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EDITORIAL L’année 2010 s’achève sur un bilan fructueux pour la célébration du bicentenaire des indépendances latinoaméricaines, notamment pour ce qui concerne le Sénat. Celuici s’est associé aux initiatives lancées cette année, manifestant en particulier son souhait d’adopter une résolution proposant l’établissement, le 31 mai de chaque année, d’une journée de l’Amérique latine et des Caraïbes en France à l’instar de la fête de la musique ou des journées du Patrimoine. Espérons que cette date puisse devenir un rendezvous attendu associant les anciens de Sciences Po attachés à ce continent et les étudiants en cours de formation. Audelà de la commémoration, les célébrations du bicentenaire sont aussi l’occasion de réflexions sur l’avenir. Tel sera entre autres l’esprit du colloque organisé par le Senat sur l’Amérique latine et la mondialisation le 17 décembre prochain. La Division Amérique latine vous souhaite à tous de très bonnes fêtes de fin d’année ! Bonne lecture ! Marie Castillo Directrice de la publication SP 2000 latam@sciencespo.asso.fr ACTUALITES La nouvelle contagion latinoaméricaine Javier Santiso Professeur d’économie, ESADE Business School et Directeur de l’ESADE Centre for Global Economy and Geopolitics Promotion 1991 (Major) et ancien professeur et chercheur à Sciences Po [email protected]

Newsletter de la division Amérique Latine - N°2

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La division Amérique Latine de l'Association des Sciences Po vous présente sa seconde newsletter !

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EDITORIAL 

 

L’année  2010  s’achève  sur  un  bilan  fructueux  pour  la  célébration  du  bicentenaire  des indépendances  latino‐américaines, notamment pour ce qui concerne  le Sénat. Celui‐ci s’est associé aux initiatives lancées cette année, manifestant en particulier son souhait d’adopter une  résolution  proposant  l’établissement,  le  31 mai  de  chaque  année,  d’une  journée  de l’Amérique  latine  et  des  Caraïbes  en  France  à  l’instar  de  la  fête  de  la musique  ou  des journées  du  Patrimoine.  Espérons  que  cette  date  puisse  devenir  un  rendez‐vous  attendu associant  les anciens de  Sciences Po attachés à  ce  continent et  les étudiants en  cours de formation. 

Au‐delà  de  la  commémoration,  les  célébrations  du  bicentenaire  sont  aussi  l’occasion  de réflexions  sur  l’avenir. Tel  sera entre autres  l’esprit du  colloque organisé par  le Senat  sur l’Amérique latine et la mondialisation le 17 décembre prochain.  

La Division Amérique latine vous souhaite à tous de très bonnes fêtes de fin d’année ! 

Bonne lecture ! 

 

Marie Castillo 

Directrice de la publication 

SP 2000 

latam@sciences‐po.asso.fr 

 

ACTUALITES 

La nouvelle contagion latino‐américaine 

Javier Santiso 

Professeur d’économie, ESADE Business School  

et Directeur de l’ESADE Centre for Global Economy and Geopolitics 

Promotion 1991 (Major) et ancien professeur et chercheur à Sciences Po 

[email protected] 

Il y a quelques années, j’ai publié un livre dans lequel je parlais des bons révolutionnaires et apôtres du  libéralisme à outrance, d’une  région  secouée par des paradigmes économiques,  structuralistes, maoïstes, néo‐libéraux, de modèles qui  se  confrontaient, parfois de manière violente, aux  réalités économiques  et  sociales  du  continent  latino‐américain  (voir  l’essai  Amérique  latine :  Du  Bon Révolutionnaire au Bon Libéral, Paris, Editions Autrement, 2005). 

A  l’issue de processus parfois douloureux  (comme dans  le  cas  chilien),  certains pays du  continent avaient néanmoins su se dégager d’une économie politique déformée par des prismes  idéologiques et mettre fin aux maximes maximalistes guidées par des modèles supposés résoudre l’ensemble des maux du sous développement. Tour à tour, des pays aussi divers que  le Chili,  le Brésil ou encore  le Mexique se sont ainsi défait de cette illusion de macro paradigmes sensés ouvrir la boîte de Pandore du développement et se sont orientés vers des politiques économiques pragmatiques donnant lieu à l’émergence d’un possibilisme  en matière de politique économique.  

Depuis cette publication, quelques années ont passé et d’autres pays ont rejoint le trio alors analysé.  Les uns après les autres, et ce depuis des gouvernements aussi de centre gauche que de centre droit, un  nombre  grandissant  de  pays  ont  mené  des  politiques  économiques  « possibilistes », pragmatiques, combinant l’orthodoxie macro‐économique et les politiques sociales, visant à la fois le libre commerce et le soutien aux entreprises publiques, tout cela dans un cadre démocratique. Ainsi, le Costa Rica,  la Colombie,  l’Uruguay,  le Pérou,  la République dominicaine ou encore  le Panama se sont joint à cette tendance de fond. 

Il paraît que nous sommes en amont d’une contagion inédite, une contagion vertueuse, dans laquelle les pays  s’émulent  les uns  après  les  autres,  ce  groupe de pays  se distinguant par  leurs politiques éminemment  pragmatiques  qui  transcendent  les  divisions  et  les  classifications  traditionnelles  de gauche  ou  de  droite  à  la  lumière  desquelles  on  a  voulu,  en  particulier  en  Europe,  pouvoir comprendre la région. Il y a quelques années, le cliché commun relatif à l’Amérique latine était que le Chili était l’unique « jolie fille » (niña bonita) du quartier latin (barrio latino). Maintenant, l’Amérique latine a non seulement un  leader mondial (avec  le Brésil, septième puissance économique en 2010, en  termes de PIB nominal, membre des BRICs,  cet autre  club  selecte qui  regroupe  les principales économies émergentes du globe, au‐delà des pays de  l’OCDE) mais aussi une  floraison de « jolies filles ». Certaines, comme  le Mexique et depuis 2010 aussi  le Chili,  sont déjà membres de  l’OCDE. D’autres  multiplient  leurs  efforts  pour  combiner  croissance  et  développement,  politiques économiques monétaires et budgétaires avec  les politiques sociales. Toutes  s’émulent  les unes  les autres à l’image, par exemple, du Pérou ou de la Colombie suivant les pas du voisin chilien. 

