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Mon (petit) triangle Atlantique ou 7 semaines à faire le tour de l'anticyclone des Açores, dans le bon sens! Hervé Perroud, JPK960 Yemanja En ce début juillet, les dépressions se succèdent sur la Bretagne, accompagnées d'un bon flux de SW qui rend inconfortable la route de l'Espagne. Pourtant, le petit matin du 16, nous profitons d'une bascule annoncée au NW pour nous lancer depuis Lorient, avec mon équipier Cyrille, dans la traversée du Golfe. Le vent est paresseux, si bien qu'il nous faudra même quelques heures de moteur pour démarrer. Ensuite tout s'enchaîne à merveille, d'abord 10' de vent de travers tribord amures, puis grand largue, pour finir avec 25' de vent arrière en arrivant sur la côte galicienne, après 2 jours et demi de navigation. Seul problème à signaler, le feu de hune remplacé avant le départ ne veut pas s'allumer, j'aurais dû changer aussi les cosses, ce qui me vaudra de remonter dans le mat. Après l'escale incontournable de La Corogne, nous enchaînons sur un passage sportif du Cap Finisterre, avec des pointes à 35' de vent arrière, une halte enchanteresse dans la baie de Murcia, dont nous ressortirons poussés par 30' de vent portant encadrés de grands dauphins, et une arrivée brumeuse dans la superbe baie de Vigo. L'anticyclone est bien là, et on ne va plus se quitter pendant de longues semaines. Record de cette première partie: 13,6' au GPS en passant Finisterre. Changement d'équipier à Vigo, Paul (à droite) remplace Cyrille (à gauche)

Mon (petit) triangle Atlantique Hervé Perroud, JPK960 … · Madère. Apparemment, les concurrents n'ont pas bénéficié des mêmes conditions que nous pour la traversée du Golfe,

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Mon (petit) triangle Atlantiqueou 7 semaines à faire le tour de l'anticyclone des Açores, dans le bon sens!

Hervé Perroud, JPK960 Yemanja

En ce début juillet, les dépressions se succèdent sur la Bretagne, accompagnées d'un bon flux de SW qui rend inconfortable la route de l'Espagne. Pourtant, le petit matin du 16, nous profitons d'une bascule annoncée au NW pour nous lancer depuis Lorient, avec mon équipier Cyrille, dans la traversée du Golfe. Le vent est paresseux, si bien qu'il nous faudra même quelques heures de moteur pour démarrer. Ensuite tout s'enchaîne à merveille, d'abord 10' de vent de travers tribord amures, puis grand largue, pour finir avec 25' de vent arrière en arrivant sur la côte galicienne, après 2 jours et demi de navigation. Seul problème à signaler, le feu de hune remplacé avant le départ ne veut pas s'allumer, j'aurais dû changer aussi les cosses, ce qui me vaudra de remonter dans le mat. Après l'escale incontournable de La Corogne, nous enchaînons sur un passage sportif du Cap Finisterre, avec des pointes à 35' de vent arrière, une halte enchanteresse dans la baie de Murcia, dont nous ressortirons poussés par 30' de vent portant encadrés de grands dauphins, et une arrivée brumeuse dans la superbe baie de Vigo. L'anticyclone est bien là, et on ne va plus se quitter pendant de longues semaines. Record de cette première partie: 13,6' au GPS en passant Finisterre.

Changement d'équipier à Vigo, Paul (à droite) remplace Cyrille (à gauche)

