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Être complémentaires pour mieux accompagner les élèves Numéro 142 Février • Mars 2007

Numéro 142 Février • Mars 2007...sommaire 2007 Vie pédagogique, février •mars Mot de la rédaction 4 Le français, matière rébarbative ou pas? par Nancy Granger Un article

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Page 1: Numéro 142 Février • Mars 2007...sommaire 2007 Vie pédagogique, février •mars Mot de la rédaction 4 Le français, matière rébarbative ou pas? par Nancy Granger Un article

Être complémentaires pour mieux accompagner les élèves

Numéro 142 Février • Mars 2007

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2007sommaireVie pédagogique, février • mars

Mot de la rédaction

4Le français, matièrerébarbative ou pas ?par Nancy Granger Un article qui fait le tour desperceptions au sujet du cours defrançais, discipline-clé et source denombreuses polémiques. Ce textefait un portrait qui, tout en étantexhaustif, aborde la question defaçon synthétique.

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« Sans soutien, j’aurais couléavec le bateau » : récitd’expériences vécues par des stagiaires dans desclasses multiâgespar Glorya Pellerin, Daniel Martinet Lorraine NobertLes stages pour les jeunesenseignants sont des passagesobligés pour garantir la formationpratique et le transfert des acquisthéoriques. Quand cette étape secouple d’une démarche dontl’objet est de faire ressortir despistes d’action pour guider lenéophyte, l’expérience mérited’être partagée, ce que nouspropose cet article.

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Pour une école communautaireEntrevue avec le docteur Gilles JulienPropos recueillis par Guy LusignanQuelle est la place de l’école et des enseignantes et des enseignantsdans une approche communautaire? Cet entretien donne l’occasion audocteur Julien de nous faire part deses réflexions.

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Réintégrer des élèvesprésentant des troubles decomportement : un exemplede démarchepar Shirley Carignan, Line Masséet Catherine LanarisDescription d’une démarched’intégration d’élèves présentantdes difficultés comportementalesimportantes. Cet article mérite le détour. Les auteures nousprésentent six recommandationsqui fournissent des balises trèsintéressantes pour les enseignantsqui travaillent avec ces élèves.

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histoire de rire

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lus, vus et entendus

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Indiscipline, conflits et violence : pistes nord-américainespar Judith M. Lapointe et H. Jérome FreibergDans un contexte où la violence est l’objet de programmes particuliers duministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et puisque cette questionpréoccupe le milieu scolaire, ce texte s’avère une source d’informationsnon négligeables.Vous y retrouverez non seulement les références à un ensemble deprogrammes, mais également un outil d’analyse qui permet d’évaluer lapertinence de ces derniers.

Comprendre le portrait d’apprentissage perçu par des élèves« raccrocheurs » pour mieux intervenirpar Louise Langevin, Sylvie C.Cartier et Josianne RobertUn pourcentage significatif d’élèves décrocheurs « raccrochent ». Deschercheures se sont intéressées au profil motivationnel ainsi qu’auxstratégies d’apprentissage privilégiées par ces élèves.

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Seul on va plus vite,ensemble on va plus loinLe Programme de formation del’école québécoise : un repèrecommun pour la concertation desinterventions éducatives

par Nicole Gagnon

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L’Iceberg de lacommunicationpar Marie-France Gaumont et Paul Turpin

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ÊTRE COMPLÉMENTAIRES POUR MIEUX ACCOMPAGNER LES ÉLÈVES

« La main gauche ne sait pas toujours ce que la main droite fait. » Cette phrase résume trop souvent lesperceptions des enseignants et des enseignantes, qui se situent à la base de la pyramide des décisions. Ilssont sur la première ligne de l’agir qui incombe à l’école. Ce dossier tente d’analyser les façons de mettreen œuvre des stratégies qui permettront à l’école de travailler dans une véritable cohérence, pour garantirdes conditions qui favorisent une meilleure concertation.

dossier10

Complémentarité : un mot« payant » au scrabble!Table ronde sur lacomplémentarité dans le mondede l’éducationpar Lise Lagacé

15

L’ABC de la communicationentre parents et enseignantspar Laurence Houllier

25Du temps pédagogique pour se parlerpar Huguette Martin

28

La communication, unebougie d’allumagepar Claude Daviau

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Impliquer les parents à l’école : de bonnespratiques émergentespar Badiaa Mellouk

38

Un groupe d’enseignantes dupréscolaire se donne un« espace réflexif »par Hélène Larouche et Lise Francoeur-Vincent

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Une vision intégrative des interventions dans une école primairepar Ghislaine Cloutier

33Les relations entre l’école etla famille : une question decommunication!par Louise Sarrasin

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L’école en partenariat avec la communautéSynthèse d’une étude exploratoireCe document étudie une variété d’expériences de collaboration école–communauté.Vous trouverez le rapport intégral sur le site Internet suivant :http:// www.meq.gouv.qc.ca/stat/recherche/doc06/MELS_Partenariat_FR_470982.pdf

Pour aller plus loin dans le dossier

Quelques nouvelles

ALLÔ PROFDe l’aide aux études gratuite, conviviale, professionnelle et confidentielle!Allô prof est un organisme d’aide aux devoirs subventionné par leministère du l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), qui offregratuitement un soutien à l’apprentissage aux élèves du Québec et àleurs parents.Du lundi au jeudi, de 17 h à 20 h, des enseignants de toutes lesclasses et de toutes les matières sont disponibles pour répondre auxquestions d’ordre scolaire. On peut les joindre par téléphone ou parInternet.Montréal : (514) 527-3726 • Québec : (418) 843-5355Ailleurs : 1-888-776-4455http://www.alloprof.qc.ca (cliquer sur « Cyberclasses »)

300 ans de manuels scolaires au Québec

Exposition présentée du 21 novembre au 27 mai 2007 à la Grande Bibliothèque

Visites commentées, programme scolaire et carnet de l’enquêteur sont offerts gratuitement aux enseignants. Vous pouvez consulter l’horaire complet des visites sur www.banq.qc.ca

Un dossier pédagogique complet, intitulé Les enseignants sous la loupe, est également disponible sur ce portail. Il propose un ensemble d’activités à réaliser en classe avant et après la visite de cetteexposition qui permet de suivre la progression spectaculaire qu’a euel’école au Québec.

32e congrès de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA) :www.aqeta.qc.caDu 21 au 24 mars 2007

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M o t de la r é da c ti o n

Un enfant à la mer

Rentrée scolaire, une cour d’école, une enseignanteobserve tous les nouveaux petits de maternelle. Ilsarrivent heureux de faire enfin partie des grands quivont à l’école. Certains de ces enfants jouent immé-diatement avec des amis, d’autres, plus timorés,attendent sagement près de la porte, les yeux écar-quillés. Ils craignent de ne pas entendre la consignequi les fera pénétrer dans ce lieu investi de tous lesmystères.Ils ont tous leur beau sac à dos encore propre.L’excitation est palpable, mais l’enseignante ne peuts’empêcher de se demander : « Lesquels d’entre eux,lesquelles d’entre elles ne se rendront pas au bout dece grand voyage de la scolarité : traversée ponctuéed’étapes qui mènent tranquillement vers le diplômed’études secondaires, premier jalon de la vied’adulte? » Lequel de ces enfants quittera de lui-même le bateauet sautera prématurément dans le grand monde sansavoir tous les outils pour devenir un citoyen à partentière? La plupart de ces enfants se rendront à bonport, mais les statistiques ne mentent pas. Tropd’élèves encore, des garçons surtout, attendentpatiemment d’avoir l’âge de quitter l’école, mêmes’ils n’ont pas encore obtenu leur diplôme. Ils veulentvoler de leurs propres ailes. Ils sont assis à leurpupitre dans la classe, mais leur esprit est ailleurs. Lesrésultats scolaires sont généralement fonction de leurmanque d’intérêt. Et certains de ces élèves commen-cent déjà à se mettre en marge, même s’ils restentinscrits à l’école.Lorsqu’un enseignant ou une enseignante commenceà détecter chez un jeune les premiers signes dudécrochage à l’intérieur des murs de l’école (drop-in),c’est le début d’un combat… Les signaux d’alarmesont parfois difficiles à percevoir, mais ils sont persis-tants et il n’est jamais trop tard pour tenter une inter-vention.Comme un médecin devant un patient atteint d’unmal chronique, l’enseignant a souvent cherché pen-dant plusieurs mois le traitement qui aurait redonnéle goût d’apprendre à un enfant en panne d’intérêt.Généralement, les enseignants aiment croire que cetétat est passager et qu’il y aura rémission. Ils sup-posent, souvent fort justement, qu’il s’agit d’un sim-ple détour de l’adolescence. Mais parfois les signes sefont insistants, le jeune résiste à toutes les interven-tions et il s’enfonce dans la passivité, accumulantéchecs après échecs.Dans la solitude de sa classe, l’éducateur observe,impuissant, le long décrochage d’un jeune qui tran-quillement s’inscrit dans la marge. Le passager de cevoyage de traverse manifeste une perte de tonus, dela tristesse, un manque d’entrain et des comporte-ments déviants et parfois autodestructeurs. Comme sile goût de vivre s’étiolait… D’autres statistiques sesuperposent parfois dans l’esprit de l’enseignant.Devant une telle détérioration – comme un médecindevant un malade qui lui échappe – l’enseignant a le

sentiment de ne pas avoir réussi à insuffler cettepetite flamme qui donne le goût de la découverte. Cepetit éclat, qui peut passer par le regard ou l’em-pressement à participer à des activités, s’appelle lamotivation. Elle est dans le meilleur des cas venue del’intérieur, d’une volonté réelle de s’inscrire dans leparcours que propose l’école à travers les pro-grammes des diverses disciplines. L’enfant motivé estheureux à la venue des vacances, mais le retour enclasse est pour lui, avec l’odeur des livres neufs, synonyme de l’excitation à faire de nouvelles décou-vertes. Certes, selon l’âge, l’emballement est modulé,mais les stratégies d’enseignement des enseignantsviennent à bout des baisses de tension dans lecourant de l’alternateur de l’intérêt.Parfois, la motivation est dictée par les parents; elleest plus extérieure à l’enfant, donc plus fragile, maisl’élève croit quand même en l’école pour structurerson identité et s’inscrire dans une réalité qui lui plaît.Mais, si plus rien ne marche, si toutes les stratégies(voire les stratagèmes) des enseignants ne donnentaucun résultat, ces derniers se sentent parfois dému-nis à la fin du premier cycle du secondaire. Leursinterventions sont des gouttes d’eau dans l’océan,devant un problème chronique remontant au pri-maire. Ces soins intensifs de l’intervention péda-gogique exigent de la part des enseignants despirouettes de créativité et d’imagination qui ne don-nent que des résultats peu concluants, comme s’il fal-lait agir pour agir, alors que la nécrose dudésenchantement a fait son œuvre.Un éducateur ne peut pas ne pas intervenir; il en vade son code d’éthique. Mais les échecs successifs sontdes facteurs d’épuisement professionnel. C’est alorsque la force d’un travail d’équipe se confirme dans lacomplémentarité des actions, lesquelles ne s’ajoutentpas les unes aux autres mais se combinent pourmieux se décupler dans l’urgence de la situation.En effet, ce processus est long. Pour les intervenantsdu milieu scolaire, le moment où l’élève décrochephysiquement de l’école est souvent le constat d’unéchec.Les réflexions autour de la différenciation et le travailde cycle dans une approche orientante1 sont despistes à explorer pour redonner à une équipe d’en-seignantes et d’enseignants les outils pour mieuxintervenir dès les premiers signes de démotivation.Il n’y a pas de recettes magiques et les facteurs sociaux ne peuvent pas être ignorés. Mais qu’est-cequ’on à perdre à essayer ensemble?

Camille [email protected]

1 L’approche orientante : À chacun son rêve pourfavoriser la réussite : http://www.mels.gouv.qc.ca/dfgj/csc/general/chacun/chacun.html

4 Vie pédagogique no 142 Février • Mars 2007

Numéro 142Février • Mars 2007Revue québécoise de développement pédagogiquepubliée par le Secteur de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaire, en collaboration avec la Direction des communicationset la Direction des ressources matérielles.Secteur de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaire Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport600, rue Fullum, 10e étageMontréal H2K 4L1Tél. : (514) 873-8095Téléc. : (514) 864-2294Courrier électronique :[email protected] pédagogiqueSOUS-MINISTRE ADJOINTPierre BergevinDIRECTIONCamille MarchandCOMITÉ DE RÉDACTIONGhislaine BolducHélène BombardierYvon CôtéRéjeanne CôtéChristine CoutureThérèse Des LierresNicole GagnonLaurence HoullierCamille MarchandArthur MarsolaisJacqueline NoëlMarie-France NoëlMarthe Van NesteMarc-Yves VolcySECRÉTARIATJosée St-AmourCOORDINATION À LA PRODUCTIONMichel MartelDISTRIBUTIONFrance PleauRÉVISION LINGUISTIQUESuzanne VinetPHOTOCOMPOSITION TYPOGRAPHIQUE ET PHOTOGRAVUREComposition OrléansPHOTO DE LA PAGE COUVERTUREDenis GaronPUBLICITÉDonald BélangerTél. : (450) 974-3285Téléc. : (450) 974-7931Dépôt légal, Bibliothèque nationale du QuébecISSN 0707-2511Les textes publiés dans Vie pédagogique sont indexésdans le Répertoire canadien sur l’éducation et dans Repère.Les opinions émises dans les articles de cette revuen’engagent que les auteurs et non le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.Toute reproduction est interdite. Cependant, les étudiants et le personnel d’un établissementd’enseignement situé au Québec peuvent, à des finspersonnelles ou d’enseignement, reproduire la totalitéou une partie des articles figurant dans la revue Vie pédagogique, à condition d’en citer la source,lorsqu’applicable. Toute autre reproduction,notamment à des fins commerciales, nécessitel’autorisation du titulaire de droit.Au Québec, on peut recevoir gratuitementVie pédagogique en écrivant à :Vie pédagogiqueService de la diffusionMinistère de l’Éducation, du Loisir et du Sport3220, rue Watt, bureau 101Sainte-Foy (Québec) G1X 4Z7ou en consultant le sitewww.viepedagogique.gouv.qc.ca98-0808

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Vie pédagogique no 142 Février • Mars 2007

POUR UNE ÉCOLE COMMUNAUTAIRE Entrevue avec le docteur Gilles Julien

Propos recueillis par Guy Lusignan

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Bien connu au Québec pour son engagementsans retenue auprès des enfants des milieuxdéfavorisés, le docteur Gilles Julien, pédiatresocial, a accepté de rencontrer Vie péda-gogique1 pour faire connaître son point devue sur la place importante qu’occupent l’école et les enseignants dans une approchecommunautaire d’aide aux enfants. Aprèsavoir fondé le centre Assistance aux enfantsen difficulté (AED), dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve en 1996, il a ouvert le Centre deservices préventifs à l’enfance (CSPE), dansCôte-des-Neiges, en 2004. L’idée de donnerdes services adaptés aux enfants des milieuxdéfavorisés germait depuis bien longtempsdans l’esprit de Gilles Julien. Comme il lementionne lui-même, « c’est un vieux rêvequi est né d’une démarche assez longue d’es-sais et d’erreurs, mais qui visait essentielle-ment le développement d’une pratique depédiatrie sociale et communautaire. Je savaisquel genre de pratique je voulais faire, maisje ne savais pas comment cela se ferait ». Sapratique au CLSC du quartier Hochelaga-Maisonneuve le fait connaître du milieu etc’est l’école Saint-Clément qui est la premièreinstitution à venir le chercher. La directrice,aujourd’hui à la retraite, lui avait dit : « Moi, jeveux vos services, j’en ai besoin. On pourraittravailler ensemble. » Pour le rejoindre plusfacilement et pour qu’il réponde plus rapide-ment aux besoins des enfants, elle lui procureun téléavertisseur et lui offre un bureau dansl’école. « C’est parti comme cela et après, touts’est mis à rouler comme une boule deneige. » Une école qui sollicite l’aide exté-rieure, un milieu conscient de ses besoins,une personne qui sert de catalyseur et voilàle début d’un projet d’avenir porteur d’espoir.C’est avec une équipe multidisciplinaire for-mée de personnes désireuses de travaillerdans ces milieux que Gilles Julien réalise son œuvre : infirmières, psychoéducateurs,travailleurs sociaux, psychologues et art-thérapeutes sont impliqués dans l’interven-tion et beaucoup de bénévoles participent àl’aide aux devoirs, à la préparation dessoupers, à l’accompagnement, à la chorale etaux sports.

Vie pédagogique : Quelles sont les princi-pales caractéristiques des deux centresque vous avez fondés?

Gilles Julien — Ces deux centres de pédia-trie sociale ont des valeurs communes quivisent à rendre accessibles aux enfants desservices complets dans leur milieu même etavec les gens du milieu, dans une perspectivede soutien à leurs besoins et à leur droit fon-damental d’être aidés, tout en respectant lesvaleurs culturelles locales. On s’assure qu’iln’y a pas d’enfants qui restent sans services.

V. P. — Quel soutien donnez-vous auxenfants dans vos deux centres?

G. J. — C’est d’abord de favoriser un accueilde qualité. Il est extrêmement important d’ap-privoiser les parents et les enfants, de s’enfaire des amis, de créer des liens d’attache-ment, de confiance et de respect mutuel. Parla suite, on essaie de décoder les difficultés etde comprendre les besoins. C’est à partir decette première analyse que l’on peut dévelop-per un plan d’action qui va se déployer danstoutes les directions. Si l’enfant a des besoins

physiques, médicaux, alimentaires, d’accom-pagnement par rapport à l’estime de soi, d’at-tachement ou de soutien scolaire, l’équipepeut le soutenir et suppléer à ses manques.

V. P. — L’aspect scolaire est importantpour vous?

G. J. — Oui, beaucoup. On travaille en parte-nariat étroit avec les écoles dans les deux pro-jets. Dans une forme de complémentaritéautour de l’enfant, toujours dans la perspec-tive où ses droits seront respectés.

V. P. — De façon générale, comment tra-vaillez-vous avec le milieu scolaire?

G. J. — Nous avons des rencontres d’équipetous les mois, dans chaque école. Tous lesintervenants impliqués sont là, la direction,les enseignants, les professionnels de l’école,notre équipe, ainsi que les professionnels duCLSC, en particulier la travailleuse sociale.Ces rencontres nous permettent de travaillerde façon conjointe, complémentaire. C’estune approche qui repose sur un modèled’échange d’expertise et d’implication mu-tuelle. On se partage les tâches afin d’attein-dre un but commun. C’est d’une efficacitéincroyable. C’est plus facile de travailler decette façon-là et, pour les parents, cela a plusde sens.

L’un des volets de notre intervention consisted’abord à considérer des cas particuliersd’enfants qui sont amenés soit par l’école,soit par nous. On discute des cas, on partagedes informations et on s’entend sur un pland’action à mettre en place pour aider l’enfant.Notre intervention peut aussi prendred’autres formes. Par exemple, je peux ren-contrer des groupes d’enseignants pour par-ler de l’aspect formatif, je peux aller dans desclasses observer des enfants à la demande del’enseignant ou observer la classe afin dedépister des enfants qui sont en plus grandedifficulté. Parfois, je vais dîner dans uneclasse avec les enfants et l’enseignant. Laméthode est variable et s’adapte aux besoins.

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Il y a un échange. Je suis considéré commemédecin et comme faisant partie d’une équipe-école. C’est précieux, aux yeux des enfants etdes parents. Cette ouverture de l’école auxintervenants de l’extérieur est intéressante,car c’est un peu à la base du concept d’écolecommunautaire ouverte sur le milieu, quiaccueille des personnes ayant des expertisesdifférentes et qui les intègre dans son sys-tème pour le bien de l’enfant. C’est le conceptde l’école communautaire en termes de res-sources et de services.

V. P. — Pouvez-vous donner un exemplede l’application du concept de l’école com-munautaire?

G. J. — Ici, dans Côte-des-Neiges, un projetnommé École et milieu en santé impliquequatre écoles qui réalisent des actions extra-ordinaires. L’arrimage entre les écoles, leCLSC, le CSPE et le centre communautaire apermis d’ouvrir les écoles le samedi pouroffrir des loisirs aux enfants. Et on connaît lescontraintes que l’on doit surmonter : lesassurances, le salaire à verser aux concierges,le financement, etc. Le projet a pu se réaliserparce que tout le monde voulait qu’il seréalise! Les directions d’école ont été extraor-dinaires. À cela s’ajoute le dépistage desenfants ayant un trouble envahissant dudéveloppement, à qui on n’offrait pas de ser-vices à leur entrée à l’école. Avec la collabora-tion d’une école et du regroupement, on aréussi à faire ouvrir dans le quartier troisclasses pour enfants autistes de quatre et cinqans. Ainsi, on a mis au point depuis l’annéedernière un système de dépistage des enfantsqui présentent ce type de problème, afinqu’ils aient accès rapidement à des servicesde stimulation du langage, de psychomotri-cité et de socialisation, et ce, avant même leurentrée à l’école. C’est grâce aux équipes com-plémentaires formées par les agents d’éduca-tion dans les écoles, l’équipe du CSPE et leCLSC – entre autres, la travailleuse sociale –que ce dépistage peut être fait. Ensemble, onrencontre tous les parents et les enfants. Jedois ajouter que deux orthophonistes sontprêtés au CSPE par le regroupement à raisonde deux jours et demi par semaine, pour tra-vailler avec nous dans le milieu. Cette ouver-ture de l’école et le travail en partenariatpermettent aux parents et aux enfants de s’in-tégrer au milieu scolaire et d’élaborer un plan

avec les familles pour que les enfants soientmieux préparés pour entrer à l’école et qu’ilspuissent poursuivre une trajectoire réussie.

V. P. — Dans un quartier multiethniquecomme celui de Côte-des-Neiges, quellesdifficultés rencontrez-vous avec les enfantset les parents? Quelle aide recevez-vousdu milieu scolaire?

G. J. — Il y a des difficultés supplémentaires,mais pas autant que l’on pensait. La princi-pale est la langue. La plupart des parents neparlent pas français et plusieurs ne parlentmême pas anglais. Cette situation nuit à l’ac-cès des parents à l’école. Cependant, la col-laboration des écoles est excellente et semanifeste par la mise à notre disposition desagents de milieu dont la fonction est de servird’intermédiaires entre les différentes cultureset l’école, non seulement en ce qui a trait à lalangue mais aussi pour l’adaptation cul-turelle. Ces agents de milieu sont extraordi-naires et nous aident à nous associer à desfamilles de cultures différentes. En nous prê-tant ces ressources, l’école nous a facilité lacommunication avec les familles. Quelle quesoit la culture, les parents veulent que leursenfants arrivent à l’école dans de bonnesconditions. Donc, à partir du moment où onest capable de communiquer avec les pa-

rents, qu’on leur parle de leur enfant, qu’ilsse rendent compte que l’on veut le soutenir, ily a une adhésion immédiate et complète.

V. P. — Dans un tel contexte, peut-on par-ler de l’enseignant comme d’un médiateurcapable de créer des synergies entre lesdifférentes cultures qu’il rencontre danssa classe ou son école?

G. J. — Tout à fait. Dans Côte-des-Neiges,une classe, c’est presque la carte géo-graphique au complet. Il n’y a pas de barrièreculturelle dans la classe. Les enfants sont decultures différentes, de religions différentes,ils sont habillés différemment et ils viventdans des conditions de vie variables. Unenfant étant un enfant, il va s’adapter rapide-ment et se comporter de façon tout à faitadéquate et conforme s’il n’y a pas d’adultequi vient lui mettre des barrières. Cephénomène est étonnant et c’est toujoursrenversant de le constater. Quant auxenseignants, ils sont extraordinaires, car engénéral, ils respectent les besoins personnelsparticuliers de même que certains rituels cul-turels ou religieux. Pour eux, les enfants sonttous sur le même pied d’égalité et ont commeobjectif commun d’apprendre le français etles autres matières scolaires. Il y a une espèced’homogénéité étonnante, dans une classe,qui devrait servir d’exemple aux adultes dansla communauté.

V. P. — Comment percevez-vous le rap-port des parents avec l’école dans lesdeux quartiers où sont situés vos centresd’aide ? Quel est votre rôle?

G. J. — Je travaille dans des milieux multi-culturels et appauvris. Dans Hochelaga-Maisonneuve, on s’associe à un milieu en étatchronique de pauvreté, auprès de Québécoisde souche qui vivent des problèmes d’anxiétéface à l’école, pour des raisons historiques.Très souvent, les parents y ont éprouvé beau-coup de difficultés et des expériences trauma-tisantes et ils perçoivent souvent l’écolecomme menaçante. Notre approche vise àaider les familles à se réapproprier l’école et nous servons souvent d’intermédiaires afin de créer des arrimages famille-école.Dans Côte-des-Neiges, qui est un milieu multiethnique, c’est différent car c’est engrande partie un milieu de passage; les gens

6 Vie pédagogique no 142 Février • Mars 2007

POUR UNE ÉCOLE COMMUNAUTAIRE

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n’y habitent en général pas longtemps.Plusieurs quittent le quartier pour s’établirailleurs au Québec ou au Canada. Certainesfamilles ont vécu des traumatismes impor-tants car leur migration s’est souvent faite parobligation, pour sauver leur vie ou pouraméliorer les conditions de vie de leursenfants. Beaucoup de parents ont peur dessystèmes et ne leur font pas con-fiance. AuQuébec, en général, on s’attend à une colla-boration importante de la part des parents, cequi n’est pas le cas dans beaucoup d’autrespays et les parents immigrants ne savent pastrop comment réagir à cette réalité. Laméconnaissance de notre système d’éduca-tion engendre des difficultés supplémen-taires. Les traumatismes vécus lors de lamigration les rendent méfiants et les amè-nent à se renfermer sur eux-mêmes dans lafamille, les empêchant ainsi de profiter desressources existantes. Le projet École etmilieu en santé permet d’apprivoiser lesfamilles par le biais des besoins des enfantset de les aider à s’approprier le système sco-laire et à lui faire confiance.

V. P. — Selon vous, pourquoi l’école tient-elle un rôle important auprès de l’enfantet des parents?

G. J. — L’école est une référence majeuredans les deux milieux où je travaille. DansCôte-des-Neiges, c’est le lieu d’adaptationculturelle et sociale à une nouvelle société.C’est à travers l’école que cela se passe; c’estce qui va même amener les parents à s’inté-grer dans notre société et avec leurs enfants,à commencer à s’ouvrir sur la communauté.Dans Hochelaga-Maisonneuve, l’école est un

lieu de paix que les enfants ne retrouvent pasdans leur milieu. C’est leur lieu d’apparte-nance, après la maison. C’est souvent unedeuxième famille. Mais pour certains enfants,l’école est aussi un lieu d’appartenance avantla maison. Il faut s’enlever de l’esprit que l’école est seulement un lieu de savoir; c’estaussi un lieu qui fait partie des bases dudéveloppement de l’enfant. Si l’école n’étaitpas là, plusieurs enfants seraient perdants.Pour l’enfant, l’école est un milieu de vieattachant.

V. P. — Comment l’enfant perçoit-il sesenseignants?

G. J. — En général, les jeunes élèves du pri-maire sont en admiration devant leursenseignants et c’est important que cesderniers le sachent. Il est étonnant de cons-tater à quel point les enseignants ne sont pasau courant de cette réalité. Peut-être qu’ils nele constatent pas faute d’avoir suffisammentde recul. On doit leur dire. Il ne faut pasoublier que pour l’enfant, son enseignant estbien souvent sa première idole. C’est unprocessus très intégrateur dans son dévelop-pement. L’attachement d’un enfant à sonenseignant est un sentiment qui rassure vrai-ment l’enfant. Quand des enseignants quit-tent une école, certains enfants vivent undeuil important. Les enseignants représententsouvent les premiers adultes significatifsaprès les parents. Pour certains enfants,l’enseignante est une deuxième mère. L’im-portance que l’école prend aux yeux de l’en-fant et son attachement à ses enseignantsm’amènent bien souvent à m’opposer à l’ex-clusion d’un enfant de son école.

V. P. — Pourriez-vous élaborer sur lesraisons qui vous amènent à vous opposerà l’exclusion ou au retrait d’un enfant deson école?

