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La division Amérique Latine de l'Association des Sciences Po vous présente sa seconde newsletter !
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EDITORIAL
L’année 2010 s’achève sur un bilan fructueux pour la célébration du bicentenaire des indépendances latino‐américaines, notamment pour ce qui concerne le Sénat. Celui‐ci s’est associé aux initiatives lancées cette année, manifestant en particulier son souhait d’adopter une résolution proposant l’établissement, le 31 mai de chaque année, d’une journée de l’Amérique latine et des Caraïbes en France à l’instar de la fête de la musique ou des journées du Patrimoine. Espérons que cette date puisse devenir un rendez‐vous attendu associant les anciens de Sciences Po attachés à ce continent et les étudiants en cours de formation.
Au‐delà de la commémoration, les célébrations du bicentenaire sont aussi l’occasion de réflexions sur l’avenir. Tel sera entre autres l’esprit du colloque organisé par le Senat sur l’Amérique latine et la mondialisation le 17 décembre prochain.
La Division Amérique latine vous souhaite à tous de très bonnes fêtes de fin d’année !
Bonne lecture !
Marie Castillo
Directrice de la publication
SP 2000
latam@sciences‐po.asso.fr
ACTUALITES
La nouvelle contagion latino‐américaine
Javier Santiso
Professeur d’économie, ESADE Business School
et Directeur de l’ESADE Centre for Global Economy and Geopolitics
Promotion 1991 (Major) et ancien professeur et chercheur à Sciences Po
Il y a quelques années, j’ai publié un livre dans lequel je parlais des bons révolutionnaires et apôtres du libéralisme à outrance, d’une région secouée par des paradigmes économiques, structuralistes, maoïstes, néo‐libéraux, de modèles qui se confrontaient, parfois de manière violente, aux réalités économiques et sociales du continent latino‐américain (voir l’essai Amérique latine : Du Bon Révolutionnaire au Bon Libéral, Paris, Editions Autrement, 2005).
A l’issue de processus parfois douloureux (comme dans le cas chilien), certains pays du continent avaient néanmoins su se dégager d’une économie politique déformée par des prismes idéologiques et mettre fin aux maximes maximalistes guidées par des modèles supposés résoudre l’ensemble des maux du sous développement. Tour à tour, des pays aussi divers que le Chili, le Brésil ou encore le Mexique se sont ainsi défait de cette illusion de macro paradigmes sensés ouvrir la boîte de Pandore du développement et se sont orientés vers des politiques économiques pragmatiques donnant lieu à l’émergence d’un possibilisme en matière de politique économique.
Depuis cette publication, quelques années ont passé et d’autres pays ont rejoint le trio alors analysé. Les uns après les autres, et ce depuis des gouvernements aussi de centre gauche que de centre droit, un nombre grandissant de pays ont mené des politiques économiques « possibilistes », pragmatiques, combinant l’orthodoxie macro‐économique et les politiques sociales, visant à la fois le libre commerce et le soutien aux entreprises publiques, tout cela dans un cadre démocratique. Ainsi, le Costa Rica, la Colombie, l’Uruguay, le Pérou, la République dominicaine ou encore le Panama se sont joint à cette tendance de fond.
Il paraît que nous sommes en amont d’une contagion inédite, une contagion vertueuse, dans laquelle les pays s’émulent les uns après les autres, ce groupe de pays se distinguant par leurs politiques éminemment pragmatiques qui transcendent les divisions et les classifications traditionnelles de gauche ou de droite à la lumière desquelles on a voulu, en particulier en Europe, pouvoir comprendre la région. Il y a quelques années, le cliché commun relatif à l’Amérique latine était que le Chili était l’unique « jolie fille » (niña bonita) du quartier latin (barrio latino). Maintenant, l’Amérique latine a non seulement un leader mondial (avec le Brésil, septième puissance économique en 2010, en termes de PIB nominal, membre des BRICs, cet autre club selecte qui regroupe les principales économies émergentes du globe, au‐delà des pays de l’OCDE) mais aussi une floraison de « jolies filles ». Certaines, comme le Mexique et depuis 2010 aussi le Chili, sont déjà membres de l’OCDE. D’autres multiplient leurs efforts pour combiner croissance et développement, politiques économiques monétaires et budgétaires avec les politiques sociales. Toutes s’émulent les unes les autres à l’image, par exemple, du Pérou ou de la Colombie suivant les pas du voisin chilien.
Il y a un cas qui attire particulièrement l’attention, car c’est une des plus grandes surprises (positives) qui a surgi du continent : le Pérou. Il y a à peine deux décennies, ce pays était synonyme de guérillas maoïstes, de violence extrême, de rumeurs de coup d’Etat, de faillites bancaires, d’hyperinflation et de défaut de la dette, aujourd’hui, cette histoire paraît bien lointaine, reléguée dans un siècle lointain. Le Pérou exhibe un des taux de croissance les plus élevés non seulement de la région, mais aussi du monde, comparable à ceux des champions asiatiques. Son commerce a triplé en à peine une décennie et ses entreprises (à l’instar des chiliennes, colombiennes, mexicaines ou encore brésiliennes) s’élancent désormais à l’international, gonflant le nombre des multilatinas, les multinationales latino‐américaines. En 2009, en pleine crise globale, le Pérou a atteint ainsi l’ « investment grade ». Aujourd’hui, le PIB de ce pays de 26 millions d’habitants s’élève a plus de 140
milliards de dollars. Les réserves du pays fleurtent avec des records (plus de 45 milliards de dollars fin 2010), le pays songeant désormais se doter d’un fonds souverain, à l’instar des homologues asiatiques, arabes ou chiliens, pour redéployer les richesses dérivées des secteurs miniers en particulier. De fait, au cours des dix prochaines années, le pays devrait voir une authentique avalanche d’investissements dans ces secteurs, estimés à plus de 40 milliards de dollars, aussi bien provenance des groupes miniers des pays OCDE que de ceux des pays émergents, en particulier chinois, déjà très actifs au Pérou.
