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8LITTÉRATURE NUMÉRO 6 AVRIL 2012 GRATUIT Dossier LA DYSTOPIE PAGE 24 Entretien PHILIPPE MEZESCAZE PAGE 6 Exposition Doisneau PAGE 20 NOMENCULTURE ACTUALITÉ CULTURELLE FEUILLETS LES DE

N°6 Les Feuillets de Nomenculture

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N°6 - Avril 2012 Les Feuillets de Nomenculture installent un rapport direct à l'actualité culturelle mensuelle, par des points de vue originaux et personnels.

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8LITTÉRATUREL

NUMÉRO 6 AVRIL 2012 GRATUIT

DossierLA DYSTOPIEPAGE 24

Entretien PHILIPPE MEZESCAZE PAGE 6

Exposition Doisneau PAGE 20

NOMENCULTUREACTUALITÉ CULTURELLE

FEUILLETSLES

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IAL Fondateur :

Hubert Camus

Directeur de la publication et Rédacteur en chef : Jean-Baptiste Colas-Gillot

Maquettiste : Coriolan Verchezer

Illustrations (dont la couverture) :Bérangère Pétrault

Responsable Arts Vivants :Laura Madar

Responsable Cinéma :Simon Bracquemart

Comité de rédaction :

Simon BracquemartCarla Campos CascalesHubert CamusJean-Baptiste Colas-GillotRoxanne ComottiCamille LafranceAlice LetoulatLaura MadarBérangère PétraultAgathe RoullinJade SimonConstantin de Vergennes

ISSN : 2115-7324

Manifestez-vous !

En ce numéro 6 des Feuillets de Nomenculture, je me dois tout d’abord de vous remercier, chers lecteurs, pour être au rendez-vous, une nouvelle fois. Cette aventure, nous la menons ensemble, pour un art en mouvement, une culture plus forte. J’ai souvent été déçu de la production artistique du XXIème siècle et pourtant, nous sommes tous ici, les rédacteurs, vous et moi. Face à cette porte de la création qui paraissait infranchissable, les seules clefs imaginables sont nos volontés, mises une à une pour qu’elles prennent formes. Je rêve que nos mots s’animent, que nos textes prennent page et que nos imaginaires, tous uniques, prennent chair. Mon modèle était le surréalisme, je l’admire dans son union et dans sa pluralité, dans sa poésie et sa surformalité. André Breton définissait en 1925 un mouvement qui n’avait pas besoin de l’être, alors que ce même pontif des arts avait créé une figure insaisissable, celle de Nadja. Prenons sa main, soyons ses yeux, pour mieux nous écarter d’elle ensuite, maintenant. Soyons nous-mêmes nos propres figures insaisissables. Il n’y a aucun autre moyen d’écrire qu’en écrivant. N’arrêtez jamais, écrivez jusque dans votre sommeil, ne serait-ce qu’en y croyant. Cette clef est celle que je vous propose, cette modeste clef, nous avons tenté, toutes et tous de la parer d’or avec nos pensées, nos idées, nos sentiments. Je remercie l’ensemble des rédacteurs, illustrateurs, contributeurs pour cette précieuse alchimie. Je vous laisse désormais lire ce numéro 6, certes encore imparfait mais toujours cru.

Jean-Baptiste Colas-Gillot

ÉDITORIAL

Nous recherchons de nouveaux rédacteurs. Contactez-nous à

[email protected]

www.nomenculture.fr

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ROMAN

LITTÉRATURELe Cœur d’une autre, T. de

RosnayJe ne suis pas un serial killer, D.

WellsUne année Studieuse, A.

WiazemskyEntretien avec Philippe

Mezescaze

ARTS VIVANTSLa Meilleure part des hommes

Victo ou les enfants au pouvoirDom Juan

CINÉMAFILMS

John CarterIndignados

ChronicleBellflower

BullheadElenaLes Adieux à la Reine

ETUDE POUSSEE D’UN FILMLe Fossé, par Wang Bing

EXPOSITIONSDoisneau, les HallesLes Juifs dans l’OrientalismeMario Merz - Che Fare ?Kabuki

DOSSIER : LA DYSTOPIEFilm : Bienvenue à GattacaFilm : Children of MenBande-dessinée : Enki Bilal

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SOMMAIRE

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Tatiana de Rosnay plonge le lecteur dans l'esprit d'un homme : il a la quarantaine, un fils, est divorcé, goujat, boit, fume scandaleusement et apprend qu'il doit être greffé du coeur pour ne pas passer l'arme à gauche à cause de ses excès passés. Durant sa convalescence, son coeur palpite face au tableau d'un peintre italien de la Renaissance. Il change progressivement de personnalité (en mieux évidemment) et décide de partir à la recherche de l'identité de son donneur.

Au fil de la lecture, les ficelles d'écriture apparaissent et viennent gâcher notre plaisir. Le style d’écriture est plus ou moins propre à celui d’une raconteuse d’histoires et non pas celui d’une écrivain. Cela peut plaire comme agacer. Le Voisin qui suit Le Coeur d'une autre est malgré tout meilleur que ce dernier qui souffre d’erreurs d’écrivaillon en recherche... comme tenter d'insérer de façon logique des fragments d’expériences littéraires. Malgré la bonne volonté, la sauce ne prend pas. Vous finirez le livre sans trop de surprises, ni sans avoir vraiment l'impression d'avoir dépensé votre temps intelligemment.

Camille Lafrance

Tatiana de RosnayLe Cœur d’une autre

John wayne cleaver, 15 ans, travaille à la morgue avec sa mère, sa tante et sa soeur. Depuis longtemps, il développe une fascination morbide pour les tueurs en séries, à tel point qu'il craint d'en devenir un lui même. Mais puisque l'idée ne le tente pas vraiment, il a décidé d'aller voir un psychanalyste. Ayant réussi à se faire un ami et même à tomber amoureux, il semble enfin percevoir une possible vie normale. Mais tout bascule avec une razzia de crimes atroces dans sa paisible bourgade américaine. Le modus operandi révèle à Jonh que le meurtrier est un être démoniaque voulant se faire passer pour un tueur en série. Personnages complexes, scènes d'une drôlerie macabre et dénonciation de la mainmise des médias sur les consciences, de la sociologie comportementale des adolescents et des crises familiales, l'oeuvre se dévore. Vous aimez Dexter et sa morale? Twin Peaks et ses mystères? Six Feet Under et son humour noir ? Alors jetez vous sur Je ne suis pas un sérial killer, vous en sortirez... changé !

