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27 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année b) Les conférences internationales qui suivent le congrès de Vienne

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27 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année b) Les conférences internationales qui suivent le congrès de Vienne

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28 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 2/ La Société des Nations et l’Organisation des Nations unies a) La Société des Nations

La Société des Nations : de l’espoir à l’échec. Valentin BOUTEILLER Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la nécessité de créer une organisation internationale qui regrouperait la majorité des Etats, et aurait pour but de permettre le développement d’une coopération internationale institutionnalisée, devint de plus en plus évidente aux yeux des décideurs politiques du monde entier. Le 8 janvier 1918, quelques mois avant la signature de l’armistice, le président américain Woodrow Wilson avait en effet exposé devant le Congrès des Etats-Unis, un programme de quatorze mesures visant à l’instauration d’une paix durable entre les différents acteurs du système international. Dans ce discours, plus connu comme les « Quatorze points de Wilson », il évoquait l’idée qu’une « association générale des nations devra être formée sous des conventions spécifiques en vue de créer les garanties mutuelles de l’indépendance politique et de l’intégrité territoriale des Etats grands et petits »1. L’année suivante, lors de la Conférence de paix de Paris, l’idée fut reprise et intégrée au Traité de Versailles signé le 28 juin 1919, créant dès lors la première organisation

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29 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année internationale permanente fondée sur le principe de « sécurité collective » et dont la mission principale était de permettre la résolution pacifique d’éventuels conflits. Cette organisation prit le nom de Société des Nations (SDN) et se réunit pour la première fois à Paris, le 6 janvier 1920. La même année, elle s’installa définitivement à Genève, la ville bénéficiant de l’aura et du statut de neutralité de la Suisse. La SDN comprenait à l’origine 45 membres, soit près de la moitié des Etats se proclamant souverains à cette époque, et connut à son apogée la participation de 57 Etats, tous engagés par l’acceptation commune de certains principes édictés en vue d’assurer la paix mondiale, tels que l’interdiction de la guerre, le respect du droit international, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique des Etats souverains, la réduction des stocks d’armement, etc. L’organisation se composait aussi de plusieurs institutions. Tout d’abord, l’Assemblée, qui réunissait les représentants des Etats membres et tenait des réunions périodiques sur tout sujet relatif à la paix dans le monde. Ensuite, le Conseil, qui se composait de cinq membres permanents (France, Royaume-Uni, Italie, Japon, puis Chine) et quatre non-permanents choisis par l’Assemblée (ce chiffre fut par la suite porté à onze), et qui avait le rôle de l’exécutif au sein de l’organisation. La SDN disposait également d’un secrétariat permanent, dirigé par un secrétaire général, ayant pour mission d’assurer le fonctionnement de l’organisation. Enfin, divers comités spécialisés avaient été crées pour prendre en charge certains domaines spécifiques, tels que le Bureau international du travail (BIT) ou la Cour de justice internationale (nouveau nom donné à la Cour de la Haye créée en 1899). Mais l’organisation souffrait dès son origine d’importants handicaps. Bien que la SDN soit associée à l’œuvre du président américain Woodrow Wilson, son acte fondateur qu’est le Traité de Versailles ne fut jamais ratifié par le Sénat des Etats-Unis, marqué à l’époque par un isolationnisme patent. Celle-ci dut en plus se construire sur les ruines d’une Europe morcelée entre différentes nations, dont le sort fut scellé par l’élaboration d’un traité n’ayant pas pris en compte l’implantation géographique de plusieurs cultures, qui se trouvaient dès lors séparées par les nouvelles frontières de l’après guerre. La SDN ne disposait pas non plus d’une force armée capable d’intervenir dans le cas où un Etat membre n’aurait pas respecté ses engagements. Enfin, malgré que la SDN avait élaboré plusieurs mécanismes visant à contraindre les Etats ayant fait défaut, tels que des sanctions économiques, ceux-ci furent difficiles à mettre en place et étaient relativement inefficaces, d’une part, en raison de la réticence de certains Etats membres à imposer des sanctions aux autres Etats, et d’autre part, car les parties à la SDN n’étaient pas formellement obligées de les respecter. Plusieurs faits ont ainsi marqué l’échec de la Société des Nations. En 1931, l’organisation fut incapable d’empêcher l’invasion de la Mandchourie par le Japon. En 1933, alors que les Etats membres étaient en pleine négociation en vue de leur désarmement, le Japon puis l’Allemagne, qui n’étaient pas favorables aux mesures discutées, quittèrent la SDN. En 1935, l’organisation ne parvint pas non plus à freiner les ambitions de l’Italie d’envahir l’Ethiopie dans le cadre de sa politique coloniale, alors même que ce pays était un Etat membre de la SDN. La discorde au sujet de cet événement mena l’Italie à quitter l’organisation en 1937 et marqua également le point de départ du rapprochement entre Mussolini et Hitler. En 1936, la SDN ne put éviter le déclenchement de la guerre civile en Espagne, guerre qui perdura ensuite jusqu’en 1939. Mais c’est finalement l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale qui donna son coup de grâce à la SDN et fit disparaître l’organisation.

