1
36 TERRITORIAL JURIDIQUE | PRATIQUE Essentielle, l’information juridique ne doit pas être réservée aux seuls spécialistes. Cette rubrique vous propose ainsi chaque mois des décryptages clairs et compréhensibles par tous sur l’ensemble des sujets relatifs aux collectivités territoriales. Elle est réalisée en partenariat avec le cabinet Seban & Associés, premier cabinet d’avocats s’adressant à l’ensemble des acteurs publics avec une approche pluridisciplinaire. En partenariat avec n Quelles sont les inter dictions en matière de communication institutionnelle en période préélectorale? Le Code électoral a institué deux limites à la communication insti- tutionnelle en période préélectorale. L’alinéa 2 de son article L. 52-8 interdit aux personnes morales, à l’exception des partis ou groupe- ments politiques, de financer la campagne électorale d’un candidat, en lui consentant des dons ou en lui fournissant des biens, services ou avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habi- tuellement pratiqués. Le 2 e alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral interdit aux collectivités de réaliser des campagnes de promotion publicitaire de leur gestion et de leurs réalisations. n À partir de quand ces interdictions s’appliquentelles? Ces deux interdictions s’applique- ront dans les six mois précédant le scrutin. Par conséquent, pour les prochaines élections qui devraient se dérouler en mars 2020, sans que la date ne soit encore précisément déterminée, l’interdiction s’appli- quera dès le 1 er septembre 2019. S’agissant des dons prohibés, le délai d’un an précédant le scru- tin a finalement été ramené à six mois par la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables aux élections, qui a modifié l’article L. 52-4 du Code électoral relatif à la mission du mandataire financier de recueillir les fonds destinés au financement. n Qu’estce qu’un don prohibé? Selon la Commission nationale des comptes de campagne et de financements politiques (CNCCFP), un don est un financement consenti par un tiers à titre gracieux et sans contrepartie, quelle que soit sa forme, espèces, dons, chèques, avantages en nature, ces derniers pouvant se matérialiser par des actions de communication institu- tionnelle. Ainsi, une action de com- munication peut être appréciée comme une campagne de promo- tion publicitaire et, compte tenu des dépenses engagées pour ce faire par la collectivité, elle peut apparaître comme un don prohibé. n Qu’estce qu’une campagne de promotion publicitaire? Il y a campagne de promotion quand l’initiative de communication devient un instrument de promo- tion des réalisations d’une muni- cipalité et de ses élus. Le champ d’application du 2 e alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral s’étend à tous les supports de communi- cation, internes ou externes, qu’il s’agisse du bulletin municipal ou du site Internet de la collectivité, d’affiches et de photographies, de cartes de visite ou de courriers. Ainsi, le juge administratif a consi- déré que constitue une campagne prohibée des initiatives nom- breuses et répétées mettant en valeur l’action de la collectivité, comprenant une intensité accrue de la publication du magazine municipal, quatre numéros spé- ciaux consacrés à mettre en valeur l’action municipale, dont le bilan de la municipalité, des inaugurations réitérées (CE, 10 juillet 2009, élec- tions municipales de Briançon, n° 322070). n Quelles sont les per sonnes concernées par ces interdictions? S’agissant des dons prohibés, l’article L. 52-8 du Code électoral s’applique en dehors de tout lien de rattachement entre un élu et une collectivité. Ainsi, un don pro- hibé peut être caractérisé entre une collectivité et un élu-candidat d’une autre collectivité (CE, 27 juin 2016, n° 395413). Les satellites locaux des collectivités, à savoir les établissements publics locaux, les syndicats intercommunaux, les offices publics de l’habitat, les sociétés d’économie mixte ou les sociétés publiques locales sont également concernés. Il en va de même pour les cam- pagnes de promotion publicitaire. À titre d’exemple, c’est le cas d’une commune assurant la promotion de son maire aux élections canto- nales (CE, 28 juillet 1993, élections cantonales de Bordères-sur- l’Échez, n° 142586). n Comment le juge de l’élection apprécie ces interdictions en cas de recours? Les notions de campagne de pro- motion et de don prohibé sont appréciées au cas par cas par le juge de l’élection au regard d’un faisceau d’indices. Ainsi, une fois l’irrégula- rité caractérisée, il apprécie si elle a été de nature à altérer la sincérité et s’il y a un écart faible entre les voix obtenues par les candidats (CE, 5 juin, 1996, élections muni- cipales de Morhange, n° 173642). Si tel est le cas, le scrutin peut être annulé. n Quel est le faisceau d’indices utilisé par le juge de l’élection? Le juge de l’élection apprécie le support de communication au regard de : • Son antériorité: la caractérisation d’une campagne de promotion ou d’un don prohibé sera d’autant plus hypothétique que l’action de communication aura un caractère habituel et traditionnel, telle que l’envoi d’un bulletin municipal périodique ou l’organisation de réunions de présentation du bud- get annuel (CE, 6 février 2002, élections municipales de Pont-de- Cheruy, n° 234903). • Sa continuité: la collectivité peut continuer les actions de commu- nication régulièrement organisées mais elle ne peut en modifier la forme et la fréquence. • Sa neutralité: l’information délivrée dans les campagnes de communication ne doit comporter que des messages politiquement neutres, à caractère purement informatif (CE, 30 décembre 2010, élections régionales de Midi-Pyré- nées, n° 338189). À souligner qu’il s’agit d’indices et non de critères cumulatifs, ce qui veut dire que le fait qu’ils ne soient pas réunis simultanément n’em- pêche pas le juge de considérer qu’il se trouve en présence d’une campagne prohibée. n Quelles sont les sanc tions encourues en cas de méconnaissance des articles L. 521 et L. 528 du Code électoral? Certaines sanctions sont stricte- ment attachées à la méconnais- sance de l’article L. 52-1 ou de l’article L. 52-8 du Code électoral, tandis que d’autres peuvent être prononcées indifféremment en cas de méconnaissance de l’une ou l’autre de ces dispositions. Elles peuvent être prononcées soit à l’occasion d’un recours devant le tribunal administratif dirigé contre les élections, soit à l’occa- sion du rejet du compte de cam- pagne par la CNCCFP, qui dans ce cas est amenée à saisir le tribunal administratif. Dans le premier cas, le juge élec- toral peut éventuellement pronon- cer l’annulation des élections. En cas de méconnaissance de l’article L. 52-1 du Code électoral, l’auteur de la campagne peut être puni d’une amende de 75000 €, aux termes de l’article L. 90-1 du Code électoral. Dans le second cas, si la réintégra- tion du montant des dons prohi- bés dans le compte de campagne a pour effet d’entraîner un dépas- sement du plafond des dépenses électorales, la CNCCFP pourra décider de rejeter le compte de campagne et de saisir le juge de l’élection, qui pourra déclarer le can- didat inéligible (article L. 118-3 du Code électoral). l © Ch. Bougui Wikimedia Commons MUNICIPALES 2020 : LA COMMUNICATION EN PÉRIODE PRÉÉLECTORALE Par Alexandra Aderno, avocate au cabinet Seban & Associés

