Mocochain Et Al Karstologia 2006

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KARSTOLOGIA 48

2e semestre 2006ISSN 0751 - 7688

La grotte de Saint-Marcel dArdcheet

Les stalagmites du trou Noir (Gironde)

Fdration Franaise de Splologie et Association Franaise de Karstologie Fdration Franaise de Splologie et Association Franaise de Publie Karstologie avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

Ludovic MOCOCHAIN 1-2, Jean-Yves BIGOT 3, Georges CLAUZON 1, Marc FAVERJON 4 et Philippe BRUNET 5(1) Universit Aix-Marseille I, CEREGE, Europole Mditerranen de lArbois, BP 80, 13545 Aix-en-Provence cedex 4 (2) Ecole des Mines de Paris Laboratoire de sdimentologie, 35, rue Saint-Honor, 77305 Fontainebleau cedex [email protected] (3) Les 7 portes, 04400 Barcelonnette (4) Salita del Molinello, 32/5, 16035 Rapallo (GE), Italia (5) 21, rue L. Sablet, 94200 Ivry

La grotte de Saint-Marcel (Ardche) : un rfrentiel pour lvolution des endokarsts mditerranens depuis 6 Maproduisant un refoulement hydrologique aux exutoires du karst messinien. La rsistance hydraulique a dclench le creusement per ascensum de conduits vauclusiens : les puitschemines. La rponse du systme de drainage sest reproduite au cours du Pliocne chaque stade de la remonte du niveau de base. Durant le Pliocne (5,32 2 Ma), lors du remblaiement des rias, lArdche a aussi connu de longues phases de stabilit propices la splogense. Il sagit dun drainage des eaux du plateau de Saint-Remze sur lequel se sont connects de larges recoupements souterrains de mandre de lArdche. Lobservation dtaille des grands niveaux de lendokarst a rvl en retour lexistence de stades intermdiaires dans lvolution du niveau de base et permis daffiner et denrichir la connaissance de lvolution du niveau de base rgional. MOTS-CLS : Ardche, grotte de Saint-Marcel, crise de salinit messinienne, puits-chemine, karst profond, splogense per ascensum, recoupement souterrain de mandre.

RSUM : Le plateau de Saint-Remze est form dune plate-forme carbonate dge msozoque qui borde la moyenne valle du Rhne. Cette plate-forme est intensment karstifie, comme latteste la grotte de Saint-Marcel dont le dveloppement dpasse 53 km. La grotte de Saint-Marcel prsente un tagement des rseaux sur plusieurs niveaux. Deux de ces niveaux (intermdiaire et suprieur) prsentent des conduits dont une grande partie est abandonne par les coulements, ils prsentent de grandes sections de conduits qui se dveloppent horizontalement sur plusieurs kilomtres. Le troisime niveau (infrieur) est actif et partiellement noy, il a t reconnu en plonge jusqu 65 m sous le niveau de lArdche. Ltagement des niveaux horizontaux na aucun lien avec la structure gologique qui est recoupe sans distinction. Cette observation permet de saisir le rle structurant du niveau de base et de prendre en compte son volution dans la formation du karst ardchois. Dans le primtre des gorges de lArdche et de la moyenne valle du Rhne, linvestigation des niveaux repres gnrs par la crise de salinit messinienne permet une restitution de lvolution du niveau de base rgional. Cette restitution de lvolution des niveaux a permis dtudier la grotte de Saint-Marcel dans un cadre godynamique et chronologique dune dure de six millions dannes. Couples aux variations du niveau de base, les investigations morphologiques menes dans la grotte ont restitu trois grandes phases de splogense et deux grands modes de circulation des eaux souterraines. Il sagit en premier lieu de la structuration en profondeur du drainage du plateau de Saint-Remze lors du creusement des canyons messiniens durant la crise de salinit. Au lendemain de la crise, 5,32 Ma, la transgression pliocne a provoqu une brusque remonte du niveau de base

ABSTRACT: SAINT MARCEL CAVE: AN IMPORTANTSITE FOR THE EVOLUTION OF THE MEDITERRANEAN ENDOKARST IN THE LAST

6 MILLION YEARS. The plateau of Saint-Remze is a mesozoic carbonate platform located close to the Rhne valley. This carbonate platform is intensely karstified, as proven by SaintMarcel Cave, which is 53 km long. It displays several horizontal levels. The upper and middle levels are dry most of the time. They are composed of large horizontal conduits extending over several kilometers. The lowermost third level is active and partly drowned. Scuba divers have reached a depth of 65 m below the Ardche. The horizontal levels are not controlled by geological structure. Consequently, the distribution of the horizontal levels depends only on the

base level which constrains the whole organisation of the Ardche karst. Around the Ardche Canyon and the Rhne Valley, the identification of the marks made by the messinian salinity crisis allows to reconstruct the evolution of the local base level. This reconstruction allowed us to study the Saint-Marcel Cave in a geodynamical and chronological frame over the last six million years. The morphological investigations in the cave, combined with the study of the base level change, have shown three main stages of speleogenesis and two main types of water flow. Following entrenchment of the deep messinian canyons during the salinity crisis, cave levels developed according to the very deep base level of that time. At the end of the crisis, at 5.35 Ma, the Pliocene transgression caused a sudden rise of the base level. The messinian valleys as well as the karst outflows were flooded. This hydraulic change produced a per ascensum genesis of some shafts that are called chimney-shafts. This per ascensum genesis of chimney-shafts repeated itself at each stage of the Pliocene base level rise. During the Pliocene (5.32 to 2 Ma), the infilling of the messinian canyons by fluvial sediments shows that the Ardche river had several long stages of base level stability, allowing the development of new cave levels. The karst system was fed by both local recharge from the Saint-Remze Plateau and large underground shortcuts through the Ardche river meanders. The detailed study of the main levels in SaintMarcel Cave reveals the existence of intermediate stages in the evolution of the base level, allowing us to refine its knowledge. KEY WORDS: Ardeche, Saint Marcel Cave, Messinian salinity crisis, aven-pitch, deep phreatic karst, speleogenesis per ascensum, fluvial meander shortcut.

L. MOCOCHAIN, J.-Y. BIGOT, G. CLAUZON, M. FAVERJON et Ph. BRUNET, La grotte de Saint-Marcel (Ardche)

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Introduction La grotte de Saint-Marcel est une grande classique splologique franaise qui fait lobjet dune exploitation touristique tout en restant accessible aux splologues. La grotte doit son succs ses galeries grands volumes qui stendent sur plusieurs kilomtres sous le plateau de Saint-Remze (doc. VI, hors texte). La cavit souvre en rive gauche de lArdche et se dveloppe principalement sur trois grands tages. Deux tages sont fossiles et situs trs en contre-haut de lArdche ; le troisime est actif et se dveloppe en grande partie sous ou au niveau de lArdche. Ltagement des rseaux est indpendant des donnes structurales du massif. En effet, le profil en long des rseaux recoupe sans incidence la structure plisse du massif. Lindpendance du karst et de la structure gologique montre le caractre polyphas de lendokarst dont ltagement rsulte des positions successives du niveau de base contrl par lArdche [Gurin, 1973 ; Belleville, 1985]. Les rcentes tudes menes dans la valle du Rhne [Clauzon, 1982] et dans la basse valle de lArdche [Martini, 2005; Mocochain, 2001, 2002, 2004 ; Mocochain et al., 2006a & b] proposent un canevas godynamique et chronologique pouvant inclure toutes les tapes de formation de lendokarst. Larticle prsente les rsultats dune tude qui sappuie sur une relecture morphologique et sdimentaire des rseaux de la grotte de Saint-Marcel ; cette tude est ensuite replace dans un cadre godynamique rgional fortement marqu par le cycle eustatique messinopliocne. Lapproche karstologique propose ici sarticule autour dune double problmatique, dune part le fonctionnement hydrologique des grands niveaux de karstification et, dautre part, la dynamique dtagement lie aux positions occupes par lArdche au cours de son volution. I. Morphogense du plateau de Saint-Remze Le plateau de Saint-Remze est form dune puissante srie carbonate crtace de facis urgonien (250-300 m). Elle est dlimite : au nord, par les massifs de la Dent de Rez (719 m) et du Serre de Barrs (667 m), au sud, par le synclinal dIssirac daxe est-ouest et recouvert de sdiments ocnes au facis

calcaire peu karstifiable, lest par la valle du Rhne et louest par la plaine de Vallon-Pont-dArc qui prolonge la terminaison septentrionale du foss dAls (doc. I, hors texte). Cette paisse srie carbonate a t plisse lEocne durant la phase pyrnenne, pour former un large brachyanticlinal dorientation est-ouest, puis hache ensuite par diverses phases tectoniques oligo-miocnes [Pascal et al., 1989]. Cette structure plisse et faille est recoupe par trois pisodes daplanissement, lui confrant son caractre morphologique de plateau [Baulig, 1928; Cornet, 1988; Mocochain et al., 2006b]. Au cours de la formation des Alpes, les reliefs ardchois se trouvaient en priphrie immdiate de la mer prialpine miocne. Cette position en bordure de la mer pri-alpine a expos ces reliefs laction du sapement des vagues, lors des hauts niveaux marins du Miocne moyen. Cette rosion est responsable dun aplanissement gnralis dampleur rgionale correspondant une surface fondamentale situe 400 m daltitude encore bien visible dans le paysage. Cette surface fondamentale recoupe notamment le sommet de lanticlinal de Saint-Remze [Mocochain et al., 2006b]. Au cours du Miocne suprieur, entre 10 et 6 Ma, la mer se retire du plateau (surface fondamentale) pour laisser place aux rivires drainant la retombe des Cvennes. LArdche sinstalle sur la surface fondamentale comme latteste la prsence dpandage pars de galets siliceux sur les plateaux (formations observes sur la butte du bois de Saleyron). A partir de cette position, la rivire volue en encaissement par surimposition entre lanticlinal de Saint-Remze au nord et celui de Saleyron au sud. Le second aplanissement est embot dans le prcdent. Il est le rsultat de laction conjugue de la rivire et des mcanismes de crypto-corrosion. Cet aplanissement, en partie dmantel par lrosion, forme une surface laltitude moyenne de 330 m. La gense du second aplanissement a pu tre corrle lpisode dcrit dans les travaux de J. Martini qui correspond de larges recoupements souterrains de mandre de 7 km de dveloppement entre les altitudes de 380 m et 360 m, il sagit de palo-drains appels palo-rivire souterraine de Saint-Remze . Ces palo-drains

