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JURISPRUDEN.CE No 3253. - Cour de cassation (2e ch.). - 13 janvier 1932. l\'Il.\'1. Baron Silvercruys, prés.;- Sartini-Van den Kerkhove, av. gén .. (Etat (Finances) cf Sté en nom coll. Friclt & Ghysbrecltt.) 293 Impôts sur le revenu. -Capital exprimé en liyres sterling.- Réserve pour dévalorisation.-:- Non taxation. · En décidant qué la taxe professionnelle est assise sur les revenus et que, panni ceux-ci, on entend pour les exploitations commerciales, les bénéfices qui résltltent de toutes les opérations traitées par lettrs établissements (art. 25 lJo et 2 7 § '1), le législateur a marqué nettement qu'il vourait respecter le capital. En vertu des art. -17 Code comm. et 18 0 des lois coord. Sltr les sociétés commerciales, ume société en nom collectif rloit, pour établir son inventaire, rechercher les dettes con- tractées vis-à-vis de ses associés et se conformer, pour le calcul à en faire en francs belges, aux stipulations liant les parties. Si les arrêtés royaux des 2 ao'lU 19'14 et 25 octobre 1926 ont maintemt à l'unité monétaire légale la force libératoire q1t'elle possédait en matière avant leur mise en vig1wur, ils n'interd·isent pas· de tenir compte de la diminution légale de la valeur de cette unité quand il s'agit d'apprécier une dette énoncée en monnaie étrangère. Pourvoi éontre arrêt de la Cour d;appel de Bmxelles du !-1 mai 1931 (Revzte, 1931, no 3187, p. 358). La Cour de cassation a statué ainsi: La Cour: Quant à la recevabilité du pourvoi à l'ég·ard de Fridt et de Ghyshrecht; Attendu que, fondant sur une aug·mentation du chiffre du capital aux deux associés Fridt et Ghysbrecht le bilan de la société en nom collectif Fridt, Ghysbrecht et Cie, le fisc avait cotisé du chef de l'impôt sur le revenu professionnel la société pour 1 cette augmentation totale et chacun dès associés pour le moitié de la même somme ; Attendu réclamations des trois contribuables, le directeur des contribu- tions décida que l'impôt était dù, mais à charg·e seulement de la société, à défaut de distribution ou attribution de la somme aux associés; Attendu que l'arrêt attaqué déclare que la société n'était pas astreinte à l'impôt, maintient la décharg·e prononcée an profit de Fridt et de Ghysbrecht, les déboute de leur recours personnel, mais leur réserve leurs droits pour le cas les taxes dont ils se plaignaient ne seraient pas rég·ulièrement ·établies ou ne seraient pas conformes au dire pour droit de la Cour ; Attendu qu'il suit de que Fridt et Ghyshrecht prétendent à tort que l' Adminis- tration des Finances serait sans intérêt à poursuivre vis-à-vis d'eux l'annulation de l'arrêt qui a disposé conformément à ses conclusions prises à leur ég·ard ; ' Qu'en effet, l'Administration peut trouver intérêt à faire réformer la déeision entreprise de manière à faire reconnaître la débition de l'impôt en discussion, non seulement à charg·e de la société débitrice, principale, mais aussi vis-à-vis des deux associés solidairement tenus pour les engagements sociaux ; Au fond: Sur le moyen pris de la violation des articles 25, 1 o, 27 § l, et 54, § 1, des lois coordonnées par l'arrêté royal du 8 janvier 1926, en ce que la Cour d'appel a

No (2e ch.). · une somme de 10.000 livres sterling·, soit 1.745.000 francs à titre de capital social dû pour moitié à chacun des associés, lesquels n'avaient ~ersé, au 1 janvier

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Page 1: No (2e ch.). · une somme de 10.000 livres sterling·, soit 1.745.000 francs à titre de capital social dû pour moitié à chacun des associés, lesquels n'avaient ~ersé, au 1 janvier

JURISPRUDEN.CE

No 3253. - Cour de cassation (2e ch.). - 13 janvier 1932.

l\'Il.\'1. Baron Silvercruys, prés.;- Sartini-Van den Kerkhove, av. gén ..

(Etat (Finances) cf Sté en nom coll. Friclt & Ghysbrecltt.)

293

Impôts sur le revenu. -Capital exprimé en liyres sterling.- Réserve pour dévalorisation.-:- Non taxation. ·

En décidant qué la taxe professionnelle est assise sur les revenus et que, panni ceux-ci, on entend pour les exploitations commerciales, les bénéfices qui résltltent de toutes les opérations traitées par lettrs établissements (art. 25 lJo et 2 7 § '1), le législateur a marqué nettement qu'il vourait respecter le capital.

En vertu des art. -17 Code comm. et 18 0 des lois coord. Sltr les sociétés commerciales, ume société en nom collectif rloit, pour établir son inventaire, rechercher les dettes con­tractées vis-à-vis de ses associés et se conformer, pour le calcul à en faire en francs belges, aux stipulations liant les parties.

Si les arrêtés royaux des 2 ao'lU 19'14 et 25 octobre 1926 ont maintemt à l'unité monétaire légale la force libératoire q1t'elle possédait en matière contract1wll~ avant leur mise en vig1wur, ils n'interd·isent pas· de tenir compte de la diminution légale de la valeur de cette unité quand il s'agit d'apprécier une dette énoncée en monnaie étrangère.

Pourvoi éontre arrêt de la Cour d;appel de Bmxelles du !-1 mai 1931 (Revzte, 1931, no 3187, p. 358). La Cour de cassation a statué ainsi:

La Cour: Quant à la recevabilité du pourvoi à l'ég·ard de Fridt et de Ghyshrecht; Attendu que, s~ fondant sur une aug·mentation du chiffre du capital dû aux deux

associés Fridt et Ghysbrecht s~lon le bilan de la société en nom collectif Fridt, Ghysbrecht et Cie, le fisc avait cotisé du chef de l'impôt sur le revenu professionnel la société pour

1cette augmentation totale et chacun dès associés pour le moitié de

la même somme ; Attendu que~ s~r réclamations des trois contribuables, le directeur des contribu­

tions décida que l'impôt était dù, mais à charg·e seulement de la société, à défaut de distribution ou attribution de la somme aux associés;

Attendu que l'arrêt attaqué déclare que la société n'était pas astreinte à l'impôt, maintient la décharg·e prononcée an profit de Fridt et de Ghysbrecht, les déboute de leur recours personnel, mais leur réserve leurs droits pour le cas où les taxes dont ils se plaignaient ne seraient pas rég·ulièrement ·établies ou ne seraient pas conformes au dire pour droit de la Cour ;

Attendu qu'il suit de là que Fridt et Ghyshrecht prétendent à tort que l' Adminis­tration des Finances serait sans intérêt à poursuivre vis-à-vis d'eux l'annulation de l'arrêt qui a disposé conformément à ses conclusions prises à leur ég·ard ; '

Qu'en effet, l'Administration peut trouver intérêt à faire réformer la déeision entreprise de manière à faire reconnaître la débition de l'impôt en discussion, non seulement à charg·e de la société débitrice, principale, mais aussi vis-à-vis des deux associés solidairement tenus pour les engagements sociaux ;

Au fond: Sur le moyen pris de la violation des articles 25, 1 o, 27 § l, et 54, § 1, des lois

coordonnées par l'arrêté royal du 8 janvier 1926, en ce que la Cour d'appel a

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décidé que la somme prélevée sur le solde bénéficiaire de l'exploitation et incor., porée au capital pour maintenir à celui-ci la même valeur qu'il y avait au début de l'exercice, évalué en livres sterling, n'est pas à envisager comme élément constitutif du bénéfice taxable, mais représente une partie 1u capital ;

Attendu que, selon les constatations de l'arrêt entrepris, la société en nom collectif Fridt, Ghysbrecht et Cie, constituée en 1925 et composée uniquement de Fridt et Ghysbrecht, a porté au bilan de l'exercice clôturé le 31 décembre 1926, une somme de 10.000 livres sterling·, soit 1.745.000 francs à titre de capital social dû pour moitié à chacun des associés, lesquels n'avaient ~ersé, au 1 janvier 1926, qu'un capital de 10.000 livres sterling évalué selon le cours du moment (107 francs) à 1.070.000 francs soit 535.000 francs pour chacun ; que la différence entre les deux sommes, soit 675.000 francs ou 337.500 francs pour chacun des associés correspondait à la diminution de ·la valeur du franc belge à l'égard de la livre au cours du 31 décembre 1926, soit 174.50 fr., enfin que la société agit ainsi en exécution d'un accord du 1 janvier 1926, en vertu duquel chacun des associés avait versé dans la caisse sociale la somme de 5.000 livres et stipulé que le rembour­sement ne pourrait se fah·e qu'en livres sterling ou en contre-valeurs de la livre sterling· au cours de la veille du remboursement selon la bourse d'Anvers;

Attendu que, se basant sur cet état de fait, l'arrêt dispose que la somme de 675.000 francs représentant la différence de change sur les capitaux apportés par les associés, ne constitue pas un bénéfice imposable en vertu des lois établissant l'impôt sur les revenus ;

Attendu qu'en décidant que la taxe professionnelle est assise sur les revenus et que par ceux-ci on entend, pour les exploitations commerciales, les bénéfices qui résultent de toutes les opérations traitées par leurs établissements (art. 25, no 1 et 27 § 1), le législateur a marqué nettement qu'il voulait respecter le capital et qu'il ne voulait frapper que l'aug·mentation I'éelle de l'avoir social, c.elui-ci étant maintenu dans son intégrité,- notamment par l'apurement des dettes; qu'en édictant. les lois d'impôt sur les revenus, il s'est ainsi référé notamment aux règ·les prescri­vant dans la rédaction annuelle de l'inventaire d'un commerçant la memion des .dettes sociales et interdisant aux sociétés commerciales la répartition de dividendes non prélevés sm· les bénéfices réels (Code de comm. art. 17, et lois coordonnées sur les sociétés comerciales, art. '180) ;

Attendu qu'en conséquence, la société en nom colledif devait., pour établir son inventaire au B1 décembre 1926, rechercher les dettes qu'elle avait contractées vis-à-vis de ses associés et se conformer pour le calcul à en faire en francs belg·es aux stipulations liant les parties ;

Attendu qu'en ag'issant autrement, la société aurait contrevenu aux lois et à ses oblig·ations, fait ressortir un dividende pris en partie sur le capital, exposé ses associés et les tie1·s à une dimjnution des garanties promises et prêté occasion à l'établissement d'une charge fiscale sur une part du capital ;

Attendu que vainement la demanderesse prétend que l'accord des associés et l'exécution qui y a été donnée seraient contraires aux lois d'ordre public sur la valeur de la monnaie fiduciaire ;

Attendu que si les arrêtés royaux du 2 août 19'14 et du 25 octobre 1926 ont maintenu à l'unité monétaire lég·ale la force libératoire qu'elle possédait en matière

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RIBLIOGRAPHIE 295

contractuelle avant leur mise en vigueur, ils n'interdisent pas de teni1· compte de de .la diminution légale de la valeur de cette unité, quand il s'agit d'apprécier une dette énoncée en monnaie étrangère, comme tel était le cas pour le capital fixé par l'accord des associés dansl'espèce ;

Attendu qu'en invoquant surabondamment la loi du 13 juillet 1930, prévoyant dans ses articles 19 et 30 des réévaluations dictées à des sociétés par la variation du change, l'arrêt n'a pas fait application de ces dispositions à la cause, mais en a uniquement déduit que l'argumentation de l'Administration qui opposait les exigen­ces de l'ordre public, manquait de fondement et que la dite loi confirmait l'inter­prétation donnée par l'arrêt aux dispositions visées par lui ;

Attendu que le pourvoi manque ainsi en droit ; Par ces motifs,

Rejette ... condamne la demanderesse aux frais.

Observations. - Dans l'arrêt ci-dessus, la Cour de cassation rejette un pourvoi introduit contre un arrêt rendu le 9 mai 1931, par la Cour d'appel de Beuxelles. La Revue 1931, p. 358, a publié ce dernier arrêt avec l'intéressant avis de M. l'avocat général Louveaux qui le précé­dait. Nous y renvoyons, ainsi qu'aux observations dont nous l'avons fait suivre.

M.F.

No 3254 . .,...- BIBLIOGRAPHIE

Traité juridique et pratique du Contrat de mariage et des droits respectifs des épmtx a·vec formules, par Em. DEFREYN-D'OR, avocat près la Cour d'appel de Bruxelles. Préface de Mc René MARCQ, avocat près la Cour de cassation, professeur de droit civil à l'Université de Bruxelles. - Un vol. in-8°, 316 pp. - Bruxelles, Rau­champs, 1932.

L'auteur a excellemment résumé en ce manuel la matière très étendue et variée du contt·at de mariage. il en coordonne avec méthode les principes de manière à bien dégager la règle des solutions consacrées par la loi ou la jurisprudence. L'auteur condense en ses réfét·ences une docmùentation extrêmement abondante, témoignant d'un labeur d'investig-ation et de classement considérable. ,

L'ouvrage ne touche g·uère au domaine deJa présente Revue que par l'incidence des <<sociétés entre époux n (p. 31) et de la participation de l'épouse à une société commerciale (p. 139). L'auteur y relate, sans discussion personnelle, les opinions courantes avec références.

*

Les sociétés étrangères devant le ~sc en Espagne, en Hollande, en Suisse et en Pologne, plus un supplément au u0 f sur « Les sociétés étrangères devant le fisc en France (Assurances sociales) •l et un index alphabétique, des nos f et t bis, par J. TmAs de BÈs, J. SALOliiONSON, J. T. LAcouR, M. FRYDE (trad. fr. de C. STIFTER)­(Cahiers de droit étrang·er, no f bis, édit. française). - Un vol. in-So, 1.50 pp., 25 fr. -Paris, Libr. du Recueil Sirey,. f93L

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296 BIBLIOGRAPHIE

Les ententes indust1'ielles et commerciales en France, U. S. A., Pologne, Allemagne, par P. O. LAPIE, J. TcHERNOFF, Roh. E. 0Los, M. FRYDE, A. BLuM. Tracl. de J. SARRUT, A. SANnoz, R. DuPRAT; préf. de R. H. Sir Lesbie ScoTT, K. C. -(Cahiers de droit étrang·er, no 2, édition française). -Un vol. in-So, 22.> pp. -Paris, Lib. du Recueil Sirey, 1932.

·Nous avons dit (Revue, 1931, no 3183, p. 347) le bien que nous pensons de la collection de « Cahiers de droit étranger» entreprise par leI(- 0; LAPIE : }lOUS y renvoyons le lecteur. Cette initiative intéressante se poursuit avec activité : les présents volumes sont les 2e et 3e publiés en lang·uefrançaise. Les renseignements documentaires et pratiques qu'ils gToupent sur chacun des pays considérés ont, comme dans les volumes précédents, l'avantage de se présenter en reg·ard les uns des autres, permettant ainsi les rapprochements instructifs et les appréciations comparées.

L'imposition des entreprises étrangères et nationales. Etttde sur la législation fiscale et les méthodes de ventilation des bénéfices des entreprises travaillant dans plus iettrs pays, en Allemagne, en Espagne, aux Etats-Unis d'Amérique, en France et dans le Royaume-Uni. - Un vol. petit in-4° carré, 300 pp. ; 12,50 fr. suisses. - Société des Nations, Genève. ·

Le Comité fiscal de la Société des Nations poursuit certaines études en vue d'alléger les charg·es· fiscales qui gTèvent les contribuables ayant des intérêts dans plusiems pays et de faciliter la conclusion de conventions supprimant les doubles etnplois.

Le présent volume présente le résultat partiel de ces études en passant en revue la lég·islation fiscale de cinq pays parmi les plus importants au point de vue des rapports internationaux.

Il est rédig·é par MM. Mitchell B. CARROLL (U. S. A.),Werner PAASCHE(Allemag11e) D1' Ag·ostin VINUALES (Espag·ne), Joseph WEARE et M. L. Mc MoRRis (U. S. A.), Jean- GuiLLET et Rog·ei· PIERRE (France), E. W. VERITY (Royaume Uni); la compé­tence de ces auteurs confere à l'ouvrag·e une autorité particulière. On y trouve une description à la fois concrète et approfondie du rég·ime fiscal des personnPs et des soCiétés étrangères établies dans chacun de 9es pays, ou qui y ont des biens ou y font des affaires, et celui des ressortissants de ces Etats pour les revenus ou les bénéfices qu'ils tirent de l' étrang·er.

L'aperçu g·énéral rédigé par M. M. B. Carroll est particulièrement instructif en raison des vues générales et comparatives qu'il renferme.

Chacune des études composant l'ouvrag·e a trait à la législation fiscale d'un seul pays, mais, afin de faciliter les comparaisons, ou a suivi un plan uniforme et parallèle.

Chaque étude a trois parties. La première est consacrée à un exposé d'ensemble du système d'impôts directs du pays. La deuxième consiste dans un examen com­paratif du système d'imposition des différentes catégories de revenus (revenus de capitaux mobiliers, redevances de brevet, de droits d'auteur, revenus de la propriété immobilière, traitements, salaires, bénéfices industriels et commerciaux, etc ... ), selon qu'ils sont perçus par des nationaux ou par des étrangers et selon que ces personnes ont ou non un domicile dans le pays. La troisième partie expose les obligations fiscales de chaque catég·orie d'entreprise (commerces, industries~ ban·

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ques, compagnies d'assurances, chemins.de fer, compàgnies de navigation, entre­·prises d'électricité et de g·az; sociétés ·minièiies, sociétés <1 Holding·», etc ... ) ainsi que les méthodes de dét~rmination et de calcul de la part du revenu pout· laquelle

- ces entreprises sont imposables dans chaque pays. L'ouvrage servira utilement au développement du droit fiscal comparé, ainsi que

du droit fiscal international - deux branches des sciences juridiques fort négligées :jusqu'à présent. Le praticien et l'homme d'affaires, qui ont des préoccupations plus pressantes, y trouveront pom leur part une réponse immédiate à des problèmes d'ordre fiscal qui deviennent toujours plus fréquents et plus graves.

De la responsabilité des administrateurs dans lessociétés anonymes, par J. M. MARx, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles. - Un vol. petit in-8° carré, 220 pp., 40 fr. (France fr. 42,50). -Bruxelles, Larcier, 1932. M. J. M .. MARx, qui s'est rappelé avantageusement à l'attention du public juridique

par une étude récente sur « Le vote plural et les, procédés de maîtrise dans les sociétés anonymes » (Revue, 1930, no 3032, p. 106), publie à présent un volume dont l'intérêt pratique et d'actualité pour les administrateurs de société anonyme peut se mesurer aux critiques· que soulèvent trop fréquemment la gestion de ce g·enre de sociétés et Ia licence dang·ereuse que la loi àctuefle y laisse à ceux qui l'assument.

Le sujet étudié par l'auteur ne l'avait été ex-pro{esso en Belgique, avant lui, que dans deux ouvrag·es: l'un de M. DEsEURE (Responsabilité des admiiiistrateurs et commissaires,dans les sociétés anonymes), l'autre, plus ancien, du conseiller gantois A. RoLAND (De la responsabilité des administrateurs dans les soc. an. en Belgique, 1900). M. Marx omet de mentionner cet ouvrage, pourtant toujours apprécié, dans sa liste g·énérale de références, bien qu'il cite fréquemment, dans le corps de son étude, les opinions de ce devancier autorisé.

C'est naturellement la réforme de t913 de la loi belg·e qui est la base de l'étude de M. Marx. On sait que cette revision a porté notamment sur le fameux art. 64 qui admettait, dans le chef des associés absents ou opposants· au vote du bilan, une action individuelle en responsabilité contre les administrateurs pour fautes de gestion. Cette disposition avait donné lieu à des abus (procès de chantag·e) ; ·les administra­teurs désiraient vivement être mis à l'abri ct'e ce g·enre d'agression répugnante ; le lég'islateur s'y ptit de telle sorte que tout recours fut enlevé aux actionnaires de la minorité et que libre carrière fut ouverte aux administrateurs. Ceux-ci ne se sont pas fait faute d'en profiter, au g-rand dam de l'éparg·ne publique. Les droits réservés encore à la majorité ne les g·ênaient guère puisque, émanation ou même éléments constituants de cette majorité, ils étaient désormais en mesure de se dé1ivrer per­sonnellement en qualité d'actionnaires ou de se faire délivrer par des aetionnaires, amis ·et compères, le quitus qu'ils postulaient en qualité d'administrateurs. Les votes de décharge se font à présent, dans les assemblées générales de société

· anonyme, à la façon des ·scrutins ministériels ou des nominations dans la << Répu­blique des camarades». La réforme de 1913 n'a fait ainsi que remplacer un abus par un autre et, peut-être, par un· pire, car le premier était du préjudice des seuls administrateurs c.-à-d. ·du petit nombre, tandis que le nouveau l'est au détriment d~s actionnaires, c.-à-d. de la masse;

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298 BIBLIOGRAPHIE

M. MARX admet comme dûment établi que toute trace .d'une action individlH)lle d'actionnaire à charge d'administrateur, pour faute de gestion, est aujourd'hui. éliminée de notre législation sur les sociétés, hormis les cas de préjudice individuel fondés sur les articles 1382 et 1383 C. ci v. Cela ne nous paraît pas si sùr ; M. WAu­WERMANs et d'autres éprouvent le même doute; mais ce n'est pas ici le lieu d'en disputer. Partant de là, M. MARX note que les administrateurs n'ont plus gTandes appréhensions à entretenir, mais qu'il leur reste assez à faire pour s'éclairer sur leurs fonctions et .leurs devoirs envers la société, les créanciers de celle-ci, les obligataires, les acheteurs ou vendeurs de titres, et tous autres intéressés. Il n~a

. pas tort: Wl administrateur soucieux de remplir ,ses obligations et qui ne veut pas être seulement un figurant, n'a pas la tâche f~cile pour mériter réellement sa décharg·e ; il a maintes précautions à prendre pour qu'elle soit efficace et opposable à tous. Les prescriptions lég·ales et les dispositions statutaires à appliquer sont com­plexes ; les actes du conseil engag·ent solidairement ses membres ; les bilans sont des buissons d'épines et des nids de procès. Sur ce point et sur d'autres, l'administra­teur de profession, et surtout d'occasion et de prestige, a besoin d'être éclairé.

L'auteur s'y emploie avec diligence, ordre et clarté, en utilisant les éléments les plus récents de la doctrine et de la jurisprudence bP-lg·e et française. Le mérite de Sùn ouvrag·e sera certainement apprécié autant que son actualité.

Traité théoriqzte et pratiqzte des trusts en droit interne, en droit fiscal et en droit inter­national, par Pierre LEPAULLE, avocat à la Cour de Paris. - Un vol. in-So, VIII-463 pp., 60 fr. -Paris, A. Rousseau, 1932.

La matière des trusts est une des plus complexes et en même temps des plus vivantes du droit ang·lo-saxon. Elle a débordé les frontières du monde rég( par ce droit et, sous la pression des besoins économiques et moraux, la conception et les applications pratiques· en sont pénétré dans l'édifice du droit des pays latins. D'où la nécessité de connaître le système juridique qui est orig·inellement l'articulation de cettE! individualisation curieuse de· biens en dehors de la personne et en marg·e du principe de l'unité du patrimoine. C'est ici que les difficultés commencent car, même en leurs pays d'origine, les trusts sont une production spontanée des circon­stances, incorporée petit à petit à -l'ensemble de l'édifice juridique, sans plan préétabli. Il en résulte qu'il n'existe pas, en pays anglo-saxon, de systéme juridiquè g·énéral des trusts, mais seulement un ensemble de solutions jurisprudentielles qui ont fini par former un droit coutumier, resté d'ailleurs, passablement mouvant lui-même.

L'auteur avertit le lecteur, dans son introduction, qu'il a dû faire effort pour synthétiser personnellement les résultats juridiques de cette vie spontanée des trusts et en arriver ainsi à présenter un traité théorique des trusts : c'est ce qui fait l'origi­nalité de son œuvre. Celle-ci g·arde d'ailleurs aussi une valeur pratique en ce que ses conclusions sont induites directement des dispositifs des jugements et arrêts rendus, c'est-à-dire des éléments de· droit positif en action.

M. P. LEPAULLE était particulièremenl qualifié par ses travaux antérieurs de droit anglo-saxon pour réaliser cette remarquable synthèse : nous avons sig·nalé ici même '(Revue, 1924, p. 96) son intéressant ouvrag·e :. << De la con~itio~ .des sociét.és étran~

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gères aux Etats-Unis 11. Le présent volume confirme toutes les qualités de son devancier.

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Osservazioni intorrto al progetto di reforma del primo libro del Codice civ'ile (septembre 1.930- VIII), par L. BARAssr, A. Creu, F. MEsSINEO, F. RovELLr. - Un. vol.

· in-8°, 295 pp. - Milano, Soc. ed. <<Vitae Pensiero ll, 1.932.

Nous signalons volontiPrs à l'intention des juristes ce volume renfermant les observations faites par les professeurs de la Faculté de droit de l'Université catholique du Sacré Cœur à Milan, concernant le projet de réforme du fr livre du Code civil italien, à la demande du g·arde des sceaux Rocco. La préface du président de la Faculté Prof. M. F. ZANzuccm laisse entendre que le Ministre a laissé peu de temps à la Faculté pour formuler ses observations critiques. Le mémoire du prof. F. MESSINEO sur l~s personnes juridiques intéresse particulièrement la matière des sociétés : les remarques critiques qu'il y fait sont instructives en ce qu'elles touchent aux bases du concept de personne civile.

No 3255. - Tribunal de 1re instance de Bruxelles (se ch.). · 8 avril 1932.

MM. De Pag·e, prés.; - Bondue, subst. proc .. du Roi; -Plaid.: Mtres Van Roye. Botson et Sand, avocats.

(Herman et Destin cf Immobilière de Bruxelles-Nord cf Soc. Moniat).

Action en justice. - 1. Demandeurs faisant le commerce ensemble. -Société d~ fait personnelle. - Action conjointe. - Foi due à l'exploit introductif.- Inapplicabilité de l'art. 11, paragr. a des lois coor­données. - II. Contrat avec une société dont l'acte constitutif n'a pas été publié.- Représentants de cette société agissant conjointe­ment en nom personnel. -Action contre eux non recevable au fond.

1. Lorsque la demande est formée, non par une société mt au nom d'ztne société par ses représentants léganx, mais par des particztliers agissant en iwrn personnel et

. conjointement et ~e présentant comme créanciers à titre personnel dzt défendent, il n'appartient pas an jztge de leur substitzter ztne autre personne jztridique et de mécon­naître atnsi la foi due à l'e.'Vploit introductif d'instance, mais uniquement de rechercher, eu égard au système de défense pris dans sa généralité, si les sztjets de droit qzti se présentent comme demandeurs sont bien les créanciers dzt défendent ainsi qzt'ils le prétendent.

II. S'il est constant qne tous les docnments relatifs aux obligations dont .l'exécution est poursuivie ont été signés <c poztr la société ll, c'est cette société qui s'est seule présen­

. tée comme partie contractante et c'est avec elle, et non avec les demandew·s agissant en leur nom personnel ou << ut ·singuli ll que le défendeur a traité.

"Attendu que la société Moniat assig·née comme garante, ne conteste pasr cette obligation à l'égard de la défenderesse au principal; · Que d'autre part, celle-ci déclare prendre, quant -au moyen. -de noiHecevabilité

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300 JURISPRUDENCE

tiré de l'article 1 t, pat·agraphe 3 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, les mêmes conclusions que la société Moniat, appelée en garantie ;

Attendu qu'il est prétendu par cette dernière qu'entre les demandeurs Herman et Destin, qui font commerce ensemble sous une r:aisun sociale unique, il existerait une société de fait qui a pour objet l'exploitation d'une entreprise de chauffag·e central; que l'acte constitutif de cette société n'ayant pas été publié, l'action doit, aux termes de l'article 1 t, paragraphe 3, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, être déclarée non recevable ;

1. Attendu que la disposition légale invoquée ne s'applique, suivant ses termes mêmes, qu'aux actions intentées par une société dont l'acte constitut.if n'a pas été publié; . - l

Qu'en l'occurrence, la demande est formée, non pa1' une société ou au nom d'une société par ses représentants lég·aux mais par les sieurs Herman et Destin agissant en hom personnel et conjointement;

Que ceux-ci se présentant comme créanciers· à titi·e personnel de la défenderesse au principal, il n'appartient pas au jug·e de leur substituer une autre personne juridique et de méconnaître ainsi la foi due à l'exploit introductif d'instance, mais uniquement de rechercher, eu ég·ard au système de défense pris dans sa g·énéralité, si les sujets de droit qui se présentent eomme demandeurs so~t bien les créanciers de la défenderesse au principal, ainsi qu'ils le prétendent (v. note sous Brux., 6 nov. 1926: Rev. prat. soc.1928, p. 175; Adde même Revue, J9~2. no 2421. et 192~, nos 2634 et 2649; - Comp. Cass. f7 mai 1923 ; Pas., 1923, i ,316 et 10 nov. 1927 :Pas., 1.928, 1, 3);

Qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'article H, paragTaphe 3, des lois coordon­nées sur les sociétés commerciales pris comme tel, n'est pas fondé;

II. Attendu qu'aux termes de l'exploit d'ajournement, l'action a été intentée par MM. Herman et Th. Destin, respectivement ingénieur et industriel, agissant con­jointement et en leur nom personnel ; . Que dans le même acte de procédure, les demandeurs se présentent néanmoins

comme.faisant ensemble le commerce sous la dénomination « Ateliers de constmc-. .

tion d'Evere, chauffag·e parfait » ; Qu'il est, d'autre part, constant que tous les documents (enregistrés à Bruxelles

A. S. S. P. le 19 mars t 932, voL 7 45, folio 56, case 1ô, aux droits de fr. f 2,50 x 3) relalifs aux obligations dont l'exé.3ution est poursuivie et notamnwnt l'offre d'entre­prise acceptée par la défenderesse en principal, ont été sig·nés : (1 Pour les ateliers de construction d'Evere, le comptable X ... un des associés, M. Herman » ;

Qu'on ne pourrait interpréter les mots « un des associés >> employés dans la convention litigieuse, autrement que comme formant preuve de l'existence d'une convention de société entre les propriétaires de la firme (( Ateliers de construction d'Evere»;

Qu'il résulte, d'autre part, des éléments de la cause que, dans les eng·agements de lia ture incontestablement commerciale . relatifs au présent litig·e, il ne s'ag·it pas d'une association momentanée ou d'une association en participation;

Attendu que c'est la firme « Ateliers de construction d'Evere >> qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, s'est seule présentée comme partie contractante; que c'est dès lors avec elle, et non avec les demandeurs agissant en leur nom personnel ou .(( ·ut sin·

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JURISPRUDENCE 301

gu li » que la défenderesse a traité ; qu'il s'ensuit què ces derniers ne sont pas ses créanciers,

Par ces motifs, Le Tribunal, entendu en son avis conforme, M. Bondue, substitut du procureur

du Roi ; . statuant contradictoirement : dit l'action principale non fondée ; en déboute les demandeurs ; dit en conséquence, l'action en g·arantie sans objet ; condamne les demandeurs à tous les dépens. '

Observations. _..:.. Décision conforme à la doctrine défendue par cette Revue (voir les références aujugement)etgénéralementadmise à. peésent par la jurisprudence; cfr. entre autres: Revue, 1928, nos 2861! 2862 et 2914 ; - 1930, nos 3021, 3040, 3093 et 3094;- 1931, nos 3136 à 3139, 3140 à 3142. -Voir aussi: Comm. Cmwtrai, 23juillet 1927, Rev·ue 1931, no 3181; -Comm. Bruxelles, 25 avril1930, Revue 1931, no 3182; - Gand, 7 févr. 1931, Revue 1931, no 3185; -Gand, 18 déc. 1930, Revue 1932, no 3203.

