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New Sommaire · 2019. 10. 4. · Conséquence des effets conjugués de l’accroissement naturel de la population et de la migration rurale, ... et l’absence d’assainissement

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    Sommaire

    Introduction .........................................................................................................................................................................................................................................................3

    Première partie : la politique de l’habitat et l’intégration urbaine des populations pauvres et vulnérables .....5

    1. Conditions d’habitat, itinéraires de logement et stratégies résidentielles des ménages pauvres et

    vulnérables en milieu urbain ..........................................................................................................................................................................................................7

    1.1. Conditions d’habitat des ménages pauvres et vulnérables en 2007 ...........................................................................................8

    2. Itinéraires de logement et stratégies résidentielles des ménages pauvres et vulnérables .........................................10

    3. Evolution des politiques d’habitat social et de lutte contre l’habitat insalubre ......................................................................11

    3.1. Quelques points de repère historiques .....................................................................................................................................................................11

    3.2. La nouvelle stratégie de l’habitat et de l’urbanisme ...................................................................................................................................13

    3.3. Bilan de la nouvelle stratégie de l’habitat et de l’urbanisme ............................................................................................................15

    4. Etat des lieux de l’approche sociale dans la résorption des bidonvilles ......................................................................................18

    Deuxième partie : les effets socio-économiques des politiques de résorption des bidonvilles ........................................23

    1. Evolution des caractéristiques sociodémographiques des ménages .................................................................................................25

    1.1. Sexe du chef de ménage ........................................................................................................................................................................................................25

    1.2. Taille des ménages .......................................................................................................................................................................................................................26

    1.3. Statut d’occupation de la population et des chefs de ménage .......................................................................................................26

    1.4. Niveau d’instruction ....................................................................................................................................................................................................................27

    2. Changements dans les conditions d’habitat ................................................................................................................................................................29

    2.1. Degré d’encombrement et confort du logement .............................................................................................................................................29

    2.2. Statut d’occupation du logement ...................................................................................................................................................................................31

    2.3. Mixité sociale et relations de voisinage .................................................................................................................................................................31

    2.4. Intégration urbaine .......................................................................................................................................................................................................................32

    3. Revenus des ménages, dépenses de logement et impact sur le reste-à-vivre des ménages.....................................34

    3.1. Revenus des ménages ................................................................................................................................................................................................................34

    3.2. Dépenses liées au financement du logement ....................................................................................................................................................35

    3.3. Structure des dépenses des ménages .......................................................................................................................................................................36

    3.4. Comportement des ménages face aux nouvelles dépenses ..............................................................................................................36

    Troisième partie : Principales recommandations .............................................................................................................................................................40

    Synthèse ................................................................................................................................................................................................................................................................52

    Annexe : Meilleures pratiques internationales en matière d’intégration urbaine ..................................56

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    Introduction

    De toutes les composantes de l’habitat insalubre que connaît le Maroc, le bidonville représente certainement l’une des manifestations les plus hideuses de la pauvreté urbaine et de l’exclusion sociale, faisant de sa résorption la priorité absolue des politiques d’habitat social. Ces dernières ont d’ailleurs connu une évolution significative au cours de la décennie écoulée, sous l’effet conjugué des Orientations Royales pour hisser l’habitat social au rang des priorités du programme gouvernemental d’une part, et des programmes du Gouvernement qui ont recentré la politique de l’habitat sur la promotion de l’habitat social et la résorption progressive des déficits cumulés en la matière, d’autre part.

    Dans ce cadre, une nouvelle stratégie de l’habitat a vu le jour, caractérisée par la mise en oeuvre d’un arsenal de mesures destinées à assurer une meilleure adéquation de l’offre à la demande de logement en milieu urbain et à impulser une nouvelle dynamique à la lutte contre l’habitat insalubre, en particulier, la résorption des bidonvilles.

    Le programme «Villes sans bidonvilles» (VSB), lancé en 2004, marque incontestablement une rupture importante avec les interventions du passé. Il substitue au caractère ponctuel de celles-ci, une démarche intégrée à l’échelle de la ville, associant les acteurs locaux dans les efforts d’éradication des bidonvilles et s’efforçant à mettre en oeuvre les principes de la maîtrise d’ouvrage urbaine et sociale.

    Cependant, plusieurs années après son lancement, le programme VSB accuse un certain retard et semble marquer le pas. Les échéances initialement fixées pour la résorption de l’ensemble des bidonvilles urbains n’ont pas pu être tenues, compromettant ainsi les efforts du Maroc quant à la réalisation de l’un des objectifs de la Déclaration du Millénaire des Nations Unies visant à améliorer sensiblement la vie de millions d’habitants des taudis en 2015.

    Les exercices d’évaluation des résultats qui ont accompagné la mise en oeuvre du programme VSB sont restés globalement dans le sillage de ceux relatifs aux interventions du passé, avec des performances le plus souvent approchées à travers des indicateurs renvoyant à la dimension physique et à l’aspect bilanciel des programmes. Rares sont, en effet, les évaluations qui se sont penchées sur les effets des politiques de résorption des bidonvilles sur l’évolution des conditions et niveaux de vie des ménages initialement ciblés, de leur mobilité et de leur accès aux services sociaux de base, qui auraient nécessité des investigations complémentaires espacées dans le temps auprès de ces mêmes ménages une fois installés dans leurs nouveaux logements.

    Aussi, pour remédier à cette insuffisance, l’Observatoire National du Développement Humain a-t-il fait le choix de consacrer une étude à la question de la contribution des programmes de recasement/relogement à la réduction de l’exclusion sociale en milieu urbain. Cette évaluation, effectuée au moment où une politique de la ville vient d’être initiée dans notre pays, est de nature, d’une part, à apporter des éclairages pertinents sur la dimension inclusive des programmes de résorption des bidonvilles, et de l’habitat social en général, et d’autre part, à s’interroger sur les mesures qui pourraient accroître leur performance en termes d’inclusion sociale et d’intégration urbaine.

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    Les conclusions de cette étude pourraient également alimenter les réflexions et démarches en cours pour assurer une relance du programme VSB et développer ses mécanismes intégrateurs à même d’assurer la convergence des actions des différents acteurs aux niveaux national et local. En particulier, ces conclusions contribueraient à la définition d’une démarche assurant une meilleure adéquation de l’INDH aux problématiques des villes et ce, dans un souci de cohérence et de continuité par rapport à certaines recommandations du rapport de l’ONDH consacré à l’évaluation de la première phase de l’INDH.

    Pour ce faire, l’Observatoire a adopté une double approche. La première, qualitative, s’est appuyée sur une revue exhaustive des études et travaux réalisés par le Haut Commissariat au Plan, le département de l’Habitat et la holding d’aménagement Al Omrane, ainsi que des évaluations effectuées avec le concours des nombreux organismes internationaux, à l’instar de la Banque mondiale, de l’Union européenne, de l’ONU-Habitat, de l’AFD ou de l’USAID, qui ont accompagné la mise en œuvre de la politique de l’habitat et des programmes de résorption des bidonvilles.

    La deuxième approche, plus quantitative, s’est basée sur les résultats des enquêtes réalisées dans douze quartiers de résorption de bidonvilles situées dans six villes du Royaume (Agadir, Casablanca Fès, Marrakech, Salé et Tétouan). Ces enquêtes ont eu pour objectif d’appréhender les effets des opérations réalisées sur les conditions et le statut d’habitat des populations concernées ainsi que leurs situations socio-économiques. Il s’agit là d’autant d’éléments qui sont de nature à apprécier la capacité des politiques de résorption des bidonvilles à assurer l’inclusion urbaine des ménages bidonvillois.

    Tenant compte de la complexité du sujet, la présente étude a été centrée sur les trois axes suivants :

    • Lepremiermetl’accentsurl’évolution,depuis2004,desconditionsd’habitatdesménagespauvreset vulnérables ainsi que sur les politiques et programmes mises en œuvre au cours des dix dernières années en vue de leur assurer l’accès au logement décent. A cet égard, seront mis en évidence l’ensemble des outils et moyens mis en œuvre, en accordant une attention singulière à la question du glissement d’une part, et aux dimensions sociales de la résorption de l’habitat insalubre censées favoriser l’inclusion sociale des populations concernées, d’autre part.

    • Ledeuxièmeaxeanalyselestransformationsquiontaffectélecadreetleniveaudeviedesménagesenquêtés en mettant l’accent sur les forces et les acquis de ces interventions au regard des objectifs d’inclusion sociale.

    • Letroisièmeaxeproposedesrecommandationsvisantàaccroîtrelesperformancesdespolitiquesde résorption des bidonvilles en termes d’inclusion sociale des populations bénéficiaires. Une partie de ces recommandations est tirée des meilleures pratiques internationales observées en la matière.

  • PARTIE -1-La politique de l’habitat et l’intégration urbaine

    des populations pauvres et vulnérables

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    Conséquence des effets conjugués de l’accroissement naturel de la population et de la migration rurale, les villes et les centres urbains sont devenus en 2004 l’espace de vie de près de 60% des Marocains1. Cette accélération de la croissance urbaine s’est traduite par ailleurs par une accentuation du déficit cumulé en logements qui, en 2002, concernaient presque 1.240.000 ménages vivant dans des types d’habitat inférieurs aux normes, notamment des bidonvilles pour 270.000 d’entre eux. De surcroît, ces ménages étaient confrontés à des problèmes pressants tels que le chômage, le manque d’eau potable et l’absence d’assainissement liquide.

    Pour y faire face, les pouvoirs publics ont initié en 2004 une nouvelle stratégie de l’habitat et de l’urbanisme qui a effectivement donné une réelle impulsion au secteur. En effet, en 2010, le déficit en logements a pu être divisé par deux pour être ramené à 608.000 unités et le manque total ou partiel des équipements et services de base a été en partie résorbé. Pour autant, cette stratégie risque de ne pas être en mesure de répondre à l’accroissement inéluctable des besoins liés à la dynamique urbaine. Des études prospectives réalisées par le département chargé de l’Habitat révèlent que la population cible des programmes d’habitat social comptera, à l’horizon 2020, de 470.000 à 504.000 nouveaux ménages urbains, ce qui portera à 50% la proportion des ménages n’ayant pas accès à un habitat décent. C’est dire l’ampleur du phénomène d’exclusion urbaine que connaîtra notre pays en l’absence d’une politique active qui valorisera les avantages dont l’urbanisation est porteuse.

