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Modalités de dialogue entre société civile et État pour l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques de réduction de la pauvreté et des inégalités DOCUMENT DE TRAVAIL Coordination par le Secrétariat exécutif du Réseau IMPACT : Magali Héraud-Arouna Anne-Sophie Brouillet Patricia Huyghebaert Réalisation : Magali Héraud-Arouna avec la collaboration de : Mamadou Diallo Madani Koumaré Agnès Lambert Thiendou Niang Maurice Anselme Sossou octobre 2007

Modalités de dialogue entre société civile et État

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Page 1: Modalités de dialogue entre société civile et État

Modalités de dialogueentre société civile et Étatpour l’élaboration, la mise en œuvre etle suivi des politiques publiques de réductionde la pauvreté et des inégalités

➤ DOCUMENT DE TRAVAIL

➤ Coordination par le Secrétariat exécutif du Réseau IMPACT :Magali Héraud-ArounaAnne-Sophie BrouilletPatricia Huyghebaert

➤ Réalisation :Magali Héraud-Arouna

avec la collaboration de :Mamadou DialloMadani KoumaréAgnès LambertThiendou NiangMaurice Anselme Sossou

➤ octobre 2007

Page 2: Modalités de dialogue entre société civile et État

L ’édifice de la Déclaration de Paris reposesur la qualité et l’« appropriation » desstratégies nationales de développement.

Cela suppose qu’elles aient été négociées entrepouvoirs publics et acteurs de la société civiledans de bonnes conditions. Mais qu’en est-ilconcrètement ? Comment cette rencontre sepasse-t-elle en pratique ?

C’est ce que le présent document de travails’attache à illustrer à partir de quatre étudesde cas visant à décortiquer les processus dedialogue entre pouvoirs publics et acteurs so-ciaux au moment de la formulation mais ausside la mise en œuvre de politiques publiquesde développement.

Les études de cas présentées dans la deuxièmepartie de ce document ont mis à jour des ren-contres entre acteurs des politiques publiques ;elles ont permis de raconter des expériencesqui ont joué en faveur, ou non, du dialogueentre société civile et État ainsi qu’au sein mêmede ces deux entités, elles-mêmes hétérogènes.

L’analyse transversale, dans la première partie,soulève les points saillants relevés dans les étu-des de cas afin de relever un certain nombred’interrogations. En provoquant ainsi le ques-tionnement, cette analyse veut pousser les ac-

teurs à réfléchir sur leurs propres expériencespour en tirer des enseignements plus généraux.

Ce document de travail, préparé avec le sou-tien du ministère français des Affaires étran-gères et européennes, a été coordonné par leSecrétariat exécutif du Réseau IMPACT, en col-laboration avec le GRET (Groupe de rechercheet d’échanges technologiques) et l’IRAM(Institut de recherche et d’applications des mé-thodes de développement), membres duComité d’orientation du Réseau.

Nous souhaitons vivement remercier MamadouDiallo, Madani Koumaré, Thiendou Niang,Maurice Anselme Sossou qui ont permis deréaliser les études de cas au Mali, au Sénégalet au Bénin. Nous remercions égalementChristian Castellanet (GRET), Pierre-Yves LeMeur (GRET), Agnès Lambert (IRAM) et DenisPesche (CIRAD) pour leur relecture et leurs di-vers apports à la réflexion sur le sujet. Enfin,un remerciement particulier s’adresse à MagaliHéraud-Arouna pour l’analyse transversale desétudes de cas et sans qui ce document de tra-vail n’aurait pu être réalisé.

Patricia Huyghebaert et Anne-Sophie BrouilletSecrétariat exécutif du Réseau IMPACT

Avant-propos

Page 3: Modalités de dialogue entre société civile et État

3 Avant-propos

Première partie : Analyse transversale9 Modalités de dialogue entre société civile et État pour l’élaboration,

la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques de réductionde la pauvreté et des inégalités : analyse transversale à partir de quatreétudes de cas

● Une contribution du Réseau IMPACT par Magali Héraud-Arouna

Deuxième partie : Études de cas

29 La loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) au Sénégal :un exemple de processus national de définition et d’applicationd’une politique publique sectorielle

● Dr. Thiendou Niang

51 Le suivi et le contrôle du budget de l’État dans le cadre des CSLP :le cas de l’action de Social Watch Bénin

● Maurice Anselme Sossou

71 La mise en œuvre d’une plate-forme nationale multi-acteurs :le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM)

● Agnès Lambert, avec la collaboration de Mamadou Diallo

85 La Plate-forme DESC du Mali : un exemple original de mobilisation socialecitoyenne et de renforcement des organisations de la société civile

● Madani Koumaré

Sommaire

Page 4: Modalités de dialogue entre société civile et État

PREMIÈRE PARTIE

Analyse transversale

Page 5: Modalités de dialogue entre société civile et État

Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 9

> Introduction

Sept ans après la signature des Objectifs duMillénaire pour le Développement et à mi-par-cours entre la date d’adoption de ces objectifset la date cible de 2015, les résultats des effortsmis en œuvre par les pays en développement etles pays donneurs sont mitigés. L’efficacité del’aide est remise en question : les acteurs dudéveloppement s’interrogent sur les modalitésde mise en œuvre de mesures efficientes quipermettraient d’appuyer efficacement les payset les populations les plus pauvres.

En 2005, la Déclaration de Paris sur l’efficacitéde l’aide, approuvée par 60 pays partenaireset plus de 50 institutions multilatérales et bila-térales œuvrant pour le développement, s’an-nonce comme une tentative ambitieuse d’amé-liorer l’impact de l’aide par la promotion departenariats plus efficaces entre pays donneurset pays bénéficiaires. Les signataires s’enga-gent à redoubler d’efforts pour accroître l’effi-cacité de l’aide, autour de cinq principes :

➤ l’appropriation de l’aide par les États grâceau renforcement des stratégies de dévelop-pement des pays partenaires. L’« appropria-tion » de l’aide suppose que les politiques

nationales aient été négociées entre pou-voirs publics et acteurs de la société civiledans de bonnes conditions ;

➤ l’alignement de l’aide sur les priorités, systè-mes et procédures des pays partenaires et lesoutien au renforcement de leurs capacités ;

➤ la responsabilisation mutuelle par le renfor-cement des obligations réciproques des paysdonneurs et partenaires à l’égard des citoyenset des instances parlementaires concernantleurs politiques de développement ;

MODALITÉS DE DIALOGUE ENTRE SOCIÉTÉ CIVILE ETÉTAT POUR L’ÉLABORATION, LA MISE EN ŒUVRE ET LE SUIVI DES POLITIQUES

PUBLIQUES DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ ET DES INÉGALITÉS

Analyse transversale à partir de quatreétudes de cas

Une contribution du Réseau IMPACT1

par Magali Héraud-Arouna2

1 Le Réseau IMPACT est un réseau à vocation interna-tionale d’appui aux politiques publiques de réductionde la pauvreté et des inégalités. Il rassemble chercheurset universitaires, opérateurs de terrain et professionnelsdu développement, et responsables administratifs issusen particulier de la Coopération française. Le Réseaua pour objet de mettre en débat et en valeur desconnaissances et des expériences, mais aussi d’aiderà effectuer des choix de nature politique, en suscitantdes synergies disciplinaires et professionnelles. Sa com-position permet de rapprocher savoir-faire empiriques,recherches scientifiques et décision politique (www.reseau-impact.org).

2 Docteur en Géographie ([email protected]).L’auteur tient à remercier Anne-Sophie Brouillet etPatricia Huyghebaert (Secrétariat exécutif du RéseauIMPACT), Christian Castellanet (GRET), Madani Koumaré(Plate-forme DESC du Mali), Agnès Lambert (IRAM),Pierre-Yves Le Meur (GRET) et Denis Pesche (CIRAD)pour leurs contributions.

Page 6: Modalités de dialogue entre société civile et État

10 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

➤ l’harmonisation des interventions des don-neurs, notamment autour des Cadres stra-tégiques de lutte de la pauvreté (CSLP) éla-borés par les pays partenaires ;

➤ les résultats en favorisant les démarches desuivi et d’évaluation.

Trois ans après la signature de la Déclarationde Paris, un Forum de haut niveau se tiendraà Accra afin d’évaluer les efforts réalisés. À ceteffet, le Comité d’aide au développement del’OCDE a créé un « Groupe consultatif sur lasociété civile » pour venir en appui au Comitéde pilotage du Forum d’Accra, prévu en sep-tembre 2008. Il regroupe douze membres issussoit du « Groupe de travail sur l’efficacité del’aide » (3 pays du Sud, 3 du Nord, dont laFrance, à l’invitation du Canada, chef de file),soit de réseaux d’organisations de la sociétécivile (également 3 du Sud et 3 du Nord)3.

Des consultations régionales préparatoires auForum d’Accra se déroulent d’ici février 2008.Concernant la région d’Afrique de l’Ouest et duCentre, la consultation régionale est organiséeà Cotonou du 22 au 25 octobre 2007 par leRéseau des plates-formes nationales d’ONGd’Afrique de l’Ouest et du Centre (REPAOC)4,sur mandat du Groupe consultatif sur la so-ciété civile. Cette consultation sera plus spéci-fiquement consacrée à l’« appropriation » despolitiques de développement, qui se déclinentsouvent dans des Cadres stratégiques de ré-duction de la pauvreté et les politiques secto-rielles qui y sont liées.

Les CSLP, en tant que stratégies nationales delutte contre la pauvreté, peuvent constituer deréelles opportunités d’élaboration et de miseen œuvre de politiques publiques concertéespuisqu’en principe préparés à l’issue d’un pro-cessus participatif impliquant la société civileet les partenaires du développement.

Le ciblage sur ces politiques publiques pluri-acteurs (« produit d’une médiation entre desforces sociales ou des groupes d’acteurs quis’affrontent et qui négocient les principes né-cessaires aux arbitrages et aux décisions »5)permet d’apprécier la participation des acteursconcernés, les conflits d’intérêts en jeu et les

compromis qui en résultent. Ceci donne sensà la notion de gouvernance si on l’appréhendecomme un processus « visant à faciliter la par-ticipation de tous les acteurs à la définition despolitiques publiques et à leur mise en œuvre »6.

Pourtant, un des constats sur lequel s’appuiela seconde génération des CSLP est la faiblessedes processus participatifs qui ont donné lieu àla définition et à la conduite des premiers CSLP…

Afin de contribuer, en particulier, aux débatsde l’atelier régional de Cotonou consacré à l’ef-ficacité de l’aide et aux processus d’appropria-tion, et suite à la sollicitation du ministère fran-çais des Affaires étrangères et européennes, leRéseau IMPACT (en collaboration avec le GRET7

et l’IRAM8, membres du Réseau) s’est penchésur cette question afin de décortiquer les rela-tions partenariales entre État et société civile.

Quatre études de cas ont été réalisées qui s’at-tachent à décrire et analyser des exemples deces processus de rapprochements et de dialo-gue entre pouvoirs publics et acteurs sociaux,entre « État » et « société civile » (bien quedeux entités non homogènes), en révélant desmoments réussis, en cours ou manqués.

3 Les trois pays du Nord sont le Canada, la France et laNorvège. Les trois pays du Sud sont le Rwanda, laZambie et le Ghana. Les OSI du Nord sont le CanadianCouncil for International Cooperation, Action AidInternational, basé au Royaume-Uni et l’EuropeanNetwork on Debt and Development (Eurodad) basé àBruxelles. Les OSI du Sud sont l’African Forum andNetwork on Debt and Development (Afrodad), réseaunaissant basé à Harare, Third-world Network, brancheafricaine d’un réseau mondial de chercheurs basée àAccra et de think-tanks, et le Réseau Reality of Aid,réseau de 40 plate-formes et de centaines d’ONG,désormais basé aux Philippines.

4 Les actions du REPAOC couvrent les pays suivants :Bénin, Burkina Faso, Guinée, Mali, Niger, Sénégal,Tchad et Togo, http://www.repaoc.org.

5 Levy M. (dir.), 2002, Comment réduire pauvreté etinégalités ? Pour une méthodologie des politiquespubliques, éd. IRD-Karthala, Paris, 235 p.

6 Cf. La stratégie de la coopération française en matièrede gouvernance : « Stratégie et Gouvernance de laCoopération française », MAE, juin 2007.

7 Groupe de recherche et d’échanges technologiques,http://www.gret.org.

8 Institut de recherche et d’applications des méthodes dedéveloppement, http://www.iram-fr.org.

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Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 11

I. Des études de cas pourapprécier les modalitésde dialogue entre Étatet société civile

●● La loi d’orientationagro-sylvo-pastorale(LOASP) au Sénégal :un exemple de processus nationalde définition et d’applicationd’une politique publique sectorielle

Dans le cas de la LOASP au Sénégal, le proces-sus a été impulsé en 2002 au haut niveau pré-sidentiel. Il s’agit dans un premier temps d’uneconsultation, qui deviendra ensuite une concer-tation à la demande des organisations paysan-nes, des organisations non gouvernementales(ONG), des élus, et qui sera soutenue par certainsbailleurs (Coopération française notamment).

Le processus de concertation lié à la LOASP aété élaboré pour permettre à chaque grouped’acteurs de s’organiser au préalable à son ni-veau et à différentes échelles, en fonction desdifférentes filières, du local au national, pourconstruire son propre diagnostic avant de ren-contrer les autres. C’est un processus qui ap-paraît particulièrement itératif, avec des ac-teurs organisés et structurés (organisationspaysannes...).

Malgré l’engagement au départ de l’État sé-négalais dans le processus, et malgré le votede la loi en 2004, aucun décret d’applicationn’a, à ce jour, été adopté.

Ce cas nous intéresse car :

➤ il traduit une politique publique prise dansun secteur productif, organisé en filières, etqui se doit aussi de prendre en compte lesproblématiques de réduction de la pauvretéet des inégalités ;

➤ il s’agit d’un processus de dialogue nationalmené par et avec des acteurs organisés etstructurés ; et

➤ il s’agit d’un cas avancé, permettant d’ana-lyser les processus participatifs et le dialogueengagé entre pouvoirs publics et acteurs dela société civile à différentes étapes, au mo-ment de la formulation de la loi mais aussiau moment de sa mise en œuvre.

●● Le suivi et le contrôledu budget de l’Étatdans le cadre des CSLP :le cas de l’actionde Social Watch Bénin9

Social Watch est un réseau international forméd’ONG, d’institutions, ou de groupes de ci-toyens, ayant pour but de participer, au niveaude la société civile, au contrôle et au suivi de laréalisation de certains engagements pris à l’é-chelle internationale. Le réseau Social WatchBénin regroupe plus de 150 organisations dela société civile béninoise dans le but de « dé-velopper des approches pour créer des espacespour le dialogue et l’échange, et promouvoir lesefforts de plaidoyer, pour influencer les poli-tiques de développement social et provoquerun changement positif »10. Dans le domainede l’aide publique au développement, SocialWatch Bénin assure, par exemple, le suivi et lecontrôle du budget de l’État.

L’étude de l’action de suivi budgétaire de SocialWatch Bénin nous intéresse car :

➤ il s’agit d’un processus impulsé de l’extérieuret approprié par des organisations de la so-ciété civile (OSC) non spécialisées dans le suiviet le contrôle des budgets liés à l’aide bud-gétaire programme ou sectorielle de l’État ;

➤ il s’agit du suivi et du contrôle transversalde l’action de l’État, à la fois sur des sec-teurs sociaux et productifs, sur lesquels sontengagées diverses organisations non éta-tiques, telles que des ONG, des associationsou des groupes corporatifs, des organisa-tions patronales, etc. ;

9 http://swbenin.ifrance.com10 Source : Social Watch Bénin.

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12 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

➤ il s’agit d’un processus de suivi et de contrôlede politiques monétaires, macro-écono-miques, de choix stratégiques liés à des ob-jectifs de croissance dans le but de garan-tir une bonne gouvernance financière.

●● La mise en œuvred’une plate-formenationale multi-acteurs :le cas du Programme ConcertéSanté Mali (PCSM)11

Ce programme vise à améliorer l’accès des po-pulations à des prestations de soins, en appuyantles projets menés par des acteurs non gouverne-mentaux dans le domaine de la santé et du dé-veloppement social, et s’inscrivant dans le pro-gramme national de développement sanitaireet social (PRODESS) établi au Mali. Ce programmeréunit des fonds du ministère français des Affairesétrangères et européennes, destinés aux associa-tions, ONG et collectivités territoriales françai-ses comme maliennes. Le PCSM est donc unprogramme pluri-acteurs12, réunissant OSC etcollectivités locales du Nord et du Sud.

Ce cas nous intéresse car :

➤ il s’agit d’un programme impulsé de l’« ex-térieur », même s’il a été conçu et élaboréen concertation avec des acteurs maliens,permettant de porter un regard sur le rôlejoué par les organisations étrangères (ONGdu Nord, Coopération française, coopérationdécentralisée, etc.) dans les processus d’é-laboration de politiques nationales ;

➤ il s’agit d’un élément de mise en œuvre d’unprogramme national (le PRODESS) dans unsecteur social, concernant essentiellementles associations et les ONG engagées dansle secteur de la santé ;

➤ il s’agit d’un programme dit « concerté »impliquant des acteurs du Nord (OSC et col-lectivités locales) et du Sud (OSC, collectivi-tés locales, État) qui ont pris part à l’élabo-ration du second CSLP au Mali sur lesaspects relatifs à la santé.

●● La Plate-forme DESC13

du Mali : un exemple originalde mobilisation sociale citoyenneet de renforcement desorganisations de la société civile

La Plate-forme DESC du Mali a été créée pourappuyer la société civile dans le but de renfor-cer l’État de droit et la démocratie. Pour cefaire, elle interpelle les autorités publiques mal-iennes pour les pousser à répondre aux exigen-ces de droit et de démocratie réclamées par lespopulations, et à respecter leur engagement àrendre compte à la communauté internatio-nale de l’état de mise en œuvre du Pacte inter-national relatif aux droits économiques, sociauxet culturels (PIDESC). Elle s’engage à mobiliserles synergies pour la production d’un rapportfaisant l’état des lieux de la mise en œuvre deces droits au Mali.

La démarche de la Plate-forme DESC est fon-damentalement axée sur la concertation et lepartenariat avec le maximum d’acteurs possi-bles, y compris ceux de l’État, autour de labonne réalisation du PIDESC.

L’étude de l’action menée par la Plate-formeDESC nous intéresse car :

➤ il s’agit d’une démarche essentiellement ini-tiée et menée par les acteurs de la société ci-vile malienne, valorisant fortement le rôle del’opinion publique et sans négliger l’effetlevier que peut représenter la communautéinternationale pour faire pression sur l’État ;

➤ la Plate-forme DESC concentre son actionsur la concertation et sur le dialogue entreacteurs (au sein même de la société civile,avec l’État et au sein de l’État) autour desujets touchant tous les secteurs, via l’ap-proche par les droits ;

11 www.gpspmali.org/programmes/PCSM.htm12 Le modèle « pluri-acteurs » du PCSM rappelle celui des

PCPA (Programmes concertés pluri-acteurs) initiés parle ministère français des Affaires étrangères et euro-péennes. Cependant, il n’existe aucun lien institution-nel entre les deux formes de programme.

13 Plate-forme des droits économiques, sociaux et cultu-rels du Mali ([email protected]).

Page 9: Modalités de dialogue entre société civile et État

Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 13

➤ cette étude a été rédigée par les membresde la Plate-forme et constitue de fait un té-moignage de la société civile sur sa rencon-tre avec l’État.

●● La méthodologiede travail

Pour réaliser ces études de cas14, le Secrétariatexécutif du Réseau IMPACT a eu recours à desconsultants nationaux dans chacun des paysconcernés (Sénégal, Bénin et Mali). Grâce àdes enquêtes auprès des acteurs impliqués deprès ou de loin dans ces différents processusde dialogue entre organisations de la société ci-vile (OSC) et État, les experts ont :

➤ expliqué le contexte et les enjeux du dialo-gue ;

➤ défini les acteurs impliqués et leurs enjeuxpropres ;

➤ décrit les modalités du dialogue et racontéson itinéraire.

Ce travail consistant à retracer des histoires derencontres entre protagonistes, a été effectuédans une perspective analytique afin de four-nir un outil pour ouvrir les débats, aussi bien ducôté des acteurs de l’État que de ceux de la so-ciété civile, avec le souhait :

➤ d’alimenter les échanges sur « Commentse construisent et se mettent en œuvre despolitiques publiques concertées ? » ;

➤ d’identifier et de diffuser des processus ouéléments de processus de négociation ori-ginaux ;

➤ d’ouvrir des champs de réflexion en matièrede modalités de gouvernance.

●● Des réservesquant à l’accès auxinformations

En réalisant ce travail, nous avons eu pour am-bition d’analyser les relations que peuvent en-tretenir des organisations de la société civile etdes agents de l’État en Afrique de l’Ouest. Noussouhaitions raconter des expériences de ren-contres, narrer des histoires vécues en les ponc-tuant de faits anecdotiques sans nous limiteraux « grandes réussites de la concertation ».Nous voulions mettre à profit les échecs, mon-trer comment certains ont contourné les écueilspour porter le débat entre des pouvoirs publicset des acteurs de la société civile.

Mais le « terrain », le lieu même des rencont-res, nous a rappelé que la tâche n’est pas si sim-ple. Cette rencontre entre « l’État » et la « so-ciété civile » est un sujet sensible, et demeureune zone grise.

La durée très courte des enquêtes (un mois) etles faibles moyens consacrés aux études de casont limité notre capacité à obtenir des résul-tats approfondis qui appréhenderaient avectoute la finesse souhaitée les nombreux jeuxd’acteurs.

Ces jeux d’acteurs, si prégnants dans le cadredes processus de dialogue entre OSC et pou-voirs publics pour la définition, la conduite etle suivi de politiques publiques, influent direc-tement sur la capacité des personnes que nousavons interrogées à parler sans retenue. Bienque chacune des personnes interrogées ait ma-nifesté un réel intérêt pour ces études, lesconsultants se sont heurtés parfois aux problè-mes des non-dits, aux discours pré-établis, auxlieux communs, et ont même parfois participéà l’entretien du « secret ».

Il a été difficile de pénétrer dans la boîte noirede l’État, d’évaluer dans quelles mesures la col-laboration avec les acteurs sociaux modifie lefonctionnement de l’administration. En amont,qui a impulsé cette collaboration ? En aval,comment ces rencontres entre acteurs des po-litiques publiques influent-elles sur le fonction-

11 L’étude portant sur le Plate-forme DESC du Mali a étéréalisée de manière dissociée des trois autres. Rédigéepar les acteurs de la Plate-forme, elle est un témoi-gnage issu de certaines organisations de la société ci-vile. La méthode de travail adoptée et les mises engarde émises ci-après ne concernent que les trois étu-des de cas portant sur la LOASP au Sénégal, SocialWatch Bénin et le Programme Concerté Santé Mali.

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14 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

nement de l’État ? Comment les pratiques del’administration centrale et/ou des pouvoirs lo-caux évoluent-elles ? Quels ont été les chan-gements dans l’organisation ? Quels sont lesnouveaux rapports de force entre l’administra-tion centrale et les administrations décentrali-sées ? L’État est-il capable de déléguer la maî-trise d’ouvrage aux acteurs sociaux ?

Comment l’État et ses agents évaluent-ils lacapacité des acteurs sociaux à contribuer à l’éla-boration de politiques publiques ? En fonctionde cela, dans quelles mesures utilisent-ils laconcertation pour l’élaboration des politiquespubliques ? Est-ce une simple consultation for-melle ou une réelle prise en considération desopinions des acteurs sociaux ? Comment sefait l’arbitrage ?

Qu’en a-t-il été de ces acteurs « mixtes » com-binant différents statuts ? Comment les acteursimpliqués à la fois dans l’État et dans la sociétécivile (agents de l’administration dirigeantsd’ONG, par exemple) prennent-ils part aux né-gociations ? Y-a-t-il coalition ? Comment cer-tains acteurs sociaux deviennent-ils des leaderspolitiques ?

Tous ces questionnements apparaissent dansles études de cas sans toutefois être détaillés

Ces quelques limites n’ont pas empêché d’ex-traire un certain nombre d’interrogations desquatre études de cas proposées, en espérantqu’elles inciteront à poursuivre cet effort d’illus-tration et d’analyse des modalités de discus-sion entre pouvoirs publics et acteurs sociaux.

II. Récurrences et faitsmarquants de l’analysetransversale

Les études ont mis à jour des rencontres, par-fois inattendues, entre acteurs ; elles ont per-mis d’identifier des expériences qui ont jouéen faveur, ou non, du dialogue entre sociétécivile et État ainsi qu’au sein même de ces deuxentités (non homogènes).

●● À propos des acteursimpliqués dans leprocessus de dialogue :légitimité et rôles

Comment les OSC justifient-elles leur place àla table des discussions dans un processus d’éla-boration ou de mise en œuvre d’une politiquepublique ? Comment les pouvoirs publics affir-ment-ils leur légitimité dans le dialogue ?

La légitimité des acteurs en présence répond auxexigences et attentes des politiques publiques.En effet, il est admis que pour renforcer leur ef-ficacité et permettre à la puissance publique dejouer son rôle d’arbitre et de garant de l’intérêtgénéral, les politiques publiques doivent :

➤ prendre en compte l’ensemble des normeset réalités du terrain sur l’ensemble du ter-ritoire national ;

➤ répondre à des contraintes techniques (parexemple en ce qui concerne les politiquespubliques sectorielles) ; ou, autrement dit,s’inscrire dans l’ordre du réaliste (c’est-à-dire, en fonction des moyens disponibles,mais aussi de l’acceptation du projet).

Aussi, la légitimité des OSC à prendre part audialogue s’appuie-t-elle essentiellement surquatre points :

➤ leur implantation, leur représentativité etbase sociale et/ou ;

Page 11: Modalités de dialogue entre société civile et État

Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 15

➤ leurs compétences techniques et leurs sa-voir-faire et/ou ;

➤ leur capacité à décrypter et à diffuser desinformations pertinentes capables de mo-

biliser et d’influer sur l’opinion publiqueet/ou ;

➤ leur propre mode de fonctionnement interne(mode participatif, transparent et/ou collégial.

Le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux / CNCR se po-sitionne en tant qu’interlocuteur incontournable du Gouvernement sénégalais lors del’élaboration de la LOASP. En effet, en représentant plus de 3,5 millions de producteursrépartis sur l’ensemble du pays, il s’impose dans le dialogue comme « porte-paroledes paysans ».

Investi depuis plus de dix ans dans le développement d’une « agriculture paysanne »au moment des négociations avec l’État, doté d’une expertise technique déjà mise àl’épreuve dans le passé, le CNCR revendique le droit de participer directement à l’éla-boration de la loi. Il obtient gain de cause grâce à l’organisation d’une concertationpaysanne de plus de six mois, au cours de laquelle sont interrogés plus de 3 000 pro-ducteurs.

Le crédit donné au CNCR par le « monde rural » le rend légitime auprès duGouvernement. Ainsi, la concertation mise en œuvre au sein même du mouvementpaysan devient un outil pour aller dialoguer avec l’État.

Dans le cas de Social Watch Bénin, la démarche est inverse. Des organisations ex-térieures, notamment la Coopération hollandaise et le PNUD, ont cherché à faire émer-ger et consolider une démarche citoyenne. Ainsi, elles ont encouragé les OSC béni-noises à se fédérer au sein d’un groupe étiqueté « Social Watch » pour jouer un rôlede veille. Ces dernières acquièrent et renforcent leur crédibilité au fil du temps, grâceaux bailleurs étrangers qui appuient leur expertise et leur professionnalisation.

Comment les acteurs des politiquespubliques renforcent-ils leur crédibilitépour être entendus lors du dialogue ?

➤ En renforçant ou en développant des com-pétences grâce à des accompagnements,notamment d’experts qui assurent des for-mations et la réalisation d’études.

Social Watch Bénin fait appel à des « tuteurs », conseillers issus des administrationsbéninoises. L’État béninois s’implique ainsi en fournissant un appui technique auxOSC. Cependant, une certaine ambiguïté réside dans le fait que (i) ce sont les bailleursétrangers qui financent les tuteurs et non l’État béninois, (ii) les tuteurs déclarent inter-venir en toute indépendance vis-à-vis de l’État alors même que leurs administrationsrespectives sont impliquées dans le processus.

Page 12: Modalités de dialogue entre société civile et État

16 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

➤ En se regroupant en plate-forme ou en col-lectifs, les OSC peuvent (i) réunir des com-pétences complémentaires, (ii) élargir leurschamps d’action (domaines ou régions spé-cifiques jusqu’ici ignorées), (iii) obtenir desfinancements particuliers de la part des par-tenaires techniques et financiers.

L’État, de son côté, peut s’organiser, parexemple, en prenant connaissance des opi-nions et propositions émanant de forumsde la société civile, en préparant des discus-sions interministérielles, ou encore en met-tant en place des cellules de type CSLPcomme espaces de dialogue.

Au cours du processus d’élaboration de la LOASP, le Gouvernement sénégalaisa eu recours à des experts internationaux qui ont notamment participé à la rédactionde la loi d’orientation et à la finalisation de documents stratégiques.

Au cours de la phase de mise en œuvre, le ministère de l’Agriculture du Sénégal achargé la Direction de l’Analyse, de la Prévision et des Statistiques de coordonner l’ap-plication des différents engagements de la LOASP, dans une démarche de large concer-tation entre les acteurs. Sept groupes de travail thématiques ont ainsi été mis en placeauxquels participent des OSC du Sud et du Nord qui fournissent leur expertise.

La première étape pour la mise en place de la Plate-forme DESC du Mali aconsisté à l’alliance des OSC maliennes les plus influentes impliquées sur divers thè-mes liés à l’approche « droit ». L’ONG Guamina/Aoudaghost et le Mouvement despeuples pour l’éducation aux droits humains, deux organisations œuvrant dans le do-maine des droits humains au Mali et en Afrique, se réunissent en août 2005. Cette ren-contre permet d’identifier des partenaires éventuels et d’ouvrir la réflexion à cinqautres organisations : l’Association malienne des Droits de l’Homme (AMDH), laCoordination des associations et ONG féminines du Mali (CAFO), le Conseil nationalde la société civile (CNSC), le Conseil de concertation et d’appui aux ONG (CCA-ONG),l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). Ce rapprochement permet l’élar-gissement des compétences de la plate-forme à plusieurs thèmes relatifs aux droitshumains (droit de la femme, droit du travail, etc.).

➤ En informant, en communiquant et en sen-sibilisant sur leurs actions afin de mobiliserl’opinion publique.

Les acteurs impliqués dans les processus de dia-logue qui le peuvent consacrent une grandepart de leurs financements à l’information, àla sensibilisation et à la communication.Comment utiliser les modes de communica-tion, et notamment les médias, pour mobiliserl’opinion publique grâce à une information (dequalité, pertinente, communicante…) et ainsi

influer sur les choix pour l’élaboration et laconduite des politiques publiques ?

L’appropriation des débats relatifs aux choixpolitiques s’appuie sur une large diffusion del’information (notamment des éléments desdébats) à deux niveaux :

➤ au niveau des acteurs des politiques publiquesimpliqués dans le processus de dialogue(bonne compréhension des enjeux, etc.) ;

➤ au niveau des citoyens, concernés par lespolitiques publiques de réduction de la pau-

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Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 17

Social Watch Bénin forme des journalistes à l’analyse budgétaire afin d’améliorer laqualité de l’information diffusée dans les médias nationaux. En créant une celluleconsacrée uniquement à la communication, Social Watch Bénin adopte une stratégieclaire : informer le plus grand nombre pour promouvoir ses initiatives et sensibilisersur les questions relatives au contrôle citoyen de l’action publique. Cependant, l’uti-lisation des supports de communication n’est pas anodine. Des critiques émergent ducœur même de la structure vis-à-vis du bulletin d’information de Social Watch Bénin,que certains jugent trop militant et pas assez informatif.

Le CNCR, lors de la concertation nationale qu’il a initiée au Sénégal, a travaillé enétroite connivence avec les médias (télévisions, radios, journaux, etc.) afin de diffuserlargement les débats. L’information a circulé dans plusieurs langues nationales, per-mettant à tous de se forger un avis et ainsi de « s’approprier » les ressorts du proces-sus. La campagne de communication menée par le CNCR a visé l’ensemble de la po-pulation sénégalaise, rurale comme urbaine. Au moment de la publication du Manifestepaysan, les OSC ont organisé une mobilisation de 30 000 personnes au Stade LéopoldSédar Senghor de Dakar. Cette manifestation, diffusée par les médias locaux et lestélévisons internationales dont TV5, était précédée d’une campagne d’affichage avecla mention « Sénégalaises, Sénégalais, les paysans vous parlent le 26 janvier 2003 ».En décloisonnant le dialogue du monde paysan vers tous les citoyens, le syndicat pay-san a affirmé l’importance de tenir un débat national. En portant la LOASP au pre-mier plan de l’actualité, il a obligé l’État sénégalais à placer l’élaboration de la politiqueagricole dans ses priorités.

vreté et des inégalités discutées (pas unique-ment « destinataires » en dernier ressort despolitiques, mais aussi à entendre comme élé-

ments moteurs pour initier un besoin de ré-forme autour d’un enjeu – objectif ou pro-blème – fortement partagé/ressenti).

Pour informer et sensibiliser les populations maliennes sur leurs droits, la Plate-forme DESC a valorisé les compétences capitalisées au sein de ses OSC membres. Lesacteurs ont utilisé des supports pédagogiques déjà existants pour intervenir dans lesvillages, sur les marchés. Ils ont réalisé des bandes annonces pour la radio et la télé-vision. D’après les membres de la Plate-forme, bien que réalisée à moindre frais, lacampagne de sensibilisation et d’information a porté ses fruits : « jusqu’à aujourd’hui,les gens nous appellent pour savoir où nous en sommes »15.

Les sollicitations des populations participent au renforcement de l’action de la Plate-forme : « l’enthousiasme de la population pour notre mouvement nous empêche delâcher prise. Les gens nous font savoir tous les jours qu’ils attendent beaucoup denous »16.

15 Madani Koumaré, entretien personnel, septembre 2007.16 Idem.

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18 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

Des OSC maliennes se sont organisées en plate-forme afin de collecter les informa-tions nécessaires à la publication d’un rapport sur l’état d’avancement des droits écono-miques, sociaux et culturels dans le pays, dans le but de mettre l’État face à ses obliga-tions internationales vis-à-vis des Nations Unies et ainsi de l’obliger à rédiger son proprerapport national pour le Comité des DESC à Genève.

Suite à la parution du rapport de la Plate-forme DESC (rapport dit « alternatif » car issude la société civile), les autorités maliennes, reconnaissant autant les carences de leurspropres compétences que le savoir-faire des OSC, ont demandé à la Plate-forme DESCde contribuer à la rédaction du rapport de l’État en intégrant une cellule interminis-térielle constituée à cet effet. Cette dernière en refusant s’est clairement positionnéeen distinguant le rôle de « plaidoyer » pour la rédaction d’un rapport de celui de« consultant » dans la rédaction même du rapport (ce qui n’exclut pas un accompa-gnement en termes de sensibilisation et de formation des agents de l’État pour lesaider à réaliser eux-mêmes le rapport officiel).

●● Comment définir la placedes acteurs dans leprocessus de dialogue ?

Quelles positions les acteurs doivent-ils adop-ter les uns par rapport aux autres pour ne pasrisquer la légitimité de leurs actions tout en res-tant dans une relation de bonne entente avecleurs interlocuteurs ?

L’enjeu pour l’État est d’assurer le pilotage, lacoordination, le suivi, le contrôle de la mise enœuvre des politiques publiques. Certaines de sesfonctions (exécution directe d’un programmede santé par exemple) ont été transférées auxcollectivités décentralisées et d’autres à des ac-teurs sociaux contractualisés comme opéra-teurs. Un tel changement dans les prérogatives,lié notamment aux politiques de décentralisa-tion, ne se fait pas sans mal et sans réticence

de la part de l’État. Du côté des collectivités,les ressources et les compétences manquentsouvent, les transferts prévus restent incom-plets. Du côté de la société civile, malgré lamultiplication des initiatives, le renforcementdes capacités reste une priorité.

Comment l’État doit-il aborder les acteurs so-ciaux pour garder ses prérogatives tout en ayantrecours et en valorisant les compétences de cesderniers ? Comment les OSC doivent-elles sepositionner vis-à-vis de l’État pour le soutenirdans ses intentions de réforme ou bien lorsquecelui-ci manque à ces engagements ?

La contractualisation des relations, par le biaisde la mise en œuvre de programmes concer-tés, suffit-elle à renforcer l’efficacité d’un pro-gramme (ou d’une politique) ? Comment leprocessus de concertation/dialogue pour amé-liorer l’efficacité des actions menées doit-il êtreaccompagné pour être optimal ?

Le Programme Concerté Santé Mali a mis en place une instance mixte Nord-Sudréunissant : l’État et le ministère de la Santé du Mali, le MAE français, la société civilemalienne – avec le Groupe Pivot Santé Population (collectif d’ONG et associations ma-liennes intervenant dans le domaine de la santé) – et une ONG chef de file des ONGfrançaises, les collectivités territoriales – avec l’Association des municipalités du Mali –et une collectivité chef de file des collectivités françaises.

Cette instance, appelée Comité de direction, est chargée du pilotage du programmeet de l’attribution d’un fonds à des porteurs de projets (ONG et collectivités, tant .../...

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Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 19

●● Le choix desreprésentants et desanimateurs du processusde dialogue

Le choix des animateurs, des représentants etinterlocuteurs au cours du processus de dis-cussions entre la société civile et l’État joue évi-demment un rôle important dans la rencontre.En effectuant ce choix, chacune des parties en

présence marque sa volonté d’échanger et d’ar-river à un consensus, ou au contraire d’éviterle dialogue. Il doit donc être compris comme ungeste politique fort, porteur de sens.