G. J. — Je rencontre des cas d’exclusiondans mes interventions. Parfois, on suspendun enfant un, deux ou trois jours, ou on le faitfréquenter l’école à demi-temps. Toutes cesexclusions me font réagir car on vient de briser un lien important. Si une famille mettait un enfant dehors pour le punir, ondirait immédiatement que c’est une mauvaisefamille. C’est un peu la même chose pourl’école qui choisit ce moyen. Dans les quartiersoù je travaille, pour toutes sortes de raisons,les parents ne sont pas souvent à la maison.Dans Côte-des-Neiges, plusieurs parents tra-vaillent de 10 à 15 heures par jour. Quand ilssont seuls à la maison, les enfants se retrou-vent parfois dans des conditions dangereuseset dévalorisantes. Si l’école est un milieu devie, il faut aussi qu’elle se mêle de leur vie.L’école fait partie du processus d’identifica-tion de l’enfant. C’est très puissant. C’est aussipour cette raison que je m’oppose parfois àdes déplacements d’enfants de leur famillevers des milieux inconnus, même si c’est pourdes raisons de protection. Bien entendu, ilfaut parfois sortir un enfant de sa famille sic’est dangereux pour lui d’y rester, maisquand, en plus, on va le couper de son écoleet de son milieu et lui faire perdre tous sesrepères, cela n’a aucun sens, d’autant plusqu’il est déjà une victime. Il faut au moins lemaintenir à l’école, qui est un lieu identitairefondamental pour lui. Quand un enfant perdfamille et école en même temps, c’est affreux.L’idéal, c’est de protéger l’enfant dans lemilieu en lui gardant ses autres repères, s’ilne peut pas rester dans sa famille. Il s’agit detrouver des familles d’accueil dans son pro-pre milieu de vie. Il faut que l’enfant conservesa base. Si on la lui enlève, les risques sonténormes. Il faut qu’il puisse garder unattachement, une identité. Bien entendu, jecomprends les motivations et les difficultés,mais il faut explorer différentes pistes pouréviter l’exclusion. Pour cette raison, on s’asso-cie avec l’école pour trouver des moyenspour que l’enfant ne soit pas exclu ni péna-lisé. On se comprend bien : fondamentale-ment, il faut s’orienter vers une façon de faireoù il n’y a pas d’exclusion d’enfants.

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V. P. — Vous abordez la question desressources et des moyens mis à la disposi-tion des écoles pour aider les enfants enmilieux défavorisés. De quels moyens l’école a-t-elle besoin?

G. J. — On pense d’abord à des moyensfinanciers. Les écoles avec lesquelles je tra-vaille sont en situation de survie. Je vois desdirections d’école qui s’acharnent toujours àaller chercher tout ce qu’elles peuvent pouraider les familles défavorisées. En général,elles démontrent une grande sensibilité faceaux besoins du milieu. Elles sont toujours entrain de racler les fonds de tiroir pour pren-dre soin des enfants-problèmes et leur don-ner tous les services auxquels ils ont droit. Il ya beaucoup plus de vrais problèmes de com-portements, de troubles de langage et detroubles d’apprentissage dans Hochelaga-Maisonneuve que dans Outremont; et lesressources ne vont pas avec le niveau de diffi-culté des enfants qui fréquentent une école. Àmon sens, les budgets et les ressources manquent, dans les écoles des milieux défa-vorisés.

Toutefois, je dois ajouter que le problèmen’est pas seulement d’ordre monétaire oubudgétaire. Je pense que même en doublantles budgets, si les écoles continuent à vivre envase clos, elles ne réussiront jamais à sur-vivre. Il faut qu’elles s’ouvrent davantage surle milieu et s’associent avec des gens de lacommunauté qui réalisent des choses etqu’elles agissent en complémentarité pouraider des groupes d’enfants en difficulté. Ilfaut arrêter de penser que la pédagogieappartient en exclusivité à l’école. Elle appar-tient aussi au milieu. Si celui-ci se mobilisedans un contexte d’école communautaire, l’école va être moins défavorisée.

V. P. — Selon vos pratiques, considérez-vous que l’école est assez ouverte à l’aideextérieure qu’on veut lui offrir?

G. J. — Je dirais qu’en général le systèmescolaire est sur ses gardes, comme tous lessystèmes. Il y a au départ une certaine résis-tance à travailler en partenariat ou en com-plémentarité. C’est un effet de système quifait partie de nos cultures. Il faut que l’ons’apprivoise réciproquement. À partir dumoment où l’on respecte la culture de l’école,que l’on apporte notre expertise et que l’on

tient compte de celle des intervenants dumilieu scolaire, il est alors possible de tra-vailler en partenariat. Du moment où j’aidéveloppé ce concept-là dans Hochelaga-Maisonneuve, les dynamiques ont changé. Laporte s’est ouverte toute grande et il y a euune volonté de travailler en concertation, encomplémentarité avec le milieu. Tout lemonde en a profité. Souvent, les enseignantsdisent : « Enfin, on n’est plus seuls pour gérernos problèmes, il y a quelqu’un qui nouscomprend. » La concertation facilite leschoses. Je vous donne un exemple : Avant,l’école nous adressait un enfant pour qu’onlui prescrive du Ritalin. Maintenant, oncherche à connaître l’ensemble de la problé-matique lors des études de cas. Si on prend ladécision de prescrire du Ritalin, en général,on le fait par consensus, on l’a décidé ensem-ble et la famille a été impliquée.

V. P. — Les enseignants et les autresintervenants du milieu scolaire que vousrencontrez dans les milieux défavoriséssont-ils bien préparés pour y travailler?

G. J. — Je disais plus tôt que les directionsd’école étaient très sensibles aux besoins desfamilles des milieux défavorisés. Je constate,quand je parle avec eux, que les enseignantsveulent la réussite de leurs élèves. Sur le planindividuel, je sens souvent que plusieursenseignants veulent en faire plus pour lesenfants. Mais je dois aussi dire que l’équipe-école ne suit pas toujours. Il y a beaucoup de roulement de personnel dans ces écoles.Plusieurs enseignants vivent des chocs culturels importants face à des valeurs dif-férentes. Ils ne sont pas préparés pour allertravailler dans ces milieux. Ce que je dis des

enseignants est aussi vrai pour d’autres inter-venants, comme les travailleurs sociaux, lesmédecins ou les infirmières. Par exemple,beaucoup d’enseignants arrivent le matin etrepartent le soir et ne savent absolument pasce qui se passe dans ces milieux-là. Tant quel’on n’intègre pas le milieu, qu’on ne l’ap-privoise pas et qu’on n’arrête pas d’en avoirpeur, on ne peut pas aller loin. Les gens nesont pas obligés de vivre dans le milieu où ilstravaillent, mais ils doivent lui appartenird’une certaine façon, sinon cela ne peut pasfonctionner.

V. P. — Est-ce une question de formationpour les enseignants?

G. J. — Pas seulement pour les enseignants.Pour toutes les personnes qui interviennentdans ces milieux. C’est clair qu’y arriver àfroid, c’est risqué. D’ailleurs, cela peut expli-quer le grand roulement dans le personnelenseignant que l’on observe dans les écoles.Ils arrivent mal préparés et repartent frustrés.C’est dommage, car c’est du gaspillage d’énergie. Heureusement, depuis quelquesannées, des efforts significatifs ont été faitsdans les milieux universitaires. Par exemple, àl’UQAM, Robert Cadotte prépare les futursenseignants à travailler dans les milieux défa-vorisés. C’est une introduction aux conditionsdifficiles qu’un enseignant peut vivre dans cesmilieux. On commence à les rendre sensiblesà l’environnement des enfants. Il a élaboré unprogramme pour les aider à s’approprier lequartier à partir de documents historiques,de photos, de discussions sur le milieu de vie,etc. C’est ce genre de travail qu’il faut fairepour aider les enseignants à mieux compren-dre leur milieu de travail. Quant à nous, notrecontribution consiste bien souvent à présen-ter aux enseignants le contexte dans lequel vitl’enfant qui présente des problèmes de com-portement ou d’apprentissage. On connaîtnos familles et on présente cette dimensionaux enseignants. Ils sont très réceptifs à nosinterventions et nous disent régulièrementqu’ils sont contents de travailler avec nous. Ily a une volonté, il y a un changement quipourrait s’opérer si on faisait un effort sur leplan de la formation et de l’arrimage.

Les universités ont aussi adapté la formationdes travailleurs sociaux et des psychoéduca-teurs et nous avons plusieurs demandes destages dans nos deux centres. Il existe aussi

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un réseau de formation en pédiatrie sociale,qui est soutenu financièrement par la Fonda-tion Lucie et André Chagnon et pris en chargepar les universités Laval, Sherbrooke, McGillet Montréal. Actuellement, les étudiants enpédiatrie des universités de Montréal et McGillsont obligés de faire des stages en pédiatriesociale dans nos deux centres.

V. P. — Les besoins des enfants desmilieux défavorisés sont immenses. Quelsservices vos deux centres offrent-ils auxenfants pour les soutenir dans leurdéveloppement social et culturel?

G. J. — Pour aider les enfants, nous avonsmis sur pied au cours des années différentsservices, dont le système Les Grands Amis.Nous avions constaté que la majorité desgarçons et des filles vivaient avec des mèresde familles monoparentales et allaient dansdes écoles où, comme on le sait, les hommessont absents, parce qu’il n’y a que très peud’enseignants masculins. Nous avons penséqu’il était important de mettre les garçons encontact avec de jeunes hommes, pour leurprocurer un modèle masculin. Au départ,nous avons recruté des jeunes adultes pours’occuper des garçons, jouer avec eux, leurparler et leur faire connaître d’autres universculturels. Avec le temps, des filles se sontajoutées. Actuellement, il y a au-delà decinquante Grands Amis qui s’occupent despetits, garçons et filles en nombre égal. Laplupart sont des jeunes étudiants universi-taires, des cinéastes, des personnes du milieudes arts, du théâtre. Le réseau s’est construitpar lui-même, progressivement. Les person-nes sont bénévoles et ce n’est pas une organi-sation très rigide. Toutefois, je rencontrechaque bénévole et il y a une enquête depolice, question de sécurité. Le pairage se faitde façon un peu intuitive, mais il n’est pasmixte. Nous avons des règles de base; parexemple, on veut qu’un Grand s’engage pourau moins un an auprès d’un jeune enfant etqu’il ait idéalement un contact par semaineen personne, par téléphone ou par Internet,peu importe. Le principe est simple. On leurdit : « Tu joues un rôle de grand frère ou degrande sœur et tu guides l’enfant avec qui tues associé, tu lui ouvres des horizons, tu luifais découvrir des choses qu’autrement il nedécouvrirait pas. » Plusieurs enfants ne sontjamais sortis de leur quartier. Les Grands leurfont visiter la ville, les emmènent à la mon-

tagne ou vont au cinéma ensemble. Il y amaintenant quatre responsables de groupesqui, chaque mois, font un bilan et échangentsur ce qui va bien ou non. Quand il y a desconflits, ils peuvent appeler l’équipe de sou-tien et recevoir l’aide appropriée.

Nous offrons un autre service, en partenariatavec Jeunes musiciens du monde. C’est unsuper projet, qui a débuté en Inde avec deuxjeunes de Québec qui y ont ouvert une écolede musique traditionnelle. Maintenant, ils ontune école à Montréal avec nous. Nos enfantsont de vrais professeurs de musique qui lesinitient à la musique traditionnelle. On a aussiune équipe de basket. Dans le quartierHochelaga-Maisonneuve, on s’est entenduavec l’école Baril, qui nous prête le gymnasele samedi. Bref, on s’associe à des projets quifont notre affaire, qui sont centrés sur l’ap-proche communautaire et qui répondent àdes besoins des enfants.

V. P. — Croyez-vous que votre modèle defonctionnement est exportable dans d’au-tres quartiers de Montréal ou dans d’autresrégions du Québec?

G. J. — Oui, bien entendu, mais il faut que lademande vienne de la base, du milieu. Ça nepeut pas être imposé aux gens. Le projet nedoit pas venir d’en haut. Il faut cependantune personne qui sert de catalyseur pourarticuler le tout. Actuellement, il y a des pro-jets en émergence à Gatineau, Québec etTrois-Rivières. Il pourrait y en avoir d’autres àMontréal d’ici cinq ans et on se questionnesur la façon dont on pourrait appuyer cesprojets. Le modèle est exportable, mais sondéploiement dépend des communautés.C’est clair aussi que je souhaite que les com-missions scolaires, les enseignants et le minis-tère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, quisont à développer le concept d’école commu-nautaire, tiennent compte de ce qui a été faitdans les projets de pédiatrie sociale que nousexpérimentons dans nos deux centres depuisplusieurs années.

V. P. — Pour terminer, quel messageaimeriez-vous laisser aux écoles et auxenseignants?

G. J. – C’est de garder le cap. Il existe despistes intéressantes qui devraient êtreexplorées par l’ensemble du réseau scolaire

sur des façons de faire qui considèrent plusl’ensemble des besoins de l’enfant. On abesoin d’une école ouverte, qui n’essaie pasde mettre tous les enfants dans le mêmemoule, mais, au contraire, qui a comme prio-rité de s’adapter aux besoins variables dans letemps et variables selon les enfants. Bien sûr,c’est gros et compliqué, mais c’est une ques-tion de justice et d’équité envers les enfants.Tous les enfants que je connais dans lesquartiers défavorisés ont autant de potentielque ceux qui vivent ailleurs. Notre société nepeut pas accepter qu’ils n’aient pas accès auxmêmes ressources, aux mêmes espoirs et auxmêmes outils de développement que lesenfants des quartiers plus favorisés. Par rap-port à cet aspect de la question, je pense queles intervenants du milieu scolaire sontmotivés et veulent que les enfants aillentbien, sauf que s’ils gardent cela pour euxseuls, ils ne peuvent pas réussir. Si l’on multi-plie les difficultés, surtout dans les milieuxplus problématiques où les enfants sont plusvulnérables, on ne peut y arriver seul. Il estimportant que les agents d’éducation puis-sent s’ouvrir sur le milieu et trouver despartenaires pour travailler avec eux. C’est unedémarche qui demande une certaine énergie,de la volonté et des personnes qui veulents’impliquer.

Conclusion

Les principes de l’école communautairedéveloppés et expérimentés dans deuxquartiers de Montréal sont là pour aider desélèves de milieux défavorisés à recevoir tousles services auxquels ils ont droit. Les pra-tiques de pédiatrie sociale du docteur GillesJulien sont exemplaires et porteuses d’avenir.Il y a là sans doute un point de départ intéres-sant qui devrait motiver de jeunes hommes etde jeunes femmes à se mettre à l’écoute desbesoins du milieu et à assurer dans l’avenir larelève nécessaire pour soutenir de façonjuste et équitable le développement desenfants des milieux défavorisés.

M. Guy Lusignan est consultant en éducation.

1 L’entrevue avec le docteur Gilles Julien a eu lieu le 17 mars 2006.

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ÊTRE COMPLÉMENTAIRES POUR MIEUX ACCOMPAGNER LES ÉLÈVES

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Les nouveaux encadrements proposés par lerenouveau pédagogique permettent de cerner les exigences nécessaires au fonction-nement de la structure éducative. Même si lanécessité d’être complémentaires dans nosactions auprès des élèves était, depuisplusieurs décennies, une préoccupation desintervenants du milieu, les États généraux de1995 ont fait ressortir que souvent, les diffi-cultés dans le parcours scolaire des élèvesn’étaient pas seulement dues à un manquede ressources, mais résidaient surtout dans ladifficulté de coordonner les actions.

L’organisation par cycles et la différenciationainsi que l’intégration des élèves qui éprou-vent des difficultés sont certainement desenjeux qui suscitent l’intérêt du milieu scolairepour la concertation.

Cette question émerge quotidiennementdans les écoles et il est nécessaire de l’ana-lyser pour trouver des avenues d’action pourprogresser dans le domaine de la complé-mentarité entre les agents du milieu éducatif.

Il ne faut pas minimiser la place que prend lacommunication, dans ce contexte. Elle est unoutil essentiel pour favoriser la complémen-tarité quand elle est prise dans son acceptionla plus complexe. Celle qui détermine lesvecteurs sur lesquels il faut s’appuyer pourassurer la compréhension du message quiagit à titre de consigne dans les actions à poseraux différents paliers de la structure.

Les principes mêmes de la communicationsont à mettre en avant et à observer, pourmieux saisir les composantes de ce processusd’échange d’informations qui permet un pas-sage harmonieux des élèves d’un ordre à

l’autre, de façon que chaque intervenantpuisse travailler dans la complémentarité enpleine connaissance de son champ d’inter-vention.

Il s’agit également de se pencher sur l’impor-tance des mots et du lexique qui sous-tendentl’acte de communiquer.

Le dossier traitera donc de l’action bénéfiquede la collégialité et de la complémentaritédans les actions posées pour et auprès desélèves, qu’il s’agisse :

• de mise en oeuvre d’orientations et depolitiques ministérielles;

• de développements pédagogiques;

• des questions relatives aux élèves ayantdes besoins différents; ou

• de mise en place de stratégies innovatricesrépondant à des besoins émergeants.

D’entrée de jeu, Nicole Gagnon illustre trèsbien à quel point le Programme de formationde l’école québécoise est un outil qui permetla concertation.

Consignée par Lise Lagacé, une table rondequi réunissait des acteurs de l’éducation issusd’horizons variés cerne les effets intéressantsd’une complicité entre les intervenants.

La communication est un outil essentiel dansce domaine et il semblait important d’en rap-peler non seulement les fondements — rapportés dans un texte de Marie-FranceGaumont et Paul Turpin — mais aussi leseffets — dans un article signé par ClaudeDaviau.

Quelques articles, proposés par GhislaineCloutier, Hélène Larouche, Lise Francoeur-Vincent et Huguette Martin, relatent desexpériences intéressantes où le souci de lacomplémentarité a donné des résultats trèsintéressants.

Les parents sont des acteurs essentiels. Lesarticles de Laurence Houllier, Louise Sarrasinet Badiaa Mellouk nous en convainquent.

Le dossier permettra ainsi d’observer lesmilieux qui ont su contrer la culture de l’or-ganisation en silo, corridor étanche et obsta-cle à la perméabilité des échanges, et qui onttravaillé au développement de structures faci-litantes, toujours avec le souci de favoriser laréussite du plus grand nombre d’élèves.

Camille [email protected]

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SEUL ON VA PLUS VITE, ENSEMBLE ON VA PLUS LOINLe Programme de formation de l’école québécoise :

un repère commun pour la concertation des interventions éducatives« Notre mode de pensée nous amène à être lucides pour séparer, et myopes pour relier. »

Edgar Morin, dans Introduction à la pensée complexe, ESP, 1990.

par Nicole Gagnon

DDans le domaine de l’éducation, le consensussur l’importance de la cohérence et de la con-certation est facile – même très facile – àobtenir. Le réaliser nous ramène sur terre!Savoir travailler ensemble n’est pas le fruitd’une génération spontanée, cela s’apprendet s’organise. Mais où trouver le temps?Comment éviter d’isoler les interventions desuns et des autres dans une nécessaire divi-sion des tâches?

Le thème du présent dossier de Vie péda-gogique, « Être complémentaires pour mieuxaccompagner les élèves », constitue le pivotdu nouveau programme de formation. Dès lepremier chapitre de ce programme, on rap-pelle les défis multidimensionnels de cetteintégration, de même que les bases des inter-ventions concertées. Tout dans le Programmede formation de l’école québécoise peut con-tribuer à l’application du proverbe Seul onva plus vite, ensemble on va plus loin.Effectivement, l’ensemble des groupes deréflexion qui ont posé les fondements de larévision du curriculum ont mis en lumièrel’interdépendance des enjeux contemporainset la nécessité d’intégrer les interventionsvisant à y préparer les jeunes. Ainsi, en élabo-rant, en collaboration avec des centainesd’enseignants, de conseillers, de cadres sco-laires et d’experts universitaires, un pro-gramme unique de formation pour guidertous les jeunes Québécois du préscolaire à lafin du secondaire, le ministère de l’Éducation,du Loisir et du Sport donne un message fortde continuité et de complémentarité dansl’œuvre éducative. Ce programme, communà tous les enseignants et à l’ensemble desintervenants, notamment le personnel desservices complémentaires, requiert et sou-tient le désir du personnel scolaire d’assurercette complémentarité essentielle au déve-loppement optimal de tous les élèves.

Dans le présent article, nous proposons une« lecture soulignée » de la prise en compte del’interdépendance des défis de formation etdes stratégies d’intervention dans le pro-gramme de formation. Nous nous permet-tons plusieurs références directes oureformulées au texte du programme afin d’at-tirer l’attention du lecteur sur les messagescentraux qu’il contient. Nous prenons commeréférence la version du premier chapitre con-sacrée au 2e cycle du secondaire, comptetenu que cette version est plus étoffée quecelles qui concernent les cycles précédents,tout en étant en grande partie applicable àl’ensemble de la formation, du préscolaire àla fin du secondaire.

1. Un monde aux enjeuxinterdépendants

Les frontières économiques, culturelles etsociales s’estompent de plus en plus, à causenotamment des technologies de l’informationet de la communication qui accélèrent leséchanges. Le citoyen du XXIe siècle doit, pourfaire face à des problèmes complexes, multi-dimensionnels, faire appel à des savoirs desources variées. Les collectivités, nations etsous-groupes ethniques ne peuvent pass’isoler les uns des autres – ainsi, desphénomènes comme la pollution ne s’arrê-tent pas aux frontières géographiques et il enest de même des idées et des valeurs – Unetempête qui détruit partiellement la Nouvelle-Orléans aura des effets sur les citoyens de cetétat, mais aussi sur des personnes qui viventà l’autre bout du monde, qui perdront leurtravail parce que la petite usine pour laquelleelles travaillaient devra fermer ses portes,étant incapable d’assumer la hausse descoûts du pétrole liée à cette catastrophenaturelle. La grippe aviaire, si les craintes desexperts se concrétisaient, deviendrait rapide-ment une pandémie qui affecterait la santé, lavie, l’organisation du travail et les relations

humaines sur l’ensemble de la planète. Sousun angle plus positif, mentionnons l’effetboule de neige des découvertes scientifiques.Effectivement, la circulation rapide de l’infor-mation fait que les recherches d’un ou deplusieurs scientifiques ont un effet exponen-tiel sur les savoirs collectifs; elles servent d’ac-célérateur pour toutes les recherches.

2. Un programme de formation quiinvite à relier les choses

Dans ce contexte, on attend de l’école qu’elleforme des personnes autonomes, capablesde s’adapter à un monde où les connais-sances se multiplient de façon géométrique,où le changement est un processus perma-nent et où l’interdépendance des problèmesnécessite des expertises poussées, diverses etcomplémentaires. Et ce, sans laisser pourcompte la partie des jeunes qui serait jugéeincapable d’atteindre le niveau de compé-tence requis. En précisant les trois volets de lamission dévolue à l’école par la Loi sur l’instruction publique, le programme de formation rappelle les conséquences de l’interdépendance des phénomènes sur lanécessaire complémentarité des interven-tions éducatives.

Instruire dans un monde du savoirL’explosion des savoirs amplifie le rôle de l’école comme « passeur culturel1 » des acquiscollectifs, d’une génération à l’autre.L’amplitude planétaire des bases de savoirsoblige l’école à retenir, dans le bassin de laculture universelle, les connaissances jugéesles plus importantes, tout en faisant dévelop-per par l’élève l’aptitude à accéder à d’autressavoirs lorsque le besoin s’en fait sentir. Il fauten somme aider les jeunes à se doter d’un« moteur de recherche interne » qui leur permettra d’avoir accès aux informations pertinentes tout en comprenant l’inter-dépendance des phénomènes.

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Socialiser dans un monde pluraliste Les interactions multiples entre les collecti-vités et les individus d’origines culturelles,ethniques et socio-économiques diversifiéespoussent à un niveau de complexité supé-rieur les défis des relations interpersonnelles.L’équilibre entre la compréhension réciproquedes cadres de référence des uns et des autreset la constitution de collectivités partageantdes valeurs démocratiques doit être cultivé.« L’école est appelée à jouer un rôle d’agentde cohésion sociale en contribuant à l’appren-tissage du vivre-ensemble et à l’émergencechez les jeunes d’un sentiment d’appartenance à lacollectivité2. »

Qualifier dans un monde en changementLa nature et la complexité des problèmes quetous et chacun doivent résoudre dans leur viepersonnelle et professionnelle incitent aurehaussement du niveau de scolarisation del’ensemble de la population. Cette complexitéexige également une diversification desexpertises. En effet, c’est par la combinaisonde points forts développés différemment par

chaque travailleur, par chaquecitoyen, que les organisations detravail et les sociétés réussiront àrelever les défis qui les interpel-lent. Et, comme dans cette sociétédu savoir la formation ne peutpas être terminée définitivementà la fin des études secondaires, ilfaut faire acquérir aux jeunes legoût et l’aptitude à apprendretout au long de la vie. « La recon-naissance officielle des compé-tences acquises doit s’inscriredans ce courant de développe-ment continu et mettre en évi-dence le chemin parcouru parchacun. Il importe de faciliter lepassage à d’autres paliers du sys-tème éducatif ou, le cas échéant,le retour à l’école ou dansd’autres milieux de formation3. »

3. Un élève qui apprend à faire des liens…

Les trois visées retenues dans leprogramme de formation don-nent succinctement le portrait del’individu, du citoyen et du tra-

vailleur qu’il faut préparer pour le présentsiècle. Ces visées sont ambitieuses maisincontournables, compte tenu de cettedynamique d’interdépendance des défis aux-quels tous doivent et devront faire face. Ondoit accompagner l’élève dans son processusd’intégration, tout en lui soulignant que per-sonne d’autre ne peut faire ce travail à sa place. C’est lui qui doit s’engager dans laconstruction de sa vision du monde, la struc-turation de son identité et le développementde son pouvoir d’action. On peut résumercomme suit le profil de sortie de l’élève quel’école doit former. Elle ou il deviendra :

Une personne ayant une vision du monde cohérente et évolutiveUne compréhension du monde efficace nepeut pas être statique; il faut savoir intégrerles nouveaux éléments, les nouveaux savoirs.

Une personne consciente de son identitéPour être en mesure d’assumer cette ouver-ture au monde, chacun doit posséder une

bonne confiance en soi, laquelle prend appuisur la connaissance des ses racines person-nelles et sociales.

Une personne capable d’agirAinsi, chacun doit comprendre le monde et secomprendre, pour pouvoir de mieux enmieux passer à l’action. Ce que le programmede formation explique bien, en mettant enévidence l’acquisition de compétences trans-versales et de compétences disciplinaires.

4. Un programme qui fournit desmots pour tisser nos liens

La cohérence des visions et la complémenta-rité des actions ne va pas de soi; il faut y tra-vailler, comme nous l’avons dit plus haut.Mais comment y arriver quand la tâche est silourde et les mandats confiés à chaqueenseignant au regard d’une ou de plusieursmatières sont si difficiles à remplir dans letemps limité attribué à chacune des disci-plines?

Le premier moyen est sûrement la prise deconscience et la mise en commun des viséeséducatives des uns et des autres. La croyancenaïve en une visée commune, universelle etnon dite est souvent le pire obstacle à lacohérence et à la complémentarité des inter-ventions.

Le programme de formation, en présentantl’ensemble des apprentissages visés dans unestructure en trois dimensions – les domainesgénéraux de formation, les compétencestransversales et les domaines d’apprentissage– donne à tout le personnel éducatif un pointde départ commun, tout en reconnaissantl’importance des apports différenciés de chacun selon son mandat spécifique dansl’école. La présentation dans les chapitres debase de cette structure met en lumière lesliens entre les buts collectifs et les interven-tions spécialisées. De plus, la présentationdans chacune des matières de l’apport decelle-ci aux trois visées du programme, auxintentions éducatives des cinq domainesgénéraux et aux neuf compétences transver-sales devrait aussi aider à inscrire les appren-tissages disciplinaires dans le cadre plus largedes visées de formation que doivent partagerl’ensemble des intervenants scolaires.