Léo de Bodt

Dan WellsJe ne suis pas un Serial Killer

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« Quel chemin tu as parcouru en un an ! », s'exclame Anouk Ferjac en revoyant la jeune Anne, à l'été 1967. Et quelle année « studieuse », en effet ! De l'été 1966 à l'été 1967, Anne Wiazemsky nous fait revivre une année pas comme les autres, faite d'amour, de cinéma et de politique.

Il faut dire que l'écrivain dispose d'une mine de souvenirs qu'on est toujours ravi de découvrir. Petite-fille de François Mauriac, actrice de Bresson et de Pasolini, femme et égérie de Godard, « Anne W. » a de quoi raconter. L'exercice pourrait paraître un peu vain sans un style d'une aisance incroyable, fait de tournures simples et jetées sur le papier, comme autant de notes prises à la volée. Entre 1966 et 2012, la confusion des sentiments ne s'installe jamais, et c'est précisément la question posée par cette autobiographie : comment Anne-adulte regarde-t-elle celle qu'elle était à 19 ans ? L'adulte est-elle capable de retrouver les émotions de l'adolescente sans les trahir ? Anne Wiazemski y parvient sans difficulté, et le goût qu'on prend à la lecture du récit de ses rencontres, de Godard à Béjart, en passant par Vilar et Cohn-Bendit, est indéniable.

Alice Letoulat

Anne WiazemskyUne année studieuse

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Il est rare aujourd’hui d’entrer dans un livre où l’objet principal n’est pas d’accrocher le lecteur tout de suite. Philippe Mezescaze le dit lui-même : il a eu du mal à trouver un éditeur du fait que son récit était si personnel, si intime.C’est un luxe que de pouvoir rentrer dans la vie de quelqu’un quand on sait qu’il se dévoile au lecteur de la même façon qu’on le fait face à quelqu’un d’aimé, puisque c’est d’abord à cette personne que s’adresse le livre. Le narrateur nous fait voyager à travers un amour qui souffre ; il souffre de la maladie de l’autre, non pas dans une angoisse de mort, mais plutôt dans une attente tranquille, dans une tristesse mature clouée dans un temps qui se fait de plus en plus lent, langoureux. Cette histoire sans trop de péripéties, qui s’installe dans un moment et l’observe dans son plus grand détail, avec des retours en arrière et des espoirs dans l’avenir, permet à l’auteur une réflexion poétique sur la liaison entre l’amour, la maladie et la mort.

En interrogeant Philippe Mezescaze sur son « roman », il a tout de suite répondu : Ce n’est pas un roman réellement, c’est un récit intime. Un roman est une construction de l’imaginaire, là il n’y a rien d’imaginaire. Je suis le narrateur. C’est une adresse à quelqu’un. Pour le dire d’une manière triviale c’est une lettre d’amour.

Vous ne l’avez pas écrit pour un public?

P.M  : Non… si  ! Mais tous mes livres je les écris pour moi, là en l’occurrence, pour l’autre aussi. Mais je ne vise jamais le public réellement. Puisque l’écriture est une nécessité vitale, bien que je ne sois pas graphomane.

Est-ce que votre livre a un rapport avec la vieillesse?

P.M : Curieusement oui, mais justement parce que c’est un retour sur la jeunesse. Et si on se retourne sur la jeunesse c’est qu’on est au bord de la vieillesse. C’est arrivé à un certain âge de se retourner sur ce qu’est le corps face à la maladie, face à l’amour, face à la mort. Il y a peut-être des livres qu’on ne peut plus écrire passé un certain âge. On ne peut plus célébrer le corps quel qu’il soit d’ailleurs, sain, malade ou aux rives de la mort quand on est trop vieux.

Vous inscrivez votre histoire depuis le début dans un voyage…

P.M : Le voyage est un chemin, dans cette histoire-là, vers la résurrection du corps de l’autre. Et puis je parle de voyage simplement parce que je voyage beaucoup.  Le voyage participe à la vie de tous les jours à Paris. Il ne sert pas à se sortir de cette vie courante, les deux sont intimement liés.

Vous avez écrit votre livre juste après la maladie de votre personnage ?

P.M  :  Je me retiens d’écrire sur le moment, juste après l’événement. Le fait de raconter ce qu’on a vécu juste après, c’est risquer de le transformer le plus, parce qu’on est sous la force et la passion de ce qu’on a vécu. Et si j’écris après ce n’est pas pour avoir du recul, c’est parce que l’événement est dans la mémoire, il a pris sa place et on peut s’y replonger pour le ramener avec soi dans un livre. 

Philippe MezescazeÀ nos corps exaucés

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Il y a une phrase que j’ai trouvée énigmatique  : p.79 «  Je suis le regardeur incessant »

P.M : C’est ma position à travers tous mes livres. Je regarde en permanence et c’est pourquoi j’écris. Je me regarde moi, je regarde l’autre, les autres, le monde. Je suis spectateur comme on est spectateur au théâtre, et au théâtre on est passifs mais on participe aussi d’une certaine manière, puisque la représentation a besoin du public.

 Vers quel type d’écriture allez-vous? 

P.M : Pour ce livre-là, ça pourrait être une autofiction. 

Vous avouez alors que c’est un peu romancé.

P.M  : Tout est réel, mais le temps passant, la mémoire transforme sans doute. Et il faut agencer les choses aussi, pour faire un livre. Il y a des moments qui ont été dans la réalité de cette histoire mais qui ne sont pas dans le livre, parce que c’est inutile.

Pourquoi alors décrire l’épisode de la déchirure du frein de votre compagnon ?

P.M  : Je me suis posé la question de raconter ça (rire). Ce n’était pas nécessaire mais il fallait que ça y soit parce que ça a vraiment existé et que ça a été un moment troublant, rigolo d’une certaine manière. C’était une manière de marquer un événement de la vie quotidienne un peu ridicule. 

Quelles sont vos influences littéraires ?

P.M  : Mes influences remontent loin, à des périodes de lecture intense, pendant l’adolescence  : Rimbaud, Romain Rolland, Le vieillard et l’enfant de François Augiéras. Ce petit livre m’a beaucoup marqué, il a une écriture très simple, sans fioritures. Je n’aime pas les gens qui écrivent d’une manière inutile, qui écrivent des romans pour écrire des romans. Ce que j’ai écrit, moi je n’aurai pas pu m’en passer. Mais il y a des écrivains qui écrivent des livres dont ils auraient pu se passer. Parce qu’ils font leur métier, qu’ils gagnent leur vie. 

Carla Campos Cascales

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E La Meilleure part des hommesMise en scène de Pauline Bureau

La meilleure part des hommes... Quelle est-elle ? N’est-elle pas la

pire ? Où se trouve la limite ? Autant de questions que ce sont posés tour à tour Tristan Garcia, Pauline Bureau, et les acteurs qui ont su l’entourer lors de cette bel le et importante

expérience.