Comment les OSC et les États doivent-ils choi-sir leurs représentants pour favoriser l’avancéedu processus de dialogue ? Comment les OSCet les États doivent-ils se positionner face à unchoix de représentation stratégique et contraireà leurs enjeux de la part de leurs interlocuteursrespectifs ?

françaises que maliennes) dans le domaine de la santé. Le Comité de direction sélec-tionne les projets présentés sur la base d’une grille de critères prenant en compte lacohérence avec la politique sectorielle santé et la décentralisation au Mali.

Le programme a contribué, à travers des conventions et protocoles, à définir le rôlede chaque acteur dans l’utilisation du fonds et dans la réalisation des projets. Un teldispositif est susceptible d’aider l’État malien, les OSC et les collectivités à collaborerautour des questions de santé.

Dans le cas du processus lié à la LOASP au Sénégal, la société civile et l’État ontchacun choisi un médiateur. Ce choix, en mettant en vis-à-vis deux personnalités do-tées, en plus de leurs compétences, d’une même vision de l’agriculture, a permis l’ou-verture du dialogue. Ces deux personnes, ayant déjà travaillé ensemble, ont trouvédes terrains de communication communs.

●● L’ampleur du dialoguedépend-elle de l’ampleurdu financement ?

L’investissement financier dans le champ de laconcertation et du dialogue contribue à laréussite des processus. À quel moment l’appuifinancier doit-il intervenir pour laisser la crédi-bilité aux initiateurs des processus ? Commentle financement influe-t-il sur l’indépendancedu processus ?

Le poids des ressources mises à disposition pour permettre et animer le processus dedialogue apparaît clairement dans le cas de l’action de suivi et de contrôle du bud-get de l’État par Social Watch Bénin. En effet, le PNUD et la SNV, principaux bailleursdu processus, en investissant d’importants moyens techniques et financiers, ont .../...

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20 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

Social Watch Bénin est un mouvement jeune qui a émergé en 2005. En moinsd’un an, la cellule de contrôle et de suivi du budget national est devenue opération-nelle. Malgré le dynamisme et la bonne volonté de ses fondateurs, la cellule rencon-tre des difficultés de fonctionnement (reconnues par tous) liées à la lourdeur de sastructure. D’un avis général, la rapidité de cette mise en place a limité les possibilitésde mûrir la réflexion préalable et d’anticiper les actuels problèmes organisationnels.

Composée de 54 membres dont la présence n’est pas toujours justifiée, la cellule decontrôle et de suivi du budget de l’État est difficile à gérer. Peu réactive, elle sera al-légée pour permettre la mise en place d’un cadre de concertation plus efficace.

Fort de ses expériences précédentes, le CNCR a évité l’écueil de la précipita-tion en demandant le report de prises de décisions sur lesquelles le consensus ne sefaisait pas (le volet foncier de la LOASP). Au final, le temps de concertation prévu audépart par la Présidence sénégalaise a été doublé. Finalement, cela a permis la réali-sation d’une plus large concertation paysanne, le renforcement de la capacité des ac-teurs et la réalisation de plusieurs missions d’expertises. En revanche, aujourd’hui, leprocessus lié à la mise en œuvre de la LOASP souffre de la lenteur des prises de déci-sion. Les procédures traînent en longueur, les débats ont du mal à s’organiser. Aucuneéchéance n’a été fixée pour mettre en application la loi d’orientation.

Les représentants de la Plate-forme DESC du Mali ont adopté une stratégie spéci-fique par rapport aux bailleurs. Ils affirment avoir travaillé « bénévolement », ne de-mandant de soutien financier ni à l’État malien, ni aux bailleurs, afin de préserver l’in-dépendance de leur mouvement, garante selon eux de leur crédibilité. Ainsi, en renforçantle caractère citoyen de leur action et en la singularisant des autres processus financéset/ou impulsés de l’extérieur, ils souhaitent attirer l’attention de partenaires du Nord.

●● Le temps : « donner dusouffle » au dialogue ou« épuiser les ressources »des discutants ?

La prise en compte du facteur « temps » déter-mine le déroulement du dialogue. Les étapes nedoivent être « ni trop longues, ni trop courtes ».Comment maîtriser les séquences, le rythme et ladurée du dialogue ? Qui fixe les règles ? Commentpeut-on influer sur la temporalité d’un processusde dialogue pour en améliorer l’efficacité ?

permis la naissance rapide de Social Watch Bénin d’une part, mais aussi par la suitel’émergence de la cellule de suivi et de contrôle du budget de l’État. En moins d’unan, la réalisation de formations, la rédaction de rapports et la mise en place d’un dia-logue régulier entre Social Watch Bénin et l’État béninois se sont concrétisées.

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Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 21

●● La prise en compte deséchelles dans le processus :un mode de renforcementde la démocratie ?

L’État s’engage (par le biais des CSLP notam-ment) à réduire les inégalités y compris spatia-les – entre régions, entre villes et campagnes –pour assurer le développement harmonieux deson territoire. Il est admis que les politiques deréduction de la pauvreté et des inégalités doi-vent tenir compte des dynamiques socio-éco-nomiques aux échelles « micro » comme« macro ». Prendre en considération les interre-lations entre ces différentes échelles contribueà l’élaboration et à la mise en œuvre de poli-tiques publiques en adéquation avec la pluralitédes normes locales et avec le contexte global.

La participation et la concertation, entre OSCmais aussi entre OSC et État, est un élémentmajeur dans l’élaboration, la mise en œuvre etle suivi des politiques publiques de réduction dela pauvreté et des inégalités. Pour qu’elles soientvalorisées, concertation et participation doiventaussi être prises en compte au sein même desÉtats qui doivent organiser l’appropriation desprocessus en renforçant la participation de tou-tes les catégories de personnel sur l’ensembledu territoire concerné (du ministère au district).

Ces concertations organisées et structuréessont des outils de dialogue entre organisationsde la société civile et avec l’État, mais les jeuxd’échelle, nécessaires à la mise en œuvre deprocessus de dialogue, sont-ils suffisants pourla prise en compte de la réduction des inéga-lités territoriales dans les politiques publiques ?

Lors de la concertation paysanne initiée au moment de l’élaboration de la LOASP, le CNCRa souhaité prendre en compte l’ensemble de l’espace national, selon un schémapyramidal : des réunions ont été organisées dans les villages, puis des représentantsdésignés se sont rendus aux réunions départementales ; au cours de ces dernières ontété désignés de nouveaux représentants qui ont participé à des réunions régionales avantde se rencontrer en comité national. Chacune des onze régions du Sénégal a été ainsiconsultée avant la rédaction du contre-projet de loi d’orientation agricole du CNCR.

À cause de ses budgets limités, la Plate-forme DESC du Mali a procédé de façondifférente. Toutes les thématiques en matière de droits n’ont pu être abordées sur l’en-semble du territoire. Pour prendre en compte des réalités multiples, fortement illus-tratives d’une réalité nationale, les membres de la plate-forme ont choisi de baser lesconcertations sur les problèmes prioritaires de chaque région et de mettre le tout enperspective (à partir, donc, des exemples les plus forts).

●● Comment animerle dialogue pour éviterla démobilisation des acteurs ?

En renforçant le caractère itératif du dialogue,les instigateurs et acteurs des processus pro-voquent et entretiennent le débat. La concer-tation est alors utilisée comme un outil de

démocratie destiné à mettre les acteurs dudéveloppement face à leurs responsabilités.

Il peut s’agir de différents groupes d’acteursde la société civile qui mettent l’État face à sesresponsabilités. Mais il peut s’agir aussi d’unÉtat qui, en menant une concertation, peutmettre ses bailleurs face à la nécessité de

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22 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

III. Des débats etdes questions de fond

Les études de cas présentées ci-après ont ré-vélé des expériences de dialogue plus ou

moins réussies. Avant tout, ces expériencesont favorisé la rencontre de l’État et de la so-ciété civile, de la puissance publique et descitoyens, des organisations de la société ci-vile et des citoyens.

Au terme des différentes observations faitessur ces processus, quelques questions de fondse posent.

Les membres de la Plate-forme DESC du Mali retournent régulièrement rencontrerles personnes qui ont participé de près ou de loin à la campagne d’enquêtes et desensibilisation qui a précédé la rédaction du rapport alternatif. Ainsi, les représentantsdes structures déconcentrées et décentralisées de l’État (chambres régionales, commu-nales, représentants de services ministériels, maires, etc.) sont régulièrement informésde l’état d’avancement du dossier DESC. Cela contribue au maintien et à l’entretiend’une relation régulière avec l’État.

financer tel ou tel programme. Ou bien encore,les organisations de la société civile ont-elles àrendre des comptes sur ce qu’elles ont contri-bué à mettre en place (ce qu’elles ont négocié

et obtenu est-il fidèle aux attentes et besoinsde leurs membres et plus largement des ci-toyens dont elles prétendent se faire le porte-parole ?). Les combinaisons sont multiples.

Dans le Programme Concerté Santé Mali, la conception et l’élaboration du pro-gramme ont été portées par une réelle concertation entre les acteurs non gouverne-mentaux Nord et Sud. Avec le PCSM I, le fonds mis en place a été géré de manièreconcertée entre ministère/ONG/collectivités territoriales Nord et Sud et été attribué àla réalisation des projets au Mali. Mais la réflexion et les échanges conjoints prévusentre les acteurs des ONG et des collectivités tant Nord que Sud n’ont pas vraimenteu lieu. Ils devaient permettre la mise en œuvre d’un processus de capitalisation au-tour d’une expérience originale.

Avec le PCSM II (deuxième phase du programme prenant déjà fin en 2007), les rela-tions entre les acteurs selon leur ancrage institutionnel (qu’ils appartiennent au mondeassociatif de la société civile ou qu’ils soient élus et personnels des collectivités terri-toriales) se sont encore amoindries. Le Groupe Santé France remarque une démobili-sation du Groupe Santé Mali. En effet, le PCSM ne parvient pas à mobiliser les acteursmaliens qui semblent voir le programme comme un simple guichet de financement,relativement classique, de projets. L’objectif premier de créer une synergie entre lesacteurs œuvrant au développement de l’accès aux soins sur le territoire malien, ne pa-raît donc pas vraiment atteint.

Le processus de concertation, initié par les OSC du Nord, n’a pas été approprié dansles termes attendus par les OSC et collectivités du Sud.

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Analyse transversale à partir de quatre études de cas — 23

●● Peut-on encore opposerÉtat et société civile ?

La réflexion en termes de politiques publiquesconcertées permet d’analyser le rôle et laresponsabilité de chacun, du côté étatiquecomme non étatique, mais sans pour autantremettre en question le rôle d’arbitrage de lapuissance publique.

Il existe de nombreuses interrelations entre Étatet société civile qui empêchent de les opposercatégoriquement. Pour autant ce n’est pas nonplus la même chose. Les formes de collabora-tion entre État et acteurs sociaux organisés sonten mutation, et pas seulement dans les paysen développement.

Ces différentes études de cas nous montrentque les citoyens et la société civile des paysconcernés par les enquêtes ont largement dé-passé la vision caricaturale de l’« État cor-rompu ». Les OSC entretiennent des relationsrégulières avec les représentants étatiques etattendent beaucoup de leurs élus pour mettreen œuvre des politiques publiques de réduc-tion de la pauvreté et des inégalités. Inverse-ment, les États prennent conscience du poten-tiel des OSC et notamment de leur capacité àmobiliser l’opinion publique et essaient d’ex-ploiter leurs compétences pour l’élaborationet la mise en œuvre de telles politiques.

La société civile est complexe, hétérogène, com-posée de groupes multiples, mouvants et enche-vêtrés, dont les intérêts sont souvent conflictuelset inféodés aux groupes sociaux dominants. C’estaussi un espace d’organisation, d’autonomie, decontre-pouvoir. Elle n’est pas a priori porteusede projets d’intérêt général réducteurs des in-égalités, mais elle représente une forte contribu-tion à la dynamique nationale et des formes delégitimité qui ont besoin d’être reconnues.

Les États sont des acteurs essentiels. Les Étatsdoivent faire face aux obligations prises vis-à-visdes citoyens et des bailleurs investis dans l’aideau développement en jouant pleinement leurrôle de régulateurs. Ils doivent occuper leurplace sur la scène publique et initier ou mettreen œuvre des politiques publiques ayant pour

objectifs l’amélioration des conditions de viedes populations sur l’ensemble du territoire.

Mais s’ils veulent que leurs actions et leurs po-litiques à court et moyen terme soient effica-ces et d’effets durables, ils doivent permettrel’émergence des organisations collectives, dèslors qu’elles sont reconnues représentatives d’in-térêts légitimes. Ils doivent soutenir leur impli-cation dans les politiques d’intervention. Il s’a-git, en particulier, de renforcer le soutien à desgroupes d’acteurs sociaux marginalisés en ter-mes d’accès aux ressources et au pouvoir. Cesgroupes d’acteurs sont, généralement, issusd’organisations collectives locales, nées d’uneconvergence d’intérêts vécus dans la proximitéet au quotidien (telles que les organisations pro-fessionnelles agricoles, les commerçants et en-trepreneurs, les fédérations d’artisans, les grou-pements syndicaux, les comités de santé, lesassociations de femmes, etc.) qui, peu à peu, sestructurent à des niveaux où elles peuvent pesersur les politiques d’intervention. Ces groupesd’acteurs, organisations de la société civile, peu-vent jouer un rôle essentiel dans les processusd’élaboration et de mise en œuvre de telles po-litiques, tant au niveau national que local17.

●● Comment s’assurerd’une reconnaissanceréciproque et tournéevers l’intérêt général ?

Les réseaux de clientèles familiaux, politiques,religieux et statutaires remettent en cause cetteopposition société civile/État/collectivités. Ainsicertains acteurs de la société civile entretien-nent des relations sociales (de parenté, de culte,etc.) avec des agents de l’administration. Demême, des fonctionnaires d’État peuvent êtredirigeants d’ONG.

Les activités et intérêts multiples des acteurs im-pliqués dans le dialogue favorisent parfois le mé-lange des genres et la confusion des objets.

17 Cf. Réseau IMPACT (2003), Historique, convictions etquestions structurantes.

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24 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

L’éventuelle crainte de la collaboration est par-fois motivée par une méconnaissance réciproque,notamment des contraintes spécifiques à chaqueacteur et le non-respect de logiques différentes.Pourtant, chacun a sa place et son rôle : l’idéeessentielle étant de ne pas chercher à se substi-tuer les uns aux autres, de ne pas d’emblée re-jeter ou critiquer sans chercher à comprendre,mais de s’enrichir par la rencontre. Ce n’est passimple : déséquilibres dans les moyens disponi-bles, différences dans les responsabilités et man-dats donnés ou dans les modes d’actions, etc.ne facilitent pas toujours des processus de dia-logue, de concertation, de négociation et decollaboration sereins et productifs.

●● Dans le dialogue, quelleplace pour le conflit ?

Doit-on accepter des compromis imparfaitspour éviter le conflit ? Comment gère-t-on leconflit et comment le rapport de force peut-ilenrichir un processus de concertation ?

Les processus de concertation, de négociationet de médiation, ont pour objet premier de pro-jeter, voire de décider ensemble. Quelle place àla contestation dans ces processus ? La confron-tation peut être entendue comme porteuse dedynamiques constructives de transformationsociale et comme une phase à part entière desprocessus de dialogue liés à la définition et à lamise en place de politiques publiques. Se pla-cer dans une posture conflictuelle avec son inter-locuteur suppose disposer d’une marge de li-berté et assumer une prise de responsabilitéface à des enjeux considérés comme forts.

●● Comment les acteursnationaux utilisent-ilsles initiatives exogènespour les transformer en dynamiquesendogènes ?

Les quatre processus de dialogue étudiés onttous été soit initiés, soit soutenus, par des par-

tenaires techniques et financiers du Nord. Bienque, comme nous venons de le dire, aucun desquatre processus n’ait atteint jusqu’à présentles résultats escomptés, il semble que l’appuifinancier et/ou technique fourni par les parte-naires au développement ait servi de « chaussepied », de « levier » ou de « déclencheur » àdes mouvements.

Nous n’inventons rien en affirmant que les fi-nancements alloués de plus en plus fréquem-ment aux processus de concertation créent desvocations nouvelles au sein de la société civileet des États. Les financements externes sonttoujours les bienvenus dans les processus dedialogue entre société civile et État. Cependant,ils risquent de générer la mise en œuvre deprocessus relativement artificiels.

Comment les États et les OSC du Sud doivent-ils envisager leurs relations avec les bailleurspour préserver leur indépendance et leurliberté décisionnelle surtout lorsque l’aide estallouée par le biais de financements fléchés ?

Heureusement, la tendance en faveur de l’aidebudgétaire globale pour les États permet derépondre en partie à cela. Au-delà des finan-cements, l’appropriation des processus par lesacteurs sociaux, notamment à travers la co-gestion, peut générer aussi de nouvelles rela-tions de pouvoir susceptibles de transforma-tion sociale.

●● Dans quelles mesuresl’appropriation peut-ellegarantir le renforcementde l’efficacité de l’aide ?

Le lien entre appropriation et efficacité de l’aidedemeure flou si l’on en reste aux résultats at-tendus par les bailleurs et par les organisationsdu Nord.

Les quatre études de cas proposées nous mon-trent bien que les processus sont appropriés parles États et les OSC. La LOASP sénégalaise estle résultat d’un processus de négociation long etstructuré entre l’État et la société civile, qui se sont

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attaqués aux questions relatives à la lutte contrela pauvreté et les inégalités dans le secteur agri-cole. La concertation mise en œuvre dans lecadre de la rédaction du rapport alternatif sur lesDESC au Mali a réuni à de nombreuses reprisesla Plate-forme DESC et l’État malien et a proba-blement participé à favoriser l’intégration de lanotion de droit dans la thématique de la luttecontre la pauvreté et les inégalités. Le ProgrammeConcerté Santé Mali, géré par le Groupe PivotSanté Population, finance de plus en plus deprojets de Santé sur le territoire malien. Le nom-bre d’OSC impliquées dans l’action de SocialWatch Bénin augmente, donnant du poids dansles négociations.

Cependant, dans chacune des études de cas,les résultats initialement attendus ne sont pasencore atteints. La loi d’orientation agro-sylvo-pastorale sénégalaise, bien que votée, n’estpas appliquée. Le Groupe Santé France duProgramme Concerté Santé Mali regrette l’ab-sence d’interlocuteurs au Sud et la perceptiondu programme en un guichet de financementde projets. Social Watch Bénin qui, à sa dé-charge débute son activité, n’est pas encoreen mesure d’effectuer pleinement le suivi etle contrôle du budget de l’État. Le rapport of-ficiel de l’État malien sur l’état des DESC n’estpas publié.

Ces expériences renforcent l’idée que la miseen œuvre de processus participatifs n’est pas– seule – une mesure suffisante à l’obtention derésultats. Cependant, ces dialogues entre « so-ciété civile » et « État », qui prennent des formesrelativement nouvelles, marquent un progrès in-déniable dans l’appropriation des politiques etdans le renforcement de leur efficacité.

> Conclusion

Toutes ces questions relatives aux expériencesétudiées nous permettent d’avancer que le ren-forcement de la gouvernance suppose :

➤ des citoyens et une société civile forts, capa-bles de (i) jouer leur rôle de veille citoyenneet mobiliser l’opinion publique pour inscriredes thèmes dans l’agenda prioritaire desgouvernements, (ii) dialoguer et négocieravec les États pour construire et appliquerdes politiques publiques efficaces, prenant encompte à la fois la pluralité des normes lo-cales et les enjeux macro-économiques ;

➤ le renforcement des compétences au seindes États et des administrations décentraliséesafin que la puissance publique puisse (i) as-surer le dialogue et la concertation avec lasociété civile, (ii) prendre ses responsabilitésvis-à-vis des populations en élaborant et enmettant en œuvre des politiques publiquesconcertées, (iii) assurer ses fonctions réga-liennes d’harmonisation et de redistributiondes richesses pour assurer la croissance et ré-duire la pauvreté et les inégalités écono-miques, sociales, culturelles et territoriales.

La concertation entre OSC et État est un faitrelativement nouveau. La réflexion sur les mo-dalités des rencontres doit être poursuivie dansune optique non partisane. Une approche pluri-disciplinaire, qui prendrait en compte les avis degéographes, d’anthropologues, politologues,sociologues, etc., permettra d’approfondir nosconnaissances sur les effets induits de la concer-tation. Ces études de cas africaines nous rap-pellent étrangement des contextes européens.Aussi, il serait pertinent de mettre en perspec-tives des expériences du Nord et du Sud pourcontinuer à faire évoluer la réflexion et à ali-menter le débat.

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26 — Analyse transversale à partir de quatre études de cas

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DEUXIÈME PARTIE

Études de cas

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E n juin 2004, le Sénégal a adopté une loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP)qui constituera le cadre de référence du développement agricole et rural duSénégal pour les vingt prochaines années. Les principaux enjeux de pouvoirs liés

à la LOASP s’articulent autour de l’agriculture familiale et de l’entreprenariat agricole,avec comme levier la réforme foncière.

Le projet de loi d’orientation agricole préparé selon une démarche descendante a étésoumis à une large concertation. Celle-ci a impliqué les principaux acteurs publics et pri-vés : l’État et ses démembrements, les organisations de producteurs, les députés et lespartenaires au développement. L’itinéraire de la définition de la loi intègre trois gran-des étapes : la proposition d’un avant-projet de loi présidentiel (2002), la formulationd’une contre-proposition paysanne par le Conseil national de concertation et coopé-ration des ruraux (CNCR, 2003) et le vote d’une loi consensuelle (2004). La concerta-tion interne du CNCR a révélé une forte mobilisation paysanne, la capacité à initier undialogue organisé qui a mené à une contre-proposition réfléchie et responsable.

La LOASP a accusé d’énormes retards dans sa mise en œuvre. Cette situation s’expliquepar une série de facteurs, dont le plus important est l’absence de portage politiqueavec comme conséquence l’absence d’une méthodologie claire d’élaboration des tex-tes d’application, le manque de financement et la démobilisation des acteurs.

Les modalités du processus de concertation sont marquées par un face-à-face d’anima-teurs légitimes, et caractérisées par des financements partiels et un déficit de commu-nication.

Le processus d’élaboration de la LOASP consacre la réappropriation de l’élaborationdes politiques publiques agricoles par l’État du Sénégal et l’appropriation du processuset du contenu de la loi par les organisations de producteurs. La démarche participativemarque une rupture avec les approches d’élaboration de politiques et de stratégies for-tement influencées par les bailleurs de fonds et renforce la gouvernance des affaires pu-bliques. Le parlement, impliqué dès le début du processus, constitue un relais puissantd’accélération des procédures d’adoption. Il reste toutefois à conforter sa capacité desuivre et de contrôler la mise en œuvre.

L’expérience du processus d’élaboration et d’adoption de la LOASP met en évidence lanécessité, pour l’appropriation des politiques partagées, d’organisations professionnel-les fortes et d’une participation réelle qui requiert compétences, argent et temps.

L’un des points faibles de la démarche d’élaboration de la LOASP, instrument juridique,institutionnel et financier, avec une perspective à long terme, est l’absence (i) de clari-fication des objectifs, (ii) de stratégies de développement agricole, (iii) de programmesopérationnels et (iii) de budgets appropriés.

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 29

> Introduction

En juin 2004, le Sénégal a adopté une loid’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP2) quiconstituera le cadre de référence et de cohé-rence du développement agricole et rural duSénégal pour les vingt prochaines années. Cetteloi résulte d’une large concertation entre l’Étatet les acteurs du secteur du développementagricole et rural. Exemple de processus nationalde définition et de mise en œuvre d’une poli-tique publique sectorielle, il nous a paru utileet intéressant d’examiner les modalités de dia-logue entre l’État et la société civile pour l’éla-boration, la mise en œuvre et le suivi-évalua-tion de la politique agricole nationale etconcertée du Sénégal centrée sur la réductionde la pauvreté et des inégalités. Les enjeux sontde comprendre l’influence de la participationet de l’appropriation dans la qualité des décisionset de la gouvernance publique.

La méthode de travail a consisté en une col-lecte et une analyse de la littérature disponi-ble et l’exploitation des différentes versions dela loi, des rapports des concertations paysan-nes, des contributions, des articles de pressepubliés3. Ce travail a été complété par une ving-taine d’entretiens auprès des personnes impli-

quées dans le processus et des personnes res-sources (facilitateur, équipe de rédaction dutexte initial, négociateurs, responsables des or-ganisations de producteurs et de l’État et assis-tants techniques). La quasi-totalité des acteursclés du processus d’élaboration et de mise enœuvre de la loi ont été interrogés.

Après avoir présenté le contexte d’élaborationet de mise en œuvre de la loi, nous dresseronsla cartographie des acteurs impliqués dans leprocessus d’élaboration et de mise en œuvre dela LOASP. Puis, nous identifierons les caracté-ristiques du processus en définissant ses moda-lités et en retraçant son itinéraire. Enfin, nousexaminerons les résultats obtenus et tireronsles enseignements de cette expérience deconcertation entre l’État et les organisationsde la société civile du Sénégal.

ÉTUDE D’UN PROCESSUS NATIONAL DE DÉFINITIONET DE MISE EN ŒUVRE D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE SECTORIELLE

Le cas de la Loi d’OrientationAgro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

Par Dr Thiendou Niang1

1 Directeur de « Afrique Communication », Dakar,Sénégal, [email protected]

2 Loi no 2004-16 du 4 juin 2004 portant loi d’orientationagro-sylvo-pastorale. Publiée au Journal officiel de laRépublique du Sénégal, JO no 6 176 du samedi 14 août2004. Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique,Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques,2004, Dakar, 43 p.

3 Bureau d’appui de la Coopération sénégalo-suisse,2007, Revue de presse du 8 janvier 2003 au 1er mai2007 sur la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale, horssérie, Dakar, 84 p.

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30 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

> Contexte

Le secteur primaire (agriculture, élevage, fores-terie et pêche) occupe une place importantedans l’économie sénégalaise. Il contribue pourprès de 20 % à la formation du produit inté-rieur brut (PIB). Des filières du sous-secteur agri-cole (arachide, coton, horticulture, etc.) partici-pent au développement de l’industrie et auxéchanges commerciaux extérieurs du pays. Cesecteur emploie plus de 60 % de la populationactive nationale et apporte une contribution es-sentielle à l’amélioration de la sécurité alimen-taire4. En outre, l’agriculture reste la principalebase de développement artisanal et industriel.

« Le sous-secteur agricole a connu une crois-sance régulière jusqu’à la fin des années 60avant d’entrer dans une phase de croissanceralentie. De 1960 à 2000, on observe au Sénégalune baisse progressive de la part de l’agricul-ture dans l’économie qui descend en dessous de10 % du PIB. Les Plans d’ajustement structurelqui ont été appliqués à l’économie sénégalaiseont révélé l’inefficacité du seul ajustement parla demande. En comprimant la demande sansagir fondamentalement sur l’offre, ils ont in-hibé la construction d’une croissance redistri-butive. C’est alors que la pauvreté à dominanterurale s’est élargie et approfondie. Les couchesmoyennes se sont affaissées rejoignant dans laprécarisation les couches pauvres5. »

Malgré les initiatives de politiques publiques suc-cessives, la pauvreté continue de croître en mi-lieu rural et le déficit de la balance commercialedes produits alimentaires au Sénégal n’est pasenrayé. La dégradation des ressources naturel-les, liée à la surexploitation du milieu, contribueà fragiliser plus encore la petite paysannerie.

Sur le plan régional, les États membres del’Union économique et monétaire Ouest-afri-caine (UEMOA), dont fait partie le Sénégal, ontadopté en décembre 2001 une politique agri-cole communautaire, la Politique agricole del’Union (PAU), qui a pour objectif de renforcerla sécurité alimentaire et d’améliorer les condi-tions de vie des populations agricoles6.

Sur le plan national, en l’an 2000, l’électiond’Abdoulaye Wade a marqué une alternancepolitique démocratique. Ce dernier, défenseurdu libéralisme, s’est engagé dans le renouvel-lement des processus liés aux politiques pu-bliques et dans les réformes institutionnelles.

Dans ce contexte, en 2002, le Président de laRépublique a décidé de renforcer les orienta-tions stratégiques du secteur agricole en intro-duisant une rupture par rapport aux stratégiesantérieures de développement agricole et rural,en promouvant une réappropriation des proces-sus d’élaboration des politiques agricoles par leSénégal (notamment en impliquant l’État, lesacteurs du monde rural et la représentationnationale).

La LOASP fonde la politique agricole et ruraledu Sénégal et repose sur les principes direc-teurs que sont l’efficacité économique, l’équitésociale, la durabilité, la libéralisation écono-mique, la décentralisation, la solidarité et lasubsidiarité, la compétition sous-régionale.

Ses objectifs sont :

➤ la réduction de l’impact des risques clima-tiques, économiques, environnementaux etsanitaires, par la maîtrise de l’eau, la diver-sification des productions, la formation desruraux, afin d’améliorer la sécurité alimen-taire de la population et de réaliser à termela souveraineté alimentaire du pays ;

➤ l’amélioration des revenus et du niveau devie des populations rurales, et la mise enplace d’un régime de protection sociale enleur faveur ;

➤ l’amélioration du cadre et des conditionsde vie en milieu rural, notamment par l’ac-cès aux infrastructures et aux services pu-blics, grâce à un aménagement équilibré etcohérent du territoire ;

4 DIA Ameth Tidiane, FALL Abdou Salam, 2005,Stratégies de réduction de la pauvreté et politiquesagricoles au Sénégal, Réseau d’expertise des politiquesagricoles, Dakar, 55 p.

5 DIA Ameth Tidiane, FALL Abdou Salam, 2005, op. cit.6 UEMOA, 2002, La politique agricole, Ouagadougou,

121 p.

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 31

➤ la protection de l’environnement et la ges-tion durable des ressources naturelles, no-tamment par la connaissance et l’améliora-tion de la fertilité des sols ;

➤ la mise en place d’un système d’incitationà l’investissement privé dans l’agriculture eten milieu rural ;

➤ l’amélioration de l’environnement et de laqualité de la production afin que l’agricul-ture soit un moteur du développement in-dustriel et artisanal, pour mieux satisfaireaux besoins des marchés intérieur et exté-rieur (sous-régional et international).

I. Les acteurs impliquésdans la LOASP etleurs enjeux propres

Le processus de formulation et de mise enœuvre de la LOASP a nécessité l’interventionde nombreux acteurs : l’État et ses démembre-ments, les organisations de producteurs, lesdéputés et les partenaires au développement.

●● L’État et sesdémembrements :les acteurs à l’originedu processus

L’État du Sénégal, à travers le Président de laRépublique appuyé par le ministre de l’Agri-culture et de l’Hydraulique, a initié le projet deloi d’orientation agricole, l’a soumis à la concer-tation. L’État a également sollicité et obtenudes commentaires provenant des directions,instituts et sociétés de développement ratta-chés au ministère de l’Agriculture et de l’Éle-vage. D’autres administrations constituées desministères de l’Économie et des Finances, del’Industrie et de l’Artisanat, des Infrastructures,

de l’Équipement et des Transports, de laJeunesse, des Relations avec les institutionsparlementaires nationales régionales et del’Union africaine, de la Santé, de l’Hygiène etde la Prévention et de l’Intérieur ont égalementexprimé leur avis sur le projet de loi. Ensuitel’avant-projet de loi a été examiné et revu sasoumission au Conseil des ministres et après àl’Assemblée nationale. La loi votée a été pro-mulguée par le Président de la République.

L’avant-projet de loi d’orientation agricole(LOA)7, proposé par le Président de laRépublique sénégalaise, se positionne en fa-veur d’une agriculture d’entreprise et de l’a-grobusiness. L’instrument principal de cette po-litique est la « réforme foncière ». À titred’illustration, le chapitre IV de l’avant-projet deloi consacré au régime foncier stipule, en sonarticle 17, que « les conseillers ruraux sont com-pétents pour affecter des terres du domainenational aux exploitations agricoles familiales ».Toutefois, « ils ne sont pas compétents pourintervenir dans les périmètres affectés aux ex-ploitations agricoles commerciales et industriel-les ». L’article 21 de l’avant-projet de loi préciseque « dans les zones affectées aux exploita-tions commerciales et industrielles, l’État peutvendre des terres à des particuliers, personnesphysiques ou morales ». La même dispositionmentionne que « cette décision de vendre desterres du domaine national à des particuliersest prise par le Président de la République. Leproduit de ces ventes est partagé, dans desconditions fixées par décret, entre l’État et lescommunautés rurales intéressées ».

●● Le CNCR etla mobilisation paysannedans le processus

Le CNCR, organisation professionnelle agricolesénégalaise, a été fortement impliqué dans ceprocessus. Depuis 1993, le CNCR œuvre pour

7 Présidence de la République du Sénégal, 2002, Projetde loi d’orientation agricole, Dakar, 10 p.

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32 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

le développement d’une agriculture paysannequi assure une promotion socio-économiquedurable des exploitations agricoles.

Le CNCR regroupe actuellement 22 membres(fédérations et associations) et quatre organi-sations associées représentant environ3 500 000 producteurs. Il est structuré du villagejusqu’au niveau national. Ses organes de gou-vernance sont le conseil d’administration de56 membres et le bureau exécutif composé de18 membres responsables d’organisations deproducteurs. Ces deux organes disposent desprérogatives pour décider des activités à met-tre en œuvre conformément aux orientationsdéfinies par le congrès8. Le Secrétariat généraldu CNCR est l’organe d’exécution, il disposed’une cellule d’appui technique pour mener àbien les activités.

Doté d’une indépendance politique au servicedu monde rural sénégalais, le CNCR tire sa lé-gitimité dans la concertation paysanne. Il mo-bilise les organisations paysannes et de pro-ducteurs pour qu’elles parlent et agissent d’uneseule et même voix sur les questions importan-tes qui déterminent l’avenir des exploitationsfamiliales.

Il dispose d’une réelle capacité de constructiond’argumentaires techniques soutenue par l’ap-pui d’experts indépendants, d’un réseau departenaires internationaux et d’une connexionà un réseau d’institutions défendant les mêmespositions. Il est membre du Réseau des orga-nisations paysannes et de producteurs del’Afrique de l’Ouest (ROPPA).

Le CNCR a accumulé de nombreuses expérien-ces de dialogue avec les politiques, avec à sonactif la participation à des rencontres réguliè-res avec le Président de la République, le Premierministre et le ministre de l’Agriculture. Le CNCRa aussi participé aux négociations sur leProgramme des services agricoles d’appui auxorganisations de producteurs (PSAOP)9, auxcôtés du Gouvernement du Sénégal et de laBanque mondiale.

Enfin, le CNCR consolide sa légitimité en seservant des chiffres : comme les paysans repré-sentent plus de 60 % de la population et 70

milliards de recette en période de bonne plu-viométrie, il leur appartient d’étudier et de dis-cuter le projet de loi d’orientation agricole.

Pour les organisations professionnelles agrico-les, et notamment le CNCR, l’agriculture pay-sanne familiale doit occuper une place cen-trale, mais non exclusive, dans toute politiquede développement rural. Les priorités doivents’articuler autour de l’agriculture familiale, larevalorisation de l’image sociale des métiers del’agriculture, la reconnaissance des droits réelssur les terres et le développement d’un parte-nariat pour une nouvelle économie rurale.

●● Les députés

Les députés ont aussi activement participé àl’élaboration de la loi. Certains ont constituéle « Cercle des amis de la loi », un cadre infor-mel composé des présidents de commissionsde l’Assemblée nationale chargées du déve-loppement rural, de l’environnement et de ladécentralisation. Ce groupe de soutien à la po-litique du Gouvernement a bénéficié d’une pré-sentation de l’avant-projet de la LOA dans le butde mieux comprendre les enjeux de la loi.

Le but visé par le ministère de l’Agriculture étaitde trouver des alliés au moment de l’examenet du vote de la loi. Ce groupe a sollicité le mi-nistre de l’Agriculture pour l’organisation d’unatelier pour expliquer le texte à un plus grandnombre de députés. C’est ainsi que pour mieuxappréhender les axes et contours du projet deloi, des parlementaires ont participé au sémi-

8 Le congrès est composé de tous les membres du CNCR.Il est l’organe d’orientation et de décision de cetteorganisation.

9 Ce Programme est mis en œuvre pour appuyer la stra-tégie gouvernementale de renforcement des servicesde développement rural, de décentralisation et deresponsabilisation des organisations de producteurs auniveau des communautés rurales en favorisant l’expres-sion et la satisfaction des besoins en vue de l’accrois-sement des revenus et la sécurité alimentaire. Le PSAOPcomporte quatre composantes : (i) Recherche agricole,(ii) Conseil agricole et rural, (iii) Organisation des pro-ducteurs ruraux, (iv) Renforcement des services publicsdu ministère de l’Agriculture et de l’Élevage.

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 33

venue en 2000, l’élaboration du plan straté-gique opérationnel du secteur rural avec l’ap-pui technique de la FAO. S’agissant de laBanque mondiale, les enjeux étaient la réformedu secteur de l’arachide et la finalisation duprocessus de privatisation de la Société natio-nale de commercialisation des oléagineux duSénégal (SONACOS).

Le 2 avril 2003, le groupe des bailleurs de fondsa formulé ses observations sur le projet de loid’orientation agricole. « Le groupe a manifestédes doutes quant à la logique économique sou-tenant la notion d’agriculture commerciale etindustrielle opérant sur la base de ce qui n’estqu’un contrat de cession pour une périodeentre 15 et 50 ans et qui apparaît commecontraignant pour les opérateurs… Le projetde loi contient des éléments de recul vers unÉtat centralisateur et interventionniste, ceci augrand dam des projets de décentralisation et deresponsabilisation des producteurs… Enfin, legroupe a estimé que l’amélioration du docu-ment dépendra de la qualité de la concerta-tion établie autour de sa finalisation.13 »

Dans le groupe des bailleurs de fonds, la Francea été le partenaire le plus influent du proces-sus14. La Coopération française a été fortementimpliquée dans l’élaboration du projet de loi parson influence politique au niveau présidentiel.

Quels sont les enjeux de la Francedans la loi d’orientation ?

Depuis le discours de la Baule dans les années90, la France a développé une stratégie d’ap-

naire d’information et de sensibilisation orga-nisé par l’Agence nationale de conseil agricoleet rural (ANCAR) à Mbodiène en mars 2004.