No 3256. - Tribunal de 1re .instance de Bruxelles (2me ch.). · 14 octobre 1931.

MM. Simon, vice-président;.- Mes Lemmens et Hoornaert, avocats.

(Gros et Pyls cf Claeys et Dztjardin).

Syndicat constitué en vue de la fondation d'une société commerciale.­Demande de liquidation.- Compétence du tribunal civil.

La demande tendant à la liquidation d'zm syndicat constitzté en vue de la fondation cl' une société commerciale est~ en principe, de la cmnpétence dzt tribztnal civil. En effet, les actes préliminaires à la constitution d'une société conmzerciale ne sont point en eux-mêmes de nature commerciale. D' au.tre part, l'article 12, 2° de la loi dzt 25 mars . 1876 suppose l'existence d'une soeiété de cmmnerce valablement constituée, condition qui n'èst point réalisée lorsque la société en vue de laquelle le syndicat était formé, est de1neurée à l'état de projet.

1

Le Tribunal : Attendu que l'opposition dirigée contrè ce jug·ement est régulière en la forme et

que sa recevabilité n'est pas contestée. 1. Sur la compétence :

· Attendu que la demande tend à la liquidation d'un syndic'at constitué en vue de la fondation d'une société cong·olaise à responsabilité limitée ; que les opposants soutiennent que cette action étant relative à un acte de commeree, le tribunal civil est incompétent pour en connaître ;

Attendu que ce moyen manque de base; qu'en effet, les actes préliminaires à la constitution d'une société commerciale ne sont point en eux-mêmes de nattli'e commerciale (:voy. Répert .. pmt. elu .dro'it belge, vo Compétence en matière civile,

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302 JURISPRUDENCE

rio493); qu'il n'apparaît pas davantage des éléments de la cause que les deman­deurs sur opposition seraient commerçants et bénéficieraient comme tels de la présomption édjctée par l'article 2 in fine du Code de commerce ; qu'enfin, l'article t2, 2° de la loi du 25 mars 1876 suppose l'existence d'une société de commerce valablement constituée (BoNTEMPs, Traité de la compétence, t. II, pp. 527 et 1128), condition qui n'est point réalisée en l'espèce, la société que les parties se propo­saient de fonder étant demeurée à l'état de projet ;

Attendu qu'il s'ensuit que le tribunal civil était compétent ratione materiee. II. Au fond (sans inté1·êt).

Observations. ~ La formation d'une .société commerciale, la parti- . cipation à une telle opération~ ne sont point, par elles-mêmes, des actes commerciaux. Ce point est fixé depuis longtemps dans la doctrine et dans la jurisprudence: Revue, 1906~ no 1698; - 1907, no 1820; -- 1908, ll0 1888; - 1910, no 2110; - 1912, n° 2225 ; - 1914, no 2414; - Comm. Liége 19 mai 1924, Remte, 1925, no 2607; -Comm. Brux., 6 aout 1924, Remte, 1924, no 2582; - Comm. Gand, 19 janv. 1927, Revue, 1927, no 2751.

Il doit en être logiquement de même de la liquidation d'un syndicat constitué pour la fondation d'une société com:mm~ciale.

Il pourrait se faire cependant que la pai'ticipation à la formation d·une société commerciale fût commerciale~ si .elle émanait d'un commerçant et qu'il apparût qu'elle est relative àson commerce.

Il a été jugé que la souscription de la totalité des actions à une augmentation de capital, dans l'intention de les. revendre avec ·bénéfice était un acte commercial: Comm. Brux., 21 déc. 1928, Revue, 1929, n° 2965.

No 3257. - Cour d'appel de Liége (Pech.). - 26 mai 1932. MM. Delhaize, prem. prés. ; - Herbiet et Faider, cons. ; -

M. Bodeux, prem. avoc. gén. ; Mtres Petit et Monjoie (du barreau de Namur).

(Martin frères cf faillite soc. an. des Usines de Saint Lambert à Flawinne).

Société anonyme.- Action~ non entièrement libérées.- Libération en nature: vente par le souscripteur à la sociétê d'un matériel d'usine. - Cession simultanée des actions souscrites à un tiers. __, Délégation de la créance du prix d'acquisition du matériel acquis par la société au cessiounaire des actions. - Transfert de. ce prix au débit de son compte actionnaiJ;'e. - Compensation. - Rachat d'actions. -Conditions de licéité. - Nullité relative.

La libération d'actions souscrites·. ne doit pas nécessairement. être faite en numéraire;

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JURISPRUDENCE 303

elle peut l'êt1'e en équivalent 1'éalisable et l'on peut adinettre comme tel la remise d'un matériel facilement réalisable.

Les rachats d'actions sont licites lorsque, pour ce faire, l'on ne diminue ni le capital ni les réserves; même en cas de J'achat illégal de titres, seitls la société et les créanciers peuvent en poursuivre la .nullité à l'exclusion de ceux à qui les titres auraient été 1'étrocédés,

AVIS DE M. LE PREMIER AVOCAT GÉNÉRAL MICHEL BODEUX. Les deux frères Martin ont vendu leur matériel industriel pour 100.000 fr. à la

Société U. S. L. A. F. Celle-ci, tombée en faillite, a compris: dans son actif, le dit mobilier, même non transféré matériellement dans les établissements de la société faillie.

Les frères Martin s'y opposent, allég·uant quïl n'y a pas eu cession valable, parce que la société n'a pas payé les 100.000 fr., mais s'est bornée à une remise de titres, réalisée par l'actionnaire le plus important de l'U. S. L. A. F.

Les Martin ont accepté ce mode de paiement, d'autant plus aisément que tous deux obtenaient des postes rémunérés.

Aujourd'hui Us protestent et invoquent l'art. ·181 des lois coordonnées sur les sociétés (Ancien 134). ·

Cet article interdit la réduction délictueuse du capital (RESTEAU, IV, nos 2187 et ss. ). 1. En bon sens on ne voit pas comment ce paiement en actions par un tiers

aurait appauvri le capital social ; . Les papiers de l'actionnnaire ont été remplacés par des machines qui augmen­

taient l'avoir de la société qui f.le perd rien, ne donne rien et s'enrichit ; II. Mais pénétrons plus à fond l'opération réalisée et l'intérêt que l'actionnaire

bénévole a eu de cédér ses actions sans recevoir une équivalence. Je su v pose, bien que cela n'ait pas été clairement dit, que les titres cédés n'étaient

libérés que pour petite partie; s'ils l'était·nt, le sociétaire qui possédait un gros paquet de titres libérés au minimum, avait intérêt à se débarrasser d'une portion:, sans contre partie: 1° puisqu'il échappait à l'obligation onéreuse d'une libération totale ; 2° puisqu'il trouvait, pour sa participation restante, une nouvelJe espérance de bénéfice dans l'apport d'un nouveau matériel industriel renforçant la société.

La société, elle, libère les deux cents actions, je suppose des.4J5, soit de 80.000 fr.

L'actionnaire Collin dont il est ici question n'avait, à la fondation, libéré qu'un cinquième, mais, d'après l'art. 6 des· statuts, il devait chaque mois, à partir du 30 mai 1929, se libérer de 8/100.

En juillet, je constate qu'il n'a encore rien versé et qu'il doit garantir les verse­ments d'un autre associé. Je constate également que la société lui fait un prêt. Ceci vous prouve l'intérêt de Collin à se débarrasser de ses titres ou d'un certain nombre sans compensation personnelle immédiate.

Ceci n'éclaire-t~il pas la singulière opération à laquelle on s'est livré ? Or, même en présence de ces circonstances, il ne nousapparait pas que le capital

de l'U. S. L. A. F. ait été amoindri, au contraire (V. RESTEAU, IV, p. 315). · Cependant la soeiété avait, pour ces 200 actions Collin, une créance contre Collin

pour la portion non. libérée. Elle y renonce-diminution du capital incertain -mais en échange, elle reçoit un matériel certain.

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304 JURISPRUDENCE

S'il n'y avait cette contre pàrtie, on pourrait dire que la soCiété· a· r:1cheté des actions et des parts sociales en diminuant le capital social (art. 134) ;

Mais la contre partie est ce qui, paye .les actions qui, de non libérées totalement, vont être déclarées totalement libéi·éès par la société.

·La société a .admis: coliHIJ.eJaits .des ,versements qui ne sont pas effectués réelle~ ment de la manière et aux époques prescrites (texte final de l'art. 181). Elle.a . remplacé la stipulation première imposée à Collin par une cession de matériel d'un tiers qui a repris les actions après. qu'elles eurent été libérées par la société.·

Il y a infraction à l;t: lettre de la loi mais l'esprit en a-t-il aussi été violé? Dans le cas actuel je ne lecrois.pas, vu l'apport certain du matériel. ·

Cependant le conseil d'administration (séance du 2 nov. 1929) décide, relative­ment à la souscription fictive Collin pour deux mille et des actions, qu'en cas de demande de nullité de la société, il donnera. à son conseil le mandat de s'en rapporter à justice._.

Une action en nulllté aurait été introduite en janvier 1930 devant le Tribunal de Nam ur ; mais nous n'en connaissons ni les ter.mes ni la suite.

Des faux ont été allégués devant . votre Cour, dans une autre instance. Ecartés. On avance ainsi ici, dans l'obscurité ou l'incertain d'une société mort-née èt

d'.une comptabilité vague. Revoyons donc les textes de près. Textede l'article 134- 181 des lois coordonnées:

1er § .: << ... SCIEMMENT racheté des actions en diminuant le capital social... n. 3e § : « ••• fait, par un moyen quelconque, aux FRAIS de la société, des v et'­

. sements sur les actions, >> ou admis comme faits; des . versements non effectués de la maniêre

prescrite. >>

Rapport PIR!\IEZ :

« La loi veut que les sociétés anonymes conservent' intact leur capital qui est le soutien matériel de la personnalité juridique et qui est la garantie des tiers ... Elle ne s'oppose pas à ~e que lPs rachats d'actions soient faits 'lorsqu'on ne ·diminue pour .Jes opérer ni le capital ni la réserve qu'elle impose n (B:ELTJENs, Sociétés comm., ·134, no 1)~

La prohibition de l'art. '134 ('181) est due à l'initiative de M. Dumortier. Il fut généralement approuvé, mais colnbattu par MM. Jacobs et Sainctelette.

M. Jacobs prévoyait et admettait le rachat d'actions. à lin souscripteur hisolvable, opération dans l'intérêt de la société.

·M. Sainctelette défendait la liberté des conventions (GUILLERY, Comm. lég. loi 1873, p. 367).

Le 1 o de l'article fut d'abord rejeté, rachat d'actions, bien que le principe en fût sympathiquemenL accueilli. Aussi fut-il rétabli dans la suite, sur amendement de M. Dumortier, rédaction qui fut, en fin de compte, remaniée par M. Bara.

Le fait dominant, c'estl'intaùgibilité du capital. «Il est clair, ont déclaré les pro­motetj.rs de cette loi, qu'on pourra racheter des actions sans commettre de. délit orsqu'on n'entamera ni le capital ni ce qui doit constituer, au moment du fait, la réserve»· (PIR!\IEZ, Ch. Repr., 12 mars 1886; ..,--GUILLERY, Ct. lég·. Ill, p. 39; -WAUWER!\IANS, p. 617, ll0 H76;- BELTJENS,.ibid.,.ll0 .8).

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JURISPRUDENCE 305

<< Racheter des actions ou parts sociales avec des fonds appartenant à la société, c'est diminuer ce capital, puisque le prix sort de la caisse sociale et que d'un autre côté, les associés doht les titres sont rachetés disparaissent et ne sont remplacés par personne. Il y a une vraie dissolution partielle de la société, opérant une dimi­nution de capital... Lorsque le rachat ne porte aucune atteinte 'au capital st)cial, le prix est payé moins par la société que par les actionnaires et le rachat pa1;ait exempt de fraude. Le bÙt est d'augmen;ter la part des associés restants d;ms l'avoir social Il (NAMUR, no 100;- v. BELTJENS, 134, nos 12, 16).

M. Jacobs, dans la discussion de la-loi, avait imag'iné une hypothèse qui n'est qu'un frag·ment de la nôtre : << Je suppose, disait-il, que dans une souscription d'actions, un g·rand nombre d'actions aient été prises par une pet'sonnalité sans solvabilité sél'ieuse. La société aura grand intérêt à annuler cette souscription d'actions plutôt que de les faire vendre au détriment de ce panier percé qui les a souscrites et à son préjudice à elle ; car cela discréditera ses actions n.

Le texte interdit cette suppression de titres; malgré l'intérêt que la société peut y avoir.

Mais ici il n'y a pas suppression. Il y a' mieux : il y a cession d'un matériel de 100.000 fr. à Collin qui, fictivement avec ces 10fl.OOO. fr. libère ses titres, ou du moins 200 titres, cède' ses titres aux vendeurs du matériel, cède le matériel à la société. · .

Ainsi vue, l'opération ne met pas en cause l'intervention des administrateurs, ni de la société.

La société a deux bénéfices : libération totale et .en numéraiÙ; des actions sous­crites, par un jeu d'écritures; -acquisition d'un ensemble d'instruments de travail.

Pas de diminution du capital social -- pas de frais aux dépens de la Société. Le mécanisme de l'opération se présente encore comme suit : Collin libère deux

cents actions de 500 fr., des 4/5 dûs, en versant fictivement 80.000 fr., et rend ces titres à la société qui les cède aux frères Martin contre cession de leur matériel de 10{).000 fr.

Si l'évaluation du matériel est exacte, le capital social n'est pas diminué. En fait, ii a augmenté. · La libération ne doit pas nécessairement être faite en numéraire. Elle peut se

faire en équivalant réalisable, ou, je crois pouvoir l'ajouter, utile à la société. Certainement on peut·se libérer en remettant des titres négociables que la société revendra de suite et portera en compte. Pourquoi ne pas admettre un matériel utile, · pour sa valeur certaine? (P. B. vo Soc; anou.;- FuziER-HERl\IAN, vo Soc. comm. Rép. 2245, H8) : · <t Le versement ne doit pas nécessairement être fait en espèces. II peut l'être en valeurs équivalentes·dont la réalisation immédiate est facile et certaine n. Même par compensation pour les versements complémentaires (F. Il., 2 M-5).

Si, avec cette valeur monnayable, on achéte un matériel utile, nulle critique n'est possible.

Pour JUOi en serait-il autrement si on balance immédiatement la libération des titres pm• l'acquisition de ce matériel nécessaire à l'activité et au développement' de la société? Ceci aussi est du capital social.

Jusqu'à présent, nous avons considéré l'opération en elle-même, dans sa silhou­ette, ou son squelette.

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306 JURISPRUDENCE

Nous allons la .considérer dans son arr~ngement, son habillement., son passag·e aux écritures.

« M. Dumortier, dans sa première proposition était allé plus loin (que le texte voté): il punissait le fait d'ouvrir aux actionnaires un compte courant dont le débit est charg·é de la valeur des versements.

((Le changement de rédaction prouve que ce fait échappe à la loi pénale; le débi­teur d'un compte-courant donne au préteur les g·aranties d'usage ; quelquefois la garantie personnelle suffit. La loi n'interdit que le prêt sur un gage con sis tau t en actions ou en parts sociales n ; (GUILLERY. Soc. comm. III, p. 521, no 1308).

Cette opinion est peut-être excessive, car si on a modifié le texte, c'est à l'inter­vention de M. Bara; on n'en connaît pas les raisons, on ne les a pas dites, et M. Bara semblait ne chercher qu'une meilleure rédaction de l'article Dumortier, étant, en principe, d'accord avec celui-ci.

Il y a donc ici une supprPssion dont la portée est incertaine. WAUWERl\lANs admet ég·alement : (no H83) : (( Un cas de rachat qui peut se

produire est celui d'une société qui se trouve en présence d'un débiteur n'ayant d'autre avoir que des actions de celle-ci et qui offre d'en faire abandon en acquit de sa dette.

llLa société po1

urrait accepter d'être, en tel cas, le mandataire de son débiteur aux fins de réalisation ultérieure.

J> Ce ·ne serait pas un rachat Aux FRAIS de la société lorsqu! elle n'abandonne que des droits sans valeur en échange d'une rentrée effective Jl (Cfr. Mol\Il\IAERT, Rev. pT. SOC., 1889, no 64).

THALLER et Pic considèrent comme versement illég·al du souscripteur la remise d'un immeuble, d'un procédé de fabrication, .puisque· d'évaluation imprécise, (no 905). Ils rejettent aussi le versement par compensation (no.n-identité des créan­ciers et débiteurs) (906); mais ils admettent certains paiements par virement de comptes en banque ( 907).

Serait valide, à leur sens, l'opération d'une soliété qui a del' créanciers souscripteurs. ·

Elle n'aura qu'à s'entendre avec un établissement de. crédit qui: to ouvrira à la société un crédit de somme ég·ale ; 2° remboursera par ordre les créanciers au moyen d'une passation d'écriture; 3° recevra le même argent des dits créanciers comme versement des actions par eux souscrites ; 4° portera la somme au crédit de

·la société par actions. Toutes ces opérations se balancent sans versement d'un centime (sauf 'à la société

à passer des marchandises à la Banque, en écritures). Ici, la combinaison est encore plus simple, parce qu'il y a une valeur active qui

entre dans le patrimoine social. Mais ici un tiers, un banquier n'est pas intervenu. Les opérations sont réalisées

dans les livres de la société, au compte Martin et au compte Collin. Le manèg·e est, plus délicat, bien que la société ne soit pas directement en jeu, si même elle profite de la combinaison. Le compte Martin est crédité de fOO.OOO fr;, valeur du matériel, et débité de 100.000 fr. valeur des 200 actions.

Le compte Collin, débité de 100.000 ou 80.'000 fr. (versements à faire), est crédité de 100.000 fr. (matériel acquis).

Au fond, la société libère les actions et acquiert le matériel.

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JURISPRUDENCE 307

WAUWERMANS ( 1187, in· medio) enseigne que << les libérations par voie de compte­courant ou de compensations ne sont licites que si, en fait, ce mode de paiement équivaut à un paiement effectif, si l'actionnaire débité de ce versement reste crédi­teur en compte ou possède ou a assuré. par des garanties sérieuses les ressources indispensables à l'apurement du compte n:

Envisageant une hypothèse similaire, REsTEAU, pour l'application de la formule si large du§ dernier de l'article t81,lois coord., condamne le versement par compte courant, mais ajoute, no 2203 : << Nous n'admettrions, comme licite, le versement par compte courant que dans une seule hypothèse, c'est lorsque l'actionnaire est créancier de la société d'une somme supérieure au montant du ve1~sement, à l'époque où celui-ci devait se produire. Dans ce cas, en effet, il s'opère de plein droit une compensation ... n

En résumé, il y a eu dans cette combinaison quelque chose de factice, en ce sens que jamais Collin n'a eu l'intention d'acquérir le matériel Martin.

Mais la société n'a. fait que gagner à ce jeu d'écritures : 1 o elle acquiert un matériel précieux ; 2° elle allèg·e un débiteur insolvable d'une partie de ses titres non libérés. La situation financière s'améliore. Le capital social se consolide.

Le but poursuivi a été de se rendre maître d'un hien qu'on ne pouvait acheter­faute d'argent - et non de libérer un insolvable.

Je conclus donc à la validation. En supposant même que l'acte reproché tombe sous 1e coup de la lo.i - ce qui

est douteux en principe, et non établi en fait puisqu'il n'y a pas eu de poursuite pénale - en sort-il une nullité radicale, absolue, une inexistence ?

Rien n'est plus variable que l'étendue des nullités possibles, en sorte qu'il faut hien les étudier et les mesurer.

Ainsi la société n'existe que par un écrit. A défaut d"écrit (art. 4, loi de 1873), nullité qui devrait se confondre avec l'inexistence. Et cependant le législateur atténue (V. NYSSENS et CoRBIAU, Des Soc. comm., I, nos 4fl7 et ss.).

« Même en cas non pas seulement d'une nullité d'un acte spécial mais d'une nul­lité absolue de la société, il a été jugé que les tribunaux peuvent décider, en vertu de leur pouvoir souverain d'appréciation, que dans le cas où une société commer­ciale est entachée de nullité, un tiers peut renoncer au drpit de poursuivre la nullité ... Cette renonciation doit être considérée comme valable ... n (Ré p. FuziER­HERMAN, Soc. comm., 3790).

De plus, en cas d'annulation de société, les nullités ne sont pas les mêmes, selon qu'il y a eu ou non but illicite (Rép. F. A., 3848 et ss.).

Le droit des créanciers sociaux tant sur l'actif que contre les associés, peut être exercé par eux, alors même que la nullité a eté prononcée (Ibid., 3883, 4, 5).

Les interdictions pénales de la loi sur les sociétés ont-elles pour conséquences de frapper de nullité radicale, les actes réalisés contrairement à leur défense?

Ce serait trop absolu et un peu précipité de répondre par un oui total. Ces interdictions ont pour essentiel de protég·er le capital social. Quand on n'est

ni la société, ni l'actionnaire antérieur, on n'a pas le droit d'iùtervenir. Il y a d'ail­leui·s les larges responsabilités civiles des administrateurs (Art. 62 et 1!, lois coord.).

Cela est si vrai, que la moralité générale, naturelle, n'est pas toujours ici en cause (comme elle l'est, indubitablement en matière de vol, d~ meurtre), qu'une loi

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française·· a' éëai'te· FacHèni· ei1 répétition des· dividendes fiètifs, dâils ·les société~ en commandite par actiom ou anonymes, bien que -les administrateurs soient punis pénalement et civilement (THALLER et Pre, II, no 1214).

La loi française a voulu marquer une borne où arrêter la tendance naturelle à généraliser la force de ses nullités.

Pour punir le rachat des actions par diininution du capital; la législation française · n'a pas de texte. Mais la jurisprudence commine des nullités radicales. Cependant elle n'en attribue pas la revendication à n'importe quel intét·essé ; elle la réserve à la société elle-même et, en cas de faillite, au syndic; ainsi sont exclus les tiers aux­quels la société aurait rétrocédé les actions indûment acquises par elle (THALLER et Pre, 1158).

WAoWERl\IANs, ri.o 1185, adopte cette solution et la greffe sur noti1e législation; Panel. B., vo Res p. ci v. des admin., 246: « ... : un associé perd tout droit d'attaquer

[en responsabilité] les admini~trateurs quand ils ont agi de ·t'assentiment unanime et spécialement quand celui qui les poursuit ultérieurement ... a contribué lui-même par ses votes à les autoriser à prendt'e des mesures incompatibles avec l'application pure et simple du pacte social n.

C'est hien ici notre cas. Les Martin ont admis, appl'Ouvé, exécuté l'acte qu'ils incriminent aujourd'hui. '

Ils ne sont plus .recevables à soulever une suspi-Cion de nullité. Panel. B .. vo Resp. civ. des admin., 279 : (( ... L'actionnaire devra établir que la

société a .commis une faute en ne se prévalant pas de l'irrégularité de l'assemblée générale. En effet, celle-ci peut avoir fait dans des formes irrégulières, un aète avan­tageux; elle ne peut en ])erdre le bénéfice parce qu'il plairait à un actionnaire de demander la nullité ... ll.

Il est remarquable, en effet, qu'ici les Martin seuls critiquent, ponrsuivimt leur intérêt propre àu détriment de la société, atniès avoir bénéficié de toutes lrs chances de valorisation des actions et de deux eillplois lucratifs. Il serait trop aisé de faire ainsi volt'e-face au gTé de leur intérêt.

N'est-ce pas ce que les juristes enseig·nent quand ils· disent (THALLEII. et Pre, no H58; - WAUWER~IANs, no 1185) que si la sociéLé et les créanciers peuvent pom­suivre la nullité du rachat illé~al, cela n'est pas accm·dé à ceux à qui la société aurait· retrocédé ses titres?

Dans notre cas, les titres ont été retr.océdés à Ml\'1. Marthl. Ceux~ci sont donc privés de tout recours.

ARRÊT. Attendu que, sous la date du 30 aoùt l929, les _appelants ont verbalement cédé à

la société anonyme des Usines Saint-Lambert à Flawinne pour une somme de 1 0.000 fr. le matériel repris à l'exploit introductif d'instance ;

Attendu que conformément à leur demande; le règ·lement du prix d'acquisition se fi.t en portant le montant de celui-ci au. crédit du compte actionnaire du sieur JosPph Collin, lequel doiinait ordre à la société de transférer aux frères Martin .~WO actions de capital et 80 parts de fondateur appadenant à lui Collin ;

AttendU que la plus grande partie dU susdit matériel fut bénévolement laissée provisoil·ement en mains des sieurs Martin ;

AtleilJu LJUe la soc. an. des Us'inrs de St-Lainberf à Flawinne étànt tombée en

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JURISPRUDENCE 309

faillite et les curateurs ayant procédé à.l'inventaire du matériel, les appelants sou­tenaient que celui-ci n'avait jamais fait.partie de l'actif de la. société et était demeuré leùr propriété;

'Attendu qu'en fait, semblable prétention va tout à fait à l'encontre des éléments acquis aux ·débats, et de la convention verbale prérappelée du 30 aoùt 1929 et est en opposition formelle avec l'attitude des frères Martin qui, mis eh demeure· plusieurs mois avant la déclaratï'on de faillite de restituer le mobilier, s'abstinrent alors de toute prétention quelcon_que quant à la propriété de celui-ci ; ·

Attendu que, devant la Cour, l'on ne soutient plus que la cession serait nulle parce qu'elle amait été faite uniquement par Léon Martin;

Attendu, en effet, que cette allégation, que le premier jug·e a justement écartée, est controuvée par les 'éléments de la cause;

Attendu qu'en degTé d'appel, les appelants allèguent que la vente telle. qu'elle a été réalisée doit être déclarée nulle parce qu'elle constituerait une opération con­ti'aire aux dispositions d'ordre public de l'art. 181 de la loi sm; les sociétés;

Attendu que la combinaison incriminée et à laquelle ont participé le sieur Collin et les frères Mat'tin n'a en rien préjudicié aux intérêts de la société ;

Qu'elle a été, au contraire, particulièrement favorable à celle-ci ; Qu'elle a, en effet, permis d'opérer, à due concurrence, une libération de titres

que la situation du sieur Collin rendait fort aléatoire et a fait entrer dans Ïe patri-, moine social, un élément tang'ible, en réalité un capital de 100.000 fr. constitué par un matériel de cet import ;

Attendu qu'il est de principe que la libération .ne doit pas nécessairement être faite en numéraire;

Qu'elle peut l'être en équivalent réalisable et que l'on peut admettre comme tel la remise d'un matériel comme celui dont s'ag·it et facilell,lent réalisable;

Attendu qu'au cours des travaux préparatoires, il a été recoJmu et proclàmé que les rachats d'attions sont licites lorsque, pour ce faire, l'on ne diminue ni le capital . ni la réserve ; '

Attendu que tel est bien assurément le cas dans l'espèce ; Attendu que l'opération attaquée n'a pas, ·au mépris de l'art. 181, été faite aux

frais de la société, puisque le capital de celle-ci s'en est trouvé plut6t sing·ulière­meüt amélioré ;

Attendu que les apJ)elants sont mal venus à postuler la nullité d'un acte auquel ils Ont non seulement donné leur pleine approbation, mais auquel ils ont coopé1 é directement et étroitement ;

Attendu au smplus qu'il est de principe que, même en cas de rachat illégal de titres, seuls la société et les.créanciers peuvent en poursuivrela nullité à l'exclusion de dmx à qui - comme dans l'espèce, les frères Martin - les titres auraient été retrocédés.

Par ces motifs et ceux non contraires du jugement a quo, La Cour, écartant toutes conclusions contraires, ouï en son avis conforme

M. Bodeux, premier avocat général, confirme la décision entreprise et condamne les appelants aux dépens. · ·

Observations. - -L'üitéressa1it avis de M. le premier avocat général

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JURISPRUDENCE

M. Bodeux, reproduit en tête ·de !"arrêt ci-nessus, nous dispense de faire un commerltaü;e détaillé de celui-ci.

Le cas devant lequel s'est trouvé la Cour d'appel de Liége est, au fond, moins compliqué qu'il n'en a l'air, lorsqu'on le ramène à ses termes essentiels.

Un gros actionnaire d'une société (Collin) cherche à se débarrasser d'un certain nombrede ses titres non entièrement libérés (200 capital et 80 parts de fondateur), de crainte d'avoir à faü·e face aux appels de fonds destinés à réaliser sa souscription. Il est prêt à c~der ce paquet de titres sans autre contrevaleur que l'avantage d'êtt·e déchargé du solde de ses obligations de souscripteur. ·

Il trouve les cessionnaires rêvés en la personne· des deux frères Martin, qui ont eux-mêmes un matéri~l d'11sine de 100.000 f1·. à céder et qui accepteraient d'être payés en ti tees, mais en titres entièrement libérés, ·escomptant l'avantage d'emplois lucratifs au service de la société.