    Aussi, pour pouvoir apprécier le potentiel d’intégration urbaine de cette nouvelle stratégie ainsi que son efficience en termes de résorption des bidonvilles, trois axes sont étudiés dans la présente partie.

    Le premier a trait à l’évolution des conditions d’habitat des ménages pauvres et vulnérables en milieu urbain durant les années 2000, effectuée à partir des données issues respectivement du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2004, de l’enquête nationale sur les conditions de vie des ménages de 2007 et de l’enquête panel de ménages réalisée par l’ONDH en 2012.

    Le deuxième axe va examiner les stratégies résidentielles adoptées par ces deux catégories de ménages, l’objectif étant d’appréhender leur réactivité face aux différents programmes qui leur sont destinés.

    Enfin, le troisième et dernier axe traitera de la nouvelle approche de promotion de l’habitat social et de lutte contre l’habitat insalubre, en rappelant les transformations qu’elle a induit par rapport aux interventions publiques qu’a connues ce secteur depuis les années 1970. Seront alors rappelés les principales réformes engagées, les programmes d’action mises en oeuvre et les instruments mis en place, y compris les dispositifs d’ingénierie sociale destinés à favoriser l’inclusion urbaine des ménages concernés. Une attention particulière sera accordée à la question de l’approche sociale sensée développer l’inclusion sociale dans les projets de résorption des bidonvilles.

    1 Selon les premiers résultats du RGPH de 2014, la population marocaine atteint près de 33,85 millions d’habitants, dont 60,3% en milieu urbain.

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    1. Conditions d’habitat, itinéraires de logement et stratégies résidentielles des ménages pauvres et vulnérables en milieu urbain

    Dans notre pays, la maîtrise de la situation et de l’évolution des conditions d’habitat des ménages pauvres et vulnérables en milieu urbain a le plus souvent été liée à la connaissance statistique des bidonvilles en milieux urbain et périurbain. De nombreuses enquêtes2 avaient pourtant montré que les phénomènes de pauvreté et de vulnérabilité étaient présents dans l’ensemble des espaces composant nos villes et centres urbains, témoignant ainsi d’une certaine mixité sociale au sein des quartiers, en particulier les plus défavorisés. Autrement dit, des ménages ayant des revenus suffisants pouvaient être contraints, en raison de la crise du logement qui sévissait alors, d’habiter des quartiers ou des logements ne correspondant ni à leur niveau de vie, ni à leur aspiration sociale.

    A cet égard, il est intéressant de voir, moyennant quelques précautions méthodologiques (encadré n°1), si cette situation perdure encore aujourd’hui.

    2 Il s’agit notamment des enquêtes suivantes :•Populationsvulnérables:profilssocio-économiquesetrépartitionspatiale,1997,CERED.•LapopulationurbaineauMaroc.Thèsed’EtatengéographiesoutenueparRobertEscalier,1978,UniversitédeNice.

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    Encadré n°1 : quelques considérations méthodologiques

    Les catégories des ménages concernés par la présente étude est celle des ménages pauvres et vulnérables résidant en milieu urbain. Leurs conditions d’habitat et leurs niveaux de vie sont approchés grâce aux données issues de l’enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages (ENNVM) réalisée en 2007 par le Haut Commissariat au Plan (HCP), complétées par celles du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) de 2004. Sur cette base, sont considérés comme ménages pauvres, ceux dont les dépenses de consommation annuelles ne dépassent pas les 18.000 DH, soit une dépense mensuelle par ménage inférieure à 1.500 DH. Quant aux ménages vulnérables, il s’agit de ceux dont la dépense mensuelle varie entre 1.500 et 3.000 DH.

    Structure des dépenses mensuelles des ménages urbainsTranches de dépenses DH Poids démographique Effectif (en milliers)

    Moins de 1500 5% 183

    1500 à 3000 25% 915

    3000 à 6000 42% 1.538

    6000 à 15000 23% 842

    plus de 15000 4% 146

    Total 100% 3661

    Source : Enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages, 2007.

    Les ménages pauvres se distinguent par leur grande taille (5,6 personnes en moyenne contre 4,8 personnes au niveau urbain) et des chefs ayant un niveau d’instruction faible. Près de 62% des chefs de ménages pauvres sont en effet analphabètes, soit 23 points de plus que la moyenne nationale. Un tiers d’entre eux ont un niveau d’instruction primaire ou secondaire (46% au niveau national) et seulement 0,5% un niveau scolaire supérieur (9% au niveau national). Dans ces conditions, l’accès à l’emploi formel est particulièrement difficile aux chefs de ménages pauvres. Il l’est également pour les autres personnes relevant de cette catégorie de ménages, particulièrement pour ceux appartenant à la tranche d’âge des 35-44 ans. Ainsi, 39,2% de ces derniers sont actifs, contre 56,2% au niveau national. Il en ressort un taux de chômage des personnes en situation de pauvreté particulièrement élevé, à 29%, contre 22% en milieu urbain.

    Par ailleurs, leurs emplois relèvent le plus souvent de branches d’activité faiblement rémunératrices (commerce, bâtiment et industrie), ce qui n’est pas sans affecter, outre leur capacité d’épargne et leur solvabilité financière, le niveau et la structure de dépenses des ménages. En l’occurrence, si leur dépense moyenne de consommation se situe en moyenne mensuelle autour de 1.200 DH, 82% de ce montant est consacré aux postes « alimentation » et « habitations et énergie », le reste étant affecté aux autres rubriques (habillement, équipements ménagers, hygiène et soins médicaux, transport et communication, loisirs et culture, etc.). De même, les emplois qu’ils occupent ne les protègent même pas, la couverture médico-sanitaire obligatoire ne concernant que 6% des actifs pauvres, contre une moyenne nationale de 34,6%.

    Quant aux ménages vulnérables, ils partagent les caractéristiques suivantes

    •Unedépensemoyennemensuellede2.300DH.

    •L’importancedel’effectifdeschefsdeménageanalphabètes(2/3)etmariés(80%).

    •Unetailleduménagesupérieureàlamoyennenationale(5,6contre4,8).

    •Unaccroissementannuelde31.000nouveauxménages.

    1.1 Conditions d’habitat des ménages pauvres et vulnérables en 2007

    L’ENNVM de 2007 a recueilli les données de base permettant d’évaluer les conditions d’habitat des ménages marocains. Il s’agit du type de logement, de son statut d’occupation, de son mode

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    d’acquisition, de l’accès aux services sociaux de base (assainissement, eau potable, électricité, etc.) et de la disponibilité des éléments de confort dans les logements.

    Quant à la qualité de vie des ménages, elle est appréhendée à travers l’analyse des caractéristiques des logements qu’ils occupent et ce, en examinant quelques indicateurs d’habitat pertinents, comme le degré de cohabitation, la densité d’occupation ou la présence de certains éléments de confort dans le logement.

    1.1.1 Conditions d’habitat des ménages pauvres

    D’après l’ENNVM de 2007, les conditions d’habitat des ménages pauvres sont considérées comme précaires pour près de 60% d’entre eux. En effet, 20% des ménages pauvres habitent dans un bidonville ou un logement sommaire, 4% des maisons traditionnelles situées dans des tissus anciens menaçant ruine et 25% des quartiers d’habitat non réglementaires qui se localisent dans des zones périphériques dépourvues d’infrastructures de base et de services publics. Le reste, c’est-à-dire 11% des ménages pauvres, vit en situation de cohabitation, avec un degré d’entassement dans le logement particulièrement élevé dans les tissus anciens situés dans les médinas (17,2%). En conséquence, le déficit en logements décents pour cette catégorie de ménages s’établissait en 2007 à 110.000 unités d’habitat environ.

    En outre, les conditions d’habitat partagées par ces ménages pauvres sont particulièrement difficiles. Leurs logements sont généralement surpeuplés, avec une densité d’occupation pouvant atteindre 3,1 personnes par pièce, au moment où la moyenne nationale est de 1,9 personnes par pièce. De même, leurs logements ne disposent pas tous des équipements de base indispensables, en dépit des efforts notables fournis par les pouvoirs publics pour en assurer la généralisation. Ainsi, près de 15% des ménages occupent des logements dépourvus d’électricité cette proportion atteint même les 31% dans les logements situés dans les quartiers d’habitat sommaire- et 25% d’entre eux n’ont pas accès à l’eau potable et au réseau d’assainissement. Les ménages pauvres ne disposent pas non plus de tous les éléments nécessaires au confort au sein de leur logement : respectivement 19%, 18% et 85% d’entre eux n’ont pas de cuisine, de cabinet d’aisance, de bain et/ou de douche, contre 11,9%, 4% et 69% en milieu urbain.

    Par ailleurs et en dépit de leur précarité sociale, 61% de cette catégorie de ménages occupent leur logement en tant que propriétaire, ce qui montre que le marché de l’habitat non réglementaire ainsi que l’offre en lots équipés permettent tous deux de fournir des logements adaptés au pouvoir d’achat des ménages pauvres. 24% d’entre eux sont locataires de leur logement. Pour ces derniers, le loyer mensuel moyen se situe autour de 225 dirhams, le loyer maximal pouvant atteindre les 500 dirhams. Quant aux propriétaires, l’acquisition de leur logement s’est effectuée en ayant surtout recours aux fonds propres (67%). Le crédit bancaire est faible (9%), son accès étant rendu difficile du fait de l’inadaptation des systèmes formels de financement aux caractéristiques des ménages pauvres (faiblesse et irrégularité de leurs revenus, absence de garanties hypothécaires). Enfin, 24% des ménages pauvres ont acquis leur logement en héritage.