Il y a un cas qui attire particulièrement l’attention, car c’est une des plus grandes surprises (positives) qui a surgi du continent : le Pérou. Il y a à peine deux décennies, ce pays était synonyme de guérillas maoïstes, de violence extrême, de rumeurs de coup d’Etat, de faillites bancaires, d’hyperinflation et de  défaut  de  la  dette,  aujourd’hui,  cette  histoire  paraît  bien  lointaine,  reléguée  dans  un  siècle lointain. Le Pérou exhibe un des taux de croissance les plus élevés non seulement de la région, mais aussi du monde, comparable à ceux des champions asiatiques. Son commerce a triplé en à peine une décennie  et  ses  entreprises  (à  l’instar  des  chiliennes,  colombiennes,  mexicaines  ou  encore brésiliennes)  s’élancent  désormais  à  l’international,  gonflant  le  nombre  des  multilatinas,  les multinationales  latino‐américaines.  En  2009,  en  pleine  crise  globale,  le  Pérou  a  atteint  ainsi l’ « investment grade ». Aujourd’hui, le PIB de ce pays de 26 millions d’habitants s’élève a plus de 140 

milliards de dollars. Les réserves du pays fleurtent avec des records (plus de 45 milliards de dollars fin 2010),  le  pays  songeant  désormais  se  doter  d’un  fonds  souverain,  à  l’instar  des  homologues asiatiques,  arabes  ou  chiliens,  pour  redéployer  les  richesses  dérivées  des  secteurs  miniers  en particulier.  De  fait,  au  cours  des  dix  prochaines  années,  le  pays  devrait  voir  une  authentique avalanche d’investissements dans ces secteurs, estimés à plus de 40 milliards de dollars, aussi bien provenance  des  groupes miniers  des  pays OCDE  que  de  ceux  des  pays  émergents,  en  particulier chinois, déjà très actifs au Pérou. 

Car aujourd’hui  le Pérou n’est plus seulement dans  le radar des  investissements nord‐américains et européens, mais aussi asiatiques. La Chine regarde vers le pays andin misant sur des investissements importants tant dans  les mines que dans  les  infrastructures de transport. D’où  l’entrée des groupes chinois  non  seulement  dans  les mines  péruviennes mais  aussi  dans  les  structures  portuaires.  Cet essor de l’intérêt chinois a également des effets collatéraux. Le Japon, un autre investisseur asiatique important  dans  la  région,  regarde  de  nouveau  de manière  intense  vers  l’Amérique  latine,  et  en particulier  vers  ces  pays  où  l’on  trouve  également  des  établissements  historiques  d’importantes communautés  asiatiques,  en  particulier  japonaises  comme  au  Brésil mais  aussi  au  Pérou  (ou  les descendants de chinois sont également importants, ce qui constitue un autre atout du pays). 

Quelle  que  soit  la  métrique  –  croissance  du  PIB  élevée,  inflation  sous  contrôle,  précaution budgétaire,  etc.  ‐  les  statistiques  péruviennes  montrent  que  ce  pays  est  entré  dans  l’ère  du possibilisme sous la houlette de ministres des Finances d’envergure Luis Carranza par exemple. Mais ceelui qui  incarne  sans doute  la  transformation du Pérou, est  ans doute  le président  actuel, Alan Garcia, qui  après un premier mandat désastreux  au  siècle passé,  s’est  réinventé  et  a  contribué  à ancrer des politiques économiques guidées par le pragmatisme. Bien entendu, il reste de nombreux défis, et non des moindres, auxquels s’atteler :  la pauvreté et  les  inégalités ont fortement diminué, mais  les chiffres affichés par  le Pérou continuent d’être élevés ;  les dépenses budgétaires  (comme dans  tout  le  reste de  la  région) devrait être plus  redistributives, en particulier dans  le domaine de l’éducation et de  la santé. Par ailleurs,  la diversification de  l’économie vers des segments de  forte valeur ajoutée et intensifs en emplois, dans un contexte de hausse des prix des matières premières, ne  sera  pas  chose  facile.  Quoi  qu’il  en  soit,  les  avancées  du  Pérou  durant  la  décennie  ont  été gigantesques et, à l’image de nombre d’autres pays de la région comme la Colombie ou le Brésil, on ne peut qu’espérer que cette nouvelle décennie soit latino‐américaine. 

L’histoire n’a pas de fin, celle des économies et des pays est un mouvement continu. Dans ce voyage vers un monde meilleur certains pays font des pas  importants. En 2010, symbole de  l’essor et de  la transformation du Pérou, le prix Nobel de littérature a (enfin) été remis à l’écrivain péruvien  Mario Vargas  Llosa.  Les  agences  de  notation  ont  célébré  l’essor  économique  du  Pérou,  lui  accordant l’investment grade un  an  auparavant, une  sorte de Nobel en matière de politique  économique.  Il semble que  le présent  et  le  futur  sourient  au Pérou,  à  l’image d’une  grande partie du  continent. L’histoire  semble  avoir  cessé d’être  celle des  espiègleries d’une mauvaise petite  fille,  les  tours  et détours de vilaines filles, pour devenir le voyage heureux d’une jolie fille qui étonne et détonne dans le paysage des économies émergentes, celles d’Amérique latine ayant parié sur le possibilisme, étant non seulement florissantes du point de vue économique mais aussi démocratique. 

 

2010 au Chili : La folle année du bicentenaire. 

 

par Luis Pizarro, directeur général , Solthis 

 

Sciences Po RI 04 

 

[email protected] 

 

 

Au Chili, l’année 2010 était l’échéance que les gouvernements de la coalition de centre‐gauche, « la Concertacion »,  au  pouvoir  depuis  1990,  s’était  donnée  pour  faire  entrer  le  pays  dans  l’ère  du développement. En 2009,  l’horizon  se présentait plutôt prometteur. En effet,  le pays était devenu membre  de  l’OCDE  après  plusieurs  années  de  négociation,  les  indicateurs  macro  économiques étaient au beau  fixe,  la popularité de  la présidente  sortante, Mme. Michelle Bachelet,  franchissait des records à plus de 75% d’opinion favorable et, fait  important pour  le moral du pays,  la sélection nationale de football parvenait à se qualifier pour la Coupe du Monde. 

 

Nonobstant  cet  horizon  dégagé,  l’année  2010  allait  se  révéler  pleine  de  surprise  pour  le  pays,  à commencer par l’élection du premier président de droite depuis la fin de la dictature de Pinochet, M. Sebastian Pinera. Pour la « Concertacion », le bilan de ces vingt dernières années apparaissait plutôt flatteur mais  un  sentiment  de  « fin  de  régime »  et  un  candidat  qui  n’a  jamais  réussi  à  créer  une adhésion  populaire,  M.  Eduardo  Frei,  (rappelons  que  Mme  Bachelet  n’était  pas  autorisée  à  se représenter) ont permis l’arrivée au pouvoir du candidat de centre droit. Il remporta haut la main le deuxième tour et se prépara à mettre en œuvre le virage économique qu’il avait promis et qui devait permettre au Chili de retrouver des taux de croissance de 5 à 6%. 