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Les domaines généraux : des intentions à partagerLes domaines généraux de formationtouchent aux problématiques contempo-raines auxquelles les jeunes doivent faireface, ce qui leur donne une dimensioninterdisciplinaire incontestable. Ils concré-tisent la mission de l'école, inspirent lespratiques éducatives et concourent à don-ner plus de sens et d'authenticité aux situations d'apprentissage. Ils devraientconstituer les assises du projet éducatif del’école et être pris en compte par l’ensem-ble des intervenants scolaires.

En ce sens, les domaines généraux de for-mation occupent une place primordiale ausein du Programme de formation de l'école québécoise, car ils formulent unensemble de propositions clés concernantla formation à offrir aux jeunes afin defaciliter leur entrée dans le XXIe siècle. Ils’agit d’amener l’élève à :• se responsabiliser dans l’adoption de

saines habitudes de vie sur le plan de lasanté, de la sécurité et de la sexualité;

• entreprendre et mener à terme des pro-jets orientés vers la réalisation de soi etl’insertion dans la société;

• entretenir un rapport dynamique avecson milieu, tout en gardant une distancecritique à l’égard de la consommation etde l’exploitation de l’environnement;

• faire preuve de sens critique, éthique etesthétique à l’égard des médias et pro-duire des documents médiatiques respec-tant les droits individuels et collectifs;

• participer à la vie démocratique de laclasse ou de l’école et développer uneattitude d’ouverture sur le monde et derespect de la diversité.

Les compétences transversales : utilesdans les disciplines et au-delà de cesdernièresLe programme de formation souligne lanécessité de développer, chez tous lesélèves, des compétences de divers ordres :

1. Ordre intellectuel : exploiter l’informa-tion; résoudre des problèmes; exercerson jugement critique; mettre en œuvresa pensée créatrice;

2. Ordre méthodologique : se donner desméthodes de travail efficaces; exploiterles technologies de l’information et dela communication;

3. Ordre personnel et social : actualiserson potentiel; coopérer;

4. Ordre de la communication : communi-quer de façon appropriée.

Ces compétences sont dites transversalesen raison de leur caractère générique etdu fait qu’elles se déploient à travers lesdomaines généraux de formation et lesdomaines d’apprentissage. Elles ont, pardéfinition, une portée plus large que lescompétences disciplinaires puisqu’ellesdébordent les frontières de chacune desdisciplines. Elles s’actualisent dans les disciplines autant que dans les domainesgénéraux de formation et profitent de l’in-tégration des acquis au fil des jours.

Les domaines d’apprentissage : pour des savoirs spécifiques mais nonisolésLe programme de formation comprend sixdomaines d’apprentissage :

1. Langues;

2. Mathématique, science et technologie;

3. Univers social;

4. Arts;

5. Développement de la personne;

6. Développement professionnel.

Ces domaines représentent les grandschamps du savoir à partir desquels sontdéfinies les matières jugées essentielles àla formation des élèves. Le regroupementdes disciplines par domaine représente unpas vers le décloisonnement des savoirsscolaires en ce sens qu’il permet de lessituer par rapport à un domaine deréférence et incite l’enseignant à concevoirsa discipline comme une dimension impor-tante de la formation. La présentation suc-cincte de chacune des matières, dans lequatrième chapitre du programme de for-mation, offre à chaque enseignant unevision de l’ensemble du plan de formation,ce qui lui permet ainsi de saisir les liensentre ses interventions spécifiques et cellesdes spécialistes des autres disciplines.

Ainsi, malgré le temps limité de concertation,le programme peut favoriser la cohérence etla complémentarité des interventions par lacompréhension des points communs et despoints spécifiques. De plus, en diminuant lesirritants d’une mauvaise compréhensionréciproque, ce texte de référence peut aider àtrouver plus de satisfaction dans le partagede stratégies.

5. Assurer la complémentarité au delà des responsabilitésspécifiques

Une interdépendance plus visible des interventionsLe programme de formation amène àredessiner certaines facettes des pratiqueséducatives et colore le rôle de chaque mem-bre de la communauté scolaire d’une nuancenouvelle. Pour marquer l’ampleur et la naturedes changements en cours, certains parlentde changement de paradigme. On pourraitinterpréter cette appellation comme un exer-cice de table rase, ce qui serait inapproprié.Car changement de paradigme ne signifie pasdisparition des éléments de base. Ainsi,lorsqu’on a reconnu, avec Copernic, que laterre tournait autour du soleil, on a continuéà voir les astres aux mêmes endroits dans leciel. Par contre, la vision du monde s’estenrichie d’une meilleure compréhension del’interdépendance des planètes et la capacitéd’agir sur certaines variables a augmenté,conduisant à long terme les humains à pou-voir se déplacer dans l’espace. Cette vision dumonde a aussi été profondément modifiéepuisque la place de l’homme dans l’univers aété relativisée. Avec le renouveau péda-gogique, c’est la reconnaissance de l’impor-tance des compétences comme pivot dessavoirs intégrés qui crée une nouvelledynamique.

Le développement de compétences s’inscritdans un continuum, chaque étape s’appuyantsur ce qui a été intégré à l’étape précédente.Les élèves doivent continuellement mettre àprofit les compétences construites antérieure-ment dans une discipline donnée, dans uneautre discipline ou de façon transversale. « Ilfaut donc concevoir les interventions éduca-tives dans une logique de continuité. L’écoleest ainsi conviée à dépasser les frontièresentre les ordres d’enseignement, entre lesdisciplines, entre les activités scolaires et

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parascolaires pour souscrire à des viséescommunes et suivre l’évolution des élèvestout au long de leur scolarité4. »

Ce type d’accompagnement, déjà utilisé parplusieurs en classe et dans les activités para-scolaires, doit être généralisé. Les élèves constateront ainsi que les adultes de l’écolesont attentifs à leur progression et travaillentauprès d’eux de manière convergente. Leprogramme de formation constitue un outild'harmonisation et de cohérence de cesinterventions.

Une pratique de collégialité entreintervenantsS’ils demeurent responsables à titre indivi-duel de leurs actes professionnels, les mem-bres du personnel de l’école sont aussiconviés à des représentations partagées et àdes actions concertées autour de problèmesà résoudre, de situations à traiter, d’objectifsà atteindre, de moyens à utiliser et de projetsà réaliser. Tous les intervenants – membresde la direction de l’école, enseignantes etenseignants, personnel des services éducatifscomplémentaires et personnel de soutien –

doivent collaborer pour créer les conditionsd’enseignement-apprentissage-évaluation lesplus favorables possible. Il faut ainsi dépasserles compétences individuelles et faire émer-ger une compétence collective. « Le mode defonctionnement que doit se donner l’école larapproche des pratiques qui caractérisent un nombre croissant d’organisations ditesapprenantes5. » Elles sont ainsi qualifiéesparce qu’elles tirent parti de leur expérienceen vue d’améliorer leurs capacités à atteindreles résultats recherchés.

Les compétences sont évolutives, globales etintégratives. Une grande variété d’informa-tions est nécessaire pour déterminer ce quiprogresse, stagne ou régresse. Ces donnéespeuvent servir à apporter des ajustementsindividuels ou collectifs, mais aussi à valoriserdans l’action les petits ou les grands progrèsdes élèves. Une personne ne peut réussir àelle seule ce mandat; seule une équipe peutrelever un tel défi.

L’école doit s’assurer de l’application du pro-gramme dans toutes ses dimensions (lesdomaines généraux de formation, les compé-

tences transversales et les compétences disci-plinaires), non seulement parce que cedernier précise les obligations éducatives del’ensemble du personnel scolaire, mais aussi,et peut-être même surtout, parce qu’il cons-titue un excellent soutien à la cohérence et àla complémentarité. Le projet éducatif qui estélaboré en s’appuyant sur l’ensemble desdimensions du programme de formation seraun bon point de référence pour des interven-tions complémentaires et cohérentes, mêmesi celles-ci demeureront dans bien des casdes interventions individuelles et spécialisées.

Le programme, tant qu’il reste sur papier,n’est qu’une synthèse de bonnes intentions.C’est dans la vie des écoles qu’on devrachoisir d’aller ensemble plus loin, même si ondevra pour ce faire prendre un peu de tempspour ajuster son pas à celui des autres mem-bres de l’équipe éducative. Ainsi pourra-t-onpartager le plaisir d’une réussite collective,celle qui va au delà de bonnes données statis-tiques sur la performance des élèves, parcequ’on aura plutôt ciblé ensemble des straté-gies pédagogiques, didactiques et organisa-tionnelles qui inciteront chaque jeune à sedonner du pouvoir sur sa vie et à faire face àl’avenir avec confiance et détermination.

Mme Nicole Gagnon est spécialiste en sciences de l’éducation à la Direction géné-rale de la formation des jeunes du minis-tère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

1 Concept explicité par Jean-Michel Zakhartchouk, dansson livre L’enseignant, un passeur culturel, Paris, ESF,1999.

2 Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation,du Loisir et du Sport, Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, 2e cycle,Québec, 2006, p. 10 (texte en ligne).

3 Programme de formation de l’école québécoise. Ensei-gnement secondaire, 2e cycle, p. 11 (texte en ligne).

4 Programme de formation de l’école québécoise. Ensei-gnement secondaire, 2e cycle, p. 21 (texte en ligne).

5 Programme de formation de l’école québécoise. Ensei-gnement secondaire, 2e cycle, p. 32 (texte en ligne).

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COMPLÉMENTARITÉ : UN MOT « PAYANT » AU SCRABBLE!Table ronde sur la complémentarité dans le monde de l’éducation

par Lise Lagacé

SSi vous êtes un adepte de ce jeu de sociétéqu’est le scrabble, vous rêvez sans doute depouvoir compléter un mot de votre adver-saire en ajoutant les jetons nécessaires pourobtenir le mot « complémentarité ». Ce motqui rapporte « gros » à ce jeu peut-il en faireautant pour le monde de l’éducation?

Les invités autour de la table répondent spon-tanément oui à cette question et pourtant, ilsviennent de milieux divers et occupent despostes différents au sein du monde scolaire.Ils sont des hommes et des femmes qui tra-vaillent à la direction des établissements, à ladirection des services éducatifs ou à la direc-tion générale de commissions scolaires;d’autres enseignent dans les milieux universi-taires ou dans les écoles et certains oeuvrentauprès d’organismes voués à la recherche enéducation; mais ils sont tous des passionnésde la réussite des jeunes.

Rapidement, ils énoncent plusieurs raisonsqui militent en faveur de la complémentaritédes actions pour accompagner les jeunes toutau long de leur cheminement scolaire.

Au cours de ces échanges, le sujet de la com-plémentarité est abordé, mais il est questionaussi de concertation, de coopération et decollaboration; tous des mots qui reflètent lesens de « s’entendre pour agir ».

Pourquoi parler de complémentarité?Pour donner du sens à l’apprentissage, disentles invités.

Il est évident pour tout le monde, y comprispour le monde scolaire, qu’un nouveau rap-port au savoir s’amorce pour les jeunes de cesiècle. Leur vie, au quotidien, les obligera àfaire face à des enjeux de plus en plus com-plexes exigeant l’intégration d’une foule deconnaissances et la capacité de les transférerdans des contextes en constante évolution.

C’est pour cette raison, entre autres, que leProgramme de formation de l’école québé-coise invite les élèves à faire des liens entreles différents champs de connaissances; et les jeunes comptent beaucoup sur leursenseignants pour les aider à les découvrir.L’enseignant est lui-même convié à établir cesliens entre sa matière et les autres disciplines.

Un participant soulignait que même si lesenseignants demeurent des experts de leurdiscipline, ils sont avant tout des experts del’apprentissage et se doivent de relier lesquestions inhérentes à leur matière auxgrandes problématiques contemporainesauxquelles la société est confrontée.

Pourquoi est-ce si important?Les bons pédagogues savent que les élèvessont sensibles aux liens tissés entre lesapprentissages scolaires et… la vraie vie.

Pour se centrer sur les besoins des élèves,expliquent les invités.

La formation des jeunes dans un contextesocial complexe et changeant nécessitedésormais non seulement de faire appel à

l’expertise professionnelle de tous les acteursscolaires, mais à s’assurer que ceux-ci parta-gent les mêmes préoccupations au regard dela réussite de chacun. « On n’est pas de troppour tirer tout le monde vers le haut! »

Selon l’expérience d’une coordonnatrice desservices éducatifs : « Plus quelqu’un est prèsdes besoins d’un élève, plus il est prêt à tra-vailler en complémentarité. »

La société a de grandes attentes au regard del’école et elle lui réclame des jeunes instruits,engagés et compétents pour faire face à laconcurrence. Cela s’explique, puisque l’écoleest l’institution par excellence où se joue ledestin de chaque jeune et dans uneéconomie de plus en plus mondiale, on nepeut se permettre d’en condamner un certainnombre à l’exclusion sociale et économique.

Mais quel défi pour la jeune génération sco-laire de devenir ce qu’on attend d’elle!D’autant plus qu’accéder à la réussite devientde plus en plus exigeant…

Tous nos invités soulignent qu’une des façonsd’y arriver est de compter sur la gestion col-lective des activités de formation.

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Ginette VincentCoordonnatrice

RÉCIT-Domaine des languesCommission scolaire Marie-Victorin

Robert CéréConsultant en éducation

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Se soucier de complémentarité, c’est aussivouloir briser l’isolement entre les ordresd’enseignement, entre les disciplines et entreles activités scolaires et parascolaires, rap-porte un professeur universitaire.

Le monde dans lequel vivent les jeunesprésente de multiples interdépendances qu’ilest difficile de traiter à l’intérieur de corridorsparallèles; il faut, alors, que l’école et sespartenaires acceptent de dépasser leurs fron-tières respectives pour souscrire à des viséescommunes et pour suivre l’évolution scolairede tous les élèves qui leur sont confiés.

Et quelles sont les embûches?L’idée semble séduisante et… logique, maiselle se heurte à une longue tradition deportes closes. À une certaine époque, laclasse homogène était aussi le modèle à privilégier pour faire des apprentissages. Lespédagogues ont admis que l’homogénéité àl’école est un mythe et qu’un groupe d’élèvesqui semblent avoir les mêmes caractéris-tiques présentent des différences notables àplusieurs points de vue. Depuis, disent ceuxqui agissent dans le milieu des serviceséducatifs, le décloisonnement et le travaild’équipe se développent à très petits pas.

Il faut dire que les vieilles habitudes ont la viedure. Un invité qui a une longue expériencedans l’enseignement rappelle que parler decomplémentarité ne date pas d’hier et que lebesoin de se regrouper existe depuis bellelurette.

« Il y a bien longtemps qu’on trouve inadmis-sible le manque de dialogue pédagogiqueentre les ordres d’enseignement : préscolaire,primaire, secondaire, collégial et même uni-versitaire; qu’on déplore l’absence de partaged’expériences professionnelles et qu’onregrette que la spécialité dans un champd’expertise freine souvent la coopérationplutôt qu’elle ne l’encourage. »

Longtemps aussi, selon plusieurs, le systèmescolaire a privilégié un enseignant compétent,dans sa classe auprès de ses élèves, à unepériode donnée. « Moi, je pense ceci, selonmes compétences », sans nécessairement sesoucier que l’on puisse arrimer ses convic-tions pédagogiques à celles de ses collègues.Dans d’autres situations, comme les servicesofferts à la clientèle en difficulté d’adaptation

et d’apprentissage, on a plutôt favorisé uneapproche éclatée de l’apprentissage et del’enseignement parce que l’on croyait aupouvoir magique de la superposition desactions éducatives.

On a pensé aussi que l’école serait plus effi-cace si elle répondait aux demandes socialespar la voie de la spécialisation plutôt que parcelle de l’interdisciplinarité. Il a fallu les Étatsgénéraux sur l’éducation pour obligerl’ensemble des acteurs scolaires à revoir leurfaçon de faire.

Une enseignante rappelait que la notion decomplémentarité lui renvoyait une image

quotidienne assez simple, celle d’une familleoù les parents doivent se parler et discuter deleurs valeurs et de la cohérence de leursactions pour assurer le bien-être de leurenfant.

Le programme de formation offert à l’ensem-ble des élèves, du préscolaire à la fin du secondaire, appelle des interventions éduca-tives continues et complémentaires.

La décision d’instruire, de socialiser et dequalifier l’ensemble des élèves par un pro-gramme de formation de base ayant un tronccommun d’apprentissage implique de con-cevoir les interventions éducatives dans unelogique de continuité. Il est aussi essentiel des’assurer d’une collaboration étroite entre lesacteurs scolaires, puisqu’on sait désormaisque l’interdépendance des phénomènes dansle monde dans lequel on vit amène de plusen plus la nécessité de gérer collectivementnos activités professionnelles.

Le choix d’un programme unifié et structuré,la présentation de domaines généraux de for-mation – qui rassemblent les grandes problé-matiques contemporaines auxquelles lesjeunes seront confrontés et qui se veulent deslieux de convergence de l’action éducative –ainsi que l’obligation de centrer la formationsur le développement de compétences et l’or-ganisation en cycles d’apprentissage sont,pour un dirigeant de commission scolaire,des caractéristiques qui incitent à la complé-mentarité des actions.

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André ChamardDirecteur général adjoint

Commission scolaire Val-des-Cerfs

Elourdes PierreEnseignante

École Nouvelle QuerbesCommission scolaire Marguerite-Bourgeoys

Dominic GagnéConseiller pédagogique

RÉCIT-TIC – Service local MontérégieCommission scolaire Val-des-Cerfs

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Les jeunes ont souvent reproché à l’écoled’être inutile, c’est-à-dire d’apprendre des« choses » qui ne leur serviraient pas dans lavie et d’emmagasiner de multiples savoirssans vraiment savoir quoi en faire. Contrerces effets sur l’apprentissage doit devenir lapréoccupation de tous.

Alors, comment s’est imposée cetteidée de complémentarité dans vosmilieux? Quel a été l’élémentdéclencheur?Nos collaborateurs nous signalent qu’il y aplusieurs réponses à cette question. En voiciquelques-unes.

La décentralisation des pouvoirs vers l’écoleL’arrivée d’un conseil d’établissement danschaque école, avec la responsabilité qui luiincombe d’influer sur les décisions dans certains dossiers pédagogiques et organisa-tionnels, a obligé les partenaires de l’école àpartager leurs valeurs, leurs expériences etleurs informations dans un souci de cohé-rence de leurs actions et dans la perspectived’améliorer les compétences des élèves.

Le mouvement de professionnalisationdans la formation initiale des maîtresL’idée s’impose de plus en plus non seule-ment de former des enseignantes et desenseignants à être des spécialistes de leur discipline, mais de les habiliter également à lacollaboration interprofessionnelle. Quand

une profession s’affirme, vient un temps où ilest possible de se dégager de sa spécialitépour entreprendre de travailler en équipe.L’importance grandissante qui est aussiaccordée à l’interdisciplinarité autour dequestions et d’enjeux sociaux et économiquesamène nécessairement à rechercher cettecomplémentarité dans les pratiques profes-sionnelles.

Un des invités, spécialiste de la recherche enéducation, dénonce cependant la culture del’administration scolaire érigée en « petitescases » qui ne communiquent pas entre elleset qui fait régulièrement obstacle à la complé-mentarité des actions.

Un conseiller pédagogique apporte l’exempled’un milieu scolaire qui a fait appel aux technologies pour développer une culture deréseau. Selon lui, cette initiative a été un bonpas dans la direction pour favoriser le travaild’équipe. Cela ne règle pas tout, car lespersonnes doivent aussi avoir des lieuxphysiques pour se rencontrer et débattre,mais cela permet à tout le moins une plusgrande efficacité d’action.

L’arrivée massive dans plusieurs milieux sco-laires de nouveaux enseignants qu’il faut inté-grer à la vie de l’école, l’appropriation parl’équipe-école du programme de formation etl’obligation d’élaborer des normes et desmodalités sont quelques éléments – pour nenommer que ceux-là – qui requièrent la miseen place de moyens pour favoriser la complé-mentarité des actions.

L’urgence de travailler collectivementUn directeur d’école prévient toutefois : « Laréalité sur le terrain dépasse parfois… lathéorie. » Selon un petit sondage qu’il a menéauprès du personnel enseignant, celui-ci étaitd’abord préoccupé par l’évaluation desapprentissages et l’appropriation du pro-gramme de formation, et non nécessairementpar l’urgence de travailler en concertation.

Il est vrai, dit un de ses collègues, que la com-plémentarité dans les pratiques éducativescherche à s’imposer et que l’ensemble desservices de l’enseignement travaille à l’im-plantation d’une culture de collaboration,mais dans le quotidien, la vie de l’école n’entémoigne pas encore vraiment.

Décloisonnement, collégialité et concertationsemblent encore des notions un peuabstraites. Il reste dans bien des cas à faire lapreuve qu’il y a des bénéfices à retirer de cechangement de culture pédagogique etorganisationnelle. « Qu’est-ce que j’y gagne,dit l’enseignant, l’orthopédagogue ou le psy-chologue? »

Les nouveaux encadrementsministérielsQuelques participants, particulièrement im-pliqués dans la formation du personnelenseignant, soulignent que l’évaluation au ser-vice de l’apprentissage, telle qu’elle est décritedans le programme de formation comme un

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Marcel GagnonDirecteur

Pavillon Saint-Lambert – Collège Durocher

Francine HausselmanCoordonnatrice des services éducatifs

Commission scolaire des Portages

Olivier DezutterProfesseur

Faculté d’éducationUniversité de Sherbrooke

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moyen d’aider l’élève à apprendre ainsi quedans sa fonction de reconnaissance des com-pétences, laisse une place déterminante aujugement concerté des acteurs compétents.

Plusieurs regards professionnels posés surl’élève semblent garantir une communicationplus efficace auprès des parents concernantla progression des apprentissages de leurenfant; mais encore là, si certaines écoles ontdéveloppé à travers les années une cultured’échange et de concertation avec les parents,d’autres ont de la difficulté à trouver les motspour décrire le cheminement scolaire deleurs élèves. Les parents ont différentesattentes concernant l’école de leur fille ou deleur garçon quant à l’évaluation des appren-tissages. Une enseignante notait que, sil’équipe-école a une conception de l’éduca-tion et de l’évaluation, les parents ont aussi laleur, et il n’est pas facile de concilier tout ça.

Un invité ayant occupé plusieurs postes dansle monde de l’éducation rappelait que dansles années 70 et 80, la complémentarité desactions se traduisait par des services à offriraux élèves très doués et aux élèves en diffi-culté d’adaptation et d’apprentissage. Pourles autres, il était rarement question de complémentarité, de coopération et de con-certation.

Pour l’ensemble des personnes autour de latable, la démarche collective que doit entre-prendre chaque école pour élaborer son pro-jet éducatif et son plan de réussite peutdevenir une occasion privilégiée de concerta-

tion sur des décisions à prendre pour lemeilleur intérêt des élèves.

Après avoir entendu ses collègues énumérerplusieurs raisons en faveur de la complémen-tarité des actions éducatives, un participantest venu rappeler que quelquefois, la vie estplus brutale et donne des leçons… à fairefrémir. Il a fallu un événement tragique, soitle suicide d’un adolescent de l’école, pouramener les adultes qui gravitaient autour delui à prendre conscience de la nécessité decommuniquer entre eux, de partager desinformations, de se mobiliser et d’être soli-daires. À partir de ce moment, les portes sesont ouvertes et la collaboration s’est instal-lée petit à petit.

Ce drame a été un moment marquant poursouder une équipe-école, mais à quel prix!

Quelles ont été les étapes préalables à la complémentarité dans vos milieuxou comment décrivez-vous les différentes facettes que revêt cettecomplémentarité? Avons-nous desexemples à partager?Quelques invités, directeurs, conseillers ouspécialistes en éducation, rappellent que lefait de créer des lieux physiques ou virtuelsde concertation dans l’école, de partager l’in-formation, de s’entendre sur une ligne d’ac-tion, de permettre des temps de rencontre etd’établir des liens de confiance avec l’équipe-école sont des moyens efficaces pour favoriserla complémentarité des actions.

Pour leur part, les personnes oeuvrant à ladirection des services éducatifs parlent d’ac-

compagner le personnel dans sa démarched’appropriation du renouveau pédagogique,de créer des groupes de référence pour ren-dre vivante la réflexion pédagogique etorganisationnelle, de démontrer ce qu’on ygagne à travailler en équipe, de mettre lestechnologies au service des pédagogues oude travailler à changer certaines représenta-tions liées, entre autres, aux ordres d’en-seignement. « Quoi, ces enfants n’ont rienappris au primaire? Au secondaire? Au collé-gial? » Une autre façon de mettre au menuquotidien la préoccupation de la concertationet de la complémentarité est de rappeler constamment la mission éducative de l’école.« C’est une mission collective et on n’estjamais trop nombreux pour devenir les gar-diens de la cohérence, et ce, à tous les paliersde l’organisation scolaire », disent ceux quiont la responsabilité d’implanter le renou-veau pédagogique.

Puis, voilà que nos invités témoignent de pos-tures qu’il faut privilégier pour se concerter etcoopérer.

J’oserais dire que ce sont de bien bellesrecettes !• Prendre conscience qu’on est responsable,

en tant qu’éducateur, de former à la colla-boration.

• Être capable de se décentrer de son rôlepour s’approcher de celui de l’élève.

• Se placer dans une posture d’apprenant.• Accepter de faire des erreurs.• Prendre le temps d’apprivoiser ses col-

lègues de travail.

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Bernard PouliotDirecteur

École secondaire Saint-AnselmeCommission scolaire de la Côte-du-Sud

Amine TehamiDirecteur

École Émile-NelliganCommission scolaire Marguerite-Bourgeoys

Patrick BeaudinDirecteur général

Société pour la promotion de la science et de la technologie

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• Prévoir des moments pour que les parents sesentent à l’aise dans l’école de leur enfant.

• Être clair sur les finalités de l’éducation.

Malgré le problème de la mobilité constantedu personnel, pour ne donner que ce seulexemple, le milieu scolaire est en marche etcertains projets deviennent les témoins d’unevolonté de partage et de collaboration. Entreautres :• la création d’un réseau de formateurs à tra-

vers la province, où chaque région, selonses caractéristiques, travaille à se doter d’unplan qui correspond à ses propres besoins;

• la mise au point d’un logiciel de communi-cation, un prétexte intéressant pour dé-velopper chez les utilisateurs le goût de laconcertation;

• un projet de lecture et d’écriture où desjeunes du secondaire ont non seulementécrit des histoires pour des petits, mais sontallés par la suite les raconter aux enfants etpartager avec eux des stratégies de lecture;

• l’établissement d’une structure de comitésconsultatifs regroupant les services péda-gogiques et administratifs offerts aux élèvesdans un souci de cohérence des actions;cette façon de faire oblige les acteurs à semettre en mode de résolution de pro-

La communication ! Ne fait-elle pas partieintégrante des êtres humains que noussommes? À tel point, d’ailleurs, que nousidentifions souvent nos malentendus, lesméprises de nos élèves, les différends avecnos collègues, la confusion des consignesentre enseignants et directions d’établisse-ments ou les erreurs de certains, avec des« problèmes de communication ». Qui oseraitremettre en doute le fait que nous évoluonsquotidiennement dans le monde de la com-munication publique, organisationnelle,groupale et interpersonnelle? Publicité, réu-nions, informations écrites, promotion etmédias sont définitivement notre tasse de

thé. Toutefois, avons-nous sciemment déve-loppé nos compétences en communication?Avons-nous acquis des réflexes quant à laplanification de nos communications? Avantde prendre la décision de faire évoluer votrecapital d’habiletés de communication, laissez-nous vous raconter l’histoire d’un icebergbien ancré au centre de nos habitudes…

Attendu que toutes les histoires débutent par« Il était une fois… », il était une fois des mil-liers de personnes qui contemplaient un ice-berg fort singulier qui occupait leur champ devision chaque fois qu’elles tentaient d’entreren relation avec leurs pairs. Elles avaient

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L’ICEBERG DE LA COMMUNICATIONpar Marie-France Gaumont et Paul Turpin

« Seul l’inconnu épouvante les hommes.Mais, pour quiconque l’affronte, il n’est déjà plus l’inconnu. »

Antoine de Saint-Exupéry, dans Terre des Hommes

blèmes, où chacun est appelé à trouver lacontribution qu’il peut apporter dans untemps relativement court pour favoriser laréussite des élèves.