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    1.1.2. Conditions d’habitat des ménages vulnérables

    La précarité des conditions d’habitat touche aussi les ménages vulnérables. En effet, près de 44% d’entre eux occupent des logements inappropriés, en l’occurrence des bidonvilles ou des habitations sommaires (15%), des maisons traditionnelles situées dans des tissus anciens menaçant ruine (5%), des maisons modernes des quartiers d’habitat non réglementaires (15%), les 9% restant étant en situation de cohabitation.

    Dans ces conditions, le déficit en logement pour cette catégorie de ménages est estimé à 510.000 unités d’habitat, ce qui porte ce déficit en logement pour les ménages pauvres et vulnérables à 620.000 unités, soit près de 70% du déficit global en logement.

    Les données statistiques montrent également que leurs conditions d’habitat ne sont guère éloignées de celles des ménages pauvres. En effet, les logements des ménages vulnérables sont également surpeuplés, avec une densité d’occupation atteignant 2,9 personnes par pièce. Il en est de même en ce qui concerne le statut d’occupation du logement qui ne présente pas de réelles différences avec celui des ménages pauvres. 57% des ménages vulnérables sont propriétaires de leur logement et 28% en sont locataires. Pour ces derniers, le loyer mensuel moyen est de 400 dirhams, avec un loyer maximal pouvant atteindre 1.500 dirhams en 2007.

    En revanche, des différenciations significatives apparaissent s’agissant du mode d’acquisition du logement (Tableau n°1) : les ménages vulnérables ont 1,5 fois plus recours aux crédits bancaires que les ménages pauvres, sans doute à cause de leur plus grande solvabilité financière par rapport aux règles prudentielles des établissements de crédit. Néanmoins, cet accès à la propriété s’est accompagné d’un endettement accru des ménages vulnérables. Enfin, l’héritage reste un canal important d’acquisition de leurs logements (25%).

    Tableau n°1 : Modes d’acquisition du logement en milieu urbain

    Modes de financement du logement

    Ménages pauvres

    Ménages vulnérables

    Moyenne Urbaine

    Crédits bancaires 9% 13% 7%

    Fonds propres et crédits 67% 62% 72%

    Héritage 24% 25% 21%

    Total 100% 100% 100%

    Source : Enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages, 2007.

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    2. Itinéraires de logement et stratégies résidentielles des ménages pauvres et vulnérables

    Les éléments qui précèdent permettent de faire ressortir les faits saillants suivants :

    • Les conditions d’habitat des ménages pauvres et vulnérables sont difficiles du fait, dans une large mesure, de leur fragilité socio-économique, caractérisée essentiellement par un faible taux d’emploi et un niveau d’alphabétisation très bas. Leur accès aux équipements de base est également limité, le taux d’accroissement du nombre de ménages urbains dépassant celui de la production de logements.

    • Au cours de la décennie écoulée, près de 70% du déficit en logements en milieu urbain concernait ces deux catégories de ménages.

    • Environ 95% de l’habitat insalubre en milieu urbain était habité par des ménages pauvres ou vulnérables, dont plus de la moitié vivait dans des logements salubres.

    Dès lors, c’est bien le déficit en logements qui a contraint ces deux catégories de ménages à adopter des itinéraires résidentiels les conduisant vers l’habitat non réglementaire, les bidonvilles et les autres formes d’habitat précaire, témoignant incidemment d’une part, de l’insuffisance de la production du secteur réglementaire et, d’autre part, du coût élevé de l’accès au foncier et à l’immobilier pour ces ménages.

    Dans ces conditions, l’ajustement entre l’offre et la demande en logements pour ces deux catégories de ménages a pris des formes spécifiques en fonction de chaque contexte urbain. Ainsi, une partie de ces ménages a procédé à l’auto-construction de leurs logements dans les quartiers d’habitat non réglementaire (surélévations, subdivisions non autorisées). Ces derniers présentent une qualité des logements comparable à celle des produits des lotissements économiques autorisés, la différence tenant au degré d’équipement en infrastructures, particulièrement la voierie et l’assainissement. D’autres ménages se sont orientés vers les bidonvilles et les autres formes d’habitat insalubre, tel que l’habitat dégradé et vétuste des médinas ou l’habitat dans des locaux non destinés au logement (terrasses, garages, etc.). Quant au reste des ménages concernés, leur demande a été satisfaite à travers la cohabitation et l’entassement dans les logements.

    Aussi, face à cet état de fait, l’intervention publique se devait-elle de s’adapter pour, d’une part, répondre à l’accroissement des besoins en logement grâce à un accroissement du rythme de leur production et d’autre part, briser le cercle vicieux conduisant à l’expansion de l’habitat insalubre et de ses formes d’expression les plus sordides, les bidonvilles. Dès lors, les enjeux sont donc à la fois quantitatifs et qualitatifs.

    3. Evolution des politiques d’habitat social et de lutte contre l’habitat insalubre

    Au Maroc, les politiques d’habitat social et de lutte contre l’habitat insalubre s’inscrivent depuis 2004 dans le cadre du programme « Villes sans bidonvilles ». Ce dernier a émergé à l’issue d’une période d’évaluation des interventions du passé dont le présent chapitre en fait un bref rappel historique afin d’en dégager les constantes, les continuités et les ruptures.

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    3.1 Quelques points de repère historiques

    Dans l’ensemble, les stratégies nationales d’habitat social se sont toujours articulées autour de deux volets complémentaires. Le premier a consisté à prévenir l’habitat insalubre, à travers une action sur l’offre de logements et de parcelles à bâtir pour répondre aux besoins des ménages les plus solvables. Le second volet, à caractère plutôt correctif, a visé principalement la résorption des bidonvilles et la restructuration des quartiers non réglementaires. La mise en œuvre de ces deux approches complémentaires a été dictée par les différents contextes socio-économiques qui ont prévalu depuis l’Indépendance en 1956, qui en ont alors déterminé les objectifs et les moyens3.

    Ainsi, avant les années 1970, les interventions de l’Etat en milieu urbain se sont limitées à quelques opérations ponctuelles de résorption de bidonvilles, poursuivant la politique initiée en 1947 dans le cadre du plan Ecochard.

    Ce n’est qu’à partir de 1972 que l’Etat s’est véritablement engagé dans la mise en œuvre d’une véritable politique d’habitat à l’échelle du territoire national. Cette politique, dont l’ambition affichée était la résorption totale du passif en matière de logement urbain, s’est appuyée sur plusieurs outils d’intervention, notamment le FNAET (Fonds national pour l’achat et l’équipement des terrains) mis en place en 1973 et les ERAC (Etablissements régionaux d’aménagement et de construction) créés en 1974. Cependant, elle n’a guère profité aux populations pauvres du fait qu’elle ait été dirigée prioritairement vers les ménages les plus solvables au crédit logement, qui ont ainsi pu accéder à la propriété de lots de terrains équipés, rendus disponibles grâce à la présence de vastes réserves foncières domaniales dans les grandes villes et leur périphérie immédiate.

    Dans les années 1980, l’impact de cette politique sur le recul des bidonvilles est resté globalement limité dans un contexte marqué de surcroît par une forte croissance urbaine, mais aussi par la mise en œuvre du plan d’ajustement structurel qui a fortement restreint les ressources financières destinées aux secteurs sociaux. Certes, durant cette période, des actions de restructuration des bidonvilles ont bel et bien été menées, notamment à travers les PDU4 (projet de développement urbain) financés par la Banque mondiale. Néanmoins, leur mise en œuvre a buté sur diverses difficultés qui ont fini par les rendre onéreuses et qui ont justifié, en conséquence, le retour à la résorption des bidonvilles par des opérations d’aménagement foncier (dites de recasement).

    Cette démarche va d’ailleurs bénéficier d’une forte impulsion, avec la création et le développement de la maîtrise d’ouvrage publique. Ainsi, en 1984, furent mises en place l’Agence nationale de lutte contre l’habitat insalubre (ANHI), puis, en 1987, la Société nationale d’équipement et de construction (SNEC), avec des missions d’aménagement et d’équipement des terrains, ainsi que la société « Attacharouk », chargée du relogement des bidonvillois de Ben M’Sik dans des ensembles d’habitat collectif à Casablanca.

    3 La question du logement en milieu urbain ; p157, RDH 50, 2005.4 Ces projets ont visé la restructuration in situ des grands bidonvilles de Rabat (douars Doum, Hajja et Maadid), Kenitra (douar Saknia) et Meknès (douar Borj Moulay Omar). Ils ont également porté sur la fourniture de services urbains et sociaux dans certains bidonvilles.

  • 15

    La constitution de ces organismes traduisait alors un changement de taille dans la conception des opérations et dans leur financement. L’objectif affiché était la résorption des bidonvilles grâce à des opérations d’aménagement foncier financées à la fois par les avances des bénéficiaires, les subventions du budget de l’Etat et les produits de la péréquation des lots mis sur le marché. L’auto-construction, financée par les acquéreurs, devait permettre l’accès au logement. Un certain recul des bidonvilles a pu être constaté, notamment dans les villes moyennes, mais a très vite été rattrapé par la prolifération de l’habitat non réglementaire, pour lequel aucune intervention n’était programmée à ce moment.

    C’est alors qu’en 1991, un programme spécial de lutte contre l’habitat insalubre (PSLHI) a été initié. Privilégiant l’intégration in situ des quartiers non réglementaires, il a débouché sur un semi-échec car seule la moitié des opérations engagées a été achevées à hauteur des subventions publiques accordées.

    En 1994, un programme de 200.000 logements sociaux a été également lancé. Bénéficiant de diverses mesures incitatives (financières, fiscales et réglementaires), il visait à accélérer le rythme de production du logement social. Toutefois, les ménages les moins solvables en étaient exclus de facto5. Ces derniers n’avaient alors plus d’autres solutions que de recourir aux filières informelles d’accès au foncier et à l’immobilier, dans des quartiers d’habitat spontané.

    Dès lors, le déficit en logements destinés aux populations pauvres et vulnérables est demeuré important (tableau n°2), témoignant des limites de certaines formes d’intervention publique pour développer l’offre de logements sociaux et répondre, de manière appropriée, à la prolifération continue de l’habitat insalubre.