Car aujourd’hui le Pérou n’est plus seulement dans le radar des investissements nord‐américains et européens, mais aussi asiatiques. La Chine regarde vers le pays andin misant sur des investissements importants tant dans les mines que dans les infrastructures de transport. D’où l’entrée des groupes chinois non seulement dans les mines péruviennes mais aussi dans les structures portuaires. Cet essor de l’intérêt chinois a également des effets collatéraux. Le Japon, un autre investisseur asiatique important dans la région, regarde de nouveau de manière intense vers l’Amérique latine, et en particulier vers ces pays où l’on trouve également des établissements historiques d’importantes communautés asiatiques, en particulier japonaises comme au Brésil mais aussi au Pérou (ou les descendants de chinois sont également importants, ce qui constitue un autre atout du pays).
Quelle que soit la métrique – croissance du PIB élevée, inflation sous contrôle, précaution budgétaire, etc. ‐ les statistiques péruviennes montrent que ce pays est entré dans l’ère du possibilisme sous la houlette de ministres des Finances d’envergure Luis Carranza par exemple. Mais ceelui qui incarne sans doute la transformation du Pérou, est ans doute le président actuel, Alan Garcia, qui après un premier mandat désastreux au siècle passé, s’est réinventé et a contribué à ancrer des politiques économiques guidées par le pragmatisme. Bien entendu, il reste de nombreux défis, et non des moindres, auxquels s’atteler : la pauvreté et les inégalités ont fortement diminué, mais les chiffres affichés par le Pérou continuent d’être élevés ; les dépenses budgétaires (comme dans tout le reste de la région) devrait être plus redistributives, en particulier dans le domaine de l’éducation et de la santé. Par ailleurs, la diversification de l’économie vers des segments de forte valeur ajoutée et intensifs en emplois, dans un contexte de hausse des prix des matières premières, ne sera pas chose facile. Quoi qu’il en soit, les avancées du Pérou durant la décennie ont été gigantesques et, à l’image de nombre d’autres pays de la région comme la Colombie ou le Brésil, on ne peut qu’espérer que cette nouvelle décennie soit latino‐américaine.
L’histoire n’a pas de fin, celle des économies et des pays est un mouvement continu. Dans ce voyage vers un monde meilleur certains pays font des pas importants. En 2010, symbole de l’essor et de la transformation du Pérou, le prix Nobel de littérature a (enfin) été remis à l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa. Les agences de notation ont célébré l’essor économique du Pérou, lui accordant l’investment grade un an auparavant, une sorte de Nobel en matière de politique économique. Il semble que le présent et le futur sourient au Pérou, à l’image d’une grande partie du continent. L’histoire semble avoir cessé d’être celle des espiègleries d’une mauvaise petite fille, les tours et détours de vilaines filles, pour devenir le voyage heureux d’une jolie fille qui étonne et détonne dans le paysage des économies émergentes, celles d’Amérique latine ayant parié sur le possibilisme, étant non seulement florissantes du point de vue économique mais aussi démocratique.
2010 au Chili : La folle année du bicentenaire.
par Luis Pizarro, directeur général , Solthis
Sciences Po RI 04
Au Chili, l’année 2010 était l’échéance que les gouvernements de la coalition de centre‐gauche, « la Concertacion », au pouvoir depuis 1990, s’était donnée pour faire entrer le pays dans l’ère du développement. En 2009, l’horizon se présentait plutôt prometteur. En effet, le pays était devenu membre de l’OCDE après plusieurs années de négociation, les indicateurs macro économiques étaient au beau fixe, la popularité de la présidente sortante, Mme. Michelle Bachelet, franchissait des records à plus de 75% d’opinion favorable et, fait important pour le moral du pays, la sélection nationale de football parvenait à se qualifier pour la Coupe du Monde.
Nonobstant cet horizon dégagé, l’année 2010 allait se révéler pleine de surprise pour le pays, à commencer par l’élection du premier président de droite depuis la fin de la dictature de Pinochet, M. Sebastian Pinera. Pour la « Concertacion », le bilan de ces vingt dernières années apparaissait plutôt flatteur mais un sentiment de « fin de régime » et un candidat qui n’a jamais réussi à créer une adhésion populaire, M. Eduardo Frei, (rappelons que Mme Bachelet n’était pas autorisée à se représenter) ont permis l’arrivée au pouvoir du candidat de centre droit. Il remporta haut la main le deuxième tour et se prépara à mettre en œuvre le virage économique qu’il avait promis et qui devait permettre au Chili de retrouver des taux de croissance de 5 à 6%.
Le 27 février, quelques jours avant la prise de fonction de Pinera, le pays était secoué par un tremblement de terre d’une intensité de 8,8° dans l’échelle de Richter (200 fois l’intensité du tremblement de terre en Haïti quelques mois auparavant). Environ 700 personnes furent tuées, notamment par un tsunami à 700 km de la capitale. Les dégâts ont été surtout matériels mais d’une ampleur particulièrement féroce dans les régions australes du pays. Les images de pillage dans les supermarchés, qui ont fait le tour du monde, ont beaucoup affecté la fierté du peuple chilien, plutôt habitué aux clichés flatteurs de leur succès économique.
Le nouveau gouvernement, dès sa prise de fonction, devait donc aménager son programme de campagne pour faire face à cette nouvelle urgence de reconstruction. Le Chili bénéficie de réserves liées notamment à l’exportation du cuivre, et il est peu endetté grâce à une politique économique
rigoureuse. Il peut, par conséquent, emprunter à des taux faibles et réagir rapidement à de telles catastrophes naturelles. Cependant, les orientations budgétaires du nouveau gouvernement allaient devoir être revisitées et les pressions, tant de la nouvelle opposition politique que de l’opinion publique, allaient se révéler coriaces.