Comment le souscripteur Collin va-t-il s'y prendre pour libérer ses titres sans bourse ~élier·, en mettant à profit les disposition8 des ven­deurs de matériel?

Il pouvait procéder comme suit : achetei· lui-même le matériel des Martin contre remise à ceux· ci de son paquet de titres, en gardant la charge de les libérer ; puis revendre ce matériel à la société pour

·100.000 francs, lui en faire passer écriture de compte à son profit (3t compenser alors par cette créance d'espè6es, sa dette d'espèces de souscripteur.

L'opération ainsi faite n'eût été susceptible d'au.cune critique. ·On procéda pll1s sommairement : Collin. étant d'accord avec les

Martin pour l'achat par ceux-ci du paquet de titres, et les Martin étant d'accord avec la société pour l'achat par celle-ci du matéJ'iel au prix de 100.000 francs, Collin remet le paquet de titl'es aux Martin et se fait déléguer par eux leur créance de l oo.ooo· francs à charge de la société (ou ce qui revient au même~ il s'en fait CJ'éditeP en compte vis-à-vis d'elle); il devient ainsi créancier délégataire de 100.000 fr. à charge de la société; celle-~i étant d'autre part sa cré­ditrice du montant non libéré du paquet de titres~ la compensation opère en vertu de la loi : les titres sont libérés ; les Martin ont le prix de vente convenu (le paquet de titres entièreinent libérés) ; et Collin est quitte envers eux comme envers la société. Il n'y a pas eu d'argent versé. ·

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--.

JURISPRUDENCE 311

On se demande vainement en quoi ce procédé deJ'éalisation, qui n'est que la simplification du premier, peut prêter davantage à critique.

Pour le prétendee, il faudeait aller jusqu'à dire que la société n'avait pas le droit d'acheter le matériel d'usine qu'elle convoitait, ou tout au rpoins de l'acheter a ou par un souscripteur non entièrement libéré.

Ceci n'est assurément interdit par aucune prescription légale. Dès lors l'opéra~ion, dégagée de ses apparences ou modalités comptables, est irréprochable.

M. le premier avocat général Bodeux démontre fort bien, par sur­croît, qu'elle n'a pas dimïnué, ni pu diminuet' le capital ·social, puis­qu'il était admis, en fait, que la vareur du matériel acquis égalait si­non surpassait la somme l'estant à libérer sur le paquet de titres dont s'allégeait Collin.

Il a été allégué devant la Cour qu'il y avait eu rachat (délictueux) d'actions par la société.

Nous comprenons mal comment il a pu êtr~e question de cela dans le cas présent.

La société n'a cei'tes pas été acheteuse d'actions; le paquet de titres est passé d'un actionnaire à un autre; la cession semble même n'avoir pas été notifiée à la société, avant la passation d'écritures comptables par laquelle celle-ci a été reudue débitrice du souscripteur Collin, vendeur des dits titres ; ce transfert de titres paraît bien être resté, jm·idiquem.ent, pour elle, res inter alios acta.

On n'aper·çoit pas non plus sur quoi l'on pouvait s'appuyer pour dire ce que l'on aurait :

" fait, paP un moyen quelconque, aux frais de la société, des ver­sements sur les actions" : la société s'est bornée, en effet, à payer à un souscriptem· par compensation~ le prix d'un achat de matériel, et ce paiement a été fait par elle, d'ot'dre et poue compt<;} des tiers ven­deurs à qui elle devait ce prix ;

" ou admis comme faits des versements qui ne sont pas effectués réellement, de la ma~1ièee et at~x époques prescrites" :car le paiement d'une souscription, par compensation avec une dette réelle d'espèces, surtout née dans le chef de la société après la souscription, est un mode de libération paefaitement légal.

Autrement en irait .. il, sans doute, d'une dation en paiement de la part du souscripteur : mais on ·ne se trouvait pas ici en présence d'un

N' .. 32l57

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3:12·. JUE.ISPRUDENCE

paiement par dation ; ce n'était p·as d'ordre et pour compte du sous­cripteur Collin, q 11e le. matériel avait été vendu à la société.

A tous égards donc l'avis 'du Ministère public .et la décision de la Cour apparaissent justifiés.

M. le pt'emier avocat généeal Bodeux examineen passant l'épineuse question des effets de la nullité attachée par la loi à l'infraction aux prescriptions de 1 'art. 181 des .lois coordonnées.

:Il.s'agit là, selon la doctrine, s'inspirant des travaux.peéparatoires, d'une nullité radicale et absolue ; car. dit-on. l'achat d'actions au moyen du capital social (ou les ver'sements sur actions an x frais de la société, ou les .vèrsements irréguliers) étant pénalement interdits, ont une cause illicite. 1Vlême le vendeur· de bonne foi devra la subir (WAUWERMANS, :Manuel, no 1185).

Toütefois M. Bodeux. fait justement remarquee que, pour " radicale et absolue " qu'elle soit, réellement ou 1wétendùment, on ~dni.et en général que cette nullité ne peut être invoquée que par ceux an profit de qui elle a été instituée~ ,c'est-à-dire la société et ses créanciers : les tiers auxquels la société auràit rétrocédé l~s action~ ne sont .pas recevables .à s'en prévaloir..

S'il en est ainsi, le vendeur~ compiice·de la société dans l'atteinte portée à son capital, ne le potwrait pas dav.antage. Par contre, [\notre avis. le vendeur de bonne foi surpris et trompé pai' la société! ~e pour-. rait, .si l'on considère qu'il est exposé à se voir pourstiivi en nullité du chef de l'infeaction commise p.ar la société.

Mais la question de l'influence de la bonne ou de la mauvaise foi qui a présidé à l'achat, mérite d'être davantage creusée.

M. Ch. RESTEAU fait observer quelque part, avec raison, que la ter­tiiinologie " bonne foi ", " mauvaise· foi " est absente du Code pénal belge .. Elle est, en effet, plutôt relative aux intentions générales de la moralité, :qu'à la position concrète de la volonté du sujet agissant par rapport à la disposition pénale. Le Gode se sed de l'expression 'Lsciemmenf" visant la· connaissance de la loi positive et par suite la conscience de l'infraction que le sujet commet par son acte.

La· disposition pénale de 1 'art. 181 des lois ·COOI'données requiert, pour être ap_plicable aux ·aclministt'atenr·s, gérants, com,missair·es, ' membres elu comité de surveillance, t1ne les Ü)fractions-qu'elle I,.éJœirne aient été coinmis,es sciemment. Sans cet élément de dol général, il pourrait y avoir, faute de gestion ; il n ~y a pas d'.infraction punissable.

Or, le cas peut se présenter où, agissant sur base d'apparences

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JURISPRUDENCE 313

sérieuses de ·bénéfices~· voire de la constatation de réserves en bqan, et sur la foi de l'état de prospéeité. notoii·e des affaires sociales, les administrateurs ont sincèrement cru utiliser aux achats d'actions des réserves disponibles tandis qu'il s'est découvert plus tard, qu'en fait, ces réserves n~existaient pas ou avaient fondu et qu'ainsi, Fopération s'est effectuée .aux dépens du capital social. Dans cette hypothèse~. les tribunaux eépressifs devt'aient acquitter les administl'ateurs, faute de pouvoir constater en eux, à côté de l'élément matériel du délit, son élément intellectuel ou intentionnel.

' ' .

En pareil cas~ la société ou Res créanciers seraient-ils recevables et fondés a peétendre, contre le vendeur, que l'achat d'actions est radi­calement nul par suite de l'atteinte portée de fait à -'1 'intégrité du capital social? Pourrait-on refuser auvendeur - supposé qu'il y eût intérêt - le droit d'exciper du fait allégué comme d'une erreur si1bstantielle qui a vicié son consentement dans le contrat de ve:1te?

: Enfin si la ntlllité a pour fondement la cause illicite du contrat de vente - illicéité dépendant ellecmême de la constatation ·en justice pénale du· délit réprimé par l'aPt. 181 - ne sera-t-on. pas amené à décider que la nullité ne pourr·a être prononcée, sur le terrain civil, que s'il y a et lorsqu'il y aüra eu condamnation pénale prononcée.?. Autrement le tl'ibunal civil ~erait amené à constater, pour justifier la nullité-, la réunion d'éléments constituant l'infraction définie dans l~art. Hn, ce qui le ferait sortit· ·de· sa compétence ....

Pai· application du même argument,· la nullité pourrait-elle ê.tre. encore prononcée au civil après que la prescription. -du délit: de l'·.àrt. 181 serait acquise?... _

:. Nous ne faisons présentement que poser ces questions délicates et en esqnisser la solution sans 1wétendee qu'elle échappe elle.,.même. a la controverse.

Les auteurs belges qui ont traité de la matière des sociétés par a:·ctions ne s'expliquent guèt'e ou même pas du tout sur ces· points importants et la jurisprudence, assez peu nombi'euse du reste, manque de nettet~. Nous -aurons sans doute l'occasion d'y revenir.

Sur le caractèr·e absolu ou relatif de la nullité, au point·de vue civil, cfr : Bruxelles, 18 juillet 1923, Pas~. 1924, II, 75 ; ;........; Comm .. Cotll'­tl'·ai~ 1er septembee 1923~ B. J:, 1924, 24.

Sur la libération de souscription par .co:mpensation, cfr : Comm . .A'nvers, 30 sept. 1912, J. T.~. 1913, .320 ; - Comm. Beuxelles~ 24 oct. 1913, Jur. 0~11~m. Brux., i9.14, .85; -Paris, 13 .. m~i;.}~9e":

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314 JURISPRUDENCE

Jur. Port Anvers, 1900~ II, 16 ; - Comm. Anvers, 13 nov. 1908, Jur. r:ort Anvers, 1909. I, 124; - Comm. Anvers, 19. sept. 1902, J~tr. P. Anvers, 1903, 1, 89.

No 3258. - Tribunal de commerce de Bruxelles (4e ch.). 19 novembre 1931.:

MM. Collars, prés.·; Co chaux et Bovy, jug·es ; 1----: Daubresse, réf. ; -Mtres Tyberg·hien et Voets, avocats.

(Talbot cf 1tl. Voets, cm·. faill. Seghers et Van Cleynenb1'e1tghel).

Société en nom collectif. - Associés débiteurs constituant en gage une installation industrielle utilisée par la société. - Société constituée tiers-détenteur du gage.- Gage non opposable aux tiers.

Ne pe1tt pas êtteconsidé1'é comme tiers-détenteztr valablement conven1t entre créancier et débiteurs pour la constit1ttion d'1tn gage, la société en nom collectif dont les débiteurs sont les associés, sttrtout lorsque le gage porte sur une installation indztstrielle utilisée pat la société; en pareil cas, le gage n'est pas opposable allx tiers.

Attendu que la société en nom collectif Seg·hers-Van Cleynenbreug·hel, constituée le 20 juillet 1925 (jfon. 9 août 1925, acte no 9787), et ses membres Seghers et Van Cleynenbreughel, ont été déclarés en faillite le 4 juillet 1931 ;

Attendu que Talbot sollicite son admission au passif privilégié pour un montant de 38.500 francs, soit 35.000 francs en principal et 3.500 francs en intérêts ;

Attendu qu'il se fonde sur un prêt qu'il a consenti le f 6 septembre 1 !)26, avec la stipulation que les emprunteurs s'engageaient à lui donner en garantie leut installa-tion, comprenant 4 machines Scott ; r

Attendu qne, d'après lui, l'emprunt aurait été contracté personnellement et individuellement par Seg·hers et Van Cleynenbreughel, et que les quatre machines susvisées auraient été effectivement constituées en gage par la remise de celles-ci a

, la société Seghers-Van Cleynenbreughel, tiers détenteur convenu entre prêteur et emprunteurs ;

Attendu que les circonstances de la cause sont de nature à démontrer que. c'est à la société Seg·hers-Van Cleynenbreug·hel que le prêt a été consenti; qu'en effet:

1 o Dans la convention verbale du 16 septembre 1926, Seghers et Van Cleynet~­breughel n'ont pas traité individuellement et séparément, mais se sont oblig·és conjointement, apparaissant comme un contractant unique ;

2° Ils ont donné en garantie leur installation industrielle, ç'est-à-dire l'installa­tion sociale, puisqu'ils n'en possédaient pas d'autres;

3° Les quatre machines Talbot ont eté acquises par la société, elles étaient nécessaires pour la réalisation de l'objet social et n'ont pas cessé d'être utilisées par la société jusqu'à la faillite;

4° L'opération a été comptabilisée dans les livres de la société ; les fonds prêtés ont donc été vérsés dans la caisse sociale et ont été employés pour les besoins de la société ; ·

N~ 3258

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JURISPRUDENCE. 315.

Attendu que le préteildu gage n'est dès lors pas opposable à· la masse faillie, parce· que la société débitrice a retenu en sa possession les objets sur lesquels il devait porter;

Attendu qu'à supposer que Seghers et Van Cleynenbreughel puissent être consi­dérés comme ayant, personnellement et individuellement, contracté l'emprunt, la même solution devrait être admise ;

Attendu que c'est la possession du créancier gagiste (par lui-même ou par le tiers~débiteur convenu) qui rend le gag·e opposable aux tiers ; que cette possessiùn doit s'affirmer par la situaMon de fait apparente, suffisante pour avertir les tiers et · pour que ceux-ci ne puissent pas croire que les choses constituées en gage sont encore libres dans le patrimoine du débiteur (Liége, 18 févr. 19!4; Pas. IL p. 279; Comm. Gand, 2t févr. 1914; Jur de Fl., p. ·132;

Attendu que tel ne serait pas le cas si le gage constitué par des associés en nom collectif était remis à la société dont ils sont membres, agissant comme tiers-déten­teur convenu ; que celle-ci ne peut agir et posséder que par les personnes physiques qui la composent ; qu'en fait, il est difficile d'opérer un discernement entre le patrimoine social et celui des associés ; que les tiers ne seraient pas ainsi avertis de ce que le débiteur se trouve dépossédé des objets sur lesquels porte le gage ;

Attendu qu'il y a dès lors lieu d'admettre Talbot non au passif privilég·ié, mais au passif chirographaire ;

Par ces motifs : Le Tribunal, entendu en son rapport fait à l'audience e~ avant toute plaidoirie

M. le juge Cochaux désigné par jugement du 15 octobre 1931, en remplacement de M. le juge-commisaire. légalement empêché, dit que Talbot sera admis au passif chirographaire de la faillite Seghers et Van Cleynenbreughel pour la somme· de 38.500 fr.; condamne Talbot aux dépens.

Qbsarvations. - La combinaison qui se rencontre dans l'espèce ci-dessus jugée, des pPincipes de la constitution du gage et de ceux de la société en nom collectif est curieuse.

Le gage a pour.condition essentielle le dessaisissement du débiteur et la détention consécutive de son objet par le créancier gagiste ou par un tiers convenu entre parties. S!il n'en était pas ainsi, la possession mobilière deviendrait incertaine et équivoque aux yeux des tiers : la loi y est formellement opposée; elie frappe de nullité le gage constitué sans dessaisissernent ; dans la matière· spéciale du gage de fonds de commerce, la condition de des&aisissement a été remplacée par l'obligation de l'inscription à la conservation des hypothèques.

La société en nom collectif est une des sociétés commerciales reconnues par la loi et dotées en conséquence de la .personnalité civile., Son individualité juridique est distincte de celle de ses membi·es ;, elle en est même indépendante · etl. partie : pa:r ·exemple, la faillite personnelle d'associés en nom- colleètif n'entraîne pas nécessairement

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316 'JURISPRUDENCE

celle de la société.· Il reste veai, toutetois, de dire que ce type de société de personnes est celui où la personnalité de ses membres est le plus intimement liée _à celle de l'être moral; il n'y a pas entre ~ux confusion des patrimoines, mai~ ceux-ci sont soudés les uns. à l'autre par l'effet de la responsabilité solidaire et illimîtée des associés quant aux engagements sociaux.

Il s'ensuit que le choix de la société en nom collectif comme tiers· détenteur d'un gage constitué par des associés débiteurs ne pourrait être recomma~dable pour la nettete de la situation à en résultm~ ; sur­tout lorsque l'objet mis en gage est le propre .maté1:iel d'exploit~tion de la société qui, ainsi, n'en clevient pas détendrice mais, le reste Dans une telle combinaison, le fait du dessaisissement n'apparaît pas aux yeux des tiers; il semble même qu'elle ait .

1~té ·conç_ ne pour le- leur

di'lsimnler, tant elle apparaît propre 'à engendi'er cet effet. La situation ne serait guère différente si tel débiteur aya~1t double.

qualité se confiait à lui-même en l'une de ses qtUJ.lités, la détention de l'objet 'du gage qu'il se serait obHgé de constituer en sou autre qualité.

On aboutirait par ces procédés à faire indirectementce que ~a loi défend de faire directement.

Dans l'espèce jùgée, la confusion est telle que le Tribunal croit y découvrir une autre simulation : c'est que la véritable emprunteuse débitrice et constituante de gage, serait la société en nom collectif et non, ses associés agissant personnellement. _ _ __

En ce cas, -l'hypothèse même d'un dessaisissement serajtexclue des faits; le gage serait~ de ce chef, irrégulièrement constitué ·et donc nul·.

No 3259. - Tribunal de commerce de Bruxelles.- 14 décembre 1929. MM. Van Droogenbroeck, prés.; __:_ Bivoort et Hanssens, jug·es; ~

Van Meerbeke, référ. ; - Pl. : Mtres Peeters, Denis et Petitjean, avocats;

et Cour d'appel de Bruxelles (3e ch.). - 30 avri11930. (Faillite soc. an. Uunicipal développements).

I. Société anonyme. - Objet social. - Caractère comn:tercial. -Prédominance d'op'érations civiles.- Inopérance.

II. Faillite. - Conditions. -.Actif prétendument supérieur au passif: - Inopérance.

C'est par leur objet principal que les sociétés commerciales se distinguent des sociëtés civiles_1n~zne lor-sq~e oelles;cf. §[mt ponstituées plu; lp! .fonr~;e :C01idnenaiak. · '

N° 3259 _t' ·-'·' '•'T

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JURISPRUDENCE '317

· Estcmiunm·ciale:ttne société dont l'objet social principal est, d'aprèS ses stat1tts, de {aire des actes· qnalifiés commerciaux par la loi, certains actes civiles lui étant toutefois cpe1'1his. La société qni a pou1· objet des actes de commerce est cmilme~·ciale desa natttre -et dès le moment de sa constitution.

II. Un comme1'çant dont l'actif serait supérieu1' à son passif doit être déclaré en faillite s'il est eu état complet de cessation de paiements, et de cette impuissance notoi1'e ct faire {ace à ses obligations .résulte évidemment l'ébranlement de son crédit ..

JUGEl\lENT DU 14 DÉCEl\lBRE 1929.

;: Le Tribunal de commerce de BJ'uxelles a, le 14 décembre 1929, renlltt le jttgement ·~suivant :

AUef1dU que l'action tend à faire déclarer la société défenderesse en état de faillite;

Attendu que la deinan,deresse est créancière. incontestée de la défenderesse. d'une .~omme de deux. millions réprésentant les acomptes échus sur le prix de travaux ede bétonnage entrepris par la demanderesse pour le compte de la défenderesse ;

Attendu que la défenderesse soutient que, hien que constituée sous forme de société commerciale, elle n'a pas jusqu'à présent fait aucun acte réputé commercial :par la loi ; flUe la créance de la demanderesse elle-même est une créance civile 'dans son chef,. puisqu'elle est née de l'exécution de ttavaux inunobiJiers faits sur des terrains lui appartenant ; qu'elle ne peut, en conséquence, être mise en faillite ;

Attendu que la société défenderesse a chang·é deux fois sa dénomination sociale·; .~üe sa première dénomination était << Société Immobilière de Bruxelles Centre » ; ., Attendu que l'article 3 des statuts de la Société Immobilière de Bruxelles Centre, .article non changé lors des. modifications· de dénomination,. porte : << la société a pour objet l'exploitation de cinémas, salles de fête et spectacles, restaur:mts, ho tels, mag~sins d'alim.entation, comptoirs d'achat et de vente de tous produits, l'acquisi­tion bu la vente de tout ee qui est nécessaire aux besoins de la société n ;

Attendu que le dit ar,ticle continue.: a la société peut faire toutes opérations financières, commerciales ou industrielles qui se rattachent directement ou indir'ec­tement au dit objet; elle peut acquérir tous terrains et y construire tous bâtiments; entreprendre tous travaux. publics· ou privés, fabriquer, vendre et acquérir toufl matériaux de construction, prendre à bail tous immimhles n ;

Attendu que rien que de ce texte et sans qu'il soit besoin des autres act'es que la suite de l'article 3 autorise encore ra societé défeùderesse à faire, il résulte que son objet social principal est hien· de faire des actes. qualifiés commerciaux par la loi, certains actes civils lui étant toutefois permis,; que c'est ainsi que la prémière partie ·de l'article commence par les mots cela société a pour objet' » et la seconde partie par les mots «.elle peut »';

Attendu que c'est par leur objet principal que les. sociétés commerciales se dis­tinguent des sociétés civiles, même lorsque celles-ci sont constituées sous forme commerciale ;

Attendu que la société défenderesse est donc hien une société commerciale ; Attendu que selon l'article 1er des lois coordonnées sur les sociétés stipule que

les sociétés commerciales sont. celles qui ont pour objet des actes de commerce ; 1.:· Attendu qu'il résulte de ce texte que la société qui a pour objet des actes de

~commerce ·est commerciale de sa nature et dès le moment de sa constitution ;

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318 JURISPRUDENCE

Attendu qu'il est' à remarquer qu'en conséquence ·de ces principes, .toutes ses obligations seront dès ce moment présumées commerciales en vertu de l'alinéa 7 de l'artiele 2 de la loi du 15 décembre 1872, à moins qu'il ne soit prouvé qu'elles ai~nt une cause étrangère au commerce ; que c'est ainsi qu'en fait, la société défen­deresse a nécessairement déjà fait des actes de commerce et contracté des obliga­tions commerciales (frais de constitution, honoraires dus au notaire de ce chef, achat de mobilier, en~ragements d'employés, emprunts pour le paiement des salaires

,de ces employés, etc ... ); Attendu que certes une société commerciale peut faire des actes civils et que la

créance de la demanderesse est une ·créance civile, mais qu'un créancier d'une dette civile est recevable à demander la. {aillite de ~on débiteur commerçant, si celui-ci est en état de cessation de payements et si son crédit est ébranlé ;

Attendu que la société. défenderesse sans méconnaître qu'elle est en état de cessation de payements, dénie que son crédit soit ébranlé ;

Attendu qu'il ressort des faits de la c:;tuse qùe la société est débitrice, de sommes importantes, indépendamment de ce qu'elle doit à la demanderesse ; '

Attendu qu'il en ressort encore qu'elle n'a pu payer les salaires de son personnel du mois de novembre que grâce à des avances à elle faites par ses administrateurs, et qu'enfin à la date du 3 décemJlre, elle.avait e~1 caisse une somme de 241,35 fr.;

Attendu qu'ainsi son état de cessation de paiements est évidemment connu de tous ces créanciers ;

Attendu d'autre part, que. des explications mêmes des parties, c'est en vain que depuis plusieurs mois la société défenderesse essaie de contracter des emprunts pour sortir de la situation où elle se trouve ;

Attfmdu que de tout ce qui précéde, il-résulte que d'une part, son état de cessa­tion est suffisamment connu pour avoir nécessairement dû avoir un effet néfaste pur son crédit tant commercial que civil, et que d'autre part, celui-ci est non seule­ment ébranlé, mais n'existe plus;·

V;u les articlPs 462, 4 75, 467, 468 et 4 72 de la loi du 18 avril1851, sur les faillites et sursis ;

Après en avoir délibéré au vœu de la loi ; Le Tribunal déèlare ouverte la faillite de la Société Anonyme << Municipal Develop­

pements» (Belg·e), etc ... (te·reste sa.ns intérêt).

ARRÊT DU 30 AVRIL 1930.

La Cou1· d'appet de Bruxelles a, le 30 av1'il1930, rendu l'm·rêt suivant: Attendu que c'est à bon droit que, pour déterminer la nature de la Société. appe­

lante, le premier juge a considéré son objet tel qu'il est défini par ses statuts ; qu'en raison même de cet objet, elle a nécessairement déjà fait des actes de com­mer9e et contracté certaines obligations commerciales, relevés dans le jugement a quo;

Att~ndu que s'il est vrai que l'appelante a, jusqu'au jour de sa déclaration en faillite, . effectué surtout des opérations de nature civile, il est certain que son activité ne pouvait être restreinte à des actes de ce g·enre, qui n'ont été contractés qu'en vue de réaliser son fonctionnement commercial, selon le but que lui assignait ses statuts ;

Attendu"que, ne tetenir pour déterminer sa nature, que .les actes civils. pendant

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JURISPRUDENCE 319

la période· d'installation préparatoire au fonctionnement commercial, serait lui reconnaître successivement une double nature ; d'abord civile pendant cette première période ct ensuite conùnerciale lorsqu'elle se livrerait effectivement au commerce en .vue duquel elle a été créée ;

Attendu que si même il était démontré, sans contestation possible, que l'actif de l'appelante est supérieur à son passif, il est cependant constant qu'elle se trouve actuellement en état complet de cessation de payements, et de cette impuissance notoire, à faire face à aucune de ses oblig·ations, résulte évidemment l'ébranlement de son crédit ;

Attendu que le motif pour lequel l'appelante n'a pas actuellement la moindre disponibilité est inopérant; que l'essentiel à retenir est qu'elle est dans la nécessité de refuser le payement de dettes exigibles considérables et que le désarroi de ses

. affaires est patent ; · Attendu que l'appelante invoque vainement des négociations avec des tiers qui

auraient pour résultat de désintéresser postérieurement ses créanciers ; qu'en effet, non seulement ces négociations n'ont pas pour effet de faire disparaître l'état actuel de faillite, mais que, entamées déjà dès avant la déclaration de faillite, leur succès final demeure douteux et qu'au surplus elles ne semblent pas avoir pour but de rétablir ou de consolider le crédit de l'appelante par avance de fond ou autrement, mais de reprendre toute une situation commerciale à laquelle l'appelante est hors (l'état de faire face ; .

Attendu que la Cour fait siennes les considérations du jugement a quo qui répondent déjà péremptoirement aux conclusions prises devant elle tant en ce qui concerne la qualité de commerçante de l'appelante qu'en ce qui concerne son état de cessation de payements ;

Par ces motifs, et .ceux du premier juge, La Cour, de l'avis conforme de M. l'avocat général Richard, entendu en audience

publique, rejetant toutes autres conclusions, reçoit l'appel et y statuant, déclare l'appelante sans grief, confirme le jugement a quo et met les dépens d'appel à charge de la masse.

Observations. - Ces décistons conformes aux enseignements de la doctrine et à la jurisprudence. Cfr. : RfVUe 1926, nos 2694~ 2665 et 2655;- 1925, ll0 2650; - 1924, nos2573 ~t 2558;- 1914, no 2400; - 1912, nos 2223 et 2237; - 1910, Jl 0 2110, etc ...

No 3260. - Tribunal d·e commerce de Llége. - 23 mars 1932. MM. Benoit, juge, prés.; M. Groulard, référ. ; - Mtres Rasquin cf Henet, avocats.·

1 (Exposition de Liége cjFaillite Flumatou1's.)

Société. - Association en participation. - Eléments constitutifs. -Prêt à intérêt fixe avec contrôle des affaires de l'emprunteur.

Pou1' qu'il y ait société il faut que les contractants aient l'intention de mettre une

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JURISPRUDENCE<

chose' en co11i1mtn; de partàget des bénéfices et de faire pàrticipei' · Ums .·les.·- associés. aux pertes et attx profits; ·

Tel n'est pas le cas pour celui qui fait un prêt à intérêt fl.ve non dans le but d'as­surer le fonctionnement d'nne association, mais j101tr permettre à l'mnp1'ttnteur d'acquérir oertaines. choses· dont il deviendra l.' exclttsif p1'opriétaire ..

Il impotte peu que, ponr assurer le rmnboursement de la somme avancée, le prêteur se soit réservé un d1'oit de contrôle technique et financier szu· l'exploitation de l'em­pruntett1'.

