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Armand Colin Avant-propos Author(s): Françoise ASSO Source: Littérature, No. 118, NATHALIE SARRAUTE (JUIN 2000), pp. 3-6 Published by: Armand Colin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41704765 . Accessed: 14/06/2014 02:27 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Armand Colin is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Littérature. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.49 on Sat, 14 Jun 2014 02:27:23 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

NATHALIE SARRAUTE || Avant-propos

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Armand Colin

Avant-proposAuthor(s): Françoise ASSOSource: Littérature, No. 118, NATHALIE SARRAUTE (JUIN 2000), pp. 3-6Published by: Armand ColinStable URL: http://www.jstor.org/stable/41704765 .

Accessed: 14/06/2014 02:27

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

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Avant-propos

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Sarraute soit, du vivant de l'écrivain, reconnue : c'est-à-dire que le futur de l'œuvre, ce qui d'elle est lancé «en plein et lointain avenir (1)», a rencontré pour finir les lecteurs qu'elle avait créés.

Il n'y a donc lieu de s'étonner ni du silence et de l'incompréhen- sion quasi générale qui accueillent les premiers livres, ni de la manière dont sont reçus les derniers : deux mouvements ici se conjuguent, l'un mesurable, reposant sur des données historiques ou sociologiques, l'autre plus obscur, difficilement saisissable, et qui correspond à ce tra- jet de l'œuvre d'art que Proust évoque à propos de Vinteuil, de Bergotte, de Manet, du Beethoven des quatuors, de tout créateur qui donne à percevoir «cette qualité inconnue d'un monde unique (2)».

Selon le premier mouvement, en même temps accidentel et "objec- tif', qu'un écrivain soit reconnu , que son œuvre le soit, intéresse en réa- lité le présent, un présent à peine un peu étiré. L'œuvre s'impose par étapes, en une succession de phases, et si l'on peut, pour chacune d'elles, donner un titre, c'est en sachant que celui-ci peut renvoyer moins au livre lui-même qu'à ce qu'il produit, ce dans quoi il est pris, ce à quoi il répond : ainsi de L'Ère du soupçon , qui rassemble des textes écrits par l'écrivain réfléchissant à son propre travail, et devenu une sorte de manifeste du Nouveau Roman; ainsi d 'Enfance, premier livre de Nathalie Sarraute à être unanimement bien accueilli, pour des raisons qui sont généralement étrangères au texte lui-même (3).

Cette première reconnaissance, qui peut donc reposer sur des ma- lentendus, cette "chance", dont Nathalie Sarraute était consciente et dont l'histoire a été souvent faite, a peu de chose à voir avec la seconde; ni officielle, ni académique, ni journalistique, celle-ci n'est pas même celle de cet ensemble improbable qu'on appelle "le public", mais celle par laquelle les lecteurs singuliers sont peu à peu amenés à entrer dans une œuvre : il s'agit là du deuxième mouvement, celui qui vient de l'œuvre elle-même. La reconnaissance, alors, est cette évidence qui apparaît après coup d'un monde unique et inconnu qui, un jour, est visible : pro- cessus inévitable et mystérieux que celui de ce temps nécessaire à la compréhension de ce qui, cependant, toujours nous surprend.

1 Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, «Bibliothèque de la Pléiade», 1987, t. I, p. 522. 2 La Prisonnière, t. Ill, p. 877. 3. Voir, sur ce point, la notice et le dossier d'accueil de la critique éta- blis par Ann Jefferson dans l'édition de la Pléiade (p. 1933-1948).

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LITTÉRATURE N° 118 -juin 2000

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LITTÉRATURE N° 118- JUIN 2000

■ NATHALIE SARRAUTE

Ce mouvement par lequel «l'œuvre crée elle-même sa postérité (4)», Nathalie Sarraute l'a effectué dans son travail, de la manière la plus radica- le et la plus romanesque, en amenant le lecteur dans son œuvre, en l'atti- rant concrètement dans le lieu qui est le sien depuis toujours.

On a souvent remarqué que chacun de ses livres trouvait son origi- ne dans le précédent - ce qui veut dire en particulier que, le lieu et le matériau restant les mêmes, de Tropismes à Ouvrez , et la recherche se poursuivant, Nathalie Sarraute n'a cessé de descendre , plongeant tou- jours plus profondément le lecteur dans cet espace anonyme, mouve- menté, instable d'où elle écrit, délaissant toujours davantage les effets de surface, le "trompe-l'œil", le jeu de la conversation et de ses dessous, pour écrire, dans ses derniers livres, directement d 'ici pour dire ce qui se passe ici. Cette suite d'inventions que l'œuvre induit elle-même dans sa constante avancée, qui amène progressivement l'écrivain à L'usage de la parole - où le matériau de l'œuvre est le seul argument du texte, où le lecteur est explicitement pris dans celui-ci - , elle semble n'avoir pas de fin : si l'on pouvait penser être "arrivé" au fond avec Ici , en ce lieu qu'indique le titre (un point et, en même temps, l'espace le plus vaste qui soit), voilà que ce lieu apparemment dernier s'ouvre, se creu- se, pour un nouvel "usage de la parole" situé sous le précédent. À l'inté- rieur d 7c/, donc, Ouvrez , où tout recommence, dans une fabuleuse liberté.