Et il y en a bien d’autres, chaque milieucréant ses propres projets de collaboration.Toutefois, les invités précisent qu’un des élé-ments de réussite de ces projets se trouvedans la rigueur à partager inlassablement la

vision et les orientations du programme deformation.

Une citation me revient en mémoire : « Lepassage du travail solitaire à la coopérationest souvent douloureux et, dans un premiertemps, rend effectivement moins efficace. Ilest tellement plus simple de s’entendre avecsoi-même.1»

La complémentarité est un beau défi pourdévelopper un partenariat humain et im-planter une culture de collaboration. Undirecteur d’école suggère de remplacer « Monécole, mon service, mes élèves » par « Nosécoles, nos services, nos élèves ».

Tous les propos intéressants et pertinentsentendus autour de cette table ronde medonnent le goût de les résumer ainsi : le motcomplémentarité est un mot porteur d’espoiret… il peut compter « gros » dans la réussited’un enfant.

Mme Lise Lagacé est consultante en éducation.

1. GATHER THURLER, Monica, « Coopérer dans leséquipes cycles », Vie pédagogique, no 114, février-mars 2000, p. 27-30.

appris qu’informer, c’est communiquer. Il estvrai que la communication comprend entreautres la transmission de l’information, ce quireprésente la zone la plus visible de l’iceberg.Mais communiquer, c’est bien plus qu’in-former, voilà notre premier postulat. L’actede communiquer inclut aussi l’éventail deszones grises possibles lorsqu’on interagitavec une autre personne, soit les dimensionscachées et souvent négligées de la relation.

Ces dimensions nous relient à notre deuxiè-me postulat : une communication est à lafois fonctionnelle (axée sur le contenu,donc sur la tâche) et relationnelle (axée

Donald GuertinSpécialiste en sciences de l’éducation

Direction générale de la formation des jeunesMinistère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

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sur la relation, donc sur le climat). À cetégard, l’école de Palo Alto avance que 80 %de la communication repose sur la relationalors que 20 % se base sur le contenu. Pasétonnant que nous devons d’abord établir larelation avec notre élève avant de présenterla matière de notre enseignement! Cepen-dant, nous avons tendance à nous concentrerdavantage sur la partie visible de l’iceberg,c’est-à-dire sur sa dimension fonctionnelle, lecontenu. Dans un contexte en changementcomme celui qui prévaut depuis un certaintemps dans le milieu scolaire au Québec,c’est la dimension relationnelle sur laquelle ilimporte de se concentrer. Changer, c’estaffronter l’inconnu. Affronter l’inconnu, c’estdéstabiliser ses zones personnelles de con-fort, de contrôle, de compétence et de confian-ce. Il faut donc aborder la communication entermes de comportements. Nos conduitesfont partie du message, souvent bien plusque nos paroles. D’ailleurs, les recherches surla communication montrent que si les gensperçoivent une incohérence entre le discourset les actes, ils s’attarderont aux actes plutôtqu’au discours. D’où le proverbe : « Ce quel’on fait parle plus fort que ce que l’on dit. »

Revenons à cet iceberg qui gêne la vue deplusieurs individus. Non seulement ont-ilsl’impression de communiquer lorsqu’ils infor-ment, mais ils ont la certitude qu’ils sontentièrement compris de leur interlocuteur.Pourtant, la communication oscille entre lacréation du commun et l’expression de ladifférence, clé de notre troisième postulat,d’où l’expression « être ou ne pas être sur lamême longueur d’ondes ». Lors d’une inter-action, parfois nous nous rapprochons d’unereprésentation commune, maintes fois nousnous en éloignons. La communication estune façon d’exprimer notre unicité, mais aus-si nos différences. Elle est également unmoyen de nous rapprocher d’une ententecommune et approximative. Chacun est tourà tour ouvert et fermé à l’autre, simultané-ment émetteur et récepteur. Il y a donc autantde façons de percevoir la réalité et de com-muniquer qu’il y a de cerveaux humains.Incontestablement, nous avons tous notrelogique propre.

D’où se profile notre quatrième postula : lacommunication est vue comme possible,bien que l’entente interhumaine soit limi-tée et parfois incertaine. Pour parvenir à

une entente, il importe de réduire l’écartentre notre perception et celle de notre inter-locuteur.

Voici quelques statistiques (Martin 1999) quiillustrent fort bien ce défi : 1. Un outil de communication ne touche, en

une fois, que 30 % du public visé.2. Un message lu ou entendu est retenu à

50 %.3. D’un message dont nous connaîtrions

100 % du contenu,• nous n’en transmettons que 80 %;• notre interlocuteur n’en entend que

60 %;• il n’en comprend que 40 %;• et n’est capable d’en restituer que 20 %.

Dans la seule intention de réduire l’écartentre les perceptions et en gardant à l’espritque la communication est un échange, cer-taines habiletés de base en communicationinterpersonnelle sont à développer. Nous enavons déterminé six :1. QUESTIONNER et favoriser l’ouverture

pour engager un dialogue;2. EXPRIMER sa pensée en gestes et en mots

(recadrer et reformuler);3. DONNER et RECEVOIR une RÉTROACTION;4. ÉCOUTER – être à l’écoute de soi et de

l’autre;5. FORMULER ses INTENTIONS avec cohé-

rence et observer leurs effets;6. MÉTACOMMUNIQUER – prendre du recul

pour observer et commenter la dyna-mique d’interaction;

L’information est à la transmission du savoirce que la communication est à la constructiondu savoir. Pour s’y préparer, à l’instar de laplanification de l’enseignement, nous avonsrecours à un modèle simple, développé par lechercheur Laswell dans les années cinquante.Malgré que ce modèle soit quelque peulinéaire, il a l’avantage de jeter les basesd’une stratégie de communication en sixquestions :1. QUI est le porte-parole?2. Il dit QUOI? Quel est votre message

général et quels sont vos messages spéci-fiques?

3. À QUI? Qui cherchez-vous à convaincre, àrallier, à renseigner, à éveiller?

4. COMMENT? Allez-vous privilégier desmoyens plus personnels ou avoir recoursà différents outils imprimés et visuels?

5. Avec QUELS EFFETS? Quelles sont vosintentions en vous engageant dans unéchange avec vos employés, des parte-naires, des parents? Qu’est-ce que vousattendez d’eux? Qu’allez-vous faire de larétroaction que vous allez recevoir?

6. QUAND? À quel moment allez-vouséchanger avec les employés, partenairesou parents? Quel est le moment opportunpour engager un échange ou demeurersilencieux?

Rappelons-nous, le but de la communicationest la création et le maintien du lien, d’uneentente entre des personnes ou entre desgroupes de personnes. De ce fait, la commu-nication doit être vue et comprise en termesde relations et d’échanges. Dès la naissance,nous apprenons les règles d’interaction aucontact des autres. Le simple fait d’avoir unelangue commune n’est pas garant d’uneentente. La communication doit être l’objetd’une incessante négociation. Elle requiertune constante réinvention et un investisse-ment quotidien d’efforts.

Serez-vous de ceux qui n’auront plus la vueembarrassée par la pointe de l’iceberg et quipousseront un peu plus loin l’exploration deces dimensions cachées par le développe-ment de vos habiletés de communication?

Mme Marie-France Gaumont est vice-présidente exécutive et pédagogue spé-cialiste en communication chez Simbal inc.et M. Paul Turpin est président fondateuret stratège des communications d’entre-prise dans la même firme.

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Comme la recherche-action est abondam-ment utilisée en éducation, il est important depréciser que cette démarche s’associe étroite-ment à un processus de résolution de pro-blème dans lequel il y a alternance entrel’action et la réflexion (Dolbec et Clément2000). C’est un processus continu qui valorisela dimension expérientielle dans le but deprendre des décisions éclairées pour amélio-rer une situation et pour apprendre à partirde son expérience. Ce type de recherche a legrand avantage de faire participer les prati-ciens à toutes les étapes de la recherche, tantdans la définition des besoins d’une situationparticulière sur laquelle on veut réfléchir ouapporter un changement que dans la mise enapplication de solutions adaptées à cesbesoins. John Dewey fut le grand instigateurde cette approche, car il croyait profondé-ment que le savoir se construit à partir del’expérience concrète. Le tableau suivantreprend les cinq étapes du cycle qui alternel’action et la réflexion dans le processus derésolution de problème (selon Dewey). Cecycle n’est pas linéaire et doit plutôt êtrecompris comme un processus évolutif en spi-rale, où l’émergence de solutions se redéfinità la lumière des résultats obtenus au fur et àmesure que la compréhension de la situations’affine.

C’est en se basant sur cette démarcheexpérientielle qu’un modèle de recherche-action fut proposé à seize enseignantes dematernelle. L’analyse de toute la démarchenous a permis d’établir ce que nous avonsnommé les « conditions gagnantes » pour unchangement de pratique. Nous expliquons ci-après ces trois conditions qui ont permis ànotre groupe de cheminer dans ce projet dedéveloppement professionnel.

Première condition : la mobilisationou l’engagementLe modèle proposé mise sur la mobilisationet l’engagement des enseignantes ainsi que

UN GROUPE D’ENSEIGNANTES DU PRÉSCOLAIRE SE DONNE UN « ESPACE RÉFLEXIF »

par Hélène Larouche et Lise Francœur-Vincent

UUne recherche-action vécue par desenseignantes du préscolaire de la région del’Estrie a suscité un enthousiasme certainpour l’échange et la réflexion sur leur pra-tique. Ce groupe de participantes a senti le besoin de continuer à se rencontrer bien au-delà des moments prévus par larecherche. Qu’est-ce qui peut motiver desenseignantes à se déplacer pour veniréchanger et discuter de leur pratique enclasse? Quels sont les motifs qui les incitent às’ouvrir et à partager leurs différentes problé-matiques? Quelles sont les conditions quiprovoquent un tel cheminement? Il est impor-tant de mentionner qu’à l’origine, le projet sesituait dans la continuité d’un perfection-nement offert par les Services régionaux desoutien et d’expertise de l’Estrie pourprévenir l’apparition ou l’aggravation des difficultés d’apprentissage ou d’adaptationchez les enfants de maternelle1. Lesenseignantes étaient invitées à suivre une for-mation de quatre journées au coursdesquelles on leur proposait différentes thé-matiques : le portrait de la classe, les règlesde vie, la gestion des différences, l’adaptationde l’enseignement, les différentes interven-tions et la collaboration avec les parents. Pourfaire suite à ce perfectionnement, unerecherche-action devait répondre aux besoinsdu milieu et impliquer les participantes dansune démarche de transformation des pra-tiques. Le préscolaire, par la spécificité de sonorganisation temporelle (entre autres l’instauration des routines, les activités enpetits groupes sous forme d’ateliers ou l’amé-nagement en aires de jeu), présente un bonpotentiel pour réfléchir sur les meilleuresfaçons de répondre aux différents besoinsdes enfants. C’est donc dans cet esprit, pourexploiter les caractéristiques propres de lamaternelle et pour favoriser l’appropriationdes compétences visées, que cette recherche-action a été mise sur pied par une équipe del’Université de Sherbrooke.

sur leur capacité à résoudre des problèmescomplexes, à innover et à relever des défis. Lemodèle nécessite l’exploration de stratégieset de moyens proposés par un groupe et lamise à l’épreuve par les enseignantes de cesmoyens dans leur classe. Le but visé est defavoriser le développement optimal desjeunes enfants et de contribuer par la mêmeoccasion au savoir professionnel d’une com-munauté de pratique. Les chercheurs fontpartie de la communauté de pratique dans larecherche de solutions, leur rôle étantd’établir un climat de confiance et de faciliterle processus. Dans cette optique, la formationcontinue représente non pas une façon decombler des lacunes, mais un effort pouraffirmer et consolider l’acte d’enseigner(Parent et autres 1999). Il s’agit ici de construireun espace commun et de réfléchir ensemble;c’est pourquoi nous avons nommé le modèle« Se donner un espace réflexif ».

Au début du projet, nous avons rencontré lesenseignantes en entrevue individuelle pourconnaître leurs attentes, de façon à les pren-dre en compte dans l’organisation des ren-contres. Elles ont exprimé le besoin dediscuter sur leur vécu, à partir de la pratiquequotidienne. Ainsi, une participante a affirméne pas vouloir « des solutions-miracles, maisdes idées que je vais pouvoir essayer dansma classe ». En corollaire aux attentesexprimées, nous avons cherché à déterminerles raisons qui feraient en sorte qu’elles nes’impliqueraient pas. Une participante arépondu : « Je trouve qu’on a tellement deformations que parfois ça ne donne rien etqu’on est incapable de les mettre enpratique. » Dans la même veine, une autreparticipante a fait valoir qu’elle enseigne dansune toute petite école et en milieu éloigné, cequi ne facilite pas l’engagement. Le manquede temps est le motif le plus fréquemmentinvoqué par les participantes. L’une d’elles le formule de la manière suivante : « Je suisun peu atteinte du mal de toutes les

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enseignantes au préscolaire, c’est que dans lemilieu de l’éducation en général, je suis déjàimpliquée dans d’autres projets. Là-dessus,j’avais un peu de réticences. » Ces attentes ontété prises en compte dans l’organisation desrencontres.

Voici comment se déroulaient ces rencontres(en se basant sur les étapes présentées dansle tableau 1). Dans un premier temps, uneenseignante était invitée à décrire un « cas »d’enfant. Après cette présentation, le groupeétait amené à réagir, en formulant des ques-tions de clarification qui donnaient unportrait plus complet de la situation et del’enfant. Cette étape conduisait à une pre-mière formulation des principales causes descomportements décrits. Il s’agissait alors pourle groupe de comprendre les enjeux enprésence afin de cibler les interventions lesmieux adaptées à la situation. Cet exerciceamenait l’enseignante à réfléchir sur sonfonctionnement et sur ses interventions. Legroupe proposait différentes stratégies adap-tées à la problématique donnée, en recadrantle problème (par exemple, l’enseignante étaitinvitée à nommer les aspects sur lesquels elledésirait se pencher en premier). La présenta-tion se terminait par l’énoncé des intentionspoursuivies dans les jours à venir et des résul-tats attendus. Cette démarche dynamique se

voulait un dialogue collectif autour d’un cassingulier, pour construire ensemble uneintervention adaptée et réaliste face au pro-blème présenté. Dans les rencontres subsé-quentes, les enseignantes ayant présenté descas étaient invitées à revenir brièvement surles stratégies mises en avant et sur l’évolutionde la situation. Enfin, chaque rencontre seterminait par un échange sur la démarche et sur les retombées dans le quotidien des participantes.

Une clé essentielle pour bien comprendrecette condition de mobilisation et d’engage-ment est la reconnaissance de l’expériencecomme source d’apprentissage. Pour com-prendre la pratique, il faut nécessairementpartir du point de vue des acteurs et du sensqu’ils construisent dans la situation qui lesinterpelle. Cette situation se manifested’abord par un besoin ressenti, une insatis-faction, un doute ou une déstabilisation. Vientensuite le désir d’y remédier, pour rétablirl’équilibre et faire cesser l’indétermination.Selon Karolewicz (1998), la mobilisationreprésente la pierre angulaire pour appren-dre à partir de sa pratique. Cette mobilisationfait appel à une prise de décision volontairequi projette la personne dans son pouvoird’agir. Du degré d’engagement dépend laprise de conscience de la personne sur sa

façon d’agir et d’apprendre. Le sociologueNorbert Élias (1993) explique l’interactionsociale comme une tension entre l’engage-ment et la distanciation, ces deux pôles étantinterdépendants. L’engagement concerne lasubjectivité et l’affect; il fait appel à l’émoti-vité. Par exemple, une situation peut « venirnous chercher », comme on le formule demanière plus familière. La distanciation con-cerne l’objectivité et fait appel aux aspectsplus rationnels. Plus la situation interpelle etmobilise la personne, plus l’effort de distan-ciation sera important. Expliquons comments’est vécue la distanciation chez nos partici-pantes.

Deuxième condition : le nouveauregard ou la distanciationCette deuxième condition est liée à la pre-mière en ce sens que nous avons misé sur laréalité des enseignantes telle qu’elles lavivaient dans leur classe. On le sait, la vied’une classe de maternelle est caractériséepar l’urgence de l’action. Le modèle proposépar l’espace réflexif leur offrait l’occasion dese distancier de cette action – une sorte depause sur image – pour mieux la comprendreet l’analyser sous de multiples facettes. Le faitde choisir un cas d’enfant qui les touchaitplus particulièrement fait appel à la dimen-sion affective de la personne. L’effort dedistanciation se réalise donc à un doubleniveau : un effort pour « problématiser » la situation et un effort pour « objectiver » larelation avec l’enfant, tout en demeurantengagées.

Pour comprendre l’impact du modèle sur leurpratique, nous avons rencontré les ensei-gnantes à la fin du projet, en entrevue indi-viduelle. Nous avons recueilli les témoignagesqui suivent. Les enseignantes ont appris àdédramatiser les situations et à modifier leursattentes devant les différences qui surgissentdans leur groupe d’élèves. « J’ai appris à lâcher prise, lâcher prise sans dire “ je ne faisplus rien ”, mais à dédramatiser. » Elles se disent de plus en plus tolérantes face àl’ambiguïté des situations qui se présentent.« Je voulais trouver la meilleure façon d’inter-venir, ce n’est pas évident, ça prenait une certaine force pour accepter; je suis repartieavec une nouvelle façon de voir; le question-nement est toujours là... » Ces prises de conscience individuelles ont amené les parti-cipantes à poser un autre regard sur l’enfant

Tableau 1 : Étapes du processus de la recherche-action repris dans notre modèle

Étapes

1. La déstabilisation

Description

État déclenché par une difficultéressentie. Dewey parle d’unerupture dans la continuité del’expérience, un doute qui surgit.

Exemples de questions

Y a-t-il dans ta classe un casd’enfant qui te dérange plus par-ticulièrement?

2. La formulation Tentative de clarification de lasituation. Il s’agit de prendre unrecul pour cibler et définir leproblème.

Comment décrirais-tu cet enfantpour qu’on s’en fasse unereprésentation?

3. L’exploration Planification – après explorationde solutions connues – d’unenouvelle solution.

Qu’est-ce qui fonctionne habi-tuellement mais qui ne semblepas réussir avec cet enfant?

4. La mise à l’épreuve Mise à l’épreuve dans l’action,alors qu’on observe les effets dela solution amenée.

De quelle façon vas-tu t’y pren-dre pour…?

5. L’évaluation Évaluation des résultats et appli-cation de la solution (si elle estconservée).

As-tu noté un changement dansles comportements de l’enfant?

Qu’est-ce que tu retiens?

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et sur elles-mêmes. « Moi, c’est sûr que mavision d’Antoine est changée, totalement,parce que l’enfant a changé, on a cheminétous les deux ensemble, notre relation a évolué. » Elles diront également avoirdéveloppé une capacité à s’expliquer diffé-remment et une habileté à recadrer les situa-tions pour mieux les réinvestir dans leurpratique. « J’étais peut-être trop exigeante;s’ils sont heureux et qu’ils sont bien, c’est çaqui est important; des fois, il y en a qui ontplus le tour de venir nous chercher, il fautmettre une limite; c’est peut-être de la mettreplus rapidement et au bon moment surtout. »Les pistes de solutions concrètes qui leur ontété fournies par le groupe les amènent à mieux comprendre leur propre modèled’intervenante.

Troisième condition : le soutien du groupe ou la construction collective d’un savoirEn plus de ces deux conditions gagnantes, unautre aspect s’est avéré indiscutablementfructueux dans notre modèle; il s’agit de l’apport du groupe. L’analyse de la démarchedémontre que le soutien du groupe ainsi quela régulation qui s’opère à l’intérieur de lacommunauté de pratique ont un impact réelsur la pratique des enseignantes. Encore unefois, expliquons comment s’est vécue ladémarche. Pour faciliter l’échange et lepartage des expériences de chacune, l’équipedes chercheurs a choisi de diviser en deuxgroupes l’ensemble des participantes, defaçon à favoriser une saine dynamique degroupe. Le fait de regrouper huit personnes,en plus des chercheurs, autour d’une tablefacilite l’échange et la participation. La répar-tition dans l’un ou l’autre des groupes s’estfaite en tenant compte des liens personnels,de la situation géographique, du mélange descommissions scolaires et de l’expérience desparticipantes. Ces critères avaient pour butd’assurer une certaine hétérogénéité au seindes groupes. À la suite de la première ren-contre, on a revu la répartition de cesderniers, l’horaire et les dates des rencontres.Tel que le soulignent Dolbec et Clément dans« La recherche-action », le processus métho-dologique se caractérise par l’adaptation et lasouplesse à réagir aux imprévus rencontréspendant le déroulement. Le tableau suivantillustre comment le groupe était invité à par-ticiper à la résolution de problème. On

remarquera que les questions visent le mêmeprocessus que celui que nous avons présentéplus haut.

Lors de la dernière rencontre de groupe, lesparticipantes ont laissé des traces écrites surl’impact de la démarche au regard de leurpratique. Voici des exemples de ces messa-ges : « C’est valorisant de voir que nos idéeset nos suggestions sont essayées, utilisées etappréciées. Ça nous aide à prendre une distance face aux “ problèmes ”. » « Je n’ou-blie pas la théorie des petits pas. » « Cela augmente ma confiance dans de nouveauxtypes d’intervention. » « Si je ne m’étais pasquestionnée en groupe, je ne suis pas cer-taine que j’aurais trouvé une solution; jen’aurais pu m’en sortir; je pense que je nel’aurais pas vue… »

En choisissant le mode discursif dans unedémarche collective de résolution de pro-blème, nous nous positionnons dans uneépistémologie basée sur une approche com-préhensive de la réalité. La réalité n’est pasdonnée; elle doit être interprétée par lesacteurs à travers des interactions sociales. Ilest permis d’affirmer que la démarche pro-posée a participé au développement d’unsavoir professionnel par la dynamique derelations sociales intersubjectives. En analy-

sant des cas réels et singuliers, les partici-pantes ont négocié, délibéré, partagé etcoconstruit leur savoir professionnel.

En guise de conclusion : un projetqui se poursuit…La démarche vécue dans cette recherche-action a eu plusieurs effets et retombées. Enplus de donner du sens à leur pratique, ladémarche a développé chez les enseignantesun sentiment d’appartenance à une commu-nauté. Il semble que le fait d’être toutes desenseignantes du préscolaire leur a permis dese reconnaître, de se sentir mieux comprisesdans leur réalité et de briser l’isolement.D’autre part, la spécificité du préscolaire, quiapparaissait au départ comme un élémentcentral dans le regroupement, a occupél’arrière-scène dans la communauté de pra-tique. Plusieurs ont même mentionné quel’ouverture aux autres niveaux ajouterait à ladynamique de groupe. Parmi les autres élé-ments qui ont été déterminés comme favo-rables, il y a le non-jugement, la souplesse dela démarche, la valorisation de la pratique etle droit à l’erreur.

Dans son dernier rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation le Conseilsupérieur de l’éducation propose de stimulerle dialogue entre la recherche et la pratique

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en éducation. « Soucieux de stimuler l’essord’une culture de recherche et de développe-ment et bien enclin à rehausser l’intérêt pourl’innovation continue dans l’ensemble duréseau de l’éducation, le Conseil voit alorsdans la recherche un outil de développementcapable de favoriser la mise en place de pra-tiques mieux adaptées aux besoins éducatifsdes élèves et des étudiantes. » (Conseilsupérieur de l’éducation, Rapport annuel2006, p. 2). Dans ce rapport, on se ques-tionne entre autres sur les interfaces ou leslieux d’échange pour établir des liens entre larecherche et la pratique. La poursuite d’unetroisième année avec les participantes del’« espace réflexif » démontre non seulementleur motivation à s’engager ainsi que leurbesoin de réfléchir ensemble pour s’habiliteren contexte, mais apporte également un élé-ment de réponse au dialogue entre rechercheet pratique en éducation. Cette réponse tienten partie aux intérêts respectifs deschercheurs et des praticiens qui proviennentde deux cultures certes différentes, mais com-plémentaires dans la façon de poser unregard sur l’enfant et sur leur façon d’inter-

venir auprès de lui pour mieux l’accompa-gner dans son développement. Lorsque « les conditions gagnantes » font partie del’échange, un climat de confiance réciproquepropice à l’écoute et à l’ouverture s’installe etdevient propice à la réflexion.

Mmes Hélène Larouche et LiseFrancoeur-Vincent sont respective-ment professeure et conseillèrepédagogique au Département d’en-seignement au préscolaire et auprimaire de la Faculté d’éducationde l’Université de Sherbrooke.

Références bibliographiquesASTOLFI, J.-P. « Le métier d’enseignant entre deux figuresprofessionnelles », dans Éducation et formation, nou-velles questions, nouveaux métiers, Issy-le-Moulineaux,ESF, 2003, p. 23-52.CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION. Le dialogueentre la recherche et la pratique en éducation : une clépour la réussite, Gouvernement du Québec, 2006.DOLBEC, A. et J. CLÉMENT. « La recherche-action », dansT. Karsenti et L. Savoie-Zajc, Introduction à la rechercheen éducation, Sherbrooke, Éditions du CRP, 2000, p. 199-224.ÉLIAS, N. Engagement et distanciation, Paris, Fayard,1993.GÉLINAS, A. « Les exigences de l’accompagnement dansle renouvellement des pratiques », dans M. L’HOSTIE etL.P. BOUCHER, L’accompagnement en éducation. Unsoutien au renouvellement des pratiques, Sainte-Foy,Presses de l’Université du Québec, 2004, p. 31-45.KAROLEWICZ, F. L’expérience, un potentiel pour appren-dre, Paris, L’Harmattan, 1998.PARENT, G. et autres. « Formation continue du personnelenseignant : vers une culture du développement profes-sionnel », dans C. GOHIER et autres, L’enseignant, unprofessionnel, Sainte-Foy, Presses de l’Université duQuébec, 1999, p. 121-141.SCHÖN, D. « À la recherche d’une nouvelle épistémolo-gie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’éduca-tion des adultes », dans J.-M. Barbier (dir.), Savoirsthéoriques et savoirs d’action, Paris, Presses universi-taires de France, 1996, p. 201-222.

1 Le projet, intitulé Prévenir et intervenir à la mater-nelle : un beau risque à prendre, a été financé dans lecadre du programme de soutien à la recherche-actionen adaptation scolaire Soutenir la réussite. JacyntheTurgeon, Angèle Brisson et Marie-Claude Bruneau,des Services régionaux de soutien et d’expertise del’Estrie, ainsi que Denis Trudelle, de l’Université deSherbrooke, ont participé à ce projet.

Tableau 2 : L’apport du groupe dans le processus

• Clarification à la suite de la descriptionEst-ce que vous avez en tête une image de cet enfant? Sur quels points aimeriez-vousrevenir? De quelles informations auriez-vous besoin avant de poursuivre?

• Les enjeux présents après la première formulationSelon vous, avec un regard plus extérieur, qu’est-ce qui semble causer problème dans lasituation? Si on essayait de résumer, quels sont les enjeux présents? Est-ce que cette situa-tion vous touche ou ressemble à quelque chose que vous avez vécu?

• Les stratégies mises en œuvre (interventions et effets)Peut-on reformuler les interventions faites jusqu’à maintenant? Avez-vous des exemplesde situations semblables et qui auraient porté fruit?

• Anticipation sur la résolution (recadrage et pistes de solution)De votre point de vue, quelle serait la solution idéale? Tenant compte du contexte de laclasse de… comment peut-elle envisager une solution réaliste? Quelle action prudenteou contrainte devrait-elle envisager?

• La décision et l’intention (faire nommer l’intention)Comprenez-vous l’intention de … À la place de …, à quel point vous attaqueriez-vous enpremier?

• Compréhension de la résolution (mise à l’épreuve)Êtes-vous surprises de ce qui s’est passé? Quelles sont vos réactions?

• Questions sur les principes guidant l’actionEn quoi cette situation est-elle représentative des interventions auprès des enfants qui ontdes problèmes d’apprentissage ou de comportement?