Attendu que l'action tend à faire dire pour droit que la demanderesse sera admise au passif chirographaire de la. société anonyme Compagnie navale· de tourisme maritime et fluvial dite << Flumatours », pour la somme de 1. 795.285,50 fr:mes, du chef d'un prêt lui consenti pour raménagemeiÙ. et l'exploitation des bateaux­hôtels pendant l'exposition de Liég·e 1930; . Attendu que le curateur prétend que la demanderesse s'est engag·ée avec la

société Flumatours dans les liens d'une association en participation ; que, comme telle, elle ne peut être admise à produire au passif chirog'l'ap·haire; mais doit au contraire. concourir avec elle aux pertes dans la proportion où elle était admise à participer aux bénéfices de l'entreprise commune ;

Attendu qu'il faut, pour qu'il y ait société, que lès contractants aient rintention de constituer une société,, intention qui se. manifeste par la réalisation des conditions de validité énoncées par l'article 1832 du Code civil,·qui s'applique, d'une manièi'e g·énérale, aussi bien aux sociétés civiles que cominerciales, à savoir. : mise d'une chose en commun, partag·e des bénéfices, participation de tous les associés aux pertes et aux profils ;

Attendu qu'il importe de rechercher si ces éléments, essentiels à la constitution des sociétés, se rencontrent ou non dans la convenLion.verbale du 8 mars 1930 qui fixe l'accord des parties ;

Attendu qu'il résulte de cét accord : 1 o que l'Exposition charg·eait Flumatours d'aménag·er et d'exploiter,. sous soit

controle, des bateaux-hôtels pour 500 personnes; 2° que Flumatours acquérait en pleine propriété le nombre de bateaux néces-

saires à cette fin ; · · ' ' 3° que rExposition exerçait un droit de contrôle sur la g·estion courante de

l'entreprise (technique et financière) ; 4° que l'Exposition .Ouvrait à Flumatours un crédit de 1.000.000 francs productif

d'un intérêt de 4 °/o l'an, remboursable au plus tard trois mois après la cloture de l'Exposition, et g·aranti par l'actif représenté par les hôtels flottants seulement, l'Exposition n'ayant aucun droit sur l'actif ·social de Flumatours en dehors de sa flottille ;

5° que l'Exposition pouvait, "en outre, se rembourser partiellement sur les recettes normales de l'exploitation; pendant la durée de-l'Exposition, après prélèvement par Flumatours des sommes nécessaires pour,payer son )person~1el et ses frais généraux de la manière suivante : sur le montant des locations : 25 °/o acquis à Flumatours ë!l rémunération de ses frais d'exploitation (à reviser éventuellement) ; le solde étant répàTti comme suit le 10 de chaque mois : 2/5 à l'Exposition ; 3/5 à FJmnatours .qui d.evait les. porter à valoir en re1nb.oursement de ~on emprunt de 1.500.01)0 fr. ;

6° que l'Exposition pouvait exercer son controle par délégation ;

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JUltiSPRùr>ENCE

Atteridu·que l'atialyse de.cetàccord démontre à l'évidence qU:e deu~ des·élé1nents essentiels à la .constitution des sociétés font complètenient défaut savoir : la mfse en. commun et la participation aux bénéfices et aux pertes.de l'entreprise; qu'en effet, le J)!'êt à inléi'êt fixe de 4 °/o, n'a pas pour but d'assurer le fohctiOJ!nenient'd'un.e association, niais doit servir à l'acquisition ·de bateaux dont Flumato1lrs deveùait l'exclusif propriétaire, qu'elle devait· assurer contre !:incendie et qui lui permet;. traient, ,dans la suite, de réaliser l'objet de la société constituée à Gand·;

On relève la préoccup_ation constante et manifeste de l'Exposition d'obtenir:le remboursement de la somme, non par préférence sur une communauté,'ma1s comme dette personnelle de Flumatours, en prevoyant même ta constitution d'un g·age si.I1~ les bateaux, la date ·de 1;emboursement définitif et le mode de J.'embour~einent par~ ti el ; · en effet, le prélèvement de 2/5 ·du montant des locations a été admis poUl' per~ mettre à . la. demanderesse de -se rembourser· partiellement pendant \e cours de l'Exposition, en sorte que, si un heureux hasard .avait permis· d.'éteindre. la .dette en principal et intérêts avant la fermeture de l'Expositioli, la deinanderesse, d'après Ï'accord des parties, eùt été l'emplie de tous ses droits et n'aurait eu au~un- titre· à prétendre encore participer aux bénéfices des hôtels flottants;

Atten.du: que le droit de conüole technique et· financier que se réservait la deman~ deresse s'explique aisément et ·n'est pas de nature à faire perdre à la. convention d'entre parties son c::J,ractère de prêt à intérêt ; ·

QÙ'en effet, du point de vue technique, l'affaire se présente comme une espèce de concessiotl pour ie logement, l'alimentation et l'entretien des visiteurs 'à l'intériem1

même de l'E~position ; qù'il se conçoit, dès lors, que la demanderesse ait imposé à la société 'failiie certaines conditions I'elatives. notaniment aux prix, puisqu'elle devait -natui'ellement avoir le souci de voir les visiteurs confortablement installés et traités, d'où son droit de reg·ard même par délégation ; ,

Que le contrôle fina.ncier se comprend encore mieux si on envisag·e l'importance. du prêt (1.500.000 francs) à une société constituée au capital d'un n'iillîon (dont 200.000 fr. seulement versés) et le fait que les remboursements devaient s'effectuer sur le montant des locations; ·

Que ce droit de regard même par délégation ne: transforme pas la naturel~u con~ trat de prêt si on songe Cine tous les jours des banquiers seréservenUe controle de la comptabilité de leurs emprt~nteÙI'S et .leur imposent même un· comptable de leur choix, sans. devenir pour cela des associés de leurs clients ;

Atte1idu que la demanderesse produit une créance de francs L795.285,50, ei1 principal et· intérêts; qu'il est,. d'autre part, avéré que, le 26 juillet, la demande~ resse, voyant péricliter l'entreprise et usant de son droit de controle par délégation; a dépossédé Flumatours dela gestion poUr en charger un sieur Herman, Jequel a exploité du 26 juillet. au ao septembre 1930, date de la fermeture; que les élém~ents comptables font ·défaut pour pei·mettre au Tribunal d~ déterminer la mai·che d~ l'affaire pendant cette péi'iode ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer jour aux parties pour s'expliquer· sm; ce point;

Par ces motifs, .Le Tribunal, ouï M. Grang·é, juge commis en remplacement de M. Benoit, juge

commissaire à la faillite, légalement empêché, en son rapport verbal fait~ l'audience, et sa:ns avoir égard à toutes conclusioils contraires ;

Dit pour droit que la convention verbale avenue entre parties le 8 mars 1930~

21

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JURISPRUDENCE

constitue un prêt à intérêt et que la demanderesse doit êtt'e admise au passif chiro­graphaire de la faillite pour le montant de sa créance en principal et, intérêts.

Observations. - Le jugement ci-dessus, à la différence du jugement du Tribunal de commerce d'Ostende du 12 mars 1931, que nous avons précédemment reproduit et commenté (Re_'l)ue, 1931, no 3171, p. 303), applique d'une manière remarquablement correcte les principes qui régissent la matière de l'espèce jugée. Ces principes sont parfois méconn.us. Il arrive que le juge du fait ait tendance à constater ou à décréter l'existence d'une société sans avoir reconnu, avec certitudè, dans les données de la cause, les éléments essentiels de ce con­trat et, en particulier, la " volonté de former une société "' l'affectiQ ou l' anim~~s societatis. Le prêt~ pris en soi, apparait exclusif de " la mise en commu1~ d'une chose en vue d'e~1 tieer bénéfice, tout en cou­rant les risques de pertes inhérentes à l'[opéPation " : il comporte, en effet, essentiellement l'obligation de rendre la, chose prêtée, obligatioQ. qui exi~te aussi dans la ·société, mais sous réserve - donc, le cas échéant, sous déduction préalable - des engagements sociaux. La charge de ceux-ci pèse sur tous les associés, selcn leur convention ou bien dans le rapport proportionnel de leurs mises respectives, tandis que dans le pr-êt elle ne pèse pas sur le prêteur qui, d'ordinaire, a le droit de percevoir, à tout événement, l'intérêt stipulé de ses avanees; quant à la charge du remboürsement des capitaux, ellè incombe également à tous les associés, tandis que l'obligation de ht i-·estitu ti on de l'objet prêté ne pèse que sur l'emprunteur.

Le point par lequel le contrat de prêt peut le plus fréquemment se rapprocher du conteat de société, est la modalité des garanties stiplllées de l'emprunteur au profit du prêteur : celui-ci juge souvent prudent de ne pas laisser à l'emprunteur l'entière latitude d~emploi de la chose prêtée ; il lui impose sa sueveillance ou 'son contrôle, de manière à être instruit sans délai des abus qui se produil·aient et à pouvoir alors faire jouer à 1' instant les clauses de· sauvegarde.

Il peut aussi stipuler, à titre de rémunération spéciale du sm·vice rendu, quelque part du bénéfice éventuellement réalisé par Pempnm­teur grâce à la jouissance des capitaux du prêt.

Tout cela rapproche le prêt de la société, mais, à défaut de réelle mise en commun de l'objet prêté, à défaut d·a~ectation de celui-ci à un but commun, à poursuivre par des opérations communes et à profits et pertes communs, à défaut surtout d'intention de s'engager en un tel régime, il n'y a pas de contrat de société.

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LÉGISLATION (PARTIE FISCALE)

Le jugement ci-dessus fait, dans l'esprit de ces pl'incipes, une ana­lyse instniCtive des cil'constances de l'espèce qu'il avait à juger: il ne eeconnait pas dans ce " peêt surveillé " les caractèt'es de la société .. Il conclut - logiquement dès lors - au bien fondé de la réclamation del'objet du prêt qui n'a pu enti'er dans le patrimoine de la société emprunteuse que sous ~onditionde restitution et non au risque de perte.

Cfe. les références citées au no 3171 prémentionné ; - voir aussi : TROPLONG, Contratde $0Ciété, n,0 660; - NYSSENS et CORBIA"C, no 183 et 191 à 194; - Liége, 9 déc. 1896, Jtw. App. Lù!g.e, 1897, p. 33; -Comm. Ànvers, 17 déc. 1887, Pand pér., 1888, no 908;- Comm. Brux.~ 14 août 1896, Jttr. comm. Br~tx., 1896, p. 453; - Comm. Anv~rs, 16 nov. 1928~ Rev. prat. soc., 1931, u(' 3179; - et l'étude de J. HAMEL, L'affectio societatis .. Rev. trim. D1·oit civ., 1925, pp. 768 et s.

No 3261. - Loi du 23 juillet· 1932 modifiant les lois coordonnées rel.ativ.es aux impôts .sur les revenus (Mon. du 31 juillet 1932)~

Dispositions intéressant spécialement les sociétés.

C. Taxe professionnelle

ART. 5. - Le ge alinéa de l'art. 3.J, § 6. litt. b, est remplacé comme suit : Toute­fois, pour ceux des redevables visés au Iittéra b qui exercent effectivement dans la même société, par délég·ation ou par contrat, des fonctions réelles et permanentes, le régime du droit commun reste applicable à l'ensemble des rémunérations fixes ou variables lem allouées par la dite société, dans la mestire où elles dépassent les émoluments de leurs collègues non investis de foncti0ns spéciale!?. Cette partie ainsi rég·ie par le di'Oit commun, ne peut être supérieure, par redevable et par société, soit à I/100e du bénéfice net d'après lequel les tantièmes statutaires ont été calculés, soit à 100.000 fr .. si l'application dù dit pourcentage donne un montant inférleur à 100.000 fr.

Lorsque tous les administrateurs et autres personnes y assimilées exercent dans la niême société des fonctions spéciales, la partie des rémunérations éventuellement passibles 'du régime du droit commun, nP. peut pas être supérieure, par redevable et par société, soit à 3/~ p. c. du bénéfice net préindiqué, soit à 75.000 fr. si l'ap~ plic.ation du dit pourcentage donne un montant inférieur à 75.000 fr.

Les rémunérations fixées dans le présent texte s'entendent de rémunérations brutes, c.-à-d. avant la déduction des cbarg·es professionnelles admissibles, forfai­taires ou réelles.

L'exemption éventuelle des 100 centièmes additionnels ne peut êtr'e consentie pour plus de deux sociétés, à désigner par les· intéressés dans leur déclaration annuelle.

Le présent article est applicable aux cotisati01is à établir à partir de l'exercice 1930.

N:0 3261

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:32.~

D. Impôt complément:airé personnel

ART. 7. - Le§ 4 ci-après est ajouté à l'article 48 : Lorsqu'une société ·autre que par actions1 possédant la personnalité juridique, ne

produit pas à l'appui de ~a déclaration annuelle le relevé indiquant, pat· bénéficiaire, le montant des sommes allouées ou attribuées aux associés (art. 35, ~ 4, dernier al. des lois coord.), elle sei·a tenue au paiement, à titre de remplacement, d'une taxe spéciale calculée en taux de 7 ,~ ]J. c. sur les dites sommes ; cette taxe est assimilée à l'impôt complémentaire personnel et elle est rattachée à l'exercice fiscal auquel se rapporte la dite déclaration.·

Le paiement de cette taxe spéciale dispense les bénéficiaires de déclarer les soünnes reçues pour l'apJ)lication de l'impôt complémentaire pel·so~mel.

Cette disposition est appiicable pour la première fois aux sommes àllouées-ou distribuées au cours des exercices sociaux clôturés· en 1931. ·

, Comment~ire

I. A clmin istratettr s, etc. clans les . sociétés par act ions.

Le régimè des centimes addftionnels spéciaux, institué par la loi du 20juillet 193I(art. 2) (art. 35, § 6, b des lois coord.) est complètement modifié par l'art. 5 de la loi nonvelle.

La Revue a publié une circuiaire du 7 1nars 1932, que nous avons commentée (Remte, 1932, n° 3232), où sont dégagés Jes principes fondamentaux placés à la base du rég1me en .vjgneur à cette époque. _La loi .excluait de l'impôt spécial les traitements, dont bénéficiaient

. les· redevables visés, en rémunération de fonct.im~s 1·éelles ,et rermct­nentes et·pom· autant que ces· teaitements fusseLt fixés dans un c01û1·at d'emploi mt de louage de se1·vices. Une solution de continuité se trou­vait ainsi établie entre>les rémunérations attrümées en vertu d'un tel conteat et celles résultant d'une délégcttion. Ces dernières tombaient sous le ·coup de 1 'impôt spéc1al, tandis que les peemières restaient soù-tnises, dans leur totalité, au droit commun. '

Le régüne nouveau ne cannait plus cette distinction. Compi•enant que, par suite d'une rédaçtion défectueuse du ·texte légal, il avait manqué son but, qui avait .été de feappet· plus durement les eémuné­ratioils·, parfois excessives, · des administrateurs dont les fonctions n'étaient qu~intermitentes sinon simplement de façade, et se·rendant compte que " la 1·éctlité et la permanence " des fonctions visées ~n'était pas nécessaii·ement attachées à la nature du contrat qui en était la source, le législateur abandonna le critérium tiré. de celui-ci. Désor­mais,--du moment où les fonctions réelles et pe'rmanentes sont effecti1'e'­ment exercées, qu'elles le soiert par délégation ou par contrat d~em­ploi, le droit commun i·este applicable.·

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LÉGISLATION (PARTIE FISCALE)' 32D.

Mais, par conb·e·; il.ne Pest qu'à ·concurrence, par société, soit. d'un centième du bénéfice net d'ap1·ès lequel les tantièmes statutaires ont été calculés, soit. de 100.000 Ü'. s.i. l'application du dit pourcen:.­tage donne u'n mon 11111 t infé1·ieur à 100.000 fr. Une limite particulière Pst fixée pour le ca~ où tous les ~1dm inistrateurs exercent, dans la même société, qes fonctions spéciales. Enfin l'exemption ne peut jouer pour plus de deux sociétés. ·

Il se voit ainsi que le régime IHJuveau ptut être ou plus favorable, on plus rigoureux. Plus favorable en ce qu'il maintient le dJ'Oit com­mun même encas de délég·ation, souece ·essentielle des fonctions d:ad­ministrateur. Plùs rigoureux, par contre, pour les rémunérations,· même at1ribuées en vertu d'un contrat d'emploi, qui dépassent les limites fixées. Le texte nouveau vise, en effet, expressément "l'en­semb~e des rém.uhér•atioos ", dont bénéficient les redevables eil ques­tion, excluant, aussi bien en ce qui· concerne la limite. de 100.000 · que la JavenP elle-même, la distinction entt·e les fonctions issues d'une délégation ou celles issues d'un contrat d'emploi. Au contraire, sous le régime précédent; ses deenières se trouvaient, sans aucune J'esb·iction, écartées de 1' application des ceritiines additionnels spéciaux. Il résulte· de ceci que les rémunérations d'un administrateur, de quelque nature· qu'elles puissent être et à quelque titre qu'elles lui soient attribuées par la société qu'il administre~ fixes. où mobiles, en tant que directeur lié par ·un contrat d'emploi ou en tantqu'administrateur proprement dit, dans la mesure où elles dépassent les limites précitées, tombent sous le coup de l'impôt spécial.·

Le régime nouveau s'applique rétroactive1nent " aux cotisations à établir à par·tir de 1 'exercice 1930 ''. La justification de cette I~étroac­tivité a été tirée du fait que nombre d'administratem·s exerçant des fonctions réelles et permanentes·n' avaient pas de contt·at d'emploi ou que l' Admiüistration se refusait à considérer celui-ci comme tel. Ou reconnaiss<-·it, en somme, que le législateur avait. manqué son but, frappant, gTâce à une rédaction défe~tueuse, des. situations que l'on n'avait pas vouh1 atteindre.

Màis comment et dans quelle mesure cette rétroactivité s'exercera•· t-elle?

" Le présent article est .applicable attx cotisations à établir à partir. de l'exercice 1.930 ,., .Tel est :le texte d'une rédaction dont le sens est général et exclusiLde distinction.

4: la simple.lecture, on pourrait ·conclure à. une ap~plication rétroac~,

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326 LEGISLATION (PARTIE FISCALE)

tive rigoureuse, susceptible aussi bien de placer les contribuables inté­ressés dans une situation plus défavorable que de les avantager. c~est ainsi que CèUX qui, bénéficiant avant la loi DO\lVelle de rémunér·ations d'un taux supérieur à celui actuellement établi mais allouées en vertu d'un contrat d'emploi, n'avaient pas été atteülts par l'impôt spécial, se verraient, par suite de la rétroactivité, appliquet• celui~ci, deptt.is l'exercice 1930, sur la paetie de lem~ teaitement dépassant cette limite.

Toutefois, pareille situation n'a pas été pet·due de vue. Dans son rappoet au Sénat, M. MoYERSOEN dit nettement : " Il est

de jurisprudence de ne point reviser contee les contribuables les clécla­rrttions et les impositions clé) à établies ". Cette maniere de ~voir fut confirmée! sans rencontree d'opposition, dans les discm;sions au Sénat! au com's desquelles, notamment, M. CARTON, ministre de l'Intét·ieur, déclarait que s'il s'agit d'un administrateur de société reconnu comme ayant m1 contrat d'emploi et qui a été cotisé sans application des adcÜ­tionnels, cette cotis_ation est définitive. Il n'entre pas dans les inten­tions de l'Administration de revenir sw· cette imposition ".

Cét engagement est catégorique. Malhem·eusement, il se I'estreint à la revision des déclarations et des impositions déjà établies. Or pareille précision, dans laquelle s'est cantonné le llapporteue suivi par le Mfnistre et les autres parlementaires qui ont participé à la dis­cussion! et, d'autre part, la généralité du texte~ semblent ne pas pet'­mettre de rejeter la rétroactivité également pour les rémunérations antérieures à la loi du 23 juillet 1932, qui n'auraient pas encore fait l'objet d'une déclaration ou d'une cotisation.

Cependant, à cet égaed, un flottement subsiste dans les discussions parlementaires : " Toutefois il en est, poursuivait M. MoYERSOEN au Sénat, clont la cotisation n'est pas encore étaplie, qui ont un conti'at d'emploi non discuté. Quelle sera leur situation? Cela n'est pas stipulé et ne résulte pas de la jurisprudence administi'ative. J'attire sur ce point,rattention de l'honOt'able ministre : il ne fct~lt ]Jas q~t'il y ctit ~me rétroactivité contre le contrib~uible. Les mots " à partir de l'exer­cice 1930 ,; donnePaiel1t lieu à un grave abus ... J'admets la rétroactivité en faveur du contPibuable, puisque la loi n'était pas bien t•édigée, qù'elle visait plutôt la f0rme du con tPat que lè contrat lui-même. Mais il sm~ait inadmissible qu'elle fût invoquée cvutre-·1ui " .

. Cette observation tomba dans le vide : le Ministre répondit par l'engagement~ ci-dessus reproduit, de ne pas revenir, à charge du contribuable. sur une cotisation. établie, mais sans relever la remarque

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LÉGISLATION (PARTIE FISCALE) 327

relative aux~ rémunéeations n'ayant pas encore fait l'objet d'une déclaration ou d'une imposition. Il n'en reste pas moins qu'une inten­tion de bienveillance génél'ale ressort de ces discüssions. Les décla~'a­

tions du Ministre quant aux contestations en cours achèvent, nous allons le voir, de le montl'er.

Quid d'une cotisation à l'impôt spécial, établie précédemment sur des rémunérations qui. sous le régime actuel, Ii'y sont pas soumises? Le redevable est-il justifié, en invoquant la rétroactivité, à exiger la restitution de la som 1~1e I'epeésentatiYe de ces additionnels? Ici encore les décfarations suivantes démontrent la volmlté des auteurs de la loi d'êtee favoi'ables, dans toute la mesure du possible, aux redevables, cotisés, sous le régime précédent~ en dehors des règles actuelles.

- Quelle sera, demandait au Sénat M. DocHEN, la situation de celui qui a inteodnit contee sa taxation une réclamation dont le 1!ïOrt est en suspens ?

M. le MiiÎistre CARTON .: Tous ont été taxés. M. DocHEN : Mais l'intéressé est en appel. M. le Ministre CARTON : S'il y a contestation, elle sera 1~églée

d'après le texte nouveau. De ces dive1~ses déclarations on peut retenir : a) que les cotisations cléfà éta~lies ne seront pas revisées contre le

contribuable .. Ceci s'étend aux rémunérations qui ont fait l~objet

d'une déclaration. b) que les cotisatipns contee lesquèlles existe une réclamation ou un

recotws non encore viclé seeont réglées d'après la loi nouvelle. c) quant CH~X autres cas - notamment : rémunérationS n'ayant

pas encore fait l'objet d'une déclaration ou d'U:ne imposition; cotisa­tions établies et acceptées sans réclamations ou liquidées par···le paiè­ment -malgré 1 'intention bienveillante, manifestée de façon gén_érale ,aux coues des travaux prépat'atoires en faveur des redevables, on ne trouve r.ien de suffisamment décisif pour conclure à une restriction formelle sur ce point du texte de la loi. En tous cas, 1~ discüssion demeure. ouverte et il reste1'a à l'Administration de s'inspiree de la dite intention et d'évitei', dans la m\esure du possible, des différences de. traitement.

II. Revewus des capita~tx investis dans les sociétés de personnes. L'aeticle 7 de la loi nouvelle introduit, sur ce point, une modifica­

tion susceptible d'importantes répercussions dans le domaine de l'impôt complément~ire.

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328 LÉÛISLATION (PAR~,FIE FISCALE)

,,· . · OrLsait qüè:l'a}?t. 48, § 1~ des ~ois coor.;d. prévoit .le cas oides revènus,

snr lesquels. sont :assis la .tax.e fonciére;. la taxe professionnelle et la ta:xe niobili.ère sui' le r~ev.enu du capital investi dan8 les sociétés de p-ersonnes,.dé.passent 150,000 fe. tout en étant supérieurs à la base de taxation résultant des indices établis par l'art. 37. Dans ·cette hypo-

. thèse, le revenu' du capital ïr1vesti dans les sociétés antres que par aetioùs· intervient ·donè pal'mi les éléments de base de l'impôt complé­mentaii'e personnel. Aussi le § 3 du même article impose-t-illa décla­ration de ces divers revenus. Cette déclaration, en ce qui concerne les· reverms du capital investi peécités., est rég~ementée,. de façon spé­ciale; par le dernier alinéa du § 2 de l'artü.:le 35 qui assujettit les

so?~été~. de ~·esp~.ce~ à. .j~iudre 'à: leur décla~·ation ammeii~ un rele·v.é indiquant pae beneficiaH'e le montant. desl sommes allouees .ou attrl­ouées.

L'm'ticle 7 de la loi que nous commentons (iniroduit. comme·§· 4 da: l'art. 48 des lois coord~} rend. désormais cette deenière disposition facultative : " Ou bien, corinne le dit-M. \V AUvVERMANS èn son rapport, la société s'y soumet et alors.jl n'Y a pas. application de. l'article; OU bien elle S~abstient : en tel CaS les bénéficiaires ne sont phlS tenùs·, .de faire personnellement la déclaration des revenüs qui leur ont été alloués ou àttr.ibués par la société ". Mais, dans cette der'nière éven­tualité, il est perçu à charge de la société un supplément de taxe de 7 !5 °/o sue les réparptions, taxe assimilée à rimpôt complémeùtaire· personneL 'et. qui dispense· les bénéficiaires de dédar'er les sommes reçues.

' La I'aison, ·qui a donné lieu à l'institution de ce ~ystème, est que l'Ad'mini~Jtratïon ne se .ti'ouvait pas, paraît-il, suffisamment armée pour fair;e respecter· la dïsposition prérap'pelée de l'art. 35, § l' dernier~ alinéa èt pour contrôlé!; la déclaration personnellè des associés en question.· , La dispnsition. nouvelle ne fait aucune distinctio11, à 1 'égard. des·

so.m'mes· " câlouées ou att1· ilncées aux associés ", entre celles· qui le sont aux t:l'ssoeief? adtifs et· passibles de la taxe professionnelle et. celles pePçues:pài~ les ass'o'ciés nmi· actifs et 'assujetties à la taxe mobilière sur le revenu du capital investi. Les unes comme les autres sont donc compl'Ïses:dans ,la dispense au cas où la société paye la taxe spéciale de-:7~5 °/6.~·

. Il 'est: à :noter qu'au cours des discussions parlementaiées, de· vives protestations, qui n'étaient pas nouvelles d'ailleurs, ontété présentées ..

. NP.~3261.

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LEGISLATION (PA'RT~E FISCAiiE)

cün'tre:·la '.ditré:eence' de 'traiten1Bnt: à· l 'éga'r·d: des:s6ciét~s .dè ·pet{son11es

et ~es so?iétés. pa1· actions .. L'~ccord sm· ce JlOint pi:.u'HÎssuit ù'itÜleu·s éxistet·. 'Pom'qttoi l'l'teJât• Cülllllié ·clément 'taxable. a l'jmpùt. con· plé­l)18ll-ta_ire\ le rever1tt .da .. capital investi dans les sociétés de JleJ·sonnt·s, et 11011 dans les socié.tt~s par actions ? " La seule raison. disait chtr1s

. s'On. rappm·t ,lYJ. \VAUWERM . .\::Ns, sm·ait que l'iinpôt complémentaire· est étàbli: eu tenant conrpte de· tons les· élén1euts connus ou devant être co~1nus pae le fisc en suite d'une déclaration obligatoire à un auti·e tit1·e et qu'on ne peut dès lors fa.ire abstraction de c~t indice"· Un a.rmendement fut même déposé par M. F.IEULLIE~~ ayant pour objet d'autoriset' les sociétés de personnes à Subie, sur leur. demande, lè li'Iême-ti'aitement fiscal clue· les soCiétés .Pat> actions~ tarit -e.J~· cè qui ·conceene le.taux de la taxe mobilière que la non appUcation de l'impôt cpinplémentaire aux sommes .attJ~ibuées comme revenus des. capitaux investis .. Cet amendement· fut repoussé par le Gouvernement, jmis paP le vote, non en contradiction de son idée directrice, mais parce que· c~~ qui étail eu questioii dans le peojet c'était " nori Je· principe, mms lit disposition de la pénalité " (M. (' ARTON).

M. FEYE,

Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.

No 3262. - Loi du 23 juillet 1930 apportant des modifications aux· \lois surJes droits d~enregistrement et de souscription et sur les impôts sur le·s revenus en ~atière de fusion de sociétés.

(JJfoniteur du· 31 juillet 1932).

ÂRT. l er,- Sont réduits des deux tiers les droits proportionnels d'e'nregistrement et dè transcription exig·ibles d'après les lois en vigueur sur les actes portant fusion, de quelque manière qu'.elle .s'opère, de sociétés commerciales ou de sociétés civiles, ayant emprunté ou autorisées à emprztnter la forme des sociétés <~ommerciales et ay~nt leur priucipal établissement en Belgique.

Si lf'S s:ociétés civiles n'ont pas encore emprunté les. formes des sociétés com­merciales, la décision de fusion sera valable en ce qui les concerne,· moyennant l'adhésion des associés possédant les trois cinquièmes des parts·ou intérêts· soCiaux.

La réduction visée au ter alinéa ci-dessus est également applicable aux. actes qui .. constatént l'apport à une société industrielle. ou commerciale poursuivant u.n objet a11afogzte et ayant son priJîcipal élablissonent en Belgique,. de J'ensemble des éléments composant une ou plusieurs branches de- son activité. - ·

·ART. 2. - Les d1ioits contiüu~ront à être perçus au taux ·plein sur les apports des biens et capitaux qui seraient faits par des parties autres que les soCiétés fusionnées ou sur les apports autres qjle ceux prévus au ame ~lirréa de. tar.L .1 t;r ., v~ • • •

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330 LÉGISLATION (PATIE FISCALE)

:ARr. 3. - La réduction des . droits est subordonnée, en outre, à· la triple condition :

a) que l'acte de fusion ou d'apport soit' présenté à la formalité de l'enreg·istre­ment avant le 1. er juillet 1935 ; · b) que les sociétés entre lesquélles intervient la fusion ou l'apport aient été

constituées par des actes enregistrés avant le '1er juin '1932. Toutefois cette 2de condition n'est pas exigée à l'égard des sociétés Civiles n'ayant

pas emprunté la forme des sociétés commerciales, ni à l'égard de_s ·sociétés q1ti n'ont pas leur pi'incipal établissement en Belgique, si l'existence de ces sociétés est établie, soit par les arrêtés de concession, soit par d'autres actes ayant acquis date certaine, selon les lois belges, avant le 1er juin 1932;

c) que le terme d'existence des sociétés entre lesq1ielles intervient la fusion ou l'apport so'it encore :fle 3 ans au moins. ·

ART. 4. -L'art. 1.5, § 2, des lois ëoord. concernant les impôts sur les revenus est complété comme suit :

La taxe mobilière et la taxe professionnelle ne sont pas applicables à l'occasion du partage de l'avoir social des sociétés de capitaux et de personnes qui liq1tident par fusion, de'quelque manière qu'elle s'opère, avant le 1e'· juillet 1935. ·

Observations. - La loi du 23 juillet 1932 a eu pour but de proro­ger la faveur accordée aux fusions de sociétés, en matière de droits d'enregistremeut et de' transcription, par les lois des 23 jüÎllet 1927 et 2 juillet 1930 .. La prorogation échoit le pr juillet 1~35.

Eu même temps. le législateur a appoeté quelques modifications aux règles existantes. Elles sont soulignées dans le texte reproduit ci-dessus.

Signalons, à cet égard~ !"élargissement du champ d'application de la loi en ce qui concerne les apports. On se rappellera que la loi de 1927 avait restreint la .faveur .. du droit .réduit aux fusions complètes de sociétés. La loi du 2 juillet 1930 l'étendit à l'apport d'une branche de l'activité industrielle. La loi nouvelle exige que la branche d'acti- • vité, à laquelle se rapporte l'apport, soit industrielle.