Par la suite les députés ont, dans leur grandemajorité, voté la loi 02/2004 portant la loid’orientation agro-sylvo-pastorale du Sénégal.Toutefois, les partis de l’opposition n’ont pasvoté le texte. L’Alliance des Forces du Progrès(AFP) n’a pas voté cette loi parce qu’elle n’a paspris en compte les questions fondamentales enl’occurrence les ressources naturelles. Le Partisocialiste (PS) a refusé de voter cette loi sur l’a-griculture et l’élevage non articulée à la loi surle domaine national. En plus, la LOASP vise, selonlui, à favoriser les paysans à « col blanc » au dé-triment des petits producteurs. Le « Jëf-Jël »10,quant à lui, estime que la question foncière doitêtre au centre d’une nouvelle politique agricole.Le renvoi de la réforme foncière à deux ans re-vient à dire que la politique à mettre en œuvren’aura pas de cadre d’application11.

Constatant des retards dans la mise en œuvrede la LOASP, un député de la mouvance prési-dentielle a posé le 1er août 2007 une questionécrite au ministre du Développement rural et del’Agriculture sur l’application de la loi dans sesdivers aspects12.

Les députés ont été impliqués tout au long duprocessus d’élaboration, d’examen, de vote etde suivi de la loi pour traduire l’engagementdu Sénégal de financer le développement ruralà travers le budget national. Cette dimension,ainsi que le suivi des politiques publiques, re-lève de la responsabilité des députés.

●● Le groupe des bailleursde fonds

Les principaux bailleurs de fonds du dévelop-pement rural (Union européenne, Banque mon-diale, France, etc.) ont interpellé en 2001 et2002 le Gouvernement sur ses priorités de dé-veloppement agricole et rural. L’Union euro-péenne, chef de file du groupe des bailleursde fonds sur le développement rural, avaitfinancé, juste avant l’alternance politique inter-

10 L’alliance pour le progrès et la justice « Jëf-Jël » est unparti politique sénégalais.

11 L’opposition parlementaire s’explique sur son refus devoter oui (in : Sud Quotidien, 26 mars 2006, p. 2).

12 Question écrite de l’honorable député Doudou Wade.13 Extrait de la lettre de l’Union européenne au ministre

de l’Agriculture.14 Élaborer une loi d’orientation agricole : une innovation

dans le processus de concertation. Exemples du Sénégalet du Mali. Communication présentée au séminaire surles stratégies d’aide dans l’agriculture et sur la sécuritéalimentaire, tenu à Ouagadougou (Burkina Faso) du 20novembre au 1er décembre 2004, 19 diapos.

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pui au secteur rural en Afrique marquée par lerenforcement des organisations paysannescomme instrument de consolidation de la gou-vernance publique.

En outre, la France a une tradition de cogestiondes politiques publiques. En s’impliquant dansl’élaboration de la LOASP, elle a voulu dissémi-ner son modèle et influencer les politiques pu-bliques en Afrique. Des experts et chercheursfrançais ont contribué à la rédaction et à l’ana-lyse critique de l’avant-projet de loi.

Des organisations professionnelles françaises(APCA15, AFDI16 et FNSEA17) ont égalementéchangé leurs expériences avec leurs homolo-gues sénégalais soit en participant à des ateliersde réflexion du CNCR au Sénégal à leurs fraisou en échangeant des informations sur leursexpériences de loi d’orientation, des approchesde gestion des organisations professionnelleset des outils de lobbying et de plaidoyer partéléphone ou par internet.

L’influence française s’est également traduitepar l’inspiration très forte du texte de loi dontcertains passages, en particulier ceux relatifsaux articles 25, 26, 27, 28 et 29 sur les interpro-fessions, sont issus du cadre législatif français18.

●● Les autres acteurs

L’Association nationale des conseils ruraux(ANCR), l’Association des diplômés de l’Écolenationale supérieure d’agriculture de Thiès, lerassemblement des cadres du Sine, le secteurprivé (Conseil national du Patronat et Chambresconsulaires), Enda Prospectives - DialoguesPolitiques ont formulé par écrit leurs avis surle projet de loi d’orientation agricole. Leurscommentaires ont été pris en compte par leComité de finalisation de la LOASP.

Les principaux enjeux de pouvoirs s’articulentautour de l’agriculture familiale et de l’entre-prenariat agricole avec comme levier la réformefoncière et les rôles et responsabilités de l’Étatet des organisations de producteurs dans ladéfinition et la mise en œuvre des politiquesde développement agricole et rural.

Une diversité d’acteurs (État, organisations dela société civile, députés, partenaires au déve-loppement) a été fortement impliquée dans laLOASP. Chaque catégorie d’acteurs a conduitsa propre concertation et a affirmé ses enjeuxpropres.

II. De la définition à la miseen œuvre de la LOASP :un itinéraire structuréen trois étapes

L’itinéraire de la définition de la loi intègre troisgrandes étapes : la proposition d’un avant-pro-jet de loi présidentiel (2002), la formulation d’unecontre-proposition paysanne19 par le CNCR(2003) et le vote d’une loi consensuelle (2004).

●● L’avant-projet :une proposition de loiémise par la Présidence

En 2001, le Président de la République prendl’initiative d’élaborer une nouvelle politiqueagricole. Cette initiative tire son origine duprogramme politique présenté par AbdoulayeWade lors de la campagne présidentielle en200020. Elle répond aussi aux interpellations

15 Assemblée permanente des chambres d’agriculture.16 Agriculteurs français et développement international.17 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agri-

coles.18 PESCHE Denis, août 2005, Interprofessions et Afrique :

définition, aspects juridiques - Sénégal (LOASP), juin2004, Note, 3 p.

19 CNCR, 2003, Le contre projet du CNCR, Dakar, 7 p.20 Dans son ouvrage « Un destin pour l’Afrique » (Paris :

Karthala, 1989), Abdoulaye Wade conclut à l’échecd’une agriculture qui a manqué sa vocation (page 28)et indique que « l’Afrique ne peut pas s’en sortir sans uneagriculture moderne, donc sans agriculteurs » (page 24).

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 35

des organisations professionnelles agricolesqui, depuis 1998, ont demandé au Gouver-nement un cadre de politique agricole et dedéveloppement rural. Reçu en audience parle Chef de l’État en 1999, le CNCR avait ex-primé le souhait de mettre en place « quelquechose de plus concret que l’addition de pro-jets, mais plutôt une vision prospective du dé-veloppement agricole du Sénégal ». Cetteidée a été reprise et précisée dans le mani-feste paysan du 26 janvier 2003 interpellantles autorités politiques « pour la préparationet la tenue d’assises nationales du monde ruralpour définir une vision et une stratégie pourle monde rural ».

Elle répond aussi aux interpellations des bailleursde fonds, notamment l’Union européenne, quisouhaitent connaître la vision du nouveau pré-sident du Sénégal sur les questions foncières,sur l’avenir des principales filières (riz et ara-chide) et sur le financement de l’agriculture etdes infrastructures rurales.

Sur la base de ces considérations, le Présidentde la République ordonne à son conseiller ju-ridique de rédiger la version 0 du texte21. Cetexte a fait par la suite l’objet d’un examen cri-tique et d’amendements par une équipe mixtede la Présidence et du ministère de l’Agriculture(conseiller juridique et conseiller agricole de laPrésidence et chargé de mission et assistanttechnique du ministère de l’Agriculture et del’Hydraulique) et a débouché sur la version 1 dutexte (2002)22.

En octobre 2002, lors des journées consacréesau monde rural, le Président de la Républiqueannonce sa volonté d’élaborer une loi d’orien-tation agricole.

Ainsi, cet avant-projet a été mis publiquementen débat. Ce débat a commencé par uneréunion interne du ministère de l’Agricultureet de l’Hydraulique. Ont suivi le lancement of-ficiel de la concertation par le ministre del’Agriculture et la conférence de presse puisune large diffusion de l’avant-projet de loi au-près des acteurs publics et privés concernés parle développement rural. Parallèlement, un co-mité franco-sénégalais de coopération agricole

a été mis en place : il s’est saisi du texte de l’a-vant-projet de loi et a formulé son avis.

Le projet de loi d’orientation agricole est pré-paré selon une démarche descendante. Un pro-cessus de large concertation a ensuite été lancépar les autorités publiques malgré l’absenced’une démarche méthodologique construiteet partagée.

●● Une contre-propositionpaysanne proposéepar le CNCR

Une contre-proposition en faveur de lapetite paysannerie, contre l’agrobusiness

En janvier 2003, suite à ses réflexions sur lemonde rural et sur la question foncière, le CNCRorganise une journée de forte mobilisation pay-sanne. À cette occasion, il publie et diffuse le« Manifeste du 26 janvier 2003 »23 appelantà une concertation élargie sur le monde rural,impliquant des organisations paysannes dudébut à la fin.

Le manifeste paysan soutient l’union et la so-lidarité de tous les paysans du Sénégal, lanceun appel à l’équité et à la solidarité entre tou-tes les catégories sociales et reconnaît la respon-sabilité des autorités politiques de définir et demettre en œuvre les politiques de développe-ment agricole et rural.

Dans le manifeste, le CNCR souligne « la vo-lonté des paysans de s’assumer, de participeraux décisions concernant leur avenir et de-mande la définition d’une vision partagée del’avenir du monde rural, la tenue d’assises na-tionales du monde rural et le vote d’une loid’orientation agricole et d’une loi de réforme

21 Présidence de la République du Sénégal, 2002, Projetde loi d’orientation agricole, Dakar, 10 p.

22 Présidence de la République du Sénégal, 2003, Projetde loi d’orientation agricole, Dakar, 11 p.

23 Conseil national de concertation et de coopération desruraux, 2003, Manifeste paysan du 26 janvier 2003,Dakar, 2 p.

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foncière ». Cette journée bénéficie du soutiendes organisations paysannes françaises et bel-ges. Elle a été l’occasion d’une annonce duprojet de loi d’orientation par le ministre del’Agriculture. Le CNCR la juge alors insuffisantecar ne prenant pas en compte l’avis des popu-lations concernées.

Les orientations définies dans le manifeste pay-san constituent les fondements de la concer-tation paysanne.

À la suite de celle-ci, aux niveaux local, régio-nal et national, le CNCR développe une contre-proposition à l’avant-projet de loi initié parl’État. Cette contre-proposition met l’accentsur la crise profonde et multiforme que subit l’a-griculture sénégalaise depuis plus de vingt ans.Le CNCR partage avec les autorités sénégalai-ses l’idée que la mise en œuvre d’une loi d’o-rientation agricole est nécessaire et urgente.Le CNCR propose que la petite agriculture pay-sanne et familiale occupe une place centrale,mais non exclusive, dans toute politique de dé-veloppement agricole et rural. Il propose éga-lement de dépasser la reconnaissance des droitsdes agriculteurs, des éleveurs et de leurs repré-sentants pour intégrer la contribution de l’Étatà la protection sociale des travailleurs rurauxet de leurs organisations.

Le CNCR s’oppose clairement à une loi qui dé-favoriserait la petite paysannerie au profit del’agriculture commerciale et industrielle. Il adresseun mémorandum au Président de la République,au Premier ministre et au ministre de l’Agricul-ture et organise une conférence de presse pourrendre publique sa position.

Le CNCR utilise les engagements souscrits autitre du PSAOP pour soutenir ses arguments surla professionnalisation et les liens recherche/développement et valoriser cette expériencede négociation de politique publique, commela preuve de sa capacité d’organisation profes-sionnelle et responsable.

La rédaction de la contre-proposition du CNCRa intégré les avis de l’Association nationale desconseillers ruraux (ANCR) et l’Association desmaisons familiales rurales (AMFR). Ces deux as-sociations ont non seulement soumis au Gou-

vernement des propositions écrites, mais ellesont été associées par le CNCR à toutes les dis-cussions aux niveaux local, régional et national.

24 Association sénégalaise pour la promotion du déve-loppement par la base.

25 FAYE Jacques, 15 avril 2003, Projet de loi d’orienta-tion agricole : note d’analyse, Dakar, 23 p.

Il se dégage de la concertationinterne du CNCR une forte mobi-lisation des paysans. La discussiona été organisée. Aussi, la contre-pro-position a-t-elle été réfléchie et gagne-t-elle en crédibilité.

Une contre-proposition issue de laconcertation des organisationspaysannes : 6 mois de travail et plusde 3 000 producteurs concertés

Pour permettre aux organisations paysannes duSénégal de contribuer à l’élaboration de la loid’orientation agricole, le CNCR s’est mobilisérapidement et a initié un large processus de ré-flexion interne entre les responsables des orga-nisations de producteurs. Une première noted’analyse du projet a été proposée et un premierdébat a eu lieu lors du Conseil d’administrationtenu le 9 avril 2003 à Dakar. Les directions duCNCR et de l’ASPRODEB24 ont défini une mé-thodologie, un calendrier et un budget pour laréflexion des ruraux sur le projet de LOA25.

Ce processus s’est déroulé en cinq étapes : unatelier d’information et de formation, des ate-liers locaux dans les communautés rurales, desateliers régionaux, des ateliers des grandes fi-lières et un séminaire national d’élaborationdes positions et propositions paysannes.

● L’ATELIER D’INFORMATIONET DE FORMATION

Pour préparer les étapes relatives aux ateliers lo-caux et régionaux, le CNCR a d’abord organiséun atelier d’information et de sensibilisation

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 37

des responsables de cadres locaux et régionauxde concertation et des animateurs à Thiès, les12 et 13 avril 200326. Les objectifs poursuivispar cet atelier étaient d’avoir une large et com-mune compréhension du projet de loi, d’orga-niser la réflexion à la base et définir les ques-tions à discuter. Cet atelier a regroupé lesprésidents des cadres locaux de concertationdes organisations de producteurs (CLCOP misen place dans le cadre du PSAOP), les anima-teurs fonciers, les présidents des CRCR (Cadresrégionaux de concertation des ruraux), les re-lais régionaux de communication et des diri-geants nationaux du CNCR. L’atelier d’infor-mation a examiné et discuté le projet de loiagricole et adopté une grille d’animation desateliers locaux, comme première étape d’infor-mation des participants sur l’origine et le pro-cessus d’élaboration de la loi et le processusde concertation interne du CNCR. La deuxièmeétape, consacrée aux débats, a intégré une in-troduction et une discussion de la loi.

● LES ATELIERS LOCAUX

Ensuite, le CNCR a organisé 33 ateliers locauxdu 15 au 25 avril 2003, à raison de deux à qua-tre ateliers par région27.

Ces ateliers avaient pour objectifs de partagerdes informations sur la LOASP, de diagnosti-quer la crise de l’agriculture sénégalaise et d’é-tudier l’avant-projet de loi. Ils ont regroupé cha-cun 70 personnes dont des responsables desorganisations de producteurs des communau-tés rurales avoisinantes, des élus locaux, deschefs religieux, des chefs de village, des fem-mes et des jeunes. Chaque atelier local a ré-digé son compte rendu et a désigné une quin-zaine de personnes pour prendre part àl’atelier régional.

● LES ATELIERS RÉGIONAUX

Dans le courant de mai-juin28 2003, le CNCRa organisé un atelier régional dans chaque ré-gion du Sénégal (11 régions). Les objectifs deces ateliers étaient d’analyser les points de vueexprimés par les ateliers locaux et de dégagerune position en tenant compte du contextespécifique et des intérêts de la région. Les ate-

liers régionaux ont regroupé les fédérations duCNCR et les représentants des ateliers locaux.Chaque atelier régional a rédigé son compterendu et désigné cinq personnes pour partici-per au séminaire national.

● LES ATELIERS DES FILIÈRES

Dans la période d’août à septembre 2003, desateliers ont été organisés par les organisationsdes principales filières que sont l’arachide, leriz, l’horticulture, les céréales, l’élevage, lapêche. Après un exposé introductif sur des stra-tégies de relance, chaque filière a examiné lesaspects liés à la production, la consommation,la transformation, le stockage et la valorisationde ses produits29.

● LE SÉMINAIRE NATIONAL

Le séminaire national des organisations de pro-ducteurs sur le projet de loi d’orientation, tenuà Dakar du 16 au 18 septembre 2003, avait pourobjectif d’examiner et de valider les résultats desateliers locaux, régionaux et filières agricoles etanimales et de se prononcer sur le projet de loid’orientation agricole30. Il a réuni les déléguésdes onze régions, les responsables nationauxdes organisations paysannes et leurs invités.

Ce séminaire a conclu sur l’adhésion des parti-cipants à la décision du Président de laRépublique de faire préparer et voter une loid’orientation agricole. Les participants ont ap-prouvé le rapport de synthèse des analyses etpropositions des ateliers. Ils ont donné mandatau CNCR pour participer à la concertation et

26 CNCR, 2003, Projet de loi d’orientation agricole : compterendu de l’atelier d’information des responsables decadres locaux et régionaux de concertation et des ani-mateurs, Thiès, centre forêt, 12 et 13 avril, Dakar, 18 p.

27 CNCR, 2003, Rapport de l’atelier local de Deady, 18et 19 avril, Dakar, 7 p.

28 CNCR, 2003, Atelier inter-régions de Kaolack, 16-21 juin2003, Dakar, 7 p.

29 CNCR, SECK Abdoulaye, 2003, LOA, Atelier sur la stra-tégie de relance de la filière horticole. Plan d’action etsynthèse, Dakar.

30 CNCR, 2003, Atelier national des organisations pay-sannes sur le projet de loi d’orientation agricole,Déclaration finale, Dakar, 2 p. et Rapport général, 16et 18 septembre, Dakar, 18 p.

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38 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

aux négociations sur le projet de loi, sur la basedes positions définies dans le rapport adoptépar l’atelier national, le manifeste paysan dejanvier 2003 et le mémorandum adressé auPrésident de la République en septembre 2002.

Au total, la concertation paysanne a duré six moiset mobilisé plus de 3 000 paysans. Sur la basede ces résultats, le Conseil d’administration duCNCR a validé les documents issus du séminairenational et a transmis la synthèse et la déclara-tion au Président de la République, au Premierministre et au ministre de l’Agriculture. Un man-dat de négociation a été donné à l’équipe d’ap-pui technique du CNCR et un comité de suivi,composé de leaders paysans, a été mis en place.

paysans et pêcheurs (3P)32. Le travail de concer-tation et de rédaction de cette loi devait se dé-rouler, selon le ministère de l’Agriculture et del’Hydraulique, sur une période de trois mois(début avril, mi-mai pour le niveau régional et mi-mai, mi-juin pour le niveau national).

Pour le président du CNCR, la loi d’orientationagricole a toujours été une revendication dumonde rural en vue de l’adapter aux mutationsqui s’opèrent dans le domaine de l’agriculture.Il a apprécié positivement « ces retrouvailles desacteurs de base et a vivement souhaité que laconcertation se fasse jusqu’au niveau de la com-munauté rurale, une façon d’impliquer tout lemonde à ce processus d’élaboration de la loi33 ».

Auparavant, l’avant-projet de loi présidentiel afait l’objet d’une large diffusion auprès des or-ganisations de producteurs, des élus locaux, desinstitutions publiques et parapubliques, du sec-teur privé, de la société civile et des partenairesau développement. Une soixantaine de contri-butions individuelles ou collectives émanant desacteurs de développement agricole et rural aété recueillie et analysée par le ministère del’Agriculture. Le volet foncier du texte a suscitéun forum dans la presse écrite et la radio, dansles instituts de recherche et de formation.

Le processus a abouti à un consensus sur laquasi-totalité des axes stratégiques de laLOASP : la reconnaissance formelle des métiersde l’agriculture, la protection sociale des per-sonnes exerçant les métiers de l’agriculture etle statut juridique des exploitations agricoles,les stratégies de développement agro-sylvo-pastoral relatives à la réforme foncière, la di-versification, les filières, la régulation des mar-chés, la sylviculture, l’aménagement desforestiers, la politique de développement del’élevage, la maîtrise de l’eau, le développe-ment des infrastructures et des services publicsen milieu rural, la promotion de l’équité sociale

31 NGOM Mbagnick, 2003, Loi d’orientation agricole auSénégal : faire du secteur le moteur de la croissance,Walfadjiri, 3 et 4 avril.

32 Union nationale des pasteurs, paysans et pêcheurs.33 NDIAYE Ibrahima, 2003, « Orientation agricole : l’État

lance la concertation sur le projet de loi ». In : Le Soleil,3 et 4 avril 2003.

La concertation paysanne a été ungrand moment de participation effec-tive des producteurs à l’élaborationd’une politique publique et d’appren-tissage de la négociation. Elle a permisde sensibiliser et de mobiliser les acteursà la base et de construire un consensus.

●● La concertationÉtat / société civile :le chemin vers le voted’une loi consensuelle

À la demande du Président de la République, leministre de l’Agriculture et de l’Élevage a lancéofficiellement la concertation des acteurs pu-blics et privés du développement agricole etrural, dans le but de soumettre le projet de loid’orientation agricole à un large débat qui de-vrait, à terme, aider à présenter une « mouturedéfinitive à la représentation parlementaire pouradoption. L’objectif étant de suivre la volontédu Président de la République d’inscrire cette loid’orientation agricole dans le cadre d’une dé-marche concertée et progressive associant l’en-semble des acteurs concernés »31. Cette concer-tation a été lancée par un atelier en présencedu CNCR et de l’Union nationale des pasteurs,

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 39

et la protection contre les calamités naturelleset les risques liés aux activités agricoles.

Il en est de même pour les mesures d’accom-pagnement relatives à l’information agricole,l’éducation et la formation aux métiers del’agriculture, au renforcement des capacitésdes organisations professionnelles, des orga-nisations de la société civile et des services del’État, la recherche et le conseil agro-sylvo-pastoral et le financement du développementagro-sylvo-pastoral.

Le principal désaccord entre l’État et les repré-sentants de la société civile porte sur la réformefoncière. La question de la dévolution des ter-res est si sensible que le Gouvernement a fina-lement jugé bon de la retirer de la loi d’orien-tation agricole pour en faire une loi spéciale etpris la décision partagée avec les organisationsde producteurs de prolonger le temps deconcertation sur la question foncière.

La concertation État-société civile ayant débutéavec de petites tensions liées à l’absence deméthodologie et d’étapes claires, de format dedialogue et de calendrier, s’est finalement ter-minée par un consensus.

Après la concertation paysanne en septembre2003, le ministère de l’Agriculture et del’Hydraulique met en place un comité nationalde finalisation de la loi d’orientation agricole.Ce comité regroupe 12 membres issus de l’ad-ministration (ministère de l’Agriculture et de l’É-levage, SODEFITEX34 et SAED35) et des organisa-tions professionnelles (CNCR, 3P, Force paysanne)de façon paritaire. Son objectif est de finaliserle projet de loi tenant compte des avis et obser-vations exprimés et de la contre-proposition duCNCR au plus tard pour décembre 2003. La ré-union de ce comité, tenue le 28 août 2003, a pré-cisé que « la question foncière telle que stipuléedans l’avant-projet de loi subira des modifica-tions profondes et il s’agira en réalité d’énoncerles principes généraux du régime foncier et d’an-noncer un cadre contraignant pour une réformefoncière dans le document final du projet ». Enoutre, un comité de rédaction restreint composéde trois conseillers du ministère de l’Agricultureet de l’Élevage a procédé à l’intégration des nou-velles contributions dans le projet de texte36.

34 Société de développement des fibres textiles.35 Société d’aménagement et d’exploitation du Delta du

Fleuve Sénégal.36 Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique, 2003,

Compte rendu de la réunion du Comité national definalisation de la loi d’orientation agricole, tenue auMAH le 28 août 2003, Dakar, 3 p.

37 Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture etl’Alimentation.

38 Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique, 2003,Compte rendu de la session du Comité national de fi-nalisation de la LOA tenue à la Sodefitex le 15 novem-bre 2003, Dakar, 3 p.

Se fondant sur leur mandat de né-gociation, les représentants du CNCRobtiennent que le travail de rédactiondu texte final se base sur leurs propo-sitions. L’acceptation de cette proposi-tion par l’administration a été décisivepour la facilitation du travail de révisiondu texte et pour l’obtention d’un ac-cord global sur ledit texte.

La FAO37, à la requête du Président de laRépublique, a procédé à une relecture du pro-jet de loi et a envoyé un expert de son bureaujuridique qui a proposé une nouvelle présenta-tion, avec un découpage en titres, un classe-ment plus rationnel des articles et une rédac-tion plus juridique des articles du projet de texte.

La nouvelle version du texte, soumise à l’examendu comité de finalisation le 15 novembre 2003,comporte un exposé des motifs situant mieux laloi d’orientation agricole et rurale dans soncontexte historique et dans ses perspectives, et18 chapitres réunissant 76 articles, contre 11chapitres et 45 articles pour l’avant-projet initial.Au cours du débat qui a suivi, la totalité des mem-bres du Comité a salué la remarquable progres-sion qualitative du projet de loi et les représen-tants du CNCR et de l’ANCR ont déclaré être entotal accord avec le contenu de ce texte38.

Par la suite, le nouveau texte a été soumis àl’appréciation du Président de la Républiquequi, après validation, l’a soumis à l’examen duConseil des ministres le 27 janvier 2004. En fé-vrier 2004, un décret présidentiel ordonne la

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40 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

présentation du projet de loi à l’Assemblée na-tionale. Puis, le projet de loi est examiné et votépar l’Assemblée nationale le 25 mai 2004.

des pouvoirs publics ou des bailleurs de fonds,et de diffuser facilement les positions paysan-nes auprès de ces divers publics cibles42.

Du coté du Gouvernement, le négociateur estun conseiller technique chargé des négocia-tions internationales. Docteur en économieagricole, il a écrit une thèse sur l’évaluation despolitiques publiques. Fin connaisseur du coderural français et des dispositions qui régissentles lois d’orientation agricoles en France, il ad’abord participé aux discussions informellessur l’avant-projet de loi avant d’être cooptépour participer au comité de rédaction de l’a-vant-projet de loi et nommé comme chargé dela gestion des relations avec les organisationsde producteurs. Son expérience professionnelleacquise à la Direction de l’Agriculture, à l’Unitéde politique agricole du Sénégal et aux ren-contres internationales sur les négociations surle commerce international, a contribué à la fa-cilitation du processus de négociation.

39 Centre international de recherche agronomique pourle développement.

40 Institut sénégalais de recherches agricoles.41 Organisation non gouvernementale.42 CHABOUSSO Anne, RUELLO Magali, 2006, Étude d’un

processus de concertation pour l’élaboration d’une po-litique publique : le cas de la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) sénégalaise, CNEARC, CIRAD,Montpellier, 118 p. + annexes.

Le 4 juin 2004, le Président de laRépublique promulgue la loi d’o-rientation agro-sylvo-pastorale. Laconcertation pluri-acteurs a abouti enplusieurs étapes à un consensus surla quasi-totalité des axes stratégiquesde la LOASP.

III. Les modalités duprocessus de concertation

Le processus d’élaboration et de mise en œuvrede la LOASP a mobilisé des animateurs et desfinancements partiels et fait l’objet d’une stra-tégie de communication.

●● Les animateurs duprocessus de dialogueentre État et société civile :deux personnalités reconnues etdéfendant les mêmes valeurs

Se fondant sur les résultats de la concertationpaysanne, le Conseil d’administration du CNCRa constitué une équipe de négociation pilotéepar un sociologue rural, ancien chercheur auCIRAD39 et à l’ISRA40. Il dispose d’un bon ré-seau de relations au sein des agences de coopé-ration (Coopération suisse, Coopération fran-çaise, Banque mondiale, Union européenne),des institutions de recherche et de développe-ment nationales et étrangères et des ONG41. Iljouit d’une bonne réputation et d’une noto-riété certaine auprès de médias et des partisde gauche (Parti socialiste et Alliance des for-ces du progrès…). Cette position lui facilitel’accès à des informations, qu’elles émanent

Le processus a mis face à face deuxcollègues qui ont partagé unmême cadre institutionnel, le mi-nistère de l’Agriculture. En dépit dela différence des positions de négo-ciation, ils défendaient tous deux lapromotion de la même agriculture.

●● Le financementdu processus

La Coopération suisse, le PSAOP et la Franceont accordé des subventions pour la prise encharge du processus d’élaboration de la loi et

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 41

de concertation des organisations paysannessur le projet de la loi d’orientation agricole. Lebudget total de cette concertation est de71 336 000 FCFA43.

L’atelier de lancement, d’un montant de5 940 000 FCFA, et les honoraires de personnesressources, d’un montant de 3 045 000 FCFAau total, sont financés par la Coopération suisse.Le PSAOP44 a financé les coûts d’organisationdes ateliers locaux à hauteur de 13 200 000FCFA. La France, par le biais du PACEPA45, a fi-nancé les ateliers régionaux, les ateliers des fé-dérations sur les filières, le séminaire national devalidation du CNCR, les communications (presseparlée, publique et privée), le soutien à l’équiped’appui et de coordination du CNCR et les ho-noraires d’une personne ressource. La contribu-tion de la France s’élève à 49 151 000 FCFA.

Au titre de la mise en œuvre, l’ANCAR a pris encharge à hauteur de 500 000 FCFA la logis-tique des réunions sur les interprofessions etle PACD46 a financé les études de capitalisa-tion et les coûts des missions d’expertise47.

●● Les stratégiesde communication

L’avant-projet de loi a été diffusé aux directionsdu ministère de l’Agriculture, aux autres minis-tères, aux organisations de producteurs, auxbailleurs de fonds et aux associations des col-lectivités locales par un courrier du ministèrede l’Agriculture. Par la suite, des institutionsde recherche (ISRA) et des associations ont or-ganisé des débats publics repris par les mé-dias48. Toutefois, pour toucher le plus grandnombre possible de producteurs ruraux, leCNCR a fait participer les responsables desradios communautaires des onze régions à l’a-telier national de lancement de la réflexion pay-sanne sur la loi d’orientation agricole.

Le CNCR a également dépensé une somme de950 000 FCFA dans la communication. Plus dela moitié de ce montant a été dépensée lorsdes ateliers régionaux pour mettre à contribu-tion les radios communautaires.

Pour mobiliser les acteurs du monde rural, lesleaders d’opinions et des partis politiques, lesguides religieux (imams et prêtres), les partenai-res au développement, pour prendre à témoinl’opinion internationale, le CNCR a déployéune grande stratégie de communication.

Cette stratégie a mobilisé une diversité de vec-teur : le Secrétaire général a participé à la com-munication sur le territoire du Sénégal, le pré-sident d’honneur du CNCR a diffusé lesinformations au niveau international et leConseiller technique du CNCR a contribué à lacommunication auprès de la communauté in-tellectuelle, politique et auprès des partenai-res au développement.

Cette stratégie a inclus l’organisation d’unemobilisation de 30 000 personnes au StadeLéopold Sédar Senghor diffusée par les médiaslocaux et les télévisons internationales dontTV5. Cette manifestation était précédée d’unecampagne d’affichage avec la mention« Sénégalaises, Sénégalais, les paysans vousparlent le 26 janvier 2003 » et des visites decourtoisie aux groupes parlementaires et à desdéputés pour expliquer les enjeux de cette ma-nifestation.

Une autre dimension de la campagne de com-munication du CNCR a été la mise à contribu-tion des radios communautaires implantées dans

43 1 euro = 655,957 FCFA.44 Programme des services agricoles d’appui aux organisa-

tions de producteurs. Le PSAOP est un programme misen œuvre par le Sénégal et soutenu par la Banque mon-diale pour appuyer la stratégie gouvernementale de ren-forcement des services de développement rural, de dé-centralisation et de responsabilisation des organisationsde producteurs au niveau des communautés rurales.

45 Projet d’appui à la concertation État Profession agri-cole (projet ESP financé par la Coopération française).

46 Programme de promotion d’une agriculture compéti-tive et durable.

47 CNCR, 2003, Note méthodologique pour la concerta-tion des organisations paysannes sur le projet de loid’orientation agricole, Dakar, 4 p.

48 Institut sénégalais de recherche agricole, juin 2003,Regards croisés sur le projet de loi d’orientation agricole(LOA) : compte rendu des « mardis du BAME (Bureaud’analyse macro-économique) », cycles de conféren-ces sur les politiques publiques agricoles, Dakar, 9 p.

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42 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

le pays pour partager les réflexions locales et ré-gionales et faire communiquer les dirigeants lo-caux pour crédibiliser le discours en mettant l’ac-cent sur des préoccupations locales.

formelle des métiers de l’agriculture, la réformefoncière, les filières, marchés et interprofessions,le programme national de développement agri-cole, le renforcement des capacités et mesuresd’accompagnement, le financement du déve-loppement rural et l’institutionnalisation de laconcertation.

Chaque problématique est confiée à un groupede travail thématique constitué de représen-tants des administrations, des organisationsprofessionnelles agricoles, des acteurs de la so-ciété civile, du secteur privé et des partenairesau développement. Chaque groupe de travaildoit préparer une note de cadrage servant debase à l’élaboration d’un plan d’action et destermes de références pour des études éven-tuelles. Le groupe de travail est égalementchargé de discuter et de valider, suivant un pro-cessus participatif, les projets de décrets et detextes d’application de la LOASP. Chaquegroupe est animé par un chef de file : CNCRpour la reconnaissance des métiers ; DAPS50

pour la réforme foncière, le programme natio-nal de développement agricole, le financementdu développement rural et l’institutionnalisationde la concertation ; ANCAR pour les filières,marchés et interprofessions et BFPA51 pour lerenforcement des capacités et les mesures d’ac-compagnement. La DAPS a été chargée d’ani-mer, de coordonner et de suivre les activités del’ensemble des groupes de travail52.

« Dans le cadre de la mise en œuvre de la LOASP,le groupe de travail sur les ‘marchés, interpro-fession et filières’, animé par l’ANCAR, a mis enplace un comité restreint Interprofession réunis-sant l’administration (ministère du Commerce,DAPS, ISRA53) et les organisations de la société

49 Ministère du Développement rural et de l’Agriculture,août 2007, Situation de la mise en œuvre de la loid’orientation agro-sylvo-pastorale : réponse à unequestion orale de l’Assemblée nationale, Dakar, 11 p.

50 Direction de l’Analyse, de la Prévision et des Statis-tiques.

51 Bureau de la Formation professionnelle agricole.52 DAPS, 2004, Document de travail méthodologique

pour la mise en œuvre de la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale, Dakar, 2 p.

53 Institut sénégalais de recherche agronomique.

Malgré la qualité de la communica-tion pour construire le consensus, ily a eu peu de communication surles implications de la loi d’orien-tation agro-sylvo-pastorale, en rai-son de l’absence d’un plan directeurde ce processus.

Toutefois, pour favoriser une large par-ticipation des acteurs à sa mise enœuvre, le ministère de l’Agriculture,avec l’appui de la Coopération fran-çaise, réalise des brochures et CD-Romsur la LOASP et traduit la loi dans leslangues nationales les plus parlées auSénégal (wolof, peul, serer, mandin-gue, diola et soninké).

Les modalités du processus de concer-tation sont marquées par un face-à-face d’animateurs légitimes et carac-térisées par des financements partielset un déficit de communication sur lefond de la LOASP.

IV. Une mise en œuvredifférée

●● La mise en placede groupes thématiquesde travail

L’application de la loi s’articule autour de 52engagements relatifs à la prise d’actes législa-tifs, réglementaires et de décisions dans desdélais s’établissant à 3 mois (article 46, alinéa 2concernant le vol du bétail), 2 ans (article 23relatif à une loi de réforme foncière), 3, 5, 10et 20 ans49. Ils concernent la reconnaissance

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civile (CNCR, FONGS54, 3P, UNAFIBIS55, CNIA56,CONIPAS57 et GRET58) et a engagé un premiertravail sur les articles relatifs aux organisationsinterprofessionnelles agricoles (OIA) dont la miseen œuvre est prévue en 2007. Ce comité s’estréuni quatre fois, entre décembre 2006 et mars2007 (une fois par mois). Au cours de ces séan-ces de travail, les participants ont systématique-ment commenté chaque article afin de déga-ger les principes de fonds à traduire dans lesdécrets d’application. Cette réflexion a été ali-mentée par des documents et complémentsd’information proposés par l’équipe d’anima-tion de l’ANCAR et les membres du groupe59. »

Ce groupe a formulé des commentaires surles modalités de reconnaissance et le statutdes OIA et la place de l’État dans le dispositifdes OIA, le principe d’une seule instance pro-fessionnelle, le principe d’ouverture aux diffé-rents types d’acteurs de la filière, le principed’un espace de défense d’intérêts communset les critères nécessaires pour la reconnais-sance d’une interprofession60. Les résultats dece groupe devront être finalisés avec l’appuid’un juriste.

Au début du mois d’août 2007, deux textes re-latifs à l’organisation du Fonds national de dé-veloppement agro-sylvo-pastoral (FNDASP)61,institué par l’article 75 de la LOASP et à l’orga-nisation et au fonctionnement du Conseilsupérieur d’orientation agro-sylvo-pastorale(CSOASP)62 institué par l’article 75 de la LOASP,sont discutés et validés. Ces textes proviennentrespectivement des groupes de travail sur lefinancement du développement rural et l’insti-tutionnalisation de la concertation, tous deuxpilotés par la DAPS. Ils seront, selon le ministredu Développement rural et de l’Agriculture,interpellés par l’Assemblée nationale le 1er août2007, très prochainement mis dans le circuitadministratif en vue de leur signature.

Le groupe de travail sur la protection sociale,animé par le CNCR, a réalisé une étude de fai-sabilité d’un système de protection agro-sylvo-pastorale, un plan d’actions pour la concep-tion dudit système, un rapport d’expertise surla gouvernance et une étude sur la faisabilitéfinancière du système de protection sociale.

Les travaux de ce groupe de travail se sontarrêtés. Le projet ROME (Répertoire opération-nel sur les métiers et les emplois), ayant desfinancements pour d’autres activités, s’est dé-sengagé sur la thématique des statuts juridiquesdes métiers et des organisations professionnel-les. Des termes de référence pour les étudesde faisabilité ciblées dans deux zones pilotes :Saint-Louis (Fédérations des producteurs auto-nomes) et Tambacounda (Fédération nationaledes producteurs de coton) ont été élaborés etvalidés en vue de faciliter les conditions de lamise en place dudit système au Sénégal.L’objectif visé est de faire financer l’expérimen-tation par le DRSP63.