dmantels par le recul du versant, attestent la prsence de la palo-Ardche la fin du Miocne sur le plateau [Martini, 2005]. LArdche est alors tributaire du palo-Rhne qui coule vers 330 m daltitude au droit du belvdre de SaintRestitut [Clauzon, 1982]. Les reliefs gnrs par la crise de salinit messinienne La crise de salinit correspond un abaissement de 2500 m du niveau de la mer Mditerrane par vaporation [Ryan et al., 1973]. Cet effondrement du niveau marin provoque le creusement de profonds canyons comme celui du Rhne qui atteint 1500 m de profondeur au droit des Saintes-Maries-de-la-Mer [Clauzon, 1982], ou encore celui du Nil [Barber, 1981] qui atteint 2000 m de profondeur son embouchure. Le creusement du canyon du Rhne, jusqu 236 m NGF au niveau de Pierrelatte [Demarq, 1960 ; Clauzon, 1982 ; doc. I, hors texte], entrane le creusement des gorges de lArdche au maximum jusqu leur profondeur actuelle 50 m NGF au droit de Saint-Martin dArdche [Belleville, 1985 ; Mocochain, 2001 ; Mocochain et al., 2006b]. Ce diffrentiel de creusement de 300 m, entre les canyons messiniens du Rhne et de lArdche (+50 Ardche et 236 m Rhne), est vraisemblablement dorigine karstique en juger par la dcouverte dun important karst noy reconnu en plonge sous le lit de lArdche [Brunet, 2000]. On peut penser que la gense de ce karst noy a en effet ralenti, sinon stopp, lincision du canyon messinien de lArdche par engouffrement des eaux de la rivire dans des pertes afin de rejoindre par un trajet souterrain la valle messinienne du Rhne. Lexploration du karst noy a rvl lexistence de morphologies de la zone vadose du karst, au moins reconnues 45 m sous le niveau actuel de lArdche (doc. VII, hors texte). La gense de telles formes implique un niveau de base situ en dessous des formes vadoses observes, ce qui conforte lhypothse dun coulement souterrain de lArdche en direction du Rhne messinien. La formation dun karst profond au cours de la crise de salinit est aussi atteste en bordure du canyon du Rhne. En effet, les six cents mtres dincision verticale du fleuve ont provoqu la formation dun drainage trs profond, reconnu en plonge jusqu 150 m

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NGF, et qui alimente les gouls de Tourne (Bourg-Saint-Andol, Ardche), [doc. I, hors texte et fig. 1 ; Mocochain et al., 2006b]. La crise messinienne de salinit prend fin brutalement par la remonte du niveau marin 5,32 Ma au tout dbut du Pliocne [Cita, 1975]. La valle du Rhne [Clauzon et al., 1995] et la partie aval des gorges de lArdche, sont envahies par la mer (rias), ce qui correspond au haut niveau marin de lpoque [ + 80 m NGF sur la courbe eustatique universelle ; Haq et al., 1987]. Le terme de ria dsigne des canyons submergs par la mer [Guilcher, 1954]. Ces profondes rias subissent alors un remblaiement important d lapport sdimentaire du Rhne et de lArdche. Le colmatage des rias dbute par un cne deltaque qui avance de lamont vers laval par progradation, il sagit dun Gilbert-type-fan-deltas [Clauzon et al., 1995]. Corrlativement, la progression du Gilbert-delta dans la ria gnre un allongement du lit des rivires vers laval (fig. 2). En un point donn du paysage, cet allongement saccompagne de lexhaussement du lit des rivires par aggradation. Au fil de leur progression, les Gilbert-deltas enregistrent la position du niveau marin sous forme dune discontinuit sdimentaire sparant les sdiments terrestres du lit des rivires des sdiments dposs en mer au-del du front des deltas. Dans la littrature [Clauzon et al., 1995 ; Clauzon, 1996], cette discontinuit est appele transition marin/continental. En bordure du plateau de Saint-Remze, la transition marin/continental sest labore +80 m NGF, elle est visible sur le site de Trignan (Saint-Marcel-dArdche ; Ardche) laltitude de 130 m pour un ge estim 4,7 Ma [Mocochain, 2001 ; Mocochain et al. 2006a]. Aprs sa formation, la transition marin/continental, ainsi que lensemble du plateau de SaintRemze, ont subi une surrection tectonique de 50 m qui explique leur altitude actuelle 130 m NGF [Clauzon et Mocochain in Besson et al., 2002]. Le remblaiement des rias par aggradation, sest achev dans la rgion de SaintMarcel-dArdche, vers 200 m daltitude au niveau de la plaine de Granouillet [Mocochain, 2002 ; Mocochain et al., 2006b]. Depuis le Plistocne, lArdche et le Rhne ont entam une r-incision

Figure 1 : Schma simplifi en coupe de lvolution du fonctionnement de la rivire souterraine de Tourne en rapport avec la valle du Rhne. S1 : Surface fondamentale. Schematic profile of the evolution of the subterranean Tourne River in relation to the Rhone valley.

Figure 2 : Bloc diagramme illustrant lvolution en comblement dune ria par un Gilbert-delta. Three-dimensional sketch of a ria infill by Gilbert-type delta sediments.

Phase marine

par paliers de leur valle, sous contrle des fluctuations climatiques des cycles glaciaires. Cette r-incision, toujours canalise par les gorges de lArdche, entrane la disparition totale du remblaiement pliocne dans lensemble des gorges. LArdche finit par occuper sa position actuelle, presque identique sa 400 position messinienne. En rsum, la crise de salinit a gnr dans le 300 paysage ardchois quatre grands niveaux repres 200 qui retracent lvolution du Rhne et de lArdche depuis 6 Ma (fig. 3) : vers 100 6 Ma, lArdche se situe 0 NGF 0 masl

laltitude de 360 m, au niveau de la palo-rivire souterraine de SaintRemze [Martini, 2005]. Laplanissement form par cette ancienne position de lArdche, est appel, dans la littrature, surface dabandon pr-vaporitique [Clauzon, 1996] car elle marqueFaonnement du pimont sub-alpin (312 m)Transition marin/continental

Surface dabandon pliocne (190 m)

Incision du canyon messinien du Rhne

Aggradation

Etagement des terrasses quaternaires

130 m Fx (90 m) Fy (64 m) Rhne actuel 44 m, la confluence Rhne-Ardche

Phase continentale

Transgression

Figure 3 : Courbe dvolution du niveau de base restitue daprs ltude des niveaux repres en moyenne valle du Rhne. Reconstitution of the baselevel evolution by Messinian Pliocene benchmark levels in the middle Rhne valley.

Phase continentale

- 100

- 200- 236 m

Temps en Ma6 5 4 3 2 0Daprs Mocochain et al., 2006 modifi

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110 m 180 m

Puits-chemine

180 m

50 m

Aven Despeysse50 m 180 m 10 mPartie suprieure dun puits-chemine

100 m

130 m P40 du rseau N6

160 m

110 m P80 du rseau III0 500 m

N(Galerie A)

130 m

P70 du rseau III

130 m

(Galerie Raoul)Etage infrieur Etage intermdiaire

Puits-chemine de l'aven de NolGrotte du Petit Louret (alt. 220 m)

110 m 40 mEntre (alt. 87 m)

Etage suprieur115 m grotte de la Tte du Lion (alt. 168 m)

Puits-chemineExutoire actif Exutoire abandonn

Modifi daprs Mocochain et al. (2006a)

grotte Deloly (alt. 45 m)

Fond topographique daprs le SC Saint Marcellois et AVENS.

Figure 4 : Carte de localisation des puits-chemines de la grotte de Saint-Marcel. Location of aven-pitchs in Saint Marcel Cave.Vers le rseau IV de Saint-Marcel

Le remblaiement des rias a pour consquence lexhaussement du lit des rivires par aggradation de 130 m 200 m NGF entre 4,7 Ma et 2 Ma [Mocochain et al., 2006a]. Cette position rehausse des plaines alluviales sera ensuite abandonne par r-incision des valles par les rivires au cours du Plistocne, il sagit de la surface dabandon pliocne [Clauzon, 1996]. Ltude de ces niveaux repres fixe un cadre godynamique et restitue les grandes tendances de lvolution du niveau de base rgional. Il se trouve que lintgralit des rseaux de la grotte de Saint-Marcel sinscrit dans les limites altimtriques des oscillations du niveau de base fixes par le cadre godynamique. Ce cadre autorise ainsi une relecture des grandes phases de splogense du plateau de Saint-Remze implicitement lies lvolution du niveau de base.

Laven de Nol

Galerie Suprieure Etage Intermdiaire170 m NGF

puits-chemine

Mandre des Chauves-souris100 m NGF 150 m NGF

Galerie de la grande coule Etage Intermdiaire170 m NGF

Vers le rseau III de Saint-Marcel

Galerie Principale Etage Intermdiaire130 m NGF Hautes chemines

Galerie Blanche Etage Intermdiaire130 m NGF

Hautes chemines (haut. 33 m)

Galerie Infrieure Etage Intermdiaire130 m NGF

Puits-chemine de laven de Nol 140 m (haut. 90 m) NGF

Entre de laven 265 m NGF

Galerie Intermdiaire (trac) Etage Suprieur215 m NGF

N

0

200 m

Trac de la portion amont de la boucle Cristalline Trac de la portion amont de la grande boucle

Remplissage alluviale dorigine cvenole

Sens de courant observ

la position de lArdche avant lincision de son canyon messinien. Le dclenchement de la crise de salinit 5,95 Ma provoque une incision des canyons du Rhne et de lArdche qui prend fin 5,32 Ma. Le fond des talwegs se trouvant aux altitudes respectives de 236 m NGF [Clauzon, 1982] pour le Rhne et 50 m NGF au maximum pour lArdche [Mocochain et al., 2006b] constitue le second niveau repre. Il restitue la position des cours deau la toute fin de la crise, juste avant leur submersion par la remise en eau pliocne. A 5,32 Ma, la remise en eau de la Mditerrane fait remonter brusquement le niveau marin qui va ensuite demeurer stable jusqu larrive progradante des Gilbert-deltas vers 4,7 Ma [Mocochain, 2002; Mocochain et al., 2006a]. La position du haut niveau marin est restitue vers 130 m NGF par la transition marin/continental sur le site de Trignan (Ardche ; doc. I, hors texte).Figure 5 : Plan de laven de Nol. Map of Aven Nol Cave.