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L’ABC DE LA COMMUNICATION ENTREPARENTS ET ENSEIGNANTS

par Laurence Houllier

Les relations entre parents et enseignants ontbeaucoup évolué depuis que l’on entrevoitl’éducation de l’enfant comme étant unetâche partagée dont le principal responsableest le parent. Il est loin le temps où les parents n’avaient qu’une note au bulletinpour les informer des progrès ou des reculsde leur enfant, sentence chiffrée qui rangeaitdéfinitivement l’individu dans la catégorie desélus ou dans celle des perdants. Il est loin,aussi, le temps où les rencontres avec l’en-seignant se déroulaient dans le bureau dudirecteur. C’était parce que le petit avait faitl’âne et l’enseignant menaçait de craquer si lecoupable n’était pas sévèrement puni.

Inviter les parents à s’impliquer davantagedans l’éducation de leur enfant est une incita-tion à participer à sa réussite éducative etscolaire. À la mission de l’enseignant, qui estde permettre à l’enfant de vivre une réussiteéducative et scolaire, s’ajoute la tâche d’informer les parents dans un dialogue suivi,respectueux et personnalisé, ce qui est par-fois complexifié par des situations familialesconflictuelles, des conditions socioécono-miques difficiles, l’influence d’Internet, l’omniprésence des médias, la diversité desorigines ou les barrières linguistiques et laculture méconnue des parents immigrants.

Bien des parents ignorent que leur enfant, quiquitte chaque matin sa famille pour l’école,va subir une métamorphose qui nes’achèvera qu’une fois qu’il sera bien installédans sa classe. La chimie de la famille estbien différente de celle de l’école.L’enseignant, qui doit deviner l’enfant privé,connaît mieux que ses parents l’enfant public,celui qui doit s’épanouir en société, dans unensemble de contraintes et d’opportunitésqui ne ressemblent guère à sa vie de famille,un terreau particulier qui suscite une person-nalité particulière. Chaque enfant étant lesujet le plus important de l’univers, l’en-seignant jouit d’un poste d’observation

unique sur le spectacle quotidien de sondéveloppement global. C’est un privilègeassorti d’une responsabilité : celle de la trans-parence absolue. Cette position privilégiée del’enseignant n’exclut pas les compétencespédagogiques des parents ni leur bonnevolonté. Mais puisqu’il s’agit de tout mettreen œuvre pour que l’enfant profite au maxi-mum de l’école, les parents ont évidemmentleur rôle à jouer et à cette fin, l’enseignantdoit établir avec eux un contact solide etrégulier. L’enseignant ne peut pas tout faire.Le parent non plus. C’est pour cela que lacommunication entre le parent et l’école existe.

Un enfant dont les parents sont bien informésdu travail en cours profite ainsi d’un appuisupplémentaire pour relever ses défis : unsoutien intellectuel, car le partage de connais-sances enrichit; mais surtout un soutienmoral, puisque l’enfant est revalorisé par l’in-térêt que ses parents portent à son travailscolaire, même s’il est allergique au travail. Etpuisque chaque enfant est unique, l’en-seignant profitera énormément d’une bonnecommunication avec les parents pour person-naliser son enseignement et le rendre plusefficace.

À l’intention des enseignants,quelques pistes pour assurer une bonne communication

Au début de l’année…Le début de l’année est l’occasion privilégiéede prendre contact avec les parents. En effet,ils auront intérêt à faire connaissance avec lapersonne qui accompagnera leur enfant toutau long de son parcours scolaire. Toutes lesoccasions sont bonnes! Par exemple, avant lapremière journée de classe, un petit mot auxparents ou un coup de téléphone pour vousprésenter soulignera l’intérêt que vous avezpour vos futurs élèves et leurs parents.

Après les deux premières semaines de classearrive la première soirée de rencontre avecles parents. Décorez votre classe et prévoyezune activité faite par les enfants. Par exemple,pour les plus jeunes, vous pouvez leur fairedessiner leur portrait sans l’identifier. Ainsi,lorsque les parents se présenteront en classe,ils devront essayer de reconnaître le portraitde leur enfant. Pour les plus vieux, chaqueélève écrira une lettre de bienvenue qu’il lais-sera sur son pupitre. Le parent pourra alorslire la missive qui lui est adressée… Ce sontde bons moyens qui permettront de briser la glace!

Cette première rencontre est importante carelle va vous permettre de vous présenter.Soyez bref, drôle et sincère; faites le point sur l’ensemble des règles et des modes defonctionnement de votre classe (les retards,les absences, les devoirs et les leçons, la disci-pline, vos pratiques pédagogiques, le maté-riel pédagogique, l’évaluation, le bulletin, leportfolio, etc.). Prévoyez une période dequestions et notez leurs attentes. Préparezaussi un petit questionnaire sur les habitudesde leur enfant à la maison, sans trop entrerdans le détail, en précisant que cela va vouspermettre de mieux le connaître et ainsi demieux cibler vos interventions.

Toujours dans le contexte de la première ren-contre avec les parents, sachez que cesderniers sont inquiets lorsque leurs enfantscommencent à la maternelle, en premièreannée ou au secondaire. Au préscolaire, leprocessus de séparation est difficile autantpour les enfants que pour les parents. Il fautdonc faire preuve de souplesse. Ainsi, lepremier mois d’école, certains parentssouhaiteront peut-être accompagner lesenfants dans la classe. Ne leur fermez pas laporte; laissez-leur un peu plus de temps pours’adapter au nouvel environnement, tant quecela ne nuit ni à l’enfant, ni au groupe.

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Pour les élèves de première année, la ques-tion que se posent les parents le plus souventest la suivante : Comment mon enfantapprend-il à lire et à écrire? Il est pertinent deleur expliquer les méthodes pédagogiquesque vous allez utiliser afin de leur permettre,dans une perspective de coéducation, de biensuivre leur enfant et d’être proactif.

Pour les élèves qui commencent au secon-daire, tout est nouveau : le lieu, les ensei-gnants, les disciplines. Ces jeunes, qui étaientles plus vieux au troisième cycle du primaire,deviennent les plus jeunes au premier cycledu secondaire. Certains n’ont plus d’amis,d’autres sont intimidés, car l’école est plusgrande et il y a plus d’élèves (mais ils ne veu-lent surtout pas que les parents les accompa-gnent à l’école…). La période d’adaptationest exigeante. Les parents ont besoin d’êtrebien informés pour encadrer leur jeune etpasser à l’action.

Enfin, toujours dans le contexte de la pre-mière rencontre, il est pertinent d’inviter lesparents à s’impliquer bénévolement dans lesactivités liées à la classe. Ils sont des alliés etils comptent sur les enseignants pour queleur enfant s’épanouisse. Cela doit se réaliserdans la réciprocité.

Tout au long de l’année…Tout au long de l’année, à chaque étape, il y ala remise des bulletins. La rencontre avec les

parents qui porte sur le bulletin ne doit pasêtre centrée uniquement sur les cotes. Il estnécessaire de discuter de la réussite scolaireet éducative de l’enfant. Ayez un portfolio, un dossier d’apprentissage, des travaux del’élève, peu importe, mais soyez équipé pourjustifier ses progrès et ses résultats. Parlez entermes de défis et de forces, évitez le termedifficulté, car il cristallise, ne soyez pas nor-matif; chaque élève est unique, avec ses pro-pres défis et ses forces. Si un enfant éprouvedes problèmes particuliers, qu’il a besoin deservices d’orthophonie, de psychoéducationou d’orthopédagogie, il est important que lesparents soient informés régulièrement àl’aide d’un plan d’intervention ou par unautre moyen.

Dans une perspective de communicationréussie, il est indispensable d’informer lesparents de ce que vit leur enfant, qu’il s’agissede moments heureux ou difficiles. On a troptendance à ne communiquer que lorsque desproblèmes se manifestent. Un message quisouligne une réussite ou une réalisation etdes encouragements ou des félicitations sonttoujours les bienvenus.

Durant l’année, avec le temps, notez tout ceque vous observez sur l’élève (dans un jour-nal de bord), sur ses forces et ses défis, dupoint de vue privilégié de l’enseignant quivous donne un regard que les parents n’ontpas. Partagez ces informations avec eux et

l’enrichissement individuel de chacun serasupérieur à la somme des parties!

Comment communiquer unévénement difficile?Lorsqu’il s’agit de communiquer des événe-ments négatifs qui surviennent dans l’année,certains enseignants peuvent se sentir dému-nis ou en désaccord. Il est important de noterque les parents à qui l’on s’adresse ont déjàété eux aussi des élèves. Il se peut que leurexpérience scolaire n’ait pas été des plus harmonieuses et ils peuvent avoir du ressen-timent envers l’école. L’enseignant risque parfois de devenir un bouc émissaire. Il fautrester vigilant et à l’écoute, rigoureux, soupleet imaginatif tout à la fois. C’est l’enfant quidoit en sortir gagnant, quels que soient lesproblèmes personnels des adultes : tabousreligieux, manque de temps ou d’argent, crisefamiliale, crise professionnelle. Il s’agit doncdans ce contexte de choisir le mode de com-munication approprié; cela peut se faire parécrit, par téléphone ou en entrevue. Toutdépend de la gravité de la situation.

Toutefois, quel que soit le contexte, il fautdédramatiser la situation et rappeler aux parents que l’école est, entre autres, un lieud’entraînement où l’enfant va se complairedans un rôle de victime, de persécuteur ou desauveur. Que ce passage est un moyen pourapprendre à se connaître, à structurer sonidentité. Enfin, durant l’échange, il est con-séquent également de s’en tenir aux faits etne pas utiliser des arguments moralisateursou faire des critiques négatives. L’enfantdevra vivre les conséquences de ses actes etse corriger, de manière à ne plus se retrouverdans cette situation. Chaque enfant estunique, et c’est bien là la beauté du métierd’enseignant. Cela ne veut pas dire que tousles enfants soient faciles, et il en va de mêmepour leurs parents. Un enfant difficile l’estpeut-être parce que ses parents le sont; raisonde plus pour tenter tout ce qui est possiblepour établir et renforcer le contact avec cesderniers. Pour l’enseignant, le parent devientà son tour un bain révélateur de l’enfant.

Que faire quand ça se corse entreun parent et un enseignant?Lorsque l’on appréhende une rencontre, il estimportant d’en discuter avec un collègue, unprofessionnel ou la direction; cela devraitvous permettre de bien vous préparer à cette

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rencontre. Même si, dans bien des cas, onaurait envie de passer à un autre appel!

Il faut cependant persister, dans l’intérêt del’enfant, et trouver des stratégies adaptéespour que le parent se mobilise afin de trouverdes solutions communes pour pallier le problème.

Il arrive parfois que des parents soient encolère contre une situation et qu’ils souhaitentrencontrer l’enseignant. Si l’échange est hostile, soyez à l’écoute, faites preuve d’empathie, restez calme, et ce, même si voussentez que « la moutarde vous monte aunez ». N’ayez crainte, ce ne sont pas vos propres parents que vous rencontrez, maisbien les parents d’enfants que l’on vous aconfiés. Sachez tendre la main en remerciantl’individu qui vous livre son malaise, sesinquiétudes et peut-être ses propres carences.Un parent en colère est une personne dému-nie qui a besoin d’aide et qui ne sait pascomment faire. Reformulez ses inquiétudes,expliquez les raisons qui vous amènent à dis-cuter du problème et exprimez votre souhaitde trouver une solution conjointement. Il sepeut que, malgré tous vos efforts, le parentdemeure insatisfait et en colère et dans cecas, il est bon de lui proposer une rencontreavec une tierce personne (un professionnelou la direction) ou encore de remettre la ren-contre afin que chacun puisse se distancierdu problème et de ses émotions.

Le tonneau des DanaïdesIl arrive que des situations se compliquent etque la formation des enseignants ne suffisepas pour pouvoir faire face à certaines situa-tions, même avec la meilleure volonté dumonde. Les enseignants, qui ne sont ni destravailleurs sociaux, ni des psychoéducateurs,doivent quand même composer avec diverstypes de parents, et ce, toujours dans l’intérêtde l’enfant.

Que comprendre des attitudes de certainsparents? Qu’y a-t-il à décoder chez un parentqui s’investit trop ou qui ne le fait pas assez,celui qui dit oui mais ne fait rien, celui qui estdépassé, le parent pour qui l’école n’est pasimportante, celui qui dénigre son enfant,celui qui en fait un roi, celui qui ne se sent

pas responsable et qui accuse les autres, ouun parent que l’on ne voit jamais? La plupartdu temps, ces attitudes vont à l’encontre desvaleurs privilégiées par les enseignants etelles engendrent colère et frustration.Pourtant, il faut poursuivre, continuer à êtreen contact, car au bout de la ligne il y a unenfant qui attend. La plupart de ces parentsexpriment à travers leurs attitudes unmanque d’assurance, une mauvaise estimede soi, de la culpabilité, un sentiment d’impuissance ou de l’incompétence… Il nes’agit pas de refaire l’enfance des parents,mais de décoder et de composer avec la situation sans perdre de vue l’enfant. Pour cefaire, il ne faut pas rester seul; il est pertinent,voire même indispensable, de discuter avecses collègues, la direction, un travailleursocial, un psychologue ou un psychoéduca-teur et de trouver des solutions. Il est égale-ment possible de rencontrer les parents avecune de ces personnes (en les ayant avisés aupréalable); c’est là un moyen qui permet deconsolider le lien.

Enfin, il y a des situations incontournables demaltraitance ou de négligence qui nécessitentl’intervention d’une instance telle que laDirection de la protection de la jeunesse etqui limitent les actions des enseignants. Detelles situations peuvent parfois entraîner unerupture de la communication ou, au con-traire, peuvent amener le parent à s’investir.

Sans qu’elles permettent aux enseignants dedevenir des experts en neurolinguistique ouen analyse transactionnelle, certaines forma-tions peuvent aider à cibler les interventionsde manière plus efficaces et à assurer unemeilleure communication.

En définitive, tous les moyens sont bons pourdévelopper une saine communication entreles enseignants et les parents, quel que soit lecas de figure, et toujours dans l’intérêt del’enfant, qui est forcément celui de tous lesacteurs de la pièce.

L’objet de toute communication entre le parent et l’enseignant, c’est bien sûr l’enfant,dont la famille et la société sont ultimementresponsables, au moins jusqu’à l’âge de lamajorité. Dès la naissance, l’enfant a besoin

de figures d’attachement qui lui procurerontde solides fondations pour grandir et se bâtir.L’école est une aventure dans laquelle l’enfant doit affronter chaque jour de nou-veaux dragons. S’il sent le regard bienveillantde ses parents qui l’encouragent et le soutiennent dans l’épreuve, il sera plus fort.Le travail de l’enseignant, si complexe, siexigeant et si important dans la vie de l’enfant, serait vain si tous ses efforts n’étaientpas relayés et renforcés par l’appui des parents. Ces derniers ne sont pas tenusd’avoir toutes les compétences pratiques etthéoriques d’un pédagogue dûment formépar son université, encadré par son institutionet stimulé par ses pairs; mais tout le tempsqu’ils peuvent consacrer à leur enfant, dans lerespect de ses capacités et dans la promotionde son autonomie, consolide et optimise toutce que l’école entreprend.

Ouverture, transparence, persévérance, sou-plesse, imagination et coéducation : avec lesbonnes attitudes et les bonnes stratégies,l’enseignant donne le ton à la communicationqui l’unit au parent de son élève. Dans unecommunication optimale avec l’enseignant, leparent se sent en confiance et il a envie dedonner et d’agir le mieux qu’il peut pourassurer le succès de l’aventure commune.

L’école, même imparfaite, traditionnelle ouréformée, appartient à la communauté et doity être un carrefour de première importanceoù se rencontrent parents et enseignantsdans un esprit de respect, de coopération etde coéducation. C’est un devoir que nosenfants exigent de nous.

Mme Laurence Houllier est directriceadjointe à l’école Saint-Barthélemy, de laCommission scolaire de Montréal.

Références bibliographiquesCORMIER, Solange. La communication et la gestion,Sainte-Foy, PUQ, 2004.CYRULNIK, Boris. Les vilains petits canards, Paris, OdileJacob, 2004.LANGNESS, Teresa. Ma première classe, Montréal,Chenelière / McGraw-Hill, 2004.

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DU TEMPS PÉDAGOGIQUE POUR SE PARLER :CINQ ANS D’EFFORT VERS LA COMPLÉMENTARITÉ DES RÔLES

par Huguette Martin

L’L’école secondaire Cap-Jeunesse est située àSaint-Jérôme, dans la région des Laurentides.Nous y accueillons 1 672 élèves de la 1re à la5e secondaire ainsi qu’une dizaine de classesdes cheminements particuliers de formationcontinue. Étant dans un milieu défavorisé,nous bénéficions des ressources du pro-gramme « Agir autrement ».

Comme dans toutes les écoles du Québec,nous avons été soumis, au cours des cinqdernières années, à des changements majeursen matière de renouveau pédagogique.Plusieurs réflexions ont été à la base de lamise en place de notre nouveau modèle d’or-ganisation scolaire, notamment celle sur l’im-portance de la complémentarité pour assurerun meilleur encadrement des élèves.

Cette nouvelle orientation, qui vise l’émer-gence d’une culture de collégialité, nous aobligés à revoir nos structures de communi-cation afin que nous puissions véritablementtravailler dans l’esprit de cette complémen-tarité. D’une culture en « silo », nous devionspasser à une culture en « réseau », ou encored’une culture « de l’individu » à une culture« d’équipe ».

Nous avons donc invité notre personnel àexpérimenter de nouvelles modalités de tra-vail dans le but de mieux coordonner nosactions éducatives auprès des élèves et ainsileur assurer une meilleure réussite et uneplus grande persévérance scolaire. De nou-velles plateformes de communication ontalors été mises en place au cours desdernières années pour favoriser cette respon-sabilité collective.

Pour y arriver, nous avons d’abord modifiénotre système d’encadrement des élèves. Lesadjoints, responsables d’un secteur d’en-seignement, se retrouvaient souvent dans uncontexte où la majorité de leur temps étaitconsacrée aux interventions disciplinairesauprès de certains élèves. La même situationse vivait chez les enseignants, qui trouvaientdifficile le fait d’intervenir auprès d’un élèvesans savoir que leurs collègues en faisaienttout autant. On constatait alors des pro-blèmes de cohérence et de dédoublementd’intervention ainsi que de la manipulationchez les élèves concernés.

Afin de permettre à l’équipe de directiond’exercer un leadership pédagogique signifi-catif et aux enseignants de développer leursnouvelles compétences professionnelles,nous avons tenté de libérer du temps péda-gogique pour se parler. Dans ce contexte,revoir notre structure d’encadrement desélèves a eu des effets plus que bénéfiques surl’utilisation du temps consacré à la collabora-tion entre collègues.

Voici quelques changements qui ont été por-teurs de réinvestissement pédagogique :

• confier à un seul adjoint la coordination duprogramme d’interventions éducativespour maintenir la cohérence et assurer unmeilleur suivi des élèves, donnant ainsi lapossibilité à l’équipe de direction de pren-dre plus de temps pour la supervision et ledéveloppement pédagogique;

• former une solide équipe d’intervenantsdes services complémentaires, chacunresponsable d’un secteur d’enseignement(1er et 2e cycles, adaptation scolaire), poursécuriser notre milieu et mieux soutenir lesenseignants sur le plan de l’encadrementdes élèves;

• mettre en place un processus gradué desinterventions éducatives, partant de l’en-seignant comme premier responsable del’intervention, en passant par le tuteur, l’éducateur conseiller et l’intervenant desservices complémentaires responsable dusecteur, avant d’en arriver au directeur desecteur;

• tenir une rencontre une fois par cycle avecle directeur adjoint du secteur et les princi-paux acteurs nommés ci-dessus afin d’assurer un suivi des interventions (l’adjoint du secteur devient alors coordon-nateur plutôt qu’exécutant de l’interven-tion);

• favoriser un programme de solution derechange à la suspension scolaire, demanière à garder l’élève à l’école et àl’aider dans sa démarche d’insertion enclasse; le fonctionnement de ce pro-gramme est partagé entre des enseignantsqui ont des périodes prévues dans la tâcheéducative et des intervenants des servicescomplémentaires;

• créer un projet d’entraide et de persévé-rance scolaire pour contrer le décrochagescolaire, sous la responsabilité d’ensei-gnants libérés et d’intervenants des servicescomplémentaires; un tel programme vise àsoutenir les élèves qui ont besoin d’uneaide plus soutenue et à maintenir un climatpropice aux apprentissages en classe.

TRANSFORMATION DU SYSTÈME D’ENCADREMENT DES ÉLÈVES :

pour libérer du temps pédagogique

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Ainsi, l’équipe des services complémentaires,sous la couverture de notre programme d’in-tervention éducative, accompagne et guideles élèves en difficulté, notamment les élèvesà risque intégrés dans les classes ordinaireset ceux des cheminements particuliers. Cetemps éducatif, géré avec efficacité, a donnédes ailes au temps pédagogique.

Tous ces nouveaux aménagements ont doncfait en sorte qu’un adjoint ne se retrouve pasen intervention directe auprès des élèves, cequi lui permet alors de prendre ce tempsréaménagé pour travailler sur la vie péda-gogique de l’école.

De nouveaux mandats ont alors été confiésaux directions adjointes :

• passer de directeur de niveau à directeurde cycle;

• superviser les équipes d’enseignants ducycle concerné;

• coordonner les dossiers de développementpédagogique et piloter les comités de tra-vail qui y sont associés;

• réduire les tâches administratives desdirections adjointes en nommant uneadjointe administrative, accordant ainsiplus de temps au travail pédagogique.

Dans le cadre des nouvelles orientations denotre projet éducatif, le renouvellement ducurriculum a permis à tous les élèves dechoisir un projet particulier à quatre périodespar cycle selon leurs champs d’intérêt (profilhockey, arts et communication, explorationtechnique, théâtre musical, basket, etc.). Afinde créer un sentiment d’appartenance et defaciliter le suivi des élèves et le travail inter-disciplinaire, nous avons mis en place unmodèle d’organisation permettant le regrou-pement des élèves en famille d’appartenance.

Voici les caractéristiques de ce modèle pourl’année scolaire 2006-2007 :

• Onze familles ont été formées (cinq au 1er cycle et quatre au 2e cycle, une en adap-tation scolaire et une aux services complé-mentaires);

• les neuf familles des classes ordinaires sontcomposées de quatre groupes d’élèves(120 élèves) tandis que tous les groupesd’adaptation scolaire constituent une seulefamille;

• chaque famille des classes ordinaires estcomposée d’élèves hétérogènes;

• chaque famille est sous la responsabilitéd’une équipe stable multidisciplinaire;

• les enseignants d’une même famille(français, mathématique, univers social,sciences et technologie, etc.) se rencon-trent 4 périodes par cycle de 10 jours pourpréparer les activités pédagogiques etassurer le suivi des interventions;

• chaque famille est animée par un répon-dant (enseignant de la famille);

• trois animateurs pédagogiques sont libérésd’un groupe d’élèves pour venir en aideaux familles, tant sur le plan de la forma-tion que pour assurer un soutien péda-gogique individuel.

Ces rencontres de famille, comme véhiculesde communication multidisciplinaire, ontchangé notre approche au chapitre des rela-tions de travail. En effet, grâce à ces lieuxd’échange, les enseignants sont en mesure decoordonner leurs actions de façon continue,de cycle en cycle, afin de répondre auxbesoins d’apprentissage des élèves.

C’est durant le temps de classe que lesenseignants peuvent se rencontrer puisquetous les élèves d’une même famille se rendent à leurs périodes-profils respectives

en même temps. Les enseignants de cettefamille bénéficient alors de 4 périodes par cycle, jumelées 2 à 2, c’est-à-dire d’unavant-midi (2 périodes) et d’un après-midi (2 périodes) par cycle, pour se concerter etvivre les avantages de la complémentarité.

Que font-ils durant les rencontresde famille?Dès le début de l’année, des responsabilitéssont confiées à chacun des enseignants de lafamille pour assurer une plus grande effica-cité (animation des rencontres, secrétariat,projet intégrateur, mesures d’appui, encadre-ment des élèves, émulation, sorties éduca-tives, budget, etc.).

Voici les principaux mandats des familles :

• assurer un meilleur suivi pédagogique etun meilleur encadrement des élèves;

• analyser les besoins d’apprentissage desélèves au cours et à la fin d’une étape etdécider des mesures d’appui appropriées(différenciation et décloisonnement);

• faire des liens de cohérence entre les disci-plines à chaque étape, pour dégager lesthèmes et problématiques similaires ouapparentés qui peuvent être abordéssimultanément en classe;

• planifier et coordonner des projets intégra-teurs signifiants et mobilisateurs (interdis-ciplinarité);

• prévoir deux périodes de décloisonnementexterne par cycle à la grille horaire, selonles besoins d’apprentissage des élèves;

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1er VÉHICULE DE COMMUNICATION : les rencontres de famille

pour faciliter la complémentarité

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• mettre à contribution des intervenantsinternes (à l’école) ou externes (dans lemilieu) en fonction des objectifs stratégi-ques de la famille (conseiller d’orientation,infirmière, intervenant, conseiller péda-gogique, etc.);

• mettre à profit les forces et les expertisesde chacun des membres de la famille.

Tous les efforts de concertation et de collabo-ration entre collègues portent des fruits,autant pour les élèves dans leur chemine-ment scolaire que pour les enseignants eux-mêmes qui partagent leurs stratégies et leursfaçons de faire. Mais, pour se rencontrer et separler, il faut du temps et du temps structuré.Nous avons donc réaménagé le tempsassigné conventionné de façon à donner auxenseignants des plages de travail péda-gogique.

À titre d’exemple, la tâche éducative sur un cycle de 10 jours est de 40 heures ou 32 périodes. Elle comprend la tâche d’en-seignement (27 périodes en moyenne), latâche complémentaire (5 périodes enmoyenne) ainsi que les temps de présenceobligatoire à l’école (11 périodes enmoyenne). Sur ces 11 périodes de tempsassigné, 2 périodes par cycle sont consacréesà la surveillance de l’accueil et des déplace-ments, 4 périodes statutaires par cycle(jumelées 2 à 2) sont utilisées pour des ren-contres réunissant tous les enseignants de lafamille, 2 périodes statutaires par cycle sontprévues pour des rencontres disciplinaires et3 pour la participation à des comités ou pourtout travail collectif répondant aux intérêts etaux besoins des élèves.

Bien aménagé et mis au service de l’élève, cetemps structuré contribue, entre autres par lepartage des expertises multidisciplinaires, àl’émergence de projets intégrateurs, en parti-culier ceux dont les problématiques sontpuisées dans les domaines généraux de for-mation.

Le concept de complémentarité doit prendreforme également dans le partage du pouvoir.C’est pourquoi nous avons mis en place uncomité de gestion participative, qui intègre lecomité consultatif, réunissant une dizained’enseignants, des représentants des autresintervenants ainsi que l’équipe de direction.Ainsi, chacun peut prendre part au processusdécisionnel entourant les grands enjeux liés àl’organisation structurelle et pédagogique del’école. Une réunion de deux heures se tientaux deux semaines et des dîners sont prévusà la suite de ces rencontres pour informertout le personnel de l’école.

Cette plate-forme de communication, géréedans le respect des personnes et de la culture

de l’école, est une porte d’entrée vers latransparence et la confiance mutuelle et permet la création d’un véritable partenariatde travail.

En conclusionL’exercice de cette complémentarité à notreécole ne s’est pas fait sans heurts puisqu’ellene faisait pas partie de notre culture.Beaucoup de discussions et d’inquiétudes ontoccupé quelques années instables. En effet,nous avons connu une période de turbu-lences dans le cadre de la mise en place deces nouveaux mécanismes de communica-tion, notamment concernant le réaménage-ment des temps de présence obligatoire àl’école et les habitudes de travail.

L’idée de modifier nos pratiques péda-gogiques pour mieux répondre aux besoinsde l’élève n’a cependant jamais été contestée.On reconnaissait d’emblée la nécessité

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2e VÉHICULE DE COMMUNICATION : le comité de gestion participative pour

gérer la vie démocratique de l’école

MODIFICATION DE LA TÂCHE DES ENSEIGNANTS :pour pouvoir travailler ensemble

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d’apporter des changements à cause de notretaux élevé d’échecs et de décrochage, maisaussi en raison des exigences accrues d’unesociété qui manifestement nous propose denouveaux défis en matière d’éducation.