Pour le foncier, une commission nationale deréforme du droit de la terre est mise en place.Ses travaux ont démarré en septembre 2005 ets’intéressent à tous les aspects de la réformefoncière : foncier urbain, touristique et urbain64.La Commission nationale de Réforme de la Terre,créée auprès du Premier ministre, a pour mis-sion de préparer une réforme du droit de laterre. Elle est composée de représentants de

54 Fédération des ONG du Sénégal.55 Union nationale des acteurs de la filière Banane au

Sénégal.56 Comité national interprofessionnel Arachide.57 Conseil national interprofessionnel de la pêche artisa-

nale au Sénégal.58 Groupe de recherche et d’échanges technologiques.59 Agence nationale de conseil agricole et rural, avril

2007, Note de synthèse des travaux de groupe sur lesorganisations interprofessionnelles agricoles (OIA),Dakar, 7 p.

60 ANCAR, 2007, Note de synthèse des travaux de groupesur les organisations interprofessionnelles agricoles(OIA), Dakar, 7 p.

61 Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique, Projetde décret portant organisation et fonctionnement duFonds national de développement agro-sylvo-pastoral(FNDASP), Dakar, 7 p.

62 Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique, Projetde décret création du Conseil supérieur d’orientationagro-sylvo-pastorale et des comités régionaux d’orien-tation agro-sylvo-pastorale, Dakar, 4 p.

63 Document de stratégie de réduction de la pauvreté.64 Ministère du Développement rural et de l’Agriculture,

2007, Discours sur la situation de la mise en œuvre dela loi d’orientation agro-sylvo-pastorale, Dakar, 11 p.

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44 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

l’administration, du Conseil d’État, de la Courde Cassation, des universités de Dakar et deSaint-Louis, de l’Ordre des Avocats, des asso-ciations de femmes, de trois représentants desagriculteurs, des éleveurs, de communautés ru-rales, des communes et des régions. La com-mission rendra un rapport au Président de laRépublique dans un délai de six mois65, maiscelui-ci connaît un retard de publication.

Face à l’absence de nomination et de convoca-tion des représentants des agriculteurs et éle-veurs en contradiction formelle avec ledit dé-cret, le CNCR a adressé une lettre ouverte auPremier ministre pour manifester de nouveauson opposition à toute réforme qui ne recon-naîtrait pas des droits fonciers réels aux ru-raux66. Le CNCR a été invité par la suite et sursa demande à siéger dans cette commission,mais à ce jour, il n’a encore participé à uneréunion de cette structure en raison des mul-tiples reports de réunions programmées.

L’une des grandes contraintes des groupes detravail est l’absence d’une méthodologie claireet partagée pour la réalisation de leurs travaux.Face à cette situation et avec l’appui techniqueet financier exclusif de la Coopération fran-çaise, une mission d’appui à la définition de laméthodologie de mise en œuvre de la LOASP67

a été conduite.

Cette mission a proposé (i) l’établissement despriorités, (ii) l’actualisation des échéances selonun calendrier réaliste, (iii) la clarification desrôles des acteurs (DAPS et groupes de travail),(iv) la mise en œuvre d’un mécanisme deconcertation au sein des groupes de travail, (v)le développement des outils méthodologiques(plan type, note de cadrage, définition des ca-hiers de charge) et (vi) la mise en place de plansd’actions avec échéances.

Cette mission a été complétée par une autremission d’expertise et d’appui juridique pourla rédaction des textes d’application de laLOASP68. Cette mission avait pour objectif (i)d’évaluer le degré d’avancement de la mise enœuvre de la LOASP, (ii) d’apporter un témoi-gnage sur l’expérience française de mise enœuvre de lois d’orientation agricoles et (iii) de

suggérer des conseils sur la préparation destextes législatifs et réglementaires et (iv) de pro-poser des mesures de renforcement des capa-cités juridiques du ministère de l’Agriculture.

Elle a, par ailleurs, relevé les difficultés de l’ad-ministration sénégalaise à engager la produc-tion de textes d’application. Cette difficulté estliée à un déficit de capacité et d’organisationdu ministère de l’Agriculture ainsi qu’à l’insuf-fisance du pilotage du processus de mise enœuvre par une autorité fixant des objectifs etdemandant des comptes rendus réguliers.

Les groupes de travail ont servi de cadre deconcertation pour l’élaboration participativedes textes d’application de la LOASP. Les résul-tats sont mitigés et les missions d’expertisen’ont pas permis de lever les vraies contrain-tes : absence de portage politique fort et definancement.

●● La mise en œuvredu Plan REVA en parallèlede la LOASP

En 2006, le Président de la République a initiéle Plan REVA69 dont un des objectifs est d’éra-diquer l’émigration clandestine des jeunes. Ceplan repose sur deux grandes composantes : lacréation de pôles d’émergence agricole inté-grés et la promotion de l’initiative privée. Selonle ministre de l’Agriculture, « ses liens avec laLOASP se déclinent à travers les articles 53, 54et 55 en ce sens que le plan REVA va contri-

65 Décret no 2005-414 en date du 19 mai 2005 instituantla Commission chargée de préparer une réforme dudroit de la terre, 2 p.

66 « Lettre ouverte à Macky Sall, Premier ministre,Contribution ». In : Le Matin du 13 octobre 2005.

67 POUSSE Fabien, 2005, Méthodologie pour une miseen œuvre de la LOASP, Dakar, ministère de l’Agricultureet de l’Hydraulique.

68 FOURNIE Françoise, 2006, Mission d’expertise et d’ap-pui juridique pour la rédaction des textes d’applica-tion de la LOASP, ministère de l’Agriculture et desPêches, Paris, 15 p.

69 Plan Retour Vers l’Agriculture.

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 45

buer au renforcement des programmes d’inser-tion sociale et économique des jeunes, à l’amé-lioration des conditions de vie des jeunes etadolescents et à la promotion de la réinsertionet la réintégration des rapatriés et des person-nes déplacées et, en conséquence, contribuerà la maîtrise des flux migratoires par l’amélio-ration des conditions de vie des populations ci-bles, surtout en milieu rural et périurbain70 ».

Cette position du Gouvernement n’est pas par-tagée par le CNCR qui écrit dans son mémo-randum71, qu’« en oubliant les questions depertinence par rapport à l’environnement na-tional, sous-régional et international, le bonsens paysan se demande : sur quelles terres faireles productions ‘REVA’ ? Vers quels marchéss’orienter ? Quelle main-d’œuvre enrôler ? ».

Bien que s’inscrivant dans les orientations gé-nérales de la LOASP, le plan REVA n’a pas ren-contré l’assentiment des organisations profes-sionnelles agricoles.

●● Une mise en œuvrefreinée par un déficitde méthodeet de financement

La mise en œuvre de la loi rencontre de nom-breuses difficultés dont la plus importante estla non-provision du budget de fonctionnementpour l’exécution des missions des groupes thé-matiques et pour la prise en charge des étudeset des notes de synthèse nécessaires à leurs tra-vaux. Les missions d’appui et d’expertise sont fi-nancées soit par la Coopération française soitpar le Bureau international du travail (BIT).

Non seulement le Gouvernement n’avait pasprévu de financement dans le budget nationalpour la mise en œuvre de la LOASP, mais il n’apas non plus mobilisé les partenaires au déve-loppement pour prendre en charge le finance-ment de la mise en œuvre. Dans le cas dugroupe de travail Interprofession, l’ANCAR autilisé une partie de ses ressources pour ap-puyer la participation des organisations pay-sannes de l’intérieur aux discussions.

À cela s’ajoute une insuffisante implication desorganisations de la société civile à la phase demise en œuvre et les délais d’apprentissage desmembres des groupes de travail de la métho-dologie et des procédures, sans compter le dé-ficit de suivi des pouvoirs publics.

Les groupes de travail sont constitués d’acteursdu secteur public (administration, institutionsde recherche) et privé (organisations profes-sionnelles agricoles, ONG) ainsi que des parte-naires au développement. Ces derniers n’ontpas bénéficié à temps d’une diffusion de la loi,d’une méthodologie de travail, d’appui tech-nique et financier pour participer correctementau travail de mise en œuvre de la LOASP.

Le trop faible niveau de mise en œuvre de laLOASP a poussé le CNCR à critiquer sévère-ment le Gouvernement. En effet, « le CNCR, enson temps, s’est félicité de l’ouverture et del’engagement du Gouvernement, de doternotre pays d’une loi d’orientation agro-sylvo-pastorale. Cela a permis d’engager une vasteconsultation démocratique et d’aboutir à untexte de loi consensuel voté par les députés.Ce progrès majeur est donc un acquis de tailledes organisations paysannes, du Gouvernementmais aussi de toute la nation sénégalaise.Malheureusement, depuis le 4 juin 2004, datede la promulgation de la loi, celle-ci est presquedevenue lettre morte : aucun décret d’appli-cation n’a été pris malgré toutes nos relances,nos propositions et notre mobilisation.

Devant un tel état de fait, les vœux et enga-gements de la loi cèdent la place à des pro-grammes, projets et mesures sans beaucoupde cohérence ni de synergie : des cultures sontpromues sans que le marché ne soit au préala-ble identifié, la mise en œuvre ignore totale-ment les options de l’État. Ce dernier définitseul des objectifs de production, administre lecrédit, organise l’approvisionnement en intrantsmais ignore la commercialisation »72.

70 Ministère du Développement rural et de l’Agriculture,août 2007, Rapport sur la mise en œuvre de la LOASP :discours à l’Assemblée nationale, Dakar, 11 p.

71 CNCR, 2006, Mémorandum sur la situation difficiledes ruraux sénégalais, Dakar, 10 p.

72 CNCR, 2006, Mémorandum, 2006.

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46 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

Ce retard dans la mise en œuvre de la LOASPs’explique par une série de facteurs dont le plusimportant est l’absence de portage politique.Cela conduit à l’absence d’une méthodologieclaire d’élaboration des textes d’application, aumanque de financement et à la démobilisationdes acteurs. Les différents protagonistes de laloi avancent plusieurs arguments.

➤ Au plan politique, la LOASP n’est plus aucœur de l’agenda politique. Ceci pourraits’expliquer par le changement de ministreayant entraîné un changement de priorité.Le ministre de l’Agriculture en place aprèsle vote de la LOASP a mis l’accent sur lesprogrammes spéciaux du Président de laRépublique (manioc, bissap73) et ensuite surle plan REVA. Ces mesures, semble-t-il, sontplus attractives à la veille des élections pré-sidentielles et législatives que l’éla-borationde textes de mise en œuvre.

➤ À cela s’ajoute l’absence de mise en placedu comité de pilotage de la LOASP, cadreinterministériel qui donnerait une plusgrande légitimité à la conduite de la miseen œuvre impliquant notamment les minis-tères de la Décentralisation, de l’Économieet des Finances, de l’Élevage, et réduiraitles risques de conflits de leadership et derivalités entre les institutions. Le retard dela mise en place du comité de pilotage pour-rait également s’expliquer pour certains pardes velléités du ministère de l’Agriculturede conférer plus de poids aux autres orga-nisations de producteurs, notamment le 3P,au détriment du CNCR dans la représenta-tion des organisations de producteurs danscette instance.

➤ La difficulté de progression du groupe fon-cier, quant à elle, s’explique par le déficitde cohérence et d’articulation entre ses tra-vaux et celui de la commission nationale dudroit de la terre.

➤ Le faible intérêt politique pour la mise enœuvre de la loi a eu pour conséquence letrès faible niveau de mobilisation de res-sources. Le financement pour la mise enœuvre est accordé au Sénégal par la

Coopération française (PACEPA, PACD74 etSCAC75) pour la prise en charge des mis-sions d’appui et d’expertise (méthodologie,foncier).

73 Oseille de Guinée.74 Programme de promotion d’une agriculture compéti-

tive et durable.75 Service de coopération et d’action culturelle /

Ambassade de France.

Face à ces contraintes et critiques,le ministère du Développementrural et de l’Agriculture a décidé ré-cemment de mettre en place une cel-lule spécifiquement dédiée à la super-vision des travaux des groupesthématiques, assortie d’un suivi po-litique et technique.

> Conclusion

Le processus d’élaboration de la LOASP consa-cre la réappropriation de l’élaboration des po-litiques publiques agricoles par l’État du Sénégalet l’appropriation de ce processus et du contenude la loi par les organisations de producteurs.La démarche participative et démocratique em-pruntée pour l’évaluation et la définition depolitique publique agricole marque une rup-ture avec les approches d’élaboration de poli-tiques et de stratégies fortement influencéespar les bailleurs de fonds et renforce en mêmetemps la gouvernance publique. Cette rupturea entraîné une résistance en matière d’appuià ce processus par les bailleurs de fonds qui neretrouvent pas dans cette loi leur propre marqueet modèle.

Une loi d’orientation agricole votée parl’Assemblée nationale marque aussi une rup-ture par rapport aux stratégies de développe-ment rural pilotées par un ministère. Elle offre

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 47

teurs de la société civile) comme modèle de dé-finition et de mise en œuvre de politique pu-blique et de gouvernance publique. Cette ap-proche a permis de faire évoluer le contenu etla structure du texte pour prendre en chargeles intérêts des paysans (statut de l’exploitantet couverture sociale). Un conseil supérieurd’orientation agro-sylvo-pastorale et des comi-tés régionaux d’orientation agro-sylvo-pasto-rale sont institués. Le principe de l’organisationd’une conférence annuelle regroupant l’ensem-ble des acteurs du monde rural et présidée parle Chef de l’État est retenu.

La LOASP est articulée au document stratégiquede réduction de la pauvreté (DRSP). En effet,l’article 5 de la LOASP stipule que « la réduc-tion de la pauvreté est la principale priorité dela politique de l’État, en particulier dans les zonesrurales et que l’État œuvre en vue d’atteindre,à moyen terme, un niveau de sécurité alimen-taire qui garantisse la souveraineté alimentaired’un pays ». L’État s’engage à assurer aux per-sonnes exerçant les métiers de l’agriculture unniveau leur permettant de faire face à leurs be-soins fondamentaux : alimentation, santé, lo-gement, etc. Toutefois ses mesures ne sont pasencore effectivement appliquées.

La LOASP a cependant accusé d’énormes re-tards dans sa mise en œuvre. Cette situations’explique par une série de facteurs dont le plusimportant est l’absence de portage politiquefort avec comme conséquence l’absence d’uneméthodologie claire d’élaboration des textesd’application, le manque de financement et ladémobilisation des acteurs.

> Points d’enseignements

La méthode descendante suivie par le Présidentde la République, avec un texte rédigé par unecommission de rédaction limitée à quelquespersonnes et sans consultation préalable avecles acteurs concernés, a le mérite de susciter ledébat et le désavantage de n’avoir pas intégré

l’opportunité de mobiliser des financementspublics via le budget national. Cette situation estrendue possible grâce à l’implication person-nelle du Président de la République dans la ré-daction de la loi et par l’existence au Sénégald’une organisation paysanne forte, organiséeet mobilisée pour la défense des intérêts despaysans dans un dialogue avec l’État.

Le CNCR a joué un important rôle dans la trans-formation du texte, notamment avec le retrait,très tôt dans le processus, de l’épineuse ques-tion foncière (propriété, transmission et spé-culation foncière) et le passage de la loid’orientation agricole à la loi d’orientationagro-sylvo-pastorale. Ce gain est lié à sa grandecapacité de communication, d’influence et denégociation, sous-tendue par un appui tech-nique, un soutien des partis politiques, des gui-des religieux, des bailleurs de fonds, des orga-nisations membres du ROPPA et des organi-sations professionnelles européennes.

Le CNCR a boycotté la conférence de pressedu ministre de l’Agriculture et de l’Hydraulique.Dans le même temps, il a introduit une requêtede financement auprès de ce dernier pour lefinancement des concertations paysannes, il aréclamé l’accès aux informations stratégiqueset exigé un délai plus long pour ses concerta-tions internes. Les concertations paysannes lo-cales, régionales et nationales ont été relayéespar les médias communautaires et les journauxnationaux et ont ainsi constitué un levier puis-sant de cette négociation. La construction d’unedoctrine paysanne partagée a forgé le senti-ment d’appartenance des paysans au CNCR,contribué à renforcer son poids politique etl’adhésion à la contre-proposition paysannetout en évitant les pièges des comportementsclientélistes de certains dirigeants paysans du-rant la période de négociation. Une consciencedes enjeux et une mobilisation des acteurs à labase ont conféré à chaque paysan la respon-sabilité de défendre les intérêts de groupe etd’assumer un rôle de vigie pour la réussite dela stratégie paysanne.

Le processus de concertation État/Société civilea permis le renforcement de l’État de droit etintroduit une dimension de cogestion (État et ac-

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48 — Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal

dès le départ les questions essentielles du monderural. Elle a également privé l’Administrationcentrale de réelles possibilités d’influencer etd’améliorer l’avant-projet de loi d’orientationagricole. Elle a aussi provoqué la résistance auchangement de certains techniciens de l’agricul-ture et des acteurs politiques.

Le doublement du délai de la concertation afavorisé une discussion franche et l’atteinted’un consensus sur les principaux axes straté-giques de la loi. Il a permis aux différentes par-ties d’accepter leur désaccord sur l’urgenced’intégrer dans la loi les aspects liés à la ré-forme foncière.

L’expérience du processus d’élaboration et d’a-doption de la LOASP met en évidence la né-cessité, pour l’appropriation des politiques par-tagées, d’engager dans le processus desorganisations professionnelles fortes ou ren-forcées. La mobilisation du CNCR et sa capa-cité éprouvée de négociation et de diffusionde l’information sur ses positions et proposi-tions dans des réseaux formels et informelsont, comme le montre cette rétrospective, consi-dérablement pesé sur les orientations de la loiet permis de prendre en compte les intérêtsdes producteurs. En demandant un délai pourla concertation interne, un appui technique etfinancier pour la construction d’un argumen-taire, le report du débat sur le foncier et la priseen charge de la proposition paysanne parl’État, le CNCR a montré que la participation re-quiert des ressources et a pacifié le processuset fait avancer le dialogue.

Les politiques publiques stratégiques font for-cément objet d’une loi. Ainsi, le parlement, im-pliqué dans le processus, constitue un relaispuissant d’accélération des procédures d’adop-tion. Il reste toutefois à renforcer sa capacitéd’en suivre et contrôler la mise en œuvre.

On note aussi le rôle essentiel de l’informationet de la communication dans tout processusde négociation qui implique une diversité d’ac-teurs. Non seulement l’avant-projet de loi a étélargement diffusé et commenté, mais aussi laloi a été traduite dans les langues nationalesles plus parlées. En outre, l’information a per-mis de faciliter les cycles de négociation et derapprocher les positions.

On observe une forte implication des acteursdans la formulation qui contraste avec un fai-ble niveau d’engagement de l’État et des orga-nisations de producteurs dans la mise en œuvre.L’utilité de la LOASP et son alignement aux stra-tégies de lutte contre la pauvreté ne trouve-ront de sens véritable que dans une utilisationjudicieuse des ressources de l’État et des par-tenaires au développement pour réduire sé-rieusement la pauvreté rurale.

Par ailleurs, on constate une instabilité institu-tionnelle caractérisée par de fréquents chan-gements de missions du ministre chargé del’Agriculture (ministère de l’Agriculture et del’Hydraulique, puis ministère de l’Agricultureet de l’Élevage, ministère de l’Agriculture etdes Biocarburants et enfin ministère duDéveloppement rural et de l’Agriculture) et destitulaires de ce portefeuille ministériel (4 minis-tres de 2002 à 2007) avec des priorités etfeuilles de route différentes. Ce contexte nefavorise pas une mise en œuvre correcte et unsuivi rapproché de la LOASP.

L’un des points faibles de la démarche est l’éla-boration d’une LOASP, instrument juridique,institutionnel et financier, avec une perspec-tive à long terme, sans l’assortir d’une poli-tique agricole avec une clarification des ob-jectifs, des stratégies de développementagricole, des programmes opérationnels et desbudgets appropriés.

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Le cas de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) du Sénégal — 49

Bibliographie

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C réé le 18 mars 2005 à Cotonou face au besoin croissant d’impliquer la société ci-vile dans le contrôle citoyen en faveur de la réalisation des OMD et du DSRP auBénin, le réseau Social Watch Bénin réunit plus 150 OSC béninoises. Sollicitée par

les PTF1 (SNV2, PNUD), la directrice de l’ONG « Sœurs unies à l’œuvre » sera rejointe parcinq autres OSC béninoises (CAO, GLEGBENU, GRAPAD, RIFONGA Bénin et WILDAF).

Social Watch Bénin désire « mobiliser les capacités de lobbying et de plaidoyer des OSC (ONG,institution) ou de Groupes de citoyens nationaux, ayant pour but de participer, au niveaude la société civile, à l’analyse et au suivi des stratégies de réduction de la pauvreté ».

Social Watch Bénin veut « suivre et contrôler les budgets des programmes des secteursprioritaires relatifs aux OMD et le budget général de l’État ». Cette vision constitue leniveau le plus élevé du contrôle citoyen de l’action publique visé par Social Watch, lebudget de l’État étant l’expression de la stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) duBénin. Ainsi, depuis septembre 2006, Social Watch s’est doté d’une Unité d’analyse dubudget général de l’État et des budgets sectoriels. Cette unité doit « susciter une bonnegouvernance économique, par la promotion d’une gestion transparente et équitable desressources publiques, basée sur la participation et l’inclusion des OSC et des contribua-bles à toutes les étapes du processus budgétaire national aussi bien aux niveaux cen-tral que sectoriel et communal ».

L’UA-BGE-BS a déjà réalisé des actions telles que :

➤ la lecture et l’envoi de recommandations sur le Budget de l’État exercice 2007, leurprésentation au Conseil économique et social et à l’Assemblée nationale. Cette ac-tion aurait permis au gouvernement de prendre en compte les besoins de dévelop-pement exprimés par les populations des 77 communes du Bénin ;

➤ l’élaboration et le lancement d’un « Guide de lecture et d’analyse du budget gé-néral de l’État et des budgets programmes des ministères » au profit des OSC enaoût 2007.

Même si plusieurs ateliers de renforcement des capacités de Social Watch ont déjà étéréalisés, les compétences actuelles de l’organe sont insuffisantes pour mener à bien lamission de l’unité d’analyse. Cette situation est défavorable à une expression citoyennedu suivi et du contrôle du budget général de l’État et des budgets sectoriels des minis-tères au Bénin. Bien que le problème soit pris en compte par Social Watch et ses par-tenaires, une réserve peut être émise sur l’efficacité à terme de l’action de cette cellule.Cela nous conduit à nous interroger sur la pertinence des choix des PTF.

1 Partenaires techniques et financiers.2 Coopération néerlandaise.

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Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 51

LE SUIVI ET LE CONTRÔLE DU BUDGET DE L’ÉTATDANS LE CADRE DES CSLP3

Le cas de l’action de Social Watch BéninPar Maurice Anselme Sossou4

> Introduction

●● Dynamique du cadrestratégique de lutte contrela pauvreté au Bénin

Depuis 1999, le Bénin s’est engagé dans lamise en œuvre d’une stratégie de réductionde la pauvreté (SRP) pour un développementhumain durable. La première stratégie trien-nale (2003-2005) a servi depuis lors de cadrestratégique de référence, de programmation etde budgétisation des actions du Gouverne-ment. Base du dialogue avec les partenairestechniques et financiers (PTF), cette stratégiea été axée sur le développement du secteursocial et l’amélioration de la gouvernance. Sonbut est de renforcer à la fois les capacités desacteurs et l’efficacité des actions.

Dans l’ensemble, le bilan de la SRP 2003-2005est mitigé. Les objectifs de croissance et de ré-duction de la pauvreté n’ont pas été atteints,même si de nombreuses réformes ont été en-treprises. La réalisation des Objectifs duMillénaire pour le Développement (ci-aprèsOMD) en 2015 semble compromise5.

Cette contre-performance est due entre au-tres à :

➤ une attention insuffisante accordée auxquestions de diversification et de croissance,notamment dans le cadre de la relance dusecteur privé et du développement des pôlesde croissance sectoriels et régionaux ;

➤ une sous-estimation du rôle joué par le ca-pital humain dans le processus de crois-sance et de réduction de la pauvreté ;

➤ une sous-estimation des limites internes del’administration publique face aux change-ments qu’impliquent les principes de ges-tion axés sur les résultats et la bonne gou-vernance en termes de participation de tousles acteurs et de respect de la transparencedans les politiques publiques de lutte contrela pauvreté ;

➤ une faiblesse de l’implication des commu-nautés locales au processus de développe-ment6.

3 Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.4 Socio-anthropologue, consultant indépendant.

[email protected] Cf. Stratégie de croissance pour la réduction de la pau-

vreté, République du Bénin, mars 2006, version finale,p. iv.

6 Idem., p. iv

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52 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

Pour le triennal 2007-2009, le Gouvernementactuel a élaboré entre mars 2006 et mars 2007la SCRP7. Visant à consolider les acquis de laSRP 1, la SCRP met l’accent sur la diversifica-tion de l’économie et l’intensification de lacroissance dans le but d’accélérer la lutte contrela pauvreté et la marche du Bénin vers la réali-sation des OMD. Selon le gouvernement bé-ninois, son élaboration est le fruit d’un exer-cice participatif ayant associé étroitement, àchacune des étapes, l’administration publique,les opérateurs économiques et la société ci-vile8. Les axes stratégiques et les domaines d’in-tervention prioritaires retenus s’inscrivent dansla vision: (i) de « Bénin 2025 Alafia »9 pour lapériode 2000 à 2025 ; (ii) des OMD pour la pé-riode 2000 à 2015 ; et (iii) des OSD10 pour lapériode 2006 à 2011.

La SCRP sert enfin de mécanisme de mobilisa-tion et de coordination des ressources, confor-mément à la « Déclaration de Paris » sur l’effi-cacité de l’aide. Selon le Gouvernement béninois,les évaluations indiquent que le coût total de laSCRP passerait de 631,5 milliards FCFA en 2007à 776,5 milliards en 2009, soit un taux de crois-sance annuel de l’ordre de 11 %11.

Suite au bilan peu favorable de la SRP 2003-2005, le Gouvernement du Bénin reconnaît quela mise en œuvre de la SCRP 2007-2009 néces-site un partenariat entre tous les acteurs natio-naux (Gouvernement, société civile, secteur privé)avec le soutien de la communauté internatio-nale. Dans cette optique, la participation desOSC12 dans le processus d’élaboration et desuivi-évaluation des politiques publiques de luttecontre la pauvreté est devenue une nécessité.

Ainsi, le réseau Social Watch Bénin a été crééen mars 2005. Il ambitionne de jouer davantagesa partition à travers le contrôle citoyen de l’ac-tion publique (CCAP) en faveur de la réduc-tion de la pauvreté et des inégalités au Bénin.Son action de suivi et de contrôle du budget del’État s’inscrit dans cette même perspective.

Depuis septembre 2006, Social Watch Bénins’est doté d’une Unité d’analyse du budget gé-néral de l’État et des budgets sectoriels (UA-BGE-BS).

7 Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté.8 Idem., p. iii.9 République du Bénin, 2000, Études et perspectives à

long terme du Bénin ou Bénin Alafia 2025.10 République du Bénin, 2006, Orientations stratégiques

de développement.11 République du Bénin, 2006, Stratégie de croissance

pour la réduction de la pauvreté, version finale, p. viii.12 Organisation de la société civile.13 D’après des entretiens réalisés auprès de Huguette

Akplogan-Dossa, coordinatrice de Social Watch Bénin.14 Sœurs unies à l’œuvre (SUO).15 Société néerlandaise pour le développement.16 Programme des Nations Unies pour le développement.

●● Contexte de créationet présentationde Social Watch Bénin

La création du réseau peut être attribuée à troisfacteurs13 :

➤ la reconnaissance du dynamisme et de l’en-gagement d’une béninoise responsabled’une ONG au sommet mondial des NationsUnies de juillet 2004 organisé par la FAO àRome ;

➤ le besoin des PTF d’impliquer les OSC bé-ninoises dans la vision du millénaire pour laréduction de la pauvreté ;

➤ la disponibilité des appuis de certains PTFdans ce processus au Bénin.

En effet, Huguette Akplogan-Dossa, directricede l’ONG béninoise SUO14, a impulsé la nais-sance du réseau Social Watch Bénin, point focaldu réseau international Social Watch. Grâceaux appuis techniques et financiers de la SNV15

et du PNUD16 au Bénin, Social Watch Bénin aété mis en place le 18 mars 2005.

Composé de 120 0SC béninoises lors de sa créa-tion, Social Watch Bénin compte de nos joursplus de 150 ONG et associations de dévelop-pement du pays. Coordonné par l’ONG SUO, leréseau béninois dispose d’un comité techniquecomposé de cinq autres OSC : CAO, Réseau

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Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 53

➤ le choix d’une thématique OMD et le DSRPen tant que stratégie nationale exécutée surtrois ans en vue de l’atteinte des OMD ;

➤ l’installation progressive des cellules localesdu CCAP de Social Watch dans les 77 com-munes du Bénin ;

➤ l’élaboration, l’impression et la diffusionchaque année d’un rapport alternatif desOSC sur les OMD ;

➤ l’animation des douze groupes thématiquesvisant la réalisation des OMD à travers leCCAP.

●● Contexte de suivi etde contrôle du budgetde l’État par Social Watch

Pour réaliser son ambition « de veille et de dis-suasion en donnant l’alerte pour la prise deconscience collective pour une bonne gestiondes affaires publiques, le réseau Social WatchBénin s’est doté depuis septembre 2006 d’uneUnité d’analyse du budget général de l’État etdes budgets sectoriels (UA-BGE-BS) »21.

Cette étape marque l’entrée en action spéci-fique de Social Watch Bénin pour le suivi et lecontrôle du budget de l’État, objet de la pré-sente étude de cas.

17 CAO : Centre Africa Obata. Réseau Glegbenu ChantiersJeunes : Réseau d’acteurs et d’associations de jeunessepour une citoyenneté active, une gouvernance et l’em-ploi durable. GRAPAD : Groupe de recherche et d’ac-tion pour la promotion de l’agriculture et du dévelop-pement. RIFONGA Bénin : Cellule béninoise du Réseaupour l’intégration des femmes des organisations nongouvernementales et associations africaines. WILDAF :Women In Law and Development in Africa.

18 Unité d’analyse du budget de l’État / Social Watch Bénin,juin 2007, Rapport d’activités, p. 2.

19 Document stratégique de réduction de la pauvreté.20 Voir les indicateurs des douze cibles des OMD rete-

nues par le Bénin en encadré.21 Unité d’analyse du budget de l’État / Social Watch Bénin,

juin 2007, Rapport d’activités, p. 3.

Glegbenu Chantier Jeunes, GRAPAD, RifongaBénin et Wildaf17. Ses autres organes sont :l’Assemblée générale, le Secrétariat exécutif,l’Unité d’analyse du budget général de l’État etdes budgets sectoriels (UA-BGE-BS), la Cellulede communication, les Cellules locales de suivi,les groupes thématiques, les responsables dezones et les consultants externes. Il faut souli-gner que l’Assemblée générale est composéede toutes les OSC membres du réseau ; le se-crétaire exécutif est recruté mais il est membredu Réseau Glegbenu Chantier Jeunes. Les au-tres organes seront analysés plus loin.

L’objectif de Social Watch Bénin est de « mobi-liser les capacités de lobbying et de plaidoyerdes OSC (ONG, institution) ou de Groupes decitoyens nationaux, ayant pour but de partici-per, au niveau de la société civile, à l’analyse etau suivi des stratégies de réduction de la pau-vreté »18. De façon spécifique et dans le cadrede son accord de convention avec l’Ambassadedu Royaume des Pays-Bas pour juillet 2006 àmars 2008, Social Watch Bénin veut :

➤ impliquer la société civile dans le processusd’élaboration, de mise en œuvre et de suivi-évaluation de la deuxième génération duDSRP19 aux côtés des institutions de l’État ;

➤ améliorer la participation de la société ci-vile aux niveaux local et national aux pro-cessus d’élaboration des programmes dedéveloppement et au CCAP ;

➤ suivre et contrôler les budgets des program-mes des secteurs prioritaires relatifs auxOMD et le budget général de l’État.

Pour atteindre ses objectifs, Social Watch Bénina structuré ses OSC membres en douze grou-pes thématiques. Chaque groupe thématiquese reporte à l’une des cibles des OMD retenuespar le Bénin20 ; il est divisé en cellules localespour le suivi des actions de lutte contre la pau-vreté au niveau des communes. Ainsi, les acti-vités du réseau couvrent l’ensemble du terri-toire. Le Bénin a été divisé en trois zones : lazone Centre, la zone Sud et la zone Nord.

La stratégie d’intervention de Social WatchBénin est basée sur :

Page 50: Modalités de dialogue entre société civile et État

54 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

Indicateurs des douze cibles des ODM sélectionnées par le Bénin

Cible 1 Réduire de 50 % la proportion de la population béninoise vivant en dessous du seuilde pauvreté, en faisant passer l’indice de pauvreté à 15 % d’ici à 2015.

Cible 2 Réduire de 50 % le nombre de personnes souffrant de malnutrition d’ici à 2015.

Cible 3 Assurer l’instruction primaire à tous les enfants en âge d’aller à l’école d’ici à 2015.

Cible 4 Éliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d’ici à 2015et, à tous les niveaux de l’enseignement, en 2015 au plus tard.

Cible 5 Réduire le taux de mortalité infanto-juvénile de 2166,5 pour mille en 1996 à 90 pour milleen 2015.

Cible 6 Réduire le taux de mortalité maternelle de 498 en 1996 à 390 pour cent mille naissancesvivantes en 2015.

Cible 7 Réduire la prévalence des IST/VIH/SIDA.

Cible 8 Avoir maîtrisé le paludisme et d’autres grandes maladies, et avoir commencé à inverserla tendance actuelle d’ici à 2015.

Cible 9 Intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales et inverserla tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales.

Cible 10 Réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façondurable à un approvisionnement en eau potable.

Cible 11 Réussir, d’ici à 2015, à améliorer sensiblement la vie d’au moins deux tiers des béninois vivantdans des taudis.

Cible 12 S’attaquer aux besoins des petits pays les moins avancés.

Source : Social Watch Bénin.

Avec cette unité d’analyse, Social Watch veut« susciter une bonne gouvernance économique,par la promotion d’une gestion transparenteet équitable des ressources publiques, baséesur la participation et l’inclusion des OSC etcontribuables à toutes les étapes du processusbudgétaire national, aussi bien aux niveauxcentral que sectoriel et communal »22.

Pour ce faire, l’unité d’analyse se fixe des ob-jectifs spécifiques tels que :

➤ s’approprier les mécanismes d’élaboration,de financement, d’exécution et d’évalua-tion des budgets à divers niveaux ;

➤ entreprendre l’analyse des budgets secto-riels et du budget général de l’État en vuede la réduction de la pauvreté ;

➤ identifier les impacts sociaux des politiquesmacro-économiques en faveur des plus pau-vres en vue et de proposer des actions cor-rectives ;

➤ mener des actions de lobbying et de plai-doyer pour une meilleure affectation desressources en faveur des plus pauvres dèsla phase d’élaboration des budgets ;

➤ capitaliser les activités et les actions menéesainsi que les résultats obtenus à chaque exer-cice budgétaire.

Les interventions spécifiques de cette unité d’a-nalyse sont prévues au niveau de l’élaborationdes budgets et de l’évaluation des impacts.

22 Op. cit. p. 5.

Page 51: Modalités de dialogue entre société civile et État

Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 55

Aucune action ne semble être planifiée sur lecontrôle de l’exécution et la lutte contre la cor-ruption. Le contrôle de l’exécution et la luttecontre la corruption sont-ils des priorités pourcette unité d’analyse et de Social Watch ? Pourrépondre à cette question, il convient d’analy-ser le processus et les modalités de l’action desuivi et de contrôle des budgets de l’État parSocial Watch Bénin.

I. Revue analytiquedu processus de suivi etde contrôle du budgetde l’État par l’actionde Social Watch Bénin

L’analyse des acteurs impliqués dans l’actionde Social Watch Bénin est nécessaire pour com-prendre les objets et enjeux, le cadre des rela-tions, les modalités et itinéraire, et les résultatset perspectives du processus de suivi et decontrôle du budget de l’État.

●● Les acteurs en présence

Typologie et caractéristiques :enjeux des différents acteurs

Le suivi et le contrôle du budget de l’État parSocial Watch Bénin mettent en jeu plusieursacteurs de provenances diverses : Social WatchBénin, les PTF, les institutions/structures poli-tiques, le parlement, les collectivités locales dé-centralisées et les citoyens. Le tableau 1 (cf.page suivante) permet de passer en revue lesprincipaux acteurs, leurs caractéristiques, leursattitudes vis-à-vis du processus, leurs intérêts etattentes, ainsi que leurs contributions et parti-cipations.

Tous les acteurs semblent être très favorablesà la promotion de la bonne gouvernance en

23 Unité d’analyse du budget de l’État / Social WatchBénin, juin 2007, Rapport d’activités, p. 3.

faveur de la lutte contre la pauvreté. Mais lamultiplicité des acteurs du processus de dialo-gue pour le contrôle et le suivi du budget del’État renvoie à une divergence des intérêts. Eneffet, il est possible de distinguer cinq typesd’intérêt, à savoir :

➤ la promotion des politiques publiques delutte contre la pauvreté et les inégalités parles pouvoirs publics ;

➤ l’appui-conseil du secteur privé au Gouver-nement par le Conseil économique et so-cial dans l’élaboration du budget de l’État ;

➤ le contrôle politique des actions du Gouver-nement et le vote du budget de l’État parle Parlement ;

➤ le CCAP et la promotion de la participationde la société civile à la bonne gouvernancepar Social Watch ;

➤ l’accompagnement du Bénin par les PTFdans la nouvelle vision de la coopération audéveloppement axée sur la déclaration deParis sur l’efficacité de l’aide.