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30 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année

Ainsi, bien que la Société des Nations ait suscité un grand espoir au sein de la société internationale au lendemain du premier conflit mondial, ses faiblesses et ses divers échecs ne lui permirent pas de créer l’état de paix pour lequel elle avait été initialement fondée, le second conflit mondial ayant définitivement fait taire l’enthousiasme pacifique associé à l’organisation. Toutefois, force est de constater qu’en créant un espace de dialogue entre Etats, la SDN eut le mérite de poser les fondations de la coopération internationale actuelle, représentant ainsi la première tentative d’une coordination à l’échelle mondiale dans un objectif de paix. Encore aujourd’hui, la Société des Nations est considérée comme l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui naquit en 1945. 1 Hervé BROQUET, dir., Les 100 discours qui ont marqué le XXe siècle, André Versaille éditeur, 2008, p. 50. b) L’Organisation des Nations Unies Déclaration de Moscou du 30 octobre 1943 : « la nécessité d'assurer une transition rapide et ordonnée de la guerre à la paix et d'établir et de maintenir la paix et la sécurité internationales avec le minimum de détournement des

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31 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année ressources humaines et économiques du monde au profit de l'armement » ainsi que « la nécessité d'établir aussitôt que possible, en vue de la paix et de la sécurité internationales, une organisation internationale fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous les États pacifiques et ouverte à tous les États, grands et petits ».

Préambule de la Charte de San Francisco du 26 juin 1945

(Extraits]

Nous, Peuples des Nations Unies, RÉSOLUS

- à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances,

- à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,

- à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,

- à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,

ET À CES FINS

- à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage,

- à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales, - à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu'il ne sera pas

fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun, - à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et

social de tous les peuples, (…) Nota : ces principes sont repris et développés dans les Chapitres 1, 6, 7 et 9 de la Charte de San Francisco.

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32 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année

L’Assemblée générale

Le conseil de sécurité

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33 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année Le conseil économique et social (ECOSOC)

Le secrétariat général

Le secrétaire général Le vice-secrétaire général Ban Ki-moon (Corée du Sud)

2007-2016 Jan Eliasson (Suède)

Depuis 2012

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34 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année La Cour internationale de justice (La Haye)

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35 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année § (II) - Les transformations doctrinales du droit international public A. Les sources du droit international public 1/ Les normes constitutives du droit international public

L’article 38 (1) du Statut de la Cour internationale de justice

« 1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique : a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige ; b. la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit ; c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; d. […] les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »

2/ L’affirmation de la juridicité des normes constitutives du DIP CIJ, 9 avril 1949, Détroit de Corfou (G.B.c/ Albanie) CPA, 7 septembre 1910, Affaire des Pêcheries de l’Atlantique (G.B. c/ USA) CPJI, 7 juin 1932, Affaire des zones franches (Suisse c/ France) : « il serait incompatible avec le statut de la cour et avec sa position en tant que cour de justice de rendre un arrêt dont la validité serait subordonnée à l’approbation ultérieure des parties ». CIJ, 18 novembre 1960, Affaire de la sentence arbitrale rendue par le Roi d’Espagne (Honduras c/ Nicaragua)

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36 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année CPA, 14 octobre 1902, Affaire du Fonds pieux de Californie (USA c/ Mexique) CPJI (avis), 31 juillet 1930, Communautés gréco-bulgares : « c’est un principe généralement reconnu du droit des gens que, dans les rapports entre Puissances, les dispositions d’une loi interne ne sauraient prévaloir sur celles du traité » SA, 26 juillet 1875, Affaire du Montijo (USA c/ Colombie) : « un traité est supérieur à la Constitution. La législation de la République doit s’adapter au traité, non le traité à la loi. » B. Les rapports du droit interne et du droit international 1/ Les concepts globaux : le dualisme et le monisme

Le dualisme et le monisme en droit international public Dionisio Anzilotti, Cours de droit international, Paris, LGDJ, réimpression de la 3ème

édition italienne de 1929, p. 50 « La question des rapports entre le droit international et le droit interne a pris une place de premier rang dans la littérature moderne à partir de l'ouvrage fondamental de Triepel (1899)*. Contre la conception de la séparation absolue et complète des deux ordres juridiques, soutenue par cet auteur et appliquée avec un grand succès à la solution de certains problèmes fondamentaux, s'est manifestée récemment une conception qu'on a convenu d'appeler la conception moniste, pour la raison qu'elle affirme l'unité, non seulement conceptuelle, mais réelle, de tout le droit. La théorie dont nous parlons prend, à son tour, deux formes assez différentes, suivant qu'elle considère le droit international comme une dérivation ou une délégation du droit interne — c'est ce que l'on appelle le primat du droit interne — soit, au contraire, qu'elle considère le droit interne comme une dérivation ou délégation du droit international — c'est ce que l'on appelle le primat du droit international. » (*) Heinrich Triepel (1868-1946) est un juriste allemand, de renommée internationale, qui renouvela l’étude du droit international public dans son manuel : Völkerrecht und Landesrecht, Leipzig, Hirschfeld, 1899 (trad. fr. R. Brunet : Droit international et droit interne, Pédone, 1920)

