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ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS On peut se procurer ce numéro de la Revue juridique Thémis à l’adresse suivante : Les Éditions Thémis Faculté de droit, Université de Montréal C.P. 6128, Succ. Centre-Ville Montréal, Québec H3C 3J7 Téléphone : (514)343-6627 Télécopieur : (514)343-6779 Courriel : [email protected] © Éditions Thémis inc. Toute reproduction ou distribution interdite disponible à : www.themis.umontreal.ca

New ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS · 2010. 4. 7. · théorie des sources des obligations. Beaucoup ont écrit sur la classi-fication des sources des obligations. En fait,

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  • ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS

    On peut se procurer ce numéro de la Revue juridique Thémis à l’adresse suivante :Les Éditions ThémisFaculté de droit, Université de MontréalC.P. 6128, Succ. Centre-VilleMontréal, QuébecH3C 3J7

    Téléphone : (514)343-6627Télécopieur : (514)343-6779Courriel : [email protected]

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  • Chroniques sectorielles

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  • p remier chiff re romain indique le numé-ro du livre, le second celui du titre et let ro i s i è m e – s’il y a lieu – celui de l’article).

    2 Voir, sur ces différentes classifications :Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre - G a b r i e lJOBIN, Les obligations, 5e éd., Cowans-ville, Éditions Yvon Blais, 1998, no 2 5 ,p. 23; Didier LLUELLES, avec la collabo-ration de Benoît MOORE, D roit québé-cois des obligations, vol. 1, Montréal,Éditions Thémis, 1998, no 75, p. 35.Pour un aspect plus historique : Jean-Louis GAZZANIGA, I n t roduction histo-rique au droit des obligations, Paris,P.U.F., 1992, p. 23.

    et dont la paternité n’est pas con-nue, s’impose encore aujourd ’ h u i .Parce que cette notion vise à englo-ber l’ensemble des prestations éco-nomiques liant des personnes, il estn é c e s s a i re de tenter d’asseoir lesdiverses représentations concrètesde ce concept. Pour cette raison, lesauteurs ont continuellement pro c é-dé à diverses classifications deso b l i g a t i o n s : par leur objet, leure ffet, leur intensité, mais surtoutleur source2.

    Cette dern i è re classification, objetdu présent article, est fig u re de con-traste. Elle existe déjà dans les I n s t i-t u t e s de Gaïus, puis de Justinien.Elle est aussi commentée par lesauteurs de droit ancien et est une

    Si le c o r p u s du droit civil com-porte plusieurs notions fondatriceset abstraites – c’est là même un deses signes distinctifs –, la notiond’obligation est certainement l’unede celles-ci. Ce concept existe de-puis le droit romain et il est clas-sique de remonter à celui-ci afin dele défin i r. C’est en effet la descrip-tion faite dans les I n s t i t u t e s d eJustinien qui sert, encore aujour-d’hui, de présentation initiatique àcette notion : « L’obligation est unlien de droit qui nous impose lanécessité de payer quelque chose,c o n f o rmément aux droits établisdans notre patrie. »1 L’esprit de cetexte, absent des I n s t i t u t e s de Gaïus

    Droit civil

    La classification des sources des obligations :courte histoire d’une valse-hésitation*

    Benoît MOOREAvocat, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal

    * Ce premier texte, qui traite de l’histoirede la classification des sources desobligations, sera suivi d’un second qui,lui, portera un regard plus critique surcette même classification. L’auteur tientà re m e rcier le juge Jean-Louis Baudouin,les professeurs France Houle, DidierLluelles, Ghislain Massé et AdrianPopovici ainsi que Me Marie-AnnikG r é g o i re pour avoir bien voulu lire etcommenter une version antérieure de cetexte.

    1 Les Institutes de l’empereur Justinien,trad. par M. HULOT, Paris, Rondon-neau, 1806, III. XIV. (Lorsque nous référons aux Institutes de Justinien, le

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    3 Henri MAZEAUD, « Essai de classific a-tion des obligations », Rev. trim. dr. civ.1936.1, 3.

    4 Henri LEVY-BRUHL, Aspects sociolo-giques du dro i t, Paris, Librairie Marc e lRivière et Cie, 1955, p. 7.

    5 H. MAZEAUD, loc. cit., note 3, 3.6 La structure en question est re l a t i v e-

    ment classique : l’acte illicite, les autress o u rces et le contrat : Nouveau Code civilnéerlandais – Le droit patrimonial, trad.

    des rares classifications à se re t ro u-ver dans la plupart des codes allantjusqu’à structurer ceux-ci. Elle estdonc centrale3, classique et an-cienne. Par ailleurs, la classific a t i o ndes sources a fait l’objet d’un nom-bre inégalé de propositions distinc-tes qui n’ont jamais cessé de rece-v o i r, de la part de la doctrine, descritiques, parfois sévères. Ainsi,Lévy-Bruhl écrivait, à propos decelle-ci, qu’elle était « une des plusfaibles parties du droit privé »4.Même Henri Mazeaud, après avoirreconnu que cette classification oc-cupait une place centrale dans lesc l a s s i fications des obligations, estd’avis qu’elle est en réalité fausse eti n u t i l e5. Aussi fondamentale soit-elle, la classification des sourc e sdes obligations est donc instable etcontestée.

    Mais, malgré ces critiques, laclassification des sources des obli-gations continue à régner et à servirde structure, sous quelque form eque ce soit, tant aux livres, aux en-seignements qu’aux législations enla matière. Ainsi, le nouveau C o d ec i v i l hollandais, bien que ne com-portant pas de disposition édictantune classification des sourc e s ,s t r u c t u re son livre 6 portant sur lesobligations, à partir d’une tellec l a s s i f i c a t i o n6. Le nouveau C o d e

    par Peter P.C. HAANAPEL et EjanM A C K A AY, Boston, Kluwer, 1990. Cecode contient par ailleurs un article( 6 :1) qui précise que « [l]es obligationsne peuvent naître que si cela résulte dela loi ».

    7 C’est d’ailleurs la seule classific a t i o n– avec celle de l’objet de l’obligation auxarticles 1373 C.c.Q., 1058 C.c.B.C. et1126 C.c.fr. – qui se retrouve codifiée.

    8 Benoît MOORE, « De l’acte et du faitjuridique ou d’un critère de distinctionincertain », (1997) 31 R.J.T. 277, 284.

    civil du Québec, à l’instar du C o d ecivil du Bas Canada, adopte unec l a s s i fication des sourc e s7 à l’article1372 C.c.Q., mais sous une nou-velle forme que nous avons, dansune étude antérieure, qualifiée de« facture fort imparfaite »8.

    Si ce jugement de valeur est pard é finition subjectif, et donc discuta-ble, le changement de style qu’opèrel’article 1372 C.c.Q. est, quant à lui,manifeste. De la classification pen-tagonale de l’ancien code, l’article1372 C.c.Q. consacre une divisionbinaire entre le contrat, d’une part,et « tout acte ou fait auquel la loiattache d’autorité les effets d’uneo b l i g a t i o n », d’autre part. Si cettenouvelle phraséologie ne constituepas une révolution, particulière-ment en rapport avec les classifica-tions modernes (planolienne entrele contrat et la loi ou encore alle-mande entre l’acte juridique et lefait juridique), il reste néanmoinsi n t é ressant de réfléchir sur sa signi-fication réelle. Pour ce faire, nousnous proposons de retracer l’histo-rique législatif et doctrinal de cettec l a s s i fication afin de contextualisercelle retenue dans le nouveau Codeet préparer le terrain à une étudeu l t é r i e u re qui visera à poser les

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    9 Paul OURLIAC et Jehan DE MALAFOS-SE, D roit romain et ancien dro i t, t. 1,Paris, P.U.F., 1957, p. 1; André EdmondVictor GIFFARD, Précis de droit romain,vol. 2, Paris, Dalloz, 1951, no 3, p. 5.

    10 H. MAZEAUD, loc. cit., note 3, 7; A.E.V.GIFFARD, op. cit., note 9, p. 5.

    p remiers jalons d’une nouvellethéorie des sources des obligations.

    Beaucoup ont écrit sur la classi-fication des sources des obligations.En fait, il est plus que classiqued ’ a b o rder une étude du droit desobligations par la présentation deses sources, c’est-à-dire « le fait quien donne naissance ». Par consé-quent, la présente étude ne vise pasl’exhaustivité tant les diff é re n t e sp ropositions sont nombreuses. Ils’agit plutôt pour nous de présen-t e r, chronologiquement, les essaisles plus représentatifs au cours del ’ h i s t o i re. L’étude sera divisée – defaçon purement arbitraire – en tro i sparties, présentant respectivementla période allant du droit romain àPothier (I), celle des codes françaiset du Bas-Canada (II) et enfin celledes essais contemporains (III).

    I. Du droit romain à PothierLa notion d’obligation et, a fortiori,

    sa théorisation, ne peut exister quedans un système de droit avancé,structuré, où un certain niveaud’abstraction est atteint9. Ainsi,dans le très ancien droit romain, lessituations d’où naissent les obliga-tions ne sont qu’empiriquementénumérées; on reconnaît alors uncertain nombre de délits et onprécise certains types de conven-tions (en fait de formalités) d’oùdécoulent des obligations10. Il n’y aaucun effort de théorisation ou de

    11 Elle ne viendrait d’ailleurs vraisembla-blement pas de lui. Selon le pro f e s s e u rCollinet, elle pourrait plutôt être l’œuvrede Sabinus, jurisconsulte le plus cité deGaïus. Voir, à ce sujet: Paul COLLINET,Répétitions écrites de droit romain desobligations, Paris, Cours de droit, 1933-34, p. 19; Raymond MONIER, Manuel ded roit ro m a i n – Les obligations, 5e é d . ,Paris, Domat, 1954, no 23, p. 31; Ern e s tDésiré GLASSON, Étude sur Gaïus,Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel,1885, p. 211.