Le cadre des relations entre les acteurs

● LES RELATIONS ENTRE LES OSCMEMBRES DE SOCIAL WATCH

Les OSC membres du réseau Social Watch Bénins’engagent à faire le contrôle citoyen de l’ac-tion publique dans leurs zones d’intervention.Elles s’acquittent de leurs contributions finan-cières par des droits d’adhésion (50 000 FCFA)et des cotisations annuelles (25 000 FCFA paran). Elles participent aux ateliers de renforce-ment des capacités techniques et d’orientationstratégique des actions.

L’unité d’analyse du budget (UA-BGE-BS) estcomposée des membres des douze groupesthématiques de Social Watch auxquels s’ajou-tent 18 personnes ressources de profils divers23

appelés « tuteurs ». Ces derniers apportentleurs appuis théorique et technique pour lerenforcement des capacités des OSC membresde l’unité d’analyse. Cette unité est composée

Page 52: Modalités de dialogue entre société civile et État

56 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

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Page 53: Modalités de dialogue entre société civile et État

Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 57

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Page 54: Modalités de dialogue entre société civile et État

58 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

de 36 membres issus des douze groupes thé-matiques de Social Watch (3 membres pargroupe thématique dont le responsable) et de18 « tuteurs » soit au total 54 membres.

Parfois, les « tuteurs » sont financièrement in-téressés : paiement de frais forfaitaires deconsultation ou de déplacement. La coordina-tion de Social Watch reconnaît la lourdeur del’Unité d’analyse, et des réflexions sont en courspour une redéfinition de la mission et la re-fonte de l’organe à la baisse.

Les relations entre Social Watchet les autres acteurs

La SNV et le PNUD sont les PTF privilégiés quiont accompagné Social Watch Bénin dès l’ori-gine de sa création, en mars 2005. De nos jours,Social Watch Bénin reçoit en particulier :

➤ un appui financier du PNUD pour le suivi àfaire de la réalisation de la SCRP au Bénindans le cadre du projet PASCRP24 ;

➤ un appui financier de l’Ambassade des Pays-Bas pour l’action de suivi et de contrôle dubudget général de l’État.

Par ailleurs, RTI25, financé par l’USAID, a donnéun appui financier à Social Watch Bénin dansle cadre des ateliers de formation des OSC surle contrôle citoyen de l’action publique danstrois communes du Bénin, à savoir : Lokossa,Ifangni et Parakou.

Le processus démocratique béninois offre uncadre politique propice à l’implication activedes OSC dans la gouvernance en faveur de lalutte contre la pauvreté et les inégalités. Cecontexte politique favorable permet à SocialWatch Bénin de s’afficher aux côtés de l’État etdes PTF comme acteur et partenaire dans lesdialogues autour des initiatives publiques delutte contre la pauvreté. Ainsi, l’action de suiviet de contrôle du budget général de l’État estl’une des dernières initiatives à l’actif de SocialWatch Bénin depuis septembre 2006.

II. Modalités et itinérairede l’action de suiviet de contrôledu budget de l’Étatpar Social Watch

●● Les modalités de l’actionde Social Watch Bénin

Elles concernent les moyens mobilisés, la ré-partition géographique et les formes des « ate-liers de discussion » ainsi que les modes etmoyens de communication.

Les moyens mobilisés

Les moyens mobilisés sont essentiellementfinanciers et techniques.

● SUR LE PLAN FINANCIER

L’Ambassade du Royaume des Pays-Bas, le PNUDet la SNV appuient de manière concertée le pro-cessus de suivi et de contrôle du budget del’État, qui est toujours en cours d’opérationnali-sation. Cette concertation des PTF s’inscrit dansle cadre de la Déclaration de Paris en rapportparticulier avec l’harmonisation de l’aide au dé-veloppement. Dans le cadre de l’accord deconvention pour la période de juillet 2006 à mars2008, l’Ambassade du Royaume des Pays-Basdonne finance à la hauteur de 264 777 307 FCFAsoit 403 000 euros environs26.

24 Le Projet d’appui à la stratégie de croissance pour la ré-duction de la pauvreté (PASCRP) est un projet d’appuidu système des Nations Unies au Gouvernement bé-ninois dans le cadre de la deuxième génération desCSLP au Bénin. Le PASCRP est mis en œuvre depuisavril 2007 et découle de la fusion de deux anciens pro-jets du PNUD au Bénin : 1) le projet OMD-DSRP et 2)le projet Rapport national sur le développement hu-main (RNDH).

25 Research Triangle Institute.26 Selon un expert en gouvernance de l’Ambassade du

Royaume des Pays-Bas au Bénin, enquêtes personnel-les, août 2007.

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Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 59

Ce fonds vise à renforcer :

➤ l’apport de Social Watch Bénin dans la réa-lisation des OMD ;

➤ la contribution de Social Watch au proces-sus DSRP dont l’action de suivi et de contrôledes budgets des politiques publiques delutte contre la pauvreté ;

➤ le plan de communication de Social WatchBénin.

Sur le plan matériel, cet accord avec l’Ambas-sade du Royaume des Pays-Bas a permis à SocialWatch d’acquérir un véhicule 4 x 4 et du ma-tériel informatique. Par ailleurs, un appui fi-nancier de 20 000 dollars de la part du PNUD,soit environ 10 000 000 FCFA, est prévu auprofit de Social Watch Bénin, pour le suivi dela mise en œuvre de la SCRP au Bénin27.

L’Ambassade du Royaume des Pays-Bas est lePTF le plus important de Social Watch Bénin.Cette situation est reconnue tant au niveau deSocial Watch qu’au niveau de l’ambassade.Selon un expert de l’Ambassade28, la raison estdouble :

➤ les actions de Social Watch (relatives auxOMD, DSRP et au CCAP) s’inscrivent biendans la vision de développement de l’Am-bassade ;

➤ la grande satisfaction de l’Ambassade pourl’engagement de Social Watch commeun réseau de certaines OSC, qui s’affichecomme partenaire civil au développement.

Toutefois, cet expert craint que l’ambition deSocial Watch Bénin de couvrir les questions re-latives aux douze cibles des OMD à la fois soitdémesurée car, a-t-il rappelé, « qui trop em-brasse mal étreint ».

● SUR LE PLAN TECHNIQUE

Plusieurs ateliers de réflexion et de renforce-ment des capacités des journalistes et des OSCont été organisés.

Pour Social Watch, la formation des journalis-tes est une priorité dans le processus de suiviet de contrôle des budgets publics pour plu-sieurs raisons :

➤ cette action renvoie à des activités de plai-doyer qui nécessitent de la communication,une forte mobilisation sociale, l’éveil desconsciences populaires, etc. Pour ce faire,les acteurs des divers organes de presse doi-vent maîtriser tous les rouages du processusbudgétaire des politiques publiques de luttecontre la pauvreté ;

➤ il est indispensable de renforcer la métho-dologie des journalistes en les amenant àse référer aux bonnes sources d’informa-tions pour une médiatisation objective ducontrôle citoyen de l’action publique (CCAP).

Des ateliers de renforcement des capacités onteu lieu avant, au cours et après l’installationde l’UA-BGE-BS. Ils ont porté sur divers thè-mes relatifs à la maîtrise de la lecture et del’analyse du budget de l’État et des budgetsprogrammes des ministères, et au CCAP. Lesformations visent à aider les bénéficiaires à ap-précier le rôle du budget de l’État dans :

➤ la réduction de la pauvreté et des inégalités ;

➤ la réduction des disparités entre zones ur-baines et zones rurales ;

➤ la prise en compte des priorités des secteurssociaux.

Le renforcement des capacités des membresde l’Unité d’analyse du budget a été assuréavec le recours aux « tuteurs ».

En effet, les membres de Social Watch en gé-néral et ceux de l’Unité d’analyse n’ont pas lescapacités techniques nécessaires à la maîtrisedu processus budgétaire des politiques pu-bliques. Dans ce contexte, le suivi et le contrôledes budgets publics par Social Watch est unleurre en l’absence de compétences requises.Ainsi, les « tuteurs » ont été sollicités pour ré-pondre à ce besoin.

27 Déclaration du secrétaire exécutif de Social Bénin aucours de l’« atelier de réflexion et d’orientation desOSC pour le suivi de la SCRP » des 2 et 3 août 2007 ausiège du réseau à Cotonou, Enquêtes personnelles,août 2007.

28 Expert en gouvernance à l’Ambassade du Royaumedes Pays-Bas, enquêtes personnelles, août 2007.

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60 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

Ils sont issus de diverses structures :

Au niveau du Gouvernement, ils proviennentde l’Unité d’analyse, de contrôle et d’évaluationdu budget de l’État (UNACEB) ; l’Équipe techniqued’appui à la réforme budgétaire (EARB) ; le Conseiléconomique et social (CES) ; l’Observa-toire duchangement social (OCS) ; la Commission natio-nale de régulation des marchés publics (CNRMP) ;la Direction de l’Audit et du Suivi-évaluation(DASE) ; la Commission nationale pour le déve-loppement et la lutte contre la pauvreté (CNDLP)devenue la Cellule de suivi des programmes deréformes économiques et structurelles (CSPRES)avec la poursuite du processus de la SCRP.

Au niveau de l’Assemblée nationale du Bénin,un tuteur vient de la Cellule d’analyse des po-litiques de l’Assemblée nationale (CAPAN).

Au niveau des Agences de développementinternational, ils viennent du PNUD avec leProjet d’appui à la stratégie de croissance pourla réduction de la pauvreté (PASCRP).

Au niveau d’autres entités, des enseignantsde l’université d’Abomey-Calavi, des expertsde cabinets d’audit et de comptabilité, et desconsultants indépendants sont à mentionner.

Les « tuteurs » ne représentent pas leurs struc-tures de provenance dans l’Unité d’analyse dubudget de Social Watch mais interviennent entant que personnes ressources et/ou consultants.Leur appui à Social Watch semble donc unecontribution officieuse. Il indique aussi a prioriune ambiguïté dans les relations entre acteurs.Toutefois dans un contexte de bonne gouver-nance et de transparence, il n’y aurait, selon un« tuteur », aucun risque d’appuyer les citoyensbéninois à des actions de contrôle citoyen del’action publique. Pourtant, cette situation carac-térise une ambivalence du rôle des « tuteurs »dans le processus budgétaire de l’État.

La répartition géographique etles formes des « ateliers de discussion »

● LES ATELIERS DE RENFORCEMENTDES CAPACITÉS

Les ateliers de réflexion, d’orientation straté-gique et de renforcement des capacités desOSC membres de l’unité d’analyse du budgetont porté sur de nombreux thèmes. Ils sont or-ganisés de façon descendante dans chacunedes trois zones29 au profit des représentantsdes OSC des communes concernées. Des res-titutions sont faites par la suite par les bénéfi-ciaires de ces premières formations dans leurscommunes de provenance au profit des autresOSC membres de Social Watch. Dans les com-munes, les OSC membres constituent les cel-lules locales de suivi.

● LE SUIVI ET LE CONTRÔLE CITOYENDE L’ACTION PUBLIQUE AU NIVEAU LOCAL

Les cellules locales de suivi de la SCRP et ducontrôle citoyen de l’action publique (CCAP)sont constituées de trois représentants des OSCmembres de Social Watch Bénin déjà activesdans la commune concernée. À l’étape actuelle,4 cellules sur 7730 ont été installées entre jan-vier et février 2006 au cours d’ateliers de for-mation sur le CCAP. Il s’agit des cellules descommunes de Lokossa, Athiémé, Ifangni etParakou, choisies en raison de la disponibilité,du dynamisme et de l’engagement des OSCactives dans ces communes.

Comment expliquer la faible implantation descellules de contrôle citoyen de l’action publiqueau niveau communal ? Social Watch privilégie-t-il le travail au niveau central ?

29 Il s’agit des zones Nord, Centre et Sud dont les pointsde rencontre sont respectivement les villes de Parakou,Lokassa et Cotonou. Chaque zone est composée desOSC membres de Social Watch et actives dans les com-munes de la zone concernée.

30 Le Bénin compte 77 communes qui sont les collectivi-tés locales décentralisées, administrées chacune parun conseil communal élu par suffrage direct et dirigépar un maire élu au sein dudit conseil.

Les « tuteurs » provenant des servi-ces budgétaires de l’État sont-ils ca-pables d’orienter objectivement (sansconnotation politique) les OSC mem-bres de Social Watch pour le contrôle dubudget qu’ils ont eux-mêmes élaboré ?

Page 57: Modalités de dialogue entre société civile et État

Dans le cadre des accords de financement encours de négociation pour le suivi de la SCRPau Bénin auprès du PNUD et de la Coopérationsuisse, Social Watch prévoit de mettre en placeune trentaine de cellules de suivi dès la forma-lisation dudit accord. Elles piloteront et suivrontla mise en œuvre de la SCRP dans les commu-nes concernées pendant six mois.

● LA CONTRIBUTION À L’ÉLABORATIONDE LA SCRP OU DSRP II

Social Watch a participé au forum national or-ganisé les 14 et 15 février 2006 par la CNDLP31

et qui a porté sur le dispositif d’élaboration duDSRP II. Cette participation de Social Watch asuscité, au sein du réseau, la mise sur piedd’une « équipe technique DSRP II » le 7 mars2006. Composée des trois représentants du ré-seau au forum national sur le dispositif d’éla-boration du DSRP II, l’équipe a été chargéed’appuyer le secrétariat exécutif de Social Watchpour sa participation effective à toutes les pha-ses du processus autour du DSRP II ou SCRP2007-2009. Cette équipe a œuvré pour l’im-plication de Social Watch Bénin (18 personnesà raison de 2 par groupe) dans les neuf grou-pes thématiques créés par la CNDLP pour l’éla-boration du DSRP II.

Par la suite, Social Watch a organisé :

➤ une enquête de collecte des données surles besoins de développement des popula-tions locales ;

➤ l’harmonisation des données collectées auniveau des départements ;

➤ l’élaboration et la transmission à la CNDLP,d’un document national sur les priorités etrecommandations des populations et OSCpour le DSRP II.

Enfin, Social Watch a organisé des ateliers d’a-mendement de la première version du DSRPélaborée par la CNDLP et a participé à sa vali-dation au plan national.

Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 61

31 Commission nationale pour le développement et lalutte contre la pauvreté (CNDLP) devenue avec la SCRP,la Cellule de suivi des programmes de réformes écono-miques et structurelles (CSPRES).

● LE PLAIDOYER AUPRÈS DU CONSEILÉCONOMIQUE ET SOCIALET DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

l’UA-BGE-BS de Social Watch, après lecture etobservations faites sur la proposition duGouvernement, a fait des recommandationsécrites sur le budget général de l’État 2007.Ces recommandations ont été présentées direc-tement au Conseil économique et social ainsiqu’à l’Assemblée nationale du Bénin. Les dia-logues ont eu lieu au cours d’une visite effec-tuée par la coordination de Social Watch (dontles membres de l’UA-BGE-BS) à chacune desdeux institutions. À l’issue des deux rencontres,le CES et l’Assemblée nationale ont appréciéles contributions d’amélioration proposées parSocial Watch.

Selon, le secrétariat exécutif de Social Watch,le budget final de l’État exercice 2007 auraitpris en compte plusieurs recommandations desOSC membres du réseau.

Cependant, l’action de l’UA-BGE-BS de SocialWatch par rapport au budget de l’État béninoisexercice 2007 a été tardive. Elle n’a commencéqu’avec l’amendement de la proposition duGouvernement et la présentation des recom-mandations des OSC au CES et à l’Assembléenationale.

Les modes et moyensde communication utilisés

Social Watch Bénin utilise plusieurs modes etmoyens de communication.

Les plus utilisés sont :

● L’INTERNET ET LE GROUPE DE DISCUSSION

Social Watch Bénin dispose d’un groupe dediscussion électronique, d’information et d’é-change, dont le courriel est : http://fr.groups.yahoo.com/group/social_watch_benin. Cemode de communication est utilisé par les OSCqui ont accès à l’Internet, et dans le cas duBénin cette accessibilité est faible. Il y a aussi letéléphone (00229 21042012 / 90936071), uncourriel ([email protected]) et un site Internet(http://www.swbenin.ca.tc).

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62 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

● LA COMMUNICATIONPAR LES ORGANES DE PRESSE

Les citoyens sont informés, sensibilisés et inci-tés au contrôle citoyen de l’action publiquegrâce à des actions de communication effec-tuées par le biais des organes de presse éta-tiques et privés sur toute l’étendue du terri-toire béninois. Les chaînes de télévision, radioset presses écrites qui permettent à Social Watchde diffuser des informations sur les OMD, leDSRP et les politiques publiques de lutte contrela pauvreté, les bonnes et mauvaises actionsde la part des autorités et responsables publicset civils. Ces canaux permettent d’éveiller laconscience des citoyens béninois sur la néces-sité de leurs contributions au contrôle citoyende l’action publique, et en particulier pour lesuivi et le contrôle du budget de l’État et desbudgets sectoriels des ministères. Les organesde presse ont donc une importance capitaledans les activités de Social Watch.

Conscient de cette importance, Social Watchnégocie des contrats de prestation avec diversorganes de presse. Pour la plupart des contrats,le principe est déjà acquis et les modalités deleur opérationnalisation sont en cours. Dansce cadre, Social Watch aura, pendant six mois,accès aux canaux de communication suivants :3 chaînes de télévision dont la télévision na-tionale ORTB ; 10 organes de presse écrite ; 20radios locales dont 5 dans la zone Nord, 5 dansla zone Centre et 10 dans la zone Sud32.

Toutes les actions de communication sont coor-données par la cellule de communication crééeau sein du réseau.

● LA CELLULE DE COMMUNICATIONET LE BIMESTRIEL D’INFORMATION« SOCIAL WATCH BÉNIN INFO »

La cellule de communication a été mise en placeen 2006 suite aux recommandation survenueslors de la deuxième Assemblée générale deSocial Watch. Elle est composée de trois jour-nalistes ayant déjà travaillé pour Social Watch.En plus de la coordination de la communication,la cellule anime un bulletin bimestriel d’infor-mations et d’analyses d’information dénommé

32 Enquêtes personnelles, août 2007 ; Social Watch Bénin,août 2007, Fiche-Point Contrat de prestation avec lesorganes de presse, Fichier électronique.

« Social Watch Bénin Info ». Chaque numéroest édité en français et en anglais. Avec 1 500exemplaires par édition, le bulletin est distri-bué gratuitement à tous les PTF de SocialWatch, à toutes les OSC membres du réseau,et lors des rencontres nationales et internatio-nales auxquelles participent les membres dela coordination du réseau.

Certains critiquent le caractère plus informa-tif ou propagandiste (sur les activités de SocialWatch) qu’analytique (en termes de contrôlecitoyen de l’action publique et d’interpellationdes pouvoirs publics ainsi que des citoyens bé-ninois) du bulletin.

Les difficultés sont de plusieurs ordres. Ellessont évoquées par les membres de la celluleet par ceux d’autres organes de Social Watch.Elles se rapportent essentiellement au manqued’autonomie financière de la cellule de com-munication. À cela, la faible capacité techniquede la cellule de communication en particulieret des membres de Social Watch en général àfaire des analyses et contrôle du BGE se réper-cute inévitablement sur la qualité analytiquedu bulletin.

●● L’itinéraire de l’actionde Social Watch Bénin

L’idée de Social Watch de mettre en place une« Unité d’analyse du budget général de l’État etdes budgets sectoriels » répondait au besoinde rendre opérationnel l’un des objectifs spéci-fiques du réseau : faire le suivi des budgets pro-grammes des secteurs prioritaires relatifs auxOMD et le suivi du budget général de l’État.Pour ce faire, des processus de communicationverticaux (consultation, formation, information)et horizontaux (concertation, dialogue, négo-ciation) ont été mis en œuvre, avant, au courset après l’installation de l’Unité d’analyse.

Page 59: Modalités de dialogue entre société civile et État

Avant la mise en placede l’Unité d’analyse

Une étude intitulée « Consultation pour la miseen place d’une Unité d’analyse du budget gé-néral de l’État et des communes au Bénin » aété confiée à un consultant béninois impliquédans plusieurs organisations33. Elle répondaità un besoin d’appui exprimé par Social WatchBénin pour installer cette unité. Au terme de sesinvestigations, le consultant a proposé quatregrandes étapes du processus d’installation.

● L’IDENTIFICATION D’INSTITUTIONSSTRATÉGIQUES ET LEUR IMPORTANCEPOUR LE PROCESSUS

Le consultant a proposé treize structures degestion à divers niveaux, de contrôle et de ré-gulation des finances publiques. Elles agissentpour la plupart dans le cadre des actions de ré-forme engagées par le Bénin.

● L’IDENTIFICATION DES PERSONNESRESSOURCES À IMPLIQUERDANS L’UNITÉ D’ANALYSE

Le consultant a fixé une douzaine de critères surla base desquels il a donné, à titre indicatif,une liste de dix-neuf personnes ressources sus-ceptibles d’être sollicitées. Quinze personnesont été retenues parmi cette liste indicativepour la constitution de l’équipe des « tuteurs »de Social Watch.

● L’IDENTIFICATION DES PARTENAIRESPRIVILÉGIÉS

Pour identifier les partenaires, trois critères ontété définis au terme de la consultation : i) tra-vailler dans le domaine d’appui à la société ci-vile ; ii) être une institution de gestion et/ou decontrôle de l’administration publique ; iii) avoircomme domaine d’intervention l’appui budgé-taire au niveau central ou niveau décentralisé.

● L’ÉLABORATION DU PROCESSUSDES RENCONTRES, SA MISE EN ŒUVRE ETL’INSTALLATION DE L’UNITÉ D’ANALYSE

Le consultant a retenu une dizaine d’étapesmenant à l’installation de l’UA-BGE-BS. Le suivi

Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 63

des étapes a été marqué entre autres par lesactions suivantes :

➤ prise de contact et adhésion suscitée au-près des personnes ressources proposéespar le consultant ;

➤ rencontre avec les personnes favorables àl’Unité d’analyse : réunion de travail, pro-positions et planification de l’installation.

Au cours des premières rencontres de SocialWatch avec les personnes ressources favora-bles (14 sur 18 ont participé aux rencontres),les enjeux se situaient à deux niveaux : (i) la vo-lonté des responsables des groupes théma-tiques de faire partie de l’UA-BGE-BS et (ii) l’ab-sence des capacités techniques requises auniveau de Social Watch, pour suivre et contrô-ler le processus budgétaire de l’État.

Dans ce contexte, Social Watch Bénin a eu re-cours à des ateliers de renforcement des capa-cités avant, pendant et après l’installation del’Unité d’analyse. L’objectif de ces formationsest de mettre à la disposition des OSC et desacteurs des médias des savoir-faire pour lesaider à comparer et pour critiquer librement,chiffres à l’appui, les propositions budgétairesde l’Exécutif. Ainsi, avant l’installation de l’Unitéd’analyse du budget général de l’État et desbudgets sectoriels, les journalistes et des re-présentants des groupes thématiques de SocialWatch ont été formés à la lecture et à l’ana-lyse des budgets programmes sectoriels et dubudget général de l’État.

Au cours de l’installationde l’Unité d’analyse

Un atelier a été organisé le 15 septembre 2006au niveau national, pour l’élaboration de la stra-tégie de mise en œuvre de l’action de suivi etde contrôle du budget général de l’État et desbudgets programmes des ministères. Suite à la

33 Il s’agit de Aubin GODJO, juriste et membre du Frontdes organisations nationales de lutte contre la corrup-tion (FONAC) au Bénin. Il est par ailleurs membre de laCommission nationale de régulation des marchés pu-blics ; et par la suite, il a été promu « tuteur » par SocialWatch Bénin. Il a été recruté suite à un avis de consul-tation restreinte lancé par Social Watch.

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64 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

concertation entre les OSC membres des 12groupes thématiques et les « tuteurs », l’Unitéd’analyse composée de 54 membres dont 18« tuteurs » et 36 représentants des 12 groupesthématiques de Social Watch a été installée.

Comment Social Watch Bénin justifie-t-il le re-cours à 54 personnes dans l’Unité d’analyse(36 représentants des groupes thématiques et18 tuteurs) ?

Pour les 36 représentants des groupes théma-tiques, l’explication est liée à i) l’intérêt du pres-tige et des avantages possibles de devenir mem-bre de l’UA-BGE-BS et ii) la procédure tradi-tionnelle de Social Watch de vouloir à tout prixfaire représenter tous les douze groupes thé-matiques dans les organes du réseau pour com-bler toutes les attentes. Ainsi, en plus desresponsables de chaque groupe thématique,deux autres membres ont été représentés.

La liste indicative des 19 personnes ressourcesproposées par le consultant a orienté le choixdes 18 tuteurs. L’idée que la multiplicité et laqualité des profils des « tuteurs » indiqueraientaussi la qualité des travaux de l’Unité d’ana-lyse a déterminé le choix final.

De l’installation de l’Unité d’analyseà nos jours

Après son installation, l’Unité d’analyse a menéplusieurs actions.

● L’ORGANISATION D’ATELIERS

➤ Un atelier de réflexion et de formulation derecommandations de l’Unité d’analyse deSocial Watch sur le budget général de l’Étatet des budgets sectoriels.

➤ Un atelier de lecture et d’analyse approfon-die du budget général de l’État gestion 2007.

➤ Un atelier de formation des hommes de mé-dias sur l’analyse pratique du budget géné-ral de l’État et des budgets sectoriels dansles trois zones du Nord, du Centre et duSud du Bénin.

➤ L’organisation en mai 2007 d’un atelierd’analyse organisationnelle et institution-nelle de Social Watch a mis en évidence la

lourdeur structurelle des organes de SocialWatch, en particulier les groupes théma-tiques et, par conséquent, l’Unité d’analysedu budget de l’État.

● LA REFONTE DES GROUPES THÉMATIQUESET LE PROJET DE REFONTE DE L’UA-BGE-BS

La lourdeur des effectifs des groupes théma-tiques et de l’Unité d’analyse du budget del’État a induit des réflexions stratégiques pourleur refonte à la baisse. En effet, un atelier d’a-nalyse organisationnelle et institutionnelle deSocial Watch suscité par la SNV a été organisédu 2 au 4 juillet 2007 à Cotonou. Le finance-ment des travaux a été assuré par Social Watchalors que l’expertise technique a été assuréepar la SNV. La réduction des effectifs des grou-pes thématiques et de l’UA-BGE-BS a été re-commandée lors dudit atelier.

Ainsi, l’atelier34 organisé les 14 et 15 septem-bre 2007 par Social Watch à Cotonou a permisla réduction des groupes thématiques de 12 à6, par combinaison de deux à trois cibles desOMD retenues au Bénin. Remarquons que lenombre 6 renvoie à l’effectif des 6 OSC qui ontconduit le processus de création de SocialWatch et qui constituent aussi les membres dela coordination du réseau35. Chaque groupethématique est composé de cinq membres :un animateur principal (ou le responsable), unanimateur principal adjoint, un rapporteur, unresponsable pour chaque cible des OMD36 (cf.tableau 2).

34 Atelier de planification des activités de suivi de l’élabo-ration des budgets sectoriels des ministères prioritai-res pour la lutte contre la pauvreté exercice 2008. Cetatelier vise l’implication effective des acteurs de la so-ciété civile dans la surveillance de l’élaboration d’unbudget général de l’État 2008 participatif et inclusifqui réponde aux aspirations de mieux-être des popu-lations bénéficiaires.

35 Voir le point 1.2.1. Contexte de création et présenta-tion de Social Watch, pour les définitions des 6 OSC àsavoir : CAO, Réseau Glegbenu Chantiers Jeunes, GRA-PAD, RIFONGA Bénin et WILDAF.

36 Chaque groupe prend en compte deux cibles sauf legroupe 5 qui compte trois cibles et qui, de ce fait, estcomposé de six membres.

Page 61: Modalités de dialogue entre société civile et État

De même, une refonte de l’Unité d’analyse per-mettra de passer de 54 à 21 membres de lamanière suivante :

➤ chaque nouveau groupe thématique four-nira trois représentants dont le responsableou l’animateur principal ;

➤ le nombre des tuteurs sera réduit aux repré-sentants de trois structures étatiques37. Il s’a-git de : (i) l’Unité d’analyse, de contrôle etd’évaluation du budget de l’État (UNACEB) ;(ii) de la Cellule d’analyse des politiques del’Assemblée nationale (CAPAN) ; et (iii) del’équipe technique d’Appui à la réforme bud-gétaire / Direction nationale du Budget.

● ÉLABORATION DU GUIDE DE LECTUREET D’ANALYSE DU BGE ET DES BS

Le guide de lecture et d’analyse du budget gé-néral de l’État et des budgets de programmes desministères a été élaboré en juin 2007. Élaborésous la forme d’un livret de 35 pages, il a étéréalisé par trois « tuteurs » rémunérés par SocialWatch. Ce guide met l’accent sur la stratégiede suivi des budgets sectoriels. Selon ses au-teurs38, il offre le cadre idéal pour l’exercice ducontrôle de l’action gouvernementale, consi-déré comme une veille stratégique de la sociétécivile destinée à suivre et à contrôler l’utilisationfaite des ressources publiques. Pour ce faire,priorité est accordée aux indicateurs de réalisa-tions physiques et de résultats assez simples quiseront mesurés sur la base d’un tableau de bordà élaborer par secteur de lutte contre la pauvreté.

Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 65

● LANCEMENT DU GUIDE DE LECTUREET D’ANALYSE DU BGE ET DES BS

Le « Guide de lecture et d’analyse du budgetde l’État et des budgets programmes des mi-nistères » a été lancé le 16 août 2007 au Centreinternational des conférences de Cotonou.

III. Résultats, faiblesses etperspectives de l’actionde suivi et de contrôledu budget de l’Étatpar Social Watch Bénin

●● Résultats de l’action

Moins d’un an après son installation, nous de-vons reconnaître plusieurs résultats39 à l’actifde l’UA-BGE-BS de Social Watch Bénin.

NOUVEAUX GROUPESTHÉMATIQUES

CIBLES* DES OMD CONCERNÉESOU ANCIENS GROUPES

OSCRESPONSABLE DES NOUVEAUX

GROUPES THÉMATIQUES

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

Groupe 4

Groupe 5

Groupe 6

1 et 2

3 et 4

5 et 6

7 et 8

9, 10 et 11

12

SUO

RIFONGA

WILDAF

CAO

Réseau Glegbenu Chantier Jeunes

GRAPAD

TABLEAU 2 > Projet de la nouvelle configuration des groupes thématiques de Social Watch Bénin

37 Le choix des tuteurs est guidé par la pertinence de leurappui et par l’efficacité des conseils prodigués jusqu’àprésent.

38 Richard Georges SINSIN et Mathias HOUNKPE de laCAPAN, et Michel DEDEWANOU de l’UNACEB.

39 Unité d’analyse du budget de l’État / Social Watch Bénin,juin 2007, Rapport d’activités, p. 6-7.

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66 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

L’intensification de l’action citoyenne

➤ Plus de 150 OSC béninoises œuvrant dansle développement sont mobilisées pour uneparticipation aux activités de contrôle ci-toyen de l’action publique.

➤ Plus de 200 personnes (OSC, acteurs de mé-dias, membres de l’Unité d’analyse) se sontimprégnées des questions liées à la poli-tique des finances publiques, aux procédu-res et mécanismes d’élaboration des bud-gets, aux stratégies de mobilisation et d’uti-lisation des ressources par l’État grâce à leurparticipation aux ateliers de renforcementdes capacités des acteurs.

➤ Les journalistes ont adopté des plans mé-dias pour accompagner des actions du ré-seau. Des contrats sont signés avec des or-ganes de presse pour accompagner effica-cement la sensibilisation des citoyens pourune veille sociale en faveur du contrôle ci-toyen de l’action publique.

➤ Les OSC membres de Social Watch ont prisdes résolutions et fait des recommandationsqui sont transmises au Gouvernement, auxparlementaires, au Conseil économique etsocial en vue d’assurer une veille sociale decontrôle des politiques publiques de luttecontre la pauvreté et les inégalités.

➤ Les recommandations relatives au projet deloi de finance gestion 2007, formulées aucours des ateliers de formation et d’orien-tation stratégique sur les documents bud-gétaires, ont été transmises au CES et àl’Assemblée nationale.

➤ Des conférences et déclarations de pressesont faites régulièrement pour dénoncer,prendre position, soutenir et/ou encoura-ger des décisions politiques.

Le renforcement des capacités de suiviet d’analyse des budgets publicsde lutte contre la pauvreté

➤ La capacité des participants à analyser et éva-luer les budgets en vue de proposer des alter-natives favorables au respect des droits so-ciaux et économiques des citoyens, surtout

des couches sociales pauvres et vulnérablesdes villes et des zones rurales est renforcée.

➤ Les journalistes formés ont compris et par-tagé la vision de Social Watch Bénin à sa-voir :

> aller à la recherche de l’information cré-dible par un ciblage des sources, pour évi-ter l’usage abusif de l’expression « … desources bien informées » ;

> s’intéresser à la prise en compte desaspects sociaux dans l’élaboration du bud-get et veiller à toutes les formes de sub-tilités qui peuvent s’y intégrer au coursdu processus d’élaboration, de vote etde mise en œuvre ;

> comprendre et analyser les budgets pro-grammes des ministères sur la base desindicateurs de performance.

La mise en place d’outilsméthodologiques

Un guide de lecture et d’analyse du budget gé-néral de l’État et des budgets sectoriels par cibledes OMD a été élaboré par l’Unité d’analyse duBGE et des BS de Social Watch Bénin.

Certes, tous ces résultats traduisent des progrèsnotoires des OSC de Social Watch Bénin à contri-buer au processus multi-acteurs autour des dia-logues relatifs à la définition, l’élaboration et lamise en œuvre de politiques publiques de luttecontre la pauvreté dans le pays. Toutefois, l’ac-tion de Social Watch rencontre des faiblesses.

●● Les faiblesses de l’actionde Social Watch Bénin

Selon le secrétaire exécutif du réseau, « SocialWatch ne peut pas être juge et partie à la fois.Pour un contrôle citoyen de l’action publique ob-jectif, Social Watch doit se garder de participerà la mise en œuvre des politiques publiques quiimpliquent forcément une gestion des moyenspublics ». Il reste tout de même vrai que les OSCmembres de Social Watch participent dans leursindividualités à la mise en œuvre des politiques

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Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 67

publiques de lutte contre la pauvreté dans leursdomaines d’intervention sur le terrain.

Par ailleurs, Social Watch a mené plus d’ac-tions au niveau du suivi de l’élaboration duprocessus budgétaire exercice 2007 qu’au ni-veau du contrôle de l’exécution budgétaire etde la lutte contre la corruption. Ces opérationsne sont d’ailleurs pas précisées dans son ac-tion depuis la mise sur pied de son Unité d’ana-lyse du BGE-BS.

Social Watch risque d’occulter cet aspect ducontrôle budgétaire à l’avenir : le dernier atelierorganisé par le réseau reste encore moins am-bitieux à ce sujet. En effet, organisé les 14 et 15septembre 2007 à Cotonou, l’« Atelier de pla-nification des activités de suivi de l’élaborationdes budgets sectoriels des ministères prioritai-res pour la lutte contre la pauvreté exercice2008 » a pour objectif d’« impliquer effective-ment les acteurs de la société civile dans la sur-veillance de l’élaboration d’un BGE 2008 parti-cipatif et inclusif qui réponde aux aspirations demieux-être des populations bénéficiaires ».

En définitive, à l’étape actuelle, Social WatchBénin effectue une action axée plus sur le suividu processus budgétaire de l’État que sur soncontrôle.

●● Les perspectives d’action

Les perspectives d’action, selon Social WatchBénin, s’orientent suivant cinq axes : l’intensi-fication des activités, le renforcement des ca-pacités des acteurs internes, la capitalisationdes expériences, l’approfondissement de la mé-thodologie et de la structure, et le renforce-ment de la communication.

L’intensification des activités de SocialWatch Bénin grâce à...

➤ La poursuite de l’installation des cellules lo-cales pour le suivi de la SCRP 2007-2009dans les communes du Bénin, la SCRP étantla base sur laquelle sont élaborés en principele budget général de l’État et les budgetsprogrammes et sectoriels.

40 Le chef du Service de coopération et d’action cultu-relle de l’Ambassade de France au Bénin, Enquêtespersonnelles, août 2007.

➤ La participation à tout le processus d’éla-boration, de vote, d’exécution et de suividu budget 2008 à venir.

➤ La mise en œuvre d’un mécanisme de suivides financements des actions prévues aubudget vers les cibles.

➤ La mise en place d’un comité qui suivra l’exé-cution des budgets sectoriels.

Le renforcement des capacitésdes acteurs

➤ Renforcement des capacités spécifiques desmembres de l’UA-BGE-BS de Social Watch.Ce besoin est crucial et se justifie. La com-plexité d’analyse du processus budgétairede l’État a été évoquée par plusieurs enquê-tés. Par exemple, pour un « tuteur », le pro-cessus budgétaire de l’État renvoie à unecomplexité technique imbriquée dans unarsenal juridique axé sur une loi de finance.De ce point de vue, le CCAP ne peut se fairepar Social Watch Bénin que par le recoursaux canaux réglementaires d’élaboration,de mise en œuvre et de suivi-évaluation duprocessus. Pour le chef du SCAC40, « le pro-cessus budgétaire de l’État est une chaînelongue et complexe. Son élaboration sup-pose un arbitrage interministériel et des dia-logues avec les institutions de la République(CES, Assemblée nationale) et les OSC. Demême, son exécution exige le respect deslois de passation des marchés publics… ».

➤ Renforcement des capacités des membresde l’Unité d’analyse de Social Watch et desOSC membres. À cet effet, les ateliers deformation à venir porteront sur des thèmestels que la gestion axée sur les résultats(GAR), les indicateurs, le suivi participatifou encore la prise en compte du genre dansles processus d’élaboration du budget gé-néral de l’État.