 

Le  27  février,  quelques  jours  avant  la  prise  de  fonction  de  Pinera,  le  pays  était  secoué  par  un tremblement  de  terre  d’une  intensité  de  8,8°  dans  l’échelle  de  Richter  (200  fois  l’intensité  du tremblement  de  terre  en  Haïti  quelques mois  auparavant).  Environ  700  personnes  furent  tuées, notamment par un tsunami à 700 km de la capitale. Les dégâts ont été surtout matériels mais d’une ampleur particulièrement  féroce dans  les  régions australes du pays. Les  images de pillage dans  les supermarchés, qui ont fait le tour du monde, ont beaucoup affecté la fierté du peuple chilien, plutôt habitué aux clichés flatteurs de leur succès économique.  

 

Le  nouveau  gouvernement,  dès  sa  prise  de  fonction,  devait  donc  aménager  son  programme  de campagne pour faire face à cette nouvelle urgence de reconstruction. Le Chili bénéficie de réserves liées notamment à  l’exportation du cuivre, et  il est peu endetté grâce à une politique économique 

rigoureuse.  Il peut, par conséquent, emprunter à des  taux  faibles et  réagir  rapidement à de  telles catastrophes naturelles. Cependant, les orientations budgétaires du nouveau gouvernement allaient devoir  être  revisitées  et  les  pressions,  tant  de  la  nouvelle  opposition  politique  que  de  l’opinion publique, allaient se révéler coriaces.  

 

Malgré  la  composition  rapide  d’équipes ministérielles  avec  des  professionnels  de  haut niveau,  le gouvernement ne fut pas capable de prendre en main à temps les rênes d’un appareil d’état, certes léger, mais complètement monopolisé par  l’administration sortante de ces vingt dernières années. Cette impression de flottement s’est additionnée aux accusations de conflit d’intérêt à l’encontre du président et de certains de ses ministres. En effet, Sebastian Pinera est un chef d’entreprise ayant de nombreuses  participations  dans  différents  groupes  économiques.  Homme  politique  peu  connu jusque  là  à  l’étranger,  les médias  internationaux  l’ont  trop  vite  comparé  à  Silvio  Berlusconi.  En réalité, en dehors de sa fortune personnelle,  il ne partage que peu de traits de personnalité avec  le premier ministre  italien. Mais dans  le  cas présent,  après  avoir annoncé qu’il  réglerait  sa  situation personnelle  pour  empêcher  tout  soupçon  d’illégalité,  un  retard  (ou  une  non  volonté ?)  dans  la gestion de  ses participations  financières a entraîné de nombreuses accusations de collusion ou de conflit d’intérêt. 

 

Malgré  tout,  l’année 2010 préparait encore des  soubresauts. Pour  les amateurs du ballon  rond,  la surprise ne  vint pas de  la Coupe du Monde de  football  en Afrique du  Sud où  le Chili  fut  éliminé logiquement par le Brésil en huitième de finale. L’image forte de l’année 2010 est venue du désert, là où  se  trouvent  les  ressources  naturelles  les  plus  importantes  du  pays.  Au  mois  de  septembre, l’opinion publique internationale allait découvrir le drame effroyable de 33 mineurs bloqués à plus de 600 mètres sous terre, situation malheureusement trop fréquente parmi les mineurs partout dans le continent.  Le  président  de  la  République  allait  s’engager  personnellement  dans  les  travaux  de recherche,  faisant  fi  de  l’opinion  de  ses  collaborateurs  qui  craignait  une  issue  défavorable  à  cet épisode. Après 69 jours passés sous terre, le 13 octobre, des dizaines de millions de téléspectateurs du monde entier (autant que pour  le 11 septembre 2001) suivaient en direct pendant 22 heures  la sortie de  chaque mineur  et  l’accolade de  leur président.  Lui  et  son ministre des mines  (Laurence Golborne), nouvelle coqueluche de  l’opinion publique chilienne, profitaient de cet événement pour redonner  un  nouveau  souffle  à  leur mandat.  Sebastian  Pinera  pouvait  alors  partir  en  tournée  à Londres, Paris et Berlin, vanter le « chilean way » ou « hacerlo a la chilena », nouvelle accroche pour vanter les mérites d’un pays qui se veut résolument « développé ». 

 

Malheureusement, la réalité du Chili aujourd’hui est plus nuancée. Comme l’a montré le rapport du PNUD  sur  le  développement  humain,  paru  en  fin  d’année,  le modèle  chilien  n’a  pas  permis  de diminuer  les écarts socio‐économiques abyssaux qui séparent  les Chiliens. L’accès à des services de santé et d’éducation de qualité est encore très  inégalement reparti dans  les différentes régions du pays. De même,  lors de son voyage en Europe, on  rappela à M. Pinera que des  indiens Mapuches faisaient une grève de la faim pour revendiquer les abus de justice dont ils étaient l’objet. En effet, le Chili  n’a  pas  encore  su  trouver  une  réponse  adéquate  aux  exigences  indiennes  concernant  leurs 

terres  et  leurs  droits.  Là  aussi,  l’écart  avec  une  société  démocratique  soucieuse  du  droit  de  ses minorités reste encore à combler pour un pays qui se projette vers le développement. 

 

Dans cette année 2010 où nous célébrons les bicentenaires des indépendances en Amérique Latine, l’actualité  mouvementée  du  Chili  nous  apparaît  comme  un  bon  exemple  de  trois  enjeux  qui s’imposent à  la sous  région dans  les années à venir :  les  transitions politiques et  la confiscation de l’Etat par  les groupes de pouvoir ;  les  inégalités sociales et  les fortes tensions qu’elles engendrent ; l’accès équitable à la protection sociale.  

 

Les réponses qui seront développées dans le futur, devront obligatoirement passer, à notre avis, par la  création  d’une  société  civile  plus  forte, mieux  formée,  et  ayant  toute  sa  place  dans  le  débat démocratique. Des  indicateurs macroéconomiques  au  beau  fixe  ne  suffiront  pas  à  permettre  aux populations  les plus déshéritées du  continent de  rattraper  le  train du développement que maints dirigeants politiques les invitent à rejoindre. 

   CONFERENCE  La  division  Amérique  latine  a  organisé  le  1er  octobre  dernier  une  conférence‐débat  avec l’Iddri, la chaire de développement durable de Sciences Po et l’association Paroles de Nature sur  le  thème :  « relation  hommes‐nature :  vision  autochtone  et  mécanismes  novateurs. L’inspiration viendrait‐elle d’Amérique latine ? Au‐delà du cas Yasuni ITT (Equateur) ?  Sur ce thème, vous pouvez lire les contributions de trois de nos intervenants.  