II. Les tages de la grotte de Saint-Marcel La grotte de Saint-Marcel prsente plusieurs tages de galeries subhorizontales qui sont superposs sur prs de 230 m entre 10 et 220 m NGF. Les altitudes respectives des rseaux de Saint-Marcel permettent didentifier trois grands tages : ltage infrieur, dont le dveloppement est compris entre 10 et 50 m daltitude, ltage intermdiaire, entre 80 m et 180 m daltitude, et enfin ltage suprieur qui se dveloppe autour de 220 m daltitude (fig. 4).A) Ltage infrieur

Daprs les relevs topographiques de lEquipe Splo des Tignahustes (75) et du Splo Club Arospatiale (31).

Ltage infrieur, principalement compos du rseau V (doc. II, hors texte) comprend toute la partie noye et post-siphon des rseaux de Saint-Marcel. Ils sont en gnral actifs et totalisent un dveloppement de plus de 17 km. La difficult dexploration de ltage infrieur rend difficile ltude de son fonctionnement et son interprtation. Toutefois, nous savons que les eaux de lArdche, charges de dtritus provenant des pertes de la Cadire, empruntent une partie du rseau V. Les plonges ont aussi rvl un mlange des eaux turbides de la rivire avec des eaux plus froides et claires provenant du plateau. Principalement, deux rivires, celles de Saint-Marcel et de Bidon, alimentent en eaux claires le rseau V. Cette observation rsulte de la mesure simultane des tempratures, la fois dans lArdche

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au niveau des pertes de la Cadire, dans la rivire souterraine de Bidon et enfin la source du Bateau. Le phnomne de mlange des eaux est dailleurs visible (turbidit et densit diffrentes observes en plonge par Ph. Brunet) lorsque les eaux de lArdche, en transit depuis les pertes de la Cadire, confluent dans le rseau Solvay qui semble collecter les eaux du polj de Bidon. Lalimentation de ltage infrieur (rseau V) est donc mixte, incluant les pertes de lArdche sur lesquelles se greffent les eaux karstiques provenant du plateau. Dans les parties aval de ltage infrieur, les circulations seffectuent principalement en rgime noy, parfois grande profondeur (10 m NGF dans lAval Profond), avant de resurgir en bordure de lArdche selon un mode vauclusien.B) Ltage intermdiaire

Ltage intermdiaire regroupe la plus grande partie des rseaux de laven de Nol et de la grotte de Saint-Marcel : le rseau I, la galerie du Lac, le rseau IV, la galerie Raoul, lintgralit des rseaux II et III (doc. II, hors texte), la galerie Principale et la galerie Suprieure de laven de Nol (fig. 5). Ces rseaux sont rputs fossiles , toutefois, lors dorages violents sur le plateau certaines portions de galeries peuvent se mettre en charge ou connatre des coulements importants [Audra et al., sous presse].1) Le rseau II

Le rseau II forme un ensemble de galeries qui se dveloppent assez loin sous le plateau en direction du nord-est une altitude moyenne de 100 m NGF (doc. II, hors texte). Depuis lentre naturelle de la grotte de SaintMarcel jusquau rseau N 14 (proche du fond actuel), cet ensemble de galeries prsente un caractre remarquablement horizontal dont laltitude oscille en moyenne de plus ou moins

quinze mtres. La direction gnrale et la longueur du rseau montrent quil est exclusivement aliment par des eaux issues du plateau. Le rseau II prsente une morphologie en tube, orn de nombreuses cupules et coupoles et autres formes paritales de la zone noye ou pinoye du karst (photo 1). En plusieurs endroits, le sol en roche de la galerie apparat ce qui permet dobserver des sections de galerie creuses aux dpens dun joint de strates. Il faut pourtant noter que leffet du pendage de lencaissant ne pourrait pas permettre au rseau de conserver grande chelle son horizontalit. Dune manire gnrale, le dtail de la coupe longitudinale des rseaux de Saint-Marcel prsente un profil en long en dents de scie . Lincidence du pendage est en fait corrige par lexistence de plusieurs petits puits creuss sur diaclases qui relient un drain creus sur joint de strate son prolongement situ en contre-haut ou en contrebas (photo 2 a et b), ce qui permet de conserver la remarquable horizontalit des profils en long des tages de Saint-Marcel.

Photo 1 : Forme de conduit observe dans la galerie N du rseau II (tage intermdiaire, grotte de Saint-Marcel). Clich L. Mocochain. Morphology of a drain of Galerie N(middle level of Saint Marcel Cave).

Photo 2 a et b : Exemple dune galerie sur joint de strate (a) et dun puits de raccordement (b) qui permet la galerie de conserver un profil en long horizontal lchelle dun tage (Puits Ascendant de la galerie N 13, rseau II de la grotte de Saint-Marcel). Clichs J.-Y. Bigot. Example of a connecting shaft between two drains of the same level.

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Figure 6 : Coupe et plan simplifis du puits-chemine P40 du rseau N6 (rseau II) connectant ltage infrieur ltage intermdiaire. Section and plan of the P 40 aven-pitch (N6 system). This aven-pitch connects the lower level with the middle level of Saint Marcel Cave.Disque Colonne 131 m NGF

2) Le rseau III

Gours

Coupole

Gours

Vers ltage intermdiaire

0

5m

Vers ltage infrieur

Photo 3 : Les remplissages alluviaux provenant de lArdche et jalonnant le parcours en recoupement de mandre de la boucle Cristalline (Galerie Infrieure, Aven Nol). Cette squence de dpt donne lindication du sens de courant par linclinaison des galets. Clich J.-Y. Bigot. Alluvial filling from the Ardche River, found in a shortcut of the fluvial meander in Saint Marcel Cave. The flow direction is indicated by imbrication of the pebbles.

Bien que proches de la surface pizomtrique, ces crans aux morphologies de la zone noye du karst semblent avoir fonctionn en rgime noy permanent, ce qui est par ailleurs conforme au profil en long du rseau en dents de scie , incompatible avec un coulement libre gravitaire. Le rseau II comporte galement de remarquables puits, comme le P 40 du rseau N 6 (fig. 4 et 6) ou ceux de la galerie A. Ces puits indiquent la filiation entre les niveaux noys (tage infrieur) et le rseau II (tage intermdiaire). Cette filiation apparat vidente sur la topographie o les conduits fossiles se superposent aux conduits noys, ce qui tend montrer que les variations du niveau de base ne changent rien la logique de ces circulations karstiques.

Le rseau III prsente deux parties distinctes : une partie aval au profil en long horizontal autour de 100 m NGF et une partie amont, la galerie B, qui se dveloppe laltitude de 130 m. La limite entre la partie aval (est) et la partie amont (ouest) est marque par le P 70 (doc. II, hors texte) qui met en relation le rseau III et ltage infrieur (fig. 8). La partie aval du rseau III montre des morphologies bien spcifiques de la zone noye du karst (galerie en tube orne de cupules et grands coups de gouge). Cette partie aval prend naissance au niveau de la galerie des Gours Suspendus, cest--dire au sommet du P 70 . Ce conduit vertical, dit P 70 , est la seule continuit observe de lamont de la galerie des Gours suspendus ; le P 70 , qui naccuse en fait que 50 m de dnivellation, assure le lien et matrialise la filiation avec ltage infrieur (fig. 4 et 8). La partie amont du rseau III, la galerie B, se situe en contre-haut, en moyenne autour de 130 m NGF. Elle est gographiquement proche de lArdche et conserve un profil longitudinal horizontal vers 130 m daltitude. Les morphologies de la galerie B diffrent peu de la partie aval du rseau III. Le terminus splologique actuel de la galerie B est trs proche de la galerie Blanche de laven de Nol. Les altitudes identiques de ces deux galeries, ainsi que leurs morphologies identiques,

Photo 4 : Le sommet du P80 vers 130 m daltitude dans le rseau III (grotte de Saint-Marcel). On peut observer droite du personnage les lapiaz de paroi qui caractrisent le fonctionnement pinoy de cette partie du rseau. Clich L. Mocochain. The top of aven-pitch P 80, around 130 m a.s.l., in the middle level of Saint Marcel Cave. We observe wall karren to the right of the person, proving of the epiphreatic nature of this part of the cave.

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Rseau II

Rseau II

50 m

100 m 130 m

210 m

100 m 130 m

Zone de dfluviation Rseau II Galerie N9

1

Rseau II

Galerie N9

Figure 7 : Figure explicative du dtournement dune partie du drainage du rseau II vers le rseau I la suite de lobstruction de lexutoire de la galerie N9. Diagram illustrating the drainage diversion of rseau II towards rseau I as a result of a blockage of the N9 exit.

1100 m

Zone de dfluviation Galerie du Lac (alt. 112 m) Entre naturelle100 m

Entre naturelle (alt. 88 m)?