➤ La sensibilisation et l’incitation des journalis-tes au respect des règles d’éthique et de déon-tologie. Cette sensibilisation a pour objectif de

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68 — Le cas de l’action de Social Watch Bénin

pousser les journalistes à vérifier toute infor-mation relative à l’élaboration et à la mise enœuvre du budget avant leur publication.

La capitalisation des expériences

Il est prévu que les capitalisations, éditions etpublications des rapports des travaux de l’UA-BGE-BS de Social Watch Bénin soient publiées.

Méthodologie et structure

➤ Réduction des membres de l’UA-BGE-BS de54 à 21 personnes.

➤ Élaboration d’un tableau de bord par secteuravec inscription des indicateurs de réalisationssimples et de résultats physiques en référenceaux douze cibles des OMD retenus par leBénin, pour le suivi des budgets programmes.

➤ Adoption d’une stratégie d’analyse des bud-gets communaux par les cellules locales deSocial Watch.

➤ Redéfinition41 du concept de l’unité d’ana-lyse du budget général de l’État et des bud-gets sectoriels.

La communication

➤ Animation du site Web de Social Watch avecune rubrique spécifique de formation enligne sur la lecture et l’analyse du BGE etdes Budgets sectoriels.

➤ Traduction et vulgarisation des budgets pro-grammes synthétisés, gestion 2007 en lan-gues locales et au niveau décentralisé.

> Conclusions

L’action de suivi et de contrôle du budget del’État par Social Watch constitue le niveau leplus évolué de son contrôle citoyen de l’actionpublique. En effet, dans le cadre des CSLP, lebudget de l’État est élaboré (en principe) surla base de la SCRP qui définit les bases straté-giques des politiques de réduction de la pau-

vreté et des inégalités. La SCRP constitue éga-lement la base du dialogue entre l’État béni-nois et les PTF de l’aide au développement.

La force de l’action de suivi et de contrôle dubudget de l’État par Social Watch réside dansle dynamisme et le travail d’équipe, surtout auniveau central que coordonne le comité tech-nique du réseau. Son action est favorisée parun contexte politique démocratique. Cecontexte a permis l’émergence des OSC dontSocial Watch qui se positionne comme l’un desacteurs incontournables sur le thème de l’aideau développement au Bénin. La disponibilitédes appuis des PTF (Ambassade du Royaumedes Pays-Bas, le PNUD, la SNV, etc.) constitueelle aussi le facteur qui renforce l’action.

Mais le processus de suivi et de contrôle bud-gétaire de l’État est technique et complexe. Ilnécessite, selon un tuteur spécialiste42 de : « sa-voir lire et analyser le budget ; suivre les dis-cussions de préparation et d’élaboration dubudget, respectivement au niveau des minis-tères, du ministères des finances, du Conseiléconomique social et de l’Assemblée natio-nale ». Cette situation pose le problème descompétences de Social Watch Bénin à menerune action efficace de suivi et de contrôle duBGE et des BS sans l’appui des tuteurs.

Questions, ouverture des débats

Les tuteurs ont-ils la capacité et la volonté detransmettre leurs savoir-faire aux membres deSocial Watch ? N’y a-t- il pas un risque que lestuteurs gardent jalousement le contrôle de l’in-formation, d’autant qu’ils sont payés pour leurexpertise ?

Comment Social Watch Bénin peut-il éviter depolitiser son action alors même que le contrôleet le suivi du budget de l’État exige une prisede position politique en faveur de la lutte contrela pauvreté et les inégalités ?

41 Cette redéfinition a été évoquée par le chargé des étu-des de Social Watch. Ce dernier estime qu’il est oppor-tun d’inscrire cette redéfinition dans la dynamique de cequi se fait dans la sous-région africaine avec les expérien-ces en la matière au niveau de pays comme le Cameroun.

42 Entretien avec un tuteur, Enquêtes personnelles, août2007.

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Le cas de l’action de Social Watch Bénin — 69

Comment Social Watch Bénin peut-il éviter d’ê-tre instrumentalisé par l’État alors même que sonaction ne peut être menée sans le soutien tech-nique de tuteurs issus des structures étatiques ?

Comment les PTF justifient-ils le financementde cette action alors que les compétences né-

cessaires à son aboutissement sont quasi-inexistantes ?L’aide au développement est-elle réellementefficiente ?Dans quelles mesures les PTF motivent-ils lesinitiatives citoyennes ?

Bibliographie

DÉCLARATION DE PARIS SUR L’EFFICACITÉ DE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT, mars 2005,Appropriation, harmonisation, alignement , résultats et responsabilité mutuelle, Forumà haut niveau, Paris.

RÉPUBLIQUE DU BÉNIN, mars 2006, Stratégie de croissance pour la réduction de lapauvreté, version finale, 118 p.

RÉPUBLIQUE DU BÉNIN, mars 2007, Programme d’actions prioritaires de la SCRP 2007-2009, 61 p.

SINSIN Richard Georges, HOUNKPE Mathias, DEDEWANOU Michel, 2007, Guide delecture et d’analyse du budget général de l’État et des budgets programmes des mi-nistères, Social Watch Bénin / Unité d’analyse du budget général d’État, 31 p.

SOCIAL WATCH BÉNIN, juillet 2007, Termes de référence Atelier de réflexion etd’orientation des OSC pour le suivi de la SCRP, Cotonou, 4 p.

SOCIAL WATCH BÉNIN, septembre 2006, Rapport de l’Atelier de formation des acteursdes médias sur la lecture et l’analyse du Budget général de l’État, Cotonou.

SOCIAL WATCH BÉNIN, septembre 2006, Rapport de l’atelier d’installation officielle etd’élaboration de la stratégie d’action des membres de l’Unité d’analyse, Cotonou.

SOCIAL WATCH BÉNIN, octobre 2006, Rapport de la rencontre avec le représentant dela société civile au CES, Cotonou.

SOCIAL WATCH BÉNIN, octobre 2006, Rapport de l’atelier de réflexion et de formula-tion de recommandations par l’Unité d’analyse du budget général de l’État et des bud-gets sectoriels de Social Watch, Cotonou.

SOCIAL WATCH BÉNIN, novembre 2006, Rapport de l’atelier de lecture et d’analyseapprofondie du budget général de l’État gestion 2007 par l’Unité d’analyse du budgetgénéral de l’État et des budgets sectoriels de Social Watch, Cotonou.

SOCIAL WATCH BÉNIN, 2006, Rapport de l’atelier de formation des hommes de mé-dias sur l’analyse pratique du budget général, Porto-Novo.

SOCIAL WATCH BÉNIN, novembre 2006, Rapport de l’atelier de formation des hommesdes médias du Zou, des Collines, de la Donga, de l’Alibori, de l’Atacora et du Borgousur la lecture et l’analyse approfondie du budget général de l’État et des budgets sec-toriels exercice 2007, Cotonou.

UNITÉ D’ANALYSE DU BUDGET DE L’ÉTAT / SOCIAL WATCH BÉNIN, juin 2007, Rapportd’activités, 15 p.

Page 66: Modalités de dialogue entre société civile et État

L e Programme Concerté Santé Mali (PCSM), financé par la Coopération françaisedepuis 2001, a été initié dans un contexte favorable, tant au Mali, avec le déve-loppement du processus démocratique et de la décentralisation, qu’en France

avec la recherche d’une nouvelle contractualisation entre le ministère et les ONG etavec l’ouverture des Commissions mixtes de coopération aux acteurs non gouvernemen-taux et aux collectivités territoriales.

La spécificité du PCSM est la mise à disposition des acteurs non gouvernementaux etdes collectivités territoriales, tant maliens que français, d’un fonds déconcentré au Maligéré par un comité de direction paritaire avec des règles d’attribution en cohérenceavec la politique sectorielle santé. L’objet de ce travail consiste à appréhender dansquelles mesures un tel programme contribue, en impliquant notamment les organisa-tions de la société civile et les collectivités, à la mise en œuvre efficace des politiquespubliques dans le domaine de la santé.

Le processus de préparation et d’élaboration du programme a comporté plusieurs éta-pes qui ont impliqué différents acteurs, tant en France, avec le Groupe Santé Mali, laCommission mixte et le ministère des Affaires étrangères, qu’au Mali avec le GroupeSanté Pivot Population (GP/SP), le ministère de la Santé du Mali et le ministère des Affairesétrangères et de la Coopération internationale du Mali, et les collectivités maliennes.Concernant la mise en œuvre du programme, les processus ne sont pas vraiment connus,à l’exception de la mise en œuvre du fonds et d’un Comité de direction concerté.

Les difficultés évoquées par les personnes rencontrées soulèvent des questions d’ordreconceptuel et méthodologique à prendre en compte pour pouvoir tirer partie de l’ex-périence du PCSM dans la définition, la mise en œuvre et le suivi des politiques pu-bliques dans le domaine de la santé. Ces questions concernent : l’articulation des échel-les afin de pouvoir tirer partie au niveau national d’expériences conduites au niveaulocal, l’accompagnement nécessaire de tout processus de concertation qui ne va pas desoi, la nécessaire distinction, dans un programme, des fonctions afin de pouvoir valo-riser celle attachée à la concertation.

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Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM) — 71

> Introduction

Le Programme Concerté Santé Mali (PCSM) estun programme financé par la Coopération fran-çaise depuis 2001. Il s’inscrit dans la recherched’une plus grande cohérence des actions sou-tenues par la France avec le Plan décennal dedéveloppement sanitaire et social du Mali ainsiqu’avec les orientations préconisées par laCommission mixte de coopération entre laFrance et le Mali.

Le PCSM a pour objectif général l’améliorationde la santé des populations sur toute l’éten-due du territoire malien, en appuyant les pro-jets portés par les acteurs non gouvernemen-taux. Il vise à cet effet deux objectifs prioritaires :

➤ améliorer l’accès des populations à des pres-tations de soins de qualité ; et

➤ favoriser les collaborations opérationnellesentre les ONG, les associations et les collec-tivités territoriales des deux pays.

La particularité du PCSM est la mise à disposi-tion des acteurs non gouvernementaux et descollectivités territoriales maliens, mais égale-ment français, d’un fonds déconcentré àBamako dont les modalités d’attribution sontdécidées paritairement au Mali.

Il convient de préciser les limites de l’exercicereposant sur une documentation réduite etquelques entretiens en France et au Mali, ainsique sur un laps de temps très court.

L’évaluation à mi-parcours du PCSM 1, réali-sée en 2003, apporte peu d’information surles processus liés à la conception et à la miseen œuvre du programme. L’évaluation prévueen 2007 s’attachera davantage à l’analyse duprogramme dans son ensemble et à l’impactdes projets financés.

C’est dire qu’aujourd’hui, l’ambition du pré-sent travail doit rester modeste et se concen-trera sur la genèse du processus qui a permisla mise en place d’un tel programme.Cependant, et même si le PCSM apparaît d’a-bord comme un « guichet de financement »,il est possible de s’interroger quant aux contri-butions potentielles de ce type de programmeà la mise en œuvre d’une politique publiqueen matière de santé.

LA MISE EN ŒUVRE D’UNE PLATE-FORME NATIONALE MULTI-ACTEURS

Le cas du Programme ConcertéSanté Mali (PCSM)

Par Agnès Lambert,avec la collaboration de Mamadou Diallo1

1 Agnès Lambert (IRAM) a rédigé l’article et réalisé les en-tretiens et la revue de la bibliographie en France.Mamadou Diallo (IRPAD/Afrique) a réalisé les entre-tiens et la revue bibliographique au Mali.

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72 — Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM)

I. Contexte favorableet enjeux à l’originede ce programme

Le Programme Concerté Santé Mali a vu le jourdans le contexte particulièrement favorable desannées 90 au Mali, avec la chute du régimeprécédent, l’émergence de la société civile et leprocessus de décentralisation ; en France, avecla recherche d’un nouveau mode de contrac-tualisation État/ONG au niveau du MAE et avecl’ouverture des Commissions mixtes France/Paysconcernés aux acteurs non gouvernementauxet aux collectivités territoriales.

●● Contexte et enjeuxau Mali

Le début des années 90 est marqué par deuxévènements majeurs : la rébellion au Nord dupays en 1990 et la révolution du 26 mars 1991.La Conférence nationale réunie à Bamako, du29 juillet au 12 août 1991, a consacré l’optionpolitique majeure qu’est la décentralisation. Lesréformes institutionnelles qui ont suivi ont étémarquées par d’importants changements poli-tiques et institutionnels. Ils se sont traduits, no-tamment par le renforcement du rôle de la so-ciété civile et par la responsabilisation descollectivités territoriales au niveau de la prise encharge des préoccupations des populations enmatière de développement local et régional.

En juin 1999, suite à la tenue des premièresélections communales, la politique de décen-tralisation est entrée dans sa phase effective.Actuellement, le pays compte 703 communes,49 conseils de cercle, 8 assemblées régionales,une collectivité à statut particulier, le district deBamako, une association des munici- palitésdu Mali (AMM), une association des cercles etrégions du Mali (ACCRM).

Les principales dispositions juridiques adoptéesdans le cadre de cette réforme sont au cœur de

la gouvernance locale. Elles définissent les do-maines de compétence2 et les ressources descollectivités territoriales, l’organisation et lefonctionnement de leurs organes d’adminis-tration et de gestion, leurs règles de gestion,ainsi que les rôles et responsabilités des autresacteurs dans la gestion décentralisée des affai-res publiques.

Dans le domaine de la santé, le Gouvernementde la République du Mali a adopté une poli-tique sectorielle de santé et de population, en1990, et une nouvelle politique de solidaritépour lutter contre toutes les formes d’exclu-sion et de marginalisation en 1993. Ces deuxpolitiques constituent le cadre de référence del’ensemble des projets et des programmes dedéveloppement socio-sanitaire exécutés aucours de ces dernières années par le Mali.

Les acquis de ces programmes sont, notam-ment, une augmentation de la couverture sa-nitaire du premier niveau avec 347 structuresoffrant des soins de proximité ; une améliora-tion de l’offre de services au niveau périphé-rique ; une meilleure participation des commu-nautés à travers une fédération des associationsde santé communautaire (FENASCOM) au nom-bre de plus de 300 associations ; une meilleureresponsabilisation des équipes de cercles et desrégions dans l’élaboration et la mise en œuvredes plans de développement sanitaire des cer-cles ; la mise en place d’un système d’appro-visionnement régulier en médicaments essen-tiels ; le renforcement des plateaux techniquesdu secteur hospitalier ; une meilleure gestiontechnique et financière des programmes ; unre-dimensionnement de l’action sociale qui apermis des actions de proximité au bénéficedes groupes vulnérables.

En 1998, le Mali démarre avec le programmede développement sanitaire et social (PRO-DESS), qui est un programme du plan décen-nal de développement sanitaire et social (1998-2007), une nouvelle étape du développementde son système de santé et d’action sociale. Le

2 La loi fixe le détail des compétences de l’État transfé-rées aux Communes et cercle dans le domaine de lasanté (décret 04/06/02).

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Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM) — 73

PRODESS I définit les nouvelles priorités du dé-veloppement sanitaire et social du Mali d’a-bord pour les cinq premières années : la réduc-tion de la morbidité et la mortalité liées auxprincipales maladies et celle de l’exclusion so-ciale au Mali. Elles portent sur la lutte contre lamaladie et les carences nutritionnelles, le SIDAet le développement de la santé de la repro-duction. Pour éviter une duplication de ressour-ces, une approche intégrée sera privilégiée auxdifférents échelons du système de santé et d’ac-tion sociale.

Le PRODESS entend poursuivre la dynamiquecommunautaire, une amélioration des capaci-tés gestionnaires des communautés et de l’en-cadrement apporté par les équipes socio-sani-taires. En plus du renforcement des 347 centresde santé communautaires (CSCOM) existants,il est prévu de créer au cours de la période 300CSCOM nouveaux. Les efforts seront orientésvers une plus grande professionnalisation dela gestion des CSCOM et une plus grande im-plication du secteur privé dans la fourniture

des services de base. Au niveau cercle, un ac-cent sera mis sur le renforcement des infras-tructures et la compétence du personnel, afind’améliorer la gestion et la qualité de la réfé-rence et la contre-référence. Dans le dispositifde structures tertiaires, le niveau d’affaiblisse-ment du dispositif hospitalier conduit à envi-sager les mesures d’urgence pour éviter des si-tuations compromettant l’efficacité du systèmede référence.

Le PRODESS a été élaboré, dans le nouveaucontexte malien de démocratie et de décen-tralisation, avec la collaboration technique etl’appui financier de tous les partenaires au dé-veloppement, des communautés et de la so-ciété civile. Il est donc le résultat de nombreu-ses études, de débats sur les priorités dedéveloppement sanitaire entre l’ensemble desacteurs, autorités administratives, partenaireset membres de la société civile, et constitue uncadre dynamique devant servir de creuset pourl’intervention de tous les partenaires de la santéet de l’action sociale.

Le défi majeur réside dans la modification des rapports de force entre les dif-férents acteurs du développement socio-sanitaire du Mali. Il s’agit de renforcer laresponsabilité des acteurs non gouvernementaux tout en préservant le rôle de régula-tion de l’État. L’enjeu est donc de créer une synergie d’actions entre les différents ac-teurs dans un contexte marqué par une décentralisation qui cherche à se consolider.

●● Contexte et enjeuxen France

En France, du côté du ministère de la Coopé-ration, une démarche a été entreprise dans lesannées 1990, en vue d’améliorer la concerta-tion entre les pouvoirs publics et les associa-tions de solidarités internationales, d’articulerplus étroitement leurs efforts en matière d’aideau développement et d’élargir les rapports decofinancements.

Les autres modes de collaboration existant auxPays-Bas, en Suisse ou au Canada, entre pou-

voirs publics et ONG, ont interpellé le ministère.Dans ces pays, les ONG participent à la défini-tion de la politique de coopération nationale, ontun large accès aux fonds de la coopération dansle cadre de cofinancements ou d’attribution deprogrammes lourds où elles jouent un rôle deconception important. Ce n’est pas le cas enFrance où les ONG de petite dimension ont unfaible poids dans la définition de la politique decoopération. Les collectifs d’ONG françaises nesont pas mandatés pour négocier avec les pou-voirs publics, ne peuvent recevoir des fonds etsont plutôt des relais d’information et des espa-ces de débats. Les relations entre les ONG et

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74 — Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM)

les pouvoirs publics français sont faites de réser-ves des seconds à l’égard des premières jugéespeu professionnelles. Les ONG pour leur partdéplorent l’absence de débat sur les critères decofinancement, l’imposition de procédures lour-des empruntées de méfiance à leur égard, lemanque d’engagement dans la durée et desdélais d’instruction et de paiement longs. LesONG critiquent principalement l’absence d’uneréelle politique de coopération.

Les membres non gouvernementaux des com-missions mixtes sont sélectionnés sur la base desorientations de la Coopération française, de leurengagement dans le pays concerné et des pos-sibilités de représentation de la société civile lo-cale. Le Secrétariat technique organise des ren-contres avec l’ensemble des organismes nongouvernementaux français identifiés (OSI, asso-ciations de migrants lorsqu’elles existent, collec-tivités territoriales, etc.) pour les informer sur ledispositif, pour les sensibiliser à la participationdes acteurs non gouvernementaux aux travauxde préparation et de suivi des Commissions mix-tes et pour dégager les priorités thématiquessur lesquelles faire des recommandations, no-tamment aux deux gouvernements.

Certains thèmes font l’objet de groupes de tra-vail pour élaborer un document de propositionset de recommandations destiné à renforcer lacoopération entre les deux pays. Parallèlement,le Secrétariat technique tente de lancer la mo-bilisation au Sud, via des organismes relais (ONGfrançaises sur le terrain, collectifs d’associationsou de collectivités territoriales dans le pays par-tenaire, etc.), afin que les travaux préparatoi-res soient menés en même temps en France etdans le pays concerné. Le document final annexéau procès verbal officiel de la Commission mixtedoit en effet être conjoint aux acteurs non gou-vernementaux français et partenaires.

C’est dans un tel cadre qu’une réflexion surune coopération renforcée dans le domaine dela santé entre la France et le Mali qu’un tel pro-gramme a vu le jour.

II. Les acteurs

Plusieurs acteurs ont été impliqués dans la ré-flexion, la conception, l’élaboration et la miseen œuvre du PCSM depuis les années 90. Tousles acteurs n’ont pas été impliqués au même ni-veau et au même titre, à toutes les étapes. Ainsinombre de ceux qui ont été engagés dans saconception, notamment en France, n’y sont

L’enjeu pour les acteurs de lacoopération en France est donc deparvenir à construire un nouveaucadre de contractualisation États/organisations non gouvernementales.

Enfin, cette période est également marquéepar l’évolution des commissions mixtes qui ontété le cadre de réflexion et d’élaboration duProgramme Concerté Santé Mali.

Un rappel s’impose : les commissions mixtesde coopération entre la France et le pays par-tenaire sont, à l’origine, des rencontres bila-térales officielles réunissant régulièrement lesresponsables politiques et hauts fonctionnai-res français et du pays concerné, pour définir,de façon concertée, les grandes orientationsdes programmes bilatéraux de coopérationsignés entre les deux États. À l’origine unique-ment gouvernementales, ces rencontres sesont progressivement ouvertes aux organisa-tions de solidarités internationales (OSI) et auxcollectivités territoriales dans un contexte derapprochement entre acteurs gouvernemen-taux et non gouvernementaux.

En 1990, les OSI ont été admises à participerpour la première fois à une commission mixteavec le Burkina Faso. En 1994, un secrétariattechnique chargé d’organiser la participationdes OSI et des collectivités territoriales aux com-missions mixtes s’est mis en place. Il est devenupleinement opérationnel à partir de septembre1995 avec la constitution d’un comité de pilo-tage bicéphale ONG et collectivités territoriales.

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Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM) — 75

plus impliqués aujourd’hui et d’autres acteursse sont greffés au programme. La réforme dela Coopération française a entraîné le change-ment du bailleur de fonds pour la secondephase du PCSM.

LES ACTEURS EN FRANCE sont le Groupe Santéde la Commission mixte France Mali, le ministèredes Affaires étrangères (MAE) jusqu’en 2005,puis l’Agence française de développement (AFD),nouveau bailleur du PCSM depuis 2005.

➤ Le Groupe Santé Mali en France est, à l’ori-gine, un groupe de travail de la Commissionmixte ; il est constitué d’ONG et de collectivi-tés territoriales engagées sur la problématiquede la santé au Mali. Certaines ONG, notam-ment des organisations de solidarité interna-tionale issues de l’immigration (OSIM), et cer-taines coopérations décentralisées ont joué unrôle moteur dans la réflexion et dans l’élabo-ration avec les Commissions mixtes d’une pro-position au ministère. Le Groupe Santé Malien France a été pleinement engagé à toutesles étapes du processus concerté de réflexion,de conception et d’élaboration du programme,comme cela sera décrit plus loin.

recommandations et des propositions sur lefonctionnement global du Programme.

Les deux chefs de file représentant respective-ment les ONG et les collectivités territorialesau Nord, membres du Groupe Santé, partici-pent au Comité de direction qui a lieu deuxfois par an à Bamako.

Enfin, les rencontres du Groupe Santé sont éga-lement l’occasion de s’informer et d’échangersur des thématiques liées au domaine de lasanté et de la décentralisation. À titre d’exem-ple, le rôle des collectivités dans le système desanté au Mali, les relations entre les associa-tions de santé communautaire et les commu-nes dans la gestion des centres de santé com-munautaires ont été traités. Mais le GroupeSanté a rencontré des difficultés restituées parles comptes rendus de leurs réunions. Les mem-bres expriment une certaine insatisfaction quantau fonctionnement du programme et une frus-tration liée au décalage observé entre la moda-lité affichée de concertation de mise en œuvredu programme et la réalité des échanges avecles partenaires au Mali. Un des principaux pro-blèmes évoqués est le manque de communica-tion et d’échanges entre le Groupe Santé et leGroupe Pivot Santé Population au Mali opéra-teur du PCSM.

➤ Le ministère de la Coopération était ouvertà une nouvelle approche des cofinancementset à la recherche de nouveaux partenariats avecles OSI et avec les collectivités territoriales.

Une fois le programme démarré en 2001, lerôle du Groupe Santé a été d’accompagner lesporteurs de projets (ONG et collectivités terri-toriales) en France susceptibles de bénéficierdu fonds dans le cadre du PCSM.

Les activités du Groupe Santé sont d’échangersur les décisions du dernier Comité de direc-tion concernant les projets sélectionnés, depréparer le futur Comité de direction en per-mettant aux porteurs de projets de présenterleurs futurs projets au Mali, enfin de faire des

Un enjeu fort pour cet acteurétait, au départ, de parvenir à undiagnostic partagé et à une cons-truction commune entre société ci-vile du Nord et du Sud. Un autreenjeu était de changer les modes decofinancements.

L’enjeu pour le ministère a été deparvenir à construire les nouvellesformes de contractualisation entreOSI et le MAE.

À partir de 2004, dans le cadre du Comité inter-ministériel de la Coopération internationale etdu développement (CICID) réuni le 20 juillet2004, le Gouvernement français a décidéde renforcer la qualité d’opérateur pivot del’Agence française de développement en mo-difiant la répartition des compétences existan-

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76 — Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM)

tes entre le ministère des Affaires étrangèresfrançais et l’AFD. Il a décidé de déléguer à l’AFDles financements des projets et programmesdans les secteurs de l’agriculture et du déve-loppement rural, de la santé et de l’éducationprimaire et secondaire, de la formation profes-sionnelle, de l’environnement, du secteur pro-ductif, des infrastructures, et du développe-ment urbain. Dès 2005, une partie des opé-rations financées sur don et gérées par le Fondsde solidarité prioritaire (FSP) est transférée àl’AFD. Le MAE ne conserve que les secteursrégaliens ; les secteurs techniques, dont les pro-grammes Santé, relevant de l’AFD.

➤ L’Agence française de développement estle nouveau partenaire financier du PCSM 2. Ilfinance donc, selon ses propres procédures, uncertain nombre de projets auparavant financéspar le ministère des Affaires étrangères françaisau travers du Fonds de solidarité prioritaire. Ilfaut noter que c’est la première fois que l’AFDdélègue la totalité des fonds à un collectif d’or-ganisations. Dans ce nouveau contexte, la sim-plification des procédures financières est appré-ciée. L’AFD souhaite poursuivre une expériencejugée originale, elle a demandé une évaluationdu programme qui portera sur la contributiondu PCSM 2 à l’atteinte des objectifs du PRO-DESS 2 (2005-2009), et le renforcement des ca-pacités des ONG et des collectivités territorialesporteurs de projets, l’efficience et la pertinencedu dispositif. Mais plus de cohérence est atten-due, au niveau du dispositif de financement,avec les autres bailleurs qui financent largementles ONG dans le domaine de la santé.

La question de la mise en place d’instances degestion concertées des projets en cohérenceavec les politiques publiques, même si elle de-

L’enjeu pour l’AFD, en fonction desrésultats de l’évaluation et desconcertations avec d’autres interve-nants, est de pouvoir renforcer ledispositif financier à travers l’abon-dement du fonds par d’autresbailleurs.

meure dans le document de présentation duprogramme (sans que des modalités concrètesn’aient jamais été définies) est moins mise enavant ou du moins elle n’apparaît pas commeun objectif du PCSM qui devient sans ambi-guïté un guichet.

LES ACTEURS AU MALI sont le Groupe Pivot /Santé Population, le ministère de la Santé et leService de coopération et d’action culturelle(SCAC).

➤ Le Groupe Pivot/Santé Population (GP/SP)est un collectif d’ONG Santé créé en 1992 avecl’appui technique de l’ONG « Save theChildren » et dans le cadre d’un programmede l’USAID. Le groupe s’est étendu à 160 adhé-rents et comporte un « noyau dur » de 26 ONG.Il se présente comme une organisation faîtièredont les objectifs sont de contribuer au renfor-cement et à la professionnalisation des ONG etassociations dans le domaine de la santé afind’influer des politiques de développement du-rable. Il gère aujourd’hui plusieurs programmesdans le domaine de la lutte contre le SIDA fi-nancés par l’USAID. Il a été impliqué dans laconception et la mise en œuvre du PCSM dontil est devenu l’opérateur depuis la phase 2. Ilgère la totalité du fonds dans le cadre d’uneconvention avec l’AFD. Le Secrétariat techniquechargé de la mise en œuvre du PCSM émane duGP/SP. Il est composé de trois personnes, dontun assistant technique. Ses tâches consistenten l’instruction des projets qui seront ensuitesoumis au Comité directeur du PCSM.

Le Programme Concerté SantéMali a été le fruit d’une concer-tation forte au départ impliquantle GP/SP. Selon Dr Youssouf Diallo,premier chargé du PCSM, les enjeuxdu processus de concertation entreles acteurs gouvernementaux, orga-nisations de la société civile et col-lectivités ont porté essentiellementsur le renforcement des capacitésdes acteurs de la santé sur le terrain(ONG, associations, collectivités .../...

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Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM) — 77

➤ Le ministère de la Santé du Mali est devenumaître d’ouvrage du PCSM 2. Il est parti pre-nant du Comité de décision. Son rôle, dans lecadre du programme, est de veiller à ce queles projets soient conformes aux orientationsdu PRODESS et aux conclusions de la Commis-sion mixte franco-malienne, de veiller à pro-mouvoir un partenariat véritable entre ONGfrançaises et maliennes et collectivités territo-riales des deux pays, d’évaluer les performan-ces du programme, de mettre à disposition duGP/SP un assistant technique, comme conseillerauprès du PCSM.

bles au fonds. Un décalage était observé entreles engagements pris à Paris et la manière dontils étaient mis en œuvre dans le contexte mal-ien. Dans la phase actuelle, le SCAC reste partiprenant du Comité de direction bien que n’oc-cupant plus la même position, l’AFD devenantle bailleur du PCSM 2.

III. Les étapes et modalitésdu processus

L’analyse des étapes du processus portera da-vantage sur la préparation du PCSM que sursa mise en œuvre. En effet, comme cela a déjàété évoqué, l’évaluation réalisée en 2003 aucours du PCSM 1 ne s’est pas attachée à l’ana-lyse des processus liés à la mise en œuvre duprogramme dans son ensemble, mais plus àl’analyse des projets financés.

●● La préparation(étapes et modalités)

L’initiative est partie des acteurs non gouver-nementaux ONG et collectivités territorialesau sein du Groupe Santé de la Commissionmixte France/ Mali. Il faut noter le rôle moteurde certaines ONG, comme le GRDR3 en rela-tion avec des OSIM, et certaines collectivitéscomme Action Mopti, autour d’un engage-ment et de la conviction de la nécessité d’undiagnostic et d’une réflexion partagée entreacteurs du Nord et du Sud pour parvenir à uneélaboration commune.

décentralisées,etc.) ; l’appropriation etl’harmonisation des projets de déve-loppement sociaux sanitaire ; le renfor-cement des liens et la multiplicationdes échanges entre la France et le Maliet la valorisation de l’approche de ges-tion du programme.

Toutefois, on ne sait pas exactement àquels enjeux correspond le programmepour le GP/SP lorsqu’il est devenu l’opé-rateur de la mise en œuvre de la phase2, si ce n’est que le PCSM est un pro-gramme géré au même titre que les au-tres programmes qu’il met en œuvre.

Les enjeux ne sont pas connuspour le ministère de la Santé, maisil semble finalement peu investi dansun programme qu’il ne cofinance pas.

➤ Le Service de coopération et d’action cul-turelle (SCAC) de l’Ambassade de France étaitle partenaire financier et également le maîtred’ouvrage du PCSM 1. Comme membre duComité de direction, il est apparu comme pluspréoccupé de maintenir une position de pou-voir comme bailleur que de faire avancer leprocessus. En outre, les difficultés de mobili-sation des fonds au niveau du SCAC ont cons-titué un frein à la réalisation des projets éligi-

3 Groupe de recherches et de réalisations pour le déve-loppement rural.

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78 — Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM)

Les différentes étapes de cette élaboration sontprésentées :

1. En premier lieu, un document de travail pré-paré par le Groupe Santé en France de laCommission mixte France/Mali réunissantdes acteurs de la société civile française (ONGet collectivités territoriales) et des associa-tions de ressortissants maliens a été réalisé.Ce document formulait un certain nombrede priorités et de recommandations en ma-tière de santé au Mali. Sa finalité était dou-ble : favoriser les collaborations opération-nelles entre ONG, associations et collectivitésterritoriales françaises et maliennes ; pro-mouvoir les synergies entre coopérationsgouvernementale et non gouvernementale.

2. En deuxième lieu, trois séances de travailont été organisées en France au cours dupremier semestre 1999, autour de thèmesidentifiés comme prioritaires pour faire avan-cer les recommandations de la Commissionmixte : l’accès aux soins et la disponibilité desmédicaments ; les financements alternatifs,la prévention et la carte sanitaire ; la for-mation en cours d’emploi du personnel desanté. Ces séances ont permis de préciser lesproblématiques communes et les particu-larités propres à chaque famille d’acteur (or-ganisations non gouvernementales, collec-tivités locales, administration), ainsi que lespossibilités d’une intervention coordonnée.

3. Suite aux conclusions des séances de tra-vail, deux animateurs membres d’ActionMopti et du GRDR ont été retenus avec leSecrétariat technique de la Commissionmixte, pour faire une synthèse, en concer-tation avec les partenaires maliens, le Comitéde coordination des actions des ONG (CCA-ONG) et le Groupe Pivot Santé Population,et élaborer une proposition de programmeconcerté Santé au Mali, à discuter avec le mi-nistère des Affaires étrangères français.

4. Enfin, une rencontre a eu lieu à Bamako,en décembre 1999 avec 60 ONG, pour va-lider les propositions et définir la démarche(échanges Nord-Sud, mobilisation d’une ex-pertise pour le suivi et l’évaluation) et lesdomaines de concentration.

●● La mise en œuvredu PCSM 1

Si les conventions, les protocoles, les procédu-res, les guides méthodologiques, voire les ins-tances accompagnant la mise en œuvre duPCSM sont connus dans leur forme achevée etfinalisée, les processus qui ont permis la réali-sation de tels outils ne le sont pas, faute d’uneanalyse assez approfondie. En revanche, la miseen place du fonds et du Comité de directionchargé de l’attribution des fonds, sur la based’une grille de critères fondée sur la cohérenceavec le PRODESS, donnera lieu à une analyseplus poussée s’appuyant sur les comptes ren-dus des Comités de direction à Bamako et desréunions du Groupe Santé en France.

Présentation formelle des étapesdu PCSM

Le programme comporte deux composantes :

1. L’appui des acteurs décentralisés maliens etfrançais dans la mise en œuvre de projetsdans le domaine socio-sanitaire. Cette com-posante comprend deux volets : le cofinance-ment des projets conformes aux objectifs duPRODESS, portés par les acteurs de la sociétécivile et l’appui technique au montage et àla mise en œuvre concertée et partenarialede ces projets, contribuant ainsi au renforce-ment des capacités des acteurs nationaux.

2. L’animation, le suivi, l’évaluation et la capi-talisation du PCSM. Cette composante com-prend trois volets : animation et suivi duPCSM, évaluation et capitalisation du PCSM,pérennisation des activités soutenues par lePCSM.

La phase expérimentale initiée en 2001 visaitspécifiquement à améliorer l’accès des popu-lations aux soins de qualité et à renforcer lescapacités techniques des demandeurs et au-tres personnels impliqués dans la gestion desprojets validés par un Comité directeur mis enplace. Le secrétariat du comité est placé au ni-veau du Groupe Pivot Santé Population chargéd’instruire les dossiers, assurer leur suivi, l’ani-mation et la capitalisation des expériences.

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Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM) — 79

Pour le PCSM 1, 19 projets s’inscrivant dans lePRODESS ont bénéficié de cofinancements pourun montant total de 941 244 648 FCFA soit1 434 918 euros. L’évaluation de cette pre-mière phase en janvier 2003 a permis de re-connaître le PCSM 1 comme un outil de qua-lité permettant le cofinancement de projets dedéveloppement sanitaire présentés par les ac-teurs non gouvernementaux. Ces résultats ontabouti à l’élaboration de la deuxième phasequi prolonge et consolide une démarche consi-dérée jusque-là expérimentale.

Dans le cadre de la mise en œuvre de ladeuxième phase du programme, le PCSM 2,une convention de financement d’un montantplus élevé de 2 500 000 euros, a été signée le21 juin 2005 entre l’Agence française de déve-loppement et le ministère des Affaires étran-gères du Mali. La gestion du PCSM 2 est trans-férée à l’AFD et la démarche concertée etpartenariale maintenue à travers une représen-tativité au sein du Comité directeur, des gou-vernements malien et français, des acteurs as-sociatifs et ceux des collectivités territoriales duMali et de la France. Le maître d’ouvrage de-vient le ministère de la Santé du Mali et leGroupe Pivot Santé Population, collectif d’ONGactives dans le domaine de la santé au Mali,en est l’opérateur. En août 2007, 32 projetsont été financés sur le PCSM 2.

Les modalités de mise en œuvredu PCSM

Les modalités et dispositifs mis en place dansle cadre du PCSM sont présentés ici. Ils sont dedifférents types : financiers, institutionnels, or-ganisationnels, enfin communicationnels. Desdispositifs d’appui, des outils de sélection et desuivi ont été prévus également. Si des informa-tions sont disponibles sur le fonctionnementeffectif du fonds et du Comité directeur paritaire,ce n’est pas le cas pour le fonctionnementeffectif des autres dispositifs et supports.

➤ Au niveau financier, un fonds souple, cons-titué d’un fonds de solidarité prioritaire (FSP)à l’origine géré par la Mission pour la coopé-ration non gouvernementale (MCNG) au

ministère et d’un FSP des collectivités dé-centralisées géré par la Direction duDéveloppement et de la Coopération tech-nique (DCT) du MAE, a été déconcentré àBamako en cohérence avec le Fonds socialde développement déjà placé au niveau desSCAC. De cette manière, les trois fondssanté ont été réunis en un seul guichet àdisposition du SCAC. Ce fonds global ainsimis en place a pu être ouvert à tous les ac-teurs de la coopération non gouvernemen-tale et décentralisée du Mali et de Franceintervenant dans le secteur santé au Mali.Mais le dispositif était complexe du fait dela triple origine de constitution du fonds.