Important, est le mot d’ordre concernant ce roman et cette pièce de théâtre. 1981, apparition du sida.

2007, élection de Nicolas Sarkozy. Q u a t r e p e r s o n n a g e s , d e u x générations. On se croise, on s’aime, on se détruit. L’amour comme la haine n’est ici que violence et force.

C’est Valentine (Marie Nicole) qui prend la parole en premier, avec sa voix s i spéciale, bel le, posée. Valentine est liée à trois hommes, qui partageront sa vie, l’aimeront à

m o r t . J e a n - M i c h e l L e i b o w i t z , intellectuel médiatique arrogant, qui trompe sa femme avec Valentine, son ancienne élève. Dominique Rossi, «Doumé», collègue de Valentine, gay, critique virulent, fondateur de Stand Up, association radicale de lutte contre le sida. William Miller, jeune campagnard hétéro, arrivant à Paris dans l’espoir de devenir

quelqu’un. Willi est interviewé par Val, ils deviennent amis, Willi rencontre Doumé, «devient» gay, et la destruction de leur vie à tous les quatre peut commencer.

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Les nuits du Palace, le triomphe de Madonna, le rose fluo, la techno, l’élection de Mittérand, la chute du mur de Berlin, l’arrivée du Sida, les années 80 et 90, 20 ans de vie passent sous nos yeux, en quelques deux heures, sans que l’on s’ennuie jamais. Les acteurs sont très bons, capables de tenir ce sujet douloureux de bout en bout. Ce n’est pas une prestation d’acteur qu’on leur demande ici, c’est le simple fait d’être juste dans un contexte dur. Néanmoins, quelques phrases ou actions sonnent fausses. Est-ce un parti-pris du metteur en scène de placer un peu de faux dans un trop plein de justesse ? A propos de mise en scène, celle-ci est haute en couleur. Chant des acteurs (un Like a Virgin sublime en tout début de spectacle), musique électrique live, danse, chef d’orchestre (parfaitement interprété par un Zbigniew Horoks en peignoir), plumes et paillettes, sans en faire trop ni pas assez. Tout de même une petite réserve sur l’utilisation presque constante de vidéo. Parfois essentielle, comme quand elle relate les événements politiques, économiques et sociales en rapport au sida par des reportages ou autres, et parfois inutile.

Le spectacle fait rire souvent, émeut beaucoup, trouble quiconque se trouve dans la salle.La meilleure part des hommes traite d’un sujet que l’on se doit de garder à jamais, non pas dans nos mémoires, mais dans nos esprits.

Laura Madar

La meilleure part des hommes, du 9 mars au 7 avril au Théâtre de la Tempêtedu 10 au 13 avril à la Comédie de Picardiedu 17 au 19 avril à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône10 mai à la Scène nationale de Petit-Quevilly - Mont-Saint-Aignan

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J'ai toujours peur avec le théâtre, peur de la nouveauté, principalement avec les mises en scènes contemporaines. Et pourtant cette pièce, de genre su r réa l i s te , m 'a fa i t t rè s bonne impression. La scène : une pièce centrale dont les murs bougent au gré de l'évolution de la représentation, un étang, un vrai, au premier plan, des feuilles mortes tout autour de ces deux éléments. Neuf acteurs se partagent l'espace, autant de portes présentées dans le décor. Le tout installe la pièce dans un décor mouvant, visuellement très esthétique.

Le héros principal, un jeune enfant de neuf ans "d'1m80", joué par un adulte, est cynique et grinçant, très attachant. Ce jeune garçon décide de quitter l'enfance, tout de suite. Cette enfance présente au début de la pièce disparaît au fur et à mesure, envahie par le

monde noir de l'âge adulte ; son symbole, des racines noueuses s'allongeant toujours plus, pour s'étendre implacablement vers la scène.

Une pièce à la fois mouvante et soudainement comme figée dans le temps ; une tension permanente nous sert le cœur tout au long de la représentation. Nous rions parce que la pièce fait rire, réflexe humain, et puis on s'arrête, une sensation désagréable nous traverse, car les thèmes n'ont absolument rien d'amusant. De bons acteurs, un bon décors, une bonne pièce ; le tout aurait mérité de rester plus longtemps à l'affiche du théâtre de la ville.

Comotti Roxanne

Au théâtre de la Ville, Paris.

Victor ou les enfants au pouvoirMise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota

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Dom Juan le mauvais garçon, Dom Juan le libertin, Dom Juan le fils indigne, Dom Juan le hors la loi, Dom Juan l’adolescent provocateur, Dom Juan l’anti-conformiste... Dom Juan aux multiples facettes, qui ne jure que par la passion immédiate et volatile, qui flirte avec le diable et ne sème que des catastrophes, fascine l a p o p u l a c e , l e s v e u v e s , l e s re l ig ieuses, les paysannes, les hommes, les valets, et va jusqu’à subjuguer le spectateur. Maxime Kerzanet est un Dom Juan parfait. Bel homme aux intonations tantôt si enfantines et comiques, tantôt si profondes et lyriques, il se joue de nous comme il se joue de tous, armé de la langue de Molière que l’on prend tant de plaisir à retrouver, avec ses «non pas», «si fait», et compères. Dom Juan qui touche du bout des doigts le fantastique, le mystique, et qui interroge du bout de ces mêmes doigts la condition humaine.

La mise en scène est excellente. Le décor ne bouge pas, et pourtant le spectateur voit défiler les paysages sous ses yeux, grâce aux prestations magnifiques de chaque comédien qui réussissent à parfaire notre imaginaire. Excepté Dom Juan et Sganarelle, chaque comédien habite plusieurs rôles, de façon exceptionnelle à chaque fois. Mention particulière à Adrien Popineau qui nous offre un paysan à tomber par terre. Tous, sauf peut-être Claire Puygrenier qui incarne le rôle difficile d’Elvire, seule à pouvoir apercevoir la véritable âme de Dom Juan, ont une voix qui pose délicatement ce texte à la fois profond et comique dans nos oreilles ouvertes. Les jeux de lumière sont beaux, efficaces, ce qui finit à nous abandonner tout entier à cette grave bouffonnerie dès la première scène.