Malgré la composition rapide d’équipes ministérielles avec des professionnels de haut niveau, le gouvernement ne fut pas capable de prendre en main à temps les rênes d’un appareil d’état, certes léger, mais complètement monopolisé par l’administration sortante de ces vingt dernières années. Cette impression de flottement s’est additionnée aux accusations de conflit d’intérêt à l’encontre du président et de certains de ses ministres. En effet, Sebastian Pinera est un chef d’entreprise ayant de nombreuses participations dans différents groupes économiques. Homme politique peu connu jusque là à l’étranger, les médias internationaux l’ont trop vite comparé à Silvio Berlusconi. En réalité, en dehors de sa fortune personnelle, il ne partage que peu de traits de personnalité avec le premier ministre italien. Mais dans le cas présent, après avoir annoncé qu’il réglerait sa situation personnelle pour empêcher tout soupçon d’illégalité, un retard (ou une non volonté ?) dans la gestion de ses participations financières a entraîné de nombreuses accusations de collusion ou de conflit d’intérêt.
Malgré tout, l’année 2010 préparait encore des soubresauts. Pour les amateurs du ballon rond, la surprise ne vint pas de la Coupe du Monde de football en Afrique du Sud où le Chili fut éliminé logiquement par le Brésil en huitième de finale. L’image forte de l’année 2010 est venue du désert, là où se trouvent les ressources naturelles les plus importantes du pays. Au mois de septembre, l’opinion publique internationale allait découvrir le drame effroyable de 33 mineurs bloqués à plus de 600 mètres sous terre, situation malheureusement trop fréquente parmi les mineurs partout dans le continent. Le président de la République allait s’engager personnellement dans les travaux de recherche, faisant fi de l’opinion de ses collaborateurs qui craignait une issue défavorable à cet épisode. Après 69 jours passés sous terre, le 13 octobre, des dizaines de millions de téléspectateurs du monde entier (autant que pour le 11 septembre 2001) suivaient en direct pendant 22 heures la sortie de chaque mineur et l’accolade de leur président. Lui et son ministre des mines (Laurence Golborne), nouvelle coqueluche de l’opinion publique chilienne, profitaient de cet événement pour redonner un nouveau souffle à leur mandat. Sebastian Pinera pouvait alors partir en tournée à Londres, Paris et Berlin, vanter le « chilean way » ou « hacerlo a la chilena », nouvelle accroche pour vanter les mérites d’un pays qui se veut résolument « développé ».
Malheureusement, la réalité du Chili aujourd’hui est plus nuancée. Comme l’a montré le rapport du PNUD sur le développement humain, paru en fin d’année, le modèle chilien n’a pas permis de diminuer les écarts socio‐économiques abyssaux qui séparent les Chiliens. L’accès à des services de santé et d’éducation de qualité est encore très inégalement reparti dans les différentes régions du pays. De même, lors de son voyage en Europe, on rappela à M. Pinera que des indiens Mapuches faisaient une grève de la faim pour revendiquer les abus de justice dont ils étaient l’objet. En effet, le Chili n’a pas encore su trouver une réponse adéquate aux exigences indiennes concernant leurs
terres et leurs droits. Là aussi, l’écart avec une société démocratique soucieuse du droit de ses minorités reste encore à combler pour un pays qui se projette vers le développement.
Dans cette année 2010 où nous célébrons les bicentenaires des indépendances en Amérique Latine, l’actualité mouvementée du Chili nous apparaît comme un bon exemple de trois enjeux qui s’imposent à la sous région dans les années à venir : les transitions politiques et la confiscation de l’Etat par les groupes de pouvoir ; les inégalités sociales et les fortes tensions qu’elles engendrent ; l’accès équitable à la protection sociale.
Les réponses qui seront développées dans le futur, devront obligatoirement passer, à notre avis, par la création d’une société civile plus forte, mieux formée, et ayant toute sa place dans le débat démocratique. Des indicateurs macroéconomiques au beau fixe ne suffiront pas à permettre aux populations les plus déshéritées du continent de rattraper le train du développement que maints dirigeants politiques les invitent à rejoindre.
CONFERENCE La division Amérique latine a organisé le 1er octobre dernier une conférence‐débat avec l’Iddri, la chaire de développement durable de Sciences Po et l’association Paroles de Nature sur le thème : « relation hommes‐nature : vision autochtone et mécanismes novateurs. L’inspiration viendrait‐elle d’Amérique latine ? Au‐delà du cas Yasuni ITT (Equateur) ? Sur ce thème, vous pouvez lire les contributions de trois de nos intervenants.
Le Sumak Kawsay
Par Catherine Larrère
Professeur à l’université de Panthéon‐Sorbonne
Auteur « du bon usage de la nature, pour une philosophie de l’environnement »
Les constitutions boliviennes et équatoriennes ont intégré un concept issu de la cosmovision indigène, Suma Quamana en Aymara et Sumak Kawsay en Quechua, « construire une nouvelle forme de coexistence citoyenne dans la diversité et en harmonie avec la nature, pour atteindre le bien‐
vivre ». Dans cette vision indigène d’un droit de bien vivre dans la nature, qui accorde à la fois des droits environnementaux aux hommes et des droits à la nature, on peut reconnaître une convergence avec ce qui se dégage de la réflexion morale occidentale pour élaborer une éthique environnementale, apte à régler les rapports entre l’homme et la nature : une éthique relationnelle qui cherche à conjuguer le respect de l’altérité de la nature et la prise en compte des rapports d’interdépendance et d’interconnexion qui lient entre eux tous les êtres vivants, hommes compris.