    Tableau n°2 : performance de la politique d&habitat social 1970-1980 1981-1990 1991-2000

    Production annuelle de logement socialAuto-construction ménages 22.000 25.000 31.000Etat et privé organisé 4.500 4.000 7.200Production totale 26.500 29.000 38.200

    Cadence annuelle de développement de l›habitat insalubreBidonvilles 5200 11300 15700Clandestin 7100 23000 14200Déficit total annuel 12.300 34.300 29.900

    Source : Marché immobilier résidentiel et investissements directs étrangers : cas du Maroc. D.Effina, Université Mohamed V, 2011

    3.2 La nouvelle stratégie de l’habitat et de l’urbanisme

    Prenant conscience des limites des interventions publiques conduites depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont procédé, à partir de 2003, à une révision en profondeur de celles-ci en vue d’asseoir une politique de l’habitat et de l’urbanisme qui tranche avec les précédentes par son caractère ambitieux, volontariste et novateur.

    5 En effet, le critère discriminant pour bénéficier de ce programme est de disposer de revenus mensuels stables, compris entre 2000 et 3500 DH.

  • 16

    Cette politique est essentiellement focalisée sur le programme « Villes sans bidonvilles » initié en juillet 2004, trois années après le Discours Royal du 20 août 200l, dans lequel le logement social et la lutte contre l’habitat insalubre ont été érigés au rang de priorité nationale (encadré n°2).

    Encadré n°2 : les caractéristiques générales du programme«Villes sans bidonvilles »

    Englobant également les opérations de résorption commencées avant 2004, le programme VSB vise l’éradication en sept ans (2004-2010) de tous les bidonvilles des centres urbains. Il concerne environ 212.000 ménages.

    Le programme VSB s’appuie sur une approche innovante s’articulant autour des fondamentaux suivants :

    •Lavilleestconsidéréecommeunitédeprogrammationetd’action.Autrementdit,touslesbidonvillesrecensés doivent être rassemblés dans une solution intégrée basée sur la maille urbaine de la ville et les réserves de terrains disponibles.

    •Lescontratsdevilleforment lecadreinstitutionneletfonctionneldesinterventionsetdesopérateursconcernés. Ils permettent de définir les bidonvilles ciblés, le programme d’intervention, les responsabilités de chacun des partenaires, l’échéancier de réalisation du programme et le dispositif de son pilotage et de son suivi au niveau régional et provincial.

    •Lesmodesd’interventionduprogrammeconsistentenlarestructurationinsitudesbidonvilles(29%*),le recasement dans des parcelles entièrement ou partiellement équipées (50%) ou le relogement dans des immeubles d’appartements (21%). Chacun de ces modes, ainsi que son montage financier, sont adoptés en fonction de chaque situation, après avoir recueilli l’adhésion et la mobilisation des acteurs locaux et des populations sur la base de choix concertés.

    •L’intégrationurbaineestrequisepourquelessitesd’accueiletlesnouveauxquartierspuissentbénéficierdes possibilités de raccordement aux réseaux d’infrastructure et de transport public et constituer ainsi de véritables espaces de vie.

    •L’implicationdespopulationsbidonvilloisesduranttouteslesphasesdedéroulementdesopérationsdoitêtre assurée à travers un programme d’accompagnement social et de participation.

    (*) Il convient de noter que le PVSB accorde la priorité à l’évacuation des bidonvilles aux dépens de la restructuration in situ des quartiers non réglementaires. Celle-ci ne semble pas en effet prévenir le phénomène d’habitat spontané et pourrait même encourager implicitement l’habitat informel, les restructurations étant perçus par les bidonvillois comme une régularisation de facto.

    Ces orientations stratégiques s’inscrivent dans le cadre d’une nouvelle vision appelant à faire des villes, des espaces économiques moteurs, des pôles d’innovation concentrant les savoirs, et des lieux conviviaux, agréables à vivre, inclusifs et durables. Ces orientations s’articulent autour des cinq axes ci-après :

    • L’accroissement des capacités résidentielles en milieu urbain, à travers :

    • Une couverture plus large en documents d’urbanisme.

    • Un vaste mouvement de mobilisation du foncier public potentiellement urbanisable (plus de 10.500 hectares au cours de la période 2003-2010).

  • 17

    • La refonte de la fiscalité immobilière par :

    • La mise en place d’un dispositif d’exonération fiscale au profit des promoteurs immobiliers réalisant des programmes sociaux d’au moins 1.500 logements dont la VIT (valeur immobilière totale) n’excède pas les 200.000 dirhams.

    • L’institution à partir de 2008 d’un nouveau dispositif d’encouragement au profit des programmes de 500 logements6 à faible VIT (140.000 dirhams HT).

    • La création en 2002 du « Fonds Solidarité Habitat » et le renforcement de ces ressources grâce au produit de la taxe sur le ciment (10 centimes le kilogramme depuis 2004, contre 5 centimes seulement auparavant).

    • La création en 2003 de fonds de garanties destinés à élargir les possibilités d’accès au crédit. Il s’agit :

    • Du FOGARIM (fonds de garantie en faveur des populations à revenus irréguliers et modestes) ;

    • Du FOGOLOGE (fonds de garantie au profit des fonctionnaires, des agents de l’Etat et des Collectivités locales ainsi que des employés du secteur public) ;

    • De « DAMANE ASSAKANE » (2009), fruit de la fusion des deux fonds précités.

    • L’accroissement des capacités d’intervention du secteur public grâce à la création du holding d’aménagement AL OMRANE (HAO) et ce, après la mise à niveau des différents organismes publics de l’habitat, à l’instar des ERAC, transformés en sociétés anonymes avant leur filialisation au HAO.

    3.3 Bilan de la nouvelle stratégie de l’habitat et de l’urbanisme

    Les acquis de la nouvelle stratégie d’habitat social et de lutte contre l’habitat insalubre sont indéniables et se sont effectivement traduites par l’élargissement des possibilités d’accès à un logement décent des ménages à revenus limités.

    Ainsi, les principaux résultats enregistrés entre 2002 et 2010 se déclinent comme suit :

    •Lerythmedeproductiondesunitésd’habitatsocial,quiétaitde40.000unitésparanen2003,aété porté à 100.000 unités par an en fin de période.

    •490.000ménagesontbénéficiédestravauxderestructurationetdemiseàniveauduparcd’habitatsous-équipé et non réglementaire, ce qui a permis de réduire le déficit en équipements infrastructurels de 540.000 unités à 230.000 unités en 2010, compte tenu de l’arrivée de près de 180.000 ménages additionnels.

    6 100 logements seulement en milieu rural.

  • 18

    •Leseffortsdéployéspourlarésorptionprogressivedel’habitatprécaireontpermisderelogerprèsde 200.000 ménages, dont 177.000 dans le cadre du PVSB (encadré n°3), alors que pendant la même période, ce parc a accueilli près de 100.000 ménages additionnels, soit une réduction du déficit en logement de 700.000 unités à 600.000 unités.

    Encadré n°3 : Résultats enregistrés par le programme VSB

    A fin décembre 2012, le PVSB affichait des résultats incontestables. En effet, le rythme de résorption était passé

    de 5.000 baraques par an avant le lancement du programme à 30.000 baraques par an. Sur les 85 villes

    et centres urbains concernés par le programme, 43 villes ont été déclarées sans bidonvilles, faisant passer

    le poids démographique des bidonvilles de 8,2 % à 3,9 % entre 2004 et 2010. Les opérations achevées

    ou en cours de réalisation ont concerné près de 239.000 ménages sur un total de près de 348.400 (68%

    des ménages des bidonvilles). 177.000 ménages (50,8% des ménages des bidonvilles) ont été livrés. Pour

    le reste, 13.200 ménages (3,7%) n’attendaient alors que leur transfert, tandis que 48.300 produits d’habitat

    (13,8%) se trouvaient toujours en cours de réalisation. Quant à ceux qui attendaient la mise en chantier de

    leurs unités, ils représentaient 31,3% des ménages, compte tenu des actualisations successives des ménages

    ciblés qui atteignaient alors 109.400 ménages additionnels depuis le dénombrement initial.

    Plusieurs contraintes avaient en effet entravé le bon déroulement du PVSB, notamment :

    •Lesinsuffisancesauniveaudelagouvernancelocaleontétéàl’originedesretardsenregistrésdanscertaines régions et des augmentations massives du nombre de bidonvillois. Le facteur politique ne doit pas être négligé non plus. En effet, des pratiques fondées sur le clientélisme local sont encore vivaces dans certains bidonvilles, les politiciens locaux ayant tendance à exploiter la présence des bidonvilles en retour de votes, en promettant aux résidents une opération de résorption, en garantissant la tolérance des autorités concernant leur occupation illégale des sites, ou en permettant l’accès aux infrastructures de base (eau, assainissement, électricité).

    •Dansdenombreusesvilles,laprogrammationinitialeadûêtrerevueafindetenircompted’unepart,de l’afflux de nouveaux ménages, non recensés, attirés opportunément par les avantages offerts par le programme et d’autre part, de l’intégration des douars semi-ruraux suite à l’extension qu’ont connu certains périmètres urbains. A cet égard, il convient de préciser que les contrats de ville ne constituaient pas des actes d’engagement effectif pour les parties prenantes, notamment en matière de contrôle de l’arrivée de ménages supplémentaires dans les bidonvilles.

    •La démarche de contractualisation a dû être retardée dans plusieurs villes, confrontées soit à desdifficultés de mobilisation et d’apurement d’un foncier public suffisant comme à Témara, soit à la remise en question des zones initialement planifiées par les documents d’urbanisme, comme à Casablanca.

    En fait, plusieurs facteurs ont permis d’appuyer cette dynamique incontestable du secteur de l’habitat au Maroc.