Par contre, afir1 d'éviter que les sociétés, dont le terme d'existence est SUl' le point d'échoir, ne tournent, par le moyen d'une fusion, l'obli­gation d'acquitter les droits sur 1' acte de prorogation, le législateur refuse la faveur aux sociétés qui n~ont plus, ·au moment de la fusion, qu'mie durée inférieure à 3 ans.

En• ce qui concerne l'impôt sur le revenu, le dernier alinéa du § 2 de l'art. 15 des lois coord. est étendu, d'une part, à la taxe pro­fessionnelle, dont 1 'exemption est ac~ordée, ainsi qu'il m~ était de la taxe mobilière ; d ~ autl'a part, aux sociétés de personnes, alors qùe la loi précédents limitait l'exemption aux sociétés par actions.

M.F.

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JFRISPRUDENCE (PARTIE FISCALE)

No 3263. ~ Cour de cassation (2e ch.). - 11 juillet .1932. Prés. : Baron Silvercruys; .,.- Cons. rapp. : M. Soenen~; -

Min. publ. : l\'1. Sartini Van den Kerkhove, av. g·én.

(Consorts Cornesse cf Adm. des Finm1ces).

Impôt sur les revenus. - Société en .nom collectif. - Déduct~on des pertes des de:ux exercices subséquents. -Pertes subies par !~,société ·et bénéfices répartis. - Compensation : conditions. -- Personnalité distincte de la société.

l/im,putation sur les . bénéfices distribués aux associés, des pertes non réparties l'(lnnée subséquente, serait contmire à la notion juridique, acceptée par la loi fiscale et suivant laquelle la société en nom collectif o une personnalité propre, distincte de celle des individns associés.

La Cour: Altendu que les pourvois sont dirig·és contre des décisions conçues en termes

identiques, et soulèvent le même moyen ; qu'il y a donc lieu de les joindre ; S1tr le moyen unique, pris de la violation des articles -1319, 1320, -1322 du Code

civil; de l'article 4 de la loi du 3-1 décembre 1925, devenu l'ai'ticle 32, paragraphe t ~r, des lois relrltives aux impôts sur les revenus, coordonnées par l'arrêté royal du 8janvier -1926; et pour autant que de Jlesoin, des articles 25·, paragraphe Jer; 27, paragraphes ter et 3 ; 31, paragraphes J er et 2, des susdites lois coordonnées, des art~cles 4, 6, 10, H et 12, des lois coordonnées ~ur les sociétés commerciales, en ce ·que : Première branche. - L'arrêt attaqué aurait, en violation des dispositions ci indiquées, des lois fiscales, décidé que les cotisations à la taxe professionnelle, établies sur les demandeurs pour l'exercice fiscal 1929, à raison de leurs parts respectives dans les bénéfices réalisés par leur industrie commune, suivant bilari. clôtmé au 31 mai 1928, ne pouvaient être diminuées des pertes professionnelles accusées par le bilan de 19~9 .. Et en ce que : Seconde branche. - L'arrêt attaqué, en viola~ion de la foi due aux actes invoqués en la cause, déclare .que l'Administration des çontributions, en cotisant les demandeurs individuellement, à raison :de bénéfices accusés par le bilan de leur firme, en 1929, n'a pas entendu opter pour la nullité de leur société, considérée comme constituée en nom collectif, et qu'elle est, par conséquent, demeurée en droit d'exciper de l'existence de la dite société, pour refuser d'imputer les bénéfices 4ntérieurs~ distribués aux associés, les pertes subséquentes de la société ;

Attendu que suivant les énonciations de la· décision entreprise, les· demandeurs associés en nom collectif, avaient été cotisés, en 19~9, à raison de la distribution,

·qu'ils s'étaient faite des bénéfices réalisés par la ~ociété, au cours de l'année comnierciale clôturée par le bilan du 3-1 mai -1928; ma\s que le déficit ressortissant du bilan de 19 29 avait été reporté sur l'exercice subséq11ent, et n'avait donc pas été pris en charg·e pal"les associés, individuellement; · ·

Atten'du que, sur le fondement de ces constatations, l'arrêt à juste tilre, refuse d'imputer sur les bénéfices distribués en 1928, les pertes non réparties de l'an~1ée

192~;

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332. JURISPRUJ?ENCE (PARTIE FISCALE)

Attendu qu'eu égard aux faits constatés, l'imputation sollicitée serait contraire à la notion juridique, acceptée-par hi loi fiscale, et suivant laquelle la société -en nom collectif a une personnalité propre, distincte de celle des individus associés; que,

, s'il peut être conforme ~u vœu de la loi du 3-1 décembre !925, que, par faveur pour lPs associés actifs, dans les soeiétés de personnes; la taxe professionnelle soit établie à leur nom, sur les bénéfices distribués à chacun d'eux, plutot qu'au nom de la société, sur l'ensemble. des bénéfices réalisés par celle-ci, il n'~st pas entré dans les'vues du léglsla:teur de permettre la réduction de ces cotisations individuel­les; à raisoo des pertes que le patriinoine social viendrait, ultérieurement, à subir, et· qui ne seraieüf pas comblées ilar les associés; qu;envile,-notamment, de cette hypothèse, l'exposé des motifs de la loi du 31 décembre f925-déclaraitJormellement «·qu'il ne pouvait être question de restituer les taxes mobilières et professionnelles, perçues oü. établies soit sur des dividendes, soit sur des répartitions à des associés, et que, .dans cette. éventualité, :les pertes ne seraient, évidemment, récupérées que sur les bénéfices non distribués des sociétés, associations ·ou gToupements » ;

Qu'il suit de ces considérations que le moyen n'est pas fondé en sa première branche; ·

Su1' la seconde branche : Attend~ qu'il n'appert ni de. l'arrêt attaqué, ni d'aucune des pièces déposées

. à l'appui' du ùourvoi, que les docnments relatifs à la cotisation individuelle des demandeurs aient été soUmis au jug·e du fond ; qu'il s'ensuit que le moyen manque en ·rait; en tant qu'il fait gTief à la décision d'avoir violé la foi due à ces documents;

Et attendu qu'il ne peut être pris égard aux- mémoires en réponse aux pourvois, mémoires déposés le. 6 avril f93~; soit après l'expiration du délai lég·al d'un mois, qhf, en vertu des articles 14 de la loi du 6 septembre !895, et 67 des lois relatives · aux impots stir les revenus éoordonnées par arrêté ro~'at'du 6 aoùt 193!; a couru. à partir du 13 janvier ·1932, date de la notification faite ~ux parties, par le g·reffier de. la C.our de c·assation, du dépôt, au g·reffe de cette Cour, des requêtes en cassation et" des pièces à l'appui ; · Par ces motifs : · Joignant'le@'pôllrvois, les rejette, coridamneles demandeurs a~x dépens.

Observa~r~~s. - Dans une étude parue dans la Revue (19·29, , no 2986), commentant une circulaire ministérielle du 26 mars .. 192.9, relative à la taxation )des sociétés de personnes, nous avons mis en­lumière notamment la distinction fondamentale, a1.1 p.oint de vue de la taxation, entre la personnalité de la société de personnes et celle de ses asso'ciés (V. auss~ observation,s sur l'areêt de Cassation de 8 février 1926,· .Revue~ 1927, no ~2708)~ ..

L'article .24 de la Joi dü 13 jùillet 1930 (et non· la loi du 31 décem-" bre 1925 ainsï qu'il .est" indiqué dans l'arrêt du ll Juillet 1932. ci.," dessus repi'odqU) · a, dans Un but d'équité, et par faveur pour les assoç.iés ~ctifs, établi la taxe professicm.nelle au nom de. ceux-ci, .Rm'

h~s.:bénéfices distr~ibués à ~haetm d'eux, plutôt qu'au nom .de la société sm' l'ensemble des bénéfices réalisés par celle-ci (art. 35, § 2, âJ,·-2~

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'des'lois · ébm~données).! On avait argument:é de- cette 'dispositiori-pour soutenir~ que si la- soeiété- subissait, au cours d'un ~xei'cice, des pertes qu'elle seule sùpportait, sans intervention du ·pab·imoine·privé dès associés actifs, ceu_x.-ci étaient en droit d'imputer· ces'pertes suries béné­fices 1'épal'tis Pannée précédente. La- CotÙ· de cass~tion, et avant elle la Cour de Liége, a refusé de sni vre pareille thèse q~l'elle décla1;e con­traire à la notio~ juridique, acceptée·par la loi fisc;:tle, dè la distinction de personnalité entre l'être moral qui est la société .et les individus -associés. L'article 24 de la loi du 13 juillet 1930 {art. 35, § 2, a1.·2 de's lois coordonnées) ri' a pas i·ènversé · ce princiJ?e: : cët_te disposition particulière et exceptionnelle se restreint à tliT ipode_ de taxat1on fixé, dans·un but d'équité, pour un cas nettement déter:rr,üné.

·M.'F.

No:3264~ ~ Le -cours moyen· en Bourse ·à' Bruxelles et se$: a·bus. (2me article).

(Voir Revue, 1932, no 32t8, p. ~74).

IV En résumé, si les agents ne sont point; comme le croieilt'Ies bo-o'hes

gens, maîtr·es des C0t1rs, il n'est pas exagéré de dire que la situation des teneurs de marché, mieux placés que quicoi1que pour conrùtître

'la tendance, prête à des abus. n~autre part, il est non moins c~rtain que tout usage qüi contribue

. à 1'aréfier en Bourse les offt·es et les dem~ndes, consoHd~)e moliopole des teneurs de marché et leur facilite la ~xation des com·s~Bi:-" ·,

Ceci nous mène à parler d'un· autPe usage : la compensa'timi prati­quée par les agents de change et les banques à si~c~ur.salés oü :filiales multiples. et consistant à compensër les opérations exêcutées. èn sen,s contraire paf• leurs elients. ·

'Il faut distinguer les compens~tions faites par les professiomJ.els 'des marchés au comptant ét à terme 'et ceÜes effeciuéès par J~s banques. En effet, les· agents sont les intm~médiaires légatlX près des différents marchés pour les transactions fim ,~aleurs mobilières. Une, loi spéc.iàle prévoit et réglemente leur activité. Ils ~on~ pensent en ieur bureau les opérations effectuées en sens opposé pae lem·s clients. Lor~sque ces opérations se font chez eux, èlles font partje ·du marché, puisque ces .iri.teemé-diaires, en sont les orgaües; peuvènt seuls .coter. Elles 'sont restreintes : la clientèle d'un· agent est limité·e. La jm~îsp1'Udènce· a

--,~-

Nil 3'264

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334 DOC'l'RlN:ffi

1

d'aillem·s estimé que le fait, pour un professionnel. de compense~· les opérations effectuées en sens conteaire, c'est-à-dire, de faire. des " marchés d'applications ,, ne constitue pas de la" contre paetie "· En effet, l'.agent de change, nu~ndataire .de plusieurs clients, reste, en l'espèce, un interm~diaiee : il ~l'entre pas dans le contrat, oserions­nous d~re.

En ~eance, le~ agents d;e change, intermédiaires obligatoires pour la négociatiop des valeur~ cotées au marché officiel, peuvent fair~ des " applications" ; le décret des 7 et 8 octobre 1930 les y _autorise.

Pourtant ces ovérations adnJ.ises par la jurisprudence et la doctrine ne sont pas à 1 '.~bri de tout~ ·critique. A nptre avis pour ètJ·e par­faitement régnHères, elles devi·aient se pratiguer non dans les btweaux des agents, m,ais au marché, c'est-à-dire au grand jour et non pas secrètement. En effet, l'accès au marché n'est-il pas l'élément essen­tiel de}out .<;>rdre de bourse? Quel est l'objectif du spéculateur, se

. procurer une différence, ou acquérü~ certains titres ? Il ne peut espérer influencer les cours qu'en faisant exécuter ses oedres au marché.

On ne peut assimilerà de telles " applications ",les compensations faites actuellement par nos geandes ba'nques à succursales ou filiales multiples. Celles-ci, estimons-nous~ ne sont pas recevables, pour de multiples. raisons, à procéder à des compensations massives de toutes les Qpérations effectuées en sens opposé par leur clientèie.

En droit, elles ne sont pas intermédiaires pour la négociation en Bouese et n'ont pas, par leurs délégués, q.ccès aux mq.rchés pour y cotee. Ell~~transmettent d'ai peurs Jenrs ordres aux agents et comptent toujoues à , leucs clients le courtage officiel laissant croire ainsi qu'elles •nég,ocient en Bourse par des intermédiaires légaux. Leurs bordereaux sont les '11êmes que ceux des agents agréés à la Bourse.

qe mode d'exécution est, en ?utre, contraire à l'art .. 62 de la loi sur les Bourses de cmmnerce. Les législateurs de 18,67 ont voulu que )esnégpciations ~'op,èrent ep Bourse puisque celles-çi doivent servir à l'établissemeilt d'une <!.ote officielle unique, contraiP(mlent à ce qui se passait déjà à cette époqtle pour les autr-es marcÙq.ndises. Cela est si vrai que l'art 63 ct•ée une commission composée d'agents de change chargés de constatee ces coues en. vue de leur publication à la cote· oWcielle. ·La situation légale est bien la suivante : toutes les transac­tions doiv~nt se nouer e~1 Bourse ; les résultats de celles-ci serviront seules à fixer les cours qÙi seront publiés à la cote officielle. Nous en con?luo~s, au point de vqe jur~dique, que la compensation en banque,

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l>OC'l'RINE B35

sans contact avec le marché,. est illégale. Le législateur· de 1867 a entendu assurer à toutes ces transactions· l'unité de temps et de lieu, par des intermédiaires qualifiés.

Examinons la pratique des banques au point de vue contractuel : il apparaît que les conditio_ns convenues ne sont point remplies par les ba~1ques pratiquantla compensation des ordres après leur centralisation. Le client conclut, en effet, avec la banque un contrat d'ordi'e dé bourse: elle accepte, en conséquence, non pas de vendre ou 'd'acheter directe­ment à un capitaliste, mais de négocim', de prendre, par conséque11t, le mandataire habituel pour ce genre d'opérations, char'gé dès lors de procurer l'accès des marchés et de conclure évent~ellement en bourse des achats ou des ventes de titres avec d'autres intermédiaii'es. La banque porte en compte au client le courtage officiel, non une corn., mission convenue. Sa mission n'est pas uniquement de procurer ou de vendre des titres : elle est complexe; l'accès au marché du comptant ou à terme, ou doit jouer la loi de l'offre et de la demande-, en est un des élémei1ts essentiels j elle ne peut en priver SOn client. '

Enfin, au point de vue financier, la généralisation de la pratique de la compensation p1·ovoque l'anémie du marché financier, rai'éfie arbitrairement les opérations, fausse les cours et, partartt, la cote officielle. En effet, la compensation est-elle activement pratiquée : le marché sera sans vie. Or, cette activité est aussi un élément pour la iendance des cours par l'influence psychologique qu'elle exer'ce silr ceux-ci. Acheteurs et vendetirs ont intél'êt, en se réunissant, à trouver d'abondantes contreparties. Un cours gagne en sincérité à être débattu, à faire l'objet d'une lat'ge discussion à laquelle· de nombreux intéressés prennent part. Il ne faut cesser de répéter que l'exéèutiorir~ la bourse constitue,, pour le client, ~me garantie dont il ne peut être privé à son insu. Pourquoi tous les prospect~1s d'émission portent-ils :· l'admission des titres à la bourse sera demandée? La réponse est aisée.

Le public s'adi'esse aux grandes banques e.n raison des solides garanties qu'elles procurent à leurs clients. 'Mais ces banques ne peuvent, par letirs procédés d'exécution, provoquer l'anémie du marché ni surtout ne pas remplir toutes les cqnditions préalablement convenues à l'occasion de l'exécution d'ordres de bourse.

Mais, dira-t-on, il n'y a pratiquement aucune différence entre la compensation pratiquée par les agents, et celle en usage dans les banques ; que celle-ci so.it faite par une banque. ou par l'agent de change mandaté à cet effet, le résultat sera identique.

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cette ·objection laisse,, ~en tout cas, intacte l'arg;1uü·entation d'ordre jlll'i'dique '; d.ans' une matière aussi délicate~ aussi fei'tile en abüs, il estdésil'able que la loi soit observée .. ·Elle· ne s:1~a d'ailleùrs 'com­l)let.ement que lorsque la ·compensation se fera non dans les.btll'eaux màis aü n1arché. ai.nsi que nous venoris de l'expliqtWJ'.

~ D'atitre part, il.est inexact de dire q11e la situation serait·la: m'ème; si un S~Ul agent. faisait; po~llT une. banque~ 'des rnarèhés :d'applicatiDn: Pr•atiquement une grande~ banque ne s'adresse pas à nn seul ageut de changè pour ses . op(kations dar1s toüt le pays. Mais~ 'en· onti'e, .:Hoüs venons ·dé déveioppër. les' Taisons pOUl' . Jesqu:elles ces applications doiverit en· toute hypothèse,, se faire pühliquerüent et· üon dans le s·ecret des officines: Répétons sommaireinerit que la généealisatioù de ce mode d'opérer sans passel' pal' l'ensemble des intermédiaires légaux fausse .Je:: n1arché·~ puisqüe 'un gr:;uid ;Ùombre de .titres n'y ont ·aucune influerrce·~ Elle supprime pour les· üüéressés la possibilité 'de connaître la tendance exacte, le nomb1~e·des titres réellement' traités. En resumé la raréfactioi1 ·des ·offres et demandes, les combiliaisons entre profes­sionneis au maecllé du comptant nuise!lt incontestablement à la réalité et à la sincérité des cours dits " moyens "'-

V Par contre, au 1narché à terme Pexagéeation mauifeste· de certaines

offres ou demandes coi~stitne également un abus de ·nature à vicier les cours. Nous avons vu, plus haut, que le JWemieJ· cours peùt; l1'êti-e pas sérï·eux puisqu'il n'entl'aîne pas pomi·Je professionnel l'obligation de prendre ·OU de donner tous les titres dema'ndés OU offerts à ce cours.

D'autre part, l'absence d'Ol'galiisation·sél'ieuse au marché à termè pePme't, aè'' la part des professionnels, ~es offt'es ou des demandes massives de titres ·de façon à influencer le cours et ~t obtenir ainsi la hatisse oü la.: baisse désirée. Ici se produisetit les abus des "· tenem·s cle feuilles " ·et des '" sous-feuilles ". Quelques explications· sont, à ce propos, nécessaires.

Tous lés agents agPéés ·ne sont p~u~ sùr tin pied d'égalité. Quèlqües., ui1s seulement font pa die du Coin hé de liquidation institüé au ·m~ü·ché à: te hile ~P. one le- règlement, à chaque quinzr-ine~. de toutes :les opéra­tions. Ceux qui n'en font pas ·partie; parce que lé Comité n'a: pa:s p]·ononcé pOUl' eux le " dignus üit1·are "~.en lsont J'éduits à opéree au nom d'un des membt~es · qüi I'ense1g,net'a~ à chaqüe qùiiizaine~ sur·sa feuille,·. lés opérations effec'tuées par son collègt{e; En argot ·boursier; il y a donc les " feuilles " et les " sous-feuilles:".

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DOCTRINE! :337

Q~1'est cette feuille?. C'est le compte ou docum~nt présenté cha:que quinzaine au Comité de liquidation et mentionnant toutes les opéra,. tians effectnées à terme durant la quinzaine écoulée ap nom du titulaire du compte avec les autres. membres .agréés .. Il indiquera é5alement les opérations d~ report et déport, et les soldes créditEmrs et débiteurs en argenton en titres résultant de la compensatipn des achats. et vente~. Nous di.sons : " opé.ràtions effectuées a~1 ~nom du membre titulaire du compte "· En effet, elles n'ont pas toutes été effectuées par lui ou. ses délégués. Au contraire, celles~ci cons ti tuent souvent la minor·ité. Cette feuille portera également les opératiOI~S des agents de change non agréés et. opérant a terme sous le nom d'un membee. Ces agents de seconde classe ont, en général, une.clientele plus spéculatrice, qu'ils encouragent, d'ailleurs généreusement, par .des conseils. gratuits. Ils peuvent traiter toutes opérations dans les groupes du _terme aussi bien que les titulaires et cmn:me eux inscPiPe leurs cours aux tableaux. Un titulair.e d~ compte peut ainsi avoir six agents opé1~ant a terme sous son nom. Leurs opét·ations se passent mêrne .complètement à son insu ;. ce n'est qu'aprés bourse, que le membre titula_h'e d'une feuille enregistre, par l'échange de bordereaux, les opéPations faites sous son nom par des collègues ncn agréés.

Mais cet agent agréé au tePme n'a aucune garantie à fournir ~Hl Comité .de liquidation, malgré l'ex::J.gération parfois wa:nifeste· de .ses opérations. Il est évident que celles-_ci sont alors de ~a ture à fausse1' les cours et constituent, pour les au.tres membres, un grave ganger : en cas de défaillance~ ils sont expos.és à subir des pertes· considérables. Il ·est in~dmissible que les cou.rs soient influencés ou man~J;~réspar desprofessionnels qui n'ont pas lasolvapilité suffisant_e roür répond_re des engagements qt(ils pre~1nentvis~à-vis de leu.rs collèèue~. D'auùe pat't, l'agent teneur de feuiÜe connaît toutes les opérations renseignées à son compte pour des agents ùon agréés : c'est là fausser les regles du jeu. Enfin, s'il néglige d"exiger, en temps utile, des. ~àranties, ii est engagé pour des sommes considérables, responsable d'opéeatioi1s démesurées faites a. son insu. Des agents se livrent d'autant plus facilement a la passion de jouer, en vendant ou en achetant des quan­tités det~tee~ pour des sommes f01:midables, qu'en cas d'insucc~s ils· n'ont rien à. peedre, et qu'en cas de réussite, c'es~ la fortune qui leur sourit. _grâce à un. coup de dés: Parfo!s des-professio.nrie~s ùon .agréés

·-N~ 3·284

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338 JURISPRUDENCE

doivent verser des garanties au collègrie aü noni ·'de· qui ils opêrent, mais ce n'est pas une règle absolue.

Il. est vrai de dire que si les risques pour le. titulaire d'une feuille sont sérieux, il existe des compensations : ce sont les profits consillé­rables que donnent ces feuilles à leurs propriétaires. Les opérations de ces ·agents leur laissent un eourtage qui~ cal<.:ulé sur les sommes énormes qui sont de règle en bmme période, areive à produire jusqu'à 50.000 fr. par quinzaine pour certaines feuilles.

Ces offres et dem'arides énorines de professionnels contribuent évidemmeüt à fausser certains cours au marché à terme. Celui-ci ' devrait être également; comme le marché au comptant, sél'ieusement OJ'ganisé. La réforme du statut des agents de change doit~ s'il est établi dans 1 'intërêt général, assurer avant tout la sincérité et la réalité des cours inscrits à la cote : c'est l'essentiel.

Ceci nous ·conduit à étudier, à l'occasion de l'examen de certains usages pratiqués à la Bourse de Bruxelles en matière de fixation des èours, les derniers projets deloi et les réformes susceptibles d'intro­duire en ·cette matière des garanties effectives pour le public.

M. TIEN RIEN.

Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles.

No 3265.- Tribunal de commerce de Gand (ll'è ch.).- 30 juillet 1932. MM. Verstraete, ff. de prés.;- Vrebos, référ. -Plaid. :Mtres Haché cf Ronse.

(Dellaèrt cf le curateur à la faillite de la soc. <( Steyaert et Manesse ))).

Société,~'~ll: nom collectif. - Association en particip~tion avec un particulier. - Apport d'un capital avec clause de remboursement de sa valeur-or.- Absence de ~ontribution aux pertes.- Nullité de la clause et de la société (art. 1855, C. civ.).,

Prêt avec participation. - Pouvoir d'interprétation du juge du fait.­Faillite de la société en :Qom collectif. -Créance du prêteur.

L'apport d'un capital par un particulier à une 'association en participation qu'il déclare former avec une société en nom collectif sous COJ'!-dition de J'eprise de la valeur-or de ce capital ci la dissolution et de remboursement imm~diat en cas de perte de plus de 25 °fo, a pour effet d'affranchir l'apporteur de tozite con;tribïttion au.T pertes et d'obliger ses co-associés ci lui ?·embourser sa mise intacteet à tout événement.

Pareille,s clauses sont frappées de nitllité par l'art. 1855 C. civ. et cette nullité entraîne celle de la société elle-mênze.

Toute foi~, malgi'é l'intention atfiimée par les parties de conclure une. associat'ion, l~ contrat fait dans les conditions snsvisées avèc stip1tlal'ion d'un tant pour cent sur

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--·----i

JURISPlltiDENCE 339

les béné~ces, constitue un prêt avec participation et il appartient aux juges:· de .resti­tuer it ce contrat sa qualification véritable et d'en déduire les conséquences juridiques nécèssaires. .

Le particulier ayant qualité de prêteur est fondé it se portet créancim~ pour le 1noit­tant de ses avances à la faillite de la société en no,m collectif.

Attendu qu'eri date du 2 juillet 1928, Louis Dellaert et la société en nom collectif i< Steyaert ·et Man esse . )) , représentée par ses deux associés Achille Steyaert et AI;llnlr Mallesse, oùt déclaré constituer èntr'eux, pour une ·durée de' dix ans\' unè association en pai'ticipation ayant pour objet le placement d'installations· de chauf­Ùg:e çentral,.disLribution d'eau et autres analogues, Dellaert îaisa1it un apport de .225.0'o0 fr., lequel serait rémunéré par un intérêt fixe de 71/2 °/o l'an et une part de '1/fOe dans les· bénéfices et pouvant contrôl~r par lui-même ou p~r Qn tîers l~ comptabilité de l'association ; .

Attendu que cette convention stipule é~ralement qu'à la dissolution de l'associa­tio'n, Dellaert reprendrait la valeur-oi', calculée d'après le cours du dollar, des sommes apportées par lui et qu'au cas où la comJJtabilité révélerait une pei'te de plus' de 25 °/o, il pourrait exig·er immédiatement le l'emboursement des dites sommes;

Attendu qu'il résulte de ces dernières stipulations que la mise de Dellaert était affranchie de toute contribution aux pertes ; . . '

. Attendu que la société « Steyaert et Manesse » ayant été déclarée eu· faillite. i)ar jug·ement du 30 avril1930 de ce siège, Dellaerl est en dèsaccord avec le curateur au sujet de l'étendue de ses droits vis-à-vis de la masse; que, soutenant que la convention du 2 juillet 1928 est, en réalité, un prêt et non une association, il sollicite son admission· au passif pour la somme de 225.000 fr .. av~ncée, par lui; que le curateur objecte que les termes mêmes de la convention indiquent la volonté des parties de conclure une association et prétend que celles-ci ont simplement omis de régler la répartition des pertes et qu'il y a iieu: dans ces conditions, comme le décident la doctrine et la jurisprudence, de présumer que leur volonté était de suivre, pour cette répartition des pertes, le mode de partàge admi~''pour les bénéfices, d'où il suit que Dellaert devrait lntervenir pour i/10e dans les l)ffi'tes, ce dixième dût-il dépasser sa mise ; ·

Attendu que les stipulations susmentionnées sont claires et formelles et, à l'encontre de çe que PI'étend le cmateur, vàlent, vis-à~vis de Dellaert, eng·ag·ement de ses co-associés de lui rembourser sa mise intacte et à tout ~vénement;

Que pareilles clauses, affranchissant de toute contribution aux pertes les sommes mises dans le fonds de la société par [un des associés, sont frappées·de nullité par i·art. 1855 du Code civil et que cette nullité entraîne. celle de la société,, elle-même ;

Qu'en réalité, toutefois, malgré l'intention afth'mée par les parties de conelure une association, le contrat fait dans les condition's susvisées, avec stipulation d'un tant pour cent sur les bénéfices, constitue un prêt'avec participation, et qu'il apJ)artient aux juges de restituer à ce contrat sa qualification véritable et d'en déduire les conséquences juridiques nécessaires (v. les observations de GEoRGEs CoRNIL dans la Re11. prat. soc., ~1889, sub. no 20 et l'étude de GusrAVE Honüu, ibid., 1923, sub. n°2509~p. 176); .

Attendu que D,ellaert ayant donc qualité de prêteur' est. fondé à se porter Ci'éanGier pour le montant de ses avances ; ·

N°3265

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,340 JtJ111Sl>R UbBN C:E

· Et attendu que partis s'accordent que Dellaert est créancier· d'une somirie de 33.750 fr. pour intérêts échus; qu'il a fait un prêt de 10.000 fr; le 7 mars 1930; qu'il a reçu à valoir, en divers paiements, .28.000 fr.; que sa créance, de ces chefs, se r~mène ainsi à un ~olde de 15.750 fr.;

Par ces motifs, et ouï M. le juge"conunissaire en son rapport à l'audiencè, le Tribunal, ab jugeant ·comme non fondées toutes conclusions contraires, admet Louis Dellaert au passif chirographaire de la faillite de la société << Steyaert et l\fanesse )) pour un montant de (225.000 + 15.750 =) 240.650 fr.; dépens à charge de la masse.

Observations. -- Le jugement ci-dessus est à rapprocher des juge­ments préèédi:m1ment publiés des 1,ribunaux de commerce de Bruges ·du 12 ·mars 1931 (Revue, 1931 ,~no 3171) et de Liége du 23 mars 1932 (Revue, 1932, no 3260), ainsi que de leurs f'éférences où nous avoris rappelé les principes qui doivent être placés à la baiie· de !"appréciation de litiges de ce genre.

La question préalable qui s'y pose, celle de savoir s'il y a soèiété entl~e'' les parties, doit se résoudre en tenant compte que la société est un contrat ne pouvant naître que de la volonté des parties, explicite ou implicite, mais effective et certaine, de nouer entre elles des liens sociaux.

La volonte des parties,' lOI'squ;elle est i11al ou insuffisamment ex.pl'imée est sujette à !"interprétation des ti'ihunanx. Ceux-d doivent 1 ~induire, avec la circonspection et le disceenement congrus, des clauses· de l'accord des parties, des circonstances de s:1 couclusion,

· des modalités de son exécution et de tous àub'es éléments de fait, acquis ailx débats; ils doivent suivre, en ce traY~til, les règles com­rriunes d'e l'interprétation des·. contrats et s'éclairer des pr·incipes du droit 08Mnmun des sociétés, ainsi que du di'oit des sociétés com­merciales.

