activité scolaire - de l’appré- ciation par l’élève de l’écart qui existe entre ce qui lui est demandé et ce qu’il est capable de faire. En interaction avec d’autres composantes, comme le niveau de connaissance, la difficulté de la tâche, les stratégies, la mobilisation détermine les performances de l’élève et leurs variations - croissantes ou décroissantes - au cours d’un apprentissage scolaire. L’objectif de ce travail est de montrer que lorsque la demande adressée aux élèves excède leurs capacités, l’élève se décourage et se démobilise: d’un essai à l’autre, les performances ont tendance A baisser. Par contre, lorsque la demande est ajustée aux possibilités de l’enfant, l’élève reste mobilisé: les performances sont élevées et progressent d’un essai à l’autre (Ban- dura et Schunk, 1981). 1. Sujets et procédure 1. O On travaille avec une classe de 26 élèves de 8 à 9 ans d’école primaire (CE2) appar- tenant à un milieu défavorisé. 2.O On organise des séries de 5 à 6 séances successives de travail, séparées l’une de l’autre de 3 à 7 jours. Chaque séance de travail est à durée constante pour une série donnée. Les séries portent soit sur des exercices de calcul soit sur des exercices de lecture-compréhension- -questions. 3.O Chaque série est organisée de la façon suivante: - on dktermine les capacités individuelles au cours d’une séance préliminaire: perfor- mances (Po) en nombre d’exercices corrects dans la durée fixée; - à la séance suivante, on définit pour chaque élève un objectif (01) en sorte que O1 =Po. On calcule la performances P1. Aux séances ultérieures, les objectifs, toujours cal- culés individuellement, sont les suivants: P2+P3 x2 2 p1+p2 x1,5; 04= 2 x1,25; 03= 2 02 = Ainsi, l’objectif est toujours égal à la demi-somme des performances des 2 séances pré- - au début de chaque séance, l’objectif est communiqué à l’élève et visualisé concrète- cédentes, multipliée par un coefficient qui varie de 1 à 2 (variable expérimentale); ment par un.e série de marches d’un escalier à monter. Cette recherche a réalisée en collaboration avec A. Florin, T. Montes, M. L. Pinon, F. Pallardy, S. Rivoire et M. Suty.

Mobilisation de l’Elève en Fonction de la Demande et de ses Capacités

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Mobilisation de 1’Elève en Fonction de la Demande et de ses Capacités

Stéphane Ehrlich Université de Poitiers, France

La mobilisation de l’élève est le niveau de l’effort qu’il consent à fournir au moment de l’exécution d’une tâche. Elle dépend des motivations, des buts, attitudes et représenta- tions du sujet. Elle dépend également - au moment même de l’activité scolaire - de l’appré- ciation par l’élève de l’écart qui existe entre ce qui lui est demandé et ce qu’il est capable de faire. En interaction avec d’autres composantes, comme le niveau de connaissance, la difficulté de la tâche, les stratégies, la mobilisation détermine les performances de l’élève et leurs variations - croissantes ou décroissantes - au cours d’un apprentissage scolaire.

L’objectif de ce travail est de montrer que lorsque la demande adressée aux élèves excède leurs capacités, l’élève se décourage et se démobilise: d’un essai à l’autre, les performances ont tendance A baisser. Par contre, lorsque la demande est ajustée aux possibilités de l’enfant, l’élève reste mobilisé: les performances sont élevées et progressent d’un essai à l’autre (Ban- dura et Schunk, 1981).

1. Sujets et procédure

1. O On travaille avec une classe de 26 élèves de 8 à 9 ans d’école primaire (CE2) appar- tenant à un milieu défavorisé.

2.O On organise des séries de 5 à 6 séances successives de travail, séparées l’une de l’autre de 3 à 7 jours. Chaque séance de travail est à durée constante pour une série donnée. Les séries portent soit sur des exercices de calcul soit sur des exercices de lecture-compréhension- -questions.

3 . O Chaque série est organisée de la façon suivante:

- on dktermine les capacités individuelles au cours d’une séance préliminaire: perfor- mances (Po) en nombre d’exercices corrects dans la durée fixée;

- à la séance suivante, on définit pour chaque élève un objectif (01) en sorte que O1 =Po. On calcule la performances P1. Aux séances ultérieures, les objectifs, toujours cal- culés individuellement, sont les suivants:

P2+P3 x 2 2

p1+p2 x1,5; 0 4 = 2 x1,25; 0 3 = 2 0 2 =

Ainsi, l’objectif est toujours égal à la demi-somme des performances des 2 séances pré-

- au début de chaque séance, l’objectif est communiqué à l’élève et visualisé concrète- cédentes, multipliée par un coefficient qui varie de 1 à 2 (variable expérimentale);

ment par un.e série de marches d’un escalier à monter.

Cette recherche a &é réalisée en collaboration avec A. Florin, T. Montes, M. L. Pinon, F. Pallardy, S. Rivoire et M. Suty.