Ce qui frappe dans cette contribution indigène, c’est sa dimension publique, l’inscription du concept de bien vivre dans la constitution. La constitution est en effet la référence de ce que l’on peut appeler (après John Rawls) la raison publique : l’ensemble des arguments, acceptables par tous les citoyens, à partir desquels se débattent et sont justifiées les lois adoptées. C’est important parce que cette vision d’une vie harmonieuse dans la nature fait de celle‐ci un partenaire, l’intégre dans un « contrat naturel » (selon l’expression de Michel Serres). Longtemps, on a reproché aux éthiques environnementales d’être trop minoritaires, d’être incapables de convaincre l’ensemble des citoyens. Le concept indigène de Sumak Kawsay remet en cause l’anthropocentrisme dominant des Occidentaux, c’est une façon de lier humains et non‐humains dans une même communauté. La raison publique peut prendre la nature en considération.
Cette modification des constitutions boliviennes et équatoriennes, qui prend en considération des concepts indigènes du bien vivre, fait voir l’importance de la dimension culturelle des revendications environnementales. Diversité culturelle et biodiversité sont liées : la richesse et la diversité des formes culturelles font partie de la richesse et de la diversité des formes de vie sur terre. Chacune participe à l’autre et leur reconnaissance vont de pair. Dans les différents pays, les revendications indigènes de respect de leur culture s’inscrivent dans les politiques de reconnaissance du multiculturalisme. Mais elles leur apportent une dimension propre, environnementale : toute culture indigène inclut une relation à un territoire propre. Les revendications environnementales des populations indigènes sont ainsi celles d’une véritable communauté écologique, ou environnementale, qu’ils forment avec leur milieu de vie. Reconnaître ces revendications, leur rendre justice, c’est prendre en compte aussi bien des visions du monde qu’un ensemble de pratiques.
Que pouvons‐nous, nous autres Occidentaux, attendre de telles confrontations interculturelles ? « Nous ne nous indianiserons pas », déclarait le philosophe Edmund Husserl, en 1935, dans une conférence sur « La crise de l’humanité européenne et la philosophie ». Il lui semblait que l’idée européenne représentait un véritable universel auquel les autres groupes de l’humanité pouvaient se rallier, alors que l’inverse était exclu. Sommes‐nous à l’encontre de la prédiction de Husserl, en train de nous « indianiser » ? Les anthropologues (comme Philippe Descola et Eduardo Viveiros de Castro) ne sont pas d’accord entre eux sur la question de savoir ce que les Occidentaux peuvent emprunter à des ontologies complètement différentes des leurs. Mais il est de toute façon certain que nous ne pouvons changer complètement d’ontologie : peut‐être nous indianiserons‐nous quelque peu, mais nous ne deviendrons pas animistes. La solution est sans doute du côté de la
construction d’un monde commun qui respecte la diversité des cultures sans les réduire à un modèle uniforme.
Yasuni ITT : Un mécanisme novateur, soumis au principe de réalité
par Romain Pirard
Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI)
Economiste, spécialiste des forêts tropicales
Brève introduction au projet Yasuni ITT
L’Equateur s’est lancé récemment dans le développement d’un projet présenté comme très novateur dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. L’histoire se déroule dans une zone protégée depuis 1979, lieu de vie de communautés amérindiennes et refuge d’une biodiversité remarquable. Or cette zone abrite également un gisement de pétrole si vaste qu’il représenterait environ 20% des réserves pétrolières du pays avec 846 millions de barils. Le président équatorien a alors avancé l’idée, il y a trois ans, de proposer à la communauté internationale de ne pas exploiter le pétrole – et donc d’éviter aussi les dégradations forestières et les impacts sur les communautés amérindiennes – en échange du versement d’une rente. Le principe fondateur de cette proposition est simple : en n’exploitant pas le pétrole, le pays contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et perçoit une compensation financière en vertu des revenus dont il se prive. La simplicité, le caractère novateur, ainsi que les effets collatéraux bénéfiques concernant les populations1 et la biodiversité, ont donné à cette initiative une popularité inédite. Le PNUD a signé pour la création du fonds devant soutenir financièrement l’opération, et plusieurs pays ont fait part de leur intérêt (leurs contributions financières ne sont cependant pas encore confirmées le jour de publication de cette Newsletter).
Le but de ce court texte est d’apporter une analyse plus critique, en soumettant le mécanisme au principe de réalité dans les champs du climat et de l’économie.
1 Rappelons que l’Equateur a une expérience malheureuse de l’industrie pétrolière, entre autres en raison des multiples pollutions graves occasionnées dans le passé.
Une analyse critique pour soumettre le projet au principe de réalité
Mon analyse portera sur quatre points que je considère problématiques dans le déploiement de cette initiative, certains spécifiques à Yasuni ITT, et d’autres vérifiés pour tout projet de ce type.
1. Le cas de Yasuni ITT est riche en ce qu’il cumule plusieurs aspects, allant du pétrole au stockage du carbone forestier, en passant par les modes de vie indigènes et la biodiversité. Trop riche ? C’est apparemment le pétrole qui fut choisi in fine pour élaborer le montage financier et justifier l’action. Cette voie d’entrée est pourtant la plus fragile, comme expliqué dans les points suivants, … mais aussi la plus rentable. Le carbone forestier ? Le mécanisme REDD+2 serait approprié, mais les émissions provenant de la coupe des arbres pour permettre l’exploitation pétrolière sont bien faibles, comme le sont donc les paiements associés. La biodiversité ? Plusieurs services écosystémiques pourraient être liés à la conservation de la zone protégée, mais les marchés n’existent pas encore, et les bailleurs potentiels ne feraient certainement pas le poids en face des revenus pétroliers. Quant aux communautés amérindiennes, la préservation de leur environnement de vie est nécessaire, mais relève d’une décision politique de l’Equateur qui doit aussi considérer les perspectives alléchantes de l’exploitation pétrolière.