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37 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 2/ La question du jus cogens Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (art. 53) : « Aux fins de la présente Convention, une norme impérative de droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère. » CPJI, 17 août 1923, Affaire du vapeur Wimbledon (Grande-Bretagne c/ Allemagne) : « La Cour se refuse à voir dans la conclusion d'un traité quel- conque, par lequel un Etat s’engage à faire ou à ne pas faire quelque chose, un abandon de sa souveraineté. Sans doute, toute convention engendrant une obligation de ce genre, apporte une restriction à l'exercice des droits souverains de l’Etat, en ce sens qu’elle imprime à cet exercice une direction déterminée. Mais la faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de 1’Etat. »

TPIY, 10 décembre 1998, Le procureur c/ Anto Furund’ija : « 153.- Alors que la nature erga omnes dont il vient d’être question ressortit au domaine de la coercition internationale (au sens large), l’autre trait majeur du principe interdisant la torture touche à la hiérarchie des règles dans l’ordre normatif international. En raison de l’importance des valeurs qu’il protège, ce principe est devenu une norme impérative ou jus cogens, c’est-à-dire une norme qui se situe dans la hiérarchie internationale à un rang plus élevé que le droit conventionnel et même que les règles du droit coutumier « ordinaire ». La conséquence la plus manifeste en est que les États ne peuvent déroger à ce principe par le biais de traités internationaux, de coutumes locales ou spéciales ou même de règles coutumières générales qui n’ont pas la même valeur normative. »

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38 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année CIJ, 3 février 2006, Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (RDC c/ Rwanda) : « La Cour estime enfin nécessaire de rappeler que le seul fait que des droits et obligations erga omnes ou des règles impératives du droit international général (jus cogens) seraient en cause dans un différend ne saurait constituer en soi une exception au principe selon lequel sa compétence repose toujours sur le consentement des parties ».

CIJ, 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c/ Italie) : « 95.- Pour autant qu’il serait soutenu qu’une règle n’ayant pas le caractère de jus cogens ne saurait être appliquée si cela devait affaiblir la mise en œuvre d’une règle de cette nature — même en l’absence de conflit direct entre elles, la Cour ne voit rien qui vienne fonder pareille assertion. Une règle de jus cogens est une règle qui ne souffre aucune dérogation, mais les règles qui déterminent la portée et l’étendue de la juridiction, ainsi que les conditions dans lesquelles cette juridiction peut être exercée, ne dérogent pas aux règles de nature matérielle ayant valeur de jus cogens, et il n’est rien d’intrinsèque à la notion de jus cogens qui imposerait de les modifier ou d’en écarter l’application. »

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39 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année

CHAPITRE 2 L’ETAT

SECTION I LE TERRITOIRE

(§) Ier - La détermination du territoire de l’Etat A. La constitution du territoire étatique CIJ, (Avis), 16 octobre 1975, Sahara occidental. 1/ Les différents éléments du territoire étatique 2/ La délimitation du territoire étatique : la frontière SA, 16 novembre 1957, Affaire du Lac de Lanoux (France - Espagne) CIJ, 19 décembre 1978, Plateau continental de la Mer Egée : « Etablir les limites entre Etats voisins, c’est tracer la ligne exacte de rencontre des espaces où s’exercent respectivement les pouvoirs et les droits souverains des Etats concernés » CIJ, 3 février 1994, Différent territorial entre la Libye et le Tchad CIJ, 18 décembre 1951, Affaires des Pêcheries

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40 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année CIJ, 22 décembre 1986, Différend frontalier survenu entre le Mali et le Burkina Fasso SA, 22 avril 1977, Affaire du canal de Beagle entre le Chili et l’Argentine. B. Les territoires qui ne peuvent pas être des territoires étatiques 1/ Les territoires hors territoires étatiques a) Les territoires terrestres hors territoires étatiques b) Les espaces maritimes et aériens hors territoires étatiques CIJ, 9 avril 1949, Affaire du détroit de Corfou. 2/ Les territoires qui ne peuvent être pleinement des territoires étatiques (§) II - Les problèmes juridiques liés au territoire de l’Etat A. L’octroi du territoire à l’Etat 1/L’acquisition du territoire a) L’acquisition à titre originaire CPJI, 5 avril 1933, Affaire du Groenland oriental SA, 28 janvier 1931, Affaire de l’Ile de Clipperton (Mexique c/ France). CIJ, 17 novembre 1953, Affaire des Iles Minquiers etEcréhous. CIJ, 18 décembre 1951, Affaires des Pêcheries CIJ, 30 juin 1995, Affaire du Timor oriental

