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La Lettre du Neurologue • Vol. XV - n° 10 - décembre 2011 | 349 ÉDITORIAL O utre l’arrivée de nouveaux traitements, l’année 2011 a vu la modification des critères diagnostiques de la sclérose en plaques (SEP). En effet, la publication de nouveaux critères diagnostiques dans le numéro de février d’ Annals of Neurology (1) a permis une simplification majeure des critères diagnostiques de la maladie. Si le poids de l’IRM s’en trouve renforcé et si celui de la clinique reste inchangé, la part de la ponction lombaire a en revanche nettement diminué et les potentiels évoqués ont disparu. Que disent ces critères ? Concernant la dissémination spatiale, le nombre de 9 lésions n’est plus requis : 2 suffisent. Ces lésions doivent être périventriculaires, juxtacorticales, dans la fosse postérieure ou médullaire. Elles sont retenues sur la séquence FLAIR, et la confirmation du T2 n’est plus obligatoire. Leur taille doit être supérieure à 3 mm. Le consortium d’experts n’a pas inclus certains critères morphologiques, tels que leur forme ovoïde ou leur axe perpen- diculaire aux ventricules. Ces derniers éléments sont cependant très utiles en pratique clinique pour différencier les lésions de SEP et les lésions vasculaires ou consécutives à des maladies systémiques. La sensibilité de ces nouveaux critères est de 71,8 %, leur spécificité de 87 %. La dissémination temporelle peut être retenue sur la même IRM. En effet, la mise en évidence sur cette même IRM d’une lésion cliniquement asymptomatique, rehaussée par l’injection de gadolinium, permet de retenir le diagnostic de dissémination temporelle. Dans le cas inverse, un contrôle à distance de l’IRM est nécessaire afin de mettre en évidence une nouvelle lésion ou une lésion rehaussée par le gadolinium, sans que le délai pour réaliser l’IRM de contrôle ne soit précisé. Dans les formes progressives, le diagnostic repose sur une aggravation clinique sur plus d’une année, associée à 2 autres critères sur 3 : 1 lésion cérébrale, 2 lésions médullaires ou un fractionnement oligoclonal des protéines dans le liquide céphalorachidien. Quels sont les éléments à retenir de ces nouveaux critères ? Tout d’abord, une simplification des critères, puisqu’il suffit de 2 lésions pour désigner la dissémination spatiale, à la place des 9 lésions nécessaires jusque-là, ou encore de 2 lésions et de 1 ponction lombaire inflammatoire. Ces critères sont-ils vraiment nouveaux ? Oui, en termes de critères diagnostiques reconnus, mais pas tout à fait quand on connaît l’histoire naturelle de la SEP. En effet, dès 2002, P. A. Brex et al. avaient suivi pendant 14 ans des patients ayant présenté un premier événement inflammatoire (2). Le nombre minimal de lésions à partir duquel les patients souffraient ultérieurement de SEP cliniquement Nouveaux critères 2011 de la sclérose en plaques : le nombre ne fait pas la qualité ! 2011 criteria of multiple sclerosis: quantity is not quality! P. Labauge T. Moreau

Nouveaux critères 2011 de la sclérose en plaques : …Dans les formes progressives, le diagnostic repose sur une aggravation clinique sur plus d’une année, associée à 2 autres

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La Lettre du Neurologue • Vol. XV - n° 10 - décembre 2011 | 349

ÉDITORIAL

Outre l’arrivée de nouveaux traitements, l’année 2011 a vu la modification des critères diagnostiques de la sclérose en plaques (SEP). En effet, la publication de nouveaux critères diagnostiques dans le numéro de février d’Annals of

Neurology (1) a permis une simplification majeure des critères diagnostiques de la maladie. Si le poids de l’IRM s’en trouve renforcé et si celui de la clinique reste inchangé, la part de la ponction lombaire a en revanche nettement diminué et les potentiels évoqués ont disparu.

Que disent ces critères ?

Concernant la dissémination spatiale, le nombre de 9 lésions n’est plus requis : 2 suffisent. Ces lésions doivent être périventriculaires, juxtacorticales, dans la fosse postérieure ou médullaire. Elles sont retenues sur la séquence FLAIR, et la confirmation du T2 n’est plus obligatoire. Leur taille doit être supérieure à 3 mm. Le consortium d’experts n’a pas inclus certains critères morphologiques, tels que leur forme ovoïde ou leur axe perpen-diculaire aux ventricules. Ces derniers éléments sont cependant très utiles en pratique clinique pour différencier les lésions de SEP et les lésions vasculaires ou consécutives à des maladies systémiques. La sensibilité de ces nouveaux critères est de 71,8 %, leur spécificité de 87 %.La dissémination temporelle peut être retenue sur la même IRM. En effet, la mise en évidence sur cette même IRM d’une lésion cliniquement asymptomatique, rehaussée par l’injection de gadolinium, permet de retenir le diagnostic de dissémination temporelle. Dans le cas inverse, un contrôle à distance de l’IRM est nécessaire afin de mettre en évidence une nouvelle lésion ou une lésion rehaussée par le gadolinium, sans que le délai pour réaliser l’IRM de contrôle ne soit précisé. Dans les formes progressives, le diagnostic repose sur une aggravation clinique sur plus d’une année, associée à 2 autres critères sur 3 : 1 lésion cérébrale, 2 lésions médullaires ou un fractionnement oligoclonal des protéines dans le liquide céphalorachidien.