Laura Madar

En tournée 2012 jusqu’au 24 mai

http://www.compagnierl.com

Dom JuanMise en scène par René Loyon / Texte de MolièreA

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John CarterRéalisé par Andrex Stanton

Véritable four au box-office américain, d'un budget de 250 millions de dollars assortis de 100 mil l ions supplémentaires pour une campagne promotionnelle maladroitement gérée, John Carter méritait mieux. Qu'on se le dise tout de suite : il n'est ni le chef-d'?uvre de la décennie, ni un film inoubliable. Mais, contrairement à d'autres, il est traversé d'une réjouissante envie de bien faire . Visuellement, le film en impose, grâce à la présence derrière la caméra d'Andrew Stanton, réalisateur de Nemo et Wall-E (à ce titre, dommage que la 3D n'ait pas été plus travaillée, tant elle aurait pu rendre certaines scènes encore plus percutantes). Et si l'on sent que Stanton n'a pas eu le temps ou que Disney ne l'a pas laissé donner au scénario toute l'ampleur à laquelle il était destiné, les divers personnages restent suffisamment recherchés pour en être attachants. A tel point qu'une fois le générique arrivé, on se dit qu'on ne serait pas contre une suite du même acabit.

Constantin de Vergennes

IndignadosRéalisé par Tony Gatlif

Ce qui est dommage c’est que ce film ne nous apprend rien de nouveau. Ce qui est bien, c’est qu’il nous fait revenir sur des réalités compromettantes.C’est, comme le dit Tony Gatlif, « sous le point de vue d’une sans-papiers qui galère, d’une clandestine » qu’il voit « l’Europe se fissurer ».

Une jeune femme africaine débarque en Grèce avec la croyance d’être arrivée à El Dorado. Seulement, les premières images de la banlieue d’Athènes lui apprennent qu’ici on est peut-être pire que là-bas  : couettes sous les ponts, bidonvilles, des gens qui traversent l’Europe accrochés aux roues des camions, la continuelle persécution d’une police qui veut se débarrasser de tous ces gens « en trop ». Gatflif veut nous mettre sous les yeux ces milliers de raisons qu’il y avait de s’indigner, de marcher en tapant sur des casseroles et de se mobiliser dans les principales places européennes. En prenant conscience face à Indignados que ces images de révoltes populaires sont plus un souvenir qu’un événement historique, le film nous laisse d’autant plus sur la question que pose Gatlif lui-même : « Est-ce que ça va changer quelque chose ? ».

Carla Campos Cascales

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Trois lycéens  : Andrew, Matt et Steve. Steve, le garçon le plus populaire du lycéen est ami avec Matt, cousin d’Andrew. Andrew, ado lescent malheureux, très introverti, avec une mère malade, un père alcoolique, a pour seul ami son cousin. Andrew décide de filmer sa vie, histoire de s’enfermer encore davantage dans une bulle délimitée par le pouvoir de la caméra. Une nuit de fête où son cousin l’a obligé à venir, histoire de se sociabiliser, les trois jeunes se retrouvent en contact avec une substance mystérieuse, qui leur confère des supers pouvoirs. Dans un premier temps, les trois protagonistes s’en amusent, font des battles de celui qui maîtrise le plus ce nouveau pouvoir, testent le tout sur leurs proches ou moins proches. Puis la prise de conscience de la puissance de leur pouvoir va tout faire dérailler. Les limites qu’ils se fixent sont à ne surtout pas dépasser, il en va de la vie de ceux qui les entourent. Mais Andrew en a décidé autrement. Son seul souhait et d’être reconnu par le monde entier, et il ne trouve rien de mieux que la violence de son pouvoir, qui lui confère un caractère unique.

Mise en abîme extrêmement bien réalisée, qui fait un peu penser à REC, mais en mieux. Chronicle, c’est la chronique de la vie de ces trois garçons. Des scènes qui vendent du rêve, notamment quand ils volent à travers les nuages. Les images et photographies sont très belles. Des scènes qui vendent beaucoup moins de rêves, violentes, criantes et un peu too much. Un mélange impressionnant qui rend un spectateur légèrement vidé de ses tripes à la sortie de la salle noire.

Laura Madar

ChronicleRéalisé par Josh Trank

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Mission : Impossible - Le Protocole fantômeRéalisé par Brad Bird

BellflowerRéalisé par Evan Glodell

Ce 21 mars est arrivé dans nos salles un film étrange, catapulté par un statut de film culte qui lui semblait déjà acquis. Ce film, c’est Bellflower, et son statut de film culte est un statut qu’il mérite tant ses images restent gravés sur l’iris de ceux qui regardent ce film. Inspiré fortement par la série B de Roger Corman, Wes Craven ou Tobe Hooper, Bellflower arrive à s’en détacher avec brio en donnant une dimension nouvelle à son film, celle de l’amour fou et de l’amour déçu, de la violence qui s’ensuit.

Woodrow et Aiden se préparent à la fin du monde, ils construisent un lance-flamme, transforme une vieille ‘’muscle car’’ en ‘‘voiture apocalyptique’’ crachant des flammes et s’imaginent en sauveurs d’une planète en perdition. Woodrow tombe alors amoureux de Milly qui le trompera et réveillera en lui toute la violence latente qu’il contenait. La fin de l’Histoire rencontrant le début d’une autre ( l’histoire amoureuse ) sont bien opposés en terme d’esthétiques et de scénographie. Mais Glodell réussit avec brio à allier les deux et à faire un film original qui, en gardant les codes esthétiques des films de série B (image saturée et rythme de montage improbable alliant accélérés et ralentits dans un même plan...) tout en s’y détachant scénaristiquement en inscrivant une dimension romantique peu souvent utilisée dans les productions exubérantes fauchées des 70’ et 80’. ‘‘Romantique’’ est peut être le mot important significatif de Bellflower car le film propose une lecture très moderne de cette notion devenue aujourd’hui classique. À la mélancolie inhérente à l’écriture romantique, Glodell oppose une écriture cinématographique sèche, à la violence fulgurante portée par des images et métaphores mythologique presque hallucinatoires d’une beauté saisissante. Si Medusa est le nom de la voiture des personnages, c’est justement qu’elle est l’une des pierres angulaires du film et que Meduse, dans l’antiquité, était aussi bien reconnue pour sa beauté qui séduisit les Dieux que pour son danger.

Bellflower est donc aussi un film à la symbolique forte et affirmée. Ce que Glodell a fait, peu de réalisateur l’ose dès leurs premiers travaux. Car le film est une oeuvre osée qui va jusqu’au bout de ses différents propos sans tomber dans la caricature tout en la frolant. C’est ce qui fait le charme de Bellflower.