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41 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année b) L’acquisition à titre dérivé CPJI, 5 avril 1933, Affaire du Groenland oriental : « La conquête n’agit comme une cause provoquant la perte de la souveraineté que lorsqu’il y a guerre entre deux Etats et que, à la suite de la défaite de l’un deux, la souveraineté sur le territoire passe de l’Etat vaincu à l’Etat victorieux » 2/ La succession territoriale CPJI, 25 mai 1926, Intérêts allemands en haute-Silésie polonaise CPJI, 26 juillet 1927, Expropriation de l’usine de Chorzow CPJI, 26 mars 1925, Affaire Mavrommatis SA, 19 janvier 1977, Texaco (Libye) CPJI, 15 décembre 1933, Affaire de l’université Peter Pazmany B. La question de la compétence 1/ Le territoire est le lieu d’exercice de la compétence étatique SA, 4 avril 1928, Ile de Palmas (USA c/ Pays-Bas) CIJ, 19 décembre 2005, Activités armées sur le territoire du Congo CPA, 24 février 1911, Savarkar (France c/ Grande-Bretagne) CIJ (avis), 8 juillet 1996, Licéité de l’emploi ou de la menace d’armes nucléaires CIJ, 20 avril 2010, Usine de pâte à papier sur le fleuve Uruguay : « un Etat est tenu de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un préjudice sensible à l’environnement d’un autre Etat ».

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42 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 2/ Le territoire constitue la limite dans laquelle l’Etat peut exercer sa compétence CIJ, 14 février 2002, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000

SECTION II LA POPULATION

(§) Ier - La population et son rattachement à l’Etat A. La détermination de la population de l’Etat 1/ Les nationaux CIJ, 6 avril 1955, Nottebohm : « la nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments » ; « Il appartient au Lichtenstein, comme à tout Etat souverain, de régler sa propre législation sur l’acquisition de sa nationalité ; la nationalité rentre dans la compétence nationale de l’Etat » 2/ Les étrangers B.- L’extension de la théorie de la population à des questions voisines 1/ Le problème des réfugiés 2/ La nationalité des personnes morales et des choses CIJ, 5 février 1970, Affaire de la Barcelona Traction

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43 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année SA, 17 juillet 1986, Affaire du filetage dans le Golfe du Saint-Laurent (France c/ Canada). (§) II - La conséquence juridique de l’attachement à l’Etat d’une personne physique : la théorie de la protection diplomatique A. La compétence personnelle de l’Etat et l’origine de la théorie de la protection diplomatique 1/ La notion de « compétence personnelle » de l’Etat 2/ Les origines de la théorie de la protection diplomatique B. Le régime de la protection diplomatique 1/ La mise hors jeux des représailles CPA, 22 février 1904, Traitement préférentiel des Puissances assurant le blocus des ports du Venezuela. 2/ Le régime juridique de la protection diplomatique CPJI, 31 août 1924, Mavrommatis : « C’est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l’Etat à protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n’ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l’action diplomatique ou l’action judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international. » CIJ, 20 juillet 1989, Elettronica Sicula SPA SA, 29 mars 1933, Affaire des Forêts du Rhodope central (Grèce c/ Bulgarie)

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44 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année SA, 26 décembre 1898, Affaire Ben Tillet (Royaume Uni c/ Belgique)

SECTION III LE GOUVERNEMENT

(§) Ier - La reconnaissance internationale de l’Etat A. La proclamation d’Etat1 CIJ (Avis), 22 juillet 2010, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo : « qu’il n’existe aucune règle du droit international qui prohibe les déclarations unilatérales d’indépendance » CIJ (Avis), 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie CIJ, 30 juin 1995, Affaire relative au Timor oriental CIJ (Avis), 16 octobre 1975, Sahara occidental. B. La reconnaissance d’Etat 1/ Un Etat est-il libre de reconnaître n’importe quel Etat ? CIJ (Avis), 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie. CIJ, 27 juin 1986, Activités militaires au Nicaragua : « le droit de la Charte concernant l'interdiction de l'emploi de la force constitue en soi un exemple frappant d'une règle de droit international qui relève du jus cogens » 1 Ca A n’est pas divisé en 1/ et 2/.

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45 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 2/ La forme de la reconnaissance d’Etat (§) II.- L’insertion de l’Etat dans les relations internationales A. Les traités Un traité doit être écrit ; plusieurs Etats peuvent s’engager sans écrit, mais dans ce cas, il n’y a pas juridiquement de traité : CPJI, 5 avril 1933, Affaire du Groenland oriental. Normalement un traité produit des effets de droit ; mais certains traités ne sont que de simples intentions politiques sans obligation juridique formelle : Charte de l’Atlantique de 1941, Acte final de la Conférence d’Helsinki de 1975 ou la Charte de Paris pour une nouvelle Europe de 1990. Normalement un traité est soumis à une procédure formelle de ratification par les Hautes Parties Contractantes ; mais, certains accords internationaux ne sont pas soumis à une telle procédure de ratification comme les Mémorandums d’accord et d’entente ou les Arrangements entre administrations techniques des Etats signataires. D’une façon très générale, es traités naissent d’une procédure d’élaboration, posent quelques questions juridiques fondamentales et peuvent disparaître. Ces trois points constituent le plan du développement. 1/ La procédure conventionnelle La procédure conventionnelle, c’est-à-dire la procédure au terme de la quelle naît un traité, comporte des éléments relatifs aux conditions dans

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46 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année lesquelles le traité est élaboré et des éléments liés l’engagement solennel des Etats parties, c’est la ratification. A cette dernière question, on rattachera une question plus secondaire qui est celle de son enregistrement.

