2
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2011 - N°432 // 85 DESCRIPTIF M. F. Pierre, 48 ans, qui vit à la Martinique, vient passer quelques jours de congés chez ses enfants installés à Paris, il profite de son séjour en métropole pour consulter un dermatologue en raison de l’état de l’ongle de son pied droit (figure 1). Les lésions ont débuté il y 2 ans. L’examen ne retrouve pas d’autres atteintes de la peau ou des phanères. L’interrogatoire, par ailleurs, ne révèle aucun facteur favorisant personnel, M. F. signale seulement son habitude qu’il a à marcher souvent nu-pieds dans sa maison mais aussi dans son jardin où il existe de nombreux arbres fruitiers. Le diagnostic d’une onychomycose est envisagé par le clinicien. Un prélèvement à visée mycologique est demandé au laboratoire. A ce niveau, l’examen direct de fragments unguéaux objective des filaments mycéliens cloisonnés tortueux de calibre irréguliers. La culture sur un milieu de Sabouraud sans cycloheximide présente une croissance assez rapide, l’optimum thermique est à 25 °C, la colonie de texture duveteuse est envahissante (figures 2 et 3), en revanche les milieux avec cycloheximide restent stériles. Dominique Chabasse a, * © 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. a Laboratoire de parasitologie mycologie Institut de biologie en santé Centre hospitalier universitaire 4, rue Larrey 49933 Angers cedex 09 * Correspondance [email protected] RÉPONSES AU VERSO QUESTIONS 1. Quelles sont les 5 principales formes cliniques des onychomycoses observées chez les dermatophytes ou les moisissures, dans cette observation précisez celle en cause. 2. Après avoir examiné les figures 2 et 3, quel diagnostic mycologique faites-vous ? Argumentez votre réponse en vous appuyant sur la morphologie microscopique. 3. Où observe-t-on cette onychomycose et comment se contamine-t-on ? 4. Quel traitement et quelle prophylaxie proposerez-vous chez ce patient ? Figure 1 – Ongle de l’orteil droit du patient (collection Guy Badillet). Figure 2 – Culture sur Sabouraud sans cycloheximide, microscopie de 15 jours. Figure 3 – Culture de 15 jours, sur Sabouraud sans cycloheximide, macroscopie. MYCOLOGIE QUIZZ Fiche à conserver Y Y C C O O L L O O G G I I E E Fi i h h à à

Mycologie

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Mycologie

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2011 - N°432 // 85

BIOLOGIE HÉPATIQUE I TECHNIQUE ET BIOLOGIE I CAS CLINIQUE I FICHE TECHNIQUE I BIO-QUIZZ I

DESCRIPTIFM. F. Pierre, 48 ans, qui vit à la Martinique, vient passer quelques jours de congés chez ses enfants installés à Paris, il profite de son séjour en métropole pour consulter un dermatologue en raison de l’état de l’ongle de son pied droit (figure 1). Les lésions ont débuté il y 2 ans. L’examen ne retrouve pas d’autres atteintes de la peau ou des phanères. L’interrogatoire, par ailleurs, ne révèle aucun facteur favorisant personnel, M. F. signale seulement son habitude qu’il a à marcher souvent nu-pieds dans sa maison mais aussi dans son jardin où il existe de nombreux arbres fruitiers. Le diagnostic d’une onychomycose est envisagé par le clinicien. Un prélèvement à visée mycologique est demandé au laboratoire.

A ce niveau, l’examen direct de fragments unguéaux objective des filaments mycéliens cloisonnés tortueux de calibre irréguliers. La culture sur un milieu de Sabouraud sans cycloheximide présente une croissance assez rapide, l’optimum thermique est à 25 °C, la colonie de texture duveteuse est envahissante (figures 2 et 3), en revanche les milieux avec cycloheximide restent stériles.

Dominique Chabasse a,*

© 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

a Laboratoire de parasitologie mycologieInstitut de biologie en santéCentre hospitalier universitaire4, rue Larrey49933 Angers cedex 09

* [email protected]

RÉPONSES AU VERSO

QUESTIONS

1. Quelles sont les 5 principales formes cliniques des onychomycoses observées chez les dermatophytes ou les moisissures, dans cette observation précisez celle en cause.

2. Après avoir examiné les figures 2 et 3, quel diagnostic mycologique faites-vous ? Argumentez votre réponse en vous appuyant sur la morphologie microscopique.

3. Où observe-t-on cette onychomycose et comment se contamine-t-on ?

4. Quel traitement et quelle prophylaxie proposerez-vous chez ce patient ?

Figure 1 – Ongle de l’orteil droit du patient (collection Guy Badillet).

Figure 2 – Culture sur Sabouraud sans cycloheximide, microscopie de 15 jours.