Est-il L'ec-onnu, en fait, qu'il y a entre parties un eontl'at de société, en ce cas, lorsqtle, parmi ses clauses s'en trouve une qui atfeanchit un associé, de toute contribution aux pertes, la société est léonine et la disposition inteedictive et sanctionnée de nullité, dont le Code civil feappe ce genre de société,, doit impérativement recevoir application (art. 1855).

Mais la distinction par le fait, entre le contrat de société ,ét des contrats voisins tels que le prêt oule louage de services avec p~rt.ici­

pation; est parfois délicate à opérer, à cause de la similitude des éléments, objectifs de l'un et des àutres, surtout lorsque la société appa:remment formée par les parties est affectée de la ~lause léonine.

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JURISPRUDENCE

Il faut alors. que le jnge se livt·e, à g1·and'peine parfois, à la recherche · de l'élément essentiellement disc1·iminateur del 'intention-réelle. des

parties : l~affectio societatis~ la volonté de se mettre . en société. Elément fuga~e, difficilement saisissable, en raison de son caractère subjectif; élément décisif, pom·tant, et qu'il faut, bon. gré mal gré' dégager de l'obsct1rité des données du litige ...

Il le fàut d'autant plüs qu'il peut aeeiver que l'apport grev~ de rembour·sabilité soit, e:t l'éaJité, un apport en simple jouissance partici­pant automatiquement ê..llX pertes par la privation de l'intérêt fixe stipulé : combinaison qui suffit pour éliminet~ l'application de l'article 18550. civ. (Cfe. I'étude citée, de M. HoDÜM, Remte, 1923, no 2509).

Dans l'espèce ci-dessus~ les parties avaient. déclaré expressément vouloir formel' une association en participation à laquelle l'une d'elles apportait un capital à intérêt fixe~ plus pa1·ticipation aux bénéfices. Mais cet associé s"était résHl''vé, pa1' une clause non moins expr-e~se, le droit an retr·ait intêgeal de sa mise, s'affranchissant ainsi à l'évi­dence de toute contribution éventuelle aux pertes, tout au moin~ en c.apital. .

Cette stipulation conîél'ait à l'association le caractère interdit de société léonine, si l'on admettait que l'apport fût un apport en capital et entraînait alorsinévitablement la nullité du contrat (C. ci v., art. 1855). . . .

Mais ·le tribunal, psant ici. de son pouvoir d'appréciation et de redressement des textes contractuels impropres (C. ci v._, ar_t. 1156)~,

décide. qt~e, .nonobstant la déclaration explicite et .claire d'affectio societatis des parties, le con,t~·at n'était, en réalité, qu'un prêt -avec participation et. ·par conséquent, qu'il ne se trouve pas de ba_.~;e pour l'application de la nüllité de l'art. 1855 : le prêteui' pourra dès lors se porter créancier à la faillite du co.;associé pour la· totalité des sommes avancées.

I1 ne nous appàrtient pas de nous livrer à la critique de jugewents · porté:s sur le fait des p1·ocès. Nous ne pouvons que noter ici un cas curieux d'intep.prétation, pal' beusque renversement de termes, d'une eonvention dont les stipulations sont,. au demeùrant, qtJ.alifiées de " clait·es et fopmelles ''. Il nous sera aussi permis de regretter! pour l'intérêt d'exemplarité de l'œtÎvre jurisprudentielle des ·tribun. aux, que le·Tri'bunalde ·commerce .de Gand se soit borné à motiver par une· simple allusion générale et vague à des " conditions susvisées , , le retournement complet de la situation contractuellé aùquel il croyait

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342 .TURTSPRUDENCE

devoir, procédei--. On aurait· ainié de connaître avec. pi'écision et rüême avec. quelque· détail, quelles circonstances l'obligeaient à faire pré .. v~Low la thèse interprétative du prêt avec pàrticipation sur celle de la participation avec remboursement intégral. Sa décision sqr ce pofnt reste aussi énjgmatique que souveJ'aine ..

L'espèce est intéressante, d'autre part, en 'èe qu'elle offre nn ex,etilple de société dont l'un des membres est une autre société (socrété en no1n collectif).

Il faut évidemment, pour que eela soit !juridiquement .possible, que la société associée soit elle-même douée de la personnalité jueidiqne.

_____ 1

No 3266. - Tribunal de commerce de Gand (1re .ch.). 24 septembre 1932.

M. Versaert, prés. ; . .....:... Vrebos, référ. ; -Plaid. : Mes Ronse cf Castille, av.

'"(Soè. l'Villy Serran1ze et Co cf. Soc. coll. He1tghebaert 'et De Vos et consorts).

Société commerciale en liquidation.___:._ Absence de siège social. - Pas de nullité. - Domicile juridique ancien. - Siège de la liquidation. -.Domicile dù·liquidateur.

Société en commandite simple. - Défaut de raison sociale~ ~ ·Pas· de .nullité. ·

Une société commerciale en liquidation conserve sa personnificàtion civile et, sauf dis­positions contraires des· statuts ou dé l'acte de dissolution, .~on ancien dm1licile juridique; lorsque _la maison sooia/e n'existe plus, la liquidation aura son siège att domicile du Uquidateu1·. · ·

Si itne société en commandite simple n'avait jamais eu de raison social.e, son Ùis-t~ncen~erl~serait pas moins tout à fait réguUère. · ·

Atté~Ld~ 'que l'action, qui tend au ~aiement d'un solde de prix de vénte de . marcha~1disès, est intentée à la requête dé la société en ·commandite silüple Willy Serranne, et Co, dont le sièg·e social est à Gand, rue de la Porte de Brug·es, no 1 J, actuellement en liquidation poursuites et dilig·ences de son liquidateur Willy Serranne, ii~dustriel, dqmicili.é *'Melle; ·

Attendu qu'étant constant que l'immeuble de la rue de la Porte de Brug·es, qui abrit~it les hdreaùx et magasins de ·la demanderesse, a eté vendu et a été àbattu par son ac'quéreur; les défendeurs en déduisent que la demanderesse, n'ayant plus :,mcun domicile ni ·dans,·le royaume, ni à l'étrang·er, n'aurait plus d'existence légale et que son. action serait non recevable comme cmlt1;aire à l'article 61 du C. de proc .. civ., et qu'ils déclarell.t évaluei· cette fin de non-recevoir à plus de 5.000 fi:. quant au ressort ;

Attendu qÙe tous ·les élénients de cette défense constitueilt auta1Ù d'hérésies juridiques ; · j · Que. si· une société commerciale en liquidation. conserve avec sa pers~mnificatiou_

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J·PRIS.PRUDENCE 343

c.ivile, et sauf disposition contraire des statuts ou de l'acte de dissolution,. son ancien domicile juridique, cependant, lorsque la maison sociale n'existe plus, la liquidation aura son sièg·e au domicile du législateur (v. MAsms, De la liqztidation des sociétés commerciales, dans la Belg. jud. 1891, col. 712, 4°) ;

Que si même la société en commandite simple, demanderesse, n'avait jamais eu de raison sociale, son existence n'en eùt pas moins été tout à fait régulière (v. C. proc. civ., art. 69, 6°); ,

Que l'art. 01 du C. de proc. ci v. se borne à sanctionner de nullité l',exploit d'ajournement.n'inâiquànt pasles noms et 1 domicile du demandeur avec une préci­sion suffisante pour identifier celui-ci ; qu'en l'espèce, en rensèignant à la fois l'ancien sièg·e social de la demanderesse, qui au su des défendeurs n'existe plus, et le domicile du liquidateur, l'ajournement satisfait au vœu de la loi; . Attendu que la demanderesse, quoique les défendeurs se soient réservés de

conclure au lond, est en droit de solliciler qu'il y soit statué, le jugement devant être, en pareil cas, par dPfaut faute de conclure; qu'après vérification, l'action apparaît fondée;

Par ces motifs, Le Tribunal, abjug·eant la ·fin de non-recevoir proposée et statuant au fond par

défaut faute de conclure, condamne les défendeurs solidairement à payer à la demanderesse.les sommes de 21.'1€5 fr., prix de marchandises livi·ées, et de 420 fr., montant des timbres de facture, ce outre ·les intérêts judiciaires et 'les dépens du procès.

Observations. - Il va de soi que toute société douée ct(;\ la person­nalité juridique doit avOÏl' un siège s9cial, comme le sujet physique de droit doit a voie un domicile on une· résidence. Les lois. coordonnées sur les sociétés commerciales offrent,pom·tant cette étrangeté qu'elles ne contiennent aucune disposition expresse imposant directement l'obligation du siège social. Elles :ç'en fopt. point mention parmi les indications obligatoires à iusérer dans les statuts ni dans.les publica­tions d'actes constitutifs ou modificatifs ou extraits d'actes:;g~:\llf pour la société coopéeative (art. 17). et par suite l'union du crédit.

A part cette exception, rien n'est prescrit pour les sociétés de personnes.

Les lois coordonnées ne contiennent de prescription impérative quant à l'indication de siège social qu'en ce qui concerne les. sociétés de capitaux, et seulement pour ce qui regarde leurs actes, factures, annonces, pUblications, et autres pièces (art. 79); cette exjgence n'est même plus répétée pour la société coopét·ative, ni pour l'union du cï•édit (art. 132).

Le défaut ou la perte de siège social, moins encore le défaut de publication du siège social, ne rendraient pas la société nulle : il en r~sqlter~it setllernent la paralysie de la société i le législateur s'est·

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344: JURISPRUDENCE

évideimrn3nt _fié ·à} 'intérêt des associ~s et de la soc! été pour la dé ter-· m.iùation sponta·nee du sièg·e ou maison sociale de celle-ci dans les statuts, o'u actes' n10dificatifs~ 'et dans les extraits. ·

En· cas ·'<le nég·ligence,' ou. d'~c~ident pl'ivant la société de sièg~e social, la-loi autorise les tiers à faîr•e signifier les actes de .procédure an . don1ic.ile del 'un dt3s associés et, en ·cas de dissolution· de la. société au dmtlièile du ou des liq'nidàteurs·(Proc. èiv.~ art. 69, 6°).

·Il ressort même de l'arrêt de eassatimï du 2Y septembre l93ü' (R~v.~te, :1~31, no ~:09), q~e les t.iers ont fac~~lté de fa~ee ieurs si~·nifi­ca.twns smt au s1ege social~ smt à la per$onne nteme chm"g.ee de· I~épt'ésentee ·la société en justic.e, et à son dom:icile pet'sonnel (Cfr. aus~i Brüxelles; 6 juillet 1914, Revtte, 1922, 11° 2431, p. 91).

'. .

. No 3267~. ~ Cour d~appel dQ .Pari$ (3e .ch.). - 28 février~ 1~29. MM. Gail, prés.'; - Sevestre; av. g·én.; - Ulmo, Bataille et Taesmar, avocats .

. ~atfesti~~ père et fi.ls, Le Goaster· et Carat cf de Saxée et Rempli, syndid Labitte.

Société en nom collectif. - Faillite entraînant celle de~ associés. -­société en commandite s;i.mple. -;--- C~mmanditaire. - Immix,tlQn dans .la géranpe.--:- Faillite.- Exclusion (le la créance ~u 'comm~nd_ita~re.

La faillite cl''tme société en nom collectif ent1;aîne ce~lè des associés individuél!(mzent, sans qu'il soit besoin de faire constater l'etat de cessation de payements ële chacun lteux; et il én est. de mênze pour cettx qui, sans être' associés ·en 1i011z, orit en faît, coope1'é comme de's ti.ssociés à la gestion des affaires· sociales. ·

Mais il en est autrement pour le coumza7zditaire qui s'est i1mniscé dans 'la gestion sans·avoi1' été·aux yeux des tiers un co· gérant de·la société; et il y a lien seulement de ne pas l'admettre à p1'odttire au passif de la faillite sociale soit à lUTe Jl1'ivilégié, soit à· titre chirdb]\aphaire. · ' · · ·

.~tatuan(s~i, l'appel il~t~rjeté par RaffesÙn père et fi~s, Le Goaster e(' èorat d:ilil jug:ement du Tribunal de commerce de la Sei ile en date d1a t2 janvier 1927, qui lès a déboutés de leur demande tendant à voir déclarer commun à de Saxée et la société dè. fait LabÜte. et de Saxée un jugement du 23 mars 1925,- déclarant Labitte eii état de faillite et qui les a condamnés à payer à de Saxée renconventionnellement 1~ne s:lmme de 20.000 fr. à titre de dommag·es-intérêts;

Snr .la recevabUité de la demande p1'incipale. Considér:int que de 'Saxée. soutient tout d'abord que la demai1de formée contre

lui serait irrece\rable, parce que Raffestin père et fils, Le Goastei' et Corat I1e justi-. fient pas d'un -intérêt personnel distinct de celui de la inasse des créanciers de la faillite Labitt~·, que le' sy_ndic ·amüpler a seul qualité pour ieprésenter: que de plus Raffestin :père et fils, et le· Goas ter ne sont pas des créanCiers vé1•ifiés et aftil'tilés et qÛ'ê Côrat n'a niême'pas .Pl'OdUit à la faillite; ' '. '

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JURISPRTTDENCE ·

.!Hais considérant que le- principe :pOsé par l'article 4{3 · C. COll1. aux tHHlPS

duquel le créancier d'une faillite n'est ras reeèvable ~-exercer peLsonnellrment une. ar,tion qui intéresse la masse, n.e parait pas interdire à ce créancier de demandrr la mise en faillite d'un tiers qu'il prétel).d 'avuir été l'assoCié de fait du failli ; qu'au surplus la faillite· j)eut toujôurs être déclarée d'office ; qu'enfit1 sans qu'il soit besoin d'examin·er si les rréanciers d'ûne faillite n'ont pas individuellement qualité pour demander ·que le ju~rmüeht soit déclaré commun à un associé de fait du failli, il suffit de constater que les appelants ont assig·né, en même temps que de Saxée. Rempler ès qualité de syndic de la faillite Lahitte, lequel a conclu devant les pre­mil:~rs ju~res à l'entièreté du rapport de l'arbitre Figeac, qui concluait à la mise en faillÜe de la dé Saxée ; qÙ.e si Renipler n'a pas interjeté appel, il n'tn est pas moins resté partie au procès devant. la Cour, l'acte d'appel des demandeurs lui· ayant été· signifié et qu'il demande acte à la Cour. de ce qu'il s'en rapporte à justice sur le Ù1érite du dit appel ; que le syndic manifeste suffisan~ment par là. qu'il ne désap­prouve pas l'action introduite par Ratfestin et consorts, et qu'il en valide ·rexercic'e pour le ca.s où elle ne serait pas recevable par elle-même ; que dès lors, la décision à intervenir devant avoir la même autorité de chose. jugée que si l'instance avait été introduite par le syndic, de Saxée est sans intérêt; et par conséquent sans d1;oit pour ·exciper .de ce que la dite instance a été introduite par des créanciers ag·issant en leur nom personnel; • Considérant que de Saxée soutient en oulre que le syndic lui ·même, à plus forte

raison· les. appelants soüt irrecevables à demander sa mise en faillite avant d'avoir· fait constater soil état de cessation de payement ; qu'ils auraient dù faire juger préalablement qu'il avait été l'associé de fait de Lahitte, et que ce n'est qu'après cette décision que, au cas où, ù1is en demeure de payer le passif, il. s'y serait _refusé, W aurait dû être assig-né en déclara lion. de fai IIi te ; ~ .!Hais considérant' que la faillite d'une société en nom collectif. entraîne celle des

associés :sans qu'il soit besoin de faire constater spécialement l'état de cessation de_ payement de chaque associé individuellement, les detl es de la soCiété étant person­nelles à chacun d'eux et leur non payement suffisant à les mett1·e toù~ en état de cessation -,de payements ; qu'il en est de mêiùe toutes les 1ois qu'il a'existé entre des associés de fait ou des associés en participation une véritable co.~gér~uce les faisant apparaître aux yeux des tiers comme des àssociés en nom coliêchf; qu'il suffit donc aux appelants de démontrer qu'il aurait existé enh'e Lahitte et de Saxée une société ·de fait à la· gestion de laquelle dè Saxée a mait ostensibiement participé pour qùe la faillite de Lahitte puisse être étendu'ë à la dite société et, par voie de conséquèncè à de 'Saxée ; qu'il échet dünc de déèfarer Ia demande recevah,le-, en la forme ;

Au fond: ;~ Considérant qu'au soutien de leur demande, les appelants versent. aux débats un

contrat de participation qui n'a pas été connu des premiers juges,· pa~sé entre Lahitte et de Saxée par acte sous seing- privé du 26 juili t92~, aux termes duquel. Lahitte devait avoir la g·estiôn du fon-ds de·cqmmerce dit \,Camionnag·es d'Ag·uesseau»,­sis à Boulog·ne-sur-Seine, 72, 1~W et 125, Rue. d'Ag•uesseau, de Saxée se réservant. de s'occuper de la partie administrative et financière -de l'alf.aire, et les bénéfices'. devant être partagés par moitié entre les d.eux associés après prélèvement par. Lahitte d'appointements mensuels de 1.000 fr. ;

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346 JURISPRUDENCE

, Cènsidéra.nt que de Saxée soutient que cette association en participation n'a jamais fonctionné, et ,qu'il s'àg·it là d'un simple projet que Labitte a livré par vengeance ou contre arg-ent à ses advéisaires; qu'il fait valoir qu'il n'existe dans la comptabilté aucune trace d'un partage de bénéfices· entre lui. et Labitte, et qu'il résulte au contraire de nombreux actes notariés en date des ·28 juin et o août 1921, 13 octobre 1.922 et 12 janvier 1924, ainsi que d'actes sous seing- privé des 2 février 1924 et 14 février '1925, que Labitte a reconnu lui devoir à la suite d'une série de prêts, une somme totale de 475.000.fr. g·arantie par des nantissements sur le fonds de commerce et par une hypothèque sur un,terrain sis à Boulog11e-sur-Seine, 121, rue d'Ag,uesseau;

Mais considérant que si la comptabilité, d'àilleurs très incomplète, ne révèle ancun prélèvement de bénéfices par de Saxée, alors que les bénéfices nets des années 1922 et 1923 auraient dépassé 200.000 fr., elie ne mentionne pas davantage les versements faits à Lahitte par de Sax.ée qui ne sont constatés pour la plupart que par 'des reconnaissances. de dettes très postérieures ; que c'est ainsi que, d'après de ·saxée lui-même, la reconnaissance de dette de 11.5.000 fr. du 12 janvier' 19 24, comprend· des sommes versées de juillet à novembre 1923 ainsi que les intérêts de préts antérieurs, et que la reconnaissance de dette de 160.000 francs du 1.4 fé~rier 1925 s'appliquerait principalement à des versements qui auraient été effectués de février à mai 1924 ; qu'il est surprdant qu'un créancier ne se fasse pas donner· par son débiteur un reçu lors de ch4que versement et se contente comme faisait de Saxée, de chèques, souvent non datés; qu'il est non moins sur­prenant que de Saxée qui surveillait la comptabilité des camionnages· d'Aguesseau, . qui, dès le mois de décen1bre 1921, époque à laquelle·il n'avait aucun motif de se méfier de Labitte, ni de s'inquiéter de la marche de l'entreprise, chargeait le maison de complabilité Jamet et Buffereau d'en organiser la comptabilité, ne se soit pas fait ouvrir ·un compte mentionnant tous ses versemeilts, alnsi cjue les intérêts qui lui étaient dus; qu'il est impossible, d'affirmer, dans ces conditions, que les som­mes dont Lahitte s'est reconnu débiteur vis-à-vis de Saxée ne comprennent pas une part dans les bénéfices de l'entreprise ;

Considér'ant, d'autt·e part, que de Saxée qui a été l'associé en nom collectif de Lahitte pour l'exploitation des camionnag·es d'Ag·uesseau du 6 novembre 1920 au 28 juin 192l n'a jamais cessé, depuis la dissolution de cette société, de s'intéresser à l'entreprise; que dès le ti aoùt ·192l, il versait 90.000 fr. à Labittepour lui permettre· de donner de l'extension à son fonds de commerce ; que, d'après les déclarations faites à l'arbitre par la dame Laeointe et par le sieur Stevens, on le voyait fréquemment rue d'Aguesseau, au point que la d:une Lacointe avait ig·noré

, pendant assez longtemps la dissolution de la société en nom collectif, et que ces témoins avaient l'impression cc que de Saxée était quelque chose dans la maison n tout en reconnaissant; ainsi qu'une demoiselle Debiat, qu'il ne donnait pas d'ordre; que le contrat du 26 juin 1922 même s'il est resté lettre morte, semble prouver

, tout au lnoins que de Saxée ne se considérait pas simplement comme le créancier de Labitte. et qu'il existait entre eux une communauté d'intérêts; que les choses se sont donc passées comme si de Saxée, dès l'acte de dissolution du 28 juin 1921, était devenu commanditaire de Lahitte, s'engag·eant à lui verser toutes les sommes dont il aurait besoin.pour le développement et le bon fonctionnement de son en~re•·

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JURISPRUDENCE 347·

prise, -mais s-e ·prémunissant COlltre' tOJJS les risques 'en faisant CeS Vei'sements 'SOUS

l~forme de prêt.s garantis par des nanlissements, qu'en effet, .Ïors({ue de -Saxée a eomil)encé en janvier 1024 à s'inquiéter de lamarche de l'entl"é.lü'ise puisque, par l'acte du l2 janvier 192t, il. stipulait· que la totalité des somm~s par lui vrrsées seraient remboursal;lrs le 31 décembr.e et ~1ue par l'ade du 2 février .192 t, en lui versant une nouvelle somme de 40.000 fi'., il exigeait. lé renibo11:·srment total dès le 1 avril, il n'en a pas Iiw·ns continué à faire à Lahitte, vresque aussitôt ~près 'de nduveaux versements importants'; . '

Considé1·ant que la qualité de commanditaire de Saxée paraît d'autantplus cer­taine que, ·lorsqu'au mois 'de févrie1· l925, il s'est 'ad1·essé à un sieur Communay, directeur. des coiltentieux, pour lui demander si, en mettant un g·éra~t à la tête de l'entreprise au lieu et place ·de LabHte, il ne risquerait pas d'être considéré comme ' l'associé de ce dernier, Communay lui a repondu «qu'un comma~1ditaire (sic) ne · pouvait être accusé d'immixtioh dans une affaire, s'il y mettait un géran't n ; ce qui' démontre bien qu'il le considérait c_omme un commanditaire ;

Conj>idérant que, sans qu'il paraisse y. avoir lieu de tirer argument du compte joint qui a fonctionné entre de Saxée et Lahitte au Crédit Industriel et Commercial de juillet à octobre 1921, il importe de retenir, que, pendant les semaines qui oÎlt p1·écédé la faillite, de ·saxée s'est comporté èomme le véritable maître de Faffaire~; qu'en, effet, par llll acte ,du 2~ février H}25, de. Saxée intervenant pour. autoriser Lahitte à confier la gérance de l'entreprise 4 un siem; 1\'laret, se réservant de dénon­cer le .contrat par simple lettre recommandée, .droit qui était refusé à Labittè ; que le nOi.lVeau gérant 1\'laret était dans un tel état de dépendance â son ég·al'Q qu'il déclarait à plusieurs reprises au sieur Colp.nwnay qu'il avait l'impression de ne pas , être I.e g'érant. de l'affaire, n'ayant pas même la possibilité de se -faire payer 1\tn chèqüe qu'il recevait d'un client; ··

Considérant qu'il rP.sulte des déclarations d'un sieur Aubert, administrateur­delég·ué de la Halle-aux-Bois, que, très peu de temps avant la faillite, de Saxée est venu en compagnie de :Maret luLdemander d'accepter. pour 211.000 fr. de traites à titre d'avances camionnages; qu'Aubert y ayant consenti à dû payer deux de ces' traites. présentéès par des tiers porteurs, mais a refusé de payer la·troisième, qui avait élé passée à l'ordre de de· Saxée; ,queee dernier, bien que saCJ}ant pertine1n­ment que le n1Qntant de cette traite· n'était pas dù,..l'a fait pwtester,. a obtenu un Jugement et n'a pas abandonné sa p'oursuite contre la Balle-aux-Bois, quë sur la menace de voir révéler. le rôle qu'il avait joué dans la g·estion des camionnages

. d' Ag:uesseau ; · Considérant qu'il résulte de tout ce quL précède que si de Saxée ne paraît 1ias

avoii· été, conime le soutiennent les aî)pelants, le co-gérant d'une société en partici­pation ayant existé entre lui et Lahitte, il.doit être considéré comme U.\1 commandi­taii'e qui ,a pq, pendant plusieurs aimées~ ne pas excéder son droit de ~Qntrôle et de surveillance, mais qui, pendant les dernil~res semaines qui ont ·p,·écédé la faillitP, s'est nettement immiscé d:ans la gestion des affaires sociales; qu'il n'est pas allég·ué toutefois, et en tout cas pas justifié què sa gestion ait augmeuté l~ passif anté-

• rieurement creé i)ar Lahitte; qu'aux termes de l'art. 28, 0.·-eom., il ne peùtêt1·e œsponsable que des obligations qui ont p_l) résulter de .ses actes d'immixtion connu-e ~is-à-vis de la Halle~aux-Bois ; qu'il ne saurait donc être ~déclaré en faillite ;

• ' • ~- _..· ~ J -~ • - • -· • • ' • - ,... • '- , • ' ~ - ). ' •

N? 3267

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348 JURISPRUDENCE

Mais considérant que de Saxée ayant été en réalité le commanditaii·e de Labitte ne saurait êti·e admis au passif de sa faillite ; qu'il échet donc de faire droit dans cette mesure aux conclusions des ·~ppelànts, en déclarant nuls les nantissements et l'hypothèque q~l;l Lahitte lui a consenties par les actes susvisés;

$1t1' les dommages-intérêts :-Considérant que si la demande de Raffestin et consorts n'est pas fondée en ce

qu'elle.tm)d à la mise en faillite de de Saxée; elle se justifie par le fait que celui-ci, ayant é~(Aonùnanditaire de Labi,te, ne pourra produire à la faillite,, ni comme créaneierprlvilégié,-ni comme-créancier chirogTaphaire; qu'il n'est donc.pas établi qu1elle ait été tonnée à la légère ou dans mi but d'intimidation ; qu'il échet en consécjuence d'infirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a condamné les appelants à payer à de Saxée 20.000 fr. à titre de dommag·es et intérêts et de rejeter comme mal fqndée la demande reconventionnelle formée par de Saxée ;

Sm' les dépens : - En ce qui concerne Rempler ès qualité ;

Adoptant les motifs des premiers juges ; En ce glli concerne les autres parties ;

· Considéî·ant qu'elles· succombent respectivement sur certains chefs de leurs demandes; qti'elles doivent en conséq'uence supporter chacune une partie des dépens;

Par ces motifs, et tous autres non contra:ires des premiers juges, la Cour : Reçoit Raffestin père et fils, Le Goaster et Corat appelants du jugement sus

énoncé; · Donne acte à Rempler ès qualité de ce qu'il déclare s'.en i·apporter à justice ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de déclarer commun à de· Saxée et à la société de fait LabHte et. de Saxée le jugement qui a déclaré Lahitte en faillite le 23 mars 1925 ;

L'infirme pour le surplus ; décharg·e eil conséquence les appelants des disposi­tions et condamnations prononcées contre eux et leur faisant grief, notamment de·. la condamnation à 20.000 fr. de dommages et hüérêts proiwncée contre eux;

Emertdartt ~'~t. statuant a nouveau, dit qu'il a existé entre Lahitte et de Saxée une société üe faii,''dans laquelle de Saxée a été associéeommanditaire;

Annule en· conséquence les actes des 28 juin 1921, 13 octobl'e 1922, ·12 janvier 1H24, 2 février 19~4 et ·14 fév1;ier 1925, ainsi que les nantissements et l'hypothèque conférés à de Saxée ;

'Dit que 'de Saxée ne pourra être admis à la faillite. Lahitte ni en .qualité de créat1cier.privilégié, ni en qualité de créancier. chirographaire ; ·

Rejette tous au'trés moyeii.s, fins et conclusions des parties ; Dit n'y- avoir lieu de condamner Rem pl er ès qualité à aucun dépens ; Fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés deux

tiers par Raffestin père et fils, l~ Goaster, Cm:at, un fiers par Lahitte et de Sa~ée.

Observations. - Cet arrêt applique, en mlatière de société en. ~,om . collectif et de faillite, les règles de droit commun. Les asso~iés soli­daires et indéfiniment responsables doivent logiquernent.être:déclarês en

N·.·s~s7

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JtJ1tlSPRU:bENCE 349

faillite si la société qu'ils garantissent, l'est elle-même; car le fait qu'elle a suspendu ses paiements et a son crédit ébranlé, ne peut· ·Se concevoir que si ses membres défaillent à Paccomplissèment de leur garantie solidaire et indéfinie.

Il peut se faire cependant que les associés échappent à la faillite lorsque, prenant les devants, ils sollieiteut et obtienneùt, à titi·e per­sonnel, des créanciers de la société et de leurs propres créanciers, un concordat préventif de la faillite. Cfr. Brux. 26 déc. '1930, Revue, 1931, no 3100; - Comm. Liége, 16 janvier, 1926, Revue, 1926, no 2676.

La Cour de Paris assimile à ce point de vue à la situation d'associés d'une société en nom collectif déclarée, celle d'associés de fait, fai­sant le commeece conjointement et d'nue manière suivie, dm1s des conditio~s de cogérance qui les fait apparaître aux yeux des· tiers comme des associ~s en nom collectif. Cette décision est pa1~faiteinent fondée ·et consacre une opinion à laquelle nous n'avons c~ssé cl~. donner appui.