Au début, avec l’arrivée de la réforme, ce futle choc des valeurs, des croyances, des per-ceptions. Les visées et les orientations decette réforme heurtaient le point de vue decertains enseignants dans leur façon de voirleur travail. La couverture médiatique peufavorable à la réforme et, dès le départ, lemanque flagrant d’information, pour ne pasdire la désinformation, ont fait l’objet d’inter-prétations de toutes sortes, si bien que d’entrée de jeu, il a fallu travailler sur cesreprésentations divergentes pour pouvoir sedonner une compréhension commune desenjeux liés au renouveau pédagogique.

Plusieurs formations sur la raison d’être de laréforme, sur le Programme de formation del’école québécoise ainsi que sur la politiqued’évaluation des apprentissages ont toutefoispermis de corriger des visions parfois erro-nées et de donner du sens à la démarche. Deplus, c’est par et dans l’action que les prisesde conscience ont été les plus significatives.Les enseignants réalisaient que plusieursacquis relevant de leurs pratiques antérieuresétaient toujours pertinents auprès des élèveset que les mises à l’essai de nouvelles façonsde faire, soutenues par un encadrement péda-gogique adéquat et des retours réflexifs encomités disciplinaires ou multidisciplinaires,contribuaient à renforcer leurs nouvellescompétences professionnelles.

En ce qui a trait au temps de présence obliga-toire assigné à l’horaire, certains enseignantsy voyaient un exercice de contrôle de la partde l’équipe de gestion plutôt qu’un exercicede cohérence et d’organisation. De nombreuxéchanges, entre autres au comité de gestionparticipative, ont contribué à mieux en cerner

les enjeux et à mettre sur la table les résis-tances, les pertes, les deuils, les craintes et lespréoccupations, mais aussi les ouvertures, lespotentialités et les idées créatrices porteusesde solutions sensibles aux caractéristiquesprofessionnelles des enseignants. C’est encomité de gestion participative que les réflexions de fond s’effectuaient autour dessolutions possibles susceptibles de faciliter lamise en œuvre de la réforme et c’est enfamille et en assemblée générale que lesenseignants décidaient d’accepter ce qu’ils sesentaient en mesure de faire de plus àchaque année.

Passer d’une culture de l’individu à une culture de collégialité a comporté aussi sonlot de difficultés. Le concept d’équipe au secondaire avait surtout ses entrées dans ladiscipline. Travailler en réseaux multidisci-plinaires, plusieurs périodes par cycle, étaitconsidéré par certains comme un fardeauajouté à une tâche déjà bien lourde. Il a falludu temps et beaucoup d’efforts d’adaptationpour en arriver à une certaine aisance dans lagestion de ces équipes multidisciplinaires, enl’occurrence nos familles. Au début, la nou-veauté engendrait un inconfort, un sentimentd’incompétence et certaines frustrations. Il afallu briser des routines et se défaire de cer-taines habitudes pour réussir à travailler encomplémentarité.

Parmi les facteurs qui ont servi de forcemotrice dans le renouvellement de nos pra-tiques, il faut noter le leadership de l’équipede gestion, la supervision et l’accompagne-ment pédagogiques, le soutien des servicescomplémentaires ainsi que la plus stimulantedes ressources : le partage d’expertise entrecollègues lors des rencontres de famille.

Par ailleurs, parmi les conditions aidantes quiont contribué à renouveler en profondeurnos approches pédagogiques, il faut releverl’importance d’une adhésion collective au

principe même de la nécessité d’un change-ment, la volonté indéfectible d’améliorer nospratiques et une détermination convaincantedans l’action. Privilégier une intervention différenciée auprès de chacune des famillesde l’école a permis également aux ensei-gnants de tenir compte de leur rythme et deleur style propres et surtout, de se donner dutemps d’appropriation, c’est-à-dire du tempspédagogique structuré comme étant uneressource inestimable. Réussir ce change-ment majeur exigeait de prendre le tempsqu’il fallait pour transformer leurs actionséducatives, en se répétant sans cesse qu’ilsne pouvaient pas tout faire la premièreannée.

Après avoir vécu les irritants liés au déve-loppement de ces nouvelles compétencesprofessionnelles, l’expérience nous démon-tre, au fil des ans, les précieux avantages dece type de complicité entre collègues et inter-venants.

Une chose est indéniable : la mobilisationpositive, constructive, collaborative et per-sévérante de chacun des membres d’unefamille est absolument magique pour la réus-site des élèves.

Merci à toute l’équipe de l’école secondaireCap-Jeunesse qui, par sa détermination et sacréativité, a su mettre ses énergies et sonexpertise au service de la personne la plusimportante qui nous soit confiée : l’élève.

Mme Huguette Martin était directriceadjointe de l’école secondaire Cap-Jeunesse, de la Commission scolaire de laRivière-du-Nord. Elle est maintenant con-sultante en éducation aux Servicesrégionaux de soutien et d’expertise de larégion de Laval, des Laurentides et deLanaudière.

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UNE VISION INTÉGRATIVE DES INTERVENTIONS DANS UNE ÉCOLE PRIMAIRE

par Ghislaine Cloutier

L’L’école Nouvelle-Querbes est une écolepublique d’enseignement primaire quiaccueille 300 élèves et qui relève de laCommission scolaire Marguerite-Bourgeoys,à Montréal. Cette école a été créée par desparents, dans les années soixante, sous l’inspiration des grands courants péda-gogiques de l’époque : la pédagogie du projetde Freinet et les écoles de type « freeschools ».

Dès le départ, un souci de partage, autant desréflexions pédagogiques que des responsabi-lités organisationnelles et administratives,avait mené à la création d’un comité de ges-tion, précurseur du conseil d’établissement,qui regroupait déjà des parents, des ensei-gnants, la direction et, plus tard, la respon-sable du service de garde. Cette vision d’uneécole en tant que communauté dont tous lesmembres sont des partenaires complémen-taires nous a toujours conduit à fournir desmoyens qui favorisent les échanges. Ainsi,notre projet éducatif a évolué et s’est préciséau fil des ans grâce aux nombreux acteurs quiy œuvrent. Dans ce contexte, c’est chacun quia la responsabilité de son application au quo-tidien, qu’il soit enseignant, parent, enfant,directeur, spécialiste, membre du personnelde soutien, éducateur au service de garde oustagiaire en éducation.

1. La coéducation comme moyen devivre la complémentarité entrel’école et la maison

Le projet pédagogique de l’école Nouvelle-Querbes se fonde sur un principe de coédu-cation parents-professeurs-éducateurs quiprend la forme d’un véritable partenariat oùchacun a un rôle spécifique. Il est primordialque les parents adhèrent aux valeurs prônéespar l’école. Ils acceptent d’être des parte-naires actifs et de s’engager de façon dyna-mique dans le processus d’éducation de leurenfant et dans le milieu de vie scolaire. Lesparents et les enseignants sont en formationcontinue dans leurs rôles respectifs; cela sus-cite des débats et des échanges, favorise la

croissance et l’entraide et demande quelquesajustements de part et d’autre.

La coéducation revêt plusieurs formes et lesparents peuvent y prendre part selon leursdisponibilités et leurs champs d’intérêt. Ilsinterviennent en tant qu’éducateurs auprèsde leur enfant à la maison et, en classe,auprès des autres élèves; ils peuvent s’impli-quer à l’école dans des comités ou travailler àdes tâches ponctuelles.

• Une organisation qui favorise la collaboration

De nombreux moyens sont mis en œuvre afinde permettre aux parents de développer unsentiment d’appartenance à leur école; unlocal leur a d’ailleurs été attribué pour qu’ilsaient un lieu où ils peuvent se retrouver outenir des réunions.

Dans chaque classe sont élus trois parentsanimateurs qui ont pour rôle d’assurer unlien entre l’enseignant et les parents desélèves; ils rencontrent régulièrement l’en-seignant, informent les parents et favorisentleur implication et ils organisent des soirées(réflexion sur les pratiques pédagogiques,échange d’expériences, fêtes, etc.) ou desactivités parents-enfants (présentation deprojets, classe nature, etc.).

L’un de ces animateurs de classe agiracomme représentant au comité des anima-teurs, qui regroupe les treize animateurs destreize classes; il s’agit d’un lieu d’échanged’idées et de moyens, un lieu de soutien pources parents qui ont décidé de s’engager, unlieu aussi où les parents se retrouvent et peu-vent faire des suggestions aux autres instancesde l’école et diffuser de l’information.

2. Des enseignants qui travaillent en équipe

Il est essentiel que les enseignants formentune équipe où la cohésion permet un avance-ment de la réflexion pédagogique. Ainsi, leurs

actions auprès des élèves traduiront de façoncohérente le projet éducatif de l’école.

Pour ce faire, nos enseignants se rencontrentune fois par semaine et lors des journéespédagogiques. L’organisation de ces rencon-tres relève du comité de planification, forméde deux enseignants et de la direction de l’école; ce comité s’appuie sur les prioritésqui ont été établies par l’équipe ainsi que surles besoins ponctuels (comme un événementspécial à l’école) ou récurrents (comme leperfectionnement) pour planifier le contenudes rencontres.

Certaines de ces rencontres se déroulent enéquipe-cycle et permettent alors de travaillersur les priorités spécifiques de chaqueéquipe. Souvent, les priorités du groupe etcelles des équipes-cycle se recoupent; parexemple, si tous travaillent la notion de différenciation, l’équipe du premier cyclepourra constituer un coffre à outils dematériel mathématique qui facilitera uneapplication de la différenciation en mathéma-tique.

La planification et le contenu de ces rencon-tres sont affichés sur un babillard près dusecrétariat afin que les autres intervenantspuissent être informés de la démarche desenseignants.

Des parents ou des enfants viennent à l’occa-sion y présenter un point ou consulter lesenseignants.

3. Le service de garde, partenairede la communauté éducative

• Une plateforme pédagogiqueLe service de garde est considéré commeune composante dynamique et complémen-taire. Conscient qu’une vision globale del’élève est nécessaire à la réalisation de samission, il s’est doté d’une plateforme péda-gogique. On y retrouve les principes et les

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valeurs du service de garde ainsi que l’approche pédagogique et le programmed’activités, tous en continuité avec les objec-tifs de l’école. Le processus d’élaboration decette plateforme s’est échelonné sur deuxans. Les éducateurs et la responsable du service ont été les principaux artisans de ladémarche. Le comité des usagers, composéde parents, a été associé étroitement auxtravaux de l’équipe du service de garde par lebiais de consultations régulières. Le conseild’établissement de l’école a approuvé le document final, qui a ensuite été lancé etlargement diffusé au printemps 2005.

Toute cette opération s’inscrit dans le sens durécent avis du Conseil supérieur de l’éduca-tion. Ce dernier recommande en effet auxécoles de développer une vision intégrativedes services de garde : « … le Conseil estimeque le service de garde en milieu scolaire doitêtre mieux intégré à l’école parce qu’il estpartenaire de la communauté éducative,parce que la réforme implique une synergieentre les acteurs et, ultimement, parce qu’ilen va du bien-être de l’enfant. Il insiste toute-fois sur l’importance d’examiner la questionde l’intégration des services de garde à l’écolesous l’angle de la continuité dans l’expériencede l’enfant. » (Avis, version abrégée, septem-bre 2006, p. 20).

La réflexion en profondeur sur les liens quiexistent entre nos interventions en classe etcelles en service de garde a été rendue possi-ble grâce à l’analyse de la situation effectuée

lors de l’élaboration du plan de réussite denotre école, en 2003. La formulation d’uneplateforme éducative a été déterminéecomme un des moyens pour assurer unecomplémentarité.

La communication entre éducateurs etenseignants est essentielle pour soutenir lesélèves dans leur développement social. Unecompréhension et une application communedes règles de vie deviennent une conditionfavorable au mieux-vivre ensemble. Le climatsocioéducatif d’une école est un levier impor-tant pour favoriser l’épanouissement de toutela communauté de l’école.

• Une intégration du service de garde à la gestion participative

Les lieux de concertation sont clairementidentifiés à notre école et les réunions du per-sonnel du service de garde sont intégrées àl’horaire de travail :

– une réunion hebdomadaire de l’équipe,pour discuter des orientations et desactions à prendre;

– une réunion hebdomadaire en sous-groupes, pour planifier les activités;

– une formation continue en rapport avec lesproblèmes rencontrés.

Un représentant du service de garde siège auconseil d’établissement, au comité desusagers et au comité de liaison enseignants-éducateurs; cette approche intégrative favorisela communication et la concertation danstoute l’équipe-école.

4. Une action concertée poursoutenir les enfants à défisparticuliers.

• Reconnaître et soutenir les élèves qui ont des difficultés

Tous les enfants ont des défis personnels àrelever. Pour certains, ces défis peuvent êtreplus importants. Des jeunes peuvent éprou-ver temporairement, ou de façon plus constante, des troubles d’apprentissage, destroubles de l’attention, un handicap physi-que, des lenteurs dans l’apprentissage ou lasocialisation, etc. Ils peuvent parfois avoirplus de faiblesses dans leur quête d’autono-mie et nécessiter un encadrement particulier.

Les enfants en difficulté sont intégrés dans lesclasses, mais ils demandent une concertationaccrue entre les adultes concernés (parents,enseignants, éducateurs du service de gardeou divers spécialistes).

Dans le mode d’intervention privilégié par l’école Nouvelle-Querbes, la psychologue,l’orthophoniste et l’orthopédagogue rencon-trent les enseignants et les éducateurs, s’il y alieu, pour les aider à mieux comprendre lesproblèmes vécus par l’élève ou le grouped’élèves et leur fournir le soutien et lesressources nécessaires pour développer denouveaux moyens d’intervention auprès desces enfants. L’orthophoniste et l’orthopéda-gogue travaillent également directementauprès des élèves, en classe ou dans leur local.

• Prévoir des moments pour se parlerL’équipe multidisciplinaire, à laquelle se jointla direction, tient une réunion hebdomadairepour définir les priorités d’intervention.

Des rencontres de plan d’intervention per-sonnalisé regroupent tous les intervenants(parents, éducateurs, enseignants, spécia-listes, direction) pour se partager les actions.L’évolution des élèves qui prennent deschemins différents pour réussir nécessite uneaction concertée marquée par la complémen-tarité. Une planification et un suivi des inter-ventions sont nécessaires pour faire vivre dessuccès à ces élèves.

5. Une vision d’ensemble pourunifier nos actions

Il va sans dire qu’un tel fonctionnement dansl’école ne s’improvise pas. Des orientations etdes objectifs doivent être ciblés pour dégagerun plan d’ensemble et répartir les responsa-bilités et les tâches. Il ne s’agit pas de sombrerdans la multiplication de réunions où nosénergies se dispersent et se perdent. Les pro-jets à réaliser doivent être concrets et préciset ils doivent répondre à des besoins réels dumilieu.

L’élaboration du plan de réussite permet unretour sur les actions passées et nous donnel’occasion de formuler les défis à relever poursoutenir la réussite de nos élèves. Cet exerci-ce prend un sens particulier lorsque toute lacommunauté de l’école est impliquée. Et à

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l’école Nouvelle-Querbes, ce plan est primor-dial pour orienter et alimenter la structureorganisationnelle mise en place pour vivreune gestion participative.

Dans ce contexte, la direction de l’école doitavoir le souci d’exercer son leadership et departager sa vision avec toute sa communauté.

Mme Ghislaine Cloutier est directrice de l’école primaire Nouvelle-Querbes, de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, à Montréal.

Référence bibliographiqueCONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION. Les services degarde en milieu scolaire : inscrire la qualité au cœur despriorités, version abrégée, Sainte-Foy, septembre 2006,p. 20.

LA COMMUNICATION, UNE BOUGIE D’ALLUMAGE!par Claude Daviau

LLa communication est d’abord et avant toutune action. Cette action de communicationest complémentaire d’autres actions qui,coordonnées entre elles, permettent à unenseignant, à un conseiller pédagogique, àun gestionnaire ou à une commission scolairede répondre à des problèmes concrets d’apprentissage, d’enseignement, de gestionou d’information. L’effet souhaité initialementpar la mise en branle de l’action de commu-niquer est tributaire de l’intention de la per-sonne, d’un groupe de personnes ou d’uneinstitution qui en est responsable. Mais ce quinous intéresse davantage pour le proposdont il est ici question, c’est la vision sys-témique à partir de laquelle on peut entrevoiret interpréter l’effet complémentaire d’une

action de communication à travers les pra-tiques pédagogiques, de gestion, organisa-tionnelles et institutionnelles qui caractérisentle milieu scolaire.

Afin d’illustrer tout au long du texte les effetsd’une action de communication à partir d’unevision systémique, nous allons l’aborder àpartir de l’exemple suivant : conformément àla loi 180, la direction générale d’une com-mission scolaire informe par écrit (action decommunication) les directions des écoles primaires et secondaires de sa décision demettre à la disposition des établissements unbulletin institutionnel congruent au renou-veau pédagogique.

Les quatre pratiques décrites dans le tableauci-après circonscrivent les effets des actions,incluant celles de communication, sur l’envi-ronnement personnel, physique et social desagents d’éducation. Cette perspective permetd’entrevoir la complémentarité et les effets,souhaités ou non, de l’action de communi-quer dans les pratiques pédagogiques,organisationnelles, institutionnelles et de gestion.

La communication, une questionde pratique!

La communication n’est pas une simpletransmission d’information, car on vise àobtenir des effets chez l’interlocuteur et cette

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communication est insuffisante en elle-mêmepour en saisir l’effet (Livet 1994). La directiveémanant de la commission scolaire, selonlaquelle elle met à la disposition des équipes-écoles un seul bulletin institutionnel, doncuniforme pour toutes les écoles de par sonunicité, est adressée exclusivement aux ges-tionnaires des établissements scolaires. Or,les effets de cette action de communicationne se limitent pas à un seul destinataire dansles pratiques de gestion en raison de laforme, du contenu de la communication oud’une ligne hiérarchique de la distribution del’information. Cette action a aussi des effetsdans les trois autres pratiques. Les flèches duschéma dans le tableau ci-dessous font ressor-tir que les « frontières » entre les quatre pra-tiques sont volontaireme nt perméables. Peuimporte la pratique d’où origine l’action decommunication, la complémentarité de cetteaction avec d’autres va aussi avoir un effet decomplémentarité entre les pratiques, car ellesne seront pas dissociées, et cette complémen-tarité sera porteuse d’une réelle collabora-tion. Pour la direction générale d’unecommission scolaire, communiquer à ses

gestionnaires la disponibilité d’un nouveaubulletin va de pair avec les actions qui serontposées par la suite dans les quatre pratiques.Elle ne se préoccupe pas simplement desavoir avec qui elle communique, quand,pourquoi, de quelle manière et en vertu dequoi, mais cherche plutôt à axer ses observa-tions sur les effets complémentaires de cetteaction de communication dans les quatrepratiques. On s’intéresse alors à la personneen situation de communication. La communi-cation et la complémentarité ne sont pasdésincarnées de la personne ou de l’institu-tion. Autrement dit, la personne doit co-construire une communication dans laquelleelle est avec les autres, comme élément dusystème. Elle fait partie intégrante de la com-munication et de la complémentarité qu’elledoit conduire. Elle ne peut pas gérer les effetsde la communication ou de la complémenta-rité chez les autres sans le faire pour elle-même. Et elle est située non pas strictementpar ce qu’on lui dit ou qu’on lui présente àtravers la communication, mais bien plus parses possibilités et son potentiel d’actions pour s’engager dans cette communication. Elle est

à la fois acteur et auteur comme élément dela complémentarité.

Les effets anticipés et imprévus de l’actionLes effets des actions de la personne, gestion-naire ou autre, dans les quatre pratiques,sont de divers ordres. Ils vont d’effets prévusou anticipés à des effets non prévus, maispositifs, ou à des effets non anticipés et diffi-ciles à gérer (Daviau 2004). Autrement dit, il ya des effets premiers de l’action de communi-cation qui sont attendus par son auteur, maispas nécessairement chez tous les acteursconcernés par cette action, et des effetssecondaires qui peuvent parfois se produiresans qu’ils soient pour autant anticipés niencore moins souhaités. Dans notre exemple,sur le plan des pratiques institutionnelles, onpeut envisager des effets prévus comme lasatisfaction des gestionnaires relativement àla réponse de la commission scolaire à unedemande de plusieurs établissements pouravoir un seul modèle de bulletin, mais aussides effets imprévus tels que celui-ci, lié à l’exemple donné : malgré la loi qui ne permet

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pas à une commission scolaire d’imposer unbulletin, plusieurs gestionnaires pourraientexiger que toutes les écoles utilisent unique-ment le bulletin institutionnel.

Cette action de communication peut aussiavoir un effet anticipé dans les pratiquespédagogiques (emphase sur le développe-ment des compétences, modification de laplace et du rôle accordée à l’évaluation), maisaussi des effets secondaires difficiles à gérercomme un éventuel malaise chez desenseignants de ne plus pouvoir prioriseruniquement l’évaluation des connaissancesou de ne plus être en mesure de situer lesélèves les uns par rapport aux autres. Cettemême action sera aussi porteuse d’autreseffets potentiels plus ou moins prévus dansles pratiques organisationnelles (par exem-ple, demande de rencontres entre lesenseignants pour une compréhension com-mune de l’orientation du bulletin ou la miseen place d’un horaire facilitant le développe-ment d’un travail en commun et d’un espacepour l’élaboration d’un bilan de fin de cycle).Pour ce qui est des pratiques de gestion, onpeut envisager des effets positifs au regard dela transmission et du suivi des résultats d’unélève d’une école à l’autre. Par contre, onpourrait voir apparaître des problèmes plusdifficiles à solutionner comme la démobilisa-tion du personnel de l’école qui pourrait suivrel’abandon éventuel d’un modèle de bulletinlocal, fruit d’un travail à base de concertationet d’une approche consensuelle, alors quecelui proposé par la commission scolaire estimposé et difficilement adaptable à la réalitédu milieu.

Nous constatons en premier lieu les effetsdirects de nos propres actions de communi-cation sur les gens qui sont près de nous,notamment dans la pratique qui nous con-cerne principalement, car ce sont les effets lesplus évidents. Puis au fur et à mesure, on dis-tingue de plus en plus d’effets supplémen-taires. Pourtant, ils étaient déjà en placequand nous nous limitions à constater leseffets directs et évidents à première vue et àmettre l’emphase sur ces derniers. Le recoursaux quatre pratiques nous amène à élargir lapanoplie des acteurs et des auteurs con-cernés par le concept d’effet de l’action et de complémentarité. Peu importe qui pose l’action de communication comme agent

d’éducation ou partenaire social et peuimporte de quelle pratique cette action estissue, elle aura inévitablement, comme nousvenons de le voir, un effet sur les apprentis-sages des élèves et un effet escompté ou nonsur les intervenants dans les quatre pratiques.Si la personne n’est pas consciente des effets,de près ou de loin, de ses actions de commu-nication et de son rôle de complémentaritésur les apprentissages et ses pairs, on ne peuts’attendre alors à ce qu’elle agisse surquelque chose qui n’existe pas pour elle.

Un agir communicationnelEn mettant l’emphase sur l’effet de l’action,celle-ci est alors entrevue à partir de l’inten-tion qui l’organise et l’anime. C’est la person-ne en situation de communication quiprédomine et non la situation de communica-tion. Autrement dit, en rendant disponible unbulletin institutionnel par l’entremise des gestionnaires des écoles, c’est l’intention decommunication de la commission scolaire,portée par sa direction générale, qui importeet qui est porteuse de transformation de l’agirde la ou des personnes en situation de com-munication et de complémentarité dans lesquatre pratiques. Ce n’est pas le bulletin quiest important en soi, mais le fait de détermi-ner où l’interlocuteur dans la communicationse situe par rapport à ce que l’on veut luicommuniquer à travers cette offre de service.

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Est-ce que cette communication lui est exclu-sive? Comment va-t-il s’approprier et inter-préter le sens de cette communication? Queva-t-il en faire? Comment s’assurer de sondegré de compréhension et de ce qu’il fera àtravers les quatre pratiques?

La communication et la complémentarité nese décrètent pas. Elles se développent eninteraction avec les autres, et cela vaut autantpour l’élève que pour l’enseignant, le con-seiller pédagogique, le gestionnaire ou unecommission scolaire. Il n’y a pas de modèlefait sur mesure, que ce soit pour un conseilétudiant, un comité de représentants d’en-seignants ou des membres de la commu-nauté. Les écoles et la commission scolairedoivent construire la communication et seséléments de complémentarité à leur mesure,sans avoir la possibilité ou l’obligation dereproduire un modèle idéal qui leur seraitimposé. Nos concepts d’action et de commu-nication doivent pouvoir en particulier passerl’épreuve qui consiste à les utiliser pourpenser l’instauration de coordinations collec-tives, au lieu de penser l’action dans le seulcadre individuel et la communication tou-jours réduite à deux personnes (Livet 1994), àdeux groupes ou à deux instances administra-tives. S’attarder aux effets de l’action de com-munication dans une perspective systémique,ce n’est pas simplement attendre des résul-

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tats liés à cette communication, c’est privilé-gier des indicateurs de changements pournous permettre d’interpréter le développe-ment de la personne à travers les apprentis-sages qu’elle effectue et sur lesquels lacommunication a des effets.

M. Claude Daviau est coordonnateur auBureau du développement des TIC en pédagogie, au Service des ressourcesinformatiques de la Commission scolairede Montréal.

Références bibliographiquesDAVIAU, Claude. L’apprentissage, une responsabilitépartagée par tous les acteurs!, conférence donnée à unesession provinciale de formation des personnes-ressources pour la mise en œuvre du renouveau péda-gogique au Québec, organisée par le ministère del’Éducation, Laval, 30 novembre et 1er décembre 2004.DAVIAU, C. et M. ST-PIERRE. « Le renouvellement despratiques de gestion et de formation des gestionnairesen contexte de réforme », dans LAFORTUNE L., M. ETTAYEBI et P. JONNAERT (dir.), Observer lesréformes en éducation, Sainte-Foy, Presses del’Université du Québec, 2006.LIVET, Pierre. La communauté virtuelle, action et com-munication, Paris, Éditions de l’éclat, 1994.

IMPLIQUER LES PARENTS À L’ÉCOLE : DE BONNES PRATIQUES ÉMERGENTES

par Badiaa Mellouk

LLe partenariat « école-famille-communauté :réussir ensemble » est de plus en plus promuet valorisé dans le discours et les programmesgouvernementaux, par des organismes com-munautaires et des commissions scolaires etpar certaines écoles pionnières.

La problématique est de taille : commentdécloisonner l’institution scolaire et l’institu-tion familiale? Comment développer entreelles une confiance et une collaborationbénéfiques pour le succès scolaire et socialdes jeunes, sans exclusion? Comment leverles malentendus et surmonter les obstacles àun tel partenariat? Particulièrement dans lesmilieux de grande diversité ethnoculturelle,comment l’école peut-elle mieux communi-quer avec des parents d’origines et delangues multiples et gérer une telle diversitédans l’intérêt d’un meilleur suivi coordonnédu cheminement scolaire des élèves?

Hormis les élaborations conceptuelles etthéoriques que l’on peut développer sur lesujet, le travail de terrain et de proximitéporte déjà des enseignements édifiants, avecdes débuts de réponses aux questions poséesci-dessus. De nouvelles et bonnes pratiquessont en train d’émerger, entre autres les ini-

tiatives récemment prises dans les écolesMurielle-Dumont et Laurentide1, de laCommission scolaire Marguerite-Bourgeoys.Autre exemple : en mai dernier, laCommission scolaire de Montréal a organiséquatre sessions de consultations élargies,auxquelles ont participé de nombreux parents, responsables pédagogiques et inter-venants communautaires, pour partager leurspréoccupations, leurs expériences et leurs

suggestions en matière de développement dupartenariat école–famille–communauté.

L’enjeu actuel est de mieux faire connaître, departager et de coordonner les bonnes initia-tives qui demeurent spontanées et disperséesçà et là. À cette fin, il importe de les étudierde près, de les évaluer et de les diffuser surune vaste échelle.

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On décrira dans le présent article le cas del’école primaire Murielle-Dumont où, depuistrois ans, la directrice, Mme Viviane Guignerat,orchestre en douce une petite révolution.Ainsi, depuis l’automne dernier, la directrice aconsenti des efforts soutenus pour impliquerles parents et gérer la diversité ethnocul-turelle croissante de la population scolaire deson école, qui se mesure au simple fait suivant :cette population parle plus de 30 languesmaternelles.