Ainsi, comme tout grand créateur, Nathalie Sarraute aura-t-elle écrit toujours la même chose, toujours de la même chose, en avançant sans cesse, se rapprochant, d'un livre à l'autre, de Vidée de cette œuvre unique, toujours plus proche de son point d'origine, de son mouvement premier, - et plus drôle alors même qu'elle se fait plus radicale, plus claire alors même qu'elle s'enfonce toujours davantage.

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Pour qui connaît, ne serait-ce qu'un peu, les travaux consacrés à l'écrivain, le sommaire de ce numéro sera peut-être surprenant : on n'y trouve en effet aucun des noms que l'on a coutume de voir tant dans les numéros spéciaux de revues que dans les actes de colloque. Il y a à cela deux raisons, ou plutôt une seule raison mais qui concerne deux destina- taires différents : les lecteurs, bien sûr, mais, d'abord, Nathalie Sarraute elle-même. Car l'idée de ce numéro a aujourd'hui plus d'un an, ce qui veut dire que, lorsqu'il m'a été proposé de m'en occuper, j'ai pensé aus- sitôt à le réaliser pour Nathalie Sarraute, très précisément à son inten-

4. À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1. 1, p. 522.

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AVANT-PROPOS ■

tion. Concrètement, cela signifie que j'ai voulu lui donner à lire des textes de critiques, d'écrivains qui aimaient son œuvre et n'avaient jamais eu l'occasion d'en parler (c'est le cas pour Ginevra Bompiani, Hélène Cixous, Gérard Farasse, Jean-Marie Gleize, Jean-Michel Maulpoix), ou qui en avaient déjà parlé, éventuellement à plusieurs reprises, mais qui ne sont pas tous forcément considérés comme des "spécialistes" de l'œuvre (c'est le cas pour Lucette Finas, Armelle Héliot, Georges Raillard, Jean Roudaut, Tiphaine Samoyaut).

J'ai donc désiré que ce numéro soit aussi autre chose qu'un ensemble d'études : un hommage, d'une part - auquel s'est associé Michel Butor en écrivant un poème pour Nathalie Sarraute - , un recueil de lectures plus libres d'autre part, où chacun propose de l'œuvre la vision qu'il en a, en relation ou non avec son propre travail, mais une vision toujours subjective. A quelques exceptions près, les col- laborateurs de ce numéro n'ont pas "étudié" cette œuvre comme on le fait pour une thèse, un essai, un cours, et se trouvent donc, face à ces textes qu'ils connaissent uniquement pour eux, pour ce qu'ils sont, en position d'écrire sur Nathalie Sarraute avec leurs propres questions et leur seule mémoire : ils la lisent de chez eux, c'est-à-dire aussi avec cet ensemble d'autres livres lus que nous sommes lorsque nous lisons. Les références, les allusions que l'on rencontre dans les différents articles sont ainsi de ces rapprochements profonds, absolument personnels, qui donnent une résonance autre, particulière, à la lecture.

Il ne s'agit donc évidemment pas de porter le moindre soupçon sur l'excellence des travaux "spécialisés" ni sur la capacité de leurs auteurs à approfondir leur lecture, à l'enrichir, à la renouveler. Il ne s'agit pas non plus de dévaloriser la critique universitaire (presque tous les colla- borateurs de ce numéro sont d'ailleurs aussi des universitaires), à laquelle on opposerait la lecture , qui serait "innocente" ou créatrice - idée absurde, et même scandaleuse, "contrevérité" pour tout dire (5) : on sait bien que critique et lecture sont une même opération, que la critique peut inventer, et qu'elle le fait parfois. Il s'agissait simplement de don- ner à lire autre chose, et de rendre à l'écrivain un peu de cette joie que ses livres nous ont donnée, en lui offrant un recueil de textes dans les- quels son œuvre ne serait pas un simple objet d'étude, mais où elle apparaîtrait dans sa singularité, avec d'autres, parmi d'autres, parmi toutes celles qui font partie de notre vie.

Nathalie Sarraute aurait été heureuse, par exemple, de voir Rimbaud revenir dans quatre textes différents; plus généralement, elle l'aurait été d'être prise dans un mouvement de lecture, où son œuvre redevient ce que sont toutes celles qui nous importent, celles qui nous

5 Voir Ouvrez , p. 14 et suiv.

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■ NATHALIE SARRAUTE

habitent et nous accompagnent, et où elle se trouve donc en compagnie d'autres œuvres, avec lesquelles elle entre en rapport sans que celui-ci soit de ressemblance, de filiation ou de simple proximité temporelle - avec lesquelles elle est dans ce rapport d'amitié qu'ont entre eux les textes que nous aimons. Baudelaire, Rimbaud, Shakespeare, Hugo, Proust, Kafka, Deleuze, James, Ponge... : tous ces noms qui vont et qui viennent rendent l'œuvre à la vie qui est la sienne.

Autre reconnaissance, celle-ci, qui suit naturellement celle que j'évoquais plus haut : si les lecteurs sont entrés dans l'œuvre, le monde que celle-ci révèle, le monde qu'elle est, tout simplement, est entré en nous.

Françoise ASSO

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