Des commerçants qui font Ie·commerce ensemble, ouvertement, en se donnant les apparences d'associés en nom collectif s'engag•ent soli­dairement aussi bien s'ils sont effectivement liés par un contr[),t de société occulte (car en ne révélant pas celui-ci, ils commettent une négligence dont ils doivent logiquement subÎI' les conséquences), que s'ils n'ont pas entre eux de lien soqial (car en ce cas~ ils abusent les tiers sur la situation véritable, eommettant un quasi-rléÜt commercial dont ils sont responsables in solidwn). · :. . '

L'aerêt offre un bon exemple du travail de recheéchès ~~;~'analyse critique auquel le juge du fait doit se livrer po1u' é't:;tl:;(i{.·,. d'après les éléments du débat judiciaire, la véritable nature du contl'at qui lie les parties, lorsque· le doute naît sur le point de savoir s'il y a entre elles des relations de prêt avec participation ou de société .et, en ce cas, de quel type. Il fait contraste sous ee rapport et aussi par le déve­loppement de ses motifs avec lê laconisme excessif d.~i jug·~ment du Tribunal de commerce de Gand du 30 juillet 1932 ci-des~us reproduit (Remte, 1932, no 3265). .

Au cours de cette a1~gumentation l'arrêt applique. avec une sûreté remarquable, les principes communs qui régiE-sent en Fi·ance et. en Belgiq\le, la commandite simple.

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350 LÊGISLATION

Ko 3268. - Loi du 28 septembre 1932 revisant l'article 115 des lois coordonné~s sur les sociétés çommerciales et l'article 2.7 de la loi sùr le contrat d'emploi (1).'

(Moniteur des fO-H octobre 1932).

Article· premier. -L'article 15 des l~is coordonnées S"!Jr les sociétés commerciales est remplacé· par la disl)Osition. suivante :

<( Art. ·ll5. - La société coopéralive est celle qui se compose d'associés dont le nombre et les apports soÏlt variables. Ceux-ci co.nsistent en versements en numéraire ou en apports effectif.s. · ·

n Les pa1·ts représentant les appo1·ts sont incessibles à des tiers. l> En dehors de .ces pm'ts, il. ne :pei.1t" être créé alicune autr·e espèce de titres sous

"quel gue dénomination que ce soit. 11 •

Art. 2. - Ïl est ajouté aux lois coordonnées sur les sociétés commerci'ales un article H5 bis ainsi conçu:·

« Art; J 1.5bis. - Les parts sont cessibles à des associés dans les conditions pré­vues pàî; les statuts. Néanmoins, les pà1;ts représentant les apports effectifs he con-

. sis tant pas en ·numéraire ne peuvent être cédées . qu~ dix jours après le dépôt du deuxième bilan annuel qui suit leur création. Mention de leur nature, de la,date de leur création et de leur incessibilité temporaire sera faite sur les eertificats et au reg·istre prescrit parî'article 120. o.

' .

Art. 3. - L'article 27 de la loi sur le contrat d'emploi du 7 aoùt 1922 est rem-placé par les dispositions suivantes ; · ·

<( Seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 26 à 500 francs ou d'une de èes peines seulement :

11 t o Tout patron. qui, ayant reçu le cautionnement visé à l'article 26, n'en aura pas effectué le dépôt aü plus tard dans le mois ; ·

ll 2° Ceux qui auront mis comme coüdilion à l'octroi d'un en}ploi ou même de remises. et commissions, l'obligation de souscrire, de verser ou d'acheter des actions, ···' ·). . . . parts d'intérêt ou ohlig·ations quelconques ou qui se seront fait remettre des fonds à un tit~e autre que celui du cautionnement de l'employé. n

(1) SÉNAT. . . . . . . . Docutnents. Proposition de loi de :MM. Demets, Legrand et Arm. Huysmans

.et développements, n° 223 (session t930-193t). ~Rapport fait au nom de la Com­mission de la Justice par M. Lehon, no '105 (session 1981-1932).

CHAMBRE nEs' RÈPRÉS:E;NTA'NTs.

Doc1tments. - Projet de loi transmis par le Sénat, no ·283. - Rapport fait au :nom de la section centrale par M. de Kerchove d'Exa{:)rde, no 293 (session 193'1-1932).

Annales. ~ Discussion et adoption. ~éance du 13 juillet 1932.

'N°.:.~6.8

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JURISPRUDENCE (PAR'riE" FISCALE) 351

No 3269. - Cour d'appel de Gand (2e ch.) - 30 jui~ 1931. · MM. de Cocquéau de~ Mottes, prés.; De Poortere, cons. rapp.; Remy, av. g·én.

(Caisse commune mttluell~ (( Industries Textiles Réunies » cf Aclmin. cl~s finances.

I.- Impôts sur les revenus. Prescription. Proiongation de délai. Non rétroactivité. · · · · · · · ·

Ix'. - Association mutuelle patronale. Bonis. Ristournes sur cotisa"tiions. Réserves. Taxe professionnelle et mobilière. Non débition.

III.- Associ~tion mutuelle patronale. Réserve de prévoyance. Even­tualité d'un 'partage lors de la dissolution.' Absence de bénéfice taxable pendant la durée de l'association.

IV.- Capital investi. Notion. v. -Cotisations réparties. Absenc.e du caractère de.bénéfices taxables. VI. - Ristournes détenues par l'association. Dettes à termes· et non

bénéfices. VII. - Associés' fondateurs et associés ordinaires. Répartition inégale

des ristournes. Maintien du caractère non lucratif. Taxe profession­nelle et non débition.

. I. - L'article 1!J de la loi du 31 décembre 19 23 qui a porté de cinq à di~ ans le délai de presc1·iption en matière d'impôts sur les revenus n'est entré en vigueur que le lendemain de sa publication· au ftfoniteur, soit le 4 janvier 19 26. A cette époque la prescription des taxes concernant les ea;ercices fiscaux 1920 et 1921 était déjà acqu·ise sous le régime de la législation antérieU1:e et la loi fiscale nouvelle ne ptÙtt avoir d'effet rétroactif. ·

II. - Lorsqu'une association a été créée en,tre divers chefs d'industrie en vue d'in­demniser sur la base de la mntualUé, en vertu de la législation sur les accidents dtt travail, les oavriers mt leurs ayants-droit, v·ictimes de ces accidents; que cette associa­tion tire ses ressources des cotisations versées par les affiliés; que ses bonis éventuels, après ristourne d'une partie de ceux~ci, sont constitués en réserves diveisés, c'est sans' droit. que l'Administration des finances prétend assnjettir ces réserves soit it' la taxe professionnelle, soit à la taxe .mobilière. · · ' ,

Pour qu'une association puisse être passible des dites taxe!), il y a lieu de rechercher d'abord sz. elle e.r;erce une profession llwrative, si elle.pow·sttit un but de lucre et ensu'ite si elle a effectivement réalisé des bénéfices au sens fiscal de ce mot.

L'Administration des finances n'est en droit d'assujetir ttne associatzon à la taxe mobilière et professionnelle que si elle démontre que cette tJ,ssociation forme une société commerciale, indu~trielle on agricole poursuivant un but de lucre et que l'accroissement de son patrirnozne constitué par ses apports annuels et successifs est le résultat d'une profession lucrative. · ' · ·

Une caisse cmmmtne d'assurances formée par des chefs d'entreprise, d'après le prin• cipe de la mutztalité, en vue de les cmwrir contre les risques résultant pour eux des accidents du travail est une association mettant des fonds en co1mmtn non pourles faire fructifier mais, pour acquitter ttne charge légale et sociale. Son activité n'est en consé­quence ni commerciale,· ni indttstrielle, ni agricole. Elle n~exerce pas une profession destinée à lui procurer des bénéfices mais pou1·suit un but exclttsif de tout lucre. Ce but

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est de 1'éprtrtir _les pertes résultant llOut' chacun des ass(Jciés des chm·ges lé9ales qui le1t1' sont imposéès. En dehors de cet objet principal, ce groztpement professiortrœl basé sur l'entraide, poursnit une œuvre hwnanitaire_et de bienfaisance : organiser la p1'ével?-tior~: contre les accidents elu travail et soigner les ouvriers blessés.

III. - C'est à tort qu'on considérerait comme constitutive cl'un but de lucre, la con· $titutiond'une réserve de prévoyance destinée lors. de la dissolzttion de rassociation, à être partagée entre les sociétaii·es de la dernière heure à l'exclusion des associés qui $e son,t retirés avant le partage final. · Pareille circonstance, d'ailleuTs hypothétique et de réalisation lointaine, ne saurait. modifier le caractère d'·une association 1.nutuelle. Il n'en résulterait pas qzœ la .réserv~ de pr~voyance aU . été constitztée. dans nne pensée spéculative et. az~ moyen de bénéfices commerciaux.

A sztpposer qu'on pourrait lors de la dissolution. d'une association 1nntzœlle, att1·ib.tter aztx associés de la detnièreheure ztn certain bénéfice provenant de cotisations ·d'atfili~s

ayant quitté l'association, il ne serait pas établi que cette réserve ,c;erait le J'észtltat d'opérations lucratives. La nécessité d'un partage entre les associés affiliés au moment de la dissolution serait peztt·êfre alors imposée par la difficulté de procéder à la liqzti­dation.de l'avoir d'uneassociation à capital et penwnnel.variables .. Dans cette éventua­lité le fisc pou1TaU peut-être à ce moment mais non actztelle.ment réclamm· le pœiement , d'impôts.

IV. - Le versement d'unè cotisation à nne association nmtuelle ne saurait fo1'1ne1' un investissement dans une affaire ayant un objet lucratif. La notion juridique dzt capi­tal investi ne s'entend que des sommes engagées d'nne manière durable dans une affaire à base lucrative.

V. - La répartition des cotisations d'une société 1mtl1telle ne constitue pas ztn accroissement ou enrichissement dans le chef de.c; affiliés ni le produit d'un capital.

VI. - Les ristournes detenues à titre provisoire par une soci.été mutuelle et destinéés suivant les statlits à leur être restitztées à terme, ont le caractère de dettes à terme et ne sam· aient clone être considérées comme des bénéfices ozt des revenus.

VII. - , Le. fait que les statuts d'une association mzttuelle consacrent une certaine inégalité quant aux droits aztx ristournes des cotisations entre les 'membres {onaateu1·s et les autres associés, n'est pas incompat-ible avec l.'essence de la mzttualité et n'a en tout cas point pour conséquence d'altérer dans le chef de l'associatiOn-san caractère social et son but désintéressé exclusif de toute idée commerciale ou lucrative. Elle ne devient donc point par là une affaire Olt 1tne exploitation C07Jl71le1'C.iale, industrielle Olt agricole qui saurait senle la rend·re pÇtssible des impôts litigieux.

ARRÊT At,tendu que .Je recoms formé par la caisse commune mutuelle dénommée. o Les

Industries Textiles réunies » est dirigé contre une décision àu Directeur des contributions directes de la Flandre Orientale en date du 3 février 1930 qui lui a ~ccordé certains dég-rèvements mais a rejeté la majeure partie de ses réclamations ;

Attendu que ce recours est régulier en la forme et· a été intenté dans les délais légaux·

Attendu que l'Administration des finances reconnaît que les impositions primi­tivement den1andées par elle et relatives à l'exercice '926·par rappel de droits sur 1921 et 1922 et qu'elle n'a réclamées que, le 5 Janvier 1927 ·sont prescrites respec·

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JURISPRUDENCE (PARTIE FISCALE) 3:13

tivement depuis les 1 erjanvier 1925 et 1er janvier 1926. e·n vertu de .l'article 74 de . la loi du 29 octobre -1919 : que l'Administratton ne serait point fondée, en effet, à invoquer l'article 15 de la loi du 31 décembre 1925, qui a porté le délai de prescrip~ tion de cinq à dix aus, cette loi n'étant entrée en vigueur que le lendemain de sa publication au Monitenr soit le 4 janvier 1926, à une époque où la prescription des taxes concernant les exercices fiscaux 1920 et 1921 était déjà acquise, sous le rég'ime de la loi antérieure ; ·

Attendu que laJoi fiscale ne peut avoir d'effet rétroactif. Au fond:

Attendu que la requérante a été créée entre les chefs d'industrie en vue d'indem­niser sur base de la mutualité et en vertu de la loi du 4 décembre 1903 et de l'arrêt royal du 29 aoùt 1904, les ouvriers victimes d'accidents du travail ou leurs ayants droit; qu'elle a pour objet exclusif l'assurance de ses memb1·es, l'organisation de la prévention contre ces accidents et l'assistance médicale aux blessês du travail ;

Attendu que l'association tire ses ressources de cotisations versées par ses affi­liés; qu'après avoir affecté les sommes nécessaires anx frais d'administration, au payement des ouvriers accidentés et aux frais de leur traitement médical, elle resti- , tue annuellement à ses membres, sous forme de ristournes, une partie des fonds non utilisés, le surplus étant converti en réserves diverses (réserve mathématique,

. réserve de sinistres à règler, réserv~ statutaires, etc.) et notamment en une réserve de prévoyance spécialement visée par l'Administration des Finances;

Attendu que cette dernière réserve comprend des immeubles à usag·e de bureau, des cliniques, des instruments chirurgicaux, des fonds publics servai1t à l'amortis­sement, des valeurs d'Etat formant le cautionnement imposé par la loi;

Attendu que cette réserve de prévoyance a été constituée en vue d'obvier aux dépenses extraordinaires des mauvaises années ou devant résulter de calamités imprévues, dont le coùt dépasserait le montant annuel des cotisations ;

Qu'elle tend à empêcher des rappels de cotisations supplémentaires ; Attendu en ce qui concerne les ristournes que si celles-ci ne sont restituées aux

associés qu'à l'expiration du 4e exer·cice, c'est parce que la requérante ne peut liquider les sinistres en cours de l'exercice et doit attendre l'expiration du délai de revision de· cinq .ans, prévu par la loi sur les accidents du travail, pom· connaître exactement le montant des charg·es de chaque exercice ;

Que toutefois chaque affilié est crédité p1;ovisoirement de leur import à la fin de l'exercice mais sans qu'il puisse librement et immédiatement disposer de ce .boni ; qu'en cas de pertes l'association peut supprimer ta ristourne consentie provisoire­ment à la fin rte l'exercice, en sorte que ces ristournes de cotisations, quoique déjà inscrites au crédit de chaque affilié, sont réservées temporairement pendant quat.re ans, formant ce qui est dénommé par la requérante << le fonds de ristournes » ;

Attendu que les ristournes sont réparties annuellement aux a.ssociés augmentées· des intérêts, mais pour la première fois au cours de la cinqui'ème année ;

Attendu qu'en dehors de ces ristournes qui sont remboursées à tous les sociétaires au prorata de leurs cotisàtions nettes, il y a une ristourne spéciale qualifiée « ris­tourne fondateurs n, dont bénéficient exclusivement les membres créateurs de·. l'~ssociation requérante constituée en 1905, ristournes calculées dans la proportion de -10 p. c. sur le reliquat du bénéfice net maiS réparties au prorata de la cotisation ' brute de chacun des fondateurs ;

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JURISPRUDENCE (PARTIE FISCALE)

Attendu que chaque année une partie disponible des cotisations payées par les associés entre dans le patrimoine de la société, sous forme de réserve, et vient s'in­corporer dans l'avoir de la sodété à titre permanent, et à titre temporaire pendant quatre ans dans le fonds de ristournes; '·

Attendu que l'Administration des Finances prétend assujettir : f o à la taxe profes­sionnelle comme constitutives de réserves (art. 27, !Jo des lois coordonnées d'impôts sur les revenus) les sommes retenues par la requérante ponr alimenter la réserve de prévoyance et son fonds de ristournes ; 2° à la taxe mobilière sur capital investi les prodUits des réserves diverses retenues par elle ; 3° que l'Administration prétend en outre encore percevoir, tout au moins pour partie, la taxe mobilière sur les répartitions de ristournesfaites annuellement aux sociétaires et enfin 4° imposer tant à la taxe professionnelle qu'à la taxe mobilière les ristournes fa,ites aux seuls membres fondateurs ;

Attendu que l'article 27, 5° des lois coordonnées, qui considère comme bénéfices imposables au point de vue de la taxe professionnelle les réserves ou fonds de pré­visions quelconques, le report à nouveau et toutes affectations. analog·ues, vise les bénéfices réalisés effeétivement dans une société à lmt de lucre ; qu'en effet la loi fiscale n'atteint que les profits des exploitations c.omnu:rdales, indu~trielles, agri­coles et les gains de toutes les opérationslucratives (ai't. 25, 1°; ~5, 3°; 27 des lois coordonnées; que de,mêine la taxe mobilière sur les revenus présumés sur capital investi n'est due que si les biens scmt eng·ag·és dans une affaire commerciale, indus­trielle ou agTicole (art. 14, 3° des lois 'coordonnées) ;

Que -pour qu'il puisse y avoir taxation, la question est avant tout de savoir si la requérante exerce une profession lucrative ou poursuit un but de lucre ;

Que d'autre part, il est de principe que les deux impots cédulaii'es dont il s'ag·it ne sont exig'ibles que si l'activité de l'association laisse un bénéfice ou revenu net, produils du travail ou du capital; e'est-à-dil·e, si à l'issue d'un exercice annuel et après déduction dts charg·es, les apport~ en capital sont -t>n accroissement relative­ment au mème exercice (en ce sens PAUL CoART-FRESART, Traité pratique de la ta:re mobiUère, p. 149, Il. 213, et arrêts de la Cour de cassation cités);

Attendu que la seconde tluestion est de savoir si l'association requérante a effec­tivement réalisé des bénéfices au 'sens fiscal de ce mot ;

Attendu qu'il résulte des principes rappelés ci-dessus que l'Administration des 'Finances n'est en droit d'assujettit· la requéranle à la taxe mobilière el profession~ nelle qu'à la condition de démontrer qu'elle forme une société commerciale, in­dustrielle ou agTicole poursuivant un but de lucre et que l'acroissement de son patrimoine constitué par ses apports annuels et successifs est le résultat d'une'­profession lucrative ;

Attendu qu'il est constanL que la caiss~ commune d'assurance a été formée pàr des chefs d'entreprises, d'après le principe de la mutualité, en vue de les couvrir contre les risques de la loi du 24 décembre 1903 sur les acCidents dU travail; que cette association .a mis des fonds en commun non pour les faire fructifier mais pour acquitter une charge lég·ale et sociale ; que son activité n'est en conséquence ni commerciale, ni industrielle, ni ag·ricole; qu'elle n'exerce pas une profession des'tinée à lui procurer des bénéfices mais poursuit un but exclussif de tout lucre, ce but étant de répartir les pertes résultant pour chacun des ass?ciés des charg·es

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JURJ~PRUDENCE (PARTIE FISCALE) 355

légales qui leur sont imposées ; qu'en dehors de cet objet principal ce grou1)ement professionnel basé sur l'entraide. pomsuit une œuvre humanitaire et de bien-­faisanoe : org-aniser la prévention contre les accidents du travail et soigner les ouvriers blessés ;

Attendu que constitué en société mutuelle, il ne poursuit pas et ne pourrait d'ailleurs poursuivre un but de lucre, ni réaliser eflectivement des bénéfices puis­qu'il n'est autorisé qu'à cette condition à exercer son activité ; que ses statuts qui prévoient la constitution des réserves et des ristournes faisant l'objet des impositions litig·ieuses ont été agréés par un arrêté royal du ,25 janvier 1905 et que sa gPslion (bilans et comptes de profits et pertes) a été régulièrement controlée par le Gouver­nement tous les trois ans, en vertu des articles 17, 18 et 19 de la loi du 24 décem-bre 1903; '

Attendu que la requérante ne- peut donc être rang·ée dans la catégorie des rede­vables de l'impôt sur les revenus ;

Attendu qu'il résulte, en outre, de l'exposé ci-dessus que les fonds sociaux sont constitués par des cotisations versées annuellement par les membres ; qu'après paye1nent des charges de l'exercice l'excédent est partagé en deux parts· l'une con­

-tribue à former des 1·éserves et notamment la réserve de prévoyance, l'autre sert à constituer provisoirement, le fonds de ristournes qui en d'eruière analyse est annuel­lement restitué aux sociétaires à l'expiration, chaque fois, de la quatrième année ;

Attendu que ces deux parts : réserves et ristournes, ne constituent pas des pro­duits de l'activité pJ•ofessionnelle -de la requérante ou des revenus d'un capital, seuls taxables; que la réserve de prévoyance, dont l'acroissement est recommandé d'ailleurs pal' le gouvernement, réalise des économies dans le chef de l'association et a le caractèr,e de sacrifices rians le chef des affiliés ; qu'assujettir à des iml'ôts la réserve de prévoyance, ce serait considérer comnie lucrative des opérations constitutives d'épargne, faites dans un esprit de sacrifiçe et aboutirait à cette conséquence de faire payer d'autant plus p'impôts que les affiliés s'imposeraient plus de sacl'i.fices ;

Attendu que d'autre part, il est établi que ,la requérante n'a d'autres ressources que les intérêts de ses fonds placés provisoirement en banque et ses revenus prove­nant des valeurs d'Etat formant ses réserves et notamment le cautionnement imposé· par la loi; que ces revenus. qui forment l'unique accroissement de son avoir, ne sauraient être assujettis à la taxe professionnelle parce qu'ils ne sont pas, ·aux termes de la loi fiscale, le résultat << d'une occupation lucrative» ou <, d'une opéra­tion professionnelle )) traitée par elle (art. 27' al. 1er des lois coordonnée!~) ; que ce sont là des placements normaux de capitaux-, constituant des actes de bonne admi~ nistration,. imposés d'aiiieurs par la loi elle-même et dont le produit est affecté exclusivement par les associés à la réalisation du but social exclusif de toute idée spéculative, c'est-à-dire se prémunir mutuellement contré des pertes; que par voie de conséquences ces intérêts et revenus ne sont pas le produit d'opéralions cmn­merciales et ne sont pas ainsi de nature à altérer le caractère de l'association exclu­sif de tout esprit de lucre ;

Attendu que le fisc objecte que 1~ constitution d'une réserve de prévoyance est contraire à l'essence de la mutualité et que le but lucratif résulterait de la constitu­tion de cette réserve elle-même, celle-ci devant, lors de la dissolution de l'associa­tion, être partag·ée entre les sociétaires de la dernière heure à l'exclusion d.e3 associés qui se sont retirés avant le partage final ;

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356 JFRISPRUDENCE (PARTIE FISCALE)

Attendu qu'on cherche vainement le principe consacrant la thèse exprimée d'm1è: façon aussi absolue par le fisc; qu'il n'y aurait pas de mutuelle s'il y a une réserve de prévoyance ;

Attendu qu'il n'y a là aucune incompatibilité, puisque cette réserve n'est pas formée dans un but de lucre et n'est pas destinée à procurer un enricliissement mais au contraire à permettre à la société d'avoir à sa disposition les sommes néces­saires en vue de payer immédiatement des· catastrophes anormales qui viendraient à se produire, sans devoir faire appel à des cotisations supplémentaires ;

Attendu que c'est là une mesure de prévoyance social ayant pour effet.de donner une plus gTande sécurité aux associés : que loin d'être incompatible avec la notion de la mutuelle d'assurances, elle en éonstitue un élément nécessaire puisque sa constitution est expressément recommandée par le législateur ;

Attendu d'ailleurs qu'aucun texte des statuts ue prouve que la requérante amait l'intention de répartir les produits de sa liquidation lors de sa dissolution entre ses associés ou leurs ayants-droit, dans une proportion autre que .celle dans laquelle chacun aura contribué à cet avoü commun; que les statuts (art. 56) se bornent ù dire que l'assemblée g·énérale, sm proposition du conseil d'administration,. décidera de l'emploi du reliquat de cette réserve ;

Attendu que cette circonstance, qui d'ailleurs est hypothétique et de réalisation lointaine, ne saurait modifier le caractère de l'association mutuelle ; qu'il n'en résulterait pas que la réserve de prévoyance ait été constituée avec une intention spéculative et au moyen de bénéfices conunerciaux; qu'en fait il el:lt démontré en l'espèce que cette réserve ne consiste pas en placements de valeurs spéculatives mais en valeurs d'Etat destinés aux. fins sociales qui ont pour objet de diminuer mutuellement et éventuellement des pertes qui résulteraient d'événements catas-trophiques ; ·

Attendu d'ailleurs qu'à supposer qu'on pourrait lors de sa dissolution attribuer un cet'tain bénéfice aux associés de la dernière heure qui proviendrait d'affiliés ayant quitté l'association. Il ne serait pas établi par là que cette réserve serait le résultat d'opérations lucratives; que cette nécessité.de partage serait 1~eut-être aiors imposée par des circonstances du moment et notamment par la difficullé de pt'océder à la liquidation de l'avoir d'une association à capital Pt personnel variables; que dans cette éventualité le fisc pourrait peut-être à ce. moment mais non actuellement réclamer le payement d'impôts;

Attendu enfin que la plupart des réserves de l'association constituent. des charg·es professionnelles qui représentent des sommes dues aux ou,Vriers accidentés o~ leurs ayants cause ; qu'il en est ainsi de la rése•·ve mathématique, de la réserve des sinis­tres à règ·ler, de la partie de la réserve de prévoyancce affectée déjà à des charg·es professionnelles ou un amortissement lég·alement établi ; qu'ils ne sauraient en con­séquence former l'objet de matière imposable ;

Attendu que le fisc, après avoir primitivement soutenu que l'ensemble des fonds de ristournes étaient des réserves taxables, n'entend aujourd'hui maintenir la taxe professionnelle et la taxe mobilière que pour une partie de ceux-ci ; qu'en effet il les décompose en ristourne proprement dite et en une auLt'e partie provenant d.es intérêts calculés sur cette réserye et de la réserve des sinistres à règ'ler;

Attendu que cette f~çon de procéder est arbitraire; que tout d'abord l~ restîiuliol1 1:·:

NP ~269

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JURISPRUDENCE (PARTIE FISCALE) 357

·se fait au reg·ard de l'ensemble de l'opération comptable; qu'elle est erronée puisque les intérêts- qui d'ailleurs ne sont pas le résultat d'opérations lucratives - n'ont pas été versés à la ristourne mais à la réserve de prévoyance ; que l'autre partie pl'Ovenant de la réserve des sinistres à règ·ler est alimentée par les cotisations ;

Attendu que le fonds de l'istournes ni les ristournes elles-mêmes ne sauraient donc être considérés comme un bénéfice professionnel, réalisé par une société com­merciale ou industrielle ; qu'il ne saUI'ait s'ag-ir de taxe mobilière puisque le ver­sement d'une cotisation à une association mutuelle ne saurait former un investis­sement dans une affaire ayant pour objet l'esprit de lucre, condition à toute taxation; que la répartition d'une cotisation ne constitue pas un accroi -ement ou enrichisse­ment dans le chef des affiliés (voir CoART- FRESART, ouvrage cité, p. 41, no 45, 3°) ni le produit d'un capital; qu'enfin la thèse de l'Administration heurte la llütion juridique du, capital investi ; que celui-ci ne s'entend que des sommes engagées d'une manière durable dans une affaire à hase lucrative (Pand. belges, yo Tributs et Impôts /Im!Jôts Szt1' les revenus}, t. 126, no 249; circulaire de l'Administration du :H juillet 1922, §!')),alors que ces ristournes ne sont détenues qu'à titre provisoire par l'association mutuelle, et qu'elles doive11t dans l'intention commune des associés et suivant les statuts leur être restituées à ~erme ; qu'elle revêtent ainsi le caractère de dettes à terme et ne sauraient à ce titre encore être considérées comme des bénéfices ou des revenus;

Attrndu que s'il est vrai que la ristourne fondateur consacre une inég·alité entre les membres fondateurs et les autres associés en ce qu'elle accorde un privilègè et un avantagt dont les premiers sont seuls bénéficiaires, elle n'est pas incompatible avec l'essenr,e de la mutuelle et n'a pas dans tous les cas pour eff~t d'altérer dans le chef de l'association requérante, seul point à considérer, son caractè~e social et son b.ut désintéressé exclusif de toute idée commerciale ou lucrative; qu'en conséquence, elle ne devirnt par là une affaire ou une exploitation commerciale, industrielle ou agTicole qni saurait seule la rendre passible des impôts sur les revenus (art. U, 3°, des lois coord-.~nnées) ; qu'en réalité elle constitue, comme les autres ristournes, un excédent de cotisation, et ne forme pas un accroissement dans le chef des affiliés;

Par ces motifs, La Cour, en' tendu en audience publique M. le conseiller Rodolphe De Poortere en

son rapport et M. l'avocat général Remy en son avis conforme, déclare prescrites les impositions relatives à l'exercice 1926 par rappel de di'Oits sur 1920 et 1921, déclare le recours recévable et, statuant au fond dit que les impôts réclamés pour les exercicés -1927 et -192S par rappels de droits sur 1922, 1923, 1924, 1920, 1926 et 1927 ne sont pas dus par l'association requérante; en conséquence, ordonne la restitution par l'Administration de toutes sommes indûment perçues de ce chef, avec les intérêts légaux, depuis leur payement ; condamne l'Etat (Administration des Finances) aux dépens.

Observations. - Voir l'article ci-après.

N• 3269

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358 DOCTRINE (PARTIE FISCALE)

, No 3270. - Associations mutuelles patronales et associations sans but lucratif en général.

Les sociétés mt associations à b~tt non Zttcratif pe~tvent-elles être tenues, comme telles; de la taxe professionelle ou de la taxe mobilière sur le 1·evenu du_ capital investi ?

Sol\UtiAIRE ;

1. - Introduction. , 2. - Effet des lois prolongeant un délai de prescription en matière fiscale. 3. - Objet du litige tranché par l'arrêt du 30 juin 193L

· 4. - Résumé succinct des règles légales applicables en la matiére. 5. - Exposé de fait. 6. -Le problème juridique. 7. - Thèse de l'Administration des Finances. 8. - Conditions d'applicabilité de cette thèse. 9. - Activités commerciales accessoires des associations sans but lucratif.

10. -L'association est-elle une exploitation industrielle, commerciale ou agTi- ' cole? '

11. -Bonis et bénéfices. 12. -Revenus de placements non spéculatifs. 13. - Constitutions de réserves et but non lucratif. 14. - Effet d'une clause de partag·e de l'avoir social en cas de dissolut1on. -r Par-

tage inégal. 15. -De l'effet du partage quant aux associés appelés à y participer. 16. - Questions diverses. - Capital investi. 17. - Conclusions.