Le Sumak Kawsay 

 

Par Catherine Larrère 

Professeur à l’université de Panthéon‐Sorbonne 

Auteur « du bon usage de la nature, pour une philosophie de l’environnement » 

 

[email protected] 

 

Les constitutions boliviennes et équatoriennes ont intégré un concept issu de la cosmovision indigène, Suma Quamana en Aymara et Sumak Kawsay en Quechua, « construire une nouvelle forme de  coexistence  citoyenne dans  la diversité et en harmonie avec  la nature, pour atteindre  le bien‐

vivre ». Dans cette vision  indigène d’un droit de bien vivre dans  la nature, qui accorde à  la fois des droits  environnementaux  aux  hommes  et  des  droits  à  la  nature,  on  peut  reconnaître  une convergence  avec  ce qui  se dégage de  la  réflexion morale occidentale pour  élaborer une éthique environnementale, apte à régler les rapports entre l’homme et la nature : une éthique relationnelle qui  cherche  à  conjuguer  le  respect  de  l’altérité  de  la  nature  et  la  prise  en  compte  des  rapports d’interdépendance et  d’interconnexion qui lient entre eux tous les êtres vivants, hommes compris. 

 

Ce qui frappe dans cette contribution  indigène, c’est sa dimension publique,  l’inscription du concept de bien vivre dans  la constitution. La constitution est en effet  la  référence de ce que  l’on peut appeler (après John Rawls) la raison publique : l’ensemble des arguments, acceptables par tous les citoyens, à partir desquels se débattent et sont justifiées les lois adoptées. C’est important parce que cette vision d’une vie harmonieuse dans la nature fait de celle‐ci un partenaire, l’intégre dans un « contrat  naturel »  (selon  l’expression  de Michel  Serres).  Longtemps,  on  a  reproché  aux  éthiques environnementales d’être trop minoritaires, d’être incapables de convaincre l’ensemble des citoyens. Le  concept  indigène  de  Sumak  Kawsay  remet  en  cause  l’anthropocentrisme  dominant  des Occidentaux,  c’est  une  façon  de  lier  humains  et  non‐humains  dans  une même  communauté.  La raison publique peut prendre la nature en considération. 

 

Cette  modification  des  constitutions  boliviennes  et  équatoriennes,  qui  prend  en considération des concepts indigènes du bien vivre, fait voir l’importance de la dimension culturelle des revendications environnementales. Diversité culturelle et biodiversité sont liées : la richesse et la diversité des  formes  culturelles  font partie de  la  richesse et de  la diversité des  formes de  vie  sur terre. Chacune participe à  l’autre et  leur  reconnaissance vont de pair. Dans  les différents pays,  les revendications indigènes de respect de leur culture s’inscrivent dans les politiques de reconnaissance du multiculturalisme. Mais  elles  leur  apportent  une  dimension  propre,  environnementale :  toute culture indigène inclut une relation à un territoire propre. Les revendications environnementales des populations  indigènes  sont  ainsi  celles  d’une  véritable  communauté  écologique,  ou environnementale, qu’ils forment avec leur milieu de vie. Reconnaître ces revendications, leur rendre justice, c’est prendre en compte aussi bien des visions du monde qu’un ensemble de pratiques. 

 

Que  pouvons‐nous,  nous  autres  Occidentaux,  attendre  de  telles  confrontations interculturelles ?  « Nous  ne  nous  indianiserons  pas »,  déclarait  le  philosophe  Edmund Husserl,  en 1935, dans une conférence sur « La crise de l’humanité européenne et la philosophie ». Il lui semblait que  l’idée européenne représentait un véritable universel auquel  les autres groupes de  l’humanité pouvaient  se  rallier, alors que  l’inverse était exclu.  Sommes‐nous à  l’encontre de  la prédiction de Husserl, en  train de nous « indianiser » ? Les anthropologues  (comme Philippe Descola et Eduardo Viveiros de Castro) ne sont pas d’accord entre eux sur  la question de savoir ce que  les Occidentaux peuvent emprunter à des ontologies complètement différentes des leurs. Mais il est de toute façon certain que nous ne pouvons changer complètement d’ontologie : peut‐être nous indianiserons‐nous quelque  peu, mais  nous  ne  deviendrons  pas  animistes.  La  solution  est  sans  doute  du  côté  de  la 

construction d’un monde commun qui respecte la diversité des cultures sans les réduire à un modèle uniforme. 

Yasuni ITT : Un mécanisme novateur, soumis au principe de réalité 

 

par Romain Pirard 

Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) 

Economiste, spécialiste des forêts tropicales 

[email protected] 

 

 

Brève introduction au projet Yasuni ITT 

 

L’Equateur s’est lancé récemment dans le développement d’un projet présenté comme très novateur dans  le  cadre  de  la  lutte  contre  le  changement  climatique.  L’histoire  se  déroule  dans  une  zone protégée  depuis  1979,  lieu  de  vie  de  communautés  amérindiennes  et  refuge  d’une  biodiversité remarquable. Or  cette  zone abrite également un  gisement de pétrole  si  vaste qu’il  représenterait environ 20% des réserves pétrolières du pays avec 846 millions de barils. Le président équatorien a alors avancé l’idée, il y a trois ans, de proposer à la communauté internationale de ne pas exploiter le pétrole  –  et  donc  d’éviter  aussi  les  dégradations  forestières  et  les  impacts  sur  les  communautés amérindiennes – en échange du versement d’une rente. Le principe fondateur de cette proposition est simple : en n’exploitant pas  le pétrole,  le pays contribue à  la  réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et perçoit une compensation financière en vertu des revenus dont il se prive. La simplicité,  le  caractère  novateur,  ainsi  que  les  effets  collatéraux  bénéfiques  concernant  les populations1 et  la biodiversité, ont donné à cette  initiative une popularité  inédite. Le PNUD a signé pour la création du fonds devant soutenir financièrement l’opération, et plusieurs pays ont fait part de  leur  intérêt (leurs contributions financières ne sont cependant pas encore confirmées  le  jour de publication de cette Newsletter). 

 

Le but de ce court  texte est d’apporter une analyse plus critique, en soumettant  le mécanisme au principe de réalité dans les champs du climat et de l’économie. 

 

 

                                                            1 Rappelons que l’Equateur a une expérience malheureuse de l’industrie pétrolière, entre autres en raison des multiples pollutions graves occasionnées dans le passé.

Une analyse critique pour soumettre le projet au principe de réalité 

 

Mon  analyse  portera  sur  quatre  points  que  je  considère  problématiques  dans  le  déploiement  de cette initiative, certains spécifiques à Yasuni ITT, et d’autres vérifiés pour tout projet de ce type. 