Au départ : une recherche-actionparticipativeFaisant appel à l’organisme communautairespécialisé à but non lucratif FAPRÉS2,l’équipe-école s’est posée les questions élé-mentaires suivantes : Pourquoi certaines catégories précises de parents, notammentdes personnes d’immigration récente, s’im-pliquent-ils si peu, malgré les désirs et lesappels exprimés par l’école? Que pensent cesparents? Que voudraient-ils? Quels obstaclesles empêchent de s’impliquer? Quelles per-ceptions ont les parents et les enseignants lesuns des autres? En définitive, quelles actionsconcrètes pourraient motiver et attirer lesparents vers une meilleure collaboration avecl’école? Pour répondre à ces questions, on aopté pour une recherche-action participativeconsistant, d’une part, à analyser les percep-tions et les besoins des acteurs et, d’autrepart, à recueillir des propositions d’actions etfaire le suivi de la mise en oeuvre des propo-sitions retenues.

À la suite de consultations préliminairesauprès du personnel de l’école et de quel-ques parents, le projet de recherche-actionfut élaboré selon les règles méthodologiquesde la recherche socio-éducative. Il fut nommé« Écoute et communication pour une meil-leure entente parents–enseignants–école ».

Les objectifs visés étaient de :

• découvrir les perceptions que les parents,notamment immigrants, se font de l’écoleet les difficultés qu’ils éprouvent dans leurrapport à l’institution et aux enseignants;

• identifier les problèmes que les ensei-gnants, l’administration de l’école et lesparents rencontrent dans le suivi desélèves et dans la résolution des difficultésd’apprentissage ou des comportements àproblème;

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Réaction des parents

20%

25%

10%

45%

Ne comprennent pas les attentes

Pensent qu'ils n'ont pas à intervenir

S'impliquent très bien

Essayent de s'impliquer malgrél'obstacle de la langue

GRAPHIQUE n° 7 : Que faire pour développer le partenariat socioculturel

parents-école?4

Voici quelques exemples d’initiatives ou de propositions en cours de mise en

œuvre :

Á La communication bilingue et même multilingue entre l’école et les parents e

déjà lancée : 25 parents bénévoles assurent déjà l’interprétariat dans plusieurs

langues (ourdou, roumain, espagnol, arabe, tagalog, anglais, tamil, panjabi,

cantonais);

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Jumelage et Parrainage

Liens avec les différentes

communautés culturelles

Dîners et danses

multiculturels

Présentation par

les familles de leur

culture d'origine

Tranquilliser les

parents par rapport

à la religion

Rapprocher les gens et effacer les

préjugés

Activités culturelles

Ecole

Parents

GRAPHIQUE n° 4 : Comment les parents réagissent-ils lorsque les enseignantes ou l’école les sollicitent?3

GRAPHIQUE n° 7 : Que faire pour développer le partenariat socioculturel parents-école?4

• générer des propositions d’actions pourrapprocher ces acteurs et les engager dansun partenariat efficace et soutenu.

L’approche adoptée consistait d’abord en uneécoute attentive de chaque groupe de parte-naires, en les encourageant à s’exprimerlibrement, sans entrave ni crainte. À cette fin,on avait choisi de procéder par entretienslibres, généralement individuels, en appor-tant un grand soin à la mise en confiance despersonnes rencontrées. Ensuite, on a procédéà l’analyse systématique, quantitative etqualitative des contenus des entretiens.

Cette analyse a donné lieu à la confectiond’une banque de constats et de propositions

qui ont dû être mis en priorité suivantplusieurs critères jugés pertinents (clarté,fréquence, moyens, faisabilité et délai d’exé-cution). Enfin, on a présenté les résultats pourvalidation, avec diaporama et commentairesexplicatifs à l’appui, en présence de tous lesparents consultés (et d’autres parents inter-prètes), de la direction de l’école et del’équipe enseignante, qui ont tous fait preuved’ouverture d’esprit, de dynamisme respon-sable et de solidarité. Le débat qui a suivi apermis d’établir certaines conclusions et deprendre des initiatives immédiates, démon-trant ainsi la volonté de changement qui existait dans l’équipe-école.

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mations utiles aux parents, suivant lesbesoins exprimés par ceux-ci : le ministère del’Immigration et des Communautés cultu-relles; la municipalité et l’hôtel de ville6 dePierrefonds; le centre culturel; la bibliothèquedu quartier; le Centre d’intégration multi-services de l’Ouest de l’Île (CIMOI), un orga-nisme qui offre notamment des cours defrançais et une formation à la recherched’emploi; les établissements de santé (CLSC).De plus, une documentation était disponible,portant sur les services de la police de quartier, le Fonds de dépannage de l’Ouestde l’Île, les services aux adultes en alpha-bétisation, francisation et formation pro-fessionnelle, de la Commission scolaireMarguerite-Bourgeoys, etc.

Mme Guignerat a aussi fait un exposé succinctsur le système scolaire québécois, en parti-culier sur l’école primaire (cycles, évaluationet intégration en classe régulière). Elle a aussiinsisté sur les valeurs de l’école québécoise(l’égalité des garçons et des filles, entreautres) et sur les valeurs universelles derespect et de partage véhiculées par les éta-blissements verts Brundtland (démocratie,écologie, pacifisme et solidarité). Elle a rap-pelé les trois orientations du projet éducatifde l’école Murielle-Dumont : la qualité dufrançais, le plaisir d’apprendre et l’ouvertureaux autres. Elle a interpellé les parents quantau soutien qu’ils peuvent donner à leurenfant (contrôle des devoirs, télévision etlivres en français, respect du calendrier sco-laire et participation aux activités de l’école).Elle a finalement informé les parents que lescours de français qui leur sont offerts à l’écolese poursuivraient l’an prochain et seraientassumés par le CIMOI et la Commission sco-laire, le samedi, le jour ou le soir en semaine,à temps plein ou à temps partiel, pour qu’ilspuissent aider leur enfant à réussir. Pour lesenfants, deux semaines de cours de françaispendant l’été seront aussi offertes et l’aideaux devoirs continuera l’an prochain. L’écoleespère aussi pouvoir mettre en placeprochainement le jumelage et peut-être uneactivité de partage culinaire, selon la disponi-bilité des parents.

Afin d’assurer la réussite de cette manifesta-tion et une participation massive des parentsd’élèves, l’organisme FAPRÉS, qui a étéchargé de la préparation et de l’organisation,a contacté les organismes sollicités et a

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Voici quelques exemples d’initiatives ou depropositions en cours de mise en œuvre :

• La communication bilingue et même multi-lingue entre l’école et les parents est déjàlancée : 25 parents bénévoles assurent déjàl’interprétariat dans plusieurs langues (ourdou, roumain, espagnol, arabe, taga-log, anglais, tamil, panjabi, cantonais);

• Le développement du jumelage et du parrainage entre familles immigrantes etfamilles de souche québécoise est encou-ragé, sous l’égide de l’OPP5. L’objectif est de rompre l’isolement de certainesfamilles, de promouvoir les échanges d’expérience, de pratiquer la languefrançaise et de mieux familiariser les immi-grants avec le système scolaire québécois;

• Il est prévu de réserver un local dans l’école pour les parents, sous la respon-sabilité de l’OPP, pour qu’ils s’y sententchez eux, qu’ils puissent consulter aisé-ment les supports d’information, s’entre-tenir et échanger entre eux tranquillementsur leurs enfants ou organiser des activitéssocioculturelles ou autres.

Ce ne sont là que quelques exemples desmultiples propositions d’action retenues.Mais, ce qu’il importe de souligner, c’est quele processus de recherche-action participativea eu lui-même deux avantages majeurs :

• Les parents ont bien vécu le fait qu’on leura laissé la parole et se sont sentis comme

des concepteurs, et non seulement desexécutants, dans leur partenariat avec l’école.

• La crédibilité de la recherche-action estclairement apparue à travers son espritouvert, la méthode utilisée et l’objectivitéet la fidélité qui ont marqué ses résultats.

D’ailleurs, à la suite de cette intervention, ona constaté une participation élargie des parents au suivi du cheminement scolaire deleurs enfants et des activités de l’école. Parexemple, tous les parents qu’on avait rencon-trés sont venus chercher le bulletin scolaire,au mois de février, et rencontrer les ensei-gnants.

Des obstacles restent à surmonter pourobtenir la participation la plus grande possi-ble des parents : réticences d’ordre culturel,crainte de l’école, timidité, contraintes d’ho-raire lors des activités scolaires, etc. Pour surmonter ces difficultés, l’école a prévuutiliser d’autres moyens pour comprendre etgérer la diversité ethnoculturelle.

Goûters-causeries et festivitésinterculturellesL’école Murielle-Dumont a organisé, le jeudi18 mai 2006, deux goûters-causeries succes-sifs avec l’appui de FAPRÉS et de l’OPP. Y ontété invités les parents, quelques enseignants,la direction de l’école ainsi que des orga-nismes qui pouvaient transmettre des infor-

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envoyé des invitations individuelles auxintervenants. Par ailleurs, les parents ont étécontactés personnellement par téléphone àmaintes reprises et rappelés la veille de cha-cun des goûters-causeries.

Tous les organismes participants ont démon-tré une disponibilité exemplaire, pour laquelleils doivent être remerciés. Leurs exposés, lesdocuments qu’ils ont distribués sur place etleurs réponses aux questions des parents ontété d’une grande clarté et pertinents et utilespour ces derniers.

La réaction des parents a été très positive. Laplupart d’entre eux ont exprimé leur satisfac-tion par rapport à la préparation de cesgoûters-causeries, l’ambiance agréable etconviviale dans laquelle ils se sont dérouléset, bien sûr, la disponibilité des organismesinvités et la qualité des interventions, qui ontentièrement répondu aux demandes et auxbesoins exprimés.

Par ailleurs, l’école Murielle-Dumont a orga-nisé, le 13 juin 2006, une journée de partageet d’échanges interculturels, sous le thème« Expo et Voyage de Paco », avec l’appui duClub des parents interprètes, des enseignantset enseignantes, de FAPRÉS, du projet Paco(organisé par l’animatrice de vie spirituelle etd’engagement communautaire) et de l’OPP.Les parents, les élèves, le personnel ensei-gnant et la direction de l’école, la Commissionscolaire, le conseil des élèves et celui de lamini-ONU y ont tous largement participé.

Les activités organisées ont été multiples etvariées : présentation de l’expérience et dumessage de paix de Paco, par l’exposition descartes postales reçues par les élèves enprovenance d’autres écoles et de familles dedifférents pays à travers le monde; installa-tion de stands où des parents de diverses cul-tures ont exposé l’artisanat de leur paysd’origine et ont fait déguster certains metsdistinctifs de leur cuisine nationale; exposi-tion de travaux de recherche, maquettes,marionnettes et réalisations artistiques desélèves; sketch de marionnettes présenté par les élèves du comité du voyage de Paco;signature par les parents de messages de paixpour l’UNESCO.

Les participants, notamment les parents, ontexprimé de vive voix leur satisfaction et leurs

remerciements. Un questionnaire d’évalua-tion proposé à 35 parents et traité du doublepoint de vue de l’analyse quantitative etqualitative a obtenu un taux de réponse de100 p. 100, chose rare pour les sondages parquestionnaire écrit. Il a révélé que les répon-dants jugent ces activités excellentes àquelque 95 p. 100. Il a aussi permis derecueillir une variété d’appréciations qualita-tives très positives et de propositions préciseset pertinentes pour la multiplication et ledéveloppement de ce genre d’activités dansl’avenir.

En somme, les initiatives de l’école Murielle-Dumont et leur impact très positif et très rapide présagent d’un développement dura-ble et élargi du partenariat école–famille–communauté.

L’expérience présentée ici n’est sûrement pasunique. Toutes les bonnes pratiques en émer-gence méritent d’être largement connues,appréciées et mises à profit.

Quoi qu’il en soit, il semble clair que la con-ception des formules de ce partenariatdevrait souvent commencer par l’écouteattentive et l’analyse des besoins des parte-naires, en premier lieu les parents et, plusencore, les parents en situation de « margina-lité » culturelle ou de précarité sociale; uneécoute méthodique, organisée, objective et

qui motive et stimule les acteurs. Une telleécoute est opportune parce que chaque contexte scolaire a ses spécificités démo-graphiques, sociales, économiques et ethno-culturelles; à tel point qu’une formule departenariat qui marche en un lieu peut ne pas marcher du tout ailleurs. Elle est valableaussi par son principe démocratique de lacontribution des partenaires – surtout desparents – à concevoir, et non seulement à« subir » ou à appliquer les actions de parte-nariat, et dans ce sens, l’école a un grand rôleà jouer.

Mme Badiaa Mellouk est directrice de l’organisme Familles partenaires pour laréussite éducative et sociale (FAPRÉS).

1 Voir l’article de Pascale Sauvé « De la théorie à la pra-tique », dans Vie pédagogique, n° 133, novembre-décembre 2004, p. 25-26.

2 Il s’agit en l’occurrence de Familles partenaires pour laréussite éducative et sociale (FAPRÉS).

3 Données recueillies lors des entretiens tenus parFAPRÉS avec des parents d’élèves et des responsableset des enseignantes de l’école Murielle-Dumont,graphe n° 4, p. 9, non publié, novembre 2005.

4 Données recueillies lors des entretiens tenus parFAPRÉS avec des parents d’élèves et des responsableset des enseignantes de l’école Murielle Dumont,graphe n° 7, p. 12, non publié, novembre 2005.

5 Organisme de participation des parents.6 Notamment pour informer les parents sur les services

des loisirs, des sports et de la vie communautaire, lescamps de jour pour les enfants, durant l’été, et lesréseaux d’entraide.

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LES RELATIONS ENTRE L’ÉCOLE ET LA FAMILLE : UNE QUESTION DE COMMUNICATION!

par Louise Sarrasin«I« Il faut tout un village pour élever un enfant »,dit un proverbe africain. Il faut aujourd’huitoute une communauté pour éduquer unenfant, pourrait-on aussi le penser dans nossociétés modernes. À l’heure où l’enfantbaigne dans un contexte social de plus enplus complexe, une réflexion s’impose sur lafaçon de développer une communication dequalité entre l’école et les parents. Avant tout,elle prendra racine si, de part et d’autre, lafamille et l’enseignant se reconnaissentcomme des partenaires valables. Regard surune communication où tout est question devocabulaire, d’écoute et d’attitudes.

Communiquer, un mot chargé de sensAvant que nous abordions l’importance de lacommunication en milieu scolaire, attardons-nous quelques instants sur l’étymologie dumot communiquer. Apparu dans la languefrançaise au 14e siècle, ce mot vient du latincommunicare, qui signifie « mettre en com-mun ». Jusqu’au 16e siècle, il est égalementsynonyme de communion. Qu’est-ce doncque la communication, sinon un échanged’opinions et d’informations entre deux ouplusieurs personnes? Puisqu’elle se fait entre« sujets » où chacun est porteur d’une his-toire, d’un regard sur la vie et d’un bagageculturel, elle est équivoque en soi. Dans sonessence même, elle peut être source demalentendu, d’interprétation, voire de conflit.Pourtant, l’intérêt même de la communica-tion réside dans la capacité d’aller au-delà deces différences et divergences pour faireplace à des compromis, des ententes. À l’école comme ailleurs, encore faut-il créerdes lieux et des moments d’échange dediverses natures pour que soient entendus lesdifférents points de vue. Tout cela dans uncontexte où la relation entre la famille et l’école a beaucoup évolué.

On le constate chaque jour, la frontière quidéfinit les rapports entre la famille et l’écolen’est plus étanche. Éducation et socialisationsont l’apanage à la fois des parents et des

enseignants. Autour de l’enfant gravite toutun système voué à son éducation : sa famille,l’école et son personnel, la communauté, l’État par l’entremise d’un ministère et, auQuébec, les commissions scolaires. Si cetteévolution des relations entre les acteursentraîne parfois des tensions, elle est aussil’occasion de dépasser la confusion des rôlespour ouvrir le dialogue entre tous, sur qui faitquoi, et pour donner à chacun une place à lamesure de ses moyens. Ce dialogue doit s’appuyer sur la conviction que les enfantsont tout à gagner lorsque les parents et lesenseignants participent, en partenaires capa-bles et bien informés, au processus d’éduca-tion. Par partenaire, nous entendons unepersonne ou une collectivité avec laquelle onest associé pour la réalisation d’un projet. Àl’école, n’y a-t-il pas plus noble projet quecelui de prendre un enfant par la main pourle conduire vers la société de demain?

Tenir compte d’abord de l’acteurprincipal : l’enfant-élèveEn premier lieu, on ne saurait aborder lesrapports entre les familles et l’école sans con-sidérer avant tout l’acteur principal au cœurmême de cette relation : celui qu’on nommetour à tour l’enfant ou l’élève, selon qu’ons’intéresse à son développement global ou àsa scolarisation. Dès son entrée à l’école, iltransporte avec lui un bagage culturel héritéde sa famille. Cet héritage familial inclut laconception que ses parents ont de l’école, del’instruction, des façons d’apprendre, de l’éducation et d’une foule d’autres choses.Selon que la culture scolaire est plus oumoins en concordance avec la culture fami-liale, il aura à s’adapter à des attentes parfoiscompatibles, parfois contradictoires. Toute-fois, il y a bien d’autres influences qui vien-nent colorer son parcours scolaire, y comprissa capacité personnelle à mobiliser ses com-pétences pour apprendre. C’est en essayantde mieux comprendre et connaître cet enfant-élève que parents et enseignants contribuentà sa réussite scolaire. Mettre l’élève au centredes apprentissages, c’est également lui per-

mettre, au fur et à mesure qu’il grandit, d’êtreassocié de manière active aux décisions qui leconcernent, par exemple lors des rencontrespour la remise des bulletins.

Reconnaître l’expertise de chacunDans un premier temps, il est essentiel dereconnaître l’expertise des parents. Ils sontles spécialistes de leur enfant, ceux qui sontles mieux placés pour partager avec l’écoleles connaissances qu’ils ont de lui. En ce sens,ils sont des interlocuteurs importants et vala-bles. Dès lors qu’on partage la tâche d’édu-quer un enfant, on est de facto en relation,même si cette relation est implicite. La com-munication permet d’expliciter cette relationsans laquelle il sera impossible de mener àbien cette entreprise. Le dialogue passe par lareconnaissance des compétences de chacun.Toutes les familles présentent certainesforces. Il est donc vital de mettre l’accent surles ressources des parents plutôt que surleurs lacunes afin de les inciter à se recon-naître à leur juste valeur. Ne dit-on pas que labeauté est dans les yeux de celui qui regarde?Il en va ainsi des enseignants qui doivent êtrereconnus comme des professionnels de lapédagogie et de la transmission du savoir quiont à cœur de voir progresser leurs élèves.C’est donc autour de cet enfant en train d’apprendre que parents et enseignants peu-vent se retrouver pour construire une relationfavorable à son développement scolaire. Parle fait même, la complémentarité de leursactions rend leur action éducative plus effi-cace. En clarifiant les champs de compétencede chacun et en instaurant une plus grandecommunication, on vient renforcer les com-pétences éducatives des uns et des autres.Ainsi, l’action posée par chaque personnedevient plus porteuse de sens.

Reconnaître cette expertise signifie forcémentque chacun accepte de partager une partie deson pouvoir éducatif avec l’autre. En aucuncas, ce partage n’implique une dérespon-sabilisation pour l’un ou l’autre, puisqu’onreconnaît à chacun une expertise qui lui estpropre.

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Expliciter la mission de l’école et en discuterOn tient pour acquis que les parents sont toutà fait en accord avec la mission de l’école quiest d’instruire, de qualifier et de socialiser. Ilfaudrait pourtant considérer que certains parents ont une autre idée de cette mission.Par exemple, certains attendent de l’écolequ’elle instruise, d’autres qu’elle rende leurenfant apte à s’insérer dans un projet social.Les attentes quant aux finalités de l’éducationsont variées et multiples, du côté des parents,certes, mais également du côté du personnelscolaire. Il n’y a qu’à citer le débat actuel surle programme de formation pour s’en con-vaincre. Bien que le comité d’école soit unedes structures mises en place par la Loi del’instruction publique pour faciliter la misesur pied d’un projet éducatif où parents etenseignants travailleront de concert à enassurer la concrétisation, on comprend viteque cela ne suffit pas. En réalité, ce projet esttributaire de valeurs qui ne sont pas néces-sairement partagées par tous. Il apparaîtnécessaire d’expliciter la mission de l’école etd’être en mesure de discuter des échelles devaleurs propres à chaque personne, à partirde faits propres à la vie scolaire : les devoirs,l’encadrement, les façons d’apprendre, etc.Au besoin, on peut faire appel à une person-ne qualifiée pour animer les rencontres etfavoriser un climat de partage sain et ouvert.

Adopter une approche différenciéeDans les rapports entre la famille et l’école,on a souvent tendance à penser et à agircomme si tous les enseignants avaient lesmêmes intérêts et partageaient les mêmesconvictions. Pourtant, enseignants commeparents ne forment pas un groupe mono-lithique. Prenons simplement l’exemple desdevoirs. Au sein d’une même école, onretrouvera des enseignants qui sont en faveurdes devoirs à la maison et d’autres qui ne lesont pas. Il en va ainsi des parents : certainsles jugent essentiels, d’autres aimeraient lesabolir. Pour qu’il y ait réellement un partena-riat sur cette question comme sur d’autres, ilest nécessaire que les contraintes des uns etdes autres liées à ce problème soient misesen commun. De prime abord, la discussiondoit se faire dans un climat d’ouverture etd’absence de jugement. Il faut savoir fairepreuve d’empathie, c’est-à-dire apprendre àse mettre à la place de l’autre en allant par-fois jusqu’à adopter un cadre de référence

qui n’est pas a priori le sien. C’est unique-ment à partir de ce décentrage qu’il sera pos-sible de trouver ensemble une solutioncommune, fruit des concessions effectuéesde part et d’autre.

Par ailleurs, par son statut, l’enseignant a lepouvoir d’ouvrir ou non la porte de sa classeaux familles. Il le fera seulement s’il com-prend l’avantage de la collaboration avec lesparents. Dialoguer, c’est d’abord prendre letemps d’écouter l’autre de manière active.C’est aussi tenir compte des nouvelles réalitéssociales. L’enfant d’aujourd’hui peut tout aus-si bien vivre dans une famille mononucléaireque dans une autre, monoparentale ourecomposée. Il peut grandir sous le mêmetoit que des parents proches ou des parentséloignés, en famille d’accueil ou en centrejeunesse. Le mot famille regroupe toutes cesréalités. Si l’enseignant comprend mieux lasituation de l’enfant et de sa famille, sans lajuger, il sera en mesure de définir ses objec-tifs individuels en tenant compte de cetterelation. Il pourra ainsi moduler son approcheen fonction des besoins et des capacités dechacune des familles de ses élèves. De soncôté, le parent doit comprendre la réalité del’enseignant qui a pour tâche de voir à laréussite d’un grand nombre d’élèves ayantdes expériences de vie diversifiées. D’où l’im-portance de lui expliquer cette réalité.

Encourager l’expression parentaleau sein de la communauté scolaireLa participation des parents à la vie scolairepeut prendre différentes formes. Pour cer-tains, participer peut signifier s’informer,c’est-à-dire prendre connaissance de la vie del’école (son horaire, ses programmes, etc.).Pour d’autres, ce sera de jouer un rôle dans laprise de décision. Quoi qu’il en soit, l’impor-tant est d’encourager l’expression parentaleau sein de la communauté scolaire. Lameilleure façon d’y parvenir est de valoriserla diversité des expériences de participationdes parents. Cette valorisation sera possibledans la mesure où les parents seront con-vaincus qu’ils sont les bienvenus à l’école.Plus l’école leur offre une gamme d’activitéset de projets variés, plus elle leur permet departiciper et d’avoir une place bien à eux. Ilpeut s’agir de rencontres, qu’elles soientformelles ou non, de périodes d’observationdans la classe, de sorties, de fêtes, dejournées ou de soirées thématiques, de l’installation d’un local destiné aux parents,bref, tout est possible.

À titre d’exemple, citons le projet « Enfantvedette », qui se vit depuis quinze ans dansplusieurs écoles du Québec. Facile à réaliser,ce projet permet à un enfant de se présenterà ses camarades de classe durant unesemaine, à raison de quinze minutes par jour.

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Il parle ainsi de sa famille, de ses joies, de sespeines, de ses réussites et de bien d’autreschoses. Dans le cadre de ce projet, sa familleest invitée à venir passer du temps en classe.Les parents peuvent alors, par exemple,observer ce qu’est la vie en maternelle, ani-mer un atelier ou parler de leur pays, s’ilssont nés à l’étranger. Conçu au départ pourdévelopper l’estime de soi chez les enfants etencourager les parents de milieux défavorisésà se sentir à l’aise à l’école, le projet a large-ment rempli ses promesses. Depuis sa miseen place, la participation des parents s’estaccrue. Il est fréquent de voir arriver dans laclasse les grands-parents de l’enfant vedette,poussant un bébé dans une poussette, d’accueillir d’autres membres de la familleélargie ou encore d’entendre un parent par-ler avec fierté de son métier. Ce projet donnenon seulement à l’enfant la chance de seprésenter à ses pairs, mais permet aussi à

l’enseignant et à la famille de mieux le con-naître. Il permet aussi de déboulonner unmythe tenace dans le milieu scolaire, à savoirque les parents de milieux défavorisés nesont pas intéressés par l’école. Au contraire,on s’est vite aperçu que dès qu’il est questionde leur enfant, ils se mobilisent et ont à cœursa réussite. Il existe de nombreux autres pro-jets qui visent le rapprochement entre lesfamilles et l’école. Ils sont parfois tout simple-ment méconnus.

Il importe avant tout d’encourager la commu-nication à l’école et de faire connaître les ini-tiatives positives de partenariats qui ont coursdans le milieu. Par ailleurs, si ce dialogueentre la famille et l’école est souhaitable, ilfaut se rappeler qu’il ne va pas de soi. Lacommunication, on l’a constaté, peut porteren elle-même le germe d’un possible malen-tendu. Le dialogue entre partenaires pourra

se développer dans la mesure où parents etenseignants y auront été formés et préparés.Cette préparation pourrait prendre la formed’ateliers portant sur l’univers social de l’enfant et sur un partage de stratégies decommunication (écoute active, empathie,techniques de résolution de conflits) ou dediscussions sur les valeurs ou sur d’autresaspects. Offerte aux parents et aux ensei-gnants, d’abord séparément pour leur per-mettre de discuter en toute liberté de leursattentes comme de leurs craintes, la forma-tion pourrait se conclure par la constructiond’un projet commun à la mesure des capa-cités de tous et chacun : un partenariat cons-truit autour de l’enfant et de sa communauté.

Mme Louise Sarrasin est journaliste etenseignante et est détentrice d’un certi-ficat en relations familles et école, del’Université de Cornell (Syracuse).

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POSTFACE…

ÀÀ la lecture de ce dossier, le concept de l’inter-disciplinarité émerge comme une piste deréflexion incontournable. En effet, même sicette notion n’est pas nommée explicitement,elle apparaît en filigrane dans la plupart destextes.

Ce concept prête parfois à confusion et le rôlede chacune des disciplines est souvent remis enquestion.

Les réticences des détracteurs reposent sur laplace des savoirs essentiels inhérents à chaquedomaine d’apprentissage qui, d’après eux, nepeuvent cohabiter sous peine d’être dénaturés.

Il y a souvent des partages de territoires sym-boliques qui n’ont presque plus rien à voir avecles contenus disciplinaires répartis selon unelogique émanant d’une représentation du réelqui remonte à un autre siècle.

La prolifération des branches du savoir uni-versel est l’un des exemples qui permet dedémontrer les limites d’une classification tou-jours imparfaite.

Les débats autour des programmes Histoire etéducation à la citoyenneté et Éthique et culturereligieuse ne sont que deux exemples de coexis-tence qui ont leurs limites, mais qui sont néces-saires pour cerner des savoirs essentiels sanscompliquer une grille-matière déjà saturée.

Il serait intéressant de changer notre regard etde tenter de voir ce qu’apporte l’interdiscipli-narité dans ce contexte.