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La production belge de ces dernières années nous avait habitué à des films wallons assez diversifiés, allant de la comédie potache aux films d’auteur sociaux des frères Dardenne. Rarement la production cinématographique des Flandres belges ont eu écho chez nous. Aujourd’hui, est arrivé sur nos écran un de ces films. Et quel film! Quelle prestation d’acteur! Bullhead, est un prometteur premier film qui ravit et impressionne. Le sujet est peu commun. Alors que Jacky Vanmarsenille s’apprête à conclure un marché important avec des trafiquants d’hormone bovine qui l u i p e r m e t t r a d ’ a v o i r p l u s d e responsabilité dans le milieu mafieu du trafique de stéroïdes animales. La police est sur le coup. Alors que l’étau se res se r re , de v ieux souven i r s reviennent hanter la vie de Jacky. Avec Bu l lhead , M ichaë l R . Roskam signe un premier film original, trouvant un bel équilibre entre le polar propre aux films de mafia et de policier, et le film intime collant à la peau ( ici plus à l’ossature et la musculature ) de son personnage. Le tour de force du film réside dans cette inscription de l’intime dans le contexte plus large d’une Flandre occidentale bestiale dans laquelle l’hormone et la testostérone sont gage de puissance et de contrôle. Bullhead n’est pas un film de gangster mais bel et bien un film psychologique sur un homme qui se construit, dans ce milieu, une virilité bestiale, prenant les même produits que les bovins dont il s’occupe. Ainsi le film avance de révélations en révélations, construisant avec subtilité et à la fois violence un petit monde dans lequel Jacky ne peut trouver sa place, trop différent des autres, aussi proche des bovins que des humains. Dans un corps imparfait et imposant, Mathias Schonaerts incarne à la perfection le personnage principal du film dans toute son antonymie, à la foi mi-homme mi-bête. Roskam signe avec brio une belle première oeuvre à la mise en scène tendue sans jamais tomber dans l’excès ( mis à part une séquence assez mauvaise d’interrogatoire ). Jonglant avec doigté entre le film de gangster et la fable psychologique personnelle, Roskam nous permet de découvrir un cinéma et une culture bien connue chez nos voisins belges, mais beaucoup moins en France. Vivement son prochain film et vivement le prochain Jacques Audiard. Le génial Schonaerts y joue, et un acteur génial travaillant avec un réalisateur génial, cela donne généralement un chef d’oeuvre.

Simon Bracquemart

BullheadRéalisé par Michaël R. RoskamC

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"Elena" s'ouvre sur un long plan-séquence d'une branche d'arbre, meurtrie par la progression de l'hiver: l'image est froide et saisissante, les mouvements de la caméra sont lents et subtils. "Elena" fait partie de ces films qui prennent le temps de dire des choses essentielles, qui feignent la lenteur et l'ennui pour mieux nous montrer toute leur puissance. Grand esthète, Andrei Zviaguintsev, par sa réalisation épurée et son sens de l'efficacité auxquels il nous avait habitués, nous livre ici un film subtil, aiguisé, captivant et résolument humaniste.

"Elena" raconte l'histoire d'un couple relativement âgé, Elena et Vladimir, issus de milieux sociaux différents, voire opposés: lui, riche et apparemment héritier (il ne travaille pas) et elle, d'un milieu modeste. Le fils d'Elena, au chômage, lui demande sans cesse de l'argent pour payer les études de son fils. Victime d'un malaise cardiaque et renouant ainsi un court instant avec sa fille, Vladimir décide de faire hériter cette dernière de toute sa fortune; pour Elena, cette nouvelle marque la fin de tout espoir pour l'avenir de son fils et de son petit-fils. Elle va alors se sentir prête à tout pour convaincre son mari...Le film raconte en réalité l'histoire de la Russie contemporaine, celle d'un pays clivé socialement: les deux milieux sociaux dépeints sont comme deux "Mondes" très éloignés géographiquement, que rien ne pourra jamais unir (les deux époux ne dorment pas dans la même pièce - Elena est obligé de "voyager" par bus, train et à pied pour rejoindre l'immeuble lugubre de son fils) et qui ne se rencontrent jamais. Seul Elena, docile et totalement dévouée, fait le lien entre ces deux univers.Le mépris, prégnant tout le long du film, s'ajoute à cette tension: mépris de Vladimir envers les "feignants" de pauvres et de ces derniers auprès du "radin" de Vladimir.Par son réalisme et grâce à la grande justesse de Nadezhda Markina (Elena), le film est une véritable photographie de la situation sociale de la Russie. Une photographie plaisante, froide mais assurément belle!

Grand film, grande réalisation, grands acteurs, "Elena" renoue avec les sommets du cinéma Russe; en un mot : Spaciba !

Victor Sardjeveladze

ElenaRéalisé par Andrei Zviaguinstev

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Les Adieux à la ReineRéalisé par Benoît Jacquot

Château de Versailles, trois journées de tumulte qui feront basculer la royauté. De la prise de la Bastille, et du tumulte qui gronde à Paris, rien n’est montré  ; Benoît Jacquot, persistant dans son goût pour les f i lms en costume, préfère se concentrer sur les froufrous des jupons qui courent sur les planchers, les couloirs éclairés à la bougie la nuit venue, les stupeurs de la g é l a t i n e a r i s t o c r a t i q u e q u i tremblote. Avec l’adaptation du livre de Chantal Thomas, qui donne la parole à la liseuse dévouée de la Re ine, le réa l i sateur se veut peignant l’Histoire vue depuis le boudoir et par le petit bout de la lorgnette, se payant un casting éblouissant – Michel Robin, Xavier Beauvois, Virginie Ledoyen, Diane Kruger, Léa Seydoux, pour ne citer qu’eux – dont il ne semble hélas tirer a u c u n p a r t i . D e s r a p p o r t s «  a m o u r e u x  » v a g u e m e n t sadomasochistes entretenus au sein du trio féminin ne naît aucune tension dramatique, même si on lira çà et là dans la presse qu’ils rendent le film terriblement « noir » et « sensuel ». Il paraît que la futilité de Marie-Antoinette ; quitte à en faire le sujet d’un film futile, on lui préfèrera la version ultra-léchée proposée par Sofia Coppola en 2006.

Bérangère Pétrault

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Le Fossé Réalisé par Wang Bing

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Considérez si c'est un homme Que celui qui peine dans la boue,

Qui ne connaît pas de repos,Qui se bat pour un quignon de pain,

Qui meurt pour un oui pour un non. Primo Levi

Réalisateur de documentaires remarqués (A l'ouest des rails), Wang Bing passe à la fiction avec Le Fossé, qui nous plonge au coeur de l'enfer concentrationnaire chinois. Extrêmement documenté et pensé, justement, en diptyque avec le documentaire Fengming, Chronique d'une femme chinoise, sorti une semaine plus tôt, Le Fossé apparaît vite comme une nécessité historique. C'est dans la plus grande clandestinité qu'il a pu être tourné. Heureusement pour nous, il a fini, au bout de deux ans, par arriver sur nos écrans (et encore : deux salles seulement dans Paris intra- muros).