Figure 3 – Culture de 15 jours, sur Sabouraud sans cycloheximide, macroscopie.

MYCOLOGIE QUIZZ

Fiche à conserver

YYCCOOLLOOGGIIEEFii hh àà

Page 2: Mycologie

86 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2011 - N°432

RÉPONSES

Il existe 5 grandes formes cliniques des onychomycoses ren-contrées dans les atteintes à dermatophytes et (ou) parfois à moisissures.

1. L’onychomycose sous unguéale distale ou disto-latéraleC’est la forme la plus fréquente rencontrée surtout chez T. rubrum, T. mentagrophytes et certaines moisissures (Scopulariopsis, Aspergillus, …). Le champignon pénètre par voie pulpaire. Les lésions se présentent comme une hyperkératose sous ungué-ale avec épaississement ou décollage de la tablette inférieure, l’atteinte prédomine sur le bord libre de l’ongle. Secondairement, les lésions s’étendent à l’ensemble de l’appareil unguéal, une pigmentation jaune brune de la zone touchée est habituelle.

2. L’onychomycose proximale, sous unguéaleDans ce cas (plus rare), le champignon pénètre l’ongle au niveau de sa racine (lunule) à proximité du repli unguéal. Cliniquement cela se traduisant par une modification de couleur blanche ou jaune dans la zone proximale de l’ongle. Cette forme est souvent la conséquence d’une infestation à T. rubrum ou par certaines moisissures.

3. L’onychomycose superficielle blanche (leuconychie)Le champignon attaque en surface la tablette supérieure de l’ongle, la lésion ressemble d’abord à de petites taches blanches d’aspect crayeux pouvant confluer en plaques de leuconychie et facilement extirpables avec une curette. T. mentagrophytes var interdigitale et des moisissures de type Aspergillus, Fusarium, Acremonium, sont le plus souvent incriminées.

4. L’onychomycose avec dystrophie totaleCet aspect clinique représente la forme la plus évoluée de tous les types précédemment décrits. Dans ce cas l’ongle est totale-ment envahi, épaissi, déformé, puis finit par tomber.

5. L’onychomycose endonychialeC’est une forme rare récemment décrite pour quelques der-matophytes en particulier des agents de teigne trichophytique du cuir chevelu (T. soudanense, T. violaceum). Le champignon pénètre la tablette inférieure par voie pulpaire, sans envahisse-ment du lit unguéal (pas d’hyperkératose), l’ongle reste blanc laiteux et opaque.Dans le cas présent (voir figure 1), l’atteinte observée est celle d’une onychomycose distale.

R1

La culture est pigmentée, les colonies grises au départ deviennent noires. Au verso, on observe un pigment noir qui diffuse dans la gélose. Il s’agit donc d’un dématié ou phaeohyphomycète.L’aspect microscopique montre des filaments fins et hya-lins et d’autres filaments plus âgés, épais et pigmentés.

Associés à des spores uni ou bicellulaires ils sont disposés en « chaînes ». En fait, les spores sont formées par dissociation du filament qui en vieillissant apparaît de grande taille et en forme de tonnelet. Cette description permet de poser le dia-gnostic de Neoscytalidium dimidiatum (ancien Scytalidium dimidiatum).

R2

Neosytalidium dimidiatum est une moisissure issue du sol des régions tropicales ou subtropicales (Antilles, Guyane, Afrique noire, Indes, Asie, …). C’est également un phytopathogene d’arbres et de plantes cultivées dans ces régions (citronnier, bananier, pêchers, eucalyptus, …). L’homme se contamine

soit par la marche nu-pieds sur un sol souillé, soit par la manipulation de ces plantes tropicales. Dans ces régions tro-picales, ce champignon est souvent le principal agent d’ony-chomycoses. Les lésions qu’il occasionne sont comparables à celles des dermatophytes (pseudo dermatophytes).

R3

La plupart des antifongiques qu’ils soient locaux ou systé-miques (imidazolés, griséofulvine, terbinafine) sont inefficaces. Pour certains auteurs, la ciclopirixolamine (en vernis) et l’am-photéricine en solution pourraient donner de bons résultats

mais ils sont non constants. La meilleure prophylaxie pour les atteintes des pieds est le port de chaussures lors de séjours en zone d’endémie.

R4

Pour en savoir plus Chabasse D, Contet-Audonneau N, Bouchara JP, Basile AM. Moisissures, dermatophytes, levures. Du prélèvement au diagnostic. BioMérieux Éducation Éditions, juin 2008 :189p. Elewski BE. Onychomycosis caused by Scytalidium dimidiatum. J Acad Dermatol 1996;35:336-8. Lacroix C, Kac G, Dubertret P, Morel P, Derouin F, Feuilhade de Chauvin M. Scytalidiosis in Paris France. Acad Dermatol 2003;48:852-6.