    12 Gaïus a vécu vers le IIe siècle après J.-C. sous le règne d’Hadrien. Il « était unsavant, sans doute plutôt un professeurqu’un jurisconsulte. Il n’avait pas le iusrespondendi puisqu’on ne nous rapporteaucune de ses sentences» (Institutes deGaïus, texte établi par Julien REINACH,Paris, Les belles lettres, 1950, p. VI) [leius re s p o n d e n d i a été institué parl ’ e m p e reur Auguste qui voulait donnerplus d’autorité à la jurisprudence, i . e.aux écrits des jurisconsultes. Il avaitalors dressé une liste de jurisconsultesauxquels l’empereur donnait ce i u sre s p o n d e n d i. Quoique ne liant pasjuridiquement le magistrat, «le privilègedu ius re s p o n d e n d i a mis le juriste envedette et ses responsae jouissent d’unegrande autorité de fait » (Jean GAUDE-M E T, Institutions de l’antiquité, Paris,Sirey, no 443, p. 602). Puis, l’empereurHadrien modifie les règles en prévoyantdorénavant que les écrits des juris-consultes possédant le ius respondendis e ront contraignants lorsque concor-dants (J. GAUDEMET, no 443, p. 602)].L’opinion selon laquelle Gaïus n’ait paseu le ius re s p o n d e n d i est toutefoiscontestée. Vo i r, sur cette contro v e r s e :E.D. GLASSON, op. cit., note 11, p. 120

    généralisation; on se situe encoreau stade de l’induction.

    La pre m i è re classification eff e c-tuée, dont plusieurs versions noussont connues, est attribuée àG a ï u s1 1. La version initiale de celle-ci, la seule qui nous soit dire c t e-ment parvenue, se re t rouve dansles Institutes de ce jurisconsulte12 :

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    et suiv. (cet auteur est également d’avisque Gaïus n’a pas obtenu le i u sre s p o n d e n d i, puisqu’il semble qu’il aitété inconnu de son vivant (p. 122)). LesI n s t i t u t e s de Gaïus nous sont connuesa u j o u rd’hui de source directe, puis-qu’une copie a été découverte à Véroneen 1816. Ce manuscrit, palimpseste –sous les épîtres de St-Jérôme–, dateraitdu Ve siècle environ. Voir à propos de cem a n u s c r i t : E.D. GLASSON, op. cit., note11, p. 165 et suiv.

    13 Institutes de Gaïus, op. cit., note 12, III.88. (Lorsque nous référons aux I n s t i t u-tes de Gaïus, le chiffre romain réfère aun u m é ro du commentaire et le chiff rearabe réfère à celui de l’article).

    14 H. MAZEAUD, loc. cit., note 3, 7. 15 Le D i g e s t e de Justinien – connu égale-

    ment sous le nom de Pandectes – faitpartie, avec le Code, les Novelles et lesI n s t i t u t e s, du Corpus iuris civilis e ff e c t u ésous le règne de Justinien (527-565). Ilconstitue une compilation d’écrits dejurisconsultes, dont Gaïus. À propos duD i g e s t e, voir : J. GAUDEMET, op. cit.,note 12, no 597 et suiv. et p. 757 et suiv.

    « Passons maintenant aux obliga-tions. Elles comportent une divisionfondamentale en deux espèces :toute obligation en effet naît d’uncontrat ou d’un délit »1 3. Comme onl’a fait re m a rq u e r, cette pre m i è retentative procède plus d’une simpleconstatation empirique que d’uneprésentation structurée et raison-née des sources des obligations14.

    Une deuxième version de la clas-sification, toujours attribuée àGaïus, se re t rouve dans le D i g e s t ede Justinien1 5. Elle serait issue,selon la référence donnée au D i-g e s t e, d’un autre ouvrage de Gaïus :les Res cottidianae. Cet ouvragenous est connu exclusivement parles 26 fragments figurant dans leD i g e s t e de Justinien, dont celuic o n c e rnant les sources. Il sembleavoir été l’écrit pratique de Gaïus et

    16 J. GAUDEMET, op. cit., note 12, p. 743.Nous connaissons fort peu de chosessur cet ouvrage – le nom et l’orthographevarient d’ailleurs selon les auteurs; nousavons retenu ceux de Gaudemet (ced e rnier réfère également au titre A u-re a) – si ce n’est qu’il a joui d’une granderenommé et qu’il fut une source impor-tante du D i g e s t e de Justinien : E.D.GLASSON, op. cit., note 11, p. 201 et202.

    17 D i g e s t e, XLIV. VII, pr. (Lorsque nousr é f é rons au D i g e s t e de Justinien, lep remier chiff re romain réfère au numérodu livre, le second à celui du titre et letroisième à celui de l’article.) Nous réfé-rons à l’édition suivante : Les cinquantel i v res du digeste ou des pandectes del ’ e m p e reur Justinien, traduction de M.HULOT, Paris, Rondonneau, 1803.

    18 H. MAZEAUD, loc. cit., note 3, 9; GabrielLEPOINTE, Les obligations en droit ro-main et dans l’ancien droit français,Paris, Sirey, 1954, p. 120.

    19 G. LEPOINTE, op. cit., note 18, p. 120; P.OURLIAC et J. DE MALAFOSSE, op. cit.,note 9, p. 8; Henri, Léon et Jean

    paraît être « une élaboration nou-velle [de ses] Institutes »1 6. Cettedeuxième version de la classifica-tion contient un ajout à la pre m i è re ,soit celle des variae causarum : « L e sobligations naissent des contrats oudes délits ou de quelqu’autre scauses particulières »17.

    Cette version, qui semble tou-jours plutôt relever d’une constata-tion empirique que d’un réel eff o r tde classification de la part du logi-c i e n1 8, est d’origine douteuse. Puis-que sa connaissance et sa filiationavec Gaïus ne nous sont connuesque par l’interm é d i a i re du D i g e s t ede Justinien, il est permis de penserqu’il s’agit là d’un texte interpolépar les compilateurs afin d’assurerune meilleure cohérence avec led roit de l’époque1 9. Il reste néan-moins que Gaïus lui-même, dans

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    MAZEAUD, Leçons de droit civil, t. 2, vol.1, « Obligations – Théorie générale », 8e

    éd., par François CHABAS, Paris,M o n t c h restien, 1991, no 46, p. 45. Àp ropos des interpolations présentesdans le D i g e s t e de Justinien, voir : J.G A U D E M E T, op. cit., note 12. Cesinterpolations viennent en partie du faitque « les commissaires devaient égale-ment faire cesser les contradictions,corriger les textes, éliminer les solutionsdésuètes » (p. 759). Il faut, par ailleurs,s p é c i fier que si le travail donné auxcommissaires était en lui-même sourcepossible d’interpolations, celles-ci nesont pas toutes dues à leur travail. Lescommentateurs – glossateurs et autre s –du D i g e s t e ont pu également en être lacause.

    20 Institutes de Gaïus, op. cit., note 12,III.91; P. OURLIAC et J. DE MALA-FOSSE, op. cit., note 9, p. 8.

    21 Nooman GOMAA, Théorie des sourc e sdes obligations, Paris, L.G.D.J., 1968 p.183; Henri VIZIOZ, La notion de quasi-c o n t r a t – Étude historique et critique,thèse, Bordeaux, 1912, p. 43; AndréEdmond Victor GIFFARD et RobertVILLIERS, D roit romain et ancien dro i tfrançais – Les obligations, Paris, Dalloz,1958, no 29, p. 27. Cette constatationdu caractère non exhaustif de laclassification binaire vient peut-être dufait que Gaïus désirait donner au termecontrat une signification plus restreinte– comparable à celle que l’on connaîta u j o u rd ’ h u i – que celle qu’elle avait àl’époque et qui incluait en quelque sortetoutes les obligations licites (incluant lagestion d’aff a i re et l’enrichissementinjustifié).

    ses I n s t i t u t e s , semble admettre ,lorsqu’il discute de la répétition del’indu20, le caractère non exhaustifde sa classification binaire initialeet préfigure ainsi déjà une classifi-cation tripartite21.

    Une troisième classification seretrouve dans les Institutes de Jus-tinien et contient quatre sourc e sd i s t i n c t e s : « La seconde divisiondes obligations a quatre membres;

    22 Les Institutes de l’empereur Justinien,op. cit., note 1, III. XIV. pr. Les Institutesde Justinien constituent un manueld’enseignement et sont fortement inspi-rées des I n s t i t u t e s de Gaïus. Elles ontété préparées en même temps que leDigeste, raison des nombreuses simila -rités entre les deux textes. Vo i r : J.GAUDEMET, op. cit., note 12, p. 767.

    23 Voir entre autre s : N. GOMAA, op. cit.,note 21, p. 182.

    24 P. OURLIAC et J. DE MALAFOSSE, o p .cit., note 9, p. 8; G. LEPOINTE, op. cit.,note 18, p. 120, qui constatent qu’enréalité cette « t ro i s i è m e » version cons-titue un certain retour vers la classi-fication initiale de Gaïus (contrat/délit).

    25 Les Institutes de l’empereur Justinien,op. cit., note 1, III. XXVIII; voir : H.VIZIOZ, op. cit., note 21, p. 2; Jean-Philippe MOLITOR, Les obligations end roit ro m a i n, t. 1, Gand, Hebbelynck,1851, p. 7 et 8.

    car les obligations descendent descontrats ou des quasi-contrats, desdélits ou des quasi-délits »22. Cetteclassification, que certains attri-buent encore une fois à Gaïus2 3,semble plutôt constituer une inter-polation et venir des commissairese u x - m ê m e s2 4. Certes Gaïus, nousl’avons vu, soulevait lui-mêmel’incomplétude de sa classific a t i o ninitiale lors de l’étude de la répéti-tion de l’indu, mais, ne référant pasmême à une catégorie résiduaire, ilsemble a fortiori ne pas avoir eurecours aux expressions « q u a s i -contrat » et « quasi-délit ».

    Nous trouvons dans la notion dequasi-contrat des I n s t i t u t e s de Jus-tinien, la gestion d’aff a i re, le paie-ment de l’indu, l’obligation du léga-taire, la tutelle ainsi que les obliga-tions du copropriétaire indivis (parexemple dans le cas d’un bien reçupar succession)2 5. Bien que, commele fera ultérieurement re m a rquer la

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    26 Ce que laisse d’ailleurs penser le textemême des Institutes de Gaïus, relatif aupaiement de l’indu (III.91). Vo i r : P.OURLIAC et J. DE MALAFOSSE, op. cit.,note 9, p. 6 et 7.