Le Fossé a tout du film rare : sujet rude non-traité par le cinéma, nécessité historique et politique... Forcément, on l'aime déjà un peu avant de le voir ; mais il serait bien réducteur d'en limiter l'intérêt à sa dimension ''exceptionnelle''. Le Fossé vaut avant tout pour l'intelligence de sa représentation du monde concentrationnaire, qu'on a rarement si bien filmé.

L'humanité a déserté

Un carton ouvre le film, et l'on découvre le paysage morne et plat du désert de Gobi, véritable prison à ciel ouvert. Nous sommes à l'automne 1960, soit un peu plus de dix ans après la victoire maoïste. La Chine communiste ne triomphe pas, la famine règne, les poursuites contre ceux que l'on qualifie de « droitiers » sont légion. Nul besoin de se remémorer ces précisions historiques : le film commence justement par la mention de ces événements, apportée par le directeur du camp qui informe ses prisonniers que, désormais, ils ne travailleront plus mais passeront leurs journées à trouver de quoi tenir jusqu'au soir.

Ainsi, ce qui intéresse Wang Bing, ce n'est pas tant la dimension politique de la détention que la brisure anthropologique instaurée par l'univers concentrationnaire. Le film donne à voir un ''fossé'' physique – ce trou qui sert autant de dortoir que de morgue – mais également humanitaire : pas d'individus, plus d'êtres humains, dans ce camp perdu en plein désert. Le décor immuable du désert de Gobi semble indifférent au sort de ces hommes ; et même il s'en fait le complice, ensevelissant les vivants comme les morts, les dépouillant une ultime fois de leur identité.La trivialité du quotidien des prisonniers est dépeinte sans fioritures ni complaisance. Les râles succèdent aux mastications quand le corps est encore vivant ; à l'inverse, le sommeil et la mort se ressemblent et s'accompagnent sans cesse. Le temps linéaire de l'Histoire, celui de l'Humanité, a disparu, au profit de la répétition constante de l'horreur.

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Résistance de l'humanité (et du cinéma)

Malgré l'horreur des conditions concentrationnaires, quelques îlots de solidarité survivent : l'un mange le vomi d'un camarade malade, avant de l'accueillir dans sa tranchée, auprès d'un feu ; l'autre se dévoue constamment à un vieux professeur respecté. L'arrivée d'une femme (inspirée par Fengming, interviewée dans Chronique...) permet de faire naître un début de révolte.

Cette femme venue rendre visite à son mari et découvrant qu'il est mort nous émeut d'abord par l'immensité de sa douleur, douleur qui se transforme en une obstination proche de la rébellion : elle ne partira pas avant d'avoir retrouvé, au milieu de centaines d'autres, le corps de son mari. Cette douleur amoureuse, magnifiée par de longues séquences accompagnant la jeune femme à travers le désert et les corps, constitue la meilleure réponse à opposer à l'ignominie concentrationnaire.

Le film lui-même s'institue comme une réponse pleine d'humanité à l'horreur de la déshumanisation. La caméra adopte toujours une position éthique : cachée au fond du fossé avec les autres détenus, elle ne se met en mouvement que pour accompagner ses personnages. Elle ne cherche pas à dévoiler, mais bien à suivre des êtres d'abord sans visage et sans nom, et dont les personnalités s'affirment progressivement, retrouvant une certaine identité grâce au film. La beauté plastique et la durée toujours très calculée des plans participent de la création d'une esthétique respectueuse de la terrible réalité qu'elle filme.

Le film apporte son lot d'humanité et de résistance, et la fin sonne comme un avertissement. Pour des raisons purement économiques, les prisonniers sont relâchés, mais ils seront remplacés dès le printemps. Face aux plans des fossés presque vides, à la fin du film, une question se pose, au cinéma comme à l'Histoire : quand peut-on dire ''c'est vraiment fini'' ?

Alice Letoulat

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N Doisneau - Paris Les HallesÀ l’Hôtel de Ville de Paris

À première vue, la file d'attente le long de l'Hôtel de Ville est impressionnante. La faute à la gratuité de l'accès de l'exposition. Qui disait que les Parisiens se désintéressaient de l'Art ?

Pour poursuivre son exploration de l'histoire de la capitale, la Ville de Paris se focalise en ce moment sur un quartier incontournable : les Halles. Robert Doisneau (1912-1994) est un « photographe humaniste ». Comme Willy Ronis ou Henri Cartier-Bresson, il ne photographie pas l'actualité vive, mais mord le quotidien sans aucune recherche misérabiliste.

Vous avez passé le portique de sécurité, vous voici enfin dans l'antre de l'exposition : sur un mur noir, en petit format, les photographies du « ventre de Paris » s'offrent à vous, pour reprendre les termes de l'écrivain Émile Zola.

L'évolution vous frappe aux premiers abords : un quartier aux loyers aujourd'hui hors de prix était autrefois au milieu du XXe siècle, l'un des plus pauvres de Paris et les plus peuplés. S'y côtoient des maraîchers, commerçants, journaliers, les « forts des Halles » transportant la marchandise lourde, une activité délocalisée aujourd'hui à Rungis. Le sentiment d'une certaine solidarité et de labeur prédomine. Le visiteur sent la saleté, l'épuisement à la besogne, le danger à parcourir ces rues et y découvre également une autre sorte de travailleurs qui se lèvent tôt (ou tard), les prostituées.

Les clichés en noir et blanc de Doisneau témoignent d'un monde pré-mai 68 qui n'existe plus, rendent nostalgiques d'une réalité inconnue. Les physiques, les corps et les visages ne sont plus les mêmes, le quartier est à jamais changé.

La deuxième partie de l'exposition porte d'ailleurs sur l'évolution du « trou », le chantier de des Halles débuté en 1971. Des photographies cette fois-ci en couleur rendent compte de l'espace de béton qui dénatura « l'esprit des Halles parisiennes ». Un philosophe a dit un jour : « L'art permet de préserver l'éternité d'une sensation ». Grâce à Doisneau, les anciennes Halles ne se sont pas tout à fait évanouies.

Camille Lafrance

Exposition gratuite à l'Hôtel de VilleDu 8 Février au 28 Avril 2012

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Métros parisien. Affiches, partout, aucun repos visuel dans la capitale, des pubs aux couleurs criardes, agressives… Stop ! Je m’arrête brusquement dans les allées, on maugréer derrière moi, « s’arrêter en plein milieu alors que tout le monde est pressé, n’est-elle pas folle celle-là ? ». Une affiche a enfin attiré mon attention. Un ciel bleu sur lequel se découpent les silhouettes de deux femmes, sur un balcon, discutant. L’une portant une gandoura couleur mandarine  ; l’autre, aux nuances sarcelles. Cette huile sur bois de Chassériau est enivrante, les milliers de pigments de couleurs invitent notre regard à danser en parcourant l’œuvre. La France est loin, le désert, la mer, le soleil ardant s’insinuent à sa place dans notre esprit. Le titre de l’exposition confirme mon voyage sensoriel, « Les Juifs dans l’Orientalisme ». L’Orient. Sphère de l’enivrement, de l’imaginaire européen, et à juste titre.