A Vigo, on retrouve Paul venu remplacer Cyrille comme second du bord, pour une semaine de cabotage le long de la côte portugaise, destination Lisbonne. Pour quitter Vigo, nous bénéficions d'une légère brise bien orientée dans la baie, qui nous permettra de glisser sous grand asymétrique à près de 8' jusqu'aux Iles de Cies. Hélas, cela ne dure guère, et nous devrons souvent faire appel au moteur pour assurer une vitesse minimale pendant cette semaine. Les escales se succèdent dans les ports de la côte, avec à la clé une série de dégustations de poissons grillés et de boissons locales. Une nuit en mer bien calme, mais à la voile, nous emmène un matin dans le petit port de Nazaré, où je prends mes habitudes, avec l'accueil toujours aussi chaleureux de Louis à l'échoppe de la marina. Ce sera l'occasion d'un premier grand nettoyage/séchage (photo) depuis le départ de Lorient, d'autant qu'il aura fallu que Paul plonge sous le bateau pour sortir le bout d'aussière attrapé dans l'hélice en entrant dans le port. Une jolie brise de Sud nous permettra de montrer aux autres bateaux sur l'eau, quoique plus grands, les performances du JPK960 au près, en allant longer les Iles Berlingues au large de Peniche. Puis ce sera l'arrivée dans la baie de Lisbonne au vent arrière, jusqu'à la marina de Oeiras, conseillée à juste titre par le "harbour master" de Nazaré.

Séchage du linge par grand soleil à Nazaré, le skipper bien à l'abri sous le taud

C'est à Lisbonne que Maylis a rejoint le bord, Paul prenant quant à lui le chemin du retour. Là, il s'agit d'une étape sérieuse, 500' pour rejoindre l'archipel de Madère, d'autant que ce sera le baptême du grand large pour Maylis. Heureusement, Yemanja a intercédé pour nous auprès d'Eole, qui nous a concocté un menu météo très digeste. Les pleins faits, nous quittons Lisbonne le 28 juillet, par un grand soleil, et une brise de 15' de NW, qui nous propulse tranquillement droit sur la route à 7' de moyenne sous GV haute et génois. Ces bonnes conditions rendent la vie à bord des plus agréables, au programme siestes et séances de lecture (photo). Il s'agit de se préparer aux quarts de nuit, car même si le pilote automatique assure l'essentiel du travail, un tour de veille est organisé sur le pont, au prorata de la capacité de chacun à résister au sommeil en pleine mer... Le second jour, le vent a adonné, si bien que le spi asymétrique sera de retour sur le pont. Nous tenons la moyenne de 7', si bien que les miles défilent, et la moitié de la route est rapidement atteinte. La couleur de la mer vire au bleu intense, des mers profondes. Nous sommes accompagnés de bandes de dauphins, de crabes nageurs, de petites méduses à voiles, et parfois de grandes tortues, il nous arrivera même d'en réveiller une en la heurtant. Yemanja trace son sillage en souplesse, c'est l'harmonie à bord et avec la nature.

Maylis pratique avec assiduité le quart Lecture

Ainsi, après 3 jours de navigation heureuse, nous atteignons l'île de Porto Santo, réputée pour sa piste d'aéroport internationale, et sa grande plage de sable fin aux eaux turquoises. Nous faisons escale dans la marina et visitons à pied le village, ou le Wifi libre nous permet de nous rebrancher sur le déroulement de la Transquadra, et la position de l'ami JP que nous sommes venus accueillir à Madère. Apparemment, les concurrents n'ont pas bénéficié des mêmes conditions que nous pour la traversée du Golfe, mais JP est bien placé, prêt à placer son attaque dans le grand bord de portant qui s'annonce. Nous rejoignons Funchal sur l'île de Madère, et sa marina au coeur de la ville. Nous y retrouvons Sophie et les enfants venus attendre l'arrivée du grand marin, à la jumelle pointe Sao Lorenzo. Et elle fut triomphale (bon, ok, 2nd) et très émouvante pour Emma et Isaac.

Arrivée du héros solitaire dans la marina de Quinta de Lorde

Toute bonne chose ayant une fin, nous nous préparons à quitter Madère et nos amis, et le 6 août, nous reprenons la mer, direction les Açores. Dès la sortie de port, l'électronique du bord, sans doute amollie par sa semaine d'oisiveté, nous fait une petite crise de nerf. Je suis alors bien content des leçons données par Sylvain lors de la révision avant le départ, pour réinitialiser l'ensemble, et ça repart, sans que je sache trop pourquoi il y a eu problème. A suivre... Il nous faudra pratiquement le reste de la journée pour longer l'île, souvent au moteur, avec une bonne poussée par effet venturi (comme à l'arrivée, pointe à 14' au GPS) au niveau de sa pointe NW. Le vent s'établit au NE, 10-15', et nous avançons facilement droit sur la route, tout en sachant qu'il nous faudra à un moment traverser la dorsale anticyclonique, avec des calmes à la clé. Le plus tard sera le mieux, pour nos réserves de gasoil. En attendant, nous profitons de conditions clémentes, et de la lumière des couchers de soleil sur un Atlantique bien calme.