    27 H. VIZIOZ, op. cit., note 21, p. 126 etsuiv. L’auteur spécifie même, à la page137, que les bartolistes (école fondée parB a r t o l e – 1314-1357) seront les plusgrands défenseurs de la notion de quasi-contrat.

    28 J.-L. GAZZANIGA, op. cit., note 2, p. 27(cet auteur cite entre autres La Sommerurale de Bouteiller et le G r a n dCoutumier de France). Cette classific a-tion se trouve au Livre II, chapitre X duGrand Coutumier de France :« Obligation procède par quatre maniè-res: par contract, ou ainsi comme con-tract, par maléfice ou ainsi commem a l é fic e ». Cet ouvrage est attribué àJacques D’Albeiges et date de la fin duX I Ve siècle. Sur cet ouvrage, voir : OlivierM A RTIN, H i s t o i re de la coutume de laprévôté de Paris, t. 1, Paris, Lero u x ,1922, p. 90 et suiv. Plus précisément,sur la classification des sources yfigurant et empruntée à Justinien, voir,dans le même ouvrage : t. 2, p. 533 etsuiv. Toujours à propos du G r a n dcoutumier, voir: H. VIZIOZ, op. cit., note21, p. 197. Sur l’histoire des sources desobligations dans l’ancien droit français,voir : G. LEPOINTE, op. cit., note 18, p.458 et suiv. et, tout particulièrement, p.475 sur les XIVe et XVe siècles (où l’onre p roduit la classification quadripartite)et p. 485 sur la coutume de Paris (qui necontient pas réellement de théoriegénérale des obligations).

    doctrine, les catégories de quasi-contrat et de quasi-délit devraientt rouver leur justification dans leursrégimes plutôt que dans leurss o u rc e s2 6, cette insertion de Jus-tinien, dans la classification dess o u rces, est reprise et réaff i rm é etant par les glossateurs que lesbartolistes27 et se maintiendra jus-qu’au XVIIe s i è c l e2 8, époque oùDomat abandonne cette classific a-tion quadripartite.

    29 N. GOMAA, op. cit., note 21, p. 184.30 Jean DOMAT, Traité des lois, dans

    Œ u v res complètes, vol. 1, Paris, Alex-Gobelet Librairie, 1835, p. 8. Le Tr a i t édes lois de Domat précède Les lois civilesdans leur ord re nature l et en constitue,en quelque sorte, une préface : PaulNOURISSON, Un ami de Pascal : JeanDomat, Paris, Sirey, 1939, p. 32.

    31 J. DOMAT, op. cit., note 30, p. 12.32 Id., p. 13. La loi seule semble apparaître

    ici comme une source d’engagement.Cette mention, absente de la classifica-tion quadripartite, est relativement no-vatrice, quoique Grotius l’aurait évoquée(M. MONIER, Cours de pandectes 1948-1 9 4 9 : Histoire de la notion d’obligationet de la classification des obligationsd’après leurs sourc e s, Paris, Cours dedroit, 1948-1949, p. 58). On peut égale-ment re t rouver au D i g e s t e, un écrit deModestin qui prévoyait déjà cette sour-c e : « Nous sommes obligés ou par lachose ou par les paroles, ou par tous lesdeux en même temps, ou par le consen-tement, ou par la loi, ou par le dro i tprétorien, ou par la nécessité ou par undélit» (Les cinquante livres du digeste oudes pandectes de l’empereur Justinien,op. cit., note 17, XLIV.VII.52). Selon

    Après avoir postulé que tous lesengagements trouvent leurs fonde-ments « dans la volonté de Dieu,l ’ o rd re divin, l’amour mutuel »2 9,Domat pose les deux grands typesd’engagements ainsi créés : celui« que fait le mariage entre le mariet la femme »30 et ceux qui, rendusn é c e s s a i res par les besoins deshommes, « a p p rochent et lient diff é-remment toutes sortes de person-n e s »3 1. Domat divise ensuite cesecond type d’engagements en en-gagements volontaires ou involon-t a i res « [ c ] a r, comme l’homme estl i b re, il y a des engagements où ile n t re par sa volonté; et comme il estdépendant de l’ordre divin, il y en aoù Dieu le met sans son pro p rechoix […] »32.

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    plusieurs auteurs, le juriste allemandHeineccius semble également avoirsoulevé cette hypothèse dès 1741. Voir :M. MONIER, Cours de droit romain 1948-1 9 4 9, Paris, Cours de droit, 1949, p. 31;M a rcel PLANIOL, « C l a s s i fication dessources des obligations », Rev. Crit. Lég.et jur. 1904.224, 224 et 225; J.-L.GAZZANIGA, op. cit., note 2, p. 27.

    33 J. DOMAT, op. cit., note 30, p. 13. Voir,pour une présentation de la classific a-tion de Domat : André-Jean ARNAUD,Les origines doctrinales du Code civilf r a n ç a i s, Paris, L.G.D.J., 1969, p. 142 etsuiv.

    34 Id., p. 13. Il nomme également les obli-gations provenant de l’acceptation d’au-t res charges ainsi que celles pro v e n a n td’un naufrage.

    Dans les engagements volontai-res, il distingue encore les engage-ments mutuels – en l’occurrence lesc o n v e n t i o n s – des engagementsunilatéraux dans lesquels il placel’obligation du gérant de l’aff a i red’autrui et l’obligation de l’héritierenvers les créanciers de la succes-s i o n3 3. Dans les engagements invo-l o n t a i res, on re t rouve, entre autre s ,la tutelle et l’obligation du géré dansla gestion d’affaire34. Domat s’éloi-gne donc de la classification quadri-partite justinienne : les obligationsdu gérant et du géré ont dess o u rces distinctes – volonté dansun cas, loi dans l’autre – et lat u t e l l e – quasi-contrat chez Justi-nien – provient ici de la loi seule.

    Dans son ouvrage intitulé Les loisciviles dans leur ord re nature l,Domat reprend cette classification.Cependant, plutôt que d’opposer less o u rces volontaires aux sourc e sinvolontaires, il oppose les engage-ments volontaires et mutuels – l e sc o n v e n t i o n s –, aux engagementsqui se forment sans conventiondans lequel il inclut tant les « enga-

    35 Jean DOMAT, Les lois civiles dans leuro rd re nature l, dans Œ u v res complètes,op. cit., note 30, p. 400. Domat, aprèsavoir présenté ce principe, énumère lesengagements qui se forment tant parune seule volonté que sans volontéaucune. S’y retrouvent, entre autres, lagestion d’aff a i re, la tutelle et le casfortuit.

    36 Pothier aurait emprunté cette classific a-tion à Heineccius, mais c’est lui qui l’aréellement fait pénétrer dans le discoursjuridique français : M. PLANIOL, loc. cit.,note 32, 225. Par la suite, Pothier utiliseun plan binaire où il présente dans unep re m i è re section les règles concernant lecontrat puis, dans une seconde section,celles concernant les autres causes desobligations (qui re g roupent les quasi-contrats, les délits et quasi-délits et laloi). Cette structure, informelle, serae x p ressément reprise dans le C o d eNapoléon.

    37 Robert Joseph POTHIER, Traité deso b l i g a t i o n s, dans Jean Joseph BUGNET,

    gements qui se forment par la vo-lonté d’un seul [que ceux] que Dieufait naître indépendamment de lavolonté de l’un et de l’autre »3 5.Domat classe donc les engagementsissus d’une volonté seule avec ceuxp rovenant de la loi; il isole ainsi lecontrat plutôt que la volonté etp r é f i g u re la superstructure del’article 1370 C.c.fr. : « convention/sans convention ».

    Pothier va, quant à lui, s’inspirerde la classification quadripartite desInstitutes de Justinien ainsi que duconstat fait par Domat que la loiseule peut former des obligations,afin de pro p o s e r, dans son Tr a i t édes obligations publié en 1761, unec l a s s i fication pentagonale3 6 : « L e scauses des obligations sont les con-trats, les quasi-contrats, les délits,les quasi-délits; quelquefois la loi oul’équité seule. »3 7 Après avoir poséles règles concernant le contrat,

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    O e u v res de Pothier, vol. 2, Paris, Cosseet Marchal, 1861, p. 3.

    38 Id., p. 56. 39 Id.40 Id., p. 57. 41 Id., p. 59. 42 Id.

    Pothier présente le quasi-contratqu’il définit comme « le fait d’unepersonne permis par la loi, quil’oblige envers une autre, ou obligeune personne envers elle, sans qu’ilintervienne aucune convention en-t re elles »3 8. Il inclut alors dans cettecatégorie, l’obligation de l’héritier depayer les legs au légataire, larépétition de l’indu ainsi que lagestion d’aff a i re – dont, contraire-ment à Domat, il fait découlertoutes les obligations d’un quasi-contrat. Il précise ensuite qu’« [i]l ya quantité d’autres exemples dequasi-contrats, que nous passonssous silence »39. Cette source, pourP o t h i e r, est le produit de la loi seuleou de l’équité naturelle et porte lenom de quasi-contrats, du fait deleur similarité avec ceux-ci dans leseffets qu’ils créent40.

    Après avoir présenté les délits etles quasi-délits, Pothier discute dela loi comme source d’obligations. Ilécrit alors que « [l]a loi naturelle estla cause au moins médiate detoutes les obligations : car si lescontrats, délits ou quasi-délits pro-duisent des obligations, c’est primi-tivement, parce que la loi naturelleordonne que chacun tienne ce qu’ila promis, et qu’il répare le tort qu’ila commis par sa faute »41. Mais, ilajoute qu’« [i]l y a des obligationsqui ont pour seule et unique causeimmédiate, la loi »4 2 telle, parm id ’ a u t res, l’obligation alimentaire .Quoiqu’il l’ait présentée comme

    43 À propos de ces trois projets, voir : PierreAntoine FENET, Recueil complet destravaux préparatoires du Code civil, t. 1,Paris, 1827-1837, (pour les textes de cesp rojets); Emmanuel GOUNOT, Le prin-cipe de l’autonomie de la volonté en droitprivé, contribution à l’étude critique del’individualisme juridique, Paris, ArthurRousseau, 1912, p. 67 et suiv.

    cause d’obligations, Pothier nerevient pas sur l’équité, autrementque pour joindre, sporadiquement,ce terme à celui de la loi.