L’exposition est rafraichissante. Bien que la communauté juive ait souffert de massacres, de persécutions, à l’exception de quelques œuvres ça n’est pas le thème mis à l’honneur. Et c’est en cela que l’exposition est très bien dirigée. Notre regard, au contraire, est porté sur la beauté des coutumes, costumes, des femmes, de la vision biblique au décors oriental, à travers des œuvres magiques tel que Le Christ devant ses juges (Maurycy Gottlieb, 1877-79).De salles en salles, de tableaux en tableaux, nos prunelles se régalent. Une puissance presque mystique se dégage de cet endroit. Des couleurs chatoyantes et hypnotisantes nous retiennent toujours plus longtemps devant les toiles. Un ciel d’un bleu infini illuminant et contrastant avec des ors sans pareil, des rouges vermeils, profonds, qui semblent indubitablement vous attirer, vous ne souhaitez plus qu’une seule chose  : vous perdre dans la douceur des tissus, mouvant en symbiose avec le rythme lent et rond des hanches de cette jeune femme aux mille bijoux d’or.

Un détail peu agréable est cependant à mentionner. La fin de l’exposition est bien trop abrupte, mais on peut leur pardonner cet affront. On oubli très vite cette fin rapide est quelque peu bâclée, car les émotions ressenties précédemment vous submergent rapidement. Vous ressortez serein, le sourire aux lèvres.

Avant de fermer cette page aux saveurs orientales, je conseille de prendre l’option « visite guidée », ce que je n’ai pu faire, à regret.

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Roxanne Comotti

Nocturnes du mercredi ((à partir de 17 h 15, exposition uniquement)

Les Juifs dans l’orientalismeAu Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Paris

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Mario Merz est un artiste contemporain, poète et philosophe italien né à Milan en 1925 et décédé à Turin en 2003. Il fait partie des douze artistes qui constituèrent, à son début, l’attitude artistique (les artistes refusent de le nommer mouvement), appelé l’Arte Povera. L’Arte Povera consistait à la base en une opposition violente à la société de consommation via l’utilisation, dans les œuvres d’art, de matériaux « pauvres » tels que la terre, les chiffons, le bois, etc. afin de désacraliser l’œuvre en tant qu’objet et de projeter au premier plan l’idée créatrice.La philosophie est pour Mario Merz d’une importance capitale, et sa technique de création est très particulière. La source, d’origine philosophique, est travaillée à travers le prisme de la science pour enfin aboutir à l’œuvre d’art.Prenons comme exemple les chiffres en néon que l’on retrouve dans ses œuvres. Dans le reportage réalisé par Thierry-Paul Benizeau, Mario Merz explique : « Une chose est d’inventer, une chose est de subir. La lumière, on la subit sans pouvoir l’inventer. » C’est ici que la fameuse question « Che fare ?  » (Que faire ?), titre de l’exposition, intervient. Comment faire pour recréer le concept même de la lumière au sein d’une œuvre ? Utiliser un éclairage reviendrait à omettre l’aspect temporel et spatial de la lumière. Mario Merz utilise alors le principe mathématique de l’accélération numérique.« Qu’est-ce que le principe de l’accélération numérique ? » Me direz-vous.Regardez la suite de nombres suivante : 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21…Par quelle logique sont-ils régis ? En s’additionnant au nombre précédent, chacun des nombres détermine le nombre suivant, qui lui-même s’additionnera au précédent, donnant ainsi l’impression d’une accélération exponentielle : 1+2 = 3, 3 + 2 = 5, 5 + 3 = 8 etc.Merz peut dès lors incarner ces chiffres dans l’œuvre en les façonnant dans des tubes néon. Le concept de lumière est recréé dans l’art grâce à la science.Les œuvres de Mario Merz sont une brillante ode à la nature qui mettent la science au service de l’art.

Jade Simon

« Che fare ?  » Une exposition de onze œuvres de Mario Merz dans le contexte de l’exposition permanente 2012 « L’œuvre et ses archives » ; du 9 février au 9 décembre 2012 au CAPC de Bordeaux.Adresse : 7, rue Ferrere, 33000 Bordeaux.Téléphone : 05 56 00 81 50Exposition permanente, entrée libre et gratuite.

Mario Merz - Che Fare ?Au CAPC de Bordeaux

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Paris brûle-t-il ?

Il se pourrait presque, mains non, ce n’est que la chaleur de cette belle journée ensoleillée. Trop de lumière, je cligne des yeux. Place de l’Etoile. Arc de Triomphe. Peu de voiture. Ciel bleu. On pourrait presque entendre les grillons nous jouer un air de la campagne. Les toits de Paris se découpent, rouille, oranges, ocres, sur ce ciel si bleu. Je décide de me promener, la fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent est proche, je descends l’avenue Marceau, je dépasse l’imposante Eglise Saint Pierre de Chaillot et ses immenses portes rouges. Il semblerait que les couleurs chaudes soient à l’honneur aujourd’hui.

Arrivée à la Fondation, l’exposition de théâtre Kabuki est présentée dans une ambiance d’un beau rouge sombre. La chaleur extérieure s’est imagée sur les murs frais intérieurs, me rappelant la couleur de l’astre émergeant depuis le pays du soleil levant. Cette chaleur douce m’entoure de ces bras affectueux, et m’attire hypnotiquement vers les kimonos présentés.

Les pièces de tissus sont amples, lourdes, impérieuses, éclatantes de l’art japonais, somptueusement décorées à la fois dans la surabondance et dans la simplicité. On regarde ébahi, on reste muet devant ces œuvres d’art en n’espérant qu’une seule chose  : pouvoir s’y glisser, avant que les cerisiers en fleurs ne se dénudent de leur pâle couleur rose ; le temps d’être l’acteur principal d’une pièce de théâtre Kabuki ; le temps d’un rêve. Du bleu pastel au rouge enflammé, les couleurs s’unissent, les symboles aussi, hirondelles ou éclairs permettant de décrire un caractère poétique, ou bien fougueux. Nous ne voyons plus le vêtement que comme un support sur lequel est venu se poser une estampe japonaise…

Seul regret ? Une exposition courte, l’absence de perruques (accessoire important du théâtre Kabuki), l’absence de thé Matcha pendant la visite, de Sakura en fleurs dégageant un doux parfum sucrée… Mais ce ne sont très probablement que des caprices de ma part.