Avec la deuxième phase du PCSM et l’arri-vée d’un nouveau bailleur, l’AFD, le méca-nisme de mise à disposition du fonds a étésimplifié, en outre il est totalement confié àl’opérateur local, le GPSP, dans le cadred’une convention qui le lie au bailleur.

➤ Au niveau institutionnel, le Comité de di-rection du PCSM est l’instance paritaire dé-cisionnelle et de pilotage du programme. Ilest responsable de l’orientation globale duprogramme et de la sélection définitive desprojets sur la base d’une grille de critères4

en vue de l’attribution des fonds. Les déci-sions du Comité directeur sont prises parconsensus, les délibérations du Comité sontportées à la connaissance des promoteursdes projets par le Secrétariat exécutif, quiassure la mise en œuvre des propositionsretenues. Le Comité directeur se réunit aumoins deux fois par an sur invitation de sonprésident, qui arrête l’ordre du jour sur pro-position du Secrétariat exécutif. Le prési-dent est une personnalité extérieure choisiepar les membres de droit du Comité direc-teur, avec droit de délibération. Le Comité

4 Les critères sont : pour une structure française être enpartenariat avec une collectivité ou ONG malienne,tout projet de base jusqu’au centre de référence, pasde projet VIH SIDA, un cofinancement jusqu’à 50 %avec un plafond à 100 000 euros par projet, la cohé-rence avec le PRODESS, la qualité du partenariat, enfinla qualité technique du projet présenté.

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80 — Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM)

directeur est composé de deux représen-tants du ministère de la Santé, le directeurexécutif du GP/SP, un représentant des par-tenaires techniques et financiers du PRO-DESS, un représentant des ONG/santé, dé-signé par le GP/SP, un représentant des ONGfrançaises, désigné par Coordination Sud,un représentant des collectivités territoria-les maliennes, désigné par l’Association desmunicipalités du Mali, un représentant descollectivités territoriales françaises, désignépar le groupe pays de Cités-Unies France.La durée de leur représentation est égale àla moitié de la durée du programme et re-nouvelable une fois.

Concernant le fonctionnement effectif duComité de direction, les représentants desONG et des collectivités territoriales Nord auComité directeur constatent la compositionvariable du Comité de direction qui rend dif-ficile le suivi et le pilotage effectif. Ils déplo-rent le manque d’échange et de communi-cation entre chaque Comité de direction,enfin ils signalent que les modes de sélec-tion des projets reçus au niveau du Secrétariattechnique avant leur présentation au Comitédirecteur n’étaient pas toujours transparents,ils ont formulé le souhait que l’ensemble desprojets soumis leur soit présenté.

➤ Au niveau organisationnel, des chefs defile ont été désignés pour les ONG et les col-lectivités territoriales en France. Leur rôle estde faire valoir le point de vue des porteursde projets de la catégorie d’acteurs qu’ils re-présentent au sein du Comité de directiondu PCSM. Ils peuvent conseiller les ONG oules collectivités territoriales qui le souhaitentsur le montage de leurs projets. Le rôle deschefs de file est d’animer, par pays, les réuni-ons du Groupe Santé avec les ONG et lescollectivités territoriales concernées. Ils sontégalement responsables d’entretenir desrelations entre les acteurs non gouverne-mentaux et les collectivités des deux pays.

Un Groupe santé a été constitué au Mali ets’est réuni deux fois, mais il ne semble pasavoir vécu durablement. Il n’y a donc paseu d’échange entre les Groupes Santé des

deux pays susceptibles d’animer et de nour-rir la réflexion pendant la période situéeentre les Comités directeur du PCSM qui nese tiennent que deux fois dans l’année.

➤ Au niveau des outils, le Manuel de procé-dures du PCSM 1 a été remplacé par leManuel de procédures GP/SP et par le Guideméthodologique. Initié par la France et sou-tenu par le Comité directeur du PCSM, leGuide méthodologique est issu d’un longprocessus d’échanges entre les différents ac-teurs. Il est mis en œuvre par le GP/SP. Desoutils ont été conçus par le Secrétariat exé-cutif, amendés par le Comité directeur ettestés par le Secrétariat exécutif avant d’êtreenfin adoptés par le Comité directeur. Ceguide méthodologique apporte des répon-ses techniques à propos des questions degestion administratives et financières desprojets financés par le PCSM : les critèresd’éligibilité ; le cheminement d’une demandede cofinancement ; les procédures de de-mandes de cofinancement ; les modalités deprésentation du dossier technique et finan-cier ; les modalités de présentation du rap-port technique et financier ; les modalitésd’attribution et de passation des marchés.

Selon Dr Aliou Kayo, chef de ProgrammePCSM, le Guide méthodologique a été undes instruments de gestion déterminantspour garantir l’appropriation et la responsa-bilisation de tous les acteurs par rapport àl’atteinte des résultats attendus, contrac-tuels et conformes au PRODESS.

➤ En ce qui concerne le dispositif d’appui,une formation a été organisée à l’identifi-cation, à la conception et au montage desprojets à destination de participants ONGet collectivités.

Au niveau communicationnel, les supportsde communication du PCSM ont été mis enplace : les plaquettes et pochettes d’infor-mation sur le PCSM, le site Web du GP/SPqui abrite le PCSM.

Page 77: Modalités de dialogue entre société civile et État

Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM) — 81

IV. Résultats :acquis et questions

Il ne s’agit pas de faire ici l’évaluation du pro-gramme, mais plutôt de repérer quelques ac-quis et difficultés permettant d’aborder lespoints d’attention nécessaires à la mise en placed’un programme de ce type et à son apportpotentiel à la mise en œuvre d’une politiquepublique dans le domaine de la santé.

●● Les acquis du PCSMpeuvent déjà être misen avant

PCSM contribue effectivement au renforce-ment des structures sanitaires par l’équipementdes infrastructures de premier niveau : à tra-vers la construction et la réhabilitation desCSCOM (Sénou, Minamba, Marena Trigan) etde deuxième niveau, avec l’équipement lesCentres de santé de référence (CSRF), en labo-ratoire et en cabinet dentaire à Koutiala, cen-tre hospitalier de Kidal.

Dans le domaine de l’implication de la sociétécivile dans la mise en œuvre des politiques pu-bliques, il faut souligner la pertinence de met-tre un fonds souple à disposition des acteursnon gouvernementaux et des collectivités ter-ritoriales Nord et Sud pour des projets dans ledomaine de la santé. La mise en place duComité directeur, une instance concertée (ONG,collectivités territoriales et administration Nordet Sud) pour le pilotage et l’attribution desfonds pour des projets sélectionnés sur la basede critères en cohérence avec la politique sec-torielle et la politique de décentralisation, estégalement un dispositif favorable à une plusgrande implication de la société civile dans lespolitiques publiques.

En ce qui concerne la participation des OSC auprocessus d’élaboration du CSLP, il faut noterque le PCSM en tant que programme n’a pas

été engagé dans ce processus qui est du ressortdes structures représentatives, des institutionsspécialisées et des partenaires au développe-ment. Cependant, le Groupe Pivot Santé Popu-lation en tant que collectif d’ONG maliennesspécialisées dans le domaine de la santé avaitla charge d’animer le Groupe Santé Populationdu CSLP. Il est difficile de savoir quels aspectsdu dispositif impliquant la société civile (ONGet collectivités au Mali et en France) et expéri-menté dans le cadre du PCSM ont été parta-gés, valorisés, capitalisés par le GP/SP dans sacontribution à l’élaboration, à la mise en œuvreou au suivi du cadre stratégique de lutte contrela pauvreté ou de la politique publique dans ledomaine de la santé.

Si certains membres du Comité directeur ontparticipé au processus du CSLP, c’est plutôt àtravers leurs structures /organisations / institu-tions. Mais en l’absence de capitalisation desacquis du PCSM en termes de processus, demode de financement, il est difficile de savoirquels sont les acquis du programme qui ontété versés au compte du CSLP. À titre d’exem-ple, l’expérience de concertation conduite dansle cadre du projet présenté par Action Mopti surla santé scolaire reposant sur un diagnosticconjoint préalable entre l’Association de parentsd’élève, l’ONG, la commune de Mopti et laDirection régionale de la Santé fait-elle l’objetd’échanges et de capitalisation pouvant êtrevalorisés dans le cadre de la participation auprocessus CSLP ? L’expérience de concertationconduite à partir du projet présenté par l’as-sociation de jumelage Alençon Koutiala est-elle également valorisée dans le cadre du suividu PRODESS ?

●● Les questions

Au-delà des acquis évidents du programme, eten dépit du peu d’information disponible surles processus tels qu’ils se sont effectivementdéroulés, sa mise en œuvre suscite une séried’interrogations d’ordre méthodologique etconceptuel pouvant être appliquées à ce typede programme concerté, pluri-acteurs.

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82 — Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM)

➤ La première concerne un problème d’ar-ticulation des échelles pour un programmed’ambition nationale apportant un appui à desactivités conduites au niveau local (commune,cercle, région). Ces problèmes d’articulationdes échelles se rencontrent à plusieurs niveaux :

– la représentativité et la légitimité des mem-bres du Comité de direction, notammentpour, d’une part, les représentants des ONGNord choisis par Coordination Sud et desONG Sud sélectionnés par le GP/SP et, d’au-tre part, par les représentants des collecti-vités Nord choisis par le groupe pays de CUFFrance et des collectivités Sud par l’Asso-ciation des municipalités du Mali. Le pro-blème n’est pas tant le mode de sélectiondu représentant, mais plutôt dans les diffi-cultés de communication et la distance (so-ciale ou géographique) pouvant exister entrecertains porteurs de projet et leurs repré-sentants au Comité de direction ;

– la difficulté à capitaliser les acquis et les expé-riences de processus locaux de concertationentre organisations de la société civile, collec-tivités territoriales, administrations à l’échellenationale du programme. Comment relayerau niveau national les expériences plus loca-les ? La capitalisation d’expériences aurait pus’appuyer sur des échanges et une réflexionorganisés dans un cadre thématique, géo-graphique ou institutionnel. Enfin, les échan-ges et la réflexion auraient pu égalements’exercer en synergie avec les cadres de ré-flexion et d’échanges existant au niveau duPRODESS, tels les Comités régionaux d’o-rientation de coordination et d’évaluation duPRODESS (CROCEPS) où sont représentés, àl’échelle régionale, les ONG et intervenantsdans le secteur de la santé ;

– la difficulté à communiquer entre les diffé-rents niveaux les expériences, des savoir-faire, etc.

➤ La concertation pluri-acteurs est présen-tée dans de nombreux programmes, elle ap-paraît plutôt comme une formule incantatoire,sans que les modalités concrètes de sa mise enœuvre ne soit réellement prévues. L’absence

de support à la concertation est palliée par desconventions et procédures qui sont certes in-dispensables à la mise en œuvre d’un pro-gramme, mais qui ne suffisent pas pour répon-dre aux exigences d’une telle dynamique.

Un processus de concertation ne se décrètepas, même au niveau d’instance nationale ras-semblant des acteurs responsables et compé-tents ; il se nourrit d’échanges, de circulationd’information, de mise en réseau qui supposetemps, ressources et compétences spécifiquesdisponibles, des techniques spécifiques.

Ainsi, il est difficile à un Comité de directioncomme celui du PCSM de fonctionner pleine-ment comme une instance paritaire, si les mem-bres se rencontrent seulement deux fois dansl’année autour de dossiers de demande de fi-nancement. De telles rencontres doivent êtreplus largement alimentées et animées.

➤ Une clarification des fonctions nécessai-res à la dynamisation de processus concertésà différents niveaux.

Ainsi, il est nécessaire de dissocier différentesfonctions que sont :

– le pilotage et la décision au niveau d’un pro-gramme, assuré par le Comité de directiondans le cadre du PCSM ;

– la maîtrise d’œuvre d’un programme et lafonction de coordination, assurées par l’opé-rateur et son secrétariat technique ;

– l’animation d’un réseau, comme pourraitl’être un Groupe Santé Sud au Mali ;

– un chef de file des ONG qui ne serait pasforcément directement partie prenant dansun programme.

Chacune de ces fonctions étant ainsi assuréepar une personne ou une institution différente.Ce qui garantirait que chacune de ces fonc-tions soit effectivement remplie par un acteuren ayant la pleine responsabilité.

Page 79: Modalités de dialogue entre société civile et État

Le cas du Programme Concerté Santé Mali (PCSM) — 83

Il apparaît que le PCSM est porteur, à travers sondispositif de financement et son instance dedirection paritaire et les projets qu’il finance,d’expériences dans le domaine de l’implicationdes acteurs non gouvernementaux et des col-

lectivités dans des politiques publiques. Maisde telles pratiques restent à analyser, valoriser,capitaliser pour en apprécier les effets sur lesacteurs et l’impact sur la mise en œuvre duPRODESS ou du CSLP.

Bibliographie

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GROUPE SANTÉ MALI EN FRANCE, comptes rendus des 09/04/03, 12/10/04, 12/01/06,27/03/07, 12/06/07.

GROUPE SANTÉ AU MALI, compte rendu du 19/05/06.

LAMBERT A., LE MEUR P.-Y., 2002, Guide opérationnel pour la prise en compte desgroupes d’acteurs dans les politiques publiques de lutte contre la pauvreté et les inéga-lités, GRET/MAE.

Protocole spécifique entre le ministère de la Santé malien et le Groupe Pivot SantéPopulation sur le PCSM 2, 18 juillet 2005.

SANGUISSO A., CHABALIER F., 2003, Évaluation du Programme Concerté Santé Mali,ministère de la Santé, Secrétariat général, Cellule de planification et de statistiques,République du Mali.

> Conclusion

Page 80: Modalités de dialogue entre société civile et État

L a société civile malienne est formée de plusieurs composantes dont les stratégiessont différentes, mais qui cherchent, en général, à converger vers leur missionpremière de plaidoyer social, pour contribuer à l’élaboration et la mise en œuvre

de politiques publiques de réduction de la pauvreté et des inégalités en phase avecl’évolution socio-économique nationale et les mutations géopolitiques.

La société civile joue un rôle de veille citoyenne et de propositions d’actions visant àrespecter et à appliquer, suivant les normes admises, les droits reconnus. Ce rôle impliquela collaboration transparente entre ses différentes composantes mais aussi avec les pou-voirs publics. Elle doit faire la promotion de l’usage conscient des lois nationales et desconventions internationales par les responsables politiques et les citoyens en vue defaire progresser, par la démarche démocratique, le droit positif interne.

La Plate-forme DESC du Mali a été créée pour appuyer la société civile dans le but de ren-forcer l’État de droits et la démocratie. Pour ce faire, elle s’engage à mobiliser les syner-gies pour la production de rapports officiels et/ou alternatifs relatifs aux DESC au Mali. Elleinterpelle en ce sens les autorités publiques du Mali pour les pousser à répondre aux exi-gences de droits et de démocratie réclamées par les populations, et à respecter leur en-gagement à rendre compte à la communauté internationale de l’état de mise en œuvredu Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

La Plate-forme DESC du Mali, pour assumer pleinement sa mission, s’est engagée à :

➤ évoluer avec une vision et des actions convergentes dans sa mission de veille et depression citoyennes pour (i) promouvoir l’universalité des droits face aux effets per-vers de la mondialisation ultra-libérale et aux défis de gouvernance interne et, (ii)suivre la régularité de la mise en œuvre des mesures recommandées pour unemeilleure réalisation du PIDESC, dans l’intérêt supérieur des maliens ;

➤ développer les arguments objectifs nécessaires pour participer à l’élaboration, la miseen œuvre et l’évaluation par l’approche droits humains des politiques publiques ;

➤ maintenir la pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils respectent les engagementssouscrits ;

➤ préserver son autonomie de réflexion et d’action et proposer des actions objective-ment réalisables ;

➤ contribuer au renforcement de l’État de droit et de la démocratie à travers une stra-tégie d’éveil des consciences populaires et de propositions d’actions sociales et éco-nomiques viables.

La démarche de la Plate-forme DESC du Mali est fondamentalement axée sur la concer-tation et le partenariat avec le maximum d’acteurs possibles, y compris ceux de l’État,autour de la mise en œuvre du PIDESC incluant, entre autres, la réalisation et la pro-tection des DESC, l’élaboration de rapports officiels périodiques par l’État, le suivi desrecommandations et, le cas échéant, la production de rapports alternatifs.

Page 81: Modalités de dialogue entre société civile et État

La Plate-forme DESC du Mali — 85

> Introduction

L’État malien a ratifié presque tous les instru-ments des Nations Unies et de l’Union africaine.En outre, la Constitution malienne du 25 février1992 stipule que l’État « souscrit à la Déclarationuniverselle des Droits de l’Homme du 10 décem-bre 1948 et à la Charte africaine des Droits del’Homme et des peuples du 27 juin 1981 ». Cesdifférents instruments internationaux consti-tuent une référence en matière de promotionet de protection des droits humains. L’État s’en-gage ainsi à observer et à se conformer aux prin-cipes universels qui y sont énoncés.

L’évolution sociopolitique récente du Mali estcaractérisée par l’avènement de la démocratiepluraliste. Les populations revendiquent de plusen plus leur rôle citoyen d’une part, et condam-nent d’autre part la réduction des missions so-ciales de l’État restructuré dont la précarité desmoyens est très souvent mise en avant quantà la réalisation et à la protection des droits éco-nomiques, sociaux et culturels.

Des ONG et associations de droits humains etde solidarité au Mali, engagées à poursuivre desobjectifs de mieux être collectif, ont pris cons-cience de l’anachronisme de l’État providence

UN EXEMPLE ORIGINAL DE MOBILISATION SOCIALE CITOYENNEET DE RENFORCEMENT DES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

La Plate-forme DESC du MaliPar Madani Koumaré1

pour le Noyau d’orientation de la Plate-forme DESC du Mali

et du manque de garde-fou concernant l’Étatlibéral dans un pays dont près de la moitié de lapopulation vit en dessous du seuil de pauvreté.Elles se sont organisées en conséquence pourcontribuer à l’avènement de nouvelles condi-tions pérennes de la mission régalienne de ser-vices publics de l’État, en phase avec ses en-gagements nationaux et internationaux.

C’est dans cet esprit qu’a été constituée unePlate-forme composée par des organisationsfaîtières de promotion et de protection desdroits humains et de développement à la baseau Mali.

●● Contexte de mise en placede la Plate-forme

La mise en place de la Plate-forme DESC2 a étéaccélérée par un contexte favorable à la priseen compte des droits humains par l’État ma-lien. En effet, en 2005 (date de fondation dela Plate-forme), cela faisait déjà près de 30 ansque le Mali aurait dû soumettre au Comité desdroits économiques, sociaux et culturels des

1 Coordonnateur national de la Plate-forme DESC du Mali([email protected]).

2 Droits économiques, sociaux et culturels.

Page 82: Modalités de dialogue entre société civile et État

86 — La Plate-forme DESC du Mali

Nations Unies (comité DESC) un rapport d’ana-lyse de la situation des droits économiques so-ciaux et culturels sur l’ensemble de son territoire.À défaut, le comité a transmis au Gouverne-ment malien une note lui rappelant ses enga-gements dans ce sens. De plus, pour aider legouvernement malien à respecter cette obli-gation, le comité DESC a offert ses servicesd’expert. De même, le bureau du PNUD au Malia financé, par le biais d’un projet conjoint avecle Gouvernement, la formation de cadres del’État pour réaliser le rapport initial.

La Banque mondiale, de son côté, préconise laprise en compte des DESC dans l’élaborationdes Cadres stratégiques de lutte contre la pau-vreté des pays du Sud.

Dans le même temps, l’ONG Guamina, impli-quée sur la question des droits humains au Mali,produit plusieurs études sur les DESC et inter-pelle régulièrement le gouvernement maliensur ses engagements à produire ce rapport.

Ainsi, face à ces pressions endogènes et exo-gènes, l’État malien s’engage à produire le rap-port sur l’état des lieux de la mise en œuvredu PIDESC3 sur son territoire national pour no-vembre 2005.

La bonne volonté du Gouvernement se traduitdans un premier temps par l’organisation d’uneréunion au ministère des Affaires étrangèreset de la Coopération internationale (MAECI) le15 juin 2005. L’objet de cette rencontre étaitde partager la première mouture du rapportinitial de l’État et de créer un comité inter-ministériel élargi aux acteurs de la société ci-vile compétents sur la question des droits hu-mains, afin de finaliser ledit rapport initial.

Étaient présents à cette réunion, en plus desreprésentants de l’État, l’ONG GUAMINA,l’AMDH (Association malienne des Droits del’Homme), le Barreau malien et le CNSC (Conseilnational de la société civile).

Au cours de cette réunion, à propos d’une re-commandation consistant à créer un comitéd’élaboration du rapport officiel, M. MadaniKoumaré, représentant son organisationGUAMINA et actuel coordonnateur de la Plate-forme DESC du Mali, signifie que « la société ci-

vile est disposée à accompagner l’État mais n’en-tend pas manger dans le même plat que l’État,sa mission et sa place étant bien connues etprévues même dans les mécanismes du ComitéDESC »4. Cette réaction surprend plus d’un par-ticipant. Les représentants gouvernementaux,qui s’attendaient à une adhésion unanime deleur proposition, sont surpris mais reconnais-sent la légitimité de la réaction du responsablede GUAMINA. Par contre, les autres organisa-tions de la société civile (OSC) présentes n’ad-hèrent pas immédiatement à cette position. Eneffet, refuser l’opportunité de réaliser une telletâche semble incongrue pour ceux qui ne sontpas au fait des modalités et des possibilités of-fertes par la démarche de plaidoyer.

La discorde sur le sujet intervient jusqu’au cœurde certaines OSC. Le sujet fait débat. Mais, aprèsdiscussion, la position finit par rencontrer l’una-nimité au sein des organisations participantes.Ce choix a été décisif dans l’élaboration de laPlate-forme d’une part, mais aussi dans l’avan-cée du rapport sur les DESC5. Si elles s’étaient en-gagées dans le comité aux côtés de l’État, lesOSC auraient perdu leur capacité de pression etauraient été victimes des lourdeurs administra-tives. À ce moment-là, la création de la Plate-forme s’impose comme un défi proactif.

De son côté, l’État malien, par le biais de sonministère des Affaires étrangères et de laCoopération internationale, constitue unComité interministériel chargé de la rédactiondu rapport officiel sur l’état d’avancement duPIDESC au Mali. GUAMINA est d’ores et déjàsollicitée pour des conseils et de la documen-tation. Les représentants de l’ONG fournissentvolontiers aux membres du comité toutes les in-formations possibles et marquent ainsi leur ou-verture et leur volonté de dialogue.

Le 22 août 2005, l’ONG GUAMINA/Aoudaghostet le Mouvement des peuples pour l’éducationaux Droits humains (PDHRE/DPEDH-MALI), deux

3 Pacte international des Nations Unies relatif aux droitséconomiques, sociaux et culturels de 1966.

4 Madani KOUMARÉ, 5 septembre 2005, Compte rendude la réunion de création de la Plate-forme DESC du Mali.

5 En septembre 2007, l’État malien n’a toujours pas pro-duit son rapport officiel.

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organisations œuvrant dans le domaine desdroits humains au Mali et en Afrique, se réu-nissent à la Maison de l’éducation aux droitshumains à Bamako.

Cette rencontre6 permettra, entre autres, i) defaire la situation des droits humains notam-ment celle des DESC au Mali ; ii) de partagerl’état d’organisation de la société civile du Malien vue d’ouvrir la réflexion à cinq autres orga-nisations que sont l’Association malienne desDroits de l’Homme (AMDH), la Coordinationdes associations et ONG féminines du Mali(CAFO), le Conseil national de la société civile(CNSC), le Conseil de concertation et d’appuiaux ONG (CCA-ONG), l’Union nationale destravailleurs du Mali (UNTM) ; (iii) de program-mer des discussions préalables avec ces orga-nisations et une rencontre formelle élargie le30 août 2005 au Siège de GUAMINA et enfin(iv) d’explorer les pistes de partenariat à appro-fondir entre les deux structures.

Le choix des organisations qui composeront leNoyau d’orientation nationale (c’est-à-dire lecœur décisionnel de la Plate-forme DESC Mali)se fait suivant la volonté d’imposer la légitimitéde la Plate-forme à l’État malien. En effet, lessept organisations impliquées au cœur du pro-cessus sont reconnues au niveau national, tra-vaillent sur des thématiques complémentaireset afférentes aux droits humains et ont uneemprise large sur le territoire malien.

Comme programmée, la rencontre du 30 août2005 a lieu au siège de l’ONG GUAMINA, élar-gie aux structures identifiées notammentl’AMDH, la CAFO, le CCA-ONG. Le CNSC etl’UNTM n’avaient pu désigner leur représentant.L’objet de la réunion était de partager avec cesorganisations faîtières, l’état des lieux des DESCau Mali et la perspective de mise en place d’uncadre de réflexion et d’actions. Cette réunion aadopté la création de la Plate-forme DESC duMali, élaboré un agenda de travail et identifiéla première activité à savoir la tenue d’un atelierde formation des membres sur le PIDESC.

En réalité, la Plate-forme DESC a bénéficié desacquis d’une part, de l’ONG GUAMINA et duréseau Aoudaghost qui ont réalisé au Mali, enpartenariat avec Terre des Hommes France et

le Réseau IMPACT plusieurs études sur l’étatdes lieux des DESC au Mali et la lutte pour laprotection sociale en termes de DESC dont unerecommandation constante était la mise enplace d’une plate-forme de concertation etd’action sur les DESC au Mali7. D’autre part, leMouvement des peuples pour l’éducation auxdroits humains (PDHRE/DPEDH-MALI) a pro-duit son Rapport 20048 sur la situation desdroits humains au Mali dont l’une des conclu-sions porte sur la nécessité de mettre en placeun réseau des organisations de droits humains.

D’autres organisations nationales de la sociétécivile avaient commencé à faire leurs mues età s’engager sur le terrain des droits écono-miques, sociaux et culturels. Il s’agit entre au-tres de l’Association malienne des Droits del’Homme (AMDH)9 qui, au cours de soncongrès, tenu la même année, avait déclaréqu’il faut maintenant investir le champ desdroits économiques, sociaux et culturels.

De même, les organisations féminines de lasociété civile avaient pris conscience que lapleine jouissance, par les femmes, de leursdroits humains ne saurait être une réalité évi-dente sans un pouvoir économique de celles-ci, ce qui s’est traduit par leur engagement surle terrain des droits économiques, sociaux etculturels. Ainsi, la Coordination des associa-tions et ONG féminines (CAFO), qui regroupeplus de 2 000 associations et ONG de femmes,va s’organiser en coalitions techniques10 pourembrasser l’ensemble des domaines du déve-loppement humain : CEDRUD (Coalition Envi-ronnement, développement rural et décentra-

6 PDHRE/DPEDH Mali, août 2005, Compte rendu de réu-nion, Secrétariat exécutif.

7 BROUILLET A.-S., LEVY M. (coord.), décembre 2005,Lutte contre la pauvreté et Droits de l’Homme. Uneapproche de l’extension de la protection sociale en ter-mes de droits économiques, sociaux et culturels.Document de travail réalisé par CAPELLE M. (Réseau IM-PACT), en partenariat avec Terre des Hommes Franceet la FIDH et le concours du HCCI, 86 p.

8 PDHRE/DPEDH-MALI, janvier 2005, Situation des droitshumains au Mali 2004, Secrétariat exécutif, 33 p.

9 Me Bréhima Koné, Discours de clôture du congrès 2005.10 Coordination des associations et ONG féminines, août

2002, Rapport d’activités 1999-2002, 7 p.

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lisation), CEDUPAC (Coalition Éducation, paixet culture), COSADES (Coalition Santé, dévelop-pement social) CODIEM (Coalition Développe-ment, intégration économique et multimédia)et COMOS (Coalition Mobilisation sociale).

La convergence des agendas de l’État et de lasociété civile, à l’aune de la pléiade d’acteurspublics et privés ayant participé au chantierd’élaboration du rapport alternatif, a été capi-tale pour la bonne fin de cette expérience pi-lote d’élaboration du rapport DESC au Mali.

Au terme des négociations préalables inter-acteurs a été créé, le 30 août 2005, le cadrede réflexion et d’actions entre les plus grandesorganisations faîtières de promotion et de pro-tection des droits humains au Mali dénommée :« Plate-forme Droits économiques, sociaux etculturels du Mali » en abrégé : « Plate-formeDESC du Mali ».

I. Objet de laPlate-forme DESC

La Plate-forme DESC du Mali s’est assignéecomme mission fondamentale11 de :

➤ créer un espace national de coordinationdes actions des organisations de la sociétécivile intervenant dans la promotion, la pro-tection et la défense des droits humains engénéral et des droits économiques, sociauxet culturels en particulier ;

➤ stimuler les échanges et la synergie avec lesinstitutions nationales et internationales,privées et publiques concernées par la miseen œuvre du PIDESC.

Les objectifs12 de la Plate-forme DESC du Malisont, entre autres de :

➤ promouvoir et protéger les droits écono-miques, sociaux et culturels à travers le Malien tant qu’approche de développement so-cial, économique et culturel équitable, effi-ciente et de lutte contre la pauvreté ;

➤ susciter la participation des membres à lamise en œuvre du PIDESC au Mali, à l’éla-boration des rapports officiels et alternatifsy afférents et au suivi des recommandationsformulées par le Comité des droits écono-miques, sociaux et culturels des NationsUnies sur la situation du Mali en la matière ;

➤ développer des activités et des outils de ren-forcement des capacités de ses membres etdes acteurs socioprofessionnels pour qu’ilsparticipent, en toute connaissance de cau-ses et d’effets, à la conception des poli-tiques, stratégies, plans, et programmes dedéveloppement socio-économique et cul-turel du Mali ;

➤ créer une dynamique de formation par l’é-change à l’échelle nationale, continentaleet internationale, pour mieux cerner les défissociaux, économiques et culturels et initierdes actions concertées et à même de les ju-guler définitivement ;

➤ créer un espace national d’information, deréflexion, de coopération et de partenariat,permettant de capitaliser et de diffuser lesmeilleures expériences des membres en ma-tière de promotion et protection des droitséconomiques, sociaux et culturels ainsi queles savoirs émergents des communautés lo-cales en matière d’exigence et de plaidoyerpour le mieux-être collectif ;

➤ initier et planifier des campagnes de plai-doyer et de lobbying pour la mise en œuvreeffective du PIDESC au Mali.

Pour réaliser ces objectifs, il a été nécessairede renforcer la mobilisation et les compétencesdes acteurs dans tous les secteurs stratégiquessocioprofessionnels en matière de connaissanceet d’exigibilité des DESC afin qu’ils jouent plei-nement les rôles qui leur reviennent dans l’éla-boration des politiques de développement. Pource faire, le Noyau d’orientation de la Plate-forme (composé des sept OSC fondatrices) a

11 Plate-forme DESC du Mali, 19 février 2006, Statut etrèglement intérieur, Coordination nationale.

12 Plate-forme DESC du Mali, 19 février 2006, Statut etrèglement intérieur, Coordination nationale.

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La Plate-forme DESC du Mali — 89

rédigé une charte qui a été soumise aux OSCengagées sur la question des DESC et souhai-tant intégrer à leur tour la Plate-forme. Cettedernière est donc devenue peu à peu un élé-ment fédérateur de la société civile malienne.

II. Les acteurs concernéspar la Plate-forme DESC

Les différents acteurs concernés sont les orga-nisations de la société civile et les citoyens titu-laires de droits d’une part, l’État, les collectivi-tés territoriales et les partenaires au déve-loppement d’autre part.

Les organisations de la société civile soutenuespar les citoyens à la base, comme partoutailleurs, ont surtout une mission de veille, deplaidoyer et de complémentarité pour un dé-veloppement socio-économique impulsé pardes politiques publiques cohérentes et viables,l’effectivité des droits reconnus et un niveaude coopération internationale suffisant.

Trois partenaires techniques et financiers, Terredes Hommes France, le Réseau IMPACT, APPDH(projet PNUD-Gouvernement Mali qui appuieles droits humains au Mali)13, nous ont accom-pagnés à différentes étapes du processus poursoutenir notre initiative de renforcement del’État et de la société civile.

L’UNESCO Bamako s’est manifesté pour la pu-blication du rapport alternatif et l’UNICEF a par-ticipé aux travaux préparatoires à sa réalisation.

Nous avons pris contact avec certaines ambas-sades dont celle de la France au Mali, juste pourles tenir informées de notre action, sans rienleur demander. Cela a sans doute participé ànotre crédibilité, quand on sait que générale-ment ce sont des lettres de quête qui circulentpour de telles initiatives.

Il revient à l’État les principes régaliens de dé-finir et de conduire l’action publique suivantl’esprit de l’article 53 de la Constitution du Mali

pour le meilleur développement socio-écono-mique du pays. Ce rôle est renforcé à la foispar les collectivités et par les partenaires au dé-veloppement dont l’action est souhaitée, entermes de coopération internationale dans l’ar-ticle 2 du PIDESC qu’il a ratifié.

L’État malien a manifesté une réelle volonté decollaborer tout au long du processus d’élabo-ration du rapport alternatif. Conviés à de nom-breuses réunions, les représentants des struc-tures étatiques n’ont jamais manqué de rendez-vous. De plus, les représentants de la Plate-forme ont eu plusieurs entrevues avec les minis-tres concernés par la question des DESC.

À Bamako, la Plate-forme a contacté et informéle Haut Conseil des collectivités territoriales14

sans jamais pouvoir rencontrer le Président pourraison de calendrier. Dans les régions, toutesles représentations de l’État ont été informéesde l’initiative : chambres communales, cham-bres régionales, mairies, préfectures, servicesétatiques… Les rencontres ont permis d’infor-mer et d’écouter les représentants des collec-tivités. Plus tard, des retours d’information ontété faits à ces mêmes services pour les tenirinformés des résultats obtenus.

Dans un souci de neutralité et d’indépendance,les représentants de la Plate-forme n’ont jamaisdemandé de soutien, ni financier, ni technique,aux représentations de l’État. Cependant, cer-tains fonctionnaires, notamment des employéscommunaux, ont spontanément proposé leuraide, notamment lors des enquêtes préliminai-res à la rédaction du rapport alternatif.

Les citoyens ont, quant à eux, collaboré active-ment même si les débuts ont été difficiles. Laquestion des droits reste abstraite pour la ma-jeure partie de la population qui avait, dans unpremier temps, du mal à comprendre l’objetde notre travail. Cependant, à force de cam-pagnes de sensibilisation, de tournées d’infor-mations, les populations ont intégré la notion

13 www.terredeshommes.asso.frwww.reseau-impact.orgwww.ml.undp.org/bappdh.htm

14 Haute représentation des collectivités locales au Mali.

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90 — La Plate-forme DESC du Mali

de droit à leur quotidien et ont compris sonimportance. Certains sont revenus par la suitedonner des informations aux enquêteurs, toutcomme des représentants des collectivités lo-cales qui avaient dans un premier temps mar-qué certaines réticences.

Quant au ministère des Maliens de l’extérieur,à qui nous avions demandé une collaborationde principe, ils ont refusé de coopérer en nousenvoyant sur une cellule dans un autre minis-tère. De même, l’Observatoire du développe-ment humain, durable et de la lutte contre lapauvreté a marqué certaines réticences au dé-part, sans doute liées à un manque de com-préhension. Par la suite, la situation s’est apla-nie et cette cellule a coopéré en transmettantles informations dont elle disposait pour com-pléter nos enquêtes.

Plusieurs administrations, à qui nous avons de-mandé des informations pour croiser nos sour-ces et assurer la crédibilité de nos résultats, n’ontpas voulu coopérer directement. Nous expli-quons ce manque de volonté par un problèmede compréhension. Il nous a fallu expliquer, sen-sibiliser pour ensuite parvenir à nos fins. Nousavons mis en avant le « droit à l’information »pour obtenir souvent les données officielles.

Ainsi, la Plate-forme DESC a pu, malgré les dif-ficultés persistantes et l’ampleur de la duréedes négociations, mobiliser la confiance et la sy-nergie sans lesquelles la réalisation de ce tra-vail n’aurait pas rencontré l’engagement multi-acteur indispensable à sa sincérité, sa légitimitéet sa portée nationale.

Les deux principales difficultés que nous avonsrencontrées au cours de ce travail ont été :

➤ le problème d’accès aux informations au ni-veau des structures publiques. Des deman-des écrites, suivies de relances écrites et/outéléphoniques, et parfois lorsque c’était né-cessaire des visites ont été effectuées. Celaprend beaucoup de temps et d’énergie ;

➤ le problème de l’engagement de l’État àproduire son rapport initial: même si l’États’est engagé sur le principe à produire sonrapport, cela ne veut pas dire qu’il met lesmesures en place pour le faire. L’initiative

est jusqu’ici très timide. Pourquoi cette lour-deur des structures étatiques ?

Est-ce que l’État a réellement voulu voir l’initia-tive civile aboutir ? Ou n’a-t-il jamais cru en laréussite des organisations de la société civile ?La question reste ouverte pour les membres dela Plate-forme dont la plupart sont suspicieuxvis-à-vis des autorités publiques.

III. Le cadre des relationsentre les acteursimpliquésdans le processus

La Plate-forme DESC du Mali s’est dotée detextes statutaires et réglementaires. Ces textesprévoient les organes de gouvernance que sontl’Assemblée générale (AG), le Noyau d’orien-tation nationale (NO), les Groupes de recher-che thématiques (GRT), les Points focaux ré-gionaux (PFR).

●● L’Assemblée générale

L’Assemblée générale est l’instance suprême dedécision qui regroupe les membres des orga-nisations fondatrices, les membres des organi-sations adhérentes, les membres des organisa-tions associées et les membres bienfaiteurs. Elledécide les grandes orientations de la Plate-forme,adopte, révise et amende les statuts, le règle-ment intérieur ainsi que les programmationsd’activités. Elle approuve les comptes et donnequitus au Noyau d’orientation pour sa gestion.