Figure 8 : Coupe topographique du P 70 et du rseau III. Mdaillon : schma simplifi dune galerie prenant naissance au sommet dun puits-chemine. Longitudinal section of avenpitch P 70 and rseau III. Inset: Diagram illustrating the start of a passage at the top of an aven-pitch.

montrent quil sagit du mme rseau. En effet, il existe dans les deux galeries un remplissage fluviatile identique compos de drages de quartz, schistes et micaschistes, des lments transports par lArdche. La galerie Blanche de laven de Nol et le rseau III de Saint-Marcel sont situs vers 130 m NGF et jalonns dalluvions dorigine allochtone. Le cortge minralogique de ces alluvions montre que ces galeries rsultent de la mise en place dun vaste recoupement souterrain dun mandre sub-arien de lArdche [Mocochain, 2002]. En outre, le sens de circulation de leau est par ailleurs attest par des coups de gouge et la disposition incline des galets des formations alluviales (photo 3). La galerie B est aussi connecte ltage infrieur par un puits, le P 80 (fig. 4). Au sommet du puits, laltitude 130 m, on peut observer des cannelures verticales (lapiaz de paroi) profondment incises sur les parois de la galerie et domines par de belles coupoles (photo 4). Ces indicateurs morphologiques attestent de la proximit immdiate de la surface pizomtrique, et donc du niveau de base [Audra, 1994 ; Lismonde, 2000]. La circulation torrentielle observe dans la galerie B, atteste par les graviers rouls, et la prsence des lapiaz de paroi, au dbouch du puits-chemine dit P 80 , permettent de confirmer un stade de stabilit de lArdche 130 m dans la partie aval des gorges.3) Les rseaux I et IV

171 mE 30

E 15 E 17

Galerie BP5 P4 P 17 P 26 P 15

Vers le rseau IE

Galerie BR4 P 19

Vers l'aven de Nol

128 m

103 mP8

90 m

0

P7

Galerie des Gours Suspendus

Vers le rseau I

R3

R5

P70P 30

Vers le niveau de basePuitchemine

25

42 m50 m

P6

Rseau infrieur

Schma simplifi du fonctionnement dun puits-chemine

Vers fond du rseau I e e'

Remplissage argileux

Section e e'

d d' Section d d'

Section a a' Remplissage argileux Remplissage argileux Section c c'

Nm 2002

Dalles effondres du plafond

a a' Vers fond du rseau IV

b b'

Le rseau I prsente les plus grandes sections de galeries (doc. VI, hors texte), du moins jusqu la Grande Barrire (doc. II, hors texte). Ltude morphologique de dtail de la bifurcation de la Grande Barrire (fig. 9) permet de constater que lamont des grandes galeries du rseau I se situent plutt vers le rseau IV en direction du sud-ouest, oprant ainsi un

c c' Vers l'entre naturelle

Banquettes

Section b b'0 10 20 m

Relevs du 2 novembre 2002 Compas et clinomtre Suunto, dcamtre Jean-Yves BIGOT Ludovic MOCOCHAIN Report : J.-Y. Bigot DAO : L. Mocochain

Figure 9 : Topographie de la zone de la Grande Barrire ou Carrefour en T marquant la confluence entre la grande boucle et lamont du rseau I. Plan of Grande Barrire. This section is the confluence between the Grande Boucle and the upstream part of rseau I.

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Photo 5 : Remplissage argileux ayant pratiquement atteint la vote de la galerie de la Chausse des Gants en amont du rseau I (tage intermdiaire de la grotte de Saint-Marcel). Clich J.-Y. Bigot. Clay filling plugs the Galerie de la Chausse des Gants passage (middle level of Saint Marcel Cave).

retour vers lArdche. En revanche, on observe quun chenal de vote visible au plafond du rseau I ne se prolonge pas vers le rseau IV, mais vers lamont du rseau I qui stend au nord, vers lintrieur du plateau. Ces observations suggrent que le conduit originel est celui du rseau I, de section plus modeste (photo 5) et aliment par les eaux du plateau. La connexion du rseau IV, provenant de lArdche, sur le rseau I a eu lieu plus tardivement. Cette connexion a d entraner une recalibration du tube entre la Grande Barrire et la Cathdrale, cest--dire le tronon qui correspond aux grandes galeries du rseau I. Le terminus splologique du rseau IV se trouve trs proche et la mme altitude, 160 m NGF, que le terminus de la galerie Suprieure de laven de Nol, il sagit en fait du mme rseau. Les vastes conduits que prsente cette portion de rseau (gal. Sup & rseau IV) sont orns de grands coups de gouge (photo 6) et contiennent un remplissage dtritique fin allochtone compos de sables lments de quartz et argiles micas de couleur beige et rouge [Blanc et Chamley, 1975]. Les galeries des rseaux I et IV prsentent de nombreuses banquettes de remplissage voquant une volution paragntique [Renault, 1967] de la vote des galeries.Photo 7 : Un massif stalagmitique de la galerie du Lac compltement meul par la corrosion (tage intermdiaire de la grotte de Saint-Marcel). Clich L. Mocochain. A stalagmite, completely corroded (middle level of Saint Marcel Cave).

Photo 6 : Les coups de gouge ornant la galerie principale du rseau I vers + 160 m NGF (tage intermdiaire de la grotte de Saint-Marcel). Clich J.-Y. Bigot. Scallop across the side of Scallops in the main passage of Rseau I, at 160 m a.s.l. (middle level of Saint Marcel Cave).

Entre touristique

192 m? ?

Coupe topographique des rseaux I et II - Cathdrale et partie amnage

Cathdrale

169 m

Les Gours147 m

Rseau I (Grande boucle) Vers le Rseau II

154 m 145 m

135 m

Galerie du Lac

Rseau Raoul

133 m

Figure 10 : Coupe topographique de la Cathdrale et du dbouch des rseaux I, II et Raoul. Longitudinal section of the Cathdrale and the connections with the rseaux I, II and Raoul.

118 m 110 m

Rseau I 92 m

trappe

Labyrinthe92 m 94 m

Rseau II100 m

Vers l'entre naturelle

Galerie A

Banquette-limite de remplissage

74 m

Vers ltage infrieur et la zone noye

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En certains endroits, le remplissage est encore en place (photo 5) et montre que la section fonctionnelle de la galerie devait tre plus rduite que la section actuellement visible, parfois compltement dgage de son remplissage. Ce paragntisme est probablement la consquence dune dynamique en lgre aggradation du niveau de base autour de laltitude moyenne du rseau, vers 160 m NGF.4) La galerie du Lac

C) Ltage suprieur

Ltage suprieur comprend la galerie Intermdiaire de laven de Nol et les galeries dcapites du site de la Charbonnire. On trouve galement, au sommet de certaines hautes chemines, des morphologies tmoins de cette phase de splogense (cas de laven Despeysse).1) Laven Despeysse

Photo 8 : Les coupoles ornant la premire section en pan inclin de laven Despeysse au dpart de la galerie N du rseau II (tage intermdiaire de la grotte de Saint-Marcel). Clich J.-Y. Bigot. Ceiling pockets in the first section of Aven Despeysse Cave, near the bifurcation of passage N.

Comme laval du rseau I (galerie de lentre naturelle), la galerie du Lac correspond un exutoire des grottes de Saint-Marcel. Cette galerie se dveloppe une altitude moyenne de 115 m. Elle prend naissance dans un nud de galeries appel la Cathdrale (doc. II, hors texte et fig. 10) o converge une grande partie des rseaux. La galerie du Lac se termine quelque 400 m plus au sud sur un cne de grzes trs proche du versant des gorges. Un peu avant ce terminus, un remplissage tmoin (photo 13) compos dargiles beiges finement lamines indique que la galerie a t entirement colmate jusqu la vote. Au cours de son volution, la galerie du Lac, a t obstrue, puis abandonne probablement au profit dautres conduits. Ajoutons que la galerie du Lac semble avoir connu des phases dasschement et de rennoiement comme lattestent les massifs stalagmitiques extrmement corrods (photo 7) qui scellent une srie de remplissages argileux. Des concrtions corrodes ont t galement observes dans la partie touristique du rseau I toute proche. La remise en eau de galeries aprs une phase de concrtionnement est un phnomne assez commun dans les gorges de lArdche que lon retrouve aussi dans la grotte Chauvet [Delannoy et al., 2004].

Laven Despeysse se raccorde la partie amont du rseau II vers laltitude de 100 m (doc. II, hors texte). Sur la coupe (fig. 11), on peut identifier trois ensembles de conduits : un conduit horizontal spar par deux ensembles de conduits verticaux. La partie infrieure de la cavit est un large pan inclin (env. 35) dont la vote est orne de coupoles (photo 8). Cette partie prend fin 35 m plus haut pour laisser place un conduit subhorizontal dune centaine de mtres de longueur (alt. 130 m), appel abusivementEntre artificielle (223 m) Coupole a a' Encoches de niveau d'eau Coupole fond plat Remplissage argileux 0

Figure 11 : Coupe topographique de laven Despeysse annote dobservations. Longitudinal section of Aven Despeysse Cave (part of Saint Marcel Cave) with observations.

Phnomne de tle ondule

1mRemplissage argileux comprenant des sables grossiers Chenal de vidange

Coupe a a'Coupoles

Phnomne de tle ondule

Coule stalagmitique Argile lamine (rsidus du colmatage du puits)

Coupe c c'

Banquettes-limites de remplissage b c Coupoles (figure )

0

30 cm

Section 3

Section 1b' c' Rseau II Seuil rocheux (chenal de vidange) Coule stalagmitique entaille par le chenal de vidange

Coupole et chenal de vote

Talus rocheux supportant des sapins d'argile indurs

Section 2

Chenal de vidange

Coupe b b'

0

25 m

50 m

D'aprs une topographie du club de Cuges-les-Pins.

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Chenal de vote. Il indique un coulement contraint dans la partie suprieure du conduit. C'est une forme paragntique toujours associe la prsence d'un remplissage sous-jacent.

Banquettes limites de remplissage. Ces formes attestent lexistence dun remplissage ayant colmat le conduit, le creusement a ensuite volu per ascensum (paragntisme) do la rptition des banquettes limites : les plus basses tant les plus anciennes.

Sapins ou pnitents d'argile indurs. Ces formations argileuse sont frquemment observes dans les conduits se trouvant dans la zone pinoye du karst subissant une alternance rpte de mises en charge.

Surcreusement gravitaire. Cette forme de creusement est associe la zone vadose ou pi-noye du karst.

Figure 12 : Dtails morphologiques et sdimentaires de la section 2 de laven Despeysse. Morphological and sedimentological details of the second section of Aven Despeysse Cave.

Photo 9 : La partie tout fait suprieure du puits de laven Despeysse marque dencoches de niveau deau vers + 218 m NGF (tage suprieur de la grotte de Saint-Marcel). Clich J.-Y. Bigot. The very top of Aven Despeysse Cave, around 218 m a.s.l. (upper level of Saint Marcel Cave).