En route pour les Açores, beau temps, belle mer, au coucher du soleil

Il nous faudra un petit peu plus de 3 jours pour parcourir les 500' entre Madère et Açores, le troisième au moteur dans le coeur de la dorsale, avant que n'apparaisse l'île de Santa Maria, coiffée de son auréole nuageuse, la première île des Açores découverte par les Portugais, et qui doit son nom à celui du vaisseau de Christophe Colomb. Surprise, une marina récemment inaugurée nous attendait à Vila do Porto, et nous y serons les voisins d' Olbia, un SS34 breton, skippé en solitaire par Christian, qui avait eu l'occasion de naviguer sur Oiseau de Feu, à l'époque. Nous y rencontrerons des navigateurs portugais (Val et son fils Pedro) et anglais (John, puis Rachel et Duncan) fort sympathiques, avec qui nous partagerons quelques soirées animées, entre excursions dans l'île et séances de toilettage du bateau et de l'équipage. Cette île est totalement naturelle, la carte postale n'y a même pas encore été introduite! Et dans chacune des îles açoriennes que nous visiterons, Terceira, Sao Jorge, Faial et Pico, ce sera le même émerveillement face à ces paysages de mer et de montagne, ces fruits et ces fleurs, ces lumières, ces villages et ces habitants accueillants. Nous avons été subjugués par la beauté sauvage de Sao Jorge, ce haut plateau tout en longueur, au coeur des îles centrales, bordé de "fajas" s'avançant dans la mer, où se sont établis les villages de pécheurs et de baleiniers. Sa petite marina toute récente est située sous la falaise où nichent les puffins, et c'est un véritable concert qu'ils nous offrent chaque soir à la tombée de la nuit.

Contrairement à sa réputation, le soleil açorien a été fort généreux avec nous, comme en témoigne cette photo du Mont Pico.

Le mont Pico depuis Sao Jorge sous un généreux soleil açorien

La dernière navigation de Maylis se fera dans le petit temps entre Velas (marina de Sao Jorge) et Horta, le port de référence pour tous les voileux de l'archipel, où nous arriverons le 20 août. A partir de la marina d' Horta, nous aurons quelques jours d'excursions sur Faial et Pico, avec les moyens locaux (bus, ferry, voiture) qui s'achèveront par un bain dans une piscine naturelle de la côte Nord, au milieu des enfants de l'île. C'est ensuite vers l'aéroport que me dirigeront mes pas, pour y conduire Maylis d'abord, et ensuite y récupérer l'équipage de relève, Christophe et Jean-Louis, pour la route du retour, mais seulement après avoir rendu hommage à la tradition par un bon dîner au Peter's Café Sport (photo).

Le légendaire Café Sport de Horta, passage obligé des équipages

Pour ce retour, mes fichiers météo annoncent 3 temps: un départ dans la pétole, une transition dans un flux modéré de Nord, et enfin une bonne poussée de l'Ouest pour arriver sur la Bretagne. En prévision, la réserve de gasoil est un peu renforcée, de façon à respecter le timing de 8 jours que nous imposent nos obligations terriennes. Et le 26 août à l'aube, sous un ciel rougeoyant, nous quittons Horta pour Lorient, avec 1250' à parcourir. Un peu de vent entre les îles nous permet d'avancer à la voile, et à peine un heure après le départ, entre Faial, Pico et Sao Jorge, nous avons droit à la visite du cachalot, jusqu'à peine 200m du bateau silencieux, mais ensuite il sondera et sa queue disparaîtra devant nos yeux émerveillés. Contrat rempli pour Jean-Louis, qui se demande un instant si cela vaut la peine de continuer... Pendant le reste de la journée, et la suivante, nous chasserons les rares risées au moteur, avec même un arrêt bain/carénage en pleine mer, pour affûter la glisse de la carène. La faune local nous accompagne, festival de photos à travers une mer lisse comme un miroir.