│- L’élaboration du traité │- La ratification du traité et son enregistrement

a) L’élaboration La première question est celle des Etats qui vont participer à l’élaboration du texte du traité et qui en seront en conséquence les parties (Hautes Parties Contractantes « HPC »). Dans le cas des traités bilatéraux, les choses sont relativement simples : les deux Etats intéressés vont directement négocier entre eux la rédaction du traité. Dans le cas des traités multilatéraux, les choses sont nécessairement plus compliquées et l’on procédera normalement à la convocation d’une conférence diplomatique (ou internationale) à laquelle participeront les Etats intéressés. Toutefois, une convention multilatérale peut ne concerner qu’un nombre restreints d’Etats (par exemple, les Etats de l’Union Européenne ou les Etats d’une région géographique : les Etats riverains du fleuve X, les Etats des Caraïbes etc.) ; mais elle peut aussi être rédigée en vue d’avoir une application universelle : c’est cas de la plus part des traités élaborés sous les auspices des Nations Unies. L’élaboration du traité commence nécessairement par une phase de négociation ; cette phase est le plus souvent « dématérialisée » lorsque le traité est bilatéral : les deux Etats concernés vont négocier le traité par échange de courrier jusqu’à ce qu’ils tombent d’accord ; mais rien n’empêche deux Etats de

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47 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année se réunir « physiquement » dans un lieu déterminé pour négocier ; ils peuvent même se réunir dans un pays tiers notamment lorsque leurs relations sont particulièrement mauvaises. De même, un pays tiers peut facilité la négociation en jouant les « intermédiaires » sans lui-même être partie au traité. La négociation des traités revient en général au chef d’Etat mais ici le droit international public s’en remet aux dispositions constitutionnelles de chaque Etat ; si en France, la Constitution de 1958 dans son article 52 dit expressément que le Président de la République « négocie » les traités, ce pouvoir est accordé au conseil fédéral par la constitution suisse (art. 184)et au conseil des ministres par la constitution de Cuba de 1976 (art. 96). Comme le chef de l’Etat ne peut pas en pratique négocier directement et personnellement tous les traités, il doit dans la plupart des cas se faire représenter par un plénipotentiaire c’est-à-dire un représentant disposant des pleins pouvoirs pour négocier : en général le ministre des affaires étrangères assure cette fonction mais ce n’est pas une nécessité ; en France, le Président de la République délivre à son représentant des Lettres de pleins pouvoirs. Au début de la négociation, les représentants des HPC s’échangent leurs lettres de pleins pouvoirs afin de bien être certaines que le représentant de l’autre partie (ou des autres parties n’est pas un « guignol » mais bien la personne dûment envoyée pour représenter le chef de l’Etat. Afin de faciliter cet aspect formel des choses, l’article 7 de la conventionne de Vienne sur les traités prévoit que les chefs d’Etat, les chefs de gouvernement, les ministres des affaires étrangères et les chefs de mission diplomatique n’ont pas besoin de « pleins pouvoirs » : ils sont censés les avoir tacitement.

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48 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année Au terme de la négociation bilatérale ou multilatérale au sein d’une conférence internationale, le texte qui est arrêté doit être « fixé » c’est l’authentification qui a lieu par la signature des représentants des Etats. Normalement la signature des Etats n’a pas pour but de les engager mais seulement pour but de fixer définitivement le texte qui a été élaboré. La signature donne au traité sa date et son nom : traité de Paris du X, Accords de Y du 23 février 1920 etc.) En général le texte d’un traité comporte un préambule qui énonce les raisons pour lesquels les Etats parties ont souhaité élaborer le traité, le nom des plénipotentiaires et la mention que ces derniers ont échangés ou vérifiés leurs pleins pouvoirs respectifs. Le traité est rédigé soit en une langue unique, soit dans plusieurs langues dont chacune fait foi. Enfin au texte du traité, des annexes peuvent être jointes comme des cartes géographiques, des tableaux ou des textes plus techniques qui viennent préciser certaines dispositions de la convention. Il ne faut pas confondre les annexes à un traité avec les réserves. Les réserves sont des déclarations émises unilatéralement par les HPC en vue de ne pas être liées par certaines dispositions du traité ou de n’y être liées que sous certaines conditions. Dans les traités bilatéraux, les réserves ne sont admises qu’au moment de la signature du traité (ce qui signifie d’ailleurs que l’autre partie a accepté le principe même des réserves) ; en revanche, dans le cas des traités multilatéraux, les réserves peuvent être déposées soit au moment de la signature, soit au moment de la ratification.