    Ainsi, s’agissant de la mobilisation foncière, plus de 10.500 hectares ont pu être mobilisés au profit des programmes publics d’habitat entre 2003 et 2010. Cette injection importante de terrains urbains a, d’un côté, consisté à fournir, à des prix compétitifs, des terrains au programme VSB et de l’autre, à mettre sur le marché une offre suffisante de terrains à travers l’ouverture de vastes zones d’urbanisation nouvelles. Elle représente un potentiel global de production équivalent à près de 500.000 unités

  • 19

    d’habitat (230.000 unités de résorption, 120.000 unités de prévention ou de péréquation et 150.000 logements dont 90.000 logements à faible VIT).

    En ce qui concerne la mobilisation financière, les ressources du Fonds Solidarité Habitat (FSH), en augmentation régulière grâce à la dynamique propre du secteur du BTP et à la consommation de ciment qui l’a accompagnée pendant la période étudiée, ont permis de financer plusieurs projets dédiés à l’habitat social. C’est ainsi qu’entre 2003 et 2010, les emplois du FSH relatifs à la lutte contre l’habitat insalubre ont atteint près de 8,5 milliards de dirhams, y compris les versements effectués au profit de FOGARIM. Ces ressources ont par ailleurs eu un effet de levier conséquent. Des financements quatre fois plus importants ont pu être mobilisés afin de couvrir les coûts des programmes de lutte contre l’habitat insalubre en général (Tableau n°3).

    Tableau n°3 : Ventilation des emplois du FSH (en millions de dirhams)

    Coûts Subventions du FSHSubventions débloquées

    Programme de lutte contre l’habitat insalubre

    28.289 12.874 7.914

    Avances destinées à l’aménagement foncier

    12.473 1.332 715

    Versement aux Fonds de garantie 600 600 600Logements militaires 5.400 600 400Autres emplois 509 509 509Total 47.271 15.915 10.138

    Source : MHUAE 2010.

    De même, les principales réformes engagées dans le cadre de cette nouvelle stratégie ont contribué à répondre aux besoins en logements des ménages appartenant aux couches sociales les moins nanties.

    Ainsi, entre 2000 et 2009, le dispositif d’encouragement fiscal mis en place a concouru à la production de près de 133.000 logements sociaux, soit 13.300 unités/an. En outre, son aménagement en 2010, en accordant des exonérations au profit des promoteurs réalisant des programmes de moindre envergure, a permis d’élargir la couverture territoriale de la stratégie de lutte contre l’habitat insalubre.

    De son côté, le bilan des activités du FOGARIM fait ressortir qu’entre 2003 et 2010, près de 61.800 ménages ont pu bénéficier indirectement de sa garantie, avec un montant total de prêts accordés de 9 milliards de dirhams, soit un crédit moyen de 145.540 dirhams.

    Enfin, pour ce qui concerne les capacités d’intervention des opérateurs publics de l’habitat, le volume d’investissements du Groupe Al Omrane (GAO) a atteint 7,5 milliards de dirhams par an après 2007, année de sa création, contre 2,5 milliards de dirhams par an avant 2007.

    Cependant, ce bilan de la nouvelle stratégie de l’habitat et de l’urbanisme laisse apparaître un certain nombre de facteurs limitatifs qui contraignent ses performances en termes d’inclusion sociale et urbaine.

  • 20

    Tout d’abord, l’absence de mécanismes de financement de l’infrastructure primaire dans les zones couvertes par les documents d’urbanisme ainsi que le caractère non engageant de ces derniers pour les départements ministériels en charge des équipements publics ont largement contribué à la sous-intégration des nouveaux quartiers d’habitat. Celle-ci a été aussi aggravée par les mécanismes de ségrégation résidentielle induits par la politique de zonage portée par les documents d’urbanisme. Les normes urbanistiques et de construction se sont souvent révélées inadaptées dans la mesure où elles entravaient les efforts d’optimisation des coûts en faveur des ménages à faibles revenus, tandis que les contraintes foncières observées dans plusieurs villes ont favorisé le recours à du foncier public ou privé souvent éloigné par rapport aux sites des bidonvilles et aux zones d’activité.

    Ensuite, le dispositif d’encouragement fiscal n’a guère concerné la production de logements de petite surface (inférieure à 50 m2) avec des VIT plus adaptées aux ménages à faible revenu. Il n’a pas visé non plus les actions de rénovation du parc de logements anciens ou menaçant ruine qui accueille une part non négligeable de la population pauvre et vulnérable. Leurs possibilités d’accès au logement décent ont également été affectées par la dispersion des emplois du Fonds Solidarité Habitat au dépend du FOGARIM.

    Par ailleurs, le relèvement du plafond de la mensualité du remboursement des prêts garantis a pesé lourdement sur les capacités de paiement des ménages pauvres éligibles au FOGARIM, même si ces derniers se voient accorder une subvention de 40.000 DH par le FSH7.

    Enfin, il convient également de noter les performances limitées du GAO en matière d’habitat social, pourtant sa vocation première8. Le Groupe a souffert de la dispersion de ses activités sur un grand nombre de programmes (villa économique, etc.). Les difficultés qu’il a rencontrées pour développer des structures et des compétences en maîtrise d’ouvrage social ont conduit parfois à la conception de programmes inadaptés qui n’ont pas suscité l’adhésion des populations concernées.

    4. Etat des lieux de l’approche sociale dans la résorption des bidonvilles

    Au Maroc, la prise en compte des aspects sociaux dans les projets de résorption de l’habitat insalubre est relativement récente. Datant de la fin des années 1990, elle s’inscrit dans le contexte de la transformation du paradigme de l’action sociale dans le pays, avec la mise en exergue des principes de participation, de partenariat et de proximité.

    7 Cette subvention ne permet pas de solvabiliser auprès des banques commerciales les ménages dont le revenu mensuel est inférieur au SMIG, leur taux d’effort excédant alors les 50%. Par ailleurs, selon les estimations du Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, les contributions financières attendues des bénéficiaires varient en fonction des modalités de résorption. Elles varient entre 10.000 DH (restructuration in situ par logement) à 100.000 DH (relogement en appartement). De ce fait, l’accessibilité aux différentes modalités de résorption variera avec les capacités financières de chaque ménage. Les plus pauvres d’entre eux ne seront probablement pas en mesure de se permettre une participation financière aux opérations de résorption, quelque soit la modalité opérationnelle appliquée.

    8 A fin 2010, 375 conventions de partenariat ont été conclues entre AL OMRANE et 330 promoteurs immobiliers des secteurs public et privé. Ces conventions portent sur la production de 180.000 logements dont 43.000 à faible VIT. Néanmoins, le rendement de ces partenariats a été faible, avec la réalisation de seulement 20% des objectifs fixés. De plus, seulement 5% des conventions conclues ont concerné la petite promotion immobilière, la seule en mesure de développer des petits projets sur la plus grande partie du territoire national.

  • 21

    Deux démarches caractérisent cette approche : la maîtrise d’ouvrage social (MOS) et l’accompagnement social des projets (ASP).

    La première est la plus inclusive. Elle intervient en amont, lors du montage technico-financier du projet et des différentes phases de sa réalisation afin de tenir compte de l’ensemble des attentes exprimées par les populations concernées. Quant à la seconde, elle est utilisée lorsque le montage technico-financier est déjà arrêté. De ce fait, elle serait moins inclusive que la première. L’ASP se limite le plus souvent à l’octroi de facilités administratives, techniques ou financières et parfois, à des actions de médiation en cas de conflits, de blocage ou de refus des bénéficiaires à adhérer au projet.

    Cette nouvelle approche sociale, qui a pris davantage d’ampleur suite au lancement de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) en mai 2005, vise trois objectifs principaux :

    • Une efficacité accrue des programmes de résorption des bidonvilles dans le cadre de démarches intégrées et participatives, prenant en compte les réalités sociales des populations concernées ;

    • Une plus grande adhésion des populations bidonvilloises aux projets proposés, en insérant la résorption de l’habitat insalubre dans le cadre des programmes de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

    • L’assurance d’une meilleure gouvernance de ces projets, à travers la participation des populations ainsi que le partenariat avec les Collectivités locales et le secteur privé.

    Cette approche sociale a été expérimentée dans le cadre du programme VSB9 (encadré n°3) mises en oeuvre soit directement par le GAO, soit à partir de contrats et conventions passés avec l’Agence de Développement Social (ADS), des organisations de la société civile ou des prestataires privés par le biais d’appels d’offres publics.

    9 Pour rappel, l’approche sociale dans la résorption des bidonvilles a déjà été initiée dans le cadre des projets de développement urbains (PDU) au courant des années 1980 et 1990. Elle a pourtant été annoncée comme étant l’une des innovations majeures du programme VSB.

  • 22

    Encadré n°3 : Missions et tâches des activités d’AS

    1. Le diagnostic, consacré à faire l’analyse du contexte institutionnel et technique du projet, des

    caractéristiques socio-économiques des bénéficiaires concernés et des données territoriales du site du

    bidonville et du projet et ce, pour planifier l’action et pour en faire le suivi et l’évaluation.

    2. La gestion de l’information, sa maîtrise et la canalisation de ses flux entre les différents acteurs du

    projet (ateliers, restitutions, réunions, etc.) et ce, afin d’assurer la transparence du projet et d’éviter les

    malentendus risquant de le conduire vers l’impasse.

    3. La médiation, l’intermédiation et la gestion des conflits, pour trouver des compromis et faire

    émerger des consensus.

    4. L’accompagnement, qu’il soit administratif (facilitation des démarches des ménages leur permettant

    d’accéder au statut de bénéficiaire), financier (informer les ménages sur les différents produits

    financiers existants, les aider à choisir la meilleure option financière, accompagner leur démarche

    auprès des banques,...).

    5. L’action socioculturelle, en vue de donner aux habitants des bidonvilles une image valorisante d’eux-

    mêmes en rupture avec l’image stigmatisante que leurs projettent les autres parties de la ville.

    6. L’animation et le renforcement des capacités, en appuyant l’émergence d’associations et en créant

    des centres de formation en vue de favoriser l’appropriation du projet et des nouveaux quartiers par

    leurs habitants.