Photo 10 : Base du puits-chemine de laven de Nol au dpart de la Galerie Principale + 130 m NGF. Observez la banquette limite de remplissage se trouvant gauche du premier personnage. Cette morphologie sinflchit verticalement lorsque le conduit horizontal dbouche dans le puits. Clich L. Mocochain. Base of the aven-pitch of Aven Nol, at the bifurcation of the main passage at 130 m a.s.l. To the right of the person, a wall structure proves of a sedimentary fill. This structure turns vertical where the horizontal passage joins the shaft.

mandre . La vote de cette galerie comporte de nombreuses coupoles, dont certaines fond plat, relies entre elles par un chenal de vote qui parcourt lintgralit du conduit (fig. 12). Les parois prsentent de nombreuses banquettes-limites de remplissage, parallles entre elles et espaces seulement de quelques centimtres. Dans la partie basse du conduit, on observe de part et dautre de la galerie des talus rocheux pente rgulire (env. 45) se terminant dans une sorte de fissure troite de quelques dizaines de centimtres de largeur (fig. 11 et 12). On peut observer sur ce talus rocheux de nombreux sapins dargile indurs, tmoins danciennes phases de mises en charge. La partie suprieure de laven Despeysse prend un caractre vertical plus accus, o alternent puits et pans fortement inclins. Malgr un concrtionnement important, les morphologies phratiques dominent dans toute cette partie. La succession des puits se prsente comme une suite de chemines raccordes les unes aux autres. La coupole sommitale, creuse en roche, ne prsente aucun lien apparent avec la surface si ce nest louverture artificielle pratique par les splologues qui lui vaut le nom daven Despeysse. Cette coupole sommitale est entaille par des encoches de niveau deau en rapport avec un petit conduit horizontal (photo 9). Ce conduit et les encoches se trouvent 12 m sous la surface, soit vers 218 m daltitude et marquent un niveau dcoulement et de stagnation de leau. Ce niveau dcoulement ne peut tre que postrieur au colmatage du puits, ou plutt de la chemine, situ juste en dessous. On retrouve dailleurs des tmoins de cette phase de colmatage sur toute la hauteur de la chemine, ces tmoins se prsentent sous forme dun placage de lamines argileuses recouvertes par un concrtionnement rcent. Lomniprsence des formes paritales de la zone noye du karst, les restes dun remplissage ayant colmat pratiquement tout laven ainsi que les deux stades indiquant une stabilit durable du niveau de base conduisent penser que la formation de laven Despeysse rsulte dun long processus dennoiement de la grotte de Saint-Marcel. Lagencement des diffrentes formes et formations indique quil ne peut pas sagir de phnomnes de mises en charge mais plutt dun processus de remonte du niveau de base depuis laltitude du rseau II 100 m NGF jusqu 218 m NGF. Les formes observes dans la portion horizontale situe 130 m montrent un premier arrt du niveau de base dans son processus dexhaussement. Cette stabilisation de lArdche a t accompagne, dans le rseau, de mises en charge qui expliquent la

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prsence de formes paritales de la zone pinoye dans le conduit situ 130 m. Les banquettes de remplissage et le caractre paragntique du chenal de vote indiquent un ennoyage et un comblement de la galerie qui correspondent sans doute une reprise de lexhaussement du niveau de base se terminant vers 210 m NGF, altitude laquelle correspond le comblement de laven Despeysse suivi dun petit pisode dcoulement vadose responsable des profondes encoches de niveau deau entaillant le sommet de laven.2) Le puits de Nol et la galerie Intermdiaire de laven de Nol

3) Les galeries dcapites du site de la Charbonnire

La galerie Intermdiaire , mal nomme, de laven de Nol reprsente le plus haut niveau horizontal des rseaux de Saint-Marcel situ vers 220 m daltitude. Cette galerie, longue de seulement 200 mtres, prend fin sur un cne dboulis de grzes trs proche du versant des gorges (doc. VIII, hors texte). Le caractre horizontal bien marqu de ce conduit, domin par des morphologies caractristiques dun coulement noy, est reprsentatif dune position stable de lArdche. Dans sa partie nord, la galerie se termine au sommet dun remarquable puits-chemine : le puits de Nol, qui marque le prolongement vertical de la galerie. Ce puits qui correspond au puits dentre de laven de Nol est un vaste conduit vertical o dominent les formes noyes du karst (photo page de couverture), il relie la galerie Principale de laven de Nol, qui se dveloppe dans ltage intermdiaire (alt. 130 m), ltage suprieur situ vers 220 m (photo 10 ; fig. 5 et 13).

Le site de la Charbonnire se situe en bordure immdiate des gorges 220 m daltitude (doc. I, hors texte). Le site se prsente sous la forme dune large galerie dcapite par le recul du versant et partiellement colmate par un remplissage fluviatile compos de galets et de sables de lArdche, scell dans une brche calcaire. Laltitude de cette galerie est la mme que celle de la galerie Intermdiaire de laven de Nol et du sommet de laven Despeysse ; tous ces sites constituent autant de jalons morphologiques et sdimentaires de nature identifier une ancienne position de lArdche autour de 220 m daltitude.

S

Coupe schmatique de l'aven de Nol (Bidon, Ardche)Alt. 265 mGalerie intermdiaire

Alt. 225 m

0

Alt. 130 m

III. Chronologie de la mise en place et du fonctionnement des tages de la grotte de Saint-Marcel Chaque tage de la grotte de SaintMarcel se compose de galeries horizontales qui se dveloppent et recoupent la structure lgrement incline de lencaissant calcaire. Hormis la fracturation, pralable la splogense, le rle des facteurs structuraux et lithologiques dans le creusement horizontal des galeries sen trouve cart au profit du contrle par le niveau de base rgional. Ce constat autorise linvestigation de niveaux repres de surface afin dtablir une corrlation gomtrique et une imputation chronologique avec les tages de lendokarst. Cependant, cette dmarche savre parfois insuffisante en prsence de deux niveaux repres situs la mme altitude mais dges diffrents, comme les terrasses quaternaires de lArdche qui peuvent interfrer avec la transition marin/continental (130 m) du N Pliocne. Pour saffranchir Aven du risque dinterfrences de Nol entre niveaux repres Plateau dges diffrents, il faut tudier lorganisation et la morphologie des conduits P 90 de laven de Nol verticaux reliant entre eux les tages de lendokarst. En effet, ces conduitsVers la suite du rseau

verticaux matrialisent une filiation entre les diffrents tages qui traduit une dynamique dvolution du niveau de base extrieur. Les puits de filiation gravitaires (fig. 14 a) (puits-mandres, puits en teignoir, etc.), conduisent chercher deux niveaux repres successifs forms dans un contexte de descente du niveau de base. En revanche, lorsque le niveau de base remonte, les puits de filiation sont ascendants, on les appelle alors puits-chemines [fig. 14 b ; Bigot, 2004a ; Mocochain et al., 2006a], il faut alors rechercher les deux niveaux repres successifs qui correspondent cette dynamique de remonte du niveau de base. Les puits de jonction de lendokarst attestent des types de relations hydrologiques que les tages entretiennent entre eux et rvlent la dynamique dvolution du niveau de base. La reconnaissance de ces puits de jonction permet de proposer une chronologie relative de la formation des diffrents tages de lendokarst, tout en discriminant les niveaux repres de surface associs la splogense.A) Etagement et fonctionnement des rseaux

Les trois tages de la grotte de Saint-Marcel possdent de nombreux puits-chemines de telle sorte que SaintMarcel se prsente comme un maillage de galeries horizontales superposes et interconnectes par des drains verticaux. Lexamen de ces tages a rvl plusieurs positions occupes par lArdche au cours de son volution, ce qui autorise une comparaison gomtrique entre tages de lendokarst et niveaux repres. En outre, lidentification des puits-chemines qui relient les tages entre eux, rvle aussi la dynamique dvolution du niveau de base indispensable la discrimination des niveaux repres associs la splogense des tages de lendokarst.1) Gense de ltage infrieur

100 mCoups de gouges en direction du sommet du puits

Alt. 47 m

ArdcheBanquette limite de remplissage

Remplissage dargile lentilles de galets cristallins

Figure 13 : Coupe simplifie de la galerie Intermdiaire de laven de nol et de son puits-chemine. Simplified longitudinal section of the middle passage of Aven Nol Cave with its aven-pitch.

LAval Profond est un conduit qui se trouve 60 m sous le niveau de lArdche, soit la cote 10 m NGF. Les difficults techniques nont pas permis dexplorer compltement ce conduit situ grande profondeur, cependant un traage a confirm sa liaison avec le canyon de lArdche. LAval Profond fonctionne donc actuellement en systme vauclusien, ce qui permet aux

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Quelques notions sur les puits-cheminesTraditionnellement en gomorphologie et en karstologie, on admet que les galeries les plus anciennes sont situes parmi les plus hautes en altitude et inversement, les galeries les plus basses en altitude sont considres comme les plus rcentes. Ltagement des niveaux de galeries, implicitement li la baisse du niveau de base, est souvent associ ltagement des terrasses quaternaires ; on parle alors de modle de creusement per descensum du karst. Ce modle de creusement (fig. 14 a) a t largement utilis pour expliquer ltagement des rseaux, y compris en Ardche [Gurin, 1973 ; Gombert, 1988 ; Belleville, 1985 ; Debard, 1997]. Or, la morphologie des puits de jonction de la grotte de Saint-Marcel invalide cette interprtation [Mocochain et al., 2006a], car, quelques exceptions prs, tous les puits qui relient les grands niveaux de Saint-Marcel sont des puits-chemines (fig. 14 b et 4). Les exceptions correspondent des puits de trpanation creuss par linfiltration dun coulement de surface, dbutant gnralement le long dun plan de fracture, et qui par gravit, vont recouper lemporte-pice une galerie. Dans certains cas exceptionnels, ces puits peuvent recouper deux tages les mettant ainsi en liaison mais sans assurer le moindre rle hydrologique entre les tages. Un de ces puits de trpanation a t reconnu entre ltage suprieur et ltage infrieur, il sagit des puits du rseau Solvay (doc. II, hors texte). Les puits-chemines creuss per ascensum ont t observs depuis longtemps en France par diffrents auteurs [Chevalier, 1944 ; Rodet, 1992 ; Camus, 2003 ; Bigot, 2004 a et b] qui ont parfois invoqu le remblaiement des valles [Frachon, 1963]. Toutefois, la comprhension de leur fonctionnement hydrodynamique est beaucoup plus rcente [Boinet & Camus, 1998] et encore discute [Mocochain et al., 2006a et b]. Si lidentification morphologique des puits-chemines est maintenant admise, la discussion porte prsent sur les modalits de formation et de fonctionnement hydrologique. Deux hypothses assez diffrentes coexistent : - La premire hypothse voit dans les puitschemines la marque rpte dimportantes mises en charge provoques par un abaissement drastique du niveau de base. Dans ce modle, les nouveaux rseaux profonds en cours de creusement (effet diaphragme) ne pouvant pas absorber de forts dbits de crue, se mettent en charge sur des hauteurs pouvant parfois dpasser les 200 m. Ce mode de formation et de fonctionnement a t tudi par H. Camus [Camus, 1997 ; Boinet et Camus, 1998 ; Camus, 1999 et 2003] dans les massifs languedociens.Figure 14 : Les deux exemples de puits de filiation a) de type per descensum ; b) de type per ascensum. Two examples of connecting shafts: a) per descensum type; b) per ascensum type.