 

1. Le cas de Yasuni ITT est riche en ce qu’il cumule plusieurs aspects, allant du pétrole au stockage du carbone  forestier, en passant par  les modes de  vie  indigènes et  la biodiversité. Trop  riche ? C’est apparemment le pétrole qui fut choisi in fine pour élaborer le montage financier et justifier l’action. Cette voie d’entrée est pourtant  la plus  fragile, comme expliqué dans  les points  suivants, … mais aussi  la  plus  rentable.  Le  carbone  forestier ?  Le  mécanisme  REDD+2  serait  approprié,  mais  les émissions  provenant  de  la  coupe  des  arbres  pour  permettre  l’exploitation  pétrolière  sont  bien faibles,  comme  le  sont  donc  les  paiements  associés.  La  biodiversité ?  Plusieurs  services écosystémiques  pourraient  être  liés  à  la  conservation  de  la  zone  protégée,  mais  les  marchés n’existent pas encore, et  les bailleurs potentiels ne  feraient certainement pas  le poids en  face des revenus pétroliers. Quant aux communautés amérindiennes,  la préservation de  leur environnement de vie est nécessaire, mais relève d’une décision politique de l’Equateur qui doit aussi considérer les perspectives alléchantes de l’exploitation pétrolière. 

 

2. La question de la contribution réelle du projet à la lutte contre le changement climatique doit être posée  clairement,  car  c’est  l’objectif avancé pour  justifier des  compensations  financières  (celles‐ci s’élèveraient  à  $350  millions/an  pendant  10  ans,  puis  diminueraient).  Or  cette  contribution climatique est sans doute… négligeable. Le projet suit une voie  inédite – et assumée, justifiant son caractère novateur – car  il  s’agit de considérer  l’extraction et non  la consommation du pétrole en tant  que  générateur  d’émissions  de  GES.  Or  la  lutte  contre  le  changement  climatique,  dans  son ensemble,  est  fondée  sur  le  principe  d’une  comptabilisation  et  d’une  réduction  des  émissions  au niveau où elles sont  réalisées. Par exemple  le Protocole de Kyoto a  formalisé des engagements de réduction des émissions dans  les pays  industrialisés, en  comptabilisant  au niveau des  secteurs du transport,  des  bâtiments,  etc.,  et  jamais  l’option  de  comptabiliser  les  émissions  dans  les  pays producteurs d’énergies fossiles ne fut envisagée sérieusement. Et il y a de bonnes raisons pour cela. 

 

En effet, considérons les deux futurs possibles : 

 

- Soit  tout  le  pétrole  disponible  dans  le monde  est  voué  à  l’exploitation. Alors  le  gisement équatorien  sera  nécessairement  exploité  à  terme,  ne  serait‐ce  qu’à  cause  d’un  coût d’opportunité  intenable du  fait du prix du pétrole extrêmement élevé  lorsque  les  réserves mondiales seront en voie d’épuisement. 

                                                            2 REDD+ signifie Réduction des Emissions de la Déforestation et de la Dégradation forestière. C’est un mécanisme discuté dans le cadre de la Convention Climat afin de financer la lutte contre la déforestation dans les pays en développement et émergents.

 

- Soit une trajectoire mondiale de type « low carbon prosperity » permet de ne pas exploiter tout  le  pétrole  disponible  grâce  à  un  découplage  croissance/énergie  ou  à  l’avancée  des énergies  renouvelables. Dans  ce  cas,  la  conservation du gisement équatorien ne  changera rien  à  l’affaire  puisqu’un  autre  sera  exploité  à  la  place  pour  satisfaire  la  demande.  C’est inévitable, et rien dans le projet Yasuni ITT ne permet de se prémunir contre cela. 

 

Pour  résumer,  le  problème  des  « fuites »  (c’est‐à‐dire  le  déplacement  des  émissions  d’un  lieu  à l’autre) est en quelque sorte inhérent au projet lui‐même. 

 

3.  La  crédibilité  du  montage,  qui  nécessite  d’être  particulièrement  soignée  pour  un  projet  dit novateur et ne pouvant s’appuyer sur des précédents établis, est un point sensible. Constatons tout d’abord que  le pays ne semble pas très concerné par  le respect de ses propres  lois, car autrement l’exploitation pétrolière ne pourrait être envisagée. La zone est en effet au cœur d’un parc national, et est devenue en 1989 une Réserve Mondiale de Biosphère UNESCO. En outre,  le droit équatorien accorde  aux  Amérindiens  le  droit  de  refuser  l’exploitation  de  ces  terres,  dans  un  pays  où  les communautés  indigènes  ont  voix  au  chapitre.  Après  un  tel  précédent,  toute  promesse  faite  par l’Equateur pour une utilisation  (fût‐elle sa conservation)  future de  la zone serait sujette à caution. Inévitablement. A fortiori lorsque le prix du pétrole aura augmenté, et qu’un nouveau gouvernement sera en place qui ne partagera pas les idées du précédent... Certes, le projet prévoit de se prémunir contre  ce  risque  via  la  distribution  de  « certificats »  aux  donneurs,  qui  leur  permettront théoriquement d’être remboursés si  le gisement est finalement exploité. Mais  l’histoire de  la dette des pays en développement ne permet pas d’éluder totalement la crainte d’une défaillance. 

 

4. Alors que le projet Yasuni ITT n’aurait de sens éventuellement qu’en étant répliqué à plus grande échelle – par ex. via des engagements similaires du Venezuela ou de l’Arabie Saoudite – j’observe à cet égard des obstacles préoccupants : 

 

- Le  coût  de  ce  type  d’intervention  la  rend  difficilement  réplicable,  d’autant  moins généralisable, car cela équivaut à payer une énergie non utilisée (et donc à la payer deux fois, puisqu’on n’agit pas au niveau de  la demande : une fois pour sa non utilisation, et une fois pour la consommation d’une énergie alternative !). En outre, le coût d’opportunité de la non‐exploitation  explosera,  puisque  l’absence  de  couplage  avec  une  action  au  niveau  de  la demande  entraînera mécaniquement  une  augmentation  du  prix  du  baril  en  raison  d’une raréfaction « artificielle » de l’offre. 

 

- Yasuni  réunit  toutes  les  conditions  pour  enclencher  une  dynamique  de  « chantage écologique »,  consistant  pour  les  pays  en  développement  à  demander  systématiquement des  compensations  financières  lorsqu’une  dégradation  environnementale  est  en  jeu  et concerne  des  Biens  Publics  Mondiaux.  Cette  dynamique  a  déjà  été  observée  lors  des négociations  sur  le mécanisme REDD+. Nombre de pays ont alors  tenté de demander des 

compensations pour les stocks de carbone dans les forêts, annonçant qu’autrement celles‐ci seraient  rapidement exploitées ou déboisées. Par cette stratégie, ces pays ont en pratique argué que  leur  scénario de  référence  (le  taux  futur de déforestation  sans  compensations) serait  très  élevé,  et  ceci  de  manière  artificielle.  Cette  logique  de  la  compensation  est prégnante dans  le domaine de  l’environnement, et  il vaudrait peut‐être mieux éviter de  lui donner de nouvelles opportunités de s’exprimer. 