Quels sont les éléments à retenir de ces nouveaux critères ?

Tout d’abord, une simplification des critères, puisqu’il suffit de 2 lésions pour désigner la dissémination spatiale, à la place des 9 lésions nécessaires jusque-là, ou encore de 2 lésions et de 1 ponction lombaire inflammatoire.

Ces critères sont-ils vraiment nouveaux ? Oui, en termes de critères diagnostiques reconnus, mais pas tout à fait quand on connaît l’histoire naturelle de la SEP. En effet, dès 2002, P. A. Brex et al. avaient suivi pendant 14 ans des patients ayant présenté un premier événement inflammatoire (2). Le nombre minimal de lésions à partir duquel les patients souffraient ultérieurement de SEP cliniquement

Nouveaux critères 2011 de la sclérose en plaques : le nombre ne fait pas la qualité !2011 criteria of multiple sclerosis: quantity is not quality!

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Références bibliographiques

1. Polman CH, Reingold SC, Banwell B et al. Diagnostic criteria of multiple sclerosis: 2010 revisions to the McDonald criteria. Ann Neurol 2011;69(2):292-302.

2. Brex PA, Ciccarelli O, O’Riordan JI et al. A Longitudinal study of abnormalities on MRI and disability from multiple sclerosis. N Engl J Med 2002;346(3):158-64.

définie, c’est-à-dire présentaient une deuxième poussée, était de 2. Si, sur leur première IRM, les patients n’avaient aucune lésion ou n’en présentaient que 1, le risque de transformation en SEP était de 15 % à 14 ans. En revanche, au-dessus de 2 lésions, le risque augmentait à 89 % à 14 ans. En 2007, la même équipe confirmait ces résultats. En outre, ces nouveaux critères se rapprochent davantage des critères d’inclusion des études thérapeutiques, qui avaient montré une diminution du risque de présenter une nouvelle poussée à 2 et à 5 ans par la prescription d’un agent immunomodulateur dès le premier événement démyélinisant. Il semble logique de considérer ces critères comme l’aboutissement d’une véritable réflexion dans le diagnostic précoce de SEP. L’analyse neuroradiologique doit en revanche être très rigoureuse car, outre le nombre de lésions et leur topographie, l’analyse morphologique de l’hyper-signal doit être soigneuse : aspect ovoïde, axe perpendiculaire à l’axe des ventri-cules, taille supérieure à 3 mm. En effet, le risque de retenir des lésions comme étant inflammatoires est plus important, notamment par rapport aux causes vas culaires. Il en est de même pour l’atteinte médullaire (myélite partielle, latérale ou cordonale postérieure, base de la pyramide tournée vers les cordons postérieurs), à opposer aux myélites transverses. L’atteinte médullaire est très rarement observée dans les atteintes vasculaires et renforce le diagnostic de SEP.

Dans ce contexte, la ponction lombaire a-t-elle toujours sa place dans le cadre d’un premier événement démyélinisant ? En fait, si on s’en tient aux critères actuels, la réalisation de la ponction lombaire n’est plus obligatoire dans les formes rémittentes.Les critères de dissémination temporelle se sont également nettement simplifiés avec, sur la première IRM, la mise en évidence de lésions asymptoma-tiques rehaussées par le gadolinium et donc récentes. Cela semble logique : les lésions non rehaussées ayant statistiquement plus de 6 semaines témoignent d’une évolution dans le temps (lésions d’âges différents). Pour les formes progressives, la simplification va dans le même sens au niveau radiologique, avec au moins 2 lésions médullaires. L’aggravation clinique et la ponction lombaire restent nécessaires au diagnostic. En effet, une ponction lombaire inflammatoire oriente fortement vers une SEP, moins vers une affection dégénérative ou génétique comme une ataxie cérébelleuse progressive ou une paraparésie spastique.Charcot est donc toujours là, avec sa quête d’une dissémination temporo-spatiale. Bienvenue à Swanton et au groupe collaboratif européen MAGNIMS, à l’initiative de cette révision. Un petit au revoir à Barkoff et à Tintoré, et, enfin, un adieu définitif aux potentiels évoqués…

P. Labauge*, T. Moreau*** Service de neurologie, CHU de Montpellier.

** Service de neurologie, CHU de Dijon et rédacteur en chef.

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