2. La question de la contribution réelle du projet à la lutte contre le changement climatique doit être posée clairement, car c’est l’objectif avancé pour justifier des compensations financières (celles‐ci s’élèveraient à $350 millions/an pendant 10 ans, puis diminueraient). Or cette contribution climatique est sans doute… négligeable. Le projet suit une voie inédite – et assumée, justifiant son caractère novateur – car il s’agit de considérer l’extraction et non la consommation du pétrole en tant que générateur d’émissions de GES. Or la lutte contre le changement climatique, dans son ensemble, est fondée sur le principe d’une comptabilisation et d’une réduction des émissions au niveau où elles sont réalisées. Par exemple le Protocole de Kyoto a formalisé des engagements de réduction des émissions dans les pays industrialisés, en comptabilisant au niveau des secteurs du transport, des bâtiments, etc., et jamais l’option de comptabiliser les émissions dans les pays producteurs d’énergies fossiles ne fut envisagée sérieusement. Et il y a de bonnes raisons pour cela.
En effet, considérons les deux futurs possibles :
- Soit tout le pétrole disponible dans le monde est voué à l’exploitation. Alors le gisement équatorien sera nécessairement exploité à terme, ne serait‐ce qu’à cause d’un coût d’opportunité intenable du fait du prix du pétrole extrêmement élevé lorsque les réserves mondiales seront en voie d’épuisement.
2 REDD+ signifie Réduction des Emissions de la Déforestation et de la Dégradation forestière. C’est un mécanisme discuté dans le cadre de la Convention Climat afin de financer la lutte contre la déforestation dans les pays en développement et émergents.
- Soit une trajectoire mondiale de type « low carbon prosperity » permet de ne pas exploiter tout le pétrole disponible grâce à un découplage croissance/énergie ou à l’avancée des énergies renouvelables. Dans ce cas, la conservation du gisement équatorien ne changera rien à l’affaire puisqu’un autre sera exploité à la place pour satisfaire la demande. C’est inévitable, et rien dans le projet Yasuni ITT ne permet de se prémunir contre cela.
Pour résumer, le problème des « fuites » (c’est‐à‐dire le déplacement des émissions d’un lieu à l’autre) est en quelque sorte inhérent au projet lui‐même.
3. La crédibilité du montage, qui nécessite d’être particulièrement soignée pour un projet dit novateur et ne pouvant s’appuyer sur des précédents établis, est un point sensible. Constatons tout d’abord que le pays ne semble pas très concerné par le respect de ses propres lois, car autrement l’exploitation pétrolière ne pourrait être envisagée. La zone est en effet au cœur d’un parc national, et est devenue en 1989 une Réserve Mondiale de Biosphère UNESCO. En outre, le droit équatorien accorde aux Amérindiens le droit de refuser l’exploitation de ces terres, dans un pays où les communautés indigènes ont voix au chapitre. Après un tel précédent, toute promesse faite par l’Equateur pour une utilisation (fût‐elle sa conservation) future de la zone serait sujette à caution. Inévitablement. A fortiori lorsque le prix du pétrole aura augmenté, et qu’un nouveau gouvernement sera en place qui ne partagera pas les idées du précédent... Certes, le projet prévoit de se prémunir contre ce risque via la distribution de « certificats » aux donneurs, qui leur permettront théoriquement d’être remboursés si le gisement est finalement exploité. Mais l’histoire de la dette des pays en développement ne permet pas d’éluder totalement la crainte d’une défaillance.
4. Alors que le projet Yasuni ITT n’aurait de sens éventuellement qu’en étant répliqué à plus grande échelle – par ex. via des engagements similaires du Venezuela ou de l’Arabie Saoudite – j’observe à cet égard des obstacles préoccupants :
- Le coût de ce type d’intervention la rend difficilement réplicable, d’autant moins généralisable, car cela équivaut à payer une énergie non utilisée (et donc à la payer deux fois, puisqu’on n’agit pas au niveau de la demande : une fois pour sa non utilisation, et une fois pour la consommation d’une énergie alternative !). En outre, le coût d’opportunité de la non‐exploitation explosera, puisque l’absence de couplage avec une action au niveau de la demande entraînera mécaniquement une augmentation du prix du baril en raison d’une raréfaction « artificielle » de l’offre.
- Yasuni réunit toutes les conditions pour enclencher une dynamique de « chantage écologique », consistant pour les pays en développement à demander systématiquement des compensations financières lorsqu’une dégradation environnementale est en jeu et concerne des Biens Publics Mondiaux. Cette dynamique a déjà été observée lors des négociations sur le mécanisme REDD+. Nombre de pays ont alors tenté de demander des
compensations pour les stocks de carbone dans les forêts, annonçant qu’autrement celles‐ci seraient rapidement exploitées ou déboisées. Par cette stratégie, ces pays ont en pratique argué que leur scénario de référence (le taux futur de déforestation sans compensations) serait très élevé, et ceci de manière artificielle. Cette logique de la compensation est prégnante dans le domaine de l’environnement, et il vaudrait peut‐être mieux éviter de lui donner de nouvelles opportunités de s’exprimer.
Eléments de conclusion
Les aspects novateurs et séduisants au premier abord de l’initiative Yasuni ITT ne doivent pas nous empêcher de questionner la solidité de la démarche. Celle‐ci semble fort peu robuste pour les quelques raisons exposées dans ce texte. La situation est complexe et intéressante, de nombreux enjeux sont associés à l’avenir de la zone, et il semble utile sinon nécessaire d’essayer de la préserver de l’exploitation pétrolière et des dégradations occasionnées, tant pour la biodiversité que pour les populations indigènes. Cependant, l’extraction pétrolière et la lutte contre le changement climatique comme justificatifs d’un financement international pour sa préservation me semblent être la porte d’entrée la plus fragile et la moins justifiable. Si elle s’est s’imposée, c’est par un « pragmatisme » du gouvernement équatorien bien conscient des enjeux financiers des diverses options. Mais ce pragmatisme nous paraît relever largement d’une illusion. L’initiative mérite donc d’être substantiellement modifiée pour obtenir les suffrages des futurs bailleurs, si elle a vocation à devenir le chef de file d’une nouvelle catégorie d’actions dans le domaine de l’environnement et des relations nord‐sud, ce qui constitue son objectif affiché.