- La deuxime hypothse interprte les puitschemines comme des volumes verticaux ennoys en permanence, se dveloppant partir de conduits horizontaux submergs dans lesquels les eaux continuent de circuler. La submersion, provoque par une remonte du niveau de base local, entrane la formation de puits-chemines et de chemines qui peuvent fonctionner soit comme mergences (gouls de Tourne, Bourg-Saint-Andol, Ardche), soit comme liaisons ascendantes entre deux niveaux dges diffrents [Mocochain et al., 2006a & b], soit comme simples chemines sans fonctionnement hydrologique particulier (aven Despeysse). Bien que ces deux hypothses soient diffrentes, elles ne sopposent pas car elles correspondent des fonctionnements de rseaux karstiques voluant dans des contextes godynamiques diffrents. En Ardche, la priode Pliocne se caractrise par deux importantes remontes du niveau de base. La premire correspond la remise en eau de la Mditerrane permettant localement llvation du niveau de base de 236 m 130 m, soit une remonte de plus de 350 m et la seconde correspond laggradation des rivires qui, localement passent de 130 m 200 m lors du comblement des rias. Sur le secteur tudi des gorges de lArdche, ces deux remontes cumulent 450 m dexhaussement total sur une dure de 3,32 Ma (fig. 3). Sur le plateau de Saint-Remze, lexamen des avens a montr la prsence quasisystmatique de puits-chemines : avens du Faux Marzal (Saint-Remze), du Devs de Virac (Labastide-de-Virac), ou encore le puits de laven de Nol. Certains dentre eux dpassent les 100 m de dnivellation, voire 200 m dans laven du Faux Marzal. Compte tenu du faible gradient topographique existant entre le plateau de SaintRemze et les gorges de lArdche, ces hauteurs dennoiement paraissent difficilement conciliables avec une dynamique de mises en charge. En revanche, le contexte godynamique dexhaussement du niveau de base, peut expliquer la formation des nombreux puits-chemines observs en Ardche [Mocochain et al., 2006a & b]. Par ailleurs, la position et lagencement de nombreux puits-chemines situs en bordure des gorges de lArdche, souvent associs des mergences actuelles ou fossiles, ne sont pas le fruit du hasard. On pourra retenir deux exemples assez dmonstratifs de ces puits-chemines : laven de Nol et laven Rochas (Saint-Remze) qui se dveloppent en bordure du canyon de lArdche. La position de ces puits-chemines en bordure des gorges permet dmettre lhypothse que leur formation a pu tre facilite le long des fentes de dcollement provoques par lappel au vide des flancs du canyon.Coupole pigeant lair lors des mises en charges rptes

eaux du rseau V, en grande partie noy, dmerger au niveau de lArdche aprs un transit en profondeur. Le profil dcoulement de certains conduits du rseau V conserve une pente dcoulement rgulire, y compris dans leur partie noye. Lacquisition de cette pente dcoulement, totalement inadapte la position actuelle de lArdche, na pu se raliser quen rapport une position trs dprime du niveau de base. Les plonges dans ces parties noyes confirment cette hypothse en rvlant aussi lexistence de morphologies spcifiques de la zone vadose jusqu 40 m sous le niveau de lArdche (doc. VII, hors texte). La courbe dvolution du niveau de base restitue daprs ltude des niveaux repres (fig. 3), permet de proposer la crise messinienne de salinit comme seule priode possible lacquisition de cette morphogense vadose [Mocochain et al., 2006 a & b]. Ltage infrieur de la grotte de Saint-Marcel serait la marque de la splogense profonde induite par la crise de salinit. Par ailleurs, ltage infrieur est reli en plusieurs endroits ltage intermdiaire par des puits-chemines tels que les puits P 70 et P 80 du rseau III, P 40 du rseau N6 (fig. 6), ainsi que ceux de la galerie A (fig. 14 b et 4). Ces puits-chemines suggrent une formation de ltage intermdiaire postrieure ltage infrieur et intervenant la suite dune remonte du niveau de base.2) Gense de ltage intermdiaireLe rseau II

Ancien drain en cours dabandonCreusement par rosion rgressive

Limite zone noye / zone pi-noye Nouveau drain Cupules de corrosion

a

a

a

a

Seuil de dversement

Corrosion due au ruissellement

Absence de surcreusement de la zone vadose

Nouveau drain

Ancien drain

a)

Le puits-mandre

b)

Le puits-chemine

Lhorizontalit du rseau II est la marque dun niveau de splogense situ aux alentours de 100 m NGF. Cette altitude est identique celle de la grotte des Copains dAbord (Aiguze) qui souvre en rive droite de lArdche, en vis--vis de la grotte de SaintMarcel. Cette grotte, rcemment dcouverte, forme un recoupement souterrain de mandre traversant le pdoncule du mandre de Ribeirol (fig. 15). La grotte des Copains dAbord, ainsi que le rseau II, indiquent un niveau de base tributaire dune position durablement stable de lArdche 100 m NGF. Le rseau II est en liaison en deux endroits avec ltage infrieur par des puitschemines. Il sagit des puits-chemines de la galerie A et du puits-chemine P 40 du rseau N6 (fig. 4 et 6). Le rseau II se trouve aussi en liaison, par un systme de galeries remontantes et de puits-chemines, avec la galerie Raoul, superpose trente mtres en contre-haut. La galerie Raoul est une galerie horizontale (photo 11), longue de quelques centaines de mtres, qui se termine dans la Cathdrale (doc. II, hors texte et figure 10). Cette configuration de puits-chemine

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RibeirolGrotte des Copains dAbord0 10

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213Daprs les donnes topographique de la grotte des Copains dAbord Anke et Hans-Martin Luz

nes ( P 70 et P 80 ) suggrent une formation du rseau III en deux tapes. Le puits-chemine P70 prolong par la partie aval du rseau III semble former un exutoire de ltage infrieur (fig. 8). Le caractre horizontal de la partie aval du rseau III prolong par le rseau I jusqu lentre naturelle marque une position de stabilit durable du niveau de base 100 m NGF aprs son exhaussement. Cette succession de squences a par ailleurs dj t identifie pour le rseau II. Le remplissage fluviatile observ dans la galerie B montre un transit de lArdche dans le rseau III qui dbute dans laven de Nol (galerie Infrieure et galerie Blanche ; doc. V, hors texte). Le transit de lArdche en recoupement souterrain de mandre, nomm boucle Cristalline [Mocochain, 2002; doc. IV, hors texte], dbute 130 m daltitude, parcourt la galerie B et poursuit son cours dans la partie aval du rseau III situe 30 m

Le rseau III

Les deux niveaux distincts du rseau III (partie aval 100 m et galerie B 130 m) ainsi que la prsence de deux puits-chemiL. MOCOCHAIN, J.-Y. BIGOT, G. CLAUZON, M. FAVERJON et Ph. BRUNET, La grotte de Saint-Marcel (Ardche)

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prolong par une galerie horizontale (mdaillon, fig. 8) autorise penser que la galerie Raoul est un exutoire suprieur du rseau II. Ltage infrieur (50 m NGF), le rseau II (100 m NGF) et la galerie Raoul (140 m NGF) forment un ensemble de trois niveaux subhorizontaux superposs et interconnects. Lexistence des puits-chemines de jonction qui relient ces trois niveaux entre eux permet den dduire la dynamique per ascensum de cet tagement. Le puits-chemine P 40 du rseau N6 et la galerie A relient ltage infrieur au rseau II, ce qui indique que la formation du rseau II succde la formation de ltage infrieur aprs une remonte du niveau de base. Cependant, on ne retrouve pas sur la courbe dvolution du niveau de base (fig. 3) de stade de stabilit laltitude de 100 m, mais seulement le stade 130 m de la transition marin/continental vers 4,7 Ma [Mocochain et al., 2006a]. En revanche, ce stade 130 m peut correspondre la position de la galerie Raoul. Ces lments permettent de situer la formation du rseau II et de la grotte des Copains dAbord entre la fin de la crise de salinit et le haut niveau marin enregistr par la transition marin/continental 130 m NGF. En effet, la filiation entre le rseau II et la galerie Raoul montre une adaptation per ascensum du drainage du rseau II la remonte du niveau de base, puis sa stabilisation vers 130 m NGF. La formation du rseau II (tage intermdiaire) se trouve donc encadre entre la formation de ltage infrieur, contemporain de la crise messinienne, et celle de la galerie Raoul, contemporaine du stade de la transition marin/continental vers 4,7 Ma. Le rseau II et la grotte des Copains dAbord sont lexpression dune position stable du niveau de base vers 100 m NGF entre 5,32 et 4,7 Ma. Leffet de la remonte du niveau de lArdche de 100 130 m NGF peut galement expliquer la dfluviation qui a conduit labandon de la galerie N9 au profit de toute la partie aval du rseau II. La galerie N9 formait un exutoire du rseau II 100 m NGF (doc. II, hors texte) qui sest probablement colmat la suite de la remonte du niveau de lArdche. Le refoulement du drainage lexutoire a provoqu une dfluviation souterraine de lamont du rseau II vers louest afin de se connecter au rseau I via le Labyrinthe (partie aval du rseau II ; fig. 7).

Grotte de St-Marcel

52

N

100 m

155

Figure 15 : Localisation et topographie de la grotte des Copains dAbord. Exemple dun recoupement souterrain de mandre dans les gorges de lArdche. Location and map of Copain dAbord Cave. It is an example of an underground shortcut of a fluvial meander.