    Cette classification pentagonaleest familière à tout juriste puis-qu’elle préfigure, avec celle deDomat, la classification qui seraretenue dans les codes de 1804 et1866.

    II. Des classifications codifiéesAvant d’obtenir le texte du code

    adopté en 1804, Cambacérès pré-sente trois projets qui sont tous,pour des raisons diverses, re j e t é s .Le premier de ces projets prévoitque les obligations découlent soitdu contrat, soit de faits qui obligentsans convention par la seule équité(par exemple la gestion d’aff a i re ) ,soit de la loi seule sans fait direct del’obligé (par exemple la re s p o n s a-bilité du père pour le fait de sonenfant). Dans les deux autre sprojets, il est prévu que les causesdes obligations sont le contrat et lal o i4 3. Il y a donc disparition desquasi-contrats en tant que catégoriedistincte et absorption de ceux-cidans la loi.

    Ces projets, non retenus, influ e n-cent peu le Code Napoléon d a n slequel on oppose les obligationsf o rmées par une convention à cellesf o rmées sans convention, re p re n a n tainsi la classification de Domat.

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    44 La formulation de l’article 1370 serafortement critiquée, puisqu’on y lit qu’ilpeut y avoir des obligations form é e ssans qu’il y ait de convention, « ni de lapart de celui qui s’oblige, ni de la part decelui envers lequel il est obligé ». Or,comme on l’a fait remarquer, il ne peutpas y avoir de convention en présenced’une seule personne : Victor NapoléonMARCADÉ, Explication théorique etpratique du Code civil, t. 5, 7e éd., Paris,Delamotte et fils, 1873, p. 247.

    Puis, le Code Napoléon, à l’article1370, prévoit deux types d’obliga-tions nées sans convention44. Il y ad ’ a b o rd les obligations naissant « d el’autorité seule de la loi », dont cellese n t re pro p r i é t a i res voisins ou cellesdes tuteurs ou autres adminis-trateurs, puis les engagements quip roviennent d’un fait personnel àcelui qui se trouve obligé. Dans cesd e rniers se re t rouvent les sourc e sdélictuelles, quasi-délictuelles etquasi-contractuelles, compre n a n tla gestion d’aff a i re et le paiement del’indu. Cette classification tire clai-rement son inspiration tant de lac l a s s i fication de Domat que de cellede Pothier.

    Le rapprochement avec Pothierest majeur puisque le Code consa-c re les cinq catégories ainsi que laliste de quasi-contrats nommés decet auteur – sans par ailleursre p re n d re expressément la mentiondu caractère non limitatif de la liste.À Domat le code emprunte las u p e r s t r u c t u re « c o n v e n t i o n / s a n sconvention ».

    Mais la classification re t e n u econstitue tout de même un eff o r tnovateur par rapport aux pro p o-sitions antérieures. Le code françaiss’éloigne de la classification dePothier de trois façons : 1) en divi-

    45 Pothier réfère à l’obligation alimentairedes enfants à l’égard de leurs père etm è re; à l’obligation de la femme derestituer la somme qu’elle a empruntéesans l’autorité de son mari, lorsque cettesomme a tourné à son profit et l’obliga-tion d’un propriétaire « de vendre à sonvoisin la communauté de son mur quis é p a re les deux maisons, lorsque cevoisin veut bâtir contre […] » : R.J.POTHIER, op. cit., note 37, p. 59 et 60.L’article 1370 C.N., quant à lui, cite lesobligations entre pro p r i é t a i res voisins etcelles « des tuteurs et autres adminis-trateurs ne pouvant refuser la fonctionqui leur est déférée ».

    46 Ce que certains re g rettent. Vo i r, à cep ro p o s : N. GOMAA, op. cit., note 21,p. 189 (référant à Toullier).

    sant les obligations en deuxgroupes, isolant ainsi le contrat detoutes les autres sources; 2) ensupprimant la mention de l’équitéseule; 3) en ne re p renant pas lesmêmes exemples afin d’illustrer lesobligations découlant de la lois e u l e4 5. De Domat, le code s’éloi-g n e : 1) en re p renant les vocables,abandonnés par lui, de quasi-contrat et de quasi-délit; 2) en nere p renant pas la mention des casf o r t u i t s4 6; 3) en traitant toutes lesobligations issues de la gestiond’affaire comme étant volontaires –ou quasi-contractuelles.

    La classification codifiée s’éloigneégalement du droit romain enrajoutant la loi aux quatre sourcesreconnues par celui-ci, mais sur-tout en limitant les quasi-contratsnommés à la gestion d’aff a i re et à larépétition de l’indu. Ainsi, la tu-t e l l e – expre s s é m e n t –, et de façonimplicite, les obligations du léga-t a i re et du copro p r i é t a i re indivis,qui étaient des quasi-contrats en

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    47 P.A. FENET, op. cit., note 43, t. XIII, p.469.

    48 Ces critiques ont toujours eu cours. Vo i ra u j o u rd ’ h u i : N. GOMAA, op. cit., note21, p. 186; Christian LARROUMET,D roit civil, t. 3, Les obligations – Lecontrat, 4e éd., Paris, Économica, 1998,no 45 et suiv., p. 38 et suiv.

    d roit romain, sont désormais consi-dérées comme des obligations dé-coulant de la loi seule. En fait, cettemarginalisation des quasi-contratsétait inévitable en ce que l’appari-tion d’une cinquième source d’obli-gation, constituée de la loi seule,rendait nécessaire l’adoption d’uncritère discriminant entre ces deuxcatégories maintenant concurre n-tes. Une possible explication quantà la logique alors soutenue sere t rouve dans un rapport fait autribunat le 16 février 1804, par M.Bertrand-de-Greville :

    Les lois romaines reconnaissaientles quasi-contrats, et elles avaientplacé dans cette classe tous lesengagements qui n’étaient ni lep roduit d’une convention ni lerésultat d’un délit. Elles n’avaientpoint distingué ceux qui prennentleur source dans la libre volontéde l’homme d’avec ceux qui ap-partiennent plus particulière m e n tà la volonté de la loi.47

    On pense ainsi trouver la solutiondans la volonté. L’article 1371 C.N.qui définit le quasi-contrat commeun fait purement volontaire, nousl’indique d’ailleurs clairement. Orcela est fort critiquable4 8. Où est, eneffet, la volonté dans l’obligation derestituer l’indu, sachant que lepaiement est fait par erreur, préci-sément dans l’intention d’éteindreune obligation et non de la créer, etque la personne obligée est celle qui

    49 Pour Gaïus, voir : Institutes de Gaïus,op. cit., note 12, III. 91: «Mais cette es-pèce d’obligation ne semble pas com-porter de lien contractuel, car celui quidonne avec l’idée de s’acquitter désireplutôt dénouer une aff a i re que la nouer »(c’était d’ailleurs un aveu d’incomplé-tude de sa classification entre le délit etle contrat, et la préfiguration de la clas-s i fication postérieure). Pour Justinien,v o i r : Les Institutes de l’empere u rJ u s t i n i e n, op. cit., note 1, III. XXVII. 6 :« Il est même tellement certain qu’il n’estpas obligé en vertu d’un véritablecontrat; que si on s’arrête aux principes,il est plutôt obligé, comme nous l’avonsdit ci-dessus, en vertu d’un dégagementqu’en vertu d’un engagement. Car celuiqui donne de l’argent, paroît [sic] plutôtvouloir se dégager que s’engager. »

    50 J. DOMAT, op. cit., note 30, p. 13.51 R.J. POTHIER, op. cit., note 37, p. 56 :

    « On appelle quasi-contrat, le fait d’unepersonne permis par la loi, qui l’obligeenvers une autre, ou oblige une autrepersonne envers elle, sans qu’il inter-vienne aucune convention entre elles. »

    a reçu ce paiement et qui, par con-séquent, ne participe que passive-ment à la création de l’obligation.Justinien, et même Gaïus, avaientbien compris le caractère nonv o l o n t a i re de cette obligation4 9.Domat, quant à lui, avait perçu lamême difficulté quant à la gestiond ’ a ff a i re, faisant de l’obligation dugérant une obligation volontaire etcelle du géré, une obligation léga-l e5 0. Même Pothier ne définissaitpas le quasi-contrat comme un faitp u rement volontaire, mais simple-ment comme un fait de l’homme51.

    Finalement, l’erreur se situe peut-ê t re là. En créant une nouvellecatégorie d’obligations, on se devaitde re n d re homogène la catégoriedes quasi-contrats du droit ro m a i n .O r, ce type d’obligation se rappro-chait du contrat non pas par ses

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    52 Cette distinction se re t rouve chezcertains auteurs. Marcadé écrivait :« Par engagements formés volontaire-ment ou involontairement, la loin’entend pas ici des obligations forméesavec ou sans la volonté de s’obliger, maisseulement des obligations provenant oune provenant pas d’un fait volontaire ,des obligations nées du fait de l’hommeou sans le fait de l’homme » : V. N .MARCADÉ, op. cit., note 44, p. 248. Plusc l a i rement, Mignault écrivait : « L e sobligations qui résultent [de l’opérationseule et directe] de la loi sont celles quidérivent d’un événement ou d’unec i rconstance autre qu’un fait de l’hom-me et que la loi fait siennes en les sanc-t i o n n a n t » : Pierre Basile MIGNAULT,D roit civil canadien, t. 5, Montréal, C.T h é o ret éditeur, 1901, p. 391. Et plusrécemment : Hélène CHANTELOUP, Lesquasi-contrats en droit intern a t i o n a lp r i v é, Paris, L.G.D.J., 1998, p. 17 etsuiv.; Mélina DOUCHY, La notion dequasi-contrat en droit positif français,Paris, Économica, 1997, p. 216 qui parled’engagement de relation et d’engage-ment de situation.

    s o u rces mais par ses effets. Endroit romain, l’obligation du tuteuret celle du géré sont toutes deux desquasi-contrats mais peu de choses,quant à leur fait générateur re s p e c-tif, les unissent. En dern i è re ana-lyse, on aurait pu distinguer lequasi-contrat de la loi, non pas surl’aspect volontaire du fait de l’hom-me, mais dans la simple existenced’un fait de l’homme par oppositionà l’inexistence d’un tel fait, l’obli-gation prenant alors sa source dansune situation. Tel serait le cas dela relation de voisinage ou la situa-tion du tuteur avec le mineur5 2. Iln’est alors pas surprenant deconstater que la notion de quasi-contrat ait été critiquée dès l’adop-tion du Code Napoléon et le soit

    53 À ce sujet voir : D. LLUELLES et B.MOORE (coll.), op. cit., note 2, no 4 0 1 1et suiv., p. 773 et suiv.