Le quorum de l’Assemblée générale est atteintlorsque au moins la moitié des organisationsmembres est représentée. Toutes les décisionsde l’Assemblée générale sont prises à la majo-rité des organisations membres présentes (moi-tié des organisations plus une). Chaque orga-nisation membre a une voix.

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La Plate-forme DESC du Mali — 91

●● Le Noyau d’orientation (NO)

Le Noyau d’orientation est l’organe d’adminis-tration et de gestion de la Plate-forme DESC. Ilfixe la date de l’Assemblée générale et laconvoque au moins huit jours avant le jour del’Assemblée générale. Il se réunit au moins unefois par mois. Le quorum est atteint lorsque aumoins quatre de ses membres sont présents.Les décisions sont prises à la majorité simple deses membres présents. En cas d’égalité des voix,celle du Point focal national est prépondérante.

●● Les Groupes de recherchethématiques (GRT)

Les Groupes de recherche thématiques regrou-pent toutes les ONG, les associations, les or-ganisations des communautés à la base et lesautres groupes civils organisés œuvrant pourla promotion, la protection et la défense desdroits humains ainsi que pour la solidarité etla réduction de la pauvreté au Mali.

Ils désignent leurs responsables en leur propresein. Ils se réunissent une fois par mois en réu-nion ordinaire et, chaque fois que de besoin,en réunion extraordinaire sur convocation deleurs responsables désignés ou à la demandedu Point focal national ou du NO. Ils définis-sent la stratégie interne de mise en œuvre desdécisions et résolutions du NO, réalisent les re-cherches et les actions opérationnelles sur leplan national et en élaborent les rapports thé-matiques régionaux qui sont adoptés par le NOavant d’être soumis en AG et participent avecau moins deux délégués aux travaux de l’AG.Leurs décisions sont prises à la majorité simpledes membres présents.

●● Les Points focauxrégionaux (PFR)

Les Points focaux régionaux sont chargés de :

➤ disséminer les informations au niveau ré-gional ;

➤ exécuter les décisions de l’AG et du NO ;

➤ s’impliquer dans la mise en œuvre et le suividu plan d’actions de la Plate-forme DESCau niveau régional ;

➤ participer à la préparation des rapports thé-matiques régionaux ; et

➤ rendre compte à la Coordination nationale.

Ces organes ont été mus par un esprit de vo-lontariat et de bénévolat exemplaire dans leprocessus d’élaboration du rapport alternatifde la Plate-forme, chantier pilote, semé d’em-bûches de bout en bout.

En effet, chacun des responsables des associa-tions impliquées dans le Noyau d’orientationtravaille sur le projet de la Plate-forme DESC demanière bénévole. Certes des frais occasionnéspar les impératifs des déplacements sur le ter-rain ont été financés par la Plate-forme elle-même ou encore par les associations. Mais ilest important de noter que toutes les person-nes impliquées au cœur du processus ne sontpas rémunérées. De plus, au vue des faiblesmoyens de la Plate-forme, chacun a su adapterson travail aux contraintes financières. Les dé-placements dans les provinces maliennes ontété effectués à bord des moyens de transportcollectifs les moins onéreux, les repas pris sontsouvent à la charge des responsables, le loge-ment est assuré par des biais relationnels.

Le bénévolat et le volontariat sont pratiqués ausein de la Plate-forme de manière spontanée.Aucune discussion ni aucun débat n’a été né-cessaire pour fixer ces règles qui paraissent na-turelles aux dirigeants de ces associations qui onteu l’habitude depuis des années de fonctionnerde la sorte au sein de leur propre structure.

Cet esprit s’explique par plusieurs raisons :

➤ chacun des acteurs était dans la dynamiquede réaliser le point sur les DESC car commel’a affirmé l’AMDH au cours du congrès de2004, les droits civils et politiques ont connuune avancée réelle ;

➤ les DESC devenaient un champ de prédilec-tion compte tenu du fait que le pays avaitconnu une invasion acridienne qui compro-mettait le droit humain à l’alimentation ;

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92 — La Plate-forme DESC du Mali

➤ la présentation de la première mouture durapport officiel du Mali sur l’état d’avance-ment dans la mise en œuvre du PIDESC etles difficultés évoquées pour la rédactiondudit rapport, notamment le difficile accèsaux informations sectorielles, la lenteur desdépartements dans leur réaction aux solli-citations du MAECI, a conforté les OSC dansleur volonté de concevoir leur propre rapportet, le cas échéant, d’accompagner l’Étatdans sa volonté de réaliser le sien.

Et enfin, comme le dit l’adage, l’argent n’estqu’un moyen de travail.

Le cadre organique de la Plate-forme, en lienavec sa vision et ses objectifs, exigeait une col-laboration suivie avec, à la fois les différentsdépartements, en particulier les Affaires étran-gères et la Coopération internationale, la Santé,l’Éducation, en charge du Travail, en charge del’Alimentation, la Justice, le domaine de l’État,mais aussi les services publics, notammentl’Institut national de prévoyance sociale, leCommissariat à la Sécurité alimentaire, laDirection nationale de Sécurité sanitaire desaliments, la Direction nationale de l’Hydraulique,les organismes de coopération internationale etd’intégration régionale représentés au Mali, lescollectivités décentralisées ainsi que les acteursde la société civile dans le domaine du dévelop-pement à la base en général.

Pour atteindre le niveau d’appropriation recher-ché, la Plate-forme DESC du Mali a procédé àune information régulière de ces différents ac-teurs par courriers et souvent par téléphone.Elle a tenu des rencontres d’échanges, des ses-sions de partage de l’information. Elle a aussi im-pliqué ces acteurs dans les différentes phasesde restitution/validation des outils et rapports.

Nous nous sommes fixés comme principe dene demander aucun financement à l’État. Ladémarche a reposé sur une campagne de sen-sibilisation sur les « droits humains » pour pal-lier la faiblesse de compréhension de la notionde droit des cadres publics et privés (notam-ment les associations) qui détiennent les ins-truments d’action en faveur du renforcementdes droits humains.

Comment l’État doit-il décliner ses obligationspour que les citoyens puissent jouir de leursdroits ? Quel est le rôle des citoyens pour fairerespecter leurs droits? Ces deux questions ontété la base de la réflexion proposée afin d’im-pliquer les acteurs (État, OSC et citoyens) et derenforcer leur responsabilité.

La participation et la coopération exhaustivede ses composantes, dans tout le processus,ont apporté le niveau d’appropriation qui étaitrecherché.

IV. Méthodologie

●● Champs d’investigation

Les études ont concerné le Mali dans sa glo-balité mais ont surtout été réalisées suivant undécoupage autour de Bamako et de cinq Pointsfocaux régionaux, avec une catégorie de droità approfondir par région suivant des critèresde pertinence approuvés.

➤ Bamako et Koulikoro (en tant que Pointde centralisation où les investigations ontporté sur l’ensemble des cinq catégories dedroits retenues comme prioritaires).

➤ Région de Kayes : droit au travail et à laprotection sociale, eu égard aux causes ob-jectives de l’émigration en masse des jeu-nes Kayesiens, la question du co-développe-ment qui en découle et toute la problé-matique de la sécurité sociale dans les in-dustries minières et la régie ferroviaire quiinterviennent dans cette région.

➤ Région de Sikasso : droit à la santé (forteprévalence du paludisme et du SIDA).

➤ Région de Ségou : droit à la terre et au lo-gement (problèmes fonciers de l’Office duNiger).

➤ Région de Mopti : droits à l’éducation (laproblématique des enfants talibés/men-diants), à la terre et au logement.

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La Plate-forme DESC du Mali — 93

➤ Régions de Tombouctou, Gao et Kidal :droit à l’alimentation (zones arides presquetoujours en déficit alimentaire).

Les régions et les thèmes qui y sont traités ontété définis grâce à la connaissance des théma-tiques et du milieu apportée par chacune desorganisations impliquées dans la Plate-forme.

La définition du champ d’investigation a faitl’objet de réflexions et de débats au sein duNoyau d’orientation national.

Pour renforcer la crédibilité du rapport alterna-tif, doit-on prendre en compte l’ensemble duterritoire national ? La prise en compte de l’en-semble du territoire pour chacune des questionsne risque-t-elle pas de conduire à la généralisa-tion des problématiques et ainsi de desservir lesrégions les plus défavorisées ? Ne risque-t-onpas ainsi de passer à côté de la question cen-trale de l’inégalité territoriale d’accès aux DESC ?

Toutes ces questions ont été débattues au seindu Noyau d’orientation de la Plate-forme. Ainsi,compte tenu des objectifs et des moyens des ac-teurs impliqués, le champ d’investigation retenuprivilégie de concentrer les enquêtes dans leszones les plus défavorisées en fonction des thè-mes pour différencier clairement les territoiresen fonction de leurs priorités de développement.

Les études ont été menées aux niveaux desstructures de l’État, des organismes de dévelop-pement, des organisations de la société civileet des acteurs socioprofessionnels, à la base àtravers six étapes.

●● Étapes des études

➤ L’élaboration de quatre séries d’outils de col-lecte des données destinées à quatre caté-gories d’acteurs cibles (structures étatiques,structures non étatiques – ONG et associa-tions –, victimes et témoins) avec des sous-questions appropriées pour chaque groupe.

➤ La rencontre des « Points focaux régionaux »pour une meilleure compréhension de l’é-tude et permettre aux équipes d’investiga-tion terrain constituées de disposer de tou-

tes les informations pour mener à bien lacollecte des données.

➤ L’identification, la prise de contact et la col-lecte des données et informations sur le ter-rain auprès des structures (pouvoirs et ser-vices publics, institutions et organismesinternationaux, organisations associatives,corporatistes et professionnelles de la so-ciété civile) et individus (victimes et témoins).

➤ La supervision des investigations de terrainet le contrôle des données collectées.

➤ L’analyse et la synthèse des données collec-tées et informations recueillies.

➤ La collecte et l’analyse des documents quiont permis d’approfondir les connaissancessur la situation et de donner une dimensionnationale à l’étude.

Au terme de cette laborieuse démarche mé-thodologique, les données recueillies à traversles enquêtes réalisées sur le terrain auprès desquatre catégories d’acteurs cibles ont été ana-lysées à la lumière des données secondairesdisponibles aux niveaux des structures étatiqueset non étatiques.

Ce schéma de travail s’est imposé à travers unemodalité et un schéma qui a été ajusté jusqu’àl’aboutissement du rapport alternatif.

V. Modalités et itinérairedu dialogue

L’adage bamanan Jεkafo ye damu ye, c’est-à-dire « de la concertation-action naît le succès »,a été notre credo. En effet, cet abord inclusifdes problématiques a permis, à la fois, de lé-gitimer davantage la démarche et les axes d’in-tervention, mais aussi de maintenir mobiliséeune masse critique pour la réalisation des ac-tions emblématiques qui ont suivi.

Préalablement à l’élaboration du rapport alter-natif, il a été nécessaire pour la Plate-forme

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94 — La Plate-forme DESC du Mali

DESC de réaliser un état de faire des alertes etde rechercher des alliances multiformes visantà partager ses motivations et à mobiliser lesacteurs concernés en toute connaissance decauses et d’effets.

Ainsi, successivement, elle s’est attelée à :

➤ souligner l’importance et l’urgence de la pro-duction du rapport officiel initial du Mali enrappelant, d’emblée, au Gouvernement ma-lien, la recommandation du 30 novembre1994 du Comité DESC des Nations Unies« sur le fait que le Pacte oblige juridiquementtous les États parties à présenter des rapportspériodiques, et que le Mali manque à cetteobligation depuis de nombreuses années »15 ;

➤ sensibiliser et proposer sa collaboration tech-nique à l’État dans la mesure où le rapportpouvait servir de référence à la préparationdes politiques publiques et aux négociationssur le plan de la coopération ;

➤ rappeler les dispositions des Nations Uniessur la coopération de la société civile avecle Comité des DESC pour renforcer le suivide l’application du Pacte ;

➤ prendre en compte la volonté des organisa-tions de la société civile qui l’ont initiée, decontribuer pour la mise en œuvre du Pacte16 ;

➤ instaurer un véritable dialogue et une dy-namique de collaboration entre la sociétécivile et l’État malien. L’objectif est de créerune synergie positive par la mise en œuvrede mesures politiques et législatives avecdes lignes de coopération internationalesappropriées. La Plate-forme DESC Mali veutmettre l’État malien face à ses obligations,mais elle veut aussi l’aider à remplir ses obli-gations pour que des résultats effectifs puis-sent être mis en avant à terme.

Avant de lancer la Plate-forme, nous avons dûréaliser les préalables suivants :

1. La phase d’études préliminairessur l’état des lieux des DESC au Mali

Ces études ont permis la systématisation des ré-sultats et le partage des conclusions. Elles ont

permis de jeter les bases de la mobilisation pourla promotion et la protection des droits éco-nomiques, sociaux et culturels comme instru-ments de renforcement de l’État de droits, dela solidarité, de la lutte contre la pauvreté etde négociation en termes de coopération inter-nationale.

2. La phase de mobilisation sociale

➤ Sensibilisation sur la problématique et la né-cessité de la promotion des DESC en lienavec l’État de droits, la démocratie, la décen-tralisation et la lutte contre la pauvreté.

➤ Éducation/formation pour l’éveil des cons-ciences à propos du droit des citoyens envue du changement de comportement pourl’action globale de promotion nécessaire àla démarche d’exigibilité et de justiciabilitédes DESC.

Pour ce faire, nous avons utilisé des supportset des méthodes capitalisées par chacune desOSC impliquées dans la Plate-forme. Des sup-ports ont été réalisés et traduits en bambara.Nous avons diffusé des messages radios, desbandes-annonces à la télévision et réalisé denombreux entretiens directs sur le terrain. Nousavons mené des actions de sensibilisation surles marchés en prenant à témoin les passantset en utilisant des supports pédagogiques.

3. La phase de structurationde la Plate-forme

Fortes des résultats des recherches et de la mo-bilisation sociale, des négociations ont com-mencé avec l’État pour faire avancer les DESCet l’approche de lutte contre la pauvreté parles droits humains en conformité avec :

➤ d’une part le Pacte qu’il a ratifié et par rap-port à la mise en œuvre duquel il s’était pro-posé de présenter en novembre 2005 sonrapport initial ; et

15 Conseil économique et social, E/C.12/1994/17, 21 dé-cembre 1994.

16 « Participation des ONG aux activités du Comité des droitséconomiques, sociaux et culturels » (E/C.12/1993/WP.14).

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La Plate-forme DESC du Mali — 95

➤ d’autre part les orientations politiques duCadre stratégique de lutte contre la pau-vreté (CSLP d’alors) ainsi que les dispositifslégislatifs internes, les conclusions et recom-mandations des recueils annuels du Conseiléconomique, social et culturel et de l’Espaced’interpellation démocratique.

Les contours d’une collaboration se sont des-sinés avec l’État sur ces différents aspects, dansun esprit de concrétisation de sa volonté ma-nifestée à respecter ses engagements en assu-mant ses rôles et responsabilités.

4. Mise en place effectivede la Plate-forme

Au terme de la mobilisation sociale préalableet des négociations diverses, la Plate-forme aété initiée en août 2005 et lancée officielle-ment lors de son assemblée constituante tenueen décembre 2005 avec une vingtaine d’orga-nisations de la société civile, parmi lesquels lessix plus grands collectifs et la plus grande cen-trale syndicale des travailleurs au Mali.

5. L’atelier de formationdu 24 décembre 2005

Cet atelier a permis aux organisations fonda-trices de la Plate-forme DESC du Mali de mieuxpartager leur vision et leur approche avec unevingtaine d’autres organisations. Il a surtoutpermis de :

➤ partager la situation des droits humains àtravers plusieurs études déjà validées ;

➤ s’approprier le PIDESC et la démarche mé-thodologique d’élaboration et de présen-tation d’un rapport alternatif ;

➤ déterminer les « droits prioritaires à abor-der de manière approfondie selon la réalitédu contexte malien » dans le cadre du rap-port des OSC ;

➤ réaffirmer solennellement l’engagementindéfectible des sept organisations fonda-trices, que sont GUAMINA / AoudaghostPDHRE/DPEDH-MALI, AMDH, CAFO, CCA-ONG, CNSC et UNTM17, à promouvoir lesDroits humains en général et les DESC en

particulier et à produire des rapports alter-natifs y afférents18. Cet engagement a étésuivi par la signature de l’Acte constitutifde la Plate-forme DESC du Mali ;

➤ lancer officiellement la Plate-forme DESCdu Mali en présence des représentants del’État19, des partenaires au développement(PNUD, UNESCO…), de la presse et des OSCmaliennes.

6. Les ateliers de formalisation et derenforcement des capacités desGroupes de recherche thématiques

Au terme de l’atelier du 24 décembre 2005 quia retenu les cinq catégories de droits à aborderde manière approfondie pour ce premier rap-port, la Plate-forme DESC du Mali a tenu régu-lièrement tous les mardis et ce pendant troismois de collecte, des ateliers de travail pour ca-drer les approches avec les outils élaborés, ana-lyser les informations collectées par les groupesde recherche et peaufiner de manière itérativela démarche méthodologique de la recherche.

Ces ateliers ont eu comme résultats :

➤ l’élaboration et l’adoption des textes statu-taires ;

➤ l’adoption du Plan d’action 2006 ;

➤ la définition de l’approche méthodologiquepour la rédaction du rapport alternatif ;

➤ l’adoption des outils de collecte des données ;

➤ l’adoption de la composition des Groupesde recherche thématiques (GRT) ;

➤ l’identification des Points focaux régionaux ;

➤ la détermination de l’agenda de recherche.

17 Plate-forme DESC du Mali, 24 décembre 2005, Acteconstitutif.

18 Plate-forme DESC du Mali, 24 décembre 2005,Déclaration de création.

19 Le ministère des Affaires étrangères et de la Coopérationinternationale du Mali, le ministère du Plan et del’Aménagement du territoire, la Cellule nationale CSLP,le Conseil économique social et culturel, la Direction na-tionale des Populations, le Commissariat à la Sécuritéalimentaire. Soit environ une dizaine de représentants.Nous voulions que l’État soit à nos côtés mais qu’ilreste tout de même en minorité.

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96 — La Plate-forme DESC du Mali

7. La campagne de partage de la visionet de l’approche de la Plate-formeDESC du Mali auprès de l’État etdes partenaires au développement

Grâce à cette campagne, nous avons rencon-tré des partenaires tant au niveau nationalqu’international.

Au niveau national, la Plate-forme DESC duMali s’est entretenue avec les structures del’État, les organisations de la société civile etles partenaires au développement. La rencon-tre des structures de l’État a permis d’intro-duire et de recueillir l’adhésion et l’accompa-gnement des Institutions de la République, desdépartements ministériels, des Gouvernoratsdes régions et des Directions nationales et ré-gionales en charge des droits humains, objet denotre champ d’investigation. Ces rencontresont aussi permis à la Plate-forme DESC du Malid’exprimer aux autorités sa volonté de mettreà disposition son expérience donc de coo-pérerpour un renforcement mutuel.

Tous les organismes spécialisés des NationsUnies et toutes les agences de coopérationinternationale ont été approchés. Trois ambas-sades au Mali nous ont répondu par écrit, suiteà nos sollicitations : les Ambassades du Canada,du Ghana et de l’Afrique du Sud.

La Plate-forme DESC a même bénéficié des ap-puis du Projet d’appui à la promotion et la pro-tection des droits humains (APPDH), une struc-ture mise en place conjointement par leGouvernement du Mali (ministère de la Justice)et le PNUD et acquis le principe de publicationdu rapport par l’UNESCO.

Des observatoires publics et para-publics, desorganismes nationaux et internationaux de re-cherche, des ONG nationales et internationa-les ont également été approchés pour le re-cueil des données secondaires et de leurs pointsde vue sur la question.

Au niveau international, la Plate-forme a eu desopportunités d’échanges directs sur son agendaet sa démarche, d’une part avec les experts duComité DESC des Nations Unies, y compris leSecrétariat, et d’autre part avec la communauté

des intervenants en matière de Droits del’Homme et de la coopération internationale,à la faveur du 2e forum mondial des Droits del’Homme à Nantes. La résultante a été un raf-fermissement des approches méthodologiques,des alliances stratégiques, l’accès à la documen-tation appropriée et l’initiation d’un dispositifde veille impliquant les experts en charge del’Afrique et les autorités politiques du Mali, par-tie prenante à la table ronde organisée par Terredes Hommes France et le Réseau IMPACT, avecla participation de l’OIF, autour de la dynamiquedes rapports alternatifs.

Le 2e Forum mondial des Droits de l’Homme,qui s’est tenu du 10 au 13 juillet 2006, a donnél’occasion à la Plate-forme, en présence desreprésentants du Chef de l’État de la Républiquedu Mali, de mieux partager dans une appro-che itérative, la vision et l’approche de la Plate-forme DESC du Mali ainsi que les résultats at-teints et les étapes à venir.

La participation à ce forum, aux côtés des auto-rités maliennes, a été préparée en amont. Nousavions participé, en décembre 2005, au sym-posium de l’OIF à Bamako, au cours duquelnous avions fait une déclaration d’interpella-tion et d’information pour affirmer officielle-ment la disponibilité de la Plate-forme à tra-vailler avec l’État.

Mais à Nantes, ce ne sont pas les personnesque nous attendions qui sont venues. LePrésident de la République était invité. Au lieudu ministère des Affaires étrangères et de laCoopération internationale qui est la tutelledes conventions internationales et qui de sur-croît est plus au courant de la démarche, c’estla ministre de la Justice accompagnée duDirecteur de cabinet de la primature qui sontarrivés. Ces personnes n’étaient pas au cou-rant de l’action de la Plate-forme, malgré lesnombreux plis que nous avions envoyé en re-commandé au ministère de la Justice.

8. La recherche et la rédactiondes rapports thématiques

Forts des résultats des ateliers de travail, lesGRT ont investi le terrain pour partager avec

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La Plate-forme DESC du Mali — 97

les PFR20, l’esprit et les implications du PIDESC,la démarche méthodologique, les outils de col-lecte des données. Ils ont ensuite procédé à lacollecte des données auprès des quatre grou-pes cibles définis.

Les données collectées ont enfin été croiséesavec les données secondaires. Les rapports thé-matiques obtenus devaient ensuite faire l’ob-jet d’analyses au cours de différents atelierspour les peaufiner et dégager le consensus au-tour des contenus.

9. L’atelier de restitution/validationdes rapports thématiques des GRT

Tenu le 1er juillet 2006 au CAMASC, l’atelierde restitution/validation des rapports théma-tiques des GRT a permis d’échanger avec lesgroupes cibles sur le contenu des cinq rapportsthématiques et a permis de recueillir les obser-vations et recommandations des participants.Plus d’une vingtaine de représentants des ser-vices publics étaient présents. Obtenir le consen-sus n’a pas été aussi facile que nous l’avionsimaginé au départ. Les débats ont été longs etanimés. Certains points ont été remis en cause,d’autres ont été ajoutés.

10. Les séances régionales de partageau niveau des Points focaux

Dans chaque région, en lieu et place du for-mat initial de restitutions régionales qui s’estrévélé à la fois lourd et onéreux, des séances lo-cales de partage ont été organisées par lesPoints focaux autour des rapports thématiquesde base.

Elles visaient à valider ces rapports après avoirpris en compte, en tenant lieu, les apports nou-veaux au niveau des régions, chacune pour lesaspects de droits qui ont été spécifiquementabordés localement.

Ces discussions régionales ont permis aussid’informer les régions de la situation des aut-res catégories de droits, en vue de prendre encompte les situations vécues et d’en formulerles recommandations pour le rapport général.Tous les rapports amendés ont été remontésvers le NO pour être consolidés ensuite.

11. La fastidieuse phase de consolidationdes rapports thématiquespour la rédaction du rapport final

Étalée sur plus de trois mois, cette phase a étéassez laborieuse. Les débats d’analyse et d’ar-bitrage, aussi bien intra-groupes thématiquesqu’aux niveaux du noyau d’orientation, dupanel d’experts externes et des témoins et vic-times de manquements à leurs droits, ont prissouvent l’allure de thérapies de groupes, develléités partisanes21, quant à l’interprétationdes situations révélées, des responsabilités àsituer et des recommandations à y assortir.

Il y a ainsi eu des remises en cause de bien desaspects jugés trop apostrophants, eu égard auxobjectifs d’émulation et de coopération que laPlate-forme DESC voudrait atteindre, mais ja-mais risquer d’abandonner la dynamique de rap-port alternatif et la quintessence des situations quiincriminent les auteurs concernés. En tout état decause, ces débats n’ont pas été vains, on peutmême leur imputer la force de l’appropriationgénérale du rapport qui en est issu, la fiabilité etl’objectivité des résultats ainsi que l’audience desautorités publiques et des partenaires ayant ac-compagné et/ou participé au processus.

12. L’atelier de validation etde lancement du rapport alternatif

L’atelier des 18 et 19 décembre 2006 tenu auGrand Hôtel de Bamako a réuni plus d’une cen-taine de personnes représentant :

➤ les Institutions de la République ;➤ les structures déconcentrées de l’État ;➤ les collectivités locales ;➤ les organisations de la société civile ;➤ les partenaires au développement ;➤ les médias.

Ces participants venus des huit régions du Maliet du District de Bamako ont examiné etadopté, avec l’accompagnement de deux ex-

20 Points focaux régionaux.21 À propos des velléités partisanes, nous nous sommes

gardés, tout au long de notre démarche, de manifes-ter d’engagement politique pour un bord ou un autre.

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98 — La Plate-forme DESC du Mali

perts sélectionnés par catégorie de droit, lesdifférents rapports thématiques et le rapportgénéral alternatif.

L’atelier a été couronné par une conférence depresse après la remise officielle du rapport al-ternatif au Président de la Commission natio-nale des Droits de l’Homme.

Au terme de l’atelier national de validation etlancement du rapport alternatif, l’état générald’application des DESC a été largement par-tagé. Il a fait ressortir :

➤ les progrès réalisés (à travers des mesureslégislatives et politiques, des programmeset projets ainsi que le suivi de leur mise enœuvre) et les insuffisances constatées (cau-ses, responsabilités, modes de traitement,conséquences sur les victimes) ;

➤ l’urgence de l’harmonisation des textes na-tionaux y afférents avec les instruments inter-nationaux (pactes, conventions, traités, etc.) ;

➤ l’évaluation des rôles et responsabilités despouvoirs publics (législatif, exécutif et judi-ciaire) dans la mise en œuvre des droits ainsique des actions entreprises par l’État et sespartenaires pour la promotion et la protec-tion desdits droits ;

➤ l’évaluation des rôles et responsabilités par-tageables (État et société civile) ainsi quedes actions entreprises par la société civilemalienne pour la promotion et la protec-tion desdits droits ;

➤ des recommandations objectives, claires etprécises participant du respect du Pacte inter-national relatif aux droits économiques, so-ciaux et culturels se traduisant par un niveaude vie suffisant pour les populations confor-mément à l’article 17 de la Constitution envigueur au Mali et l’article 11 dudit Pacteinternational.

Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact desrecommandations. Le rapport n’a été définiti-vement publié qu’en janvier 2007. Puis par lasuite, les élections présidentielles et législati-ves ont perturbé le fonctionnement de l’État.Cependant, nous pensons que les candidats àl’élection présidentielle se sont inspirés de notre

travail. Des éléments concernant les droits ontété mis à jour dans les débats, ce qui est réel-lement novateur.

13. L’atelier de validation avecles dirigeants des organisationsfondatrices

Tenu en février 2007 à la Maison de l’Éducationaux Droits humains, cet atelier a permis de re-venir sur l’approche méthodologique dévelop-pée pour réaliser le rapport alternatif, de re-cueillir les observations des leaders desorganisations fondatrices de la Plate-formeDESC du Mali et de valider le principe d’envoide la synthèse au Comité DESC à Genève.

14. Les conférences thématiques

Les conférences thématiques ont été un mo-ment fort pour communiquer avec les popula-tions sur les rapports thématiques et leurs re-commandations. En effet, au moment où lascène sociopolitique était entièrement occupéepar l’effervescence des campagnes des électionsprésidentielles 2007, la Plate-forme DESC duMali a entrepris une mobilisation sociale autourdes rapports thématiques pour, d’une part, contri-buer à éclairer les choix des citoyens et d’autrepart, inviter les candidats aux élections présiden-tielles à prendre les recommandations en comptedans leur campagne mais aussi à s’engager àles réaliser en termes de vision politique.

VI. Résultats et perspectives

En septembre 2007, deux ans après la date ini-tialement prévue par le Gouvernement malien,le rapport sur l’état des lieux des DESC n’a pasencore été présenté par l’État.

Le Gouvernement a annoncé en décembre2006 la publication prochaine des résultats desenquêtes. Il avait alors été jusqu’à proposerune réu-nion pluri-acteurs, impliquant les OSCmembres de la Plate-forme, pour valider le

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La Plate-forme DESC du Mali — 99

contenu de son rapport. Le PNUD, via le pro-jet APPDH, avait alors promis le financementde cette rencontre.

Compte tenu de l’agenda politique au Mali(élections présidentielles et législatives), la ques-tion des DESC est pour l’instant laissée de côtéen attendant une restructuration des servicesde l’État. D’après certains représentants de laPlate-forme, ce retard serait aussi dû à un pro-blème de méthodologie pour la collecte desinformations avant rédaction du rapport. Eneffet, la collecte est sectorielle (ministère parministère), ce qui empêche les analyses trans-versales d’une part, mais aussi retarde les résul-tats (le ministère de la Femme n’aurait pasrendu les siens…).

Le rapport alternatif produit par la Plate-formea été, quant à lui, diffusé largement. Il est ac-tuellement dans les bureaux du Comité DESCde l’ONU en attente d’examen. Le Mali étantmembre du Conseil des Nations Unies pour lesDroits de l’Homme, la Plate-forme DESC de-mande aux Nations Unies de remettre en ques-tion son siège, compte tenu de la non-tenue deses engagements internationaux en faveur desdroits économiques, sociaux et culturels.

Malgré cela, ce long processus a permis à laPlate-forme DESC du Mali d’atteindre un cer-tain nombre de résultats au nombre desquelsl’on retiendra :

➤ une large information/connaissance des en-gagements internationaux de l’État du Malidans le domaine des droits humains en gé-néral, et des droits économiques, sociauxet culturels auprès des responsables poli-tiques, des citoyens, des OSC et des parte-naires du Mali ;

➤ une meilleure connaissance du PIDESC ;

➤ plus d’engagement de l’État à finaliser sonrapport initial sur l’état des lieux des DESCau Mali, comme l’a réaffirmé l’ambassa-deur, responsable technique de la questiondu MAECI, rencontré au lendemain du lan-cement officiel ;

➤ la mise à disposition d’un document d’aideà la décision et de négociations ;

➤ la mise en place d’un organe de veille ci-toyen opérationnel ;

➤ le rendu d’un document (le rapport alterna-tif) permettant au Comité DESC d’apprécierl’état de la mise en œuvre du PIDESC au Mali.

Partant de ces résultats, la Plate-forme DESCdu Mali s’attellera à :

➤ diffuser et expliquer le rapport alternatif au-près des institutions publiques, des orga-nismes de coopération internationale et descollectivités publiques ;

➤ négocier sa présentation au comité DESCà Genève22 ;

➤ maintenir les rapports de collaboration avecl’État mais aussi la pression citoyenne pourqu’il produise et présente son rapport initial ;

➤ constituer un dispositif horizontal de pro-motion et de protection des DESC et desuivi des recommandations ;

➤ préparer un plan d’action national de pro-motion des DESC au Mali ;

➤ évaluer le processus de suivi des recomman-dations.

> Conclusion

●● À propos de laPlate-forme et des DESC

En l’absence de mode de saisine appropriéedes instances judiciaires internes et internatio-nales et de protocole additionnel opposableen matière de DESC, les acteurs de la sociétécivile doivent faire une pression citoyenne pourque des mesures de réalisation universelle desDESC soient prises.

L’État de droits est certes en marche au Mali,mais le principe fondamental d’universalité des

22 Plate-forme DESC du Mali, mars 2007, Plan d’action2007, La Coordination.

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100 — La Plate-forme DESC du Mali

Droits de l’Homme, reconnu également par laConstitution en vigueur, n’est pas une réalitépratique, malgré l’existence de dispositifs ju-diciaires et d’arbitrage.

Il s’agit alors d’engager des négociations avecles pouvoirs publics et politiques afin de :

➤ légiférer sur les droits économiques, sociauxet culturels ;

➤ élaborer les documents stratégiques de ré-duction de la pauvreté par l’approche« droit » ;

➤ articuler, au mieux possible, les droits éco-nomiques, sociaux et culturels des citoyenset le Cadre stratégique pour la croissanceet la réduction de la pauvreté (CSCRP).

Cela passe par le renforcement du dialogue et dela collaboration entre l’État et la société civile, afinde proposer et d’agir en faveur de mesures éprou-vées pour le respect et la réalisation des droitséconomiques, sociaux et culturels, étayé par l’exis-tence d’un Observatoire des Droits de l’Hommeperformant. Il faut reconnaître que la marge demanœuvre est très limitée par des pesanteurs à lafois institutionnelles et socioculturelles.

« L’évolution des relations économiques et po-litiques internationales ne permet plus à un paysni à ses systèmes et structures de s’évertuer àvivre en vase clos. La mobilisation des synergieset des énergies locales, étatiques et non éta-tiques, appuyées ensuite par la solidarité et lacoopération internes et internationales en sontdésormais la panacée. Point d’assistanat, il s’a-git de s’engager dans une démarche fondamen-talement inclusive et responsabilisante qui ré-ponde aux exigences de droits, de démocratieet de liberté constamment mises en avant par lescitoyens, et qui permette la prise en charge, autravers de politiques publiques cohérentes, desquestions de développement social, économiqueet culturel par l’approche ‘droits humains’ »23.

Nous nous engageons, au sein de la Plate-formeDESC du Mali, avec nos partenaires et collabo-rateurs au Mali, à travers l’Afrique et le monde,à coopérer face à ce défi.

Comme on le dit chez nous, « un seul doigtne peut soulever le caillou ».

●● À propos du processusmis en œuvre

La mobilisation a été progressive. Au fur et àmesure des campagnes de sensibilisation, denouvelles OSC ou de nouveaux citoyens se sontjoints à notre mouvement. Jusqu’à aujourd’hui,les citoyens nous téléphonent pour suivre l’étatd’avancement du processus.

Cet engouement pour la question des droitsest la base de la dynamique. Toutes les person-nes engagées au départ du processus sont res-tées mobilisées, aucune ne s’est désistée mal-gré la lourdeur de la charge et la difficulté desenquêtes de terrain.

L’idée a pourtant traversé l’esprit de bon nom-bre d’entre nous, lorsque la fatigue et la pres-sion étaient trop imposantes, lorsque les lour-deurs de l’État faisaient reculer les échéancesde jour en jour. Mais grâce à la mobilisation ci-toyenne, à la motivation de nos partenaires età la synergie de notre équipe, nous sommesrestés mobilisés. Cela tient essentiellement à lahauteur de l’engagement que nous avons prisauprès des populations, mais aussi de l’État, àprouver que le droit est une notion fondamen-tale et qu’elle peut être revendiquée et défen-due. Nous avons aujourd’hui des comptes àrendre, nous ne pouvons pas abandonner sansavoir le sentiment de trahir les citoyens et detrahir nos compagnons de la Plate-forme.

Nous avons démenti l’idée reçue selon laquellesans moyen la société civile ne peut rien faire.Les gens sont restés mobilisés car ils se sontsentis concernés, responsables, sensibles à laquestion : « Vous êtes porteurs de vos droitset personne ne va les porter à votre place ! ».

Au moment de la rédaction du projet, le schématechnique paraissait cohérent et présageait unecertaine envergure à notre initiative. Mais nousne pouvions prévoir un tel engouement. Lechantier est si vaste. Les idées s’accumulent ettout le monde ajoute sa pierre à l’édifice. Nous

23 Madani KOUMARÉ, septembre 2003, Communicationau colloque de Paris « Droits, citoyens et État ».

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La Plate-forme DESC du Mali — 101

ne savons pas où nous allons nous arrêter, oùnous devons nous arrêter… même si l’on saitque nous devrons nous arrêter à un niveaufaute de moyens.

Chacun se pose la question de son engage-ment. Comment doit-on faire pour gérer à lafois nos associations respectives et honorer nosengagements sur la Plate-forme ? Ne serais-jepas obligé de faire du tort à l’un ou l’autre ? Est-ce que je ne risque pas de mettre en péril mesmotivations premières ?

Ce projet est un travail de très longue haleine quidoit se préparer minutieusement en amont. Ilfaut se mettre en situation de réussite dès le dé-part. Les enjeux sont énormes. Échouer dans ladémarche devient compromettant pour la dy-namique que l’on veut enclencher. Au lieu d’uneconstruction, cela risque de devenir discrédit de

la société civile. Nous avons pris le temps au pré-alable pour informer et sensibiliser, pour êtresûrs que nos partenaires ont bien compris etbien mesuré les enjeux d’une telle démarche.

Quand nous avons acquis l’assentiment d’unnombre suffisant de partenaires, nous avonslancé le travail. À présent, le plus dur est der-rière nous. Nous avons acquis un savoir-fairenous permettant de faire face aux difficultés.Nous avons maintenu la concertation régulièredu groupe même après la production du rap-port alternatif. Nous voulons pérenniser la Plate-forme DESC du Mali.

Malgré toutes ces réussites, certaines organisa-tions maliennes impliquées sur les Droits del’Homme ne se prononcent pas sur nos actions.Nous aimerions pouvoir recevoir les critiques denos pairs pour faire évoluer ensemble la réflexion.

Bibliographie

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FERNANDEZ R., L’exigence sociale des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) :les rapports alternatifs établis par la société civile comme contributions à la mise en œuvredes obligations internationales des États. Compte-rendu de la table ronde du 12 juillet2006, Réseau IMPACT, 20 p.

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PLATE-FORME DESC du Mali, divers rapports d’atelier et comptes rendus de réunion.

TERRE DES HOMMES-FRANCE, 2003, Les droits économiques, sociaux et culturels (DESC).Exigences de la société civile et responsabilité de l’État, Karthala, 485 p.