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Roxanne Comotti

KabukiÀ la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent, Paris

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5DE LA DYSTOPIE OU DE LA CONTRE-UTOPIE

La dystopie n’est pas un terme connu de tous puisqu’il est moins répandu que l’occurrence qu’il détourne. En effet, penser à la dystopie, c’est en soi penser à une contre-utopie. L’utopie renvoie à un monde idéal, idéalisé et par définition impossible. Ce monde est proche d’un univers onirique. Dans l’art, on rapporte

nombre d’oeuvres utopiques qui cherchent à présenter une société dans son idéal paroxystique le plus positif. La dystopie est ici clairement du côté d’un idéal négatif. L’association du mot idéal et négatif résonne comme un contraste impossible. Cependant, il s’agit bien d’esthétiser la noirceur d’un imaginaire jusqu’à son point le plus noir. Quels buts idéalisés peuvent être recherchés ? Une civilisation dite

parfaite, une technologie humanisée, etc. Bien sûr, les idéaux dystopiques ne sont jamais choisis pour leurs vertus mais plutôt pour leurs vices. Puisqu’il est question de contre-utopie, il est question de s’intéresser aux dérives d’un idéal. La dystopie a de nombreux enjeux comme celui de présenter la menace d’une société technologique. Pensons au fameux 1984 où la liberté individuelle n’existe plus, où

chaque acte est surveillé. Un autre enjeu de la dystopie est aussi de mettre en jeu une certaine absurdité de l’Homme. Faisons dès lors un parallèle provisoire et convenu avec Eugène Ionesco. Une de ses nombreuses pièces de théâtre, Le Roi se meurt, déroule l’histoire d’un roi omnipotent qui va bientôt mourir. Il a tant de pouvoirs entre ses mains que sa mort amène lentement la mort de toute sa cour, de

toute une société, de tout un monde : l’absurde mort du monde, sous les paupières d’un seul être.

La dystopie est un art de la pourriture de l’homme et de l’absurdité de certains de ses idéaux. La dystopie s’accompagne d’une poétique du dysphorique pour tenter

de combattre une utopie pleine d’euphories impossibles.

Jean-Baptiste Colas-Gillot

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À sa sortie en 1997, Bienvenue à Gattaca est un film qui étonne et renouvelle le film de science-fiction. Andrew Niccol, encore récemment dans Time Out, à une manière fort intéressante de traiter un futur possible. Plus qu’une immersion totale et que la présentation de nouvelles technologie, il pose la question philosophique de l’existence humaine prise dans de nouvelles conjonctures sociales, économiques et technologique.

Film : Bienvenue à GattacaRéalisé Par Andrew Niccol

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7Bienvenue à Gattaca n’est pas seulement un film de science-fiction, mais aussi un film social, un film d’anticipation qui pose assez justement la question de la modification du génome humain. ‘‘Gattaca’’, c’est un centre de recherche spatiale réservé aux personnes au profil génétique parfait. Vincent rêve d’aller sur Titan, mais est un enfant naturel né juste avant qu’il ait été possible de modifier la génétique des premières cellules humaines avant la naissance. Avec Jérôme, ancien candidat paralysé suite à un accident, il résistera au système et tentera de faire partie de la prochaine expédition.

Là où le film d’Andrew Niccol innove, c’est dans son utilisation des nouvelles technologies qu’il applique à l’univers qu’il filme. Contrairement à certains grands films de science-fiction tels que Minority Report ou Le Cinquième Élément, la technologie est traitée au travers du prisme de son utilité propre et non pas par rapport au spectacle qu’elle propose en jouant avec nos envies et nos fantasmes. Les évolutions techniques et scientifiques ont forgé notre civilisation au fil des temps. C’est ce qu’a compris Niccol et c’est en partie cette volonté qui fait de Bienvenue à Gattaca une belle oeuvre éminemment philosophique.

Et cette probable future civilisation est extraordinairement mis en scène par Niccol. Nous sommes ici face à un futur aseptisé, tout le monde est semblable, à la génétique idéale et commune à tous. Les corps sont sculptés de la même manière, seuls les visages pour différencier les gens. Les deux personnages principaux sont touchants : ils sortent du lot, ont leurs faiblesses qui forge leur force commune qui ébranle le système en place. L’identité d’un corps génétiquement parfait, mais déprimé car abîmé (Jérôme, joué par Joachim Phoenix), pour un corps génétiquement imparfait à la motivation inébranlable (Vincent joué par Ethan Hawke). L’union fait la force, Niccol l’a comprit et ainsi a signé un grand film digne d’être aujourd’hui présenté dans cette catégorie sur la dystopie.

Simon Bracquemart

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PIE Film - Children of Men

Réalisé par Alfonso Cuaron (2006)

Children of Men présente une société hostile dans laquelle le taux de natalité s’est effondré, à tel point qu’il n’y a plus aucune naissance. Alors qu’une femme est enceinte, elle est poursuivie par de nombreuses organisations. Elle est présentée comme un espoir et comme un danger. Tout le monde se ligue pour sa protection ou pour sa destruction. La dystopie réside ici dans l’absence proche d’avenir, un anti-mythe d’Eden où aucune Eve ni Adam seraient à l’origine d’une nouvelle ère. L’espoir que cette femme enceinte véhicule, tant qu’il est protégé, renforce celui de ses protecteurs puis est progressivement véhiculé afin qu’une terrible lutte s’engage pour la sauvegarde de l’humanité.

Jean-Baptiste Colas-Gillot

Enki BilalE n k i B i l a l , a u t e u r dessinateur, connu par ses B a n d e s - D e s s i n n é e s e t illustrations dont une qu’il a a d a p t é a u c i n é m a (Immortels).Son style général t ient place dans une société futur i s te à l ’ambiance gr î satre, où se mêlent h o m m e s , m a c h i n e s , m u t a n t s , a i n s i q u e l e leitmotiv de la femme aux cheveux bleus, désormais emblème de ses dessins.Evoluent les personnages dans cette Metropolis où à la fois tout est possible - clonage, véhicule volants -, mais où l’enfermement y est finalement à son paroxysme, et où les pires choses sont possibles - et c’est là que réside la contre-utopie.

Coriolan Verchezer

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« L’utopie est la construction verbale d’une communauté quasi humaine particulière, où les institutions socio-politiques, les normes et les relations individuelles sont organisées selon un

principe plus parfait que dans la société de l’auteur, cette

construction alternative étant fondée sur la distanciation née de

l’hypothèse d’une possibilité historique autre. »

D. Suvin, Pour une poétique de la science-fiction, 1957

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Retrouvez le prochain numéro des Feuillets de Nomenculture le 1er Mai 2012, dont le dossier portera sur l’adolescence.

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