MUNICIPALES 2020 : LA COMMUNICATION EN PÉRIODE … · 2019-06-14 · cartes de visite ou de courriers. Ainsi, le juge administratif a consi-déré que constitue une campagne prohibée

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: MUNICIPALES 2020 : LA COMMUNICATION EN PÉRIODE … · 2019-06-14 · cartes de visite ou de courriers. Ainsi, le juge administratif a consi-déré que constitue une campagne prohibée

36TERRITORIAL

JURIDIQUE | PRATIQUE

Essentielle, l’information juridique ne doit pas être réservée aux seuls spécialistes. Cette rubrique vous propose ainsi chaquemois des décryptages clairs et compréhensibles par tous sur l’ensemble des sujets relatifs aux collectivités territoriales. Elle est réalisée en partenariat avec le cabinet Seban & Associés, premier cabinet d’avocats s’adressant à l’ensemble des acteurs publics avec une approche pluridisciplinaire.

En partenariat avec

n Quelles sont les inter-dictions en matière de communication institutionnelle enpériode préélectorale?

Le Code électoral a institué deux limites à la communication insti-tutionnelle en période préélectorale.L’alinéa 2 de son article L. 52-8 interdit aux personnes morales, àl’exception des partis ou groupe-ments politiques, de financer lacampagne électorale d’un candidat,en lui consentant des dons ou enlui fournissant des biens, servicesou avantages directs ou indirectsà des prix inférieurs à ceux habi-tuellement pratiqués. Le 2e alinéade l’article L. 52-1 du Code électoralinterdit aux collectivités de réaliserdes campagnes de promotion publicitaire de leur gestion et deleurs réalisations.

n À partir de quand ces interdictions s’appliquent-elles?

Ces deux interdictions s’applique-ront dans les six mois précédant le scrutin. Par conséquent, pour lesprochaines élections qui devraientse dérouler en mars2020, sans quela date ne soit encore précisémentdéterminée, l’interdiction s’appli-quera dès le 1er septembre 2019.S’agissant des dons prohibés, le délai d’un an précédant le scru-tin a finalement été ramené à sixmois par la loi n° 2016-508 du25avril 2016 de modernisation desrègles applicables aux élections,qui a modifié l’article L. 52-4 duCode électoral relatif à la missiondu mandataire financier de recueillirles fonds destinés au financement.

n Qu’est-ce qu’un donprohibé?

Selon la Commission nationale des comptes de campagne et definancements politiques (CNCCFP),

un don est un financement consentipar un tiers à titre gracieux et sanscontrepartie, quelle que soit saforme, espèces, dons, chèques,avantages en nature, ces dernierspouvant se matérialiser par des actions de communication institu-tionnelle. Ainsi, une action de com-munication peut être appréciéecomme une campagne de promo-tion publicitaire et, compte tenudes dépenses engagées pour cefaire par la collectivité, elle peut apparaître comme un don prohibé.

n Qu’est-ce qu’une campagne de promotionpublicitaire?