0 10

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Photo 11 : La galerie Raoul vers 140 m NGF avant sa jonction avec la Cathdrale (rseau I, grotte de Saint-Marcel). Clich L. Mocochain. The passage Raoul (140 m a.s.l.) before the junction with the Cathdrale(middle level of Saint Marcel Cave).

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Photo 12 : Une haute chemine de la galerie du Lac orne de formes de corrosion caractristiques de la zone noye du karst (tage intermdiaire de la grotte de Saint-Marcel). Leur dveloppement vertical dpasse souvent 30 m de haut ce qui est un bon indicateur de la hauteur ennoye du conduit. Clich L. Mocochain. A chimney in the Galerie du Lac (middle level of Saint Marcel Cave) presents corrosion features characteristic of the phreatic zone of the karst. Such chimneys are often higher than 30 m and give so the minimum height of the saturated zone.

boucle Cristalline (stade fluviatile 130 m NGF) un ge approximatif de 4,7 Ma, cal sur celui de la transition marin/continental [Mocochain et al., 2006a].La galerie du Lac

Photo 13 : Le remplissage dargile beige colmatant la quasi-totalit du conduit de la galerie du Lac (tage intermdiaire de la grotte de Saint-Marcel). Au premier plan, noter le cne de grzes obstruant la galerie. Clich L. Mocochain. Clay filling plugs the passage Galerie du Lac (middle level of Saint Marcel Cave). In the foreground, a cone of sediments filling the passage.

en contrebas. Ce recoupement souterrain dun mandre subarien de lArdche marque un stade de stationnement de la rivire vers 130 m NGF. Cette phase fluviatile atteste par un fort alluvionnement souterrain (boucle Cristalline) semble contemporaine, dun point de vue gomtrique, de la phase de stabilit du niveau de base enregistre par la transition marin/continental (130 m). Cette imputation chronologique est renforce par largument hydrodynamique du puits-chemine P80 reliant ltage infrieur la boucle Cristalline. Ainsi, la gense en deux temps du rseau III (stades 100 et 130 m) fait cho la dynamique qui a prsid la formation du rseau II et de la galerie Raoul. On peut donc admettre la contemporanit des rseaux II et III de la grotte de Saint-Marcel, ce qui confre la

Les observations menes dans la galerie du Lac permettent de proposer quatre phases distinctes de lhistoire de cette galerie qui a fonctionn en exutoire : - Des banquettes de remplissages [Renault, 1967] sont observables entre la Cathdrale et la galerie du Lac (fig. 10). Ces morphologies sobservent depuis le bas de la Cathdrale et remontent ensuite vers la galerie du Lac. Les banquettes semblent ainsi dcrire un abandon de lcoulement par colmatage de lentre naturelle (aval du Rseau I), au profit de la galerie du Lac situe en contre-haut. Cette dfluviation souterraine est sans doute la consquence dun exhaussement de lArdche par aggradation. Laltitude et le dveloppement de grandes chemines (photo 12) montrent que la galerie du Lac se trouvait dans la zone noye du karst. Cette phase est sans doute contemporaine de la remonte du niveau de base de 100 130 m (position de la transition marin / continental) tandis que se formait la boucle Cristalline (doc. IV, hors texte). - La seconde phase correspond au dveloppement du concrtionnement, tmoin dune redescente du niveau de lArdche sous laltitude moyenne de la galerie. Cette chute pourrait intervenir au Pliocne entre le dpt de la transition marin / continental 4,8 Ma et le faonnement de la surface dabandon pliocne 2 Ma. Cette r-incision de la valle de lArdche est sans doute un phnomne dampleur rgionale imputer, soit un soulvement godynamique, soit une baisse eustatique gnrale. La seconde hypothse pourrait tre rattache limportante chute eustatique marquant le milieu du Pliocne vers 3,8 Ma [Haq et al., 1987 ; Hardenbol et al., 1998]. - La troisime phase est identifie par la remise en eau de la galerie responsable de la corrosion des concrtions et du dpt dune seconde gnration de remplissage colmatant la galerie jusqu la vote (photo 13). Cette phase dennoiement durable aboutissant un colmatage total de la galerie, se place vraisemblablement au cours du Pliocne suprieur lors de laggradation de lArdche, prenant fin localement 200 m NGF vers 2 Ma (fig. 3). - Enfin, la quatrime phase de la galerie du Lac correspond son abandon au cours du Plistocne, une fois lArdche repasse sous la position de la galerie.

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Les rseaux I et IV

La galerie de la Grande coule et la galerie Suprieure de laven de Nol (fig. 5), se prolongent par le rseau IV, puis par le rseau I, en aval de la Grande Barrire. La continuit des galeries, qui dcrivent en plan une large boucle par rapport au canyon de lArdche, voque sans ambigut un vaste recoupement souterrain de mandre de lArdche, nomme Grande boucle [Mocochain, 2002 ; doc. V, hors texte]. Cette hypothse est renforce par lomniprsence dun remplissage fin allochtone. Contrairement la boucle Cristalline, les lments dtritiques transports dans la Grande boucle sont nettement plus petits (photo 14). Cette diffrence sexplique sans doute par le profil en long en dents de scie (crans verticaux dvelopps sur diaclases) de la Grande boucle dont les points bas forment des piges sdiments grossiers. Cependant, dans lensemble, le profil en long des rseaux I et IV prsente une ligne horizontale bien marque situe autour de 155 m daltitude. Lacquisition dune telle horizontalit est sans doute le rsultat dune phase de stabilit durable de lArdche autour de cette altitude. Par ailleurs, si lon applique cette position restitue de lArdche, une pente dcoulement proche ou gale lactuelle, il est envisageable de corrler cet pisode de stabilit observe 155 m en aval des gorges au stade observ 190 m NGF en amont des gorges [aven de la Plaine des Gras, grotte Chauvet, grotte du Droc; Mocochain et al., 2006b]. Cette imputation gomtrique permet de rattacher la gense de la Grande boucle au Pliocne suprieur lors dun stade de stabilit de lArdche entre deux cycles daggradation [Mocochain et al., 2006b]. Cette hypothse sappuie aussi sur la filiation des deux puits-chemines qui relient la Grande boucle ltage infrieur (fig. 4). La Grande boucle prsente certaines similitudes de fonctionnement avec la boucle Cristalline. En effet, la Grande boucle dcrit dabord une demiboucle depuis laven de Nol jusqu la Grande Barrire ; l elle rejoint et se connecte au conduit initial du rseau I venant du nord et drainant le plateau (galerie Rouge ; doc. II, hors texte). En aval, au niveau de la Cathdrale, la Grande boucle redescend de 160 100 m (fig. 10) pour rejoindre lentre naturelle. La galerie du Lac et lentre

Photo 14 : Reste dun remplissage dargile beige clair se trouvant dans la Grande Galerie de laven Nol. Ce dpt est synchrone du fonctionnement en recoupement de mandre de la Grande boucle. Clich J.-Y. Bigot. Remains of clay filling in the Grande Galerie of Aven Nol Cave. This sediment is synchronous with the meander shortcut of the Grande Boucle.

naturelle ne peuvent correspondre lexutoire potentiel de ce grand recoupement de mandre car leur position est beaucoup trop basse. Cest probablement dans les rseaux suprieurs de la Cathdrale, aux alentours de 160 m NGF, quil faut voir le dbouch aval de la Grande boucle dans la valle de lArdche.3) Gense de ltage suprieurLa galerie Intermdiaire et le puits de laven de Nol

La galerie Principale de laven de Nol est un conduit horizontal 130 m NGF qui se termine au pied du puitschemine de laven de Nol. A la vote de la galerie Principale, on observe un chenal de vote, dabord horizontal, se prolongeant ensuite dans le puits-chemine. Des coups de gouges ornent le chenal de vote (photo 10) et indiquent un sens du courant remontant dans le puits-chemine en direction de la galerie Intermdiaire (fig. 13). Ces observations montrent que le puitschemine de Nol et son prolongement sommital, la galerie Intermdiaire , constituent un exutoire de la galerie Principale qui se situe 90 m en contrehaut. Nous savons que la galerie Principale tout comme la galerie Intermdiaire marque chacune une position stabilise du niveau de base.

Ainsi, les morphologies spcifiques de la zone noye, le sens dcoulement remontant rvl par les coups de gouges visibles la base du puits-chemine et le profil des conduits (galerie-puitsgalerie) en forme de priscope voquent ladaptation per ascensum du drainage karstique qui rpond une godynamique remontante du niveau de base. Il se trouve que laltitude de 220 m de la galerie Intermdiaire est comparable celle de la surface dabandon pliocne dont le faonnement fait suite et termine le cycle daggradation de lArdche dbut, en loccurrence, laltitude de 130 m NGF (fig. 3). Dun point de vue gomtrique et godynamique, la rponse de lendokarst par la formation du puits-chemine de laven de Nol, prolong par la galerie Intermdiaire, correspond assez bien la dynamique remontante de lArdche qui passe de laltitude de 130 m laltitude de 210 m aprs une aggradation de 80 m. La formation de tels systmes de conduits a permis de pallier le refoulement et le colmatage des exutoires dus au remblaiement de la ria de lArdche par aggradation. Un tel agencement des conduits situs proximit de lArdche [Bigot, 2002] prouve la permanence des coulements karstiques malgr laggradation de lArdche [Mocochain et al., 2006a].

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La Grande boucle et la boucle Cristalline (fossiles)Carrefour en T

Amont du Rseau I

3

Rseau I Reseau IV Galerie sup. de l'aven Nol

4Galerie B du rseau III

4

2 2Galerie Blanche de l'aven de NolP 70

3Rseau I

1

Aval du Rseau III

Puit-chemine de la Cathdrale

1Rseau I

Galerie du Lac

2

N

0

500

Figure 16 : Chronologie de mise en place des tages de la grotte de Saint-Marcel et des recoupements souterrains de mandre corrlatifs. Ce processus se forme en deux temps : - suite une premire remonte du niveau de base, le drainage provenant du plateau sadapte par creusement dun puits-chemine et/ou dun drain horizontal cal sur la surface pizomtrique (tapes 1 et 3 de la figure) ; - dans un second temps, le recoupement de mandre se forme en se raccordant ce drainage provenant du plateau. Chronology of the level formation and correlated fluvial meander shortcuts. This process happens in two steps: - following a first rise of the base level, the drainage coming from the plateau adapts by forming an avenpitch and/or a horizontal passage situated near the piezometric surface (steps 1 and 3 of the figure); - in a second step, the shortcut of the fluvial meander forms by connecting itself to the drainage coming from the plateau.

he c rd L'A

Alimentation provenant des pertes de l'Ardche Alimentation provenant des pertes du plateau

Sens de circulation observ Emergence Point de perte (suppos)

1 3

2 4

Chronologie et mise en place des tronons composant les recoupements

B) Synthse : un systme de recoupements de mandre tags

Figure 17 : Evolution des conditions drosion et de corrosion dune rivire en fonction de lvolution de son niveau de base. Evolution of corrosion and erosion of a river as a function of the evolution of its base-level.