 

 

Eléments de conclusion 

Les aspects novateurs et séduisants au premier abord de  l’initiative Yasuni  ITT ne doivent pas nous empêcher  de  questionner  la  solidité  de  la  démarche.  Celle‐ci  semble  fort  peu  robuste  pour  les quelques  raisons exposées dans  ce  texte.  La  situation est  complexe et  intéressante, de nombreux enjeux sont associés à l’avenir de la zone, et il semble utile sinon nécessaire d’essayer de la préserver de  l’exploitation pétrolière et des dégradations occasionnées, tant pour  la biodiversité que pour  les populations indigènes. Cependant, l’extraction pétrolière et la lutte contre le changement climatique comme  justificatifs d’un  financement  international pour sa préservation me semblent être  la porte d’entrée la plus fragile et la moins justifiable. Si elle s’est s’imposée, c’est par un « pragmatisme » du gouvernement  équatorien  bien  conscient  des  enjeux  financiers  des  diverses  options.  Mais  ce pragmatisme  nous  paraît  relever  largement  d’une  illusion.  L’initiative  mérite  donc  d’être substantiellement modifiée pour obtenir les suffrages des futurs bailleurs, si elle a vocation à devenir le  chef  de  file  d’une  nouvelle  catégorie  d’actions  dans  le  domaine  de  l’environnement  et  des relations nord‐sud, ce qui constitue son objectif affiché. 

L’intitiative Yasuni ITT 

 

par Mathieu Le Quang 

Docteur en sciences politiques 

Matthieu.LeQuang1@univ‐lyon2.fr 

 

L’Initiative Yasuni‐ITT (sigle venant du nom des trois forages d’exploration qui se trouvent dans la zone : Ishpingo‐Tambococha‐Tiputini) consiste à ne pas exploiter quelque 850 millions de barils de pétrole situés dans le Parc Yasuní, une réserve naturelle qui contient une des plus importantes biodiversités dans le monde. Cela représente 20% des réserves de l’Equateur et pourrait rapporter à l’Etat 7 milliards de dollars. Mais en échange, l’Equateur demande à la communauté internationale une contribution à hauteur de 50% de la manne financière dont il pourrait disposer s’il exploitait ce pétrole. Loin d’être un chantage, cette décision part du principe de co‐responsabilité pour les problèmes environnementaux globaux et a aussi pour argument la dette écologique historique des pays industrialisé envers les pays du Sud dont ils ont exploité les ressources naturelles afin de se développer. C’est une proposition qui vise à lutter contre le réchauffement climatique et contre la perte – sans possibilité de retour – d’une très riche biodiversité et à empêcher l’émission d’environ 410 millions de tonnes de CO2. Enfin, dans cette 

partie de l’Amazonie, vivent des peuples en isolement volontaire : les Tagaeri et les Taromenane. Le projet ITT permettrait à ces peuples de survivre dans le respect de leur volonté d’isolement. 

 

Le 3 août dernier, une étape cruciale a été franchie afin que l’Initiative Yasuni‐ITT puisse être mise en œuvre :  la  signature,  entre  le  gouvernement  équatorien  et  le  PNUD,  du  fond  financier  chargé  de collecter l’argent qui permettra à cette utopie de devenir réalité. Le capital du Fond Yasuni‐ITT sera investi  exclusivement  dans  le  développement  de  sources  renouvelables  d’énergie  hydraulique, géothermique,  éolienne  ou  solaire avec  comme  objectif  un  changement  de  la  matrice  d’offre énergétique  et  productive  réduisant  l’utilisation  des  combustibles  fossiles.  Les  intérêts  du  Fond seront,  eux,  destinés  principalement  au  projets  suivants :  éviter  la  déforestation  et  conserver  de manière  effective  44  Aires  protégées  qui  correspondent  à  4,8  millions  d’hectares  soit  20%  du territoire équatorien ;  la  reforestation et  la  régénération naturelle d’un million d’hectares de  forêt dont  les sols sont actuellement menacés par  la dégradation  (réduisant  le  taux de déforestation de l’Equateur, un des plus hauts d’Amérique du Sud) ; le développement social des zones d’influence de l’Initiative  avec  l’investissement  dans  l’éducation,  la  santé,  l’habitat  et  dans  la  création  d’emplois dans  des  activités  soutenables  comme  l’écotourisme ;  dans  la  recherche  et  le  développement  en science et  technologies avec  comme objectif, à moyen/long  terme, un  changement de modèle de développement pour aller vers une société de la bioconnaissance. 

De la réussite de cette initiative dépend sa duplication dans d’autres pays ce qui permettrait d’avoir un véritable impact sur le réchauffement climatique. Pour cela, l’Equateur a défini trois critères/conditions pour que d’autre pays puissent reproduire les mécanismes du projet ITT : 1) Etre un pays en développement. 2) Etre un pays avec une mégadiversité, situé entre les Tropiques du Cancer et du Capricorne où se concentrent les forêts tropicales. 3) Posséder d’importantes réserves de combustibles fossiles dans des zones de haute sensibilité biologique ou culturelle.  

L’Initiative Yasuní‐ITT est un exemple pour que  l’économie post‐pétrolière et  la  justice écologique deviennent  réalité.  Elle  nous  oblige  à penser  à  un  autre  type  de  développement  qui  ne  soit  plus fondé sur l’extraction des ressources naturelles mais qui prenne en compte une meilleure harmonie de  l’être humain avec  la nature. Mais ce projet est  insuffisant pris  isolément,  l’Equateur doit aussi réfléchir à comment connaître et transformer cette  information qu’est la biodiversité en une valeur ajoutée qui génère de la richesse pour la satisfaction des besoins humains, en lien avec le respect des droits de la nature.  

 

Pour mettre en place cet autre modèle, l’Equateur ne peut pas se permettre d’arrêter d’exploiter le pétrole  notamment  pour  disposer  de  ces  ressources  financières  pour  financer  les  réformes nécessaires à cette transition. L’objectif du gouvernement est d’essayer de sortir de cette économie extractiviste ce qui n’implique pas de « fermer le robinet » tout de suite, mais de diminuer peu à peu le poids relatif du pétrole comme ressources de l’Etat. Cela va prendre au moins 20 ans et l’Initiative Yasuní‐ITT en est la contribution la plus importante. 

 

PROJETS ETUDIANTS  

Les projets collectifs fêtent leurs dix ans à Sciences Po ! 

 

Par Agathe Gondinet (Sciences Po M 2005),  

responsable pédagogique des projets collectifs de master. 

agathe.gondinet@sciences‐po.fr 

 

 

 

 

 

En  tant qu’ancienne élève de Sciences Po  (promotion 2005),  je suis  très heureuse de présenter au réseau des Alumni  en Amérique  latine  les projets  collectifs de master. Après mes  études dans  le master  affaires  internationales  de  Sciences  Po,  j’ai  travaillé  en  Colombie  sur  un  projet  éducatif financé  par  la  Banque  Interaméricaine  de  Développement,  en  faveur  de  populations  déplacées internes dans des collèges de Bogota et Ibague.  