1. - Les principes qui, selon nous, régissent la sjtuation des asso­ciations sa'ns but lucratif çm regard des lois rel-atives aux contributions directes! ont été étudiés in abstracto dans notre étude publiée pa1· la Revue pratique des sociétés, 1926, no ;2662, pp. 40 ss. ·

Un recours fiscal émanant de l'association mutuelle " Industries textiles réunies "! a été accueilli par la Cour d'appel de Gand en son arrêt" du 30 juin 1931 reproduit ci-dessus et dont le. com1Ilentaire fait l'objet de la présente étude.

Nos lecteurs savent que la même Cour d'appel a déjà été appelée à rendre, dans les matières juridiques qui cmicernent lès associations sans but lucratif, plusieurs arrêts d'un' intérêt considérable. Rappe­lons: Gand, 17 mars l 926 (Revue, 1926, no 2681, p. 135), confirmant Civ. Fu1·nes 27 mars 1925 "(Revue, 1925, :no 2613, p. 140)~ relatif à la nature de ces associations et aux conséq~lences à en tirer att point de

' ' 1

vue de leurs droits civils i Gand, 30 oct. 1928 (Revue, 1929, no 2920~ p. 28), conceenant la supertaxe foncière et le maintien du caratè1·e non luceatif d'une association nonobstant la réalisation de certains bonis ; Gand, 3 nov. 1928 (Revue, 1929, no 2921, p. 33), confirmant Civ.

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bOCTRINE (PARTIE FISCALE) 359

Gand 27 avril1927 (Revue, 1927, ll0 2815, p. 343), proclamant l'appli­cation au transfeet de biens loués, de 1 'exonération de droits propor­tionnels d'9nregistrement édictée par l'art. ,53 de la loi ciu 27 juin 1921. Le pourvoi fm·mé conti~e cet aJ'I'êt a été rejeté par· Cass. 10'juil­let 1930 (Revue, 1 ~30, no 3077, p. 287). L'arrêt ci~dessus du 30 juin 1931 est un nouveau joyau de choix ajouté à cette série de décisions vraiment ret'narquahles.

Comme pour· les pl'écédents arrêts mentionnés ci-dessus, on peut dire que la questiorr litigieuse est creusée, fouillée .à l'extrême. La Cour a l1ien voulu .pi'CrHiee la peine de motiver très soigneusement sa décision. C'est ce qni donne à celle-ci sn grande valeur scientifique et er1 .même temps son nl.ilité doctrinale et 1w~tique consiclérable. Il en r·8sulte notamment qne ses motifs contiennw1t une foule d'indications tt-ès précieuses poul' la généralité des associations sans but de luci~e,

2. - Avant d'aborder· le fond ·du pl'ocès qu'elle avait à juger, la Com: d'appel de. Gand a en à statuer sm· une question de prescription de certains impôts réclamés par le 11sc par rappel de deoits ~m~ des exePcices anciens. Pom· cette partie de PaJ~t·êt' uou~ nous bornons à renvoyeP nu texte même de la décision. Cette question est d'ailleurs tout-à-fait étr·angère à l'objet de notre présent commentaire.

3. - Qnant au fond, rari'êt analysé avait a statum~ sm~ un recours formé par la caisse commune mn tu elle d'assurances dénommée les " Indnstries Textiles Réunies ". Le fisc prétendait 'que cette associa­tion était. passible de la taxe professionnelle et de la taxe mobilière affé1·ente aux revenus du capital investi.

4. -Pour asseoil· l'exposé jüt~idique qui va suivre, il nous paraît utile de rappeler tl·ès b1·ièvement les grandes lignes de notre syst~me fiscal en matièt·e d'impôts diPeçts, en nous limitant toutefois au résumé ries t•ègles ayant quelque rapport avec notre question.

l o On sait que tout propriétaiee possédant en Belgique un immeu­ble productif d'nu revenu ou d'un avantage équivalent à un revenu, est tenu, sauf les exeeptions légales, d'acquitter de ce chef l' imlJÔt (oncie1·. U association do ut 1 'objet ser~ait le plus désinteressé qui se puisse concevoir, n"en devPait pas moins cet impôt foncier }t moins

· p1·écisément que ses immeubles productifs d'un revenu ou d'un avan­tage équiv'alent à un revenu, ne bénéficient d'une exemption légale.

2o De même si une association possède un portefeuille de titres, les coupons de ceux-ci sqnt, en généraL pàssibles de la taxe nwbilière.

3o En troisième lieu, un impôt dénommé taxe professionnelle atteint

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360 DOCTRINE (PARTIE FISCALE)

notamment les bénéfices des exploitations inousteielles, commerciales ou ageicoles. De plus, poue toutes les affaires qui rentl'ent dans l'une de ces catégot·ies, une taxation séparée feappe de la .tax.e mobilière le I'evenu des capitaux qui y sont investis. M. CoART-FRÉSART a défini le capital investi " l'actif net engagé clans ttne Œffai're industrielle~ cmn-1nerciœle mt agricole et clont la rém,unération est subo1·donnée à l'exis­tence cle bénéfices " (T1•aité pratique de la taxe 'mobilière, p. 136).

Notons en passant que l'alinéa de l'article 14 des lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus qui COllèei~ne notre lÎlatière, a subi diverses modifications législatives sans rappot•t avec le 'IJPOblè'n'le étu­dié en ce moment (Loi du 26 juin 1922, art. pr ; loi du 13 juillet 1930, art. 13).

5. - Au seuil de la discussion des thèses débattues devant elle, la Cone expose tout d'abord le mécanisme financier de la caisse commune mutuelle. L'association tir·e ses ressources de cotisatious versées par ses affiliés. Après avoir affecté les sommes nécessaires aux frais d'ad­ministeation, au. payement des ouvt·iers accidentés et aux ft·ais de leur traitement médical, elle restitue annuellement à ses membres, sous forme de· ristournes, une partie des fonds nou. utilisés. Le surplus est convel'ti en réseeves diverses : réserve mathématique, réserve des sinistres à règler, réserve statutaire et notamment une réserve de prévoyance spécialement visée par l'Administration des Finances. Cette dernièt•e réserve comprend des immeubles à usage de bureaux, des cliniques, des instruments chirm·gicaux, des fonds publics servant à l'amortissement, ,Jes valeurs d'Etat formant le cautionnement impo­sé par la loi. La réserve de prévoyance a surtout en vue d'obvim· aux dépenses exteaOI~dinaires des mauvaises années ou devant résulter de calamités i!nprévues.

Les ristournes sont bonifiées peovisoirement aux afflUés à la fin de chaque année. Mais elles ne sont liquidées définitivenent qn 'après un délai de plusieurs annéés et elles sont bloquées dans l'entretemps au " fonds des ristournes ", .

Les statuts de la caisse commune, suivant les constatations de l'a1·rêt, établissent cet taines diffét•ences quant .à la quotité des dt·oits aux I'js­touenes, suivant qu'il s'agit d'associés fondateurs ou d'autres associés.

Signalons ce premier mérite de l'a1·rêt com1~1enté: celui de bien faire connaitre. le- fait qui va être la base des appréciations juridiques ulté­rieures.

6;, -;- De ce q ne nous a v ons appris à ce stade de la lecture de l'arrêt,

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DOCTRINE (PARTIE FISC'ALEJ 361

on peut déduire que le pi'Oblème a résoudre par la Cour i'eviel1t ·~:ceci: Supposons le cas d'uri assureur p1·ofessionnel qui a :encaissé pendant le couPs d'un exei·cice, ·par exemple, un million de pPimes Il a payé 400.000 francs pour réparation de sinistres et 300.000 francs du chef de frais généraux et de chat•ges diver·ses. Sans aucun doute le solde de 300.000 fr·ancs est passible dé l'impôt. Supposons, au contraire, tm ou plusieurs industriels qui versent chacun à un compte en banque une certaine somme pour faire face aux obligations qui leur incombent éven­tuellement à ·raison d'accidents du travail survenus à leurs ouvriers. Prenons, par hypothèse, que. ces versements aient atteint, au total, la somme d·un million et que, pendant le cours d'un exercice, les dépenses à imputer sur ce compte n'aient atteint que 100.000 francs. Le solde créditeur de ce compte est donc de 900.000 francs. Pom' con­tinuer~ notre exemple, supposons que les industriels intéressés décident de repreri'dt•eipossession de 450.000 francs soit la moitié du solde cJ>é­diteur et de 'repot'ter' en compte le surplus, soit également 450.000 francs pour parer aux conséquences des accidents du travail qui pour­raient survenir dans les cours de l'exercice suivant. · On se demande comment il a jamais pu venir à l'idée de quelqu'un de soutenir que cette affectation de 450.000 francs a une reprise de fonds versés par les intéressés et celle de 450.000 francs à un report à nouveau~ const!tuaient des béuéfices passibles d'un impôt. Dans ce cas, si les indusü'iels avaient encore été plus 'prévoyants et s'ils avaient consigné deux millions au lieu d'un à leur· compte spécial commun, le prétendu bénéfice imposable seeait plus que doublé. Comme le dît fort justement l'arrêt, cela aboutieait à cette conséquence de faire payer d'autant plus d~impôts que les affiliés de la caisse commune se seraient imposé plus de $aCI'ifices.

lVlais, objectera-t-on, votre exposé négUge un des éléments de la question. 11 s'agit d'une caisse commune mutuelle. Les affiliés en ont eetiré plusieurs ""avantages ". En p1·emier lieu, c.elui de mettre en commun un risque qui pouvait peser lourdement sur chacun d'eux considéré isolément. En second lieu, dans leR ristournes, à raison même du principe de la mutualité, il n'a pas été tenu compte des charges que chacun des affiliés a fait supporter à la caisse commune. Supposons que les décaissements de 100.000 fl·ancs aient été rendus nécessaires pour un seul d'entre eux, il n'en a pas moins droit, comme les autres, à un remboursement de 90.000 francs soit enristournes, soit en quote-part dans les réserves.

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'36.2 .DOCTRINE (PARTIE FISCAliE)

Cela est très exact. On pourrait même ajouter qu'il y a encore, dans l'organisation des caisses communes d'assurances tout au moins, la recherche de cet autre avantage, à savo.ir que, par là, le risque dont il s'agit sera couvert avec une dépense moü~dre que celle qu'eût com­porté le recours aux offices d'un tiers assurent'. On pe conçoit même pas que des hommes d'affait·es se do.nneraient la peine d'organiser une caisse con1JUJlll(L d'_assm.._ances mutuelles .s'ils n'en attendaient aucun " avantage" ni matériel, ni mêrpe moral.

Mais de pareils " avantages " ne sont pas sujets à tàxation. Le fisc lui-même n'est, œailleurs, pas allé jusqu'à le. prétendre.

V. - D'après les constatations de l'arrêt de la Cour d'appel, l'Ad­ministration des Finances entendait soumett~·e :

1 o A la taxe professionnelle comme con~titutives· de réserves, les sommes retenues par l'association pour alimenter la réserve de pré­voyance et de fonds de ristournes. - Lois coord., ad. 27, § 2, al. 5° ;

2° A la taxe mobilière sur les revenus du capital investi, les produits. des diverses réserves ;

3° A la taxe mobilière, tout au moins une partie des ristournes faites aux associés ;

4° Enfin, à la taxe pPofessionnelle et à la taxe mobilière les ris­tournes faites aux seuls membres fondateurs.

8. - L'arrêt proclame que pour que ces prétentions soient suscep­tibles d'être accueillies. il faudrait l'accomplissement simultané de deux conditions, à savoü·:

a) Que les profits, .prétendus ou réels, aient été réalisés par une exploitation lucrative ;

. b) Que l'association intéressée ait réalisé des bénéfices au sens fiscal de ce mot.

9. -Notons que l'arrêt de la Cour d'appel ne tranche pas et n'avait pas à tranchet• les cas où une société. sans but lucratif exercerait, comme la loi le permet, une.activité accessoi1·e importante à caractère profes­sionnel nettement déterminé. Prenons comme exemples à cet égard, es cas:des brasseries ou imprimeries exploitées .à titre d'activité acces­

soire, par une abbaye ou par un monastère. Dans notre étude précitée (Revue] pratique des sociétés, 1926, 11° 2662}, nous avons émis l'avis que de semblables activités sont éventuellement passibles de la taxe professionnelle. Nous persistons dans cette manière de voir, aussi fon­dée, .par exemple, selon nous,_ que celle qui rendrait passibl~ de la taxe professionnelle l'activité d'un rentie~· qui serai~ acc_essoirement in té-

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. DOCTRINE (PARTIE FISCALE) 363

ressé dans -un commerce ou dans une industrie. Tel serai~ encore le cas d,ün particulier qui mettrait des terres en valem· en y faisant faire une exploitation de culture maraîehère. ·De pareilles exploitations, même si elles ne sont qu'une activité accessoire, n'en sont pas moins des occupations lucratives a'u sens de l'art. 25, §1er~, litt. b, 3° des lois coordonnées. ·

La thèse qui vient d'être indiqùée a été formulée d'autre part, à. propos des collectivitéH religieuses, dans la réponse ministérielle donnée le 10 juin 1932 par' M. le ministre des Finances à M. le 1:epi·é- · sentant De Winde :

" Les collectivités religieuses sont imposables à la taxe profession"" nelle au même titre que tout commerçant. lorsqu'elles effectuent' des opérations. commerciales, industrielles ou agricoles qui leur procurent un bénéfice " .

Selon nous, cette opinion est juridique et doit être suivie, lorsqü'il s'agit d'associatjons qui effectuent réellement des opérations de cette nature au point que celles-ci aient une importance suffisante pom• constituer une " occupation ,; lucrative, sans cependant devenir l'objet principal de l'association. Mais l'Administration dépasse les limites de

_ son droit lorsque, allant plus loin que la réponse ministérielle ci-dessus, elle entend assujettir à la taxe professionnelle les associations qui n'exercent aucune activité ni commerciale,· ni industrielle, ni agricole.

Nous croyons que ceci suffit à préciser la situation spéciale dés associations ayant une objet principal non lucratif et une activité accessoire à caractère rémunérateur.

Tout anke était le cas sur lequel la Cour d'appel de Gand était appelée à statuer. Il s'agissait là d'apprécier la nature de l'objet prin­cipal, d'ailleurs unique, d'une association et aussi le caractère réel de ses excédents comptables.

C'est pour trancher ces deux points trés importants que la Cour a dû résoudre une série de questions de principe qui, comme telles, sont dn plus haut intéeêt pour tontes les associations sans but de lucre.

10. -Et tout d'abord l'arrêt dénie, a bon droit, le caractére d'ex­ploitation industrielle, commerciale ou agricole à rassociation " In­dustries Textiles Réunies ". Cette caisse commune a été formée par des ch~fs d'entreprise~ d'après le pr·incipe de la mutualité, en vue de les couvr·ir contre les risques auxquels ils sont soumis par la législation sm' les accidents du travail. Les fonds de cette association ont été mis en commun·. non pour .les. faire fr:_ucti:fier,. mais .·pour acquitter .. une

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364 DOCTRINE (PARTIE FISCALE)

chargedégale et sociale. Elle n'exerce pas une profession destinée à lui procurer·. des bénéfices mais elle poursuit un but exclusif de tout lucre~ à savoir la répartition entee tous ses membees des pertes résul­tant pom· chacun d'eux des chat•ges légales qui leur sont imposées. En dehors de son objet principal~ ce groupement professionnel, basé sur l'entraide, poursuit la réalisation d'une œuvre humanitaire et de bienfaisance : oeganisee la peévention contre les accidents du travail et SOigner les OUVI'iers blessés.

No9s estimons que ces considérations doivent être approuvées sans aucune réserve et qu'il peut être fait application de ces mêmes prin­cipes dan.s tous. les cas plus ou moins analogues où il s'agit de savoir si uile .association est ou n'est pas sans but lum·atif. Dans notre " Com­mentaü·e de:la loi du 27 juin 1921 " (Personnalité civile, p .. 93). nous

1 •

avions pareillement suivi la doctrine proclam~e par un autre arrêt de la Gom·· d'appel de. Gand, suivant lequel une .s~ciété d~assurances non reconnue quii ne peut procuree d'autres avantages à ses membres que le dédommagement de certains sinistees et, tout au plus, le rembour­se~ent in.t~gTal des primes, ne coDstitue pas une association à but de lum·e (Gand 6· mars 1913; Rev. prat. soc., 1913, 134; Pas., 1913-. II-lOO) ..

· Il. ~ ta deux.ième question à résoudre était celle de savoir si les bonis comptables de l'association en cause étaient ou non des " béné­fices » an. sens fiseal de ce mot.

La Cour constate à cet égard que ces bonis proviennent presqu'ex­clusivement des versements effectués par les associés eux-mêmes. Ce sont des économies dans le chef de r association et des sacrifices dans le chef des affiliés.· Ce ne sont pas des bénéfices. Ainsi que nous le rappelions plus haut, la Cour justifie cette appréeiation par cette con­sidération décisive qu·envisager comme lucrative des opérations d'épargne! faites dans un esprit de sacrifice, aboutirait à cette consé­quence de faire payer d'autaùt plus d'impôts que les affiliés s'impose­raient plus de sacrifices.

Sur ce point, la doctrine de l'arrêt est conforme a la jurisprudence de la Cour de cassation, suivant Jaque1le l'impôt frappe l'augmenta­tion de l'avoir qui est le résultat du travail et non point, par exemple, celui d'qne plus value inhérente à un capital (Cass., 31 mars 1930 ;. Pas.,, 1930-I-178; sic., Cass., 25 mai 1932; Rev. prat. soc., 1932, fi,

0 3'252, ,p. 290). Rappelens1 que les bonis d'une association sans but lucratif~ même

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(DOCTRINE" (P.AR.Tlli FISCALE) 36:5

s~ils étaièrit le résultat d'tine activité sociale, ne seraient néanmoins pas des " bénéfices " dans le cas où ils seraient destinés, non pas à enrichie personnellement les associés~ mais bien à servir aux fins de l'œuvre ellé-même dont la réalisation constitue l'objet social de l'as·-

' sociation (Gand., 30 oct. 1928; Rev. prat. soc., 1929, p. 28 et notre note d'observations à la suite de cet arrêt).

12. - Après avoir examiné la question que soulevait l'excédent des cotisations des affiliés des " Industries Textiles Réunies " sur les dépenses de cette même association, la Cpùr d'appel constate que celle-ci a, comme ressources, les intérêts de ses fonds, placés provi­soirement en banque et les revenus des valeurs d~Etat formant ~es réserves et notamment le cautionnement imposé par la loi.

Statuant sur ce point encorA par une déclaration de principe appli­cable da ris tous les cas analogues, l'arrêt proclame que de tels accrois­sements· de l'avoir social ne sauraien.t être assujettis a la taxe profes­sionnelle parce qu'ils ne sont pas, aux termes de la loi fiscale, le résultat d~une " occupation lucrative "ou d'une " opération ti'aitée '' par l'association (Lois coord. art. 27, § 1er). Ce sont des placements normaux de capitaux..

Selon nous, le bien fondé de ce motif apparaît comme évident non seulement au regard du texte légal - ce qui est essentiel en matière fiscale - mais encore par cette 'comparaison avec le cas d'une per.:. sonile physique dont tout l'avoir seeait placé en titres. Le fait de la perception, pal' cette personne~ du montant des coupons afférents~à ces ti tees ne peut évidemment 'pas donner ouverture à la débition dela taxe professionnelle. .

13. - Dans le cas .d'espèce 1·ésolu par la Cour d'appel de Gand, le fisc invoquait encOI'e comme argument qt~e la constitution d'tme réseeve serait conteaire à l'essence de la mutualité. Le but luc1·atif ,de l'association résulterait de la constitution même de cette téserve, eelle-ci devant, lors de la dissolution 'de l'association .• être partagée entl'.e les sociétaires de la dernière ~heure à l'exclusion des associés qui se sont retirés avant le partage final.

Avec infiniment ·de raison, la Cour proclame qu'il n'y a aucu:ne incompatibilité entre le caractère non lucratif d'une association et la constitution, par celle-ci, d'un fonds de résel've. Le tout est de voir à quelle fin cette i·éservt' est constituée. Sans doute; .• dans les · so~iétés commerciales sagement administrées, le conseil ·d'administration a sJ)in ~e" proposer lê prélèvement, :sm' les bénéfices des fonds néees-

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366 DOCTRINE (PARTIE .FISCALE)

saires· à la constitution d'une prudente réserve. Des bénéfices n'en sont pas moins des bénéfices parce qu'ils sont. provisoirement rendus indisponibles. Mais, comme nous l'avons vu plus haut, dans le cas de l'association mutuelle, la réserve n'est pas constituée pat· des bénéfi­ces,c'est-à-dire par des enrichissements.résultantd'opérations sociales. Elle peovient uniquement d'·économies faites. sm· les versements effec,. tués par les affiliés.

14. - Et quand au cas particuliee des "Industries Textiles Réunies", était il démontré que l'association avait l'intention de t'épartir le produit de ,sa liquidation lors de· sa dissolution entre ses associés ou leurs ayants-droit dans une proportion ~utre que celle dans laquelle. chacun aurait contribué à cet avoir commun?

1

La CoLll' constate tout d'abol'd que les statut~ se bornent à dire que l'assemblée gén~rale, sue proposition . du/ cohseil d'administration, décidera de l'emploi du Peliqnat de la résel've. Ceci, à première vue, ne conceenerait que le cas d'espèce tranché par l'arrêt. Mais à raison: du fait que beaucoup d'associations sans but lucratif ont adopté une disposition analog·ue, nous èroyons utile de souligner qu'une impor,.. tante décision de jurisprudence en consacre au moins implicitement sa parfaite comvatibilité avec le caractèee non lucratif du geoupement.

Poussant s~n étude plus avant, la Cour d'appel suit l' AdministJ·ation des Finances sur le terrain choisi par celle~ci et elle· se demande si l'éventualité d'un partage et même d'un partage inégal de l'actif uet de t'avoir social, en cas âe dissolution de l'association, seeait de nature à enlever à' celle-ci son caractère non lucratif. La:. réponse que 1 'arrê-t donne à cette question est nettement négative ..

Nos lectem·s savent que, sans conseillei~, en général; l'insertion dans les statnts' des associations sans but lucratif d'une clause:d.'affectation des biens par voie de partage en cas de dissolution, nous av()ns soutenu la légalité de pareille disposition. Nous a~ons évidemn1ent exclu de la faculté de partage les biens cm~fiés aux associés en vue d'une-affectation déterminée (Rev. prctt; soc., 1922, n°2479, pp. 2 ss.). La Revue d(3 l'Administration avait soutenu une thèse opposée. Les deux points. de vue ont été confrontés dans notre étude parue dans cette Revue (1922, n° 2517, p. 236).

C'est dolic avec nue vive satisfaction que nous constatons que la jurisprudence confirme une trianière de voir identique à celle que non~ avions proposée à nos lecteurs.

On nous objectera que, dans l'espèce soumise à la Cour d'appel de j . .

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DO'CTRINE (P~RTIE FISCALE)

G-and, l'actif social est constitué en majeure partie sinon .exlusivement par les cotisations des affiliés et qu'au contraire, notre thèse ljl été formulée en termes généraux, même pOtll' les associations où~la situa­tion 'ne serait point telle. Cela est exact. Mais l'objection n'a pas la portée qu'à p1·emière vue, on serait tenté de lui donnei'. L'arrêt a, en effet, envisagé les conséquences de !"éventualité d'un partage et même d'un partage inégal, non pas entre tous les associés et anciens asso­ciés, mais bien d'un partage". entre les sociétaires de la dernière heure à l'exclusion des associés qui se sont retir·és avant le partage final", et d'un pjll'tage devant aboutir, le cas échéant~ à une. répartition faite " dans··une proportion autre que ~elle dans laquelle chacun aura contJ·i­bué a l'avoi1· commuu ". Or, la Cour admet que, même si la situation était telle, l'association à pl·opos de laquelle elle avait à statuer~ serait

. néanmoins à btit non lucratif. 15. - La Cour examine enfin la qÙestion de savoir si, dans l'éven­

tualité de la réalisation· d'un tel partage, celui-ciserait ou non consti­tutif d'un vrai bénéfice poul' les associés qui y participeraient. Même s'il en était ainsi~ répond l'arrêt, il ne serait pas établi par là que la' réserve à partager aur·ait été constituée par des opérations lucratives. Cette circonstance. d'ailleurs " hypothétique et de réalisation loin-· taine ", ne saurait donc modifier' le ca1·actère de l'association, durante societate; L'arrêt ajoute, d'une manière dubitative cette fois: '' Dans cette éventualité le fisc pourrait peut-être à ce moment rnais non actuel­lement, réclamer le paiemeut d'impôts." Nous pensons que, tout au· moins dans l'état actuel de notre législation en manière d'impôts directs, il n'existe aucun texte légal qui permettl'ait d'imposer cet avan­tage réalisé par le~ affiliés con1posant l'effectif sociallof·s de la disso­lution de l'association. Le§ 2de PaJ•ticle 15 des lois coordonnées relatif

·à la taxe m0bilière à percevoit· en cas de partage de l'avoir social ne concerne que les société's par actions civiles ou commerciales ayant en Belgique leur· siège social ou leur principal établissement (Pand. B, yo Tributs et Impôts (Impôts sur les revenus), no 214: CoART-FRÉSART, " Taxe mobilière ", 11° 9, p. 9).

16. - La suite de l'areêt analysé contient une série d'observations dont plusieurs sont plus spécialement prop1·es au cas d'espèce sul'lequels la Cour avait a statuei·. Au point de vue des principes juridiques, qui est éviderüment'le seul point de vue du présent commentaire, nousrele-. v ons cependant quelques considerations, qùe nous formulons ici en les défSageant de 1 'application particulière qui en est faite par la Cour :

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368. DOC!1RINE {PARTIE Ii'ISCALE)

lD Quand, en faît, certaines réserves correspondent a ,des charges; à jes sommes dues ou h un amortisser_nent légalement établi~ elles ne sauraient faire Pobjet d'une matière imposable.

2n On ne peut considérer comme passible de la taxe mobilière la répartition d'une cotisation. Pareille répartition ne constitue pas un · accroissement de richesse dans le che{des affiliés, ni le produit d'tin capital.

3° La notion du capital investi dont les revenus sont passibles de la taxe mobilière ne peut s'ét~ndre qu'at!x sommes engagées d'une ma­nière dm·able dans une affai1·e à base lucrative. -i 17. - a) La conclusion dominante qui sé dégage de la. lecture de ·l'areêt que nous venons de commenter, est qu'une association sai.ls but lucratif ne peut pas 1 comme telle, êt1·e assujettie à la taxe profes­sionnelle ni à la taxe mobilière sur le~ revenus des capitaux investis.

Les associations qui pel'cll'aient de vue ce peincipe fondamental s'ex­posent tout d'abord à payer chaque année des impôts plus au moins considérables qu'elles ne doivent pas payer. Du moment qu'elles se I'econnaissent débitrices de cet impôt, elles ne peuvent pas se refuser à l'application des mesures de· contrô,le établies par· la loi pour la véri­fication des déclarations fiscales exigées des industJ·iels et des commer­çants.

Ces deux inconvénients ne soùt pas minimes. Mais il en est un beau­coup ,plus considérable : 1' association sans but luce a tif qui, nonobstant la doctrine et la jurisprudence~ se reconnaît bénévolement débitrice d'impôts établis ponr Jes exploitations industrielles ou comme1·cialés~ reconnaît par là même qu~elle_ est une exploitation de cette nature et qu'elle n'a donc pas le. dl'oit de se place1' sous leTégime légal des asso­ciations sans but lucratif. Par~ille reconnaissance, enco1'e qu'eUe soit· contl'aire à la· réalité, peut avoir des effets désastrèux. Les associations. en cause mettent ainsi une aetne très puissante dans les mains de ceux

qui voud1·aien_t ~ventuellem. enffaü.·e. pl'Oll?.I~c~r.leur n~tllit~ r~Jdica~e en tant qu'assoctatwns sans ,but Lucraht Celm ~m absprbet•alt consciem­ment un poison aurait beau protester qü'il h'a pas eu l'intention de s'empoisonner: il n'en J'essentirait pas moins· les effets nocifs de la drogue.

b) On lir·a également avec grand intérêt l'arrêt dont il s'agitquand on voudra r·echercher si telle association a ou n'a pas un objet 'non lucPatif. Le caractère ltlCratif f~it défaut a toute <;t8sociation'dont l'acti-· vit~ consiste .uniquement à prémullir ses affiliés ,contre l!1n; risque. La:

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constitution d'une réserve n'est pas exclusive du caractère non luceatif d'une association.

c) L'arrêt démonti'e encore d'une manière lumineuse que les bonis comptables d'une association ne doivent pas être nécessairement con­sidérés comme des bénéfices. Ceux_-ci n~existent que loi·squ'il y a un em'ichissement, une augmentation d'avoir qui est le résult~tt d'opéra­tions lucratives. Cette derrüère réservA exclut de la catégor·ie des bénéfices taxables comme tels, les enrichissements qui ne sont pas destinés à être atti'ibués aux associés soit à titre de dividendes payables immédiatement, soit à--- titre de réserves accumulées pour être ulté­rieul'ement attribuées aux associés. Nous avons fait à cet égard une seule réserve· relative aux activités commerc.iales ou industr·ielles formant l'objet d'une activ.ité accessoire d'une association sans but lucratif (stt2J1'ct, n° 9).

d) Ne sont notamment pas des. bé'néfices taxables comme tels, les revenus des placements non spéculatifs. Ceci ne fa:it évidemment pas

·obstacle à ce que la taxe mobilièt'e ·soit retenue à la source, par· exemple, sur certains coupons de titres.

e) La clause des statuts d'une _association portant qulen cas de dissolution, l'actif net de l'av:oir social sera pat'tagé entre les associés n'est pas incompatible avec le caractère non luct'atif de pat'eille

. association. JoS. fiOEDSEELS,

Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.

No 3270bis. - ERRATUM au no 3262, page 329.

No 3l62 bis. - Loi du 23 juillet 1932 apportant des modifications aux lois sur les droits d'enreJistrement et de souscription et sur les impôts &ur les revenus en matière de fusion de sociétés (JJ!Iorâteur du 31 juillet 1932).

Cette loi reproduite sous le no 3262, p::~ge 329~ y est, pae suite rl'une erre ne typogPaphique. datée dtl " 23 juillet 1930 , .

C'est " ~3 juillet 1932" qu'il faut liee, comme, dn r·este,~I_e co11texte l'indique.

N" 3270bis

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