Les trois recoupements souterrains de mandre identifis (boucle Active pour ltage infrieur ; boucle Cristalline et Grande boucle pour ltage intermdiaire ; docs. III, IV et V, hors texte) se superposent et forment une grande partie des rseaux de Saint-Marcel. Cet tagement de recoupements souterrains de mandre, associ la rivire souterraine de Saint-Remze [Martini, 2005] atteste la rcurrence de cette splogense malgr les oscillations rptes de la rivire.

Lamplitude dcrite par les recoupements souterrains de mandre amne sinterroger sur la dynamique de creusement des conduits qui ne sont pas parallles, mais presque symtriques au cours dcrit par lArdche arienne. En effet, le cheminement souterrain est parfois plus long et plus sinueux que celui de la rivire arienne. En outre, le gradient topographique de la rivire est trs faible entre le point de perte et le point dmergence qui nexcde pas les deux cinq mtres. On trouve les lments de rponse en analysant les deux tronons distincts que prsentent ces recoupements de mandre stipulant une formation en deux temps. Le tronon amont est reprsentatif dune position durablement stable de lArdche qui en assure lessentiel de son alimentation. Le tronon aval est gnralement situ en contrebas du prcdent o seffectuent la confluence et le mlange des eaux de la rivire Ardche avec celles issues du plateau. Dans les deux cas (boucle Cristalline et Grande boucle), les tronons aval semblent prexister aux recoupements souterrains de mandre car leur profil dcoulement est parfaitement continu depuis la zone dalimentation provenant du plateau. Ainsi, ce sont les tronons amont des boucles qui viennent se connecter sur les tronons aval dj en place et faonns par les eaux du plateau (fig. 16). Ds lors, on peut penser que les tronons aval des boucles (creuss lorigine par les eaux du plateau) favorisent la capture souterraine des tronons amont. Pour comprendre la logique de ces recoupements souterrains, il ne faut alors prendre en compte que le creusement de la partie amont puisque les tronons aval prexistent. Ainsi, la formation du cheminement souterrain de la rivire se trouve plus court de moiti (demi-boucles) quune boucle classique dveloppe parall-

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lement au cours arien. Cette splogense peut sapparenter une capture karstique. En effet, la formation en deux temps des recoupements souterrains de mandre est assimilable un dtournement dun coulement sub-arien allochtone par un coulement souterrain autochtone. Par ailleurs, le transit souterrain dune partie des eaux de lArdche se trouve favoris par lvolution aggradante de la rivire qui permet dennoyer un plus grand volume de calcaire (fig. 17). Tout cet ensemble de facteurs facilite les processus de splogense le long de la fracturation locale pralable aux recoupements souterrains de mandre.C) Les pisodes plistocnes dans le fonctionnement des grottes de Saint-Marcel

Figure 18 : Courbe dvolution du niveau de base restitue daprs ltude des niveaux repres en moyenne valle du Rhne et des niveaux de karstification de la grotte de Saint-Marcel. Reconstitution of base-level evolution by Messinian Pliocene benchmark levels in the middle Rhne Valley and the karstification levels of Saint Marcel Cave.

Si les grands traits de la grotte de Saint-Marcel ont t acquis durant le cycle messino-pliocne, il reste toutefois une part des morphologies et du creusement des rseaux attribuable au Plistocne. La r-incision de lArdche au Plistocne provoque lvacuation du remplissage fluviatile pliocne ayant colmat les gorges. On peut donc attribuer lArdche le dcolmatage des rseaux tout en conservant leurs morphologies originelles. Toutefois, on peut rattacher aux phases du Plistocne, la formation des puits-mandres qui trpanent certaines galeries de la grotte de Saint-Marcel. Les puits gravitaires (puits-mandres) creuss lemportepice, ne semblent assurer aucun rle hydrologique dans le fonctionnement des rseaux. A lexception du puits daccs au rseau Solvay (doc. II, hors texte), ces puits ne mettent pas non plus en relation deux tages de la grotte. Enfin, on peut toutefois noter que certaines portions de ltage intermdiaire, pourtant perch au-dessus du niveau de base, sont rennoyes de faon exceptionnelle lors de trs fortes pluies [Audra et al., sous presse]. Les rseaux noys peuvent alors se mettre en charge et dverser leau en excs par des puitschemines (observations faites dans la galerie A) jusqu remprunter ltage intermdiaire. Les phnomnes de mises en charge exceptionnelles ont d avoir cours tout au long du Plistocne, ce qui a probablement permis le dcolmatage de certains rseaux.

Conclusion Les investigations menes la fois dans la grotte de Saint-Marcel et sur les diffrents niveaux repres ont permis de rvler les deux principaux modes de splogense qui prsident la formation de grottes dans les gorges de lArdche. En premier lieu, il sagit de la rponse per ascensum dun systme de drainage, hrit de la crise de salinit, par creusement de puits-chemines sous contrle des stades dexhaussement du niveau de base au cours du Pliocne. En second lieu, il sagit de la formation de recoupements souterrains de mandres ariens, dampleur plurikilomtrique, dont ltagement est tributaire de la mme dynamique remontante du niveau de base. Ces recoupements souterrains de mandres correspondent une succession de longues phases de stabilit de la rivire entre deux stades daggradation. Cest la prise en compte de la godynamique du cycle messinopliocne, dduite de ltude des niveaux repres, qui a permis de restituer les grandes tendances de lvolution du niveau de base (fig. 3) responsables de phnomnes endokarstiques particulirement bien dvelopps en Basse Ardche. En retour, ltude morphosdimentaire plus fine des tages de lendokarst a rvl plusieurs stades

dvolution du niveau de base qui ne semblent pas avoir donn lieu la formation de niveaux repres et chappent pour autant lhistoire godynamique rgionale. On note ainsi un stade de stabilit du niveau de base vers 100 m au dbut du Pliocne, dduit de la formation du rseau II et de la partie aval du rseau III, ou encore le stade de splogense de la Grande boucle qui permet de confirmer une longue phase de stabilit de lArdche vers 160 m NGF au Pliocne [190 m pour la partie amont des gorges ; Mocochain et al., 2006b]. Les phases de stabilit de lArdche ne sont pas les seules ponctuer une dynamique globalement aggradante de la rivire puisque ltude du karst a permis de rvler une phase de rincision de lArdche dans sa valle vers 3,8 Ma, dduite de lasschement et du concrtionnement de certaines galeries. L effet mmoire de lendokarst a permis la conservation dvnements indcelables en surface. Il autorise une meilleure comprhension des phnomnes karstiques et amliore singulirement la courbe dvolution du niveau de base tablie initialement partir des seuls niveaux repres (fig. 18). La grotte de Saint-Marcel savre un site de rfrence illustrant limportance des impacts directs et diffrs du mgacycle eustatique messino-pliocne

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Bibliographie

dans la splogense du pourtour mditerranen. A ce jour, il sagit dun des exemples endokarstiques les plus dmonstratifs permettant dillustrer la notion dimpacts diffrs, la remonte du niveau de base, de la crise de salinit. Les investigations menes dans la grotte de Saint-Marcel devraient permettre dtendre le modle de splogense lensemble des gorges de lArdche et de complter ainsi les travaux de J. Martini [2005] sur la karstogense prcrise de salinit et ceux de Ph. Audra et collaborateurs [Audra et al., 2001] sur la karstogense fini-pliocne et plistocne.Remerciements :Nous adressons un grand merci tous les splologues qui ont particip de prs ou de loin lenrichissement des connaissances de cette cavit hors normes quest la grotte de Saint-Marcel, en particulier ceux du Splo-Goupe du Forez (SGF), du SploClub de Saint-Marcel (SCSM) et dAVENS. Merci tous les topographes qui ont contribu la synthse topographique : Bernard Dupr et Michel Bozon du SCSM, Christian Drevet du SGF, pour les parties exondes et pour les parties noyes, aux plongeurs assistants, en particulier, Frdric Bonacossa, Christophe Depin, Philippe Imbert, Frdric Roux dAVENS. Merci la centaine de porteurs des bouteilles de plonge et aux photographes qui nous ont aimablement mis disposition leurs clichs : Bernard Dupr, Peter Goossens, Victor Ferrer, ainsi quaux porteurs des flashs : Frdric Ttu, Christian Boucher, Alain Couturaud, JeanPierre Rehspringer. On ne peut oublier ceux qui nous ont guids sur le terrain ou fourni des renseignements sur des phnomnes karstiques intressants : Hans Martin et Anke Luz, Olivier Peyronelle, Judical Arnaud, Philippe Monteils, Jean-Philippe Grandcolas. Nous tenons galement remercier lARSPAN qui coordonne les visites de laven de Nol et dont les membres simpliquent dans la protection des cavits en favorisant la rflexion et lessaimage des ides. Nous remercions la Mairie de Saint-Marcel, propritaire de la cavit, qui a autoris laccs la grotte, et la Mairie de Bidon pour son soutien permanent. Merci galement Annie Flahaut dont la maison de Bidon sest transforme annuellement depuis 94 en camp de base de plonge splologique. Nous noublions pas non plus de gratifier le travail des relecteurs : Philippe Audra et Hubert Camus qui ont amlior le texte initial et rendu sa lecture plus facile. Nous remercions galement lAssociation Franaise de Karstologie et le CEREGE pour leur financement du document hors texte. Enfin, nous tenons remercier les membres du CEREGE et plus particulirement O. Bellier, pour sa confiance et son soutien.

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