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49 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année Pour être valable, les réserves doivent prendre la forme d’instrument diplomatique équivalent à la ratification (ou contenues dans cet instrument) ; elles peuvent également être exclues par le traité. La jurisprudence internationale a précisé à plusieurs reprises le régime des réserves ; par exemple, la CIJ a estimé qu’une réserve ne pouvait être en contradiction avec l’objet et le but du traité : CIJ, (Avis), 28 mai 1951, Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Lorsque le traité est bilatéral, le traité est rédigé en deux exemplaires originaux dont chaque HPC garde un exemplaire ; mais lorsque le nombre des HPC est plus important, il faut le plus souvent désigné l’une des HPC comme étant le dépositaire du traité. Cet Etat dépositaire qui est désigné par le traité lui-même est, en général, l’Etat sur le territoire duquel a eu lieu la négociation ; lorsque le traité multilatéral a été négocié sous les auspices d’une organisation internationale gouvernementale, cette dernière est le plus souvent désignée pour être le dépositaire du traité. Le dépositaire du traité fait office de notaire : il conserve le texte original du traité, en délivre des copies authentiques, reçoit les instruments de ratification ou de dénonciation etc. b) La ratification du traité et son enregistrement Le traité étant signé, il faut le ratifier (si le mot « ratification » est le plus souvent employé, on parle également « d’acceptation » ou « d’approbation »). La réglementation de la ratification relève du droit constitutionnel de chaque Etat ; c’est en effet, la Constitution de chaque Etat qui dit quel est l’organe compétent pour ratifier les traités et si cette ratification est soumise ou non à l’autorisation du Parlement. En France, c’est le Président de la République qui

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50 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année dispose du pouvoir de ratifier les traités (art. 52 de la Constitution) mais cette ratification n’est toujours autorisée par le Parlement car la Constitution de 1958 précise que seuls certains traités ne peuvent être ratifiés qu’en vertu d’une loi (art. 53). Lorsqu’il y a lieu de ratifier un traité bilatéral, les HPC s’échangent leurs instruments de ratification respectifs ; lorsque le traité est multilatéral, les Etats envoient leurs instruments de ratification au dépositaire et ce dernier informe les autres Puissances que l’Etat X a ratifié le traité Y. Il est important de ne pas confondre la signature d’un traité et sa ratification : la logique veut qu’un Etat qui a signé un traité le ratifie ultérieurement ; mais tout Etat a le droit de signer un traité et finalement de ne pas le ratifier et inversement un Etat peut ne signer un traité puis, finalement, le ratifier. Cette dernière hypothèse est même assez fréquente dans le cas des traités multilatéraux : ce dernier est négocié et signé par un certain nombre d’Etats mais ultérieurement d’autres Etats voudront devenir parties à ce traité (Etat nouvellement indépendant par exemple). Dans ce cas, on peut parler de ratification mais aussi d’adhésion ou d’accession. On rappellera que dans les Mémorandums ou Arrangements techniques, ces traités ne sont pas ratifiés à raison de leur objets « techniques » entre administrations des HPC. Afin de mettre fin (ou de limiter) la diplomatie secrète, le Pacte de la Société des Nations a institué le système de l’enregistrement des traités. Aujourd’hui l’enregistrement des traités est régi par l’article 102 de la Charte des Nations Unies qui prévoit que tous les traités doivent être enregistrés auprès du secrétaire général des Nations Unies lequel en assure la publication. Ainsi

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51 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année depuis 1945, plus de 25.000 traités ont été enregistrés et publiés dans plus de 1.500 volumes par le secrétaire général des Nations Unies. L’article 102 de la Charte prévoit qu’un traité non enregistré ne peut être invoqué devant les organes des Nations Unies. Cependant, la jurisprudence internationale est très souple sur cette question : CIJ, 1er juillet 1994, Délimitation maritime et questions territoriales entre le Qatar et le Bahreïn : « La Cour observera qu'un traité ou accord international non enregistré auprès du Secrétariat de l'organisation des Nations Unies ne peut, selon les dispositions de l'article 102 de la Charte, être invoqué par les parties devant un organe de l'organisation des Nations Unies. Le défaut d'enregistrement ou l'enregistrement tardif est en revanche sans conséquence sur la validité, même de l'accord qui n'en lie pas moins les parties. » 2/ Les principales questions juridiques L’analyse juridique du droit des traités suppose d’importants développement. On se limitera ici à quelques questions que l’on peut estimer plus particulièrement saillantes.

│- La question de la validité │- La question de l’effet

a) La question de la validité Un traité peut-il est remise en question à raison de son invalidité ? La question est traditionnelle et est largement dépendante du fait que le droit des traités s’est fortement inspiré du droit des contrats (l’idée est ‘un traité n’est pas autre chose qu’un contrat entre Etats). Or la question de l’absence de validité d’un traité atteint par des vices du consentement est une question classique du

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52 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année droit des contrats. La transposition de la théorie civiliste est-elle possible en droit international public ? Certains Etats ont considéré – de plus ou moins bonne foi et avec des effets plus ou moins convaincants – que certains traités qu’ils avaient signés et ratifiés dans le passé devaient être considérés comme non valides car leur consentement avait été vicié lors de cette signature et/ou de ce traité. Par exemple, l’Allemagne Nazi considérait le Traité de Versailles comme invalide car ayant été imposé par la force à l’Allemagne. On voit très vite que la question qui prend l’apparence d’une discussion juridique est en réalité purement politique (voir opportuniste). La jurisprudence internationale sans rejeter totalement la théorie des vices du consentement s’est employée à l’adapter à la théorie des traités et donc – nécessairement – à la limiter. Ainsi la cour internationale de justice s’est-elle montrée particulièrement prudente à ce sujet ; le sens de sa jurisprudence est d’accepter en théorie les vices du consentement mais de ne les retenir que très rarement en pratique comme le montre l’exemple 1°- de la contrainte : CIJ, 2 février 1973, Affaire de la compétence en matière de pêcherie : « [Le Royaume uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a considéré dans son mémoire qu’une] contrainte.. aurait prétendument rendu l'échange de notes nul dès l'origine. Il n’y a guère de doute que, comme cela ressort implicitement de la Charte des Nations Unies et comme le reconnaît l'article 52 de la convention de Vienne sur le droit des traités, un accord dont la conclusion a été obtenue par la menace ou l'emploi de la force est nul en droit international contemporain. Il est non moins clair qu'un tribunal ne peut pas prendre en considération une accusation aussi grave sur la base d'une allégation