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En cours de séance, lorsque 2 pages d’exercices ont été faites, l’élève note le temps qu’il a mis (horloge numérique indiquant les secondes) et vient se faire corriger. Ainsi, l’élève sait à chaque instant ce qu’il a déjà fait, ce qu’il lui reste à faire et le temps dont il dispose encore.

2. Séries expérimentales

2.1 Opérations lacunaires

Il s’agit d’effectuer des additions et soustractions du type: 34 + 5 = 42 - ... ; - durée de chaque séance de travail: 50 minutes; - on a fait 5 séances successives, en plus de la séance préliminaire, avec les coeffi-

cients multiplicateurs suivants: 1; 1,25; 1,50; 2; - les élèves ont été subdivisés en 3 sous-groupes: forts, moyens, faibles. Le taux de

réussite varie de 60% pour les plus faibles à 90% pour les plus forts; - la figure 1 représente les moyennes des performances (ordonnées, P) en fonction de

la moyenne des objectifs (abscisses, O); dans la partie de droite les valeurs de P et de O ont été divisées par le temps de travail de chaque élève.

2.2 Lecture de petits textes narratifs suivie de questions de compréhension

- durée de chaque séance: 30 minutes; - on a fait 4 séances de travail avec un coefficient multiplicateur faible et relativement

constant; compris entre 1,05 et 1,l; - les élèves sont divisés en 2 sous-groupes: forts et faibles: figure 2 (à droite).

Ces 2 sous-groupes ont été de nouveau subdivisés en 2: on distingue les élèves à perfor- mances croissantes au cours des 4 séances et les élèves dont les performances décroissent, soit à la séance 3, soit à la séance 4: figure 2 (à gauche). Les performances aux séances 1 et 2 ont été regroupées en raison des fluctuations aléatoires: le* point à gauche de cha- que courbe;

- le taux de réponses correctes aux questions varie entre 61% et 87%.

2.3 Résolution de problèmes arithmétiques simples à une opération: addition ou sous- traction

- performance (P): nombre d’opérations correctement posées, que le calcul soit juste

- durée de chaque séance de travail: 40 minutes; - on fait 4 séances expérimentales; -on a distingué deux sous-groupes G1 et G2 de 12 élèves chacun, figure 3 (à

le coefficient multiplicateur est constant et égal à 1 , 10 (Gl); le coefficient multiplicateur est croissant: 1; 1,25; 130; 2 (G2);

- par ailleurs, les 2 sous-groupes ont été subdivisés de nouveau en 2 sous-groupes: élè-

ou faux;

droite):

ves forts et faibles: figure 3 (à gauche).

Les performances de 6 sujets n’ont pas été représentées dans la figure 3: il s’agit de 3 élèves forts dont les performances augmentent, même avec un coefficient multiplicateur élevé et croissant; et 3 élèves faibles dont les performances baissent, même avec un coeffi- cient miltiplicateur faible et constant.

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MOBILISATION DE L’ELEVE

Figure 1 : Exercices à trous: addition, soustraction

+-+ G w d ; N * 8

PERïûRMLiCES : CI Average : N - 10

189

mean nunbei. of correct responses

r.046

..O20

FA..* / IO

OBIECTIVES : mean nimber of reqiiested answrs .

Figure 1: Exercises to be completed: addition, subtraction

Figure 2: Lecture-compréhension de textes suivie de questions

P E R ï û M X E S I_ P increasing mean nmter of CI) Good ; N=ll

*---a P decreasing correct iesponses

N = 5

I 0. 20 rb 0 * 2 0 40 ORJECTILFS mem ninihcr of requeqtrd a n w e r s .

Figure 2: Text reading comprehension followed by questions

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Figure 3: Résolution de problèmes arithmétiques à une opération: addition, soustraction

PERFOW!&XEÇ :

U O/P constant = 1,iO - o/P increasinq 1-2 / c-.C Good

c-J poor

mean nunber of correct responses

P

50

OBJECTIMS : meai nimber oi requested answers.

Figure 3: Solving arithmetic one operation problems: addition, subtraction

3. Conclusions

3.1 En règle générale, dans des entrainements scolaires de ce type, on ne peut obtenir un accroissement des performances que si la demande (les objectifs assignés aux élèves) - est ajustée à leurs capacités.

Lorsque la demande dépasse les capacités, les élèves se démobilisent et leurs perfor- mances baissent d’une séance à l’autre.

3.2 Le seuil d’acceptation - c’est à dire l’écart maximum acceptable entre la demande et les capacités - varie d’un élève à l’autre. Par ailleurs, dans une classe normale, les varia- tions interindividuelles des capacités sont considérables. Enfin, les capacités de chaque élève changent d’une séance à l’autre.

Il faut donc procéder à des ajustements individuels très précis et a des réglages cons- tants de ces ajustements. Le recours à des entrainements pilotés par ordinateurs est ici la meilleure solution.

Références

Bandura, H. & Schunk, D. (1981). Cultivating competence, self-efficacy and intrinsic interest through proximal self- motivation. Journal of Personality and Social Psychology, 41, 586-598.