    54 M. PLANIOL, loc. cit., note 32, 226 etsuiv.

    55 C. DEMOLOMBE, Traité des contrats oudes obligations conventionnelles en géné-r a l, 3e éd. vol. 1, Paris, Durand etPedone-Lauriel, p. 2.

    56 Ainsi que celle de quasi-délit : M.PLANIOL, loc. cit., note 32, 232 (quoiqu’ilsoit d’avis que la distinction est juste enthéorie); H. MAZEAUD, loc. cit., note 3,11.

    57 H. LÉVY-BRUHL, op. cit., note 4, p. 100;voir aussi : Louis JOSSERAND, C o u r sde droit civil positif français, 3eéd., t. 2,Paris, Sirey, 1939, p. 6.

    58 Cette opinion ne fait évidemment pasl’unanimité et soutend une prise de po-

    e n c o re aujourd ’ h u i5 3. Planiol serale plus grand pourfendeur de cettenotion en dénonçant tant son illo-gisme (il y a contrat ou il n’y en apas), qu’en niant ses caractéris-tiques de volontaire et licite54.

    De tout cela, nous constatons quela classification du Code Napoléonest en réalité nouvelle ou, à tout lemoins, comporte des originalitéssignificatives face aux théories del ’ é p o q u e5 5. Ces nouveautés sont parailleurs loin de faire l’unanimité etla classification, nonobstant lanotion de quasi-contrat5 6, est trèscritiquée.

    C’est en fait le rôle de la loi dansla classification qui fait l’objet desprincipales critiques. On dénonceavant tout le caractère ouvertements u b s i d i a i re de celle-ci, Lévy-Bruhlallant jusqu’à écrire qu’il s’agit là de« la marque d’une insigne indigencei n t e l l e c t u e l l e »5 7. D’autres, à l’instarde Pothier, font re m a rquer que la loiest toujours la source de l’obliga-tion, et ce même lorsque l’on est enprésence d’un contrat58, ou encore

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    sition sur la question de l’autonomie dela volonté. Pour les auteurs adoptantcette critique, voir: V.N. MARCADÉ, op.c i t ., note 44, p. 249; René SAVAT I E R ,Cours de droit civil, t. 2, 2e éd., Paris,L.G.D.J., 1949, p. 40 et 41; GérardFA R J AT, D roit privé de l’économie – 2.Théorie des obligations, Paris, P.U.F., p.20. Pour ceux qui accordent uneautonomie plus grande à la volonté: M.PLANIOL, loc. cit., note 32, 226 (la loi nedonne qu’un « v i s a »); M.L. LAROM-BIÈRE, Théorie et pratique des obliga-t i o n s, t. 7, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1885, p. 390 (la loi se limite àre c o n n a î t re le contrat). Sur toute cettequestion, voir: N. GOMAA, op. cit., note21, p. 187 et suiv.

    59 V.N. MARCADÉ, op. cit., note 44, p. 252;G. FARJAT, op. cit., note 58, p. 20; J.-P.MOLITOR, op. cit., note 25, p. 21; N.GOMAA, op. cit., note 21, p. 172 et 191(pour lui, la loi ne crée que des normesgénérales et impersonnelles : elle nepeut donc être source d’obligation –situation individuelle).

    60 H. MAZEAUD, loc. cit., note 3, 14; RenéDEMOGUE, Traité des obligations eng é n é r a l – I. Sources des obligations,Paris, Arthur Rousseau, 1923, p. 43.

    soutiennent, à l’inverse, que la loine peut jamais être la seule sourced’une obligation59.

    Également, on critique, quant à las t r u c t u re, le fait que l’article 1370C.c.fr. n’ait pas été placé au débutd’un titre qui aurait présenté unethéorie générale de l’obligation6 0.En fait cette critique dépasse laquestion des sources des obliga-tions pour concerner le plan ducode lui-même. Il faut en effet serappeler que non seulement lesobligations ne sont traitées quedans le cadre de l’acquisition desbiens, mais aussi qu’il n’y a pasd’unité autour d’une théorie globaledes obligations. Enfin, certainssoutiennent que l’énumération de

    61 On ajoute, entre autres, à cette liste, lavolonté unilatérale : L. JOSSERAND, o p .c i t ., note 57, p. 7; Jacques FLOUR etJean-Luc AUBERT, Les obligations – 1.L’acte juridique, 6e éd., Paris, Arm a n dColin, 1994, no 55, p. 34; R. DEMOGUE,op. cit., note 60, p. 59; François GÉNY,Méthode d’interprétation et source endroit privé positif, Paris, Marescq, 1899,no 172bis, p. 534.

    62 Voir : Rapport des commissaires pour lacodification des lois du Bas-Canada, 1er

    Rapport, Québec, Stewart Derbishire &G e o rge Desbarats, 1863. Les codific a-teurs rappellent que l’article 7 de la loide codification (Acte pour pourvoir à lacodification des lois du Bas-Canada quise rapportent aux matières civiles et à lap ro c é d u re, Statut de la Province duCanada, 1857, c. 43) prévoit que : « Lesdits codes seront rédigés sur le mêmeplan général et contiendront, autant quecela pourra se faire convenablement, lamême somme de détails sur chaquesujet, que les codes français connussous le nom de Code civil, Code dec o m m e rc e et Code de pro c é d u re civile » .Les codificateurs expliquent donc en-suite pourquoi, en matière d’obligations,ils n’ont pu respecter cet objectif légis-latif. Il nous semble intéressant de citerde (longs) extraits de leurs commen-taires :Ces défauts, qui sont le résultat d’untravail hâtif, ont été signalés énergique-ment par des commentateurs distin-gués, et il n’y a point de titre qui aitdonné plus de prise à critique que celuides obligations. (p. 3)Au lieu de compre n d re toute la matièredes obligations sous un même titre ,ainsi que l’a fait Pothier, les rédacteurs

    l’article 1370 C.c.fr. n’est qu’énon-ciative et non exhaustive61.

    Les rédacteurs du Code civil duBas Canada vont re p re n d re lesgrandes lignes de la classific a t i o nnapoléonienne tout en prenant soinde répondre à certaines critiquesqu’on lui avait déjà, à cette époque,o p p o s é e s6 2. Certaines diff é re n c e sexistent ainsi entre les deux textes.

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    du code lui ont fait subir une divisioni m p ro p re en deux titres dont l’un traitedes obligations qui naissent des con-trats, et l’autre des obligations quinaissent d’autres causes. Cependant lep remier titre contient toutes les règlesqui ont rapport aux différentes espècesd’obligations et à leur extinction. D’aprèsla division adoptée, ces règles sembler-aient ne s’appliquer qu’aux obligationscontenues dans le premier titre, tandisque réellement et nécessairement elless’appliquent également à celles conte-nues dans le second.Puis la rubrique du premier de ces titre s ,« Des contrats ou des obligations con-ventionnelles en général » implique l’iden-tité des termes contrats et obligations,ce qui est une confusion évidente de lacause avec l’effet. À quoi l’on peutajouter l’usage sans distinction de diff é-rents mots, obligation, convention e tengagement qu’on re n c o n t re constam-ment avec la même signification.Il en résulte souvent des doutes sur l’in-tention de la loi et une confusion d’idéesqui apparaît ça et là dans tout le coursde ce titre. (p. 5).

    Sur la question de l’importance du C o d eN a p o l é o n dans le travail des codific a-teurs, voir: Sylvio NORMAND et DonaldFYSON, « Le droit romain comme sourc edu C.c.B.C. », (2001) 103 R. du N. 87, 93et 108.

    La pre m i è re concerne justementla structure du code. Ainsi, et con-f o rmément aux critiques faites àl’encontre du Code Napoléon, criti-ques reprises par les codific a t e u r sdu Bas-Canada, nous re t ro u v o n sun titre (III) portant sur les obli-gations en général. Découle de cetteu n i fication du droit des obligations,une disposition préliminaire (art.983 C.c.B.C.) qui présente de ma-n i è re systématique les cinq sourc e sd’obligations re t e n u e s : « Les obliga-tions procèdent des contrats, desquasi-contrats, des délits, desquasi-délits, ou de la loi seule. »

    63 Article qui diff è re de l’article 1371C.c.fr., puisque se rajoute à la définitiondu quasi-contrat du Code civil f r a n ç a i sl’aspect licite de l’acte.

    64 Voir les commentaires des codificateursà propos de cet article : « L’article unique77 [1057 C.c.B.C.] du chapitre qua-trième énoncé d’une manière plus ampleet plus spéciale que l’article 1370 ducode français, la loi tant sous l’ancienque sous le nouveau système en France.Sous ces deux systèmes la classific a t i o ndiffère de celle que l’on trouve dans lesI n s t i t u t e s de Justinien qui range cetteespèce d’obligations au nombre desq u a s i - c o n t r a t s » : Rapport des commis-s a i res pour la codification des lois duBas-Canada, op. cit., note 62, p. 13.

    L’article 1370 C.N. n’a donc pasréellement de pendant dans le C o d ecivil du Bas Canada. Cette disposi-tion a pour but de classer l’ensem-ble des obligations non convention-nelles, soit celles provenant desquasi-contrats, des délits, desquasi-délits et de la loi seule. Dansle Code civil du Bas Canada, l’article983 présentant tous les typesd’obligations, l’article 1057 C.c.B.C.,qui est le seul à se rapprocher del’article 1370 C.N., ne concerne queles obligations qui « naissent del’opération seule et directe de la loi »et ne présente donc pas les sourcesquasi-contractuelle (art. 1041C . c . B . C . )6 3, délictuelle et quasi-délictuelle (art. 1053 C.c.B.C.). De plus, la phraséologie utilisée àl’article 1057 C.c.B.C. est sensible-ment diff é rente de la form u l a t i o nboiteuse de l’article 1370 C.N.c o n c e rnant l’absence de conventiontant de la part de celui qui s’obligeque de celui qui est obligé64. Égale-ment, l’article 1057 C.c.B.C. préciseque la source est la loi seule s’iln’intervient « aucun acte, et indé-pendamment de la volonté de la

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    65 François LANGELIER, Cours de dro i tcivil de la province de Québec, t. 3,Montréal, Wilson & Lafle u r, 1907, p.360; Maurice TA N C E L I N , Des obliga-t i o n s – Actes et re s p o n s a b i l i t é s, 6e é d . ,Montréal, Wilson & Lafle u r, 1997, no 2 5 ,p. 14.