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53 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année générale et vague qu'aucune preuve ne vient étayer. Le déroulement des négociations qui ont abouti à l'échange de notes de 1961 montre que les instruments ont été librement négociés par les parties intéressées sur la base d'une parfaite égalité et d'une pleine liberté de décision. » (la cour écarte le vice de consentement) ; 2°- ou de l’erreur de fait : CIJ, 20 juin 1959, Affaire relative à la souveraineté sur certaines parcelles frontalières : « Il s'ensuit donc, selon les Pays-Bas, qu'une erreur a été commise et que cette erreur vicie la Convention sur ce point. (...) De l'avis de la Cour, en dehors de la simple comparaison entre le texte du Procès-verbal descriptif et l'exemplaire du Procès verbal communal produit par les Pays-Bas, tous les efforts pour démontrer et expliquer l'erreur alléguée reposent sur des hypothèses qui ne sont pas plausibles et qui ne sont pas étayées par des preuves suffisantes. » b) La question de l’effet Le principal effet du traité est qu’il lie les HPC qui sont tenues de l’exécuter de bonne foi : CIJ, 27 août 1952, Affaire relative aux droits des ressortissants des Etats Unis d’Amérique au Maroc. Notamment, une HPC ne peut invoquer son droit interne pour ne pas appliquer un traité : CPJI (avis), 31 juillet 1930, Communautés gréco-bulgares : « c’est un principe généralement reconnu du droit des gens que, dans les rapports entre Puissances, les dispositions d’une loi interne ne sauraient prévaloir sur celles du traité » ce que la CIJ réaffirme dans CIJ (Avis), 26 avril 1988, Accord relatif au siège des Nations Unies. En revanche, il est de principe qu’un traité n’a aucun effet sur les Etats tiers : CPJI, 25 mai 1926, Intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise sauf dans deux hypothèses majeures :

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54 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 1°- les traités relatifs aux voies de communication internationales bénéficient à tous les Etats : CPJI, 17 août 1923, Affaire du Wimbledon ; 2°- les traités territoriaux (notamment ceux qui délimitent une frontière) : CIJ, 30 juin 1995, Affaire du Timor oriental. On notera que normalement : 1°- un traité n’a pas d’effet rétroactif : CIJ, 1er juillet 1952, Affaire Ambatielos ; 2°- un traité n’as pas d’effet direct sur les personnes physiques ou morales car il ne lie que les Etats parties : CPJI (Avis), 3 mars 1928, Compétence des tribunaux de Dantzig. Toutefois, le droit international admet que dans certaines circonstances très limitées, une HPC puisse ne pas exécuter (ou puisse cesser d’exécuter un traité) : 1°- en cas de force majeure : l’Etat qui n’exécute pas un traité pour cause de force majeure est exonéré de sa responsabilité ; 2°- en cas de légitime défense : il doit s’agir d’une réaction immédiate et spontanée contre une action de force illicite (elle doit, de plus, être proportionnée) ; 3°- l’exercice de représailles (les représailles sont un acte illicite qui répond à un acte illicite de l’autre partie) ; mais l’admission est particulièrement restreinte. Enfin, en cas de difficultés dans l’application d’un traité, une HPC ne peut unilatéralement interpréter ce dernier ; trois solutions sont possibles : 1°- recourir à une interprétation commune et acceptée avec l’autre (ou les autres) HPC ;

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55 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 2°- recourir à un mécanisme de conciliation ou de règlement des conflits qui peut être prévu par le traité lui-même ; 3°- recourir à l’arbitre ou au juge international. 3/ La disparition des traités Si un traité a été conclu, il peut aussi disparaître. La disparition peut provenir du traité lui-même et être en quelque sorte programmée : c’est le cas lorsque le traité est conclu pour un certain temps ou pour une chose précise : lorsque le temps arrive à son terme ou lorsque la chose a été exécutée ou s’est produite, le traité disparaît de lui-même. Mais il y a des cas où la disparition est liée à l’attitude des HPC : soit ces dernières s’entendent volontairement pour faire disparaître en tout partie le traité, soit cette disparition résulte de circonstances non nécessairement voulues par les HPC.