Compagnon de voyage dans la pétole

Comme prévu, le vent finit par rentrer, d'abord au NE (!), nous empêchant de faire la route, puis au Nord, en forcissant gentiment jusqu'à 25-30'. Nous passerons une journée entière à l'intérieur du bateau, sous foc de route et deux ris, au bon plein, à jouer aux cartes, ou au quizz musical à partir du ipod. Jean-Louis s'avère un client redoutable à ce petit jeu. Tous les 15', l'un de nous se dévouait pour aller sur le pont inspecter la mer et le bateau, au risque d'une bonne douche salée. Malgré ces conditions humides et gitées, l'ambiance reste très bonne, et Yemanja avance sans broncher. Sur les fichiers météo, nous guettons l'adonnante qui ne devrait pas manquer d'arriver lorsqu'une dépression atlantique glissera sur la bordure Nord de l'anticyclone. Et cela va finir par arriver au bout de 3 jours de vie penchée. D'abord avec un vent modéré de 10-15', puis en forcissant allègrement, jusque 30-35'. Sous petit spi de brise, Yemanja décolle, et les surfs s'enchaînent de plus en plus fréquemment, sur une longue houle ordonnée qui permet une glisse enivrante mais facilement contrôlable. Les records de vitesse du bateau tombent les uns à la suite des autres, jusqu'à une pointe à 19.9' au GPS dans un vent frisant les 35', ce qui nous incite à sagement changer le spi pour le génois tangonné et un ris. La glisse continue mais la nuit sera plus sereine. A son tour, Christophe remplit son contrat en suivant aux jumelles les Petrels Tempête qui jouent comme nous avec les crêtes des vagues.

Joies de la glisse dans une mer sagement ordonnée

Nous aurons à gérer cette nuit-là un passage de front brutal, avec une saute de vent quasi-instantanée de plus de 50° sous une pluie battante, puis le temps s'améliore, le vent mollit, le soleil réapparaît et ce sera jour de lavage/séchage dans le cockpit, avec une mer bleue magnifique. Yemanja dévale les vagues sous spi de nouveau, et nous imaginons un système pour porter le spi asymétrique sur le tangon, afin de pouvoir descendre plus vent arrière, tout en permettant d'empanner. Nous arrivons bientôt dans le rail des cargos, puis nous apercevons le matin du 3 septembre, au loin, la pointe de Penmarch, notre route étant assez Nord de façon à aller chercher ces vents portants. En début d'après-midi, nous avons la surprise de croiser Foncia au large des Glénans (photo), en phase de préparation pour son prochain Vendée Globe. Michel Desjoyaux est bien à bord, et répond à notre appel VHF. Il nous interroge sur le type de ce bateau qui déboule sous spi. Toujours pince-sans-rire, en apprenant que nous sommes parti des Açores depuis 8 jours, il nous confie qu'il s'y rend cet après-midi, et rentre ce soir à Port-La Forêt! Puis ce sera l'arrivée sur Groix,

et le port de Kernevel en fin d'après-midi, avec l'accueil de nos amis bretons, au premier rang desquels JP lui-même, présent sur le ponton pour attraper nos bouts d'amarrage.

Croisement avec Foncia à l'arrivée sur la Bretagne

En conclusion, 7 semaines passées sur le bateau, près de 4000' parcourus sur un parcours magique, la plupart au portant, une foule de lieux visités, de randonnées pédestres, de bateaux croisés, de marins rencontrés, d'animaux marins nageants ou volants entrevus, du vent, du soleil et des embruns. Quasiment aucun problème technique, grâce à une bonne préparation d'une semaine avant le départ, et un plaisir maximum à naviguer en sécurité au long cours avec ce merveilleux bateau qu'est le JPK960!