    66 Louis BAUDOUIN, Le droit civil de lap rovince de Québec – Modèle vivant ded roit comparé, Montréal, Wilson &L a fle u r, p. 495 (pour qui la notion dequasi-contrat est dominée par l’équité etle principe d’enrichissement sans cause).

    67 M. TANCELIN, op. cit., note 65, no 2 5 ,p. 14.

    68 P. B. MIGNAULT, op. cit., note 52, p.391.

    personne obligée, ou de celle enfaveur de qui l’obligation est impo-sée ». La présence du terme « acte »peut laisser penser que le critèrediscriminant de l’obligation légaleest l’absence d’un fait de l’hommeet non pas l’aspect volontaire decelui-ci. Enfin, se rajoute en guised’exemples d’obligations légales,l’obligation alimentaire des enfantset le cas fortuit qui, abandonné parPothier et le Code civil f r a n ç a i s ,nous vient de Domat.

    La classification du Code civil duBas Canada ne fut pas non plus àl’abri de toutes critiques, bien sou-vent similaires à celles adressées auCode civil français. Ainsi, luireproche-t-on, entre autres, d’avoirfait de la loi une source subsidiaired’obligation65, d’avoir lié les quasi-contrats à la volonté6 6 ainsi qued’avoir repris la distinction entredélit et quasi-délit67.

    Les auteurs ont également criti-qué la mention, à l’article 1057C.c.B.C., du cas fortuit. PourMignault, le cas fortuit ne peut êtresource d’obligations, son rôle étantau contraire de les éteindre6 8. De

    69 Charles C. de LORIMIER, La biblio-thèque du Code civil de la province deQ u é b e c, Montréal, Eusèbe Senécal etfils, 1882, vol. VIII, p. 257 et 258; LéonFA R I B A U LT, Traité de droit civil duQ u é b e c, t. 7b i s, Montréal, Wilson &L a fle u r, 1957, p. 181 (découverte d’untrésor, abordage…).

    70 F. LANGELIER, op. cit., note 65, p. 493.71 Lapierre c. P G. Québec, [1985] 1 R.C.S.

    241. L’arrêt L a p i e r re a été abondam-ment commenté. Vo i r, entre autre s :Jean-Louis BAUDOUIN, «Chronique ded roit civil québécois session 1984-1985», (1986) 8 Supreme Court L.R. 229et, beaucoup plus critique : Peter P. C .HAANAPPEL, « L’étendue des obligationsdécoulant de la loi seule: commentairessur l’aff a i re “Lapierre ” », (1986) 20 R . J . T.303 (qui considère que la Cour aurait dûre c o n n a î t re l’existence d’un principegénéral de dro i t – comme dans l’aff a i reViger – basé sur l’équité : p. 335).

    Lorimier et Faribault, quant à eux,se contentent de référer aux exem-ples donnés en cette matière parDomat et Laro m b i è re6 9. Enfin,L a n g e l i e r, exprime sa perplexitéquant à ce que les codificateurs ontvoulu viser avec cette mention7 0.On pouvait également légitimements ’ i n t e r roger sur les conséquencesn o rmatives de cette expre s s i o nainsi que du dernier paragraphe del’article 1057 C.c.B.C. spécifiant unl a c o n i q u e : « Et autres semblables » .La Cour suprême, rappelons-le,répond à ces interrogations dans letrès célèbre arrêt L a p i e r re. Elle ydécide alors que la référence auxcas fortuits n’est, avec les autre sparagraphes de l’article 1057C.c.B.C., qu’une explicitation del ’ e x p ression de « l’opération seule etd i recte de la loi » comme sourc ed’obligation; elle ne constitue enaucun cas une source autonomed’obligation71.

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    72 Pour une excellente étude d’ensemble deces tentatives, nous référons le lecteur àla thèse de N. GOMAA, op. cit., note 21,p. 187 et suiv. (voir particulièrement sonintéressant découpage des propositionsdu XIXe siècle).

    73 A l f red ARMAND, Des engagements quise forment sans convention, thèse, Paris,1852, p. 3. Contrairement aux théoriesposant la volonté comme facteur discri-minant entre l’obligation provenant de laloi seule et celle provenant d’un délit,d’un quasi-délit ou d’un quasi-contrat,la distinction porte ici, sur la simplee x i s t e n c e ou non d’un fait de l’homme.Par ailleurs, cette proposition n’est pasà l’abri de toute critique, le contratn’ayant que peu de rapport avec le délit.Ne serait-ce pas en fait deux niveauxdistincts de sourc e : la loi, sourc em é d i a t e – technique juridique – et le fait,source immédiate – déclencheur? Nousreviendrons sur cette question dans unprochain article.

    L’ensemble de ces critiques à l’en-c o n t re des solutions législatives,tant québécoise que française, con-c e rnant les sources des obligations,ne pouvaient pas rester sans con-séquence et les auteurs vont pro p o-ser, avec le temps, une pléthore denouvelles classifications.

    III. De certains essaiscontemporains

    Sans prétendre à l’exhaustivité,soulignons certaines de ces tenta-tives72 dont deux, en raison de leursoutien doctrinal, se démarq u e n t .La première oppose les obligationsprenant naissance de la loi à cellesprovenant d’un fait de l’homme quic o m p rend alors le contrat, le quasi-contrat, le délit et le quasi-délit7 3.Aubry et Rau adoptent égalementcette classification en ajoutant unesubdivision entre fait licite et faitillicite74.

    74 Charles AUBRY et Charles RAU, C o u r sde droit civil d’après la méthode deZachariae, 4e éd., t. 4, Paris, Imprimerieet Librairie générale de jurisprudence,1871, p. 92.

    75 Vo i r : N. GOMAA, op. cit., note 21,p. 187-189.

    76 M. PLANIOL, loc. cit., note 32, 231.77 Id., 226.78 M. L. LAROMBIÈRE, op. cit., note 58,

    p. 392.79 Vo i r : N. GOMAA, op. cit., note 21,

    p. 188.80 A m b roise COLIN et Henri CAPITA N T,

    Cours élémentaire de droit civil français,t. 2, Paris, Dalloz, 1915, p. 271 (ilsincluent, dans la volonté unilatérale, lagestion d’aff a i re, le testament, l’accepta-tion d’une succession ou d’un legs,l’offre faite aux termes de l’article 2184C. civ.).

    81 H. MAZEAUD, loc. cit., note 3, 17.

    La seconde classification, la pluscélèbre, est celle qui oppose le con-trat à la loi. Cette classification,phare de l’autonomie de la volonté,est déjà soutenue au XIXe s i è c l e7 5

    mais c’est de Planiol que la doctrinese souvient. Pour lui, bien que la loi« [soit] la catégorie primordiale »76,il faut la distinguer du contrat cardans celui-ci « c’est la volonté desparties qui forme l’obligation », la loi« se born[ant] à donner son visa à[la] convention »77. Partant de cetteclassification, certains partagentalors la source légale entre la loiseule et la loi provoquée par un faitde l’homme7 8 et subdivisent cedernier groupe entre le fait licite etle fait illicite7 9. Enfin, d’autre s ,désirant parachever la classifica-tion, rajoutent au contrat et à la loi,la volonté unilatérale80.

    Mazeaud constate, dans son ar-ticle écrit en 1936, que la classific a-tion de Planiol est « u n a n i m e m e n tadmise aujourd ’ h u i »8 1, quel que

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    82 Id., 16. 83 Id. De plus, Mazeaud considère qu’il y a

    deux types d’obligations légales : lesobligations expressément prévues par laloi et celles qui le sont de façon implicite,à l’aide des principes généraux du droit(p. 15).

    84 L. JOSSERAND, op. cit., note 57, p. 8; J.FLOUR et J.-L. AUBERT, op. cit., note61, p. 34.

    85 R. DEMOGUE, op. cit., note 60, p. 45-49. Cette classification se rapproche decelle proposée par Josserand qui se divi-se en acte juridique, acte illicite, enri-chissement sans cause et loi (L. JOSSE-RAND, op. cit., note 57, p. 8).

    soit le postulat quant à l’autonomiede la volonté car, même si l’on con-sidère « que la loi est la source desobligations contractuelles commede toutes les autres obligations »82,force est d’admettre que « tantôt laloi opère directement, tantôt parl ’ e n t remise des parties »8 3. Cetteopinion ne fait par ailleurs pasconsensus et certains contestentcette classification en argumentantjustement qu’elle « p rouve tro p » ,c ’ e s t - à - d i re qu’elle pourrait ses a b o rder elle-même en ramenanttout à la loi, y compris le contrat84.

    Parallèlement à ces deux grandesclassifications, plusieurs autre s ,s’en rapprochant peu ou prou, ontété avancées avec des succès varia-bles. Ainsi, Demogue propose dedistinguer le contrat, la volontéunilatérale du débiteur, la volontéunilatérale du créancier (la gestiond ’ a ff a i re), l’acte illicite et un faita u t re (enrichissement sans cause;a l i m e n t s )8 5. Il ajoute que ces cinqs o u rces peuvent être re g roupées endeux, soit les obligations médiates

    86 Id. (nous revenons alors à la distinctione n t re la loi seule – situation – et le fait del’homme). Molitor, quant à lui, re p re-nant cette idée, classe les obligations enobjectives (celles qui reçoivent leurd é t e rmination de la loi, fondée sur desconsidérations d’équité, telle l’obligationa l i m e n t a i re) et subjectives (qui re ç o i v e n tleur détermination du fait même, tellel’obligation issue de la convention): voirJ . - P. MOLITOR, op. cit., note 25, p. 2 1et 22.