    7. Les actions de développement socio-économique destinées à appuyer et/ou initier des activités de

    développement socio-économique dans les quartiers (identification, conception et montage de projets

    de développement, telles que des activités génératrices de revenus, de construction de compétences

    professionnelles permettant une position porteuse sur le marché de l’emploi, etc.).

    Source : «Evaluation des approches et outils de formation en accompagnement social des projets de résorption de l’habitat insalubre» ; Projet de Gouvernance Locale, USAID-Maroc, 2006.

    Le bilan du programme VSB montre que des deux démarches précitées, c’est l’ASP qui a été le plus souvent expérimentée, celle de la MOS sollicitant en revanche des conditions particulières de gouvernance et de moyens. Toutefois, malgré le nombre d’opérations de résorption de bidonvilles engagées, plusieurs contraintes entravent la diffusion, voire l’extension de l’ASP (et encore moins de la MOS) à une échelle plus grande. Elles concernent :

    • Le flou des objectifs de l’accompagnement social, ce qui renvoie au sens et aux différentes interprétations que les acteurs ont pu donner au concept, entre les tenants d’une intégration a minima de la dimension sociale des projets (sensibilisation et information des bidonvillois, assistance au maître d’ouvrage lors du montage des dossiers d’attribution des lots ou de recouvrement des contributions financières des ménages, persuasion) et, à l’autre extrême, les partisans d’une vision plus intégrée, plaçant la question sociale au coeur de toute l’intervention.

  • 23

    • L’appropriation insuffisante de l’ASP tant par les pouvoirs locaux, les services extérieurs que les représentants des populations bénéficiaires, la primauté étant réservée aux aspects techniques plutôt qu’aux questions sociales susceptibles d’émerger durant les projets.

    • Le manque de ressources humaines qualifiées dans la maîtrise d’ouvrage sociale, malgré les actions de formation déployées dès le début du programme VSB.

    • L’insuffisance des moyens financiers affectés à l’ASP (0,85% du coût total du projet en moyenne à l’échelle nationale, selon des calculs effectués par la HAO en 2008).

    5. Conclusion

    S’il est vrai que la nouvelle stratégie de lutte contre l’habitat insalubre a pu affecter positivement les conditions d’habitat des populations pauvres et vulnérables10, il reste qu’elle souffre d’un certain nombre de faiblesses qui affectent ses performances. Il s’agit de :

    • La non-maîtrise du recensement des populations bidonvilloises.

    • La difficulté d’intégrer les populations à faible revenu qui continuent de trouver refuge dans les différentes composantes de l’habitat insalubre.

    • L’importance du phénomène de glissement dans les opérations de recasement11.

    • Le caractère faiblement incitatif des dispositifs contractuels mis en place dans le cadre du programme VSB.

    • Le non-apurement du foncier par l’opérateur public et l’absence d’intégration dans le programme VSB des noyaux de bidonvilles situés dans les zones périphériques.

    • L’insuffisance de la concertation entre l’opérateur public et les populations bidonvilloises sur les modalités et le calendrier des opérations, alors même que le programme VSB s’appuie à 70% sur leurs contributions !

    • La faiblesse des acteurs locaux à transférer les communautés bidonvilloises.

    • L’absence de portage institutionnel des démarches d’accompagnement social.

    En outre, l’analyse laisse apparaître que la stratégie de lutte contre l’habitat insalubre n’a pas suffisamment pris en compte les enjeux de la résorption des bidonvilles sur les ménages et leurs conditions de vie, ce qui conduit à s’interroger sur la finalité et l’impact des opérations et sur le rôle effectif des dispositifs d’ingénierie sociale.

    10 Ce résultat ressort également de l’analyse des résultats de l’Enquête de panel des ménages de l’ONDH. Ainsi, en 2012, seules 8,1% des ménages pauvres occupaient un logement sommaire, soit un recul de 12 points par rapport à 2007. La part des appartements a augmenté de presque 7 points, passant de 2,0% à 8,9%. Par ailleurs, les conditions d’habitat des ménages pauvres se sont légèrement améliorées en 2012, notamment en raison d’un moindre surpeuplement de leurs logements (2,4 personnes par pièce en 2012 contre 3,1). Ces performances ont été réalisées dans le cadre d’un accès amélioré au crédit bancaire (21% en 2012 contre 9% en 2007).

    11 Par définition, il s’agit des familles qui revendent leur maison après sa construction (cas assez rares) et de celles qui revendent la parcelle subventionnée au prix du marché (cas assez fréquents).

  • 24

    Certes, ces dispositifs peuvent faciliter le transfert de la population des bidonvilles et améliorer le déroulement des opérations. En revanche, il n’est pas sûr qu’ils contribuent effectivement à améliorer la situation des ménages concernés, ce qui relève d’une approche de portée plus large, allant au-delà de la question du logement. Autrement dit, l’accès au logement est bien un préalable essentiel à l’amélioration des conditions de vie, mais cette dimension n’est qu’un des aspects du processus d’intégration urbaine où interviennent d’autres paramètres économiques et sociaux. Or ce volet n’a jamais fait l’objet d’évaluations fiables permettant d’apprécier l’impact réel des opérations de résorption des bidonvilles au Maroc.

    A cet égard, l’amélioration des conditions de vie des ménages est un processus complexe et multiforme, qui dépasse le temps de chacune des opérations de résorption des bidonvilles. Elle nécessite de pouvoir mesurer les effets, positifs ou négatifs, de ces opérations sur les ménages en termes d’activité, de scolarisation, de mobilité ou d’insertion sociale. Elle doit également permettre d’apprécier la capacité des ménages à faire face aux dépenses liées à leur nouvel environnement (eau, électricité, taxes locales, déplacements, échéances de remboursement des crédits hypothécaires, etc.), ce qui peut avoir des conséquences dans d’autres domaines de vie (alimentation, santé, éducation, loisirs, etc.).

    Ces questions apparaissent d’autant plus sensibles qu’un grand nombre d’opérations sont réalisées dans les périphéries urbaines, avec toutes les difficultés d’intégration économique posées pour les familles en l’absence d’une gestion post-opérationnelle.

    Toutes ces questions seront appréciées dans la deuxième partie de la présente étude.

  • 25

    PARTIE -2-Les effets socio-économiques des politiques

    de résorption des bidonvilles

  • 26

    L’évaluation des politiques publiques de l’habitat ne peut se limiter aux seuls résultats techniques et financiers. Elle doit également permettre d’apprécier les changements socio-économiques que ces politiques ont induits auprès des populations bénéficiaires.

    Dans ce cadre, il importe de vérifier dans quelle mesure ces politiques ont impacté les conditions de vie des ménages bénéficiaires, leur niveau de vie, leur statut d’occupation ainsi que leur accès à la ville et aux bassins d’emploi. Il convient aussi de vérifier les effets de l’accroissement des contraintes financières de ces ménages appelés à faire face à de nouvelles dépenses de logement, sur la prise en charge de la santé et de l’éducation de leurs enfants.

    Pour ce faire, l’ONDH a réalisé des enquêtes sur une dizaine de site d’accueil des ménages des bidonvilles qui ont fait l’objet d’opérations de résorption (encadré n°4). Sur la base des résultats obtenus, il a été procédé à l’évaluation des effets des programmes de résorption des ménages selon trois grands volets :

    • Les transformations des caractéristiques sociodémographiques des ménages et des populations relogées/recasées.

    • Les changements intervenus au niveau des conditions d’habitat et l’intégration urbaine des ménages cibles.

    • L’évolution de la situation socio-économique de ces ménages.

  • 27

    Encadré n°4 : méthodologie des enquêtes réalisées par l’ONDH

    Pour analyser et appréhender les changements et impacts socio-économiques induits par les programmes de résorption des bidonvilles, l’ONDH a conduit en 2010 des enquêtes auprès d’un échantillon de presque 2.160 ménages répartis sur douze sites d’accueil de la population bénéficiaire.

    Les enquêtes ont été réalisées par des entretiens individuels avec les chefs de ménages seulement. Elles ont distingué trois catégories de ménages, en l’occurrence les attributaires, les acquéreurs non attributaires et les locataires non attributaires. Elles se sont appuyées sur l’identification de ménages témoins ayant assisté au déroulement de l’opération de résorption dès son lancement. L’exercice d’évaluation a alors consisté à comparer la situation des ménages attributaires ayant vécu l’opération de résorption à son lancement à celle de ces mêmes ménages au moment de l’enquête.

    Les sites enquêtés ont été choisis de manière à tenir compte de l’ensemble des modalités de résorption, mais aussi sur la base de critères afférents à la taille des bidonvilles, au calendrier de mise en œuvre des opérations de résorption, à la localisation des sites d’accueil par rapport à ceux initiaux, à leur éloignement des bassins d’emploi et des services sociaux, ainsi qu’à leur raccordement aux réseaux de transport, d’infrastructures et de services urbains.

    L’ensemble de ces critères a permis d’identifier des sites aux problématiques et aux populations différentes permettant d’expliquer d’éventuelles mutations des caractéristiques et des comportements des ménages et des personnes suite à la résorption de leur bidonville. Ainsi, le choix a été porté sur les sites d’accueil suivant :

    •Wifaq,HayMohammadietMaalamAbdellahàCasablanca.

    •SidiYoussefetHayMohammadiàAgadir.

    •NakkataàTétouan.

    •DharElMahrazetAlMoustakbalàFès.

    •SaïdHajjietOuedEddahabàSalé.

    •AlHannaetGuennounàMarrakech.