L’intitiative Yasuni ITT
par Mathieu Le Quang
Docteur en sciences politiques
Matthieu.LeQuang1@univ‐lyon2.fr
L’Initiative Yasuni‐ITT (sigle venant du nom des trois forages d’exploration qui se trouvent dans la zone : Ishpingo‐Tambococha‐Tiputini) consiste à ne pas exploiter quelque 850 millions de barils de pétrole situés dans le Parc Yasuní, une réserve naturelle qui contient une des plus importantes biodiversités dans le monde. Cela représente 20% des réserves de l’Equateur et pourrait rapporter à l’Etat 7 milliards de dollars. Mais en échange, l’Equateur demande à la communauté internationale une contribution à hauteur de 50% de la manne financière dont il pourrait disposer s’il exploitait ce pétrole. Loin d’être un chantage, cette décision part du principe de co‐responsabilité pour les problèmes environnementaux globaux et a aussi pour argument la dette écologique historique des pays industrialisé envers les pays du Sud dont ils ont exploité les ressources naturelles afin de se développer. C’est une proposition qui vise à lutter contre le réchauffement climatique et contre la perte – sans possibilité de retour – d’une très riche biodiversité et à empêcher l’émission d’environ 410 millions de tonnes de CO2. Enfin, dans cette
partie de l’Amazonie, vivent des peuples en isolement volontaire : les Tagaeri et les Taromenane. Le projet ITT permettrait à ces peuples de survivre dans le respect de leur volonté d’isolement.
Le 3 août dernier, une étape cruciale a été franchie afin que l’Initiative Yasuni‐ITT puisse être mise en œuvre : la signature, entre le gouvernement équatorien et le PNUD, du fond financier chargé de collecter l’argent qui permettra à cette utopie de devenir réalité. Le capital du Fond Yasuni‐ITT sera investi exclusivement dans le développement de sources renouvelables d’énergie hydraulique, géothermique, éolienne ou solaire avec comme objectif un changement de la matrice d’offre énergétique et productive réduisant l’utilisation des combustibles fossiles. Les intérêts du Fond seront, eux, destinés principalement au projets suivants : éviter la déforestation et conserver de manière effective 44 Aires protégées qui correspondent à 4,8 millions d’hectares soit 20% du territoire équatorien ; la reforestation et la régénération naturelle d’un million d’hectares de forêt dont les sols sont actuellement menacés par la dégradation (réduisant le taux de déforestation de l’Equateur, un des plus hauts d’Amérique du Sud) ; le développement social des zones d’influence de l’Initiative avec l’investissement dans l’éducation, la santé, l’habitat et dans la création d’emplois dans des activités soutenables comme l’écotourisme ; dans la recherche et le développement en science et technologies avec comme objectif, à moyen/long terme, un changement de modèle de développement pour aller vers une société de la bioconnaissance.
De la réussite de cette initiative dépend sa duplication dans d’autres pays ce qui permettrait d’avoir un véritable impact sur le réchauffement climatique. Pour cela, l’Equateur a défini trois critères/conditions pour que d’autre pays puissent reproduire les mécanismes du projet ITT : 1) Etre un pays en développement. 2) Etre un pays avec une mégadiversité, situé entre les Tropiques du Cancer et du Capricorne où se concentrent les forêts tropicales. 3) Posséder d’importantes réserves de combustibles fossiles dans des zones de haute sensibilité biologique ou culturelle.
L’Initiative Yasuní‐ITT est un exemple pour que l’économie post‐pétrolière et la justice écologique deviennent réalité. Elle nous oblige à penser à un autre type de développement qui ne soit plus fondé sur l’extraction des ressources naturelles mais qui prenne en compte une meilleure harmonie de l’être humain avec la nature. Mais ce projet est insuffisant pris isolément, l’Equateur doit aussi réfléchir à comment connaître et transformer cette information qu’est la biodiversité en une valeur ajoutée qui génère de la richesse pour la satisfaction des besoins humains, en lien avec le respect des droits de la nature.
Pour mettre en place cet autre modèle, l’Equateur ne peut pas se permettre d’arrêter d’exploiter le pétrole notamment pour disposer de ces ressources financières pour financer les réformes nécessaires à cette transition. L’objectif du gouvernement est d’essayer de sortir de cette économie extractiviste ce qui n’implique pas de « fermer le robinet » tout de suite, mais de diminuer peu à peu le poids relatif du pétrole comme ressources de l’Etat. Cela va prendre au moins 20 ans et l’Initiative Yasuní‐ITT en est la contribution la plus importante.
PROJETS ETUDIANTS
Les projets collectifs fêtent leurs dix ans à Sciences Po !
Par Agathe Gondinet (Sciences Po M 2005),
responsable pédagogique des projets collectifs de master.
agathe.gondinet@sciences‐po.fr
En tant qu’ancienne élève de Sciences Po (promotion 2005), je suis très heureuse de présenter au réseau des Alumni en Amérique latine les projets collectifs de master. Après mes études dans le master affaires internationales de Sciences Po, j’ai travaillé en Colombie sur un projet éducatif financé par la Banque Interaméricaine de Développement, en faveur de populations déplacées internes dans des collèges de Bogota et Ibague.