    87 H. LÉVY-BRUHL, op. cit., note 4, p. 100.88 R. SAVATIER, op. cit., note 58, p. 41.89 Boris STARCK, Henri ROLAND et Lau-

    rent BOYER, Obligations– 1, Responsa-bilité délictuelle, 5e éd., Paris, Litec,1996, no 4, p. 4 (la catégorie résiduairec o m p rend la gestion d’aff a i re, l’enrichis-sement sans cause et les obligationsnaturelles).

    ( p rovenant d’un acte humain volon-taire) et les obligations immédiates( p rovenant de la loi seule), ensachant qu’aucune cloison étanchene délimite celles-ci86. Lévy-Bruhl,quant à lui, propose de voir laclassification en obligations decontraintes, obligations mutuelleset obligations d’appauvrissement8 7.Savatier voit plutôt l’autonomie devolonté (contrat et engagementunilatéral de volonté), l’équivalence(enrichissement sans cause), laresponsabilité pour faute (délit –quasi-délit), le risque (les régimesspécifiques de responsabilité) etl’intérêt (voisinage, tutelle, rapportsf a m i l i a u x )8 8. Plus similaire à lac l a s s i fication retenue dans le Code,S t a rck propose le contrat, le délit,le quasi-délit et une catégorie rési -d u a i re8 9. Enfin, Gomaa, dans sathèse sur les sources des obliga-tions, partant d’une conceptiondualiste de l’obligation empruntée

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    90 N. GOMAA, op. cit., note 21, p. 250 etsuiv., spéc. p. 277. Voir également l’ef-fort d’Henry Vizioz qui, dans sa thèsesur le quasi-contrat, propose une classi-fication comportant huit sources dis-t i n c t e s : 1. La volonté (incluant lavolonté unilatérale); 2. La volonté et laloi (l’héritier); 3. La loi, à l’occasion d’unacte volontaire licite (le gérant dans lagestion d’aff a i re); 4. La loi, sanctionnantun état de fait (tutelle, indivision, pare n-té, voisinage); 5. La loi, due à l’existenced’un enrichissement sans cause; 6. Laloi, issue d’un risque (régimes deresponsabilité sans faute); 7. La loi, àl’occasion d’une faute; 8. L’acte volon-taire illicite: H. VIZIOZ, op. cit., note 21,p. 339 et suiv. Voir : N. GOMAA, op. cit.,note 21, p. 196 qui discute de cetteproposition.

    91 Jean CARBONNIER, D roit civil, t. 4, « L e so b l i g a t i o n s », 20e éd., Paris, P. U . F. ,1996, no 12, p. 40.

    92 Le professeur Sériaux, dans sa préfaceà la thèse de Mélina DOUCHY, op. cit.,note 52, écrit, quant à cette classific a-tion, qu’elle constitue une « inénarrablesumma divisio » (p. V).

    aux allemands, propose de voirdans le jugement, la source dupouvoir de contrainte (h a f t u n g) etdans un fait juridique, celle durapport d’obligation (schuld)90.

    De tous ces « schémas très di-v e r s » 9 1, c’est la classification entreacte juridique et fait juridique quis’impose dans la doctrine contem-poraine. Cette classification élargitla catégorie conventionnelle auxmanifestations de volonté unila-térale, pour en faire la catégorie desactes juridiques et réunit l’ensembledes faits déclencheurs – classique-ment le quasi-contrat, le délit, lequasi-délit – sous un même cha-p e a u : le fait juridique. Bien quem a j o r i t a i rement retenue en doc-trine, cette classification n’est pas àl’abri de tout re p ro c h e9 2. En eff e t ,

    93 Sur cette difficulté et sur la classific a-tion des obligations en acte et faitjuridique, nous référons le lecteur autexte antérieur que nous avons écrit à cesujet : B. MOORE, loc. cit., note 8.

    94 Jean HAUSER, Objectivisme et subjecti-visme dans l’acte juridique, Paris,L.G.D.J., 1971, p. 29.

    95 Marie-Laure IZORCHE, L’avènement del’engagement unilatéral en droit privécontemporain, Aix-en-Provence, PressesU n i v e r s i t a i res d’Aix-Marseille, 1995, p.197 et suiv.

    96 En tant que classification des sourc e s ,car la notion d’acte juridique se re t ro u v etout de même dans certaines disposi-tions spécifiques. En guise d’exemples,v o i r : art. 1348 C.c.fr. et art. 1371, 2130,2861, 2862 et 2863 C.c.Q.

    aussi claire qu’elle puisse paraître,la doctrine ne réussit pas à s’en-t e n d re sur un critère exact distin-guant ces deux catégories9 3. Deplus, cette classification est fré-quemment retenue sans pro d u i reréellement d’effets, soit parce quel’on considère impossible la créationd’un régime unique pour l’ensembledes actes juridiques9 4, soit encorep a rce que l’on refuse la théorie del’engagement unilatéral de volonté.Dans ce dernier cas, la catégoried’acte juridique devrait alors selimiter à celle de contrat et la clas-sification des sources se ramener àl’opposition entre le contrat et le faitjuridique. Enfin, une auteure arécemment proposé de décloisonnercette classification afin d’appré-hender l’acte juridique comme untype auquel un phénomène humaintend plus ou moins, plutôt quecomme une catégorie dans laquelleil se situe ou non95.

    Si les auteurs retiennent en ma-jorité cette classification, il en vadifféremment dans la législation oùelle reste ignorée9 6. Ainsi, le C o d e

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    97 Cette classification n’est pas re p r i s edans une disposition spécifique du code;elle s’infère plutôt des intitulés desdifférents chapitres du titre portant surla formation des obligations.

    98 Nouveau Code civil néerlandais – Le dro i tpatrimonial, op. cit., note 6.

    99 Art. 1757, Louisiana Civil Code, E d .1998, Athanassios N. YIANNOPOULOS,West’s Louisiana Desk Book’s.

    100 Codice civile, Milano, Giuffrè, 1997( n o t re traduction). La mention dusystème juridique ne ferait peut-être pasréférence qu’à la loi: P.P.C. HAANAPEL,loc. cit., note 71, 347.

    suisse des obligations classe lesobligations en trois gro u p e s : le con-trat, l’acte illicite et l’enrichissementi l l é g i t i m e9 7. Le récent Code civilnéerlandais présente, quant à lui,la matière en deux temps. Ainsi, lap re m i è re disposition du titre I surles obligations en général prévoitque « [l]es obligations ne peuventnaître que si cela résulte de la loi »,puis, les intitulés des titres suivantsdistinguent l’acte illicite, le contratet les autres sourc e s9 8. Le Code civilde la Louisiane prévoit que lesobligations naissent, d’une part, ducontrat ou d’une autre déclarationde volonté et, d’autre part, dire c-tement de la loi par le canal d’unacte illicite, de la gestion d’aff a i re del’enrichissement injustifié ou encored’un autre acte ou fait9 9. Enfin, leCode civil italien de 1942 prévoit,quant à lui, à l’article 1173, que« [l]es obligations dérivent du con-trat, du fait illicite, ou d’un autreacte ou fait apte à en pro d u i re enc o n f o rmité avec le système juri-dique »100.

    Cette dern i è re disposition n’estpas sans ressembler au nouvelarticle 1372 C.c.Q. qui, re m p l a ç a n tles articles 983 et 1057 C.c.B.C.,

    101 L’article 3 du titre premier du livre cin-quième du rapport de l’Office de révisiondu Code civil prévoyait : « Les obligationsnaissent du contrat ou de la loi. Ellesnaissent, en certains cas prévus par laloi, de l’acte juridique unilatéral. »

    102 Un peu à l’image du Code civil français,où le premier niveau est binaire(convention/sans convention) et le se-cond, pentagonal (contrat, quasi-contrat,délit, quasi-délit et loi).

    103 Ce plan est légèrement diff é rent de celuide l’ancien code. D’un plan quadripar-tite (contrat; quasi-contrat; délit/quasi-délit; loi), on passe à un plan tripartitere g roupant les quasi-contrats et la loiseule sous le vocable – peu rassembleur– « De certaines autres sources del’obligation ».

    présente les sources des obliga-t i o n s1 0 1. Il énonce que « [ l ] ’ o b l i g a t i o nnaît du contrat et de tout acte oufait auquel la loi attache d’autoritéles effets d’une obligation ». Puis,viennent les chapitres particuliersà chaque type d’obligations soit,dans l’ord re, le contrat (art. 1377-1456 C.c.Q.), la responsabilité civile(art. 1457-1481 C.c.Q.) et « De cer-taines autres sources de l’obliga-t i o n » (art. 1482-1496 C.c.Q.),catégorie résiduaire re p renant lesquasi-contrats nommés de l’anciencode ainsi que l’enrichissementi n j u s t i fié. Les termes délit, quasi-délit et quasi-contrat ne sont, quantà eux, pas repris.

    Il est intéressant de noter lesdeux niveaux de cette structure102.Le premier – l’article 1372 C.c.Q. –classe les obligations en deuxv o l e t s : le contrat et tout acte ou faitauquel la loi attache une obligation;le second – constitué des titres desc h a p i t re s – en comprend trois (con-trat, responsabilité civile, autre ss o u rc e s )1 0 3 et nous rappelle la clas-s i fication présente dans le D i g e s t e

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    104 La présence du terme « certaines» dansle titre du chapitre IV nous le confirme,ainsi que les Commentaires du ministresous l’article 1372: «mais aussi et plusgénéralement de tout acte ou fait auquella loi attache sans discussion les effetsd’une obligation, recouvrant ainsi, e n t rea u t re s, les autres sources que sontcertains comportements entraînant laresponsabilité civile, la gestion d’aff a i-res, la réception de l’indu et l’enrichisse-ment injustifié » : GOUVERNEMENT DUQUÉBEC, Commentaires du ministre dela Justice, t. 1, Québec, Publications duQuébec, 1993, p. 830.

    105 Jean PINEAU, Danielle BURMAN etSerge GAUDET, Théorie des obligations,4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2001,n ° 29, p. 55. Cette prise de positionsemble témoigner de la volonté desauteurs de ne pas reconnaître la théoriede l’engagement unilatéral de volonté,question qui dépasse l’objet du présentarticle.

    de Justinien et attribuée à Gaïus.Ce second niveau ne constitue pas,à notre avis, la classification nor-mative du Code civil du Québecmais n’est qu’une ventilation nonexhaustive et non limitative dess o u rces énoncées à l’article 1372C.c.Q.104.