 

De  retour en France,  j’ai  souhaité  continuer de vivre ma passion pour  les projets   éducatifs, et ai rejoint Sciences po afin de travailler sur la troisième année à l’étranger. J’ai ainsi pu découvrir à quel point  l’Amérique  latine, dans  sa diversité  culturelle, politique et  économique  fascine et  attire nos élèves, qui perçoivent ce continent comme un terrain unique d’action et d’expérimentation sociales. Je garde ainsi en mémoire  l’enquête d’un élève du campus de Poitiers sur  les pratiques du monde rural à travers tout  le sous‐continent, et  l’engagement d’un autre au sein d’une ONG bolivienne de protection des animaux sauvages… 

 

Depuis septembre dernier,  je suis responsable des projets collectifs de master, qui fêteront bientôt leurs dix années d’existence ! 

 

Véritable  innovation pédagogique,  le projet  collectif  a  été  créé  en 2001 par Richard Descoings  et conçu  dès  son  origine  comme  un  espace  de  créativité  et  d’action  pour  les  élèves  désireux  de s’investir sur des projets culturels, sociaux ou scientifiques.  

 

Dans  le  contexte  de  réforme  de  l’enseignement  supérieur  européen  de  2001  qui  a  mené  à  la standardisation du système LMD  (licence, master, doctorat) et à  la mise en place des crédits ECTS, l’idée  s’est  concrétisée  de  donner  une  valeur  académique  aux  acquis  expérientiels  et  aux engagements pratiques des étudiants.  

 

C’est  ainsi  que  Sciences  Po  accorde  six  crédits  ECTS  aux  élèves  réalisant  un  projet  collectif,  qui consiste pour une équipe de 4 à 10 élèves à travailler pendant un an à raison de quelques heures par semaine sur une mission ‘professionnalisante’.  

 

Alors que beaucoup d’écoles d’ingénieurs, d’écoles de commerce et d’universités  françaises créent ce type de dispositifs sur le mode facultatif, Sciences Po a fait du projet collectif un dispositif central et obligatoire dans la formation des élèves de master.  

 

En plus de donner aux élèves une expérience du monde professionnel et des compétences en gestion de  projet,  le  projet  collectif  leur  donne  confiance  dans  leur  capacité  d’action  (collective)  sur  nos sociétés.  

 

En 2011, les 1200 élèves de première année de master réaliseront ainsi 160 missions d’une extrême diversité, et parmi  lesquelles se trouvent  la participation à un concours de  lobbying européen, une étude sur la gouvernance du bassin du Niger, la simulation de négociations onusiennes à New York, l’évaluation du site internet du Conseil d’Etat, l’organisation du premier festival d’art du château de Fontainebleau, enfin la préparation d’un tournoi de sport en Inde… 

 

Résolument ouverts sur  le monde, ces projets reflètent  la diversité des origines et des passions de nos élèves. 

 

L’Amérique  latine  et  les  Caraïbes  sont bien présents  cette  année, puisque  les  élèves  travailleront notamment à  l’organisation du Festival des  Journées amérindiennes d’Amnesty  International, ainsi qu’à la mise en place de logiciels de formation professionnelle pour des populations défavorisées en Colombie, Argentine, Bolivie et Pérou. Ils réaliseront pour  la Fondation de France une étude sur  les interventions non gouvernementales en Haïti depuis  le  séisme de  janvier 2010. Enfin, une équipe 

d’élèves contribuera au développement d’un village guatémaltèque dans le cadre du projet ‘Ninos de Guatemala’ (voir article ci‐dessous). 

 

Les  élèves  expriment  néanmoins  une  réelle  envie  de  s’investir  sur  davantage  de  projets  ou  de problématiques ‘latinos’. 

 

C’est donc bien un appel à  la communauté des Anciens de Sciences Po en Amérique  latine que  je souhaite lancer, afin de favoriser dès l’année prochaine des initiatives en lien avec cette région.   

 

Comptant  parmi  les  expériences  les  plus marquantes  de  la  formation  de  Sciences  Po,  le  projet collectif  permet  aux  Anciens  de  renouer  avec  Sciences  Po,  de  renouer  avec  nos  élèves,  et  de contribuer directement à  leur  formation académique, professionnelle et à  leur  compréhension du monde.  

 

En partant de vos activités et de vos besoins professionnels, nous pouvons travailler ensemble à  la définition d’un projet, qui sera confié à un groupe d’élèves et à un tuteur basé à Paris. 

 

Parce qu’il favorise le travail collectif et les échanges entre les élèves de différents masters, le projet collectif  contribue  grandement  à  la  création  d’un  esprit  de  promotion  et  d’un  sentiment d’appartenance à Sciences Po.   

 

C’est à ce titre que  le réseau des Anciens, qui a toute sa place dans  la transmission de  l’identité de Sciences Po, en France  et à l’international, peut soutenir les projets collectifs. 

 

A bientôt, donc ! 

 

Agathe Gondinet 

Site des projets collectifs: http://master.sciences‐po.fr/fr/content/projets‐collectifs  

Telephone : 0033 1 45 49 53 68  

 

Niños de Guatemala (NDG) 

 

Création de Niños de Guatemala 

par Sander Wirken, co‐fondateur de NDG et étudiant en Master à Sciences Po 

[email protected] 

 

Niños de Guatemala  (NDG)  est  une organisation non‐gouvernementale qui  a  été  fondée  en  2006 conjointement par des Hollandais et des Guatémaltèques. Après avoir constaté  la faiblesse du taux de scolarisation au Guatemala et  les mauvaises conditions d’étude des élèves de primaire qui sont souvent plus de  cinquante par  classe, un projet a vu  le  jour:  celui de  la  construction d´une école. Améliorer l’accès a l’éducation ainsi que la qualité de celle‐ci est crucial pour améliorer durablement la qualité de  vie des guatémaltèques.  Les  fondateurs  se  sont donc  lancés dans  la  construction de l´école avec un objectif en tête : pouvoir offrir une éducation de qualité aux enfants guatémaltèques. 

Mais par où commencer ? Le travail  initial consistait en  la réalisation de deux tâches principales :  la récolte des fonds nécessaires ainsi que l’organisation logistique, stratégique et humaine nécessaires à la construction et au fonctionnement d´une école de qualité.  