De retour en France, j’ai souhaité continuer de vivre ma passion pour les projets éducatifs, et ai rejoint Sciences po afin de travailler sur la troisième année à l’étranger. J’ai ainsi pu découvrir à quel point l’Amérique latine, dans sa diversité culturelle, politique et économique fascine et attire nos élèves, qui perçoivent ce continent comme un terrain unique d’action et d’expérimentation sociales. Je garde ainsi en mémoire l’enquête d’un élève du campus de Poitiers sur les pratiques du monde rural à travers tout le sous‐continent, et l’engagement d’un autre au sein d’une ONG bolivienne de protection des animaux sauvages…
Depuis septembre dernier, je suis responsable des projets collectifs de master, qui fêteront bientôt leurs dix années d’existence !
Véritable innovation pédagogique, le projet collectif a été créé en 2001 par Richard Descoings et conçu dès son origine comme un espace de créativité et d’action pour les élèves désireux de s’investir sur des projets culturels, sociaux ou scientifiques.
Dans le contexte de réforme de l’enseignement supérieur européen de 2001 qui a mené à la standardisation du système LMD (licence, master, doctorat) et à la mise en place des crédits ECTS, l’idée s’est concrétisée de donner une valeur académique aux acquis expérientiels et aux engagements pratiques des étudiants.
C’est ainsi que Sciences Po accorde six crédits ECTS aux élèves réalisant un projet collectif, qui consiste pour une équipe de 4 à 10 élèves à travailler pendant un an à raison de quelques heures par semaine sur une mission ‘professionnalisante’.
Alors que beaucoup d’écoles d’ingénieurs, d’écoles de commerce et d’universités françaises créent ce type de dispositifs sur le mode facultatif, Sciences Po a fait du projet collectif un dispositif central et obligatoire dans la formation des élèves de master.
En plus de donner aux élèves une expérience du monde professionnel et des compétences en gestion de projet, le projet collectif leur donne confiance dans leur capacité d’action (collective) sur nos sociétés.
En 2011, les 1200 élèves de première année de master réaliseront ainsi 160 missions d’une extrême diversité, et parmi lesquelles se trouvent la participation à un concours de lobbying européen, une étude sur la gouvernance du bassin du Niger, la simulation de négociations onusiennes à New York, l’évaluation du site internet du Conseil d’Etat, l’organisation du premier festival d’art du château de Fontainebleau, enfin la préparation d’un tournoi de sport en Inde…
Résolument ouverts sur le monde, ces projets reflètent la diversité des origines et des passions de nos élèves.
L’Amérique latine et les Caraïbes sont bien présents cette année, puisque les élèves travailleront notamment à l’organisation du Festival des Journées amérindiennes d’Amnesty International, ainsi qu’à la mise en place de logiciels de formation professionnelle pour des populations défavorisées en Colombie, Argentine, Bolivie et Pérou. Ils réaliseront pour la Fondation de France une étude sur les interventions non gouvernementales en Haïti depuis le séisme de janvier 2010. Enfin, une équipe
d’élèves contribuera au développement d’un village guatémaltèque dans le cadre du projet ‘Ninos de Guatemala’ (voir article ci‐dessous).
Les élèves expriment néanmoins une réelle envie de s’investir sur davantage de projets ou de problématiques ‘latinos’.
C’est donc bien un appel à la communauté des Anciens de Sciences Po en Amérique latine que je souhaite lancer, afin de favoriser dès l’année prochaine des initiatives en lien avec cette région.
Comptant parmi les expériences les plus marquantes de la formation de Sciences Po, le projet collectif permet aux Anciens de renouer avec Sciences Po, de renouer avec nos élèves, et de contribuer directement à leur formation académique, professionnelle et à leur compréhension du monde.
En partant de vos activités et de vos besoins professionnels, nous pouvons travailler ensemble à la définition d’un projet, qui sera confié à un groupe d’élèves et à un tuteur basé à Paris.
Parce qu’il favorise le travail collectif et les échanges entre les élèves de différents masters, le projet collectif contribue grandement à la création d’un esprit de promotion et d’un sentiment d’appartenance à Sciences Po.
C’est à ce titre que le réseau des Anciens, qui a toute sa place dans la transmission de l’identité de Sciences Po, en France et à l’international, peut soutenir les projets collectifs.
A bientôt, donc !
Agathe Gondinet
Site des projets collectifs: http://master.sciences‐po.fr/fr/content/projets‐collectifs
Telephone : 0033 1 45 49 53 68
Niños de Guatemala (NDG)
Création de Niños de Guatemala
par Sander Wirken, co‐fondateur de NDG et étudiant en Master à Sciences Po
Niños de Guatemala (NDG) est une organisation non‐gouvernementale qui a été fondée en 2006 conjointement par des Hollandais et des Guatémaltèques. Après avoir constaté la faiblesse du taux de scolarisation au Guatemala et les mauvaises conditions d’étude des élèves de primaire qui sont souvent plus de cinquante par classe, un projet a vu le jour: celui de la construction d´une école. Améliorer l’accès a l’éducation ainsi que la qualité de celle‐ci est crucial pour améliorer durablement la qualité de vie des guatémaltèques. Les fondateurs se sont donc lancés dans la construction de l´école avec un objectif en tête : pouvoir offrir une éducation de qualité aux enfants guatémaltèques.
Mais par où commencer ? Le travail initial consistait en la réalisation de deux tâches principales : la récolte des fonds nécessaires ainsi que l’organisation logistique, stratégique et humaine nécessaires à la construction et au fonctionnement d´une école de qualité.
Après des recherches approfondies, le choix de NDG quant au site de construction de cette première école s´est porté sur Ciudad Vieja. Cette commune de trente mille habitants ne comptait que deux écoles primaires. Le besoin éducatif y était donc évident et, a fortiori, reconnu par la municipalité qui s’est montrée enthousiaste à l’idée de coopérer avec NDG. La construction de l’école a commencé en avril 2008. Une directrice, un travailleur social et des enseignants ont été recrutés. En janvier 2009, l’école primaire a ouvert ses portes sous le nom de Nuestro Futuro (Notre Futur) avec ses premiers quatre‐vingt élèves. En janvier 2011, Nuestro Futuro comptera cent vingt‐cinq élèves.