    Cet article comportant une phra-séologie novatrice, il était prévisiblequ’il suscite questionnements, con-troverses et critiques. De l’avis desp rofesseurs Pineau, Burman etGaudet, les sources sont, aux ter-mes de l’article 1372, le contrat etle fait juridique. Pour eux, lestermes « acte » et « fait » ne réfèrentpas à la classification contempo-raine mais constituent plutôt deuxtypes de faits juridiques, l’actepouvant être « un acte de volonté –la gestion de l’aff a i re d’autrui, parexemple, ou le paiement de l’induou une off re assortie d’un délaiexprès – sans pour autant être un

    106 J.-L. BAUDOUIN et P.-G. JOBIN, op. cit.,note 2, no 38, p. 38 et 39.

    107 Id., no 39, p. 39. 108 Id. Il reproche également au législateur

    d’avoir masqué la classification entreacte et fait juridique. Nous avouons êtreperplexe quant à cette double critiqueau sujet de l’acte juridique car l’auteur,à la page précédente, semble donner auxtermes « acte» et «fait» de l’article 1372C.c.Q. la signification d’acte juridique etde fait juridique. La classific a t i o ncontemporaine n’est alors pas masquéeet l’acte juridique ne serait alors pasréduit au seul contrat…? Le professeurTancelin critique, quant à lui, le « laco-n i s m e » de l’article 1372 in fin e et laréduction que celui-ci opère de l’actejuridique au seul contrat : op. cit., note65, no 44, p. 22.

    acte juridique »105.Quant au professeur Jobin,

    beaucoup plus critique, l’article1372 « reconnaît la grande divisione n t re obligations contractuelles etextracontractuelles employée dansla littérature contemporaine »1 0 6.Pour lui, la « division paraît malha-bile et incomplète »1 0 7. L’uniform i t édes règles de responsabilité con-tractuelle et délictuelle et la pré-sence des pre m i è res dans lec h a p i t re concernant les secondes– même si, écrit-il, l’initiative esth e u re u s e –, affaiblit la classific a t i o ne n t re obligation contractuelle etobligation extracontractuelle. Lep rofesseur Jobin dénonce égale-ment l’abandon de la catégorie desobligations provenant de la loi seuleet, enfin, critique la réduction del’acte juridique au seul contrat1 0 8.À l’inverse, le professeur Popovicivoit en l’article 1372 une consécra-tion de la distinction entre l’actejuridique et le fait juridique, et unereconnaissance que l’obligationpeut naître d’un « acte juridique qui

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    109 Adrian POPOVICI, La couleur du man-d a t, Montréal, Éditions Thémis, 1995,p. 24.

    110 C’est ce que nous avions écrit dans unarticle antérieur qualifiant de « fort im-p a rf a i t e » la facture de l’article : B.MOORE, loc. cit., note 8, 284.

    111 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, op. cit.,note 104, p. 830.

    n’est pas nécessairement bilatéral,lequel est un contrat »109.

    Une pre m i è re lecture de l’article1372 C.c.Q. laisse à penser quecelui-ci reprend la classification dePlaniol110. Or les commentaires duministre vont dans un autre sens :

    En accord avec la doctrine mo-derne, il abandonne la classifica-tion traditionnelle, présentée dansl’article 983 C.c.B.C., des sourcesde l’obligation en contrats, quasi-contrats, délits, quasi-délits et loiseule, classification fortementcritiquée comme étant artificielle etune source inutile de confusion. Ilne retient pas non plus la classi-fication qui se fonde sur deuxs o u rces principales de l’obligation,le contrat et la loi, et qui les opposecomme étant distinctes. Cetteclassification prête le flanc à lacritique et apparaît artificielle dansla mesure où le contrat, acte devolonté, s’il est créateur d’obliga-tions, ne l’est que parce que la loilui reconnaît cette valeur. D’ail-leurs, tout peut, à la limite, se ra-mener à la loi.111

    Nous re t rouvons dans ce com-m e n t a i re la critique classique end é s a c c o rd avec la classification dePlaniol : si l’on oppose le contrat àla loi, toute obligation peut se rame-ner à la loi seule. Toutefois les com-mentaires du Ministre, après nousavoir présenté ce que le Code ne

    112 B. MOORE, loc. cit., note 8, 284; D.LLUELLES et B. MOORE (coll.), op. cit.,note 2, no 64, p. 31.

    113 Voir les articles 1371, 2130, 2861, 2862et 2863 C.c.Q.

    reconnaissait pas, ne mentionnentpas ce qu’il reconnaît. Il noussemble effectivement que l’article1372 C.c.Q., quoique s’en rappro-chant, n’est pas une consécrationde la classification de Planiol en ceque la division principale se fait,non pas entre le contrat et la loi,mais entre le contrat et « tout acteou fait auquel la loi attache d’au-torité les effets d’une obligation ». Lecontrat n’est alors pas hissé auniveau de la loi, mais au niveau dufait qui déclenche l’obligation légaleet évite ainsi la critique selonlaquelle la loi seule ne peut êtresource d’obligation.

    Quant au sens des termes « a c t e »et « f a i t », nous sommes d’avis qu’ilsne réfèrent pas nécessairement auxvocables d’acte et de fait juridi-ques112. Si telle avait été la volontédu législateur, il aurait, commeailleurs113 dans le Code, utilisé lese x p ressions au long et aurait utilisél ’ e x p ression « acte juridique » en lieuet place du contrat et non en rajoutà celui-ci. Par ailleurs, et contraire-ment aux professeurs Pineau,B u rman et Gaudet, nous sommesd’avis que le terme « acte » n’exclutpas nécessairement l’acte juridiquemais, recoupant tous les faits del’homme, est plus englobant que lesimple acte juridique. En effet, direque la loi doit re c o n n a î t re l’actejuridique pour qu’il produise desobligations, ne transforme pas

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    114 Mais, le fait qu’un acte juridique uni-latéral crée des obligations n’impliquepas non plus nécessairement la re c o n-naissance de la théorie de l’engagementunilatéral de volonté. Cette questionnécessiterait un traitement particulier.

    115 D. LLUELLES et B. MOORE (coll.), o p .cit., note 2, no 66, p. 31-33.

    116 Id., p. 33.117 Voir : supra, note 52.

    celui-ci en fait juridique1 1 4. Tous lesactes juridiques, y compris le con-trat, doivent recevoir une re c o n-naissance légale afin de créer desobligations. Ce qui distingue lecontrat des autres actes juridiques,c’est que le premier reçoit unereconnaissance générale, alors queles autres reçoivent cette re c o n-naissance de façon spécifiq u e1 1 5. Leterme « fait », quant à lui, ne réfèrepas nécessairement au fait juridi-que, mais plutôt à toute autre si-tuation, non mue par l’homme, quicrée des obligations1 1 6. On re v i e n tdonc à la subdivision des obliga-tions légales entre celles découlantd’un acte de l’homme (acte) et celleprenant naissance d’un autre typed’événement (fait)117.

    Enfin, et contrairement au pro-fesseur Jobin, nous croyons quel’article 1372 C.c.Q. ne pèche paspar omission en ne re p renant pasla catégorie des obligations pure-ment légales. Selon nous, cette ca-tégorie n’est qu’illusion, la loi de-vant, pour créer des obligations,toujours être déclenchée par unévénement quelconque. La visiond’une obligation purement légale àcôté d’autres sources, tel le délit,

    constituait une confusion entredeux niveaux distincts de sources.

    *

    * *Cette brève étude nous a permis

    de constater ce que nous relevionsen intro d u c t i o n : la classificationdes obligations n’a jamais pu fairel’unanimité au fil des époques.Cette incertitude découle peut-êtredu fait que cette classification estbien souvent constituée sans quel’on ait a priori d é t e rminé ce que l’onentend par « s o u rces d’obligations » .

    Cette constatation est particuliè-rement frappante dans la classific a-tion adoptée par les codes françaiset du Bas-Canada et qui est plus oumoins inspirée de Domat et Pothier.M e t t re la loi au même niveau que lecontrat, le délit ou le quasi-délitcrée un mélange de genres en ceque la loi agit à un autre niveau, àtout le moins, que les délit, quasi-délit et quasi-contrat. Cette diffic u l-té, nous l’avons vu, a été soulevéedurant tout le XIXe siècle par lesauteurs qui contestaient que la loipuisse à elle seule être sourc ed’obligations et qui soutenaientqu’elle était à la base, à tout lemoins lointaine, de toutes les obli-gations. Ces mêmes critiques sero n treprises, voire exacerbées, à l’en-contre de la classification « planio-l i e n n e » qui allait marquer le XXe

    siècle et sont reprises encore au-j o u rd’hui, notamment dans lesc o m m e n t a i res du ministre sousl’article 1372 C.c.Q.

    En cela, la classification modern ee n t re acte juridique et fait juridiqueet celle retenue dans le Code civil duQ u é b e c sont supérieures en cequ’elles n’incluent pas la loi mais

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    portent uniquement sur des évé-nements stimulant l’application decelle-ci. Cette supériorité, peut-êtrei n v o l o n t a i re, nous semble cons-tituer un dépassement des classi-fications classiques mais surtoutappeler l’édification d’une théoriestructurée des sources des obliga-tions qui devrait, loin du débat surl’autonomie de la volonté, constaterla complexité des interre l a t i o n se n t re les diff é rentes composantesn é c e s s a i res à la création d’un lienobligationnel. Car si la mention dela loi à l’article 1370 C.N. ou àl’article 1057 C.c.B.C. a été tant

    critiquée, ce n’est pas parce qu’ellen’est pas nécessaire à la création dulien obligationnel, mais parce queson rôle pro t é i f o rme ne peut êtreramené au même niveau que celuidu contrat ou du délit. Sur ce point,la formulation de l’article 1372C.c.Q. semble pouvoir laisser laplace à une modulation des diff é-rentes composantes inhérentes àl’existence d’une obligation. Ce seral’objet d’une prochaine étude.

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