Après des recherches approfondies, le choix de NDG quant au site de construction de cette première école s´est porté sur Ciudad Vieja. Cette commune de trente mille habitants ne comptait que deux écoles primaires. Le besoin éducatif y était donc évident et, a fortiori, reconnu par la municipalité qui s’est montrée enthousiaste à l’idée de coopérer avec NDG. La construction de l’école a commencé en avril 2008. Une directrice, un travailleur social et des enseignants ont été recrutés. En janvier 2009, l’école primaire a ouvert ses portes sous  le nom de Nuestro Futuro (Notre Futur) avec ses premiers quatre‐vingt élèves. En janvier 2011, Nuestro Futuro comptera cent vingt‐cinq élèves. 

Une  association  à  but  non‐lucratif  a  été  créée  aux  Pays‐Bas  afin  de  lever  des  fonds.  Un  seul événement associant tournoi de golf, dîner et vente aux enchères d’œuvres d’art a permis à NDG de lever en 2008 environ 150 000 euros. Une coopération avec l’Université d’Amsterdam a été mise en œuvre afin d´assurer la pérennité de l´association 

L’autosuffisance  financière  et  organisationnelle  de  Nuestro  Futuro  sera  atteinte  en  2014,  date  à laquelle l´école comptera deux cent élèves. NDG ne va pas cependant se cantonner à Nuestro Futuro. La construction d’une deuxième école est prévue dans les cinq ans à venir selon les mêmes principes qui  ont  fait  le  succès  de  Nuestro  Futuro:  implication  de  la  population  locale,  autosuffisance  et professionnalisme.  Afin  de  financer  le  fonctionnement  de  cette  nouvelle  école, NDG  ouvrira  une entreprise  locale  au  Guatemala  dans  les  deux  ans  à  venir.  Ainsi, NDG  reste  fidèle  à  sa mission : promouvoir le développement endogène du Guatemala.  

 

Niños de Guatemala à Sciences Po 

par Elise Durand, ancienne volontaire NDG au Guatemala et élève en Master à Sciences Po 

[email protected] 

 

Depuis la rentrée universitaire de septembre 2010, NDG s´est implantée en France, sous l’impulsion de  trois  étudiants  en Master  à  Sciences  Po.  NDG  France  s’est  d’abord  constituée  en  association étudiante  reconnue  par  Sciences  Po  et  est  en  cours  d’immatriculation  à  la  préfecture.  L’équipe compte aujourd'hui une dizaine d’étudiants actifs, de  la première année à  la  cinquième année de Sciences Po.  

Le but de l’association est de soutenir NDG au Guatemala en organisant des évènements de collecte de  fonds,  en  sensibilisant  à  la  situation  au  Guatemala  et  en  informant  sur  les  possibilités  de volontariat dans l’école Nuestro Futuro. NDG France travaille en étroite collaboration avec l’ONG au Guatemala et  l’association aux Pays‐Bas afin de répondre à des besoins réels. L’objectif 2010‐2011 pour NDG  France  est  de  financer  les  déjeuners  quotidiens  des  élèves  de  deux  classes  de  l’école Nuestro Futuro. Le montant de ce financement s’élève à 5 000 euros par an.  

Pour  y parvenir, NDG  France a  conçu plusieurs projets pour  l’année 2010‐2011.  Le premier est  la participation à des évènements sportifs avec  le soutien d’un sponsor et un système de parrainage individualisé pour chaque participant. En partenariat avec  l’Association Sportive de Sciences Po, un projet  collectif  a  été  mis  en  place  pour  la  réalisation  de  ce  projet.  NDG  France  prévoit  aussi d’organiser de soirées étudiantes. La première est programmée pour le 14 décembre sur le thème de la musique d’Amérique latine. L’objectif de ces soirées est double : collecter des fonds et améliorer la visibilité  de  l’association.  Parmi  nos  projets  figurent  également  l´organisation  d’une  conférence  à Sciences Po sur  le Guatemala,  l’Amérique centrale et  l’aide au développement, ainsi que celle d’un pique‐nique guatémaltèque et  le recrutement de nouveaux parrains pour  les enfants via  le padrino program. 

 

Travailler pour Niños de Guatemala au Guatemala 

par Claire San Filippo, responsable du Centre des volontaires de NDG au Guatemala et ancienne de Sciences Po (M 08) 

[email protected] 

 

En tant qu’ancienne Présidente du Bureau des Elèves du campus de Nancy et Présidente de  Junior Consulting,  la Junior Entreprise de Sciences Po, je cherchais un premier emploi qui me permette de combiner gestion d’équipe et entreprenariat avec ma passion pour les droits de l’Homme. 

Apres plusieurs  stages aux Nations‐Unies et auprès des  institutions  communautaires,  je  souhaitais me mettre  au  service  d’une  organisation  non‐gouvernementale  de  «  terrain  »,  dynamique  et  en pleine  croissance  afin  d’avoir  une  marge  de  manœuvre  et  une  liberté  de  proposition  plus conséquentes  ainsi  qu’une  interaction  substantielle  avec  les  bénéficiaires  de mon  action.  Il  était également  crucial  pour moi  que  cette  organisation  ait  une  stratégie  bottom‐up  centrée  sur  les besoins  réels  d’une  communauté  afin  que  le  projet  soit  durable. Devenir manager  du  Centre  de Volontariat de Niños de Guatemala à Antigua était donc l’opportunité idéale. 

Quel  plus  beau  projet  que  d’offrir  une  éducation  de  qualité  à  des  enfants  défavorisés  dont  les familles sont souvent illettrées ? Nelson Mandela n’affirmait‐il pas que l’éducation était l’arme la plus puissante pour  changer  le monde  ? Eduquer un enfant,  c’est non  seulement  lui offrir un meilleur futur mais aussi former des citoyens responsables, ce qui prend particulièrement son sens dans un pays qui se reconstruit après trente‐six ans de guerre civile. 

Au  quotidien,  c’est  un  véritable  plaisir  de  travailler  avec  une  équipe  si  dédiée  et motivée,  et  de partager mon temps entre management, collecte de fonds, gestion des volontaires et des parrains, activités  promotionnelles  et  de  networking  et  aussi,  évidemment,  l’école  où  j’ai  le  privilège  de donner des cours de théâtre aux enfants une après‐midi par semaine ! 

Nos projets pour 2011 ? Mettre en place une nouvelle classe ; enrichir et ouvrir notre bibliothèque à la communauté de Ciudad Vieja où  il n’y en a pas pour  le moment et  la transformer en un espace d’échange et d’apprentissage pour  tous  ; et offrir un déjeuner aux enfants afin de  s’assurer qu’ils bénéficient d’un programme nutritif équilibré de qualité. 

Et pour ce  faire, nous cherchons des volontaires, des parrains qui puissent  inspirer et  soutenir  les enfants pendant leur scolarité ainsi que des sponsors. Tout un chacun peut aider à son échelle ! 

 

Pour plus d’information : www.ninosdeguatemala.org, [email protected]