Une association à but non‐lucratif a été créée aux Pays‐Bas afin de lever des fonds. Un seul événement associant tournoi de golf, dîner et vente aux enchères d’œuvres d’art a permis à NDG de lever en 2008 environ 150 000 euros. Une coopération avec l’Université d’Amsterdam a été mise en œuvre afin d´assurer la pérennité de l´association
L’autosuffisance financière et organisationnelle de Nuestro Futuro sera atteinte en 2014, date à laquelle l´école comptera deux cent élèves. NDG ne va pas cependant se cantonner à Nuestro Futuro. La construction d’une deuxième école est prévue dans les cinq ans à venir selon les mêmes principes qui ont fait le succès de Nuestro Futuro: implication de la population locale, autosuffisance et professionnalisme. Afin de financer le fonctionnement de cette nouvelle école, NDG ouvrira une entreprise locale au Guatemala dans les deux ans à venir. Ainsi, NDG reste fidèle à sa mission : promouvoir le développement endogène du Guatemala.
Niños de Guatemala à Sciences Po
par Elise Durand, ancienne volontaire NDG au Guatemala et élève en Master à Sciences Po
Depuis la rentrée universitaire de septembre 2010, NDG s´est implantée en France, sous l’impulsion de trois étudiants en Master à Sciences Po. NDG France s’est d’abord constituée en association étudiante reconnue par Sciences Po et est en cours d’immatriculation à la préfecture. L’équipe compte aujourd'hui une dizaine d’étudiants actifs, de la première année à la cinquième année de Sciences Po.
Le but de l’association est de soutenir NDG au Guatemala en organisant des évènements de collecte de fonds, en sensibilisant à la situation au Guatemala et en informant sur les possibilités de volontariat dans l’école Nuestro Futuro. NDG France travaille en étroite collaboration avec l’ONG au Guatemala et l’association aux Pays‐Bas afin de répondre à des besoins réels. L’objectif 2010‐2011 pour NDG France est de financer les déjeuners quotidiens des élèves de deux classes de l’école Nuestro Futuro. Le montant de ce financement s’élève à 5 000 euros par an.
Pour y parvenir, NDG France a conçu plusieurs projets pour l’année 2010‐2011. Le premier est la participation à des évènements sportifs avec le soutien d’un sponsor et un système de parrainage individualisé pour chaque participant. En partenariat avec l’Association Sportive de Sciences Po, un projet collectif a été mis en place pour la réalisation de ce projet. NDG France prévoit aussi d’organiser de soirées étudiantes. La première est programmée pour le 14 décembre sur le thème de la musique d’Amérique latine. L’objectif de ces soirées est double : collecter des fonds et améliorer la visibilité de l’association. Parmi nos projets figurent également l´organisation d’une conférence à Sciences Po sur le Guatemala, l’Amérique centrale et l’aide au développement, ainsi que celle d’un pique‐nique guatémaltèque et le recrutement de nouveaux parrains pour les enfants via le padrino program.
Travailler pour Niños de Guatemala au Guatemala
par Claire San Filippo, responsable du Centre des volontaires de NDG au Guatemala et ancienne de Sciences Po (M 08)
En tant qu’ancienne Présidente du Bureau des Elèves du campus de Nancy et Présidente de Junior Consulting, la Junior Entreprise de Sciences Po, je cherchais un premier emploi qui me permette de combiner gestion d’équipe et entreprenariat avec ma passion pour les droits de l’Homme.
Apres plusieurs stages aux Nations‐Unies et auprès des institutions communautaires, je souhaitais me mettre au service d’une organisation non‐gouvernementale de « terrain », dynamique et en pleine croissance afin d’avoir une marge de manœuvre et une liberté de proposition plus conséquentes ainsi qu’une interaction substantielle avec les bénéficiaires de mon action. Il était également crucial pour moi que cette organisation ait une stratégie bottom‐up centrée sur les besoins réels d’une communauté afin que le projet soit durable. Devenir manager du Centre de Volontariat de Niños de Guatemala à Antigua était donc l’opportunité idéale.
Quel plus beau projet que d’offrir une éducation de qualité à des enfants défavorisés dont les familles sont souvent illettrées ? Nelson Mandela n’affirmait‐il pas que l’éducation était l’arme la plus puissante pour changer le monde ? Eduquer un enfant, c’est non seulement lui offrir un meilleur futur mais aussi former des citoyens responsables, ce qui prend particulièrement son sens dans un pays qui se reconstruit après trente‐six ans de guerre civile.
Au quotidien, c’est un véritable plaisir de travailler avec une équipe si dédiée et motivée, et de partager mon temps entre management, collecte de fonds, gestion des volontaires et des parrains, activités promotionnelles et de networking et aussi, évidemment, l’école où j’ai le privilège de donner des cours de théâtre aux enfants une après‐midi par semaine !
Nos projets pour 2011 ? Mettre en place une nouvelle classe ; enrichir et ouvrir notre bibliothèque à la communauté de Ciudad Vieja où il n’y en a pas pour le moment et la transformer en un espace d’échange et d’apprentissage pour tous ; et offrir un déjeuner aux enfants afin de s’assurer qu’ils bénéficient d’un programme nutritif équilibré de qualité.
Et pour ce faire, nous cherchons des volontaires, des parrains qui puissent inspirer et soutenir les enfants pendant leur scolarité ainsi que des sponsors. Tout un chacun peut aider à son échelle !
Pour plus d’information : www.ninosdeguatemala.org, [email protected]