    Ville Site NatureProjet

    intégré*Année d’oc-

    cupationMénages

    attributairesEchantillon

    enquêté

    Chefs de ménage

    de sexe féminin

    Glisse-ment en

    %

    Agadir SidiYoussefRelogement évolutif

    oui 1995 864 207 32% 10,20%

    AgadirHay Moham-madi

    Recasement oui 2004 989 192 17% 4,70%

    Marrakech Hanna Recasement oui 2008 614 150 9% 3,90%Marrakech Guennoun Recasement non 2008 729 150 11% 14,00%Casablanca Wifaq Recasement non 1985 1452 700 21% 7,40%

    CasablancaHay Moham-madi

    Relogement non 1998 1252 27% 3,00%

    CasablancaMaalam Abdellah

    Recasement non 1985 562 33% 10,10%

    FèsDhar Al Mahraz

    Tous oui 2006 799 200 19% 1,10%

    FèsAl Moustak-bal

    Recasement non 2006 790 200 8% 17,20%

    Tétouan NakkataZAP/Reloge-ment

    non 2006 347 71 37% 4,40%

    Salé Said HajjiRelogement/Rest.

    oui 2006 651 289 14% 5,90%

    SaléOued Edda-hab

    Recasement non 2006 731 10% 16,50%

    Ensemble 9780 2159 9,70%

    (*) Résorption seule ou intégré avec d›autres produits (préventions, promotion,…).

  • 28

    1. Evolution des caractéristiques sociodémographiques des ménages

    Quoique des différences existent selon les quartiers et les modes opératoires adoptés, il est constaté peu de transformations au niveau des caractéristiques sociodémographiques des ménages après leur déménagement, à l’exception de la taille des ménages12.

    1.1 Sexe du chef de ménage

    Les résultats des enquêtes réalisées par l’ONDH montrent que les chefs de ménages dans les sites d’accueil restent majoritairement masculins, mais que la part des femmes y est plus élevée que la moyenne urbaine nationale. Ces femmes sont essentiellement veuves ou divorcées, ce qui témoignât de la volonté des pouvoirs publics d’aider les familles monoparentales à déménager.

    1.2 Taille des ménages

    La taille moyenne des ménages, après leur déménagement sur les sites d’accueil, a enregistré une augmentation de près de 7% en moyenne, passant de 4,3 à 4,6 personnes (4,8 au niveau national urbain). Cette progression n’a pas concerné tous les sites. Dans certains d’entre eux, la taille des ménages a été divisée par deux.

    Cette tendance à l’augmentation de la taille des ménages, également relevée par d’autres études, s’expliqueraient par un croît naturel, mais également par un «éventuel accueil de nouveaux membres par les ménages relogés après leur déplacement »13.

    Par ailleurs, d’après les résultats de l’enquête de l’ONDH, les opérations de résorption des bidonvilles ont favorisé la constitution de ménages de 2 à 3 personnes, puisque la part des personnes vivant seules a baissé de 35,4%. Ces opérations de résorption ont été fortement polarisées sur les familles de 2 à 3 personnes, la proportion des ménages de 4 à 5 personnes ayant baissé de près de 18% dans les sites d’accueil.

    Ces résultats pourraient s’expliquer par le fait que certaines des opérations de résorption étudiées seraient davantage adaptées aux jeunes couples et aux familles nucléaires. Pour ce groupe social, l’appartement serait une option attrayante du moment que les limitations de l’espace ne constitueraient pas une préoccupation immédiate. De plus, l’appartement lui permettrait de bénéficier de modes de vie et d’agréments plus modernes. Il en est de même s’agissant des parcelles entièrement viabilisées.

    1.3 Statut d’occupation de la population et des chefs de ménage

    D’une manière générale, le déménagement vers les sites d’accueil s’est traduit par une sensible dégradation de la situation de l’emploi des populations concernées (le tableau n°4), ce qui est de nature à les exposer à des risques de précarisation.

    12 Ce résultat est rapporté par plusieurs études, notamment celles de l’AFD (2012) et de la Banque mondiale (1995).13 Banque Mondiale, 1995.

  • 29

    Tableau n°4 : occupation de la population et des chefs de ménage attributaires

    Population Chefs de ménage

    Avant Après Variation Avant Après Variation

    Actifs Occupés 29,60% 31,30% 5,74% 76,20% 66,80% -12,34%

    Chômeurs 8,70% 14,70% 68,97% 2,90% 5,60% 93,10%

    Inactifs 61,70% 54,00% -12,48% 20,90% 27,60% 32,06%

    Ensemble 100% 100% - 100% 100% -

    Source : Enquête sur les effets socio-économiques de résorption de bidonvilles, ONDH, 2010.

    Ainsi, les résultats de l’enquête de l’ONDH montrent que le nombre d’actifs occupés reste faible, même s’il a progressé de 6%, passant de 29,6% à 31,3%. 20,5% d’entre eux se trouvent éloignés de leur lieu de travail et sont confrontés aux problèmes récurrents relatifs aux transports (rareté, coût élevé, irrégularité du service), ce qui fait qu’en l’absence réelle d’opportunité de travail14, ils occupent principalement les petits métiers.

    De son côté, le nombre de personnes en situation de chômage a grimpé de 69%, passant de 8,7% à 14,7%, sans doute en raison de l’arrivée des jeunes sur le marché du travail. Cette situation pose avec acuité la question de l’insertion de cette population sur le marché du travail.

    Du côté des chefs de ménage, leur situation dans l’emploi est certes moins dramatique, mais a enregistré une évolution défavorable avec leur déménagement : 66,8% d’entre eux sont des actifs occupés (-12%), 5,6% des chômeurs (+93%) et 27,6% des inactifs (+32%).

    Par ailleurs, ces évolutions n’ont pas donné lieu à une transformation significative de la structure socioprofessionnelle des populations relogées/recasées (tableau n°5). Les catégories socioprofessionnelles dominantes sont à nouveau celles qui étaient les plus représentées dans les bidonvilles15.

    Néanmoins, parmi ces catégories, la part de celle des ouvriers et manœuvres, qui relève souvent de l’informel, a enregistré un repli de 8% au profit de celle des techniciens et employés divers, en hausse de 25%. Ainsi, le développement de ce corps d’emploi stable et légal dans les nouveaux sites de résorption peut attester du fait que ce sont les chefs de ménage relevant de cette catégorie socioprofessionnelle qui sont les plus prompts à déménager16.

    14 68% des personnes interrogées se plaignent du chômage et du manque d’opportunité de travail. 15 A contrario, si reconversion professionnelle il y a, elle dépendrait soit de la localisation des sites d’accueil par rapport aux bassins d’emplois, soit du mode de résorption retenu. Sur ce dernier point, il est aisément compréhensible que les métiers de commerce ambulant sont difficilement envisageables dans le cadre des opérations de relogement.16 La stabilité de leurs revenus, même s’ils sont modestes, les a incités à quitter le bidonville.

  • 30

    Tableau n°5 : Répartition des emplois par catégories socioprofessionnelles

    Catégories socioprofessionnelles

    Avant Après Variation

    Agriculteurs, pêcheurs,… 1,0% 1,3% 30,0%

    Commerçants 8,0% 8,8% 10,0%

    Techniciens et employés divers 11,0% 13,7% 24,5%

    Artisans et ouvriers qualifiés 34,0% 34,4% 1,2%

    Ouvriers et manœuvres 42,0% 38,7% -7,9%

    Autres 4,0% 3,1% -22,5%

    Total 100,0% 100,0% -

    Source : Enquête sur les effets socio-économiques de résorption de bidonvilles, ONDH, 2010.

    1.4 Niveau d’instruction

    Les résultats de l’enquête conduite par l’ONDH montrent bien une amélioration globale du niveau d’éducation, ainsi qu’en témoignent les indicateurs suivants :

    • La part des populations sans instruction a régressé après leur déménagement du bidonville, pour s’établir à 31,2% contre 39,1% auparavant.

    • La proportion de la population ayant atteint les niveaux d’enseignement secondaire collégial et secondaire qualifiant est plus élevée dans les sites d’accueil que dans les bidonvilles, ainsi qu’en témoigne le tableau n°6.

    • Cette amélioration s’étend au niveau d’instruction supérieur. Elle peut être particulièrement élevée surcertainssites,commeàSaïdHajji,DharAlMahrazetHayMohammadiquisecaractérisenttous par leur proximité avec des structures universitaires. Si l’on exclue ces sites, la proportion de la population diplômée du supérieur n’a que faiblement augmenté passant de 2,3% à 2,8%.

    • La part des diplômés de la formation professionnelle, bien qu’encore faible (0,8%), a été quadruplée.

    En revanche, l’éducation préscolaire, bien qu’en léger progrès par rapport à la situation antérieure, demeure négligée dans tous les sites d’accueil. L’enseignement primaire y marque également le pas, la proportion de la population qui a atteint ce niveau d’instruction ayant enregistré un repli de 3,1 points. Defortesrégressionssontmêmeobservéessurcertainssites,commeceuxdeSidiYoussef(Agadir),deHanna (Marrakech), de Hay Mohammadi (Casablanca) et Dhar Al Mahraz (Fès).

    Les difficultés économiques et financières incitent certains ménages17 à réduire les dépenses liées à la scolarité des enfants, ce qui est de nature à favoriser le décrochage scolaire de ces derniers et à les exposer aux diverses formes de déviance sociale.

    17 En effet, le niveau d’instruction des chefs de ménage reste faible, avec 79% d’entre eux qui n’ont pas dépassé le cap du certificat d’études primaires. Cette situation est de nature à affecter négativement les ressources des ménages.