Il y a campagne de promotion quandl’initiative de communication devient un instrument de promo-tion des réalisations d’une muni-cipalité et de ses élus. Le champd’application du 2e alinéa de l’articleL. 52-1 du Code électoral s’étend à tous les supports de communi-cation, internes ou externes, qu’ils’agisse du bulletin municipal oudu site Internet de la collectivité,d’affiches et de photographies, decartes de visite ou de courriers.Ainsi, le juge administratif a consi-déré que constitue une campagneprohibée des initiatives nom-breuses et répétées mettant en valeur l’action de la collectivité,comprenant une intensité accruede la publication du magazine municipal, quatre numéros spé-ciaux consacrés à mettre en valeurl’action municipale, dont le bilan dela municipalité, des inaugurationsréitérées (CE, 10 juillet 2009, élec-tions municipales de Briançon,n° 322070).

n Quelles sont les per-sonnes concernées par ces interdictions?

S’agissant des dons prohibés, l’article L. 52-8 du Code électoral

s’applique en dehors de tout liende rattachement entre un élu etune collectivité. Ainsi, un don pro-hibé peut être caractérisé entre une collectivité et un élu-candidatd’une autre collectivité (CE, 27 juin2016, n° 395413). Les satellites locaux des collectivités, à savoir les établissements publics locaux,les syndicats intercommunaux, les offices publics de l’habitat, les sociétés d’économie mixte oules sociétés publiques locales sontégalement concernés.Il en va de même pour les cam-pagnes de promotion publicitaire.À titre d’exemple, c’est le cas d’unecommune assurant la promotionde son maire aux élections canto-nales (CE, 28 juillet 1993, électionscantonales de Bordères-sur-l’Échez, n° 142586).

n Comment le juge de l’élection apprécieces interdictions en cas de recours?

Les notions de campagne de pro-motion et de don prohibé sont appréciées au cas par cas par le jugede l’élection au regard d’un faisceaud’indices. Ainsi, une fois l’irrégula-ritécaractérisée, il apprécie si elle aété de nature à altérer la sincéritéet s’il y a un écart faible entre les

voix obtenues par les candidats(CE, 5 juin, 1996, élections muni-cipales de Morhange, n° 173642).Si tel est le cas, le scrutin peut être annulé.

n Quel est le faisceaud’indices utilisé par le juge de l’élection?

Le juge de l’élection apprécie le support de communication auregard de:• Son antériorité: la caractérisationd’une campagne de promotion ou d’un don prohibé sera d’autantplus hypothétique que l’action decommunication aura un caractèrehabituel et traditionnel, telle quel’envoi d’un bulletin municipal périodique ou l’organisation de réunions de présentation du bud-get annuel (CE, 6 février 2002,élections municipales de Pont-de-Cheruy, n° 234903).• Sa continuité: la collectivité peutcontinuer les actions de commu-nication régulièrement organiséesmais elle ne peut en modifier laforme et la fréquence.• Sa neutralité : l’information délivrée dans les campagnes decommunication ne doit comporterque des messages politiquementneutres, à caractère purement informatif (CE, 30décembre 2010,

élections régionales de Midi-Pyré-nées, n° 338189).À souligner qu’il s’agit d’indices etnon de critères cumulatifs, ce quiveut dire que le fait qu’ils ne soientpas réunis simultanément n’em-pêche pas le juge de considérer qu’il se trouve en présence d’unecampagne prohibée.

n Quelles sont les sanc-tions encourues en casde méconnaissance desarticles L. 52-1 et L. 52-8du Code électoral?

Certaines sanctions sont stricte-ment attachées à la méconnais-sance de l’article L. 52-1 ou de l’article L. 52-8 du Code électoral,tandis que d’autres peuvent êtreprononcées indifféremment en cas de méconnaissance de l’une ou l’autre de ces dispositions. Elles peuvent être prononcées soità l’occasion d’un recours devant le tribunal administratif dirigécontre les élections, soit à l’occa-sion du rejet du compte de cam-pagne par la CNCCFP, qui dans cecas est amenée à saisir le tribunaladministratif.Dans le premier cas, le juge élec-toral peut éventuellement pronon-cer l’annulation des élections. En cas de méconnaissance de l’article L. 52-1 du Code électoral,l’auteur de la campagne peut êtrepuni d’une amende de 75000 €,aux termes de l’article L. 90-1 duCode électoral.Dans le second cas, si la réintégra-tion du montant des dons prohi-bés dans le compte de campagnea pour effet d’entraîner un dépas-sement du plafond des dépensesélectorales, la CNCCFP pourra décider de rejeter le compte decampagne et de saisir le juge del’élection, qui pourra déclarer le can-didat inéligible (article L. 118-3 duCode électoral). l

© C

h. B

ougu

i Wik

imed

ia C

omm

ons

MUNICIPALES 2020 : LA COMMUNICATION EN PÉRIODE PRÉÉLECTORALEPar Alexandra Aderno, avocate au cabinet Seban & Associés