│- La disparition volontaire │- La disparition involontaire

a) La disparition volontaire Les HPC peuvent décider d’un commun accord d’amender, de réviser ou d’abroger le traité : cette situation ne pose guère de problème puisqu’en définitive le premier traité est modifié ou abrogé par un nouveau traité. Toutefois, cette situation devient beaucoup plus complexe lorsque le traité est multilatéral. En effet, dans ce dernier cas quatre situations sont possibles : 1°- soit la convention ne peut être modifiée ou abrogée qu’à l’unanimité des HCP ;

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56 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 2°- soit la convention est modifiée ou abrogée par les HPC statuant à la majorité (ou à une certaine majorité) qui s’impose à la minorité (c’est le cas de la Charte des Nations Unies en vertu de son article 108) ; 3°- soit les HPC qui refusent l’amendement sont considérées comme déliées du traité tout entier (c’était le cas du Pacte de la SDN : l’Etat qui refusait un amendement était de fait exclu de la SDN) ; 4°- soit l’amendement ou l’abrogation du traité ne vaut que pour les seules HPC qui l’acceptent : c’est la situation la plus complexe puisqu’une même convention sera simultanément considérée comme étant en vigueur ou abrogée suivant les Etats considérés ou toutes les HPC qui sont liées par la convention ne le sont pas par un texte identique quand la question porte sur des amendements qui n’ont pas été acceptés par tous les Etats. Enfin, il est admis (art. 56 de la convention de Vienne sur les traités) qu’une HPC puisse dénoncer un traité ou se retirer d’un traité (dans le cas d’un traité multilatéral) ; la dénonciation est donc l’acte exactement contraire à la ratification comme le retrait est exactement contraire à l’adhésion. Pour être valable, la dénonciation (comme le retrait) doivent avoir lieu dans les conditions prévues par le traité et notamment respecter un préavis. b) La disparition involontaire Le droit international public admet qu’un traité peut également disparaître pour des raisons involontaires des HPC (c’est-à-dire que les HPC n’ont pas voulu directement cette disparition). En premier lieu, un traité peut disparaître car son objet lui-même disparait : lorsqu’un Etat disparaît, les traités politiques, notamment bilatéraux, qu’il a pu conclure disparaissent.

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57 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année De même, il est admis qu’un état de guerre entre deux HPC peut aboutir (par voie de conséquence) sinon à la disparition de certains (pas de tous) traités, tout du moins à leur suspension pendant le temps des hostilités. Mais la question la plus complexe est celle du changement des circonstances : un traité a été conclu à raison de certaines circonstances ; lorsque ces circonstances disparaissent ou évoluent très fortement, peut-on considérer que le traité disparaît ? La réponse traditionnelle du droit international public était que le changement des circonstances n’emportait pas la disparition du traité mais que la HPC qui était « victime » de ce changement pouvait demander une révision du traité. La convention de Vienne sur les traités a essayé d’innover en la matière (art. 62) en admettant plus facilement, dans ce cas, la caducité du traité ou sa dénonciation. Toutefois, la portée de ces innovations ne semble pas encore totalement fixée. B. La responsabilité de l’Etat 1/ Les conditions de la responsabilité internationale a) Les conditions d’internationalité de la responsabilité CIJ, 27 août 1952, Affaire des Droits des ressortissants américains au Maroc

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58 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année CPJI (Avis), 10 septembre 1923, Affaire des Colons allemands en Haute-Silésie polonaise CIJ, (avis), 11 avril 1949, Dommages subis au service des Nations Unies, Affaire du comte Bernadotte. CPA, 24 juillet 1956, Affaire des Phares de l’Empire ottoman (France c/ Grèce) CIJ, 24 mai 1980, Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats unis à Téhéran. SA, 29 décembre 1924, Réclamations britanniques dans la zone du Maroc espagnol (Espagne c/ Grande Bretagne) SA, 19 octobre 1928, Georges Pinson (France c/ Mexique) SA, Sambiaggo (1903) (Italie c/ Vénézuéla)2 b) Les conditions de fond CPJI, 14 juin 1938, Affaires des Phosphates du Maroc SA, 11 mars 1941, Fonderie de Trail (USA c/ Canada) CIJ, 25 septembre 1997, Affaire relative au Projet Gabcikovo-Nagymaros CIJ, 27 juin 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua SA, 31 juillet 1928, Naulilaa (Portugal c/ Allemagne) CPJI, 12 juillet 1929, Affaire des Emprunts serbes SA, Affaire du Neptune (1797) (Grande-Bretagne c/ USA)3 2 Cette sentence arbitrale est rapportée intégralement – sans date - dans Reports of international arbitral awards, 1903, vol. X, pp. 499-525, ONU (2006). 3 Cette sentence arbitrale – sans date - est rapportée partiellement dans « Responsabilité internationale : troisième rapport de Garcia Amador » in Annuaire de la commission du droit international, 1958 (II).

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59 Alain Célard – Cours de relations internationales – Licence droit – Première année 2/ Les effets de la responsabilité internationale CPJI, 13 septembre 1928, Affaire de l’Usine de Chorzow SA, 6 mai 1913, Affaire du Carthage (France c/ Italie) SA, 3 mai 1930, Affaire Martini (Italie c/ Venezuela) CIJ, 27 juin 2001, Affaire LaGrand SA, 1er novembre 1923, Affaire du Lusitania (USA /c Allemagne) CIJ, 19 juin 2012, Ahmadou Sadio Diallo