  • 31

    Tableau n°6 : Niveau d’instruction de la population par sitesM

    od

    e o

    pér

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    Vill

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    ur

    Form

    ati

    on

    pro

    fess

    ionn

    elle

    Recasement Agadir-Hay Mohammadi

    Avant 31,80% 2,90% 34,30% 17,10% 5,60% 3,40% 0,40%

    Après 28,80% 2,20% 31,70% 19,50% 8,60% 4,30% 0,70%

    Recasement Marrakech-Hanna

    Avant 26,10% 0,40% 48,00% 14,90% 5,30% 1,70% 0,60%

    Après 23,70% 1,50% 38,90% 21,80% 8,10% 2,20% 1,00%

    Recasement Marrakech-Guennoun

    Avant 36,20% 0,70% 41,60% 12,40% 4,20% 1,30% 0,30%

    Après 33,50% 1,30% 40,80% 12,90% 6,10% 1,80% 0,40%

    Recasement Casablanca-Wifaq

    Avant 42,50% 0,80% 42,90% 7,70% 2,60% 0,80% 0,10%

    Après 27,40% 1,10% 35,90% 19,30% 9,30% 4,50% 0,90%

    Recasement Casablanca-Maalam Abdellah

    Avant 54,30% 2,10% 34,40% 4,90% 2,10% 1,20% 0,00%

    Après 32,30% 1,90% 35,10% 15,80% 9,10% 4,10% 1,20%

    Recasement Fès-Al Moustakbal

    Avant 58,00% 2,80% 28,90% 6,80% 1,40% 1,00% 0,00%

    Après 54,10% 2,30% 28,00% 10,50% 2,60% 1,20% 0,10%

    Recasement Salé-Oued Eddahab

    Avant 56,20% 0,00% 20,50% 15,70% 3,40% 1,10% 0,00%

    Après 41,80% 2,20% 23,80% 21,60% 7,30% 1,00% 0,00%

    Tous Fès -Dhar Al Mahraz

    Avant 32,70% 0,10% 26,20% 21,10% 12,50% 6,50% 0,10%

    Après 31,10% 0,30% 19,90% 20,30% 17,80% 9,60% 0,40%

    Relogement/Restructuration

    Salé-Said HajjiAvant 41,60% 1,00% 20,20% 17,40% 7,60% 5,30% 0,00%

    Après 22,80% 15,20% 25,00% 11,10% 6,50% 15,60% 0,00%

    ZAP / Relogement

    Tétouan-Nakkata

    Avant 30,40% 3,20% 37,50% 15,00% 4,40% 1,20% 0,00%

    Après 28,70% 1,70% 34,40% 19,50% 3,70% 2,60% 1,10%

    Relogement Évolutif

    Agadir -Sidi Youssef

    Avant 33,00% 4,50% 39,00% 14,30% 4,50% 2,00% 0,40%

    Après 27,60% 4,10% 31,00% 18,70% 10,10% 4,60% 1,90%

    Relogement Casablanca-Hay Mohammadi

    Avant 26,80% 1,60% 39,40% 18,10% 9,70% 3,70% 0,10%

    Après 23,00% 1,20% 30,70% 20,00% 15,30% 7,60% 1,50%

    TotalAvant 39,10% 1.7% 34.3% 13.8% 5.3% 2.4% 0,20%

    Après 31,20% 2.9% 31.3% 17.6% 8.7% 4.9% 0,80%

    Source : Enquête sur les effets socio-économiques de résorption de bidonvilles, ONDH, 2010.

  • 32

    2. Changements dans les conditions d’habitat

    D’après les résultats des enquêtes, les programmes de résorption ont tous impacté positivement les conditions de logement de la population, qu’il s’agisse de la sécurité foncière, du confort, de l’encombrement ou de la mixité sociale. Néanmoins, sur le plan de la satisfaction qualitative, la perception des ménages diffère en fonction du mode opératoire retenu.

    2.1Degré d’encombrement et confort du logement

    L’ensemble des opérations étudiées ont conduit à une amélioration des conditions de logement des ménages relogés/recasés par rapport à leur situation dans le bidonville (tableau n°7).

    Tableau n°7 : principaux indicateurs sur les conditions d’habitat des ménages

    IndicateursAvant

    déménagementAprès

    déménagement

    Surface habitable moyenne des ménages 57 m² 63,2 m²

    Part des ménages vivant dans moins de 50 m² 31,70% 4,00%

    Part des ménages vivant dans plus de 80 m² 15,10% 2,00%

    Part des logements de superficie comprise entre 51 et 80 m²

    43,00% 84,00%

    Part des logements disposant de 3 à 5 chambres 23,90% 37,90%

    Part des logements disposant d’espaces privés communs

    14,70% 53,60%

    Part des logements disposant de salles de bains modernes

    14,00% 41,70%

    Part des logements disposant d’une cuisinière 23,20% 64,10%

    Part des logements disposant d›un frigidaire 25,90% 86,30%

    Taux d’accès à l’électricité 18,10% 98,40%

    Taux d’accès à l›eau potable 15,10% 99,00%

    Taux d’accès à l›assainissement 11,40% 99,00%

    Source : Enquête sur les effets socio-économiques de résorption de bidonvilles, ONDH, 2010.

    Ainsi, il convient de noter que :

    • La surface habitable s’est accrue de 11%, passant de 57 m² à 63 m², contribuant ainsi à faire baisser la densité dans le logement et à augmenter le nombre de pièces disponibles.

    • La proportion des ménages disposant d’un logement d’une surface comprise entre 50 m² et 80 m² s’élève à 84%, soit un ratio deux fois plus élevé qu’auparavant. Seulement 4% des nouveaux logements ont une superficie inférieure à 50 m², contre 31,7% auparavant.

  • 33

    • La surface habitable est davantage rationnalisée et optimisée. Près de 60% des nouveaux logements sont constitués de 2 pièces et la proportion de logements de 3 à 5 pièces est passée de 23,9% à 37,9% entre la période précédant et celle suivant le déménagement. Les pièces s’individualisent et presque 54% des ménages disposent d’un salon, contre seulement 14,7% auparavant.

    • Les nouveaux logements ont également gagné en confort. 42% d’entre eux sont équipés de salles de bain modernes (14% avant le déménagement) et les ménages sont plus nombreux à disposer de cuisinières (64,1%) et de réfrigérateurs (86 ,3%).

    • L’accès aux infrastructures et services de base s’est quasiment généralisé.

    Ces évolutions positives sont d’ailleurs corroborées par les résultats des enquêtes qualitatives menées par l’ONDH car 58% des chefs de ménage interrogés considèrent que leurs conditions de logement se sont améliorées après le déménagement. Le reste pense le contraire, sans doute en raison des changements parfois profonds induits sur le style de vie des familles concernées, surtout lorsqu’elles déménagent dans des appartements.

    2.2 Statut d’occupation du logement

    Les résultats des enquêtes de l’ONDH montrent que la part des ménages propriétaires est passée de 87% avant la résorption à 93%18 après résorption. En outre, cette amélioration du statut d’occupation est assortie d’une vraie sécurité juridique pour ces ménages, ce qui n’était pas le cas avant leur déménagement. En effet, dans leur bidonville, ces derniers avaient bien la jouissance pleine et entière de la parcelle support du logement qu’ils occupaient, mais leur statut était celui d’occupant clandestin.

    Par ailleurs, l’analyse qualitative révèle que l’acquisition du titre de propriété se dégage comme étant le principal critère de satisfaction des ménages, ce qui témoigne de l’importance accordée par ces derniers à l’accès à la propriété comme facteur d’intégration et d’ascension sociale.

    Tableau n°8 : variation des statuts d’occupation des logements

    Indicateurs Avant déménagementAprès

    déménagement Variation (%)

    Propriétaire 83,70% 92,70% 10,75%

    Copropriétaire (en association)

    3,80% 6,30% 65,79%

    Locataire 4,50% 0,10% -97,78%

    Autres 8,10% 0,80% -90,10%

    Source : Enquête sur les effets socio-économiques de résorption de bidonvilles, ONDH, 2010

    18 Il convient de préciser que les ménages attributaires ne sont propriétaires de leur nouveau bien immobilier qu’à l’issue du remboursement total des prêts contractés. A contrario, ils ne peuvent le revendre ou l’intégrer dans leur stratégie de valorisation patrimoniale.

  • 34

    2.3 Mixité sociale et relations de voisinage

    La majorité des opérations enquêtées par l’ONDH se caractérisent par une offre d’îlots de péréquation destinés à la construction de logements susceptibles d’attirer des familles disposant de revenus plus élevés. Cependant, en dépit de la présence de ces îlots, l’objectif de mixité sociale n’a pu être atteint. Il arrive en effet que les ex-bidonvillois soient stigmatisés et qu’ils se sentent rejetés par les acquéreurs privés, ce qui montre que la résorption des distances sociales ne saurait être l’apanage de la seule proximité physique. Autrement dit, au lieu de la mixité sociale attendue, c’est plutôt à une segmentation interne des quartiers d’accueil que l’on assiste.

    En fait, la mixité sociale dans les nouveaux quartiers répond à un processus progressif, ainsi que le jugent 36% des chefs de ménage interrogés. Elle serait tributaire de l’existence d’espaces mixtes19 (crèches, écoles, lycées, commerces, équipements sportifs et culturels, etc.) à même de favoriser les interactions et les rencontres entre les membres des différents groupes sociaux différents en termes de niveau de vie, de mode de vie et de références culturelles.

    Quant aux relations sociales entre ex-bidonvillois au sein des sites d’accueil, les résultats des enquêtes révèlent que dans l’ensemble, des relations de bon voisinage finissent par s’instaurer, allant pour 25% des chefs de ménage interrogés, jusqu’à la formation d’alliances maritales. De même, la solidarité entre voisins peut être forte, surtout dans les sites d’accueil situés en périphérie urbaine.

    Néanmoins, des difficultés de cohabitation peuvent surgir, comme par exemple au sujet de l’utilisation de l’espace collectif des logements ou de la gestion de la copropriété, problématique d’autant plus aigüe lorsqu’elle concerne des familles à faible revenu.

    2.4 Intégration urbaine

    La facilité d’accès aux infrastructures de base, aux équipements socio-collectifs et à des réseaux de transport reliant les sites d’accueil aux aménités urbaines détermine dans une très large mesure le niveau d’intégration des populations recasées ou relogées.

    Cependant, d’après les enquêtes conduites par l’ONDH, ces populations pâtissent du déficit d’intégration urbaine de leurs nouveaux quartiers en dépit des dispositifs juridiques qui régissent les secteurs de l’habitat et de l’urbanisme dans notre pays.

    2.4.1 Accès aux infrastructures de base et aux équipements socio-collectifs

    En matière de raccordement aux réseaux d’infrastructures de base, les résultats obtenus sont indéniables, surtout pour les ménages attributaires qui occupaient les bidonvilles auparavant (tableau n°9).

    19