Si la complémentarité est un atout lors de lamise en œuvre d’orientations et de politiquesministérielles ponctuelles, pourquoi ne pourrait-on émettre l’hypothèse que la concertationentre les disciplines permettrait d’activer descompétences et de favoriser la réelle acquisitionde savoirs, de savoir-faire et de savoir-être?

N’est-ce pas là une évidence que les apprentis-sages sont interdépendants et se complètent? —Nous ne parlerons pas ici de compétencestransversales! Et pourtant... L’écriture d’un textefait appel à des connaissances liées à la struc-turation et à l’organisation du discours. Les con-tenus réfèrent à des connaissances traitées etmises en relation dans l’ensemble des corpusdisciplinaires. L’interdisciplinarité, ici, n’est pasressentie comme une perte mais plutôt commeun atout pour aller vers un usage optimal dutemps imparti aux apprentissages : ce temps quiest trop rare, au dire des enseignants et desenseignantes…

Il ne s’agit pas ici d’une conception utilitaristede l’éducation, mais plutôt d’une vision humble-ment pragmatique, qui ramène au premier planle professionnalisme de l’éducateur qui ne veutpriver l’élève d’aucune occasion d’apprendre.Ici, les situations où l’élève démontre sa capa-cité à faire des liens entre des connaissances denature différente sont, pour l’éducateur, des

espaces d’observation riches d’indices pouvantrévéler l’intégration des savoirs.

Dans un tel contexte, la complémentarité des« actions » pédagogiques ne devient-elle pasessentielle? Pourquoi ne pas relever ce défiinduit par le renouveau pédagogique desdernières années, et ce, malgré les territoiresdisciplinaires? N’y a-t-il pas là une avenue àexplorer?

Le sujet n’est pas neuf. Il y a vingt ans, undossier sur l’interdisciplinarité au secondairedécrivait des réalités qui sont d’une déroutanteactualité, malgré les années qui nous en sépa-rent. (Vie pédagogique, no 47, mars 1987, p. 17-32.)

Il faudra avoir le courage de revenir sur le sujet,sous l’angle de la complémentarité, en utilisantcomme outil un programme de formationconçu avec une telle préoccupation et danslequel, contrairement à ce qui est le plus sou-vent véhiculé, les disciplines, au lieu de se diluerles unes dans les autres, prennent tout leur sensen proposant aux élèves des clés pour mieuxcomprendre le monde dans sa constante évolu-tion.

Camille Marchand

FIN

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LE FRANÇAIS, MATIÈRE RÉBARBATIVE OU PAS ?par Nancy Granger

L’L’enseignement du français est un sujet d’actualité en ces temps de réforme. Les différents programmes mis en avant par leministère de l’Éducation (MEQ), devenudepuis 2005 le ministère de l’Éducation, duLoisir et du Sport (MELS), cherchent toujoursà améliorer la qualité de la langue des élèvesdu Québec. Depuis dix ans, différentes con-ceptions de l’enseignement ont prévalu, quise centraient davantage sur les aspects lin-guistiques ou grammaticaux de l’enseigne-ment de la langue, et ce, dans un contexte oùles théories cognitivistes prennent de plus enplus de place. L’enseignant devient désormaisun guide pour l’élève et doit créer dans sesclasses de vraies communautés d’apprentis-sage. Il n’est plus le principal acteur dans laclasse et il lui faut personnaliser son ensei-gnement afin de rejoindre et de stimuler leplus d’élèves possible.

Parallèlement à cela, les enquêtes tantnationales qu’internationales montrent queles élèves ont toujours beaucoup de difficultéen français. Certains disent même qu’ils nemontrent pas d’amélioration importanteentre la première et la cinquième secondaire.Pourtant, les enseignants travaillent assidû-ment et tentent de leur permettre des’améliorer. Que se passe-t-il donc?

Dans une société où la fréquentation scolairejusqu’à l’âge de seize ans est obligatoire, ondéplore qu’environ un tiers des élèves ne ter-minent pas leurs études secondaires (MEQ2004). Même chez ceux qui obtiennent leurdiplôme, on déplore la piètre maîtrise de lalangue qu’ils acquièrent durant leurs études.Afin de pallier ce problème, le MEQ avait augmenté le nombre d’heures consacrées aufrançais, passant de six à huit périodes defrançais par cycle de neuf jours. Aprèsquelques années de ce régime, le taux dedécrochage demeure le même et les élèvesne sont toujours pas plus motivés à appren-dre le français. Pourquoi? Se pourrait-il que lasolution à ce problème ne réside pas dans lenombre d’heures réservées à cette matière?Que peut-on faire pour améliorer l’intérêt etla motivation des élèves à l’égard du français?

Une recherche en psychologie visant à com-parer le degré de motivation à l’école, chezles garçons et les filles, a fait ressortir desrésultats fort intéressants sur la motivation,de même que sur l’intérêt ou la valeuraccordée aux deux matières au sujetdesquelles les élèves ont été questionnés. Ona constaté des différences systématiquesentre le français et les mathématiques, et ce,autant chez les garçons que chez les filles.Dans tous ces cas, les différences étaient endéfaveur des enseignants ou des classes defrançais : les enseignants, entre autres, étaientjugés moins équitables, moins disponibles,plus sévères et moins stimulants que leurscollègues. La chercheure a conclu que cesjugements démontraient une transpositionsur les enseignants de l’attitude envers lamatière (Bouffard 2003).

Ce constat s’ajoute aux observations quoti-diennes faites par les enseignants, les parentset les différents acteurs sociaux. La matièrequi cause le plus de difficulté aux élèves estsans aucun doute le français. Plusieurschercheurs ont démontré que, même aprèsplusieurs années de cours de français, lesélèves ne s’améliorent guère sur le plan del’écriture de la langue. Pourtant, lesenseignants passent beaucoup de temps àenseigner la langue écrite durant leurs cours.

Qu’en est-il donc de la motivation des élèvesà apprendre le français? Qu’y a-t-il de rébar-batif dans l’apprentissage de la langue? Lespratiques d’enseignement ont-elles à voiravec ce phénomène de démotivation? Tellessont les questions qui nous ont amenées àétudier les méthodes pédagogiques utiliséesen classe de français au secondaire.

Connaître les pratiques effectivesdes enseignantsDans notre recherche, nous avons voulu éva-luer l’impact des perceptions des élèves con-cernant les méthodes pédagogiques utiliséesdans les cours de français au secondaire, auregard de leur motivation. Il nous fallait alorsêtre au fait des pratiques qu’utilisent réelle-ment les enseignants. Ainsi, à partir d’une

documentation en didactique du français,nous avons constitué une liste des différentesméthodes pédagogiques touchant aux troisvolets de l’enseignement du français au secondaire (la lecture, l’écriture et l’expres-sion orale). Cette liste exhaustive a été distribuée aux enseignants afin qu’ils nousindiquent si les pratiques pédagogiques quenous avions choisi de cibler pour nos ques-tions étaient bien celles sur lesquelles, à leuravis, il convenait d’interroger leurs élèves.Ceci nous a permis de nous assurer de la pertinence de tous les énoncés présentésdans le questionnaire et de constituer unenouvelle liste qui ne contenait que les itemsappropriés.

Et qu’en est-il de la motivation?Afin de mieux comprendre les problèmes demotivation liés au cours de français, nousavons utilisé d’autres questionnaires qui nousont permis d’analyser le profil motivationneldes élèves au regard du français à l’école. Cesoutils nous ont aidées à mieux comprendrece qui motive ou démotive les élèves quantaux pratiques pédagogiques utilisées.

RésultatsLe constat que nous faisons est que, dansl’ensemble, les élèves ont trouvé utiles lesméthodes pédagogiques choisies par leursenseignants pour l’apprentissage du français.Ceux qui ont dit avoir expérimenté les métho-des les moins employées les ont aussi trou-vées utiles. Nous pouvons dire que les élèvessont conscients de la nécessité de certainesméthodes pour réussir. De plus, les mêmesélèves semblent manifester une certaineréceptivité à l’égard des méthodes utiliséespar les enseignants de français. Il reste àsavoir s’ils sont capables de distinguer ce quiles aide vraiment.

Mon prof a raison…Nous pourrions croire que les méthodes éva-luées sont adéquates dans la mesure où lesélèves confirment qu’elles sont utiles. D’autrepart, nous pourrions attribuer ces percep-tions positives au phénomène de « réductionde dissonance cognitive », qui amène les indi-

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vidus à répondre de façon positive aux énon-cés parce que ces pratiques sont utilisées parleurs enseignants depuis le début de leur sco-larisation. Les énoncés suivants illustrent biennotre propos : l’enseignant « montre com-ment planifier la production écrite », « sensi-bilise les élèves aux différents types dediscours littéraires », « leur pose des ques-tions en rapport avec des informationsrepérables dans le texte », etc. En effet, nouspouvons croire qu’ils se disent que cespratiques sont sûrement utiles et effi-caces puisqu’elles sont privilégiées parleurs enseignants de français. Il yaurait donc un lien à faire avec le faitqu’elles sont pour les élèves des pra-tiques connues, dans lesquelles ils sesentent probablement à l’aise.

Un peu de changement… ça fait du bien!D’autre part, on pourrait aussi suggé-rer que les pratiques qui ont été élimi-nées, telles que l’enseignant « discuteavec nous de nos goûts de lecture »,« nous fait écrire simplement pour leplaisir », « nous fait écouter deschanteurs, des poètes, des raconteurs,des journalistes et nous demanded’observer les différences », sont despratiques qui diffèrent de celles uti-lisées habituellement dans les classesde français, mais, lorsqu’elles sontmises en avant par l’enseignant, ellesentraînent aussi une réponse positivepuisqu’elles représentent la nou-veauté.

C’est vrai que c’est utilemais…Les analyses ont principalement portésur le jugement d’utilité porté par les élèvessur les méthodes d’enseignement du français.L’examen des résultats nous amène à direque le jugement d’utilité ne s’associe pasdirectement avec la motivation en français.Ainsi, ce n’est pas parce qu’un élève trouveune méthode utile qu’il l’utilisera nécessaire-ment. D’ailleurs, une multitude de raisonspeuvent justifier le fait qu’un élève décide des’engager dans une tâche ou non. Le juge-ment d’utilité n’est donc pas l’unique variableà considérer.

Apprendre, mais dans quellesconditions?Il importe de créer un climat propice à l’apprentissage afin que les élèves en viennent à aimer le français. Que ce soit enlecture, en écriture ou en expression orale,les enseignants de français doivent proposerdes activités intéressantes et utiles, maiségalement signifiantes pour les élèves. Ces

activités gagneraient à être intégrées à dessituations de communication réelles qui leurpermettraient de mieux comprendre l’utilitéde bien maîtriser leur langue.

Le but de l’enseignement, c’est de faire apprendreÀ ce jour, peu de recherches semblent avoirété consacrées à relever les modificationsapportées à l’enseignement du français. Larecherche en didactique est souvent axée surdes aspects théoriques de l’enseignement de

cette matière et trop souvent on oublie quelest le but poursuivi, soit de lutter contrel’échec scolaire. Le rôle de la recherche enenseignement est de favoriser l’apprentissagedes élèves en vue de les rendre autonomes etouverts à leur réalité linguistique. Avecl’avènement du renouveau pédagogique, cetobjectif est de plus en plus présent.

C’est pourquoi les activités pédagogiquesdoivent être orientées vers les besoinsde l’élève. Ce dernier doit pouvoir ytrouver son compte. On ne parle plusici d’utilité à l’école, liée au pro-gramme, mais d’utilité dans la vie, liéeà la nécessité de bien communiquer.Voilà toute une différence que notrequestionnaire n’a peut-être pas sufaire ressortir. En tant qu’enseignants,nous pensons souvent en termes deréussite scolaire pour l’élève, et nonpas en termes de buts sociaux.

La réussite en termes de différence sexuelleComme on le sait, plusieurs étudesont fait état de la difficulté marquéedes garçons à réussir aussi bien queles filles leurs cours de français.Relativement à cette problématique,des facteurs déterminants, comme ladynamique motivationnelle, les con-ceptions de la réussite, la compétencelinguistique et les champs d’intérêt,ont été identifiés comme pouvantfavoriser l’amélioration de la qualitéde la langue chez les garçons. On saitque les filles se prêtent plus facile-ment aux exigences que les garçons.Donner un sens à leurs apprentis-sages en rendant les buts recherchés

plus concrets pourrait permettre de susciterdavantage l’engagement des garçons à l’égard de la tâche.

Prendre le pouls de manière plus précisePour cette étude, nous croyons qu’un ques-tionnaire sous forme d’entrevue aurait puaider à mieux distinguer la perception d’uti-lité de la motivation. Cette méthode auraitpermis d’élaborer un questionnaire écritmieux adapté à notre recherche. En effet, sus-citer la motivation chez un élève, faire émer-

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ger son désir d’apprendre, reste un défi detaille que les enseignants doivent relever auquotidien. Un questionnaire nous permettantde cerner de manière précise ce qui cause dela difficulté aux élèves et qui fait qu’ils ne s’in-vestissent pas dans l’apprentissage de cettematière serait un outil précieux pour amélio-rer notre compréhension de l’apprentissageet de la motivation. Il permettrait de plus aux différents acteurs du milieu scolaire depouvoir se questionner, à partir des réponsesobtenues des élèves, et de se recadrer aubesoin afin de maximiser le potentiel de chacun.

En conclusionPrésentement, les méthodes utilisées par lesenseignants de français ne sont pas malperçues. Elles gagneraient cependant à êtreintégrées dans une pédagogie plus ouverte,davantage axée sur les besoins des élèves. Laqualité de la relation maître-élève sembleune piste d’intervention intéressante, en cesens qu’elle peut créer un climat de confianceentre l’enseignant et l’élève et permet à cedernier de faire des essais et des erreurs dansun contexte pédagogique stimulant. Ainsi,quoique notre étude ne portait pas directe-ment sur les enseignants, les résultats nousdémontrent que la formation continue desenseignants constituerait une porte d’entréeintéressante pour favoriser la motivation desélèves en français. Tel qu’il est décrit dans leProgramme de formation de l’école québé-coise (2004), le rôle de l’enseignant est « decibler les apprentissages à effectuer à l’égardde la langue et des textes qui en balisent laprogression. Il est un guide qui apprend auxélèves à faire des liens entre les connais-sances antérieures et les nouvelles connais-sances. Il est celui qui leur apprend à prendreconscience de leurs démarches et de poserun regard critique sur elles ». L’enseignant,

dit-on, « se préoccupe prioritairement desoutenir l’élève dans ses apprentissages ».Autant de comportements qui seraient sus-ceptibles de favoriser la réussite en français.Notre étude apporte en ce sens un éclairageintéressant sur les pratiques des enseignants.Nous pouvons maintenant dire que tout estdans la manière. La manière d’interagir avecl’élève, de l’accompagner dans ses apprentis-sages, de le stimuler à apprendre et de luiprésenter la matière comme intéressante etutile pour lui, non seulement en tant qu’élèvequi fréquente une institution scolaire, maisaussi comme citoyen qui désire communi-quer et énoncer des points de vue.

Ainsi, si les élèves ne remettent pas en causeles méthodes pédagogiques utilisées par lesenseignants de français, ils ne les utilisent pasnécessairement. Il nous apparaîtrait impor-tant que des recherches ultérieures étudientplus spécifiquement l’apport de la relationmaître-élève dans la dynamique motivation-nelle en classe de français, de même que lespratiques susceptibles de favoriser le transfertdes apprentissages, afin de les mettre en rela-tion avec la motivation. Nous croyons en l’im-portance de valoriser l’aspect pratique dansle cadre de la recherche en didactique, afinque des changements s’opèrent sur le plande l’enseignement du français.

Le présent article est issu du mémoire demaîtrise de Nancy Granger ( 2006), effec-tué sous la direction de Monique Lebrun,de l’Université du Québec à Montréal, etintitulé : « Évaluation de l’impact des per-ceptions des élèves envers les méthodespédagogiques utilisées dans les cours defrançais au secondaire en regard de leurmotivation ».

Références bibliographiquesBOUFFARD, T. Motivation, attitude et rendementscolaire, communication dans le cadre du colloque sur laréussite des garçons et des filles, ministère de l’Éducationdu Québec, Québec, avril 2003.LAFONTAINE, L. Pratiques et perception de la communi-cation orale en classe de français langue première chezdes enseignants de première, troisième et cinquièmesecondaire, mémoire de maîtrise, Université du Québecà Montréal, 1995.LAPOSTOLLE, L., F. MASSÉ et J. PINHO. Les garçons et lesmesures d’aide en français, rapport de recherche, cégepdu Vieux Montréal, 2003.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC. Programmed’études - Français - Enseignement secondaire, Québec,1995.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC. Programmede formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, premier cycle, Québec, 2004.PRÉFONTAINE, C. Écrire et enseigner à écrire, Montréal,Éditions Logiques, 1998.ROPÉ, F. Enseigner le français, Paris, Éditions universi-taires, 1990.ROY, G-R., L. LAFONTAINE et C. LEGROS. Le savoir gram-matical après treize ans de formation, Sherbrooke, CRP,1995.VIAU, R. La motivation en contexte scolaire, Montréal,ERPI, 1994.VIAU, R. La motivation dans l’apprentissage du français,Montréal, ERPI, 1999.

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RÉINTÉGRER DES ÉLÈVES PRÉSENTANT DES TROUBLES DU COMPORTEMENT :

UN EXEMPLE DE DÉMARCHEpar Shirley Carignan, Line Massé et Catherine Lanaris

J’Jusqu’à tout récemment, plusieurs commis-sions scolaires avaient surtout recours auxclasses spéciales à temps plein pour répondreaux besoins des élèves présentant des diffi-cultés significatives d’ordre comportemental.Toutefois, la politique d’adaptation scolairedu ministère de l’Éducation, du Loisir et duSport (MELS) privilégie l’intégration à laclasse ordinaire et considère les classes spé-ciales comme des mesures très exception-nelles. Les milieux scolaires doivent doncdévelopper de nouveaux modes d’interven-tion qui, tout en favorisant l’intégration desélèves dans un milieu éducatif plus naturelpour eux, permettent d’intervenir rapidementet efficacement pour réduire les difficultésdes enfants. C’est dans ce contexte que laCommission scolaire du Chemin-du-Roy adéveloppé en 1996 un service de courtedurée inspiré des systèmes à paliers, le ser-vice La Relance, comme mesure alternativeaux classes spéciales à temps plein pour lesélèves présentant des difficultés comporte-mentales importantes. Le présent article traited’un service offert à des élèves du primaire.

Ce service est un regroupement temporaired’élèves (pour une durée de 9 à 15semaines), avec un retour obligatoire à laclasse d’origine durant la même année sco-laire. Il comporte deux volets : l’enseignementindividualisé et l’intervention psychoéduca-tive intensive. Pour y avoir accès, l’élève doitrépondre aux critères suivants :

— présenter des difficultés importantes sur leplan comportemental (agressivité, troubleoppositionnel avec provocation ou troublede déficit d’attention et hyperactivité);

— avoir préalablement fait l’objet d’interven-tions intensives encadrées dans un pland’intervention élaboré et appliqué pen-dant une durée significative, mais sansobtenir le succès attendu;

— ne pas présenter les symptômes associésà des troubles graves du comportement.

Un élève peut entrer à La Relance à n’im-porte quel moment de l’année. Ce services’inspire du modèle de Hewett (1988), selonlequel l’élève doit franchir différentes étapesavant son retour à temps plein dans sa classed’origine. Suivant une séquence donnée, lesintervenants modifient les comportementsscolaires et sociaux des élèves en appliquantsystématiquement l’approche comportemen-tale. Le programme inclut également d’autresapproches, telles que les interventions cogni-tivo-comportementales (autocontrôle, résolu-tion de problème, restructuration cognitive,etc.), l’entraînement à la responsabilisation,l’éducation affective (estime de soi, soutien à la motivation scolaire, empathie, etc.), l’en-traînement aux habiletés sociales et la rela-tion d’aide. Les activités pédagogiques sedéroulent dans un contexte d’enseignementindividualisé et s’inscrivent dans le prolonge-ment des activités de la classe d’origine dechacun des élèves.

Même si on note des améliorations des com-portements chez les élèves ayant fréquenté leservice La Relance, la réintégration à la classed’origine demeure difficile. On observe dif-férents types de problèmes, comme desattentes irréalistes de la part des enseignantsqui y envoient les élèves, ou encore des atti-tudes négatives, chez certains enseignantsdes classes d’origine, à l’égard des élèvesréintégrés. On peut également observer unmanque de préparation pour tenir comptedes besoins des élèves présentant un troubledu comportement (TC), des attitudes néga-tives des élèves des classes d’origine (peur,rejet, etc.) ou des réticences des parents àretourner leur enfant dans une classe où il avécu des difficultés importantes. D’autres fac-teurs semblent également poser problème,soit le manque de communication entre les

intervenants de l’école d’origine et ceux duservice spécialisé, le processus trop rapide deréintégration, ainsi que les différences destructure entre le service spécialisé et laclasse ordinaire. On note aussi certaines réac-tions négatives chez l’élève réintégré (anxiétéface au retour, tristesse de quitter le service,etc.), une difficulté à transférer les acquis faitsà La Relance, ainsi que la persistance de laréputation négative de l’élève ayant un TC àson retour.

Démarche proposéePlusieurs moyens sont proposés dans lesécrits pour faciliter la réintégration des élèvesprésentant un TC et qui ont fréquenté un ser-vice spécialisé (Carignan, Massé et Lanaris2005) : une meilleure évaluation des com-portements de l’élève qui l’empêchent d’êtremaintenu en classe ordinaire; l’établissementd’objectifs et de critères de réintégration pré-cis et réalistes; l’implantation de moyens pourfavoriser la généralisation et le maintien desacquis (classe-laboratoire, coffre à outils,portfolio, etc.); l’implication des parents dansla réintégration des élèves; la préparation de l’élève au retour à sa classe d’origine; l’accompagnement des enseignants des classes d’origine; la préparation des élèvesdes classes d’origine au retour de l’élèveayant fréquenté le service; la réintégrationprogressive à la classe d’origine; et, l’accom-pagnement de l’élève lors de son retour à saclasse d’appartenance. À partir de ces élé-ments et d’une étude de besoins effectuéeauprès d’acteurs clés (élèves réintégrés,élèves des classes d’origine, enseignants, psy-choéducateurs, directions d’écoles, parents),une démarche de réintégration ainsi que desoutils ont été élaborés et proposés aux psy-choéducateurs et aux enseignants de LaRelance, qui les ont appliqués pour réintégrerleurs élèves dans leur classe d’origine. Ladémarche est principalement centrée sur letransfert des acquis d’un milieu à l’autre, ainsi

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que sur la préparation de l’élève, des parents,des autres élèves de la classe et de l’équipe-école, soit l’enseignant de l’élève, son inter-venant psychosocial et le directeur de l’école.

Voici une brève description des principalesrecommandations qui ont été expérimentéesdans le contexte de ce projet.

Recommandation 1 : L’évaluation des habiletés et des déficits de l’élèveLors de l’admission de l’élève au service, il estproposé que le psychoéducateur évalue, encollaboration avec son enseignant d’origine,les comportements qui empêchent l’élèved’être maintenu en classe ordinaire ainsi queles comportements ou les habiletés qu’ildevrait acquérir durant son séjour à LaRelance. À cette fin, on a conçu une grille d’évaluation répertoriant les principaux com-portements appropriés attendus en milieuscolaire. Tout en permettant de mieux orien-ter le travail rééducatif des intervenants lorsdu séjour d’un élève au service spécialisé,cette procédure fournit également des balisespour déterminer le moment où il est prêt àréintégrer sa classe, soit lorsqu’il a acquis laplupart des comportements ciblés aumoment de son admission. À la fin du séjourde l’élève, les intervenants utilisent une grillesemblable pour évaluer l’acquisition descomportements ciblés au début. Les résultatsde cette évaluation sont présentés dans unrapport final remis à l’équipe-école lors duretour de l’élève, afin d’orienter l’élaborationdu plan d’intervention qui sera mis sur pieddans l’école d’origine pour favoriser la réinté-gration de l’élève, le transfert et le maintiendes acquis ainsi que la poursuite du travailrééducatif, le cas échéant.

Recommandation 2 : L’implication des parentsTout au long du cheminement de l’élève à LaRelance, il est suggéré de donner régulière-ment des nouvelles de ses progrès et de sesdifficultés à ses parents. Cette communicationvise également à favoriser le transfert desacquis à la maison. En effet, les parents sontmis au courant chaque jour des objectifs viséspar l’élève ainsi que de leur degré d’atteinte.Ils peuvent ainsi renforcer les comportementsappropriés lorsqu’ils sont manifestés à lamaison ou inciter leur enfant à utiliser leshabiletés développées lorsque l’occasion seprésente. Les parents sont également invités

à venir le visiter à La Relance pendant sonséjour. Ces visites leur permettent de voir ceque l’élève y fait (les activités, les méthodesutilisées, etc.), de modeler des interventionsqui s’avèrent efficaces auprès des jeunesprésentant un TC et de démontrer les change-ments opérés chez leur enfant lors de sonséjour.

Recommandation 3 : L’implication des équipes-écolesAfin que l’enseignant titulaire et l’intervenantpsychosocial de l’école d’origine ne perdentpas contact avec l’élève durant son séjour auservice et soient tenus au courant de ses progrès et des difficultés rencontrées, noussuggérons que des nouvelles de l’élève leursoient aussi régulièrement envoyées. Cetteinitiative vise également à modifier progres-sivement l’image négative de l’élève que sefont certaines personnes, en leur exposant aufur et à mesure son évolution positive. Pourrendre la lecture plus facile, économiser dutemps et faciliter l’envoi et la réception desinformations, on a prévu un formulaire infor-matisé pour transmettre les nouvelles desenfants aux écoles d’origine. Ces informa-tions sont transmises par courriel, par télé-copieur ou par courrier interne.

À l’instar des parents, les intervenants del’équipe-école concernés sont aussi invités àvenir visiter l’élève pendant son séjour. Enplus des objectifs décrits plus haut pour

les parents, ces visites visent également à per-mettre aux enseignants de maintenir un liensignificatif avec leur élève ou de recréer ce lien si la relation maître-élève s’était détériorée avant l’admission de l’élève au ser-vice. Il est recommandé que ces visites aientlieu au moins à deux reprises, au milieu duséjour (pour laisser un peu de temps passer, pour « calmer les esprits » de chacunet qu’il y ait déjà eu quelques changementschez l’élève) et un peu avant la fin du séjour.

Recommandation 4 : La généralisationet le maintien des acquis de l’élèveDifférents moyens d’action sont suggérés auxintervenants de La Relance pour favoriser lagénéralisation des acquis de l’élève : utilisa-tion des mêmes renforcements que dans laclasse d’origine, encouragement des com-portements à intervalle variable, appui desagents naturels (en particulier des parents),exercice des nouvelles habiletés dans dif-férentes situations qui se rapprochent ducontexte de la classe ordinaire, pratique descomportements visés dans des classes dites« laboratoires », etc. Les classes laboratoiressont des classes du même échelon scolaireque celui de l’élève, mais situées dans l’écoleoù est le point de service. L’élève y est intégrépour une heure, une période ou une demi-journée, pour exercer certaines habiletésciblées. Par exemple, il peut prendre part àun projet de classe particulier pour pratiquerses habiletés à travailler en équipe ou

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s’intégrer à un cours d’éducation physiquepour exercer son contrôle de l’impulsivité.L’enseignant responsable de l’activité évaluele comportement de l’élève à l’aide d’unegrille conçue à cette fin. Cette rétroaction per-met au psychoéducateur et à l’élève de cerner les acquis et d’identifier les difficultésqui demeurent à surmonter pour réintégrersa classe d’origine.

Recommandation 5 : Le retour, une préparation à ne pas négliger

Celle de l’élèveLa réintégration peut susciter plusieurscraintes chez l’élève : peur de l’échec, peur dene pas être capable de fonctionner adéquate-ment dans une classe ordinaire sans le mêmeencadrement qu’au service spécialisé, peurd’être isolé ou rejeté, etc. Plusieurs élèvescraignent aussi la rupture du lien significatifqui s’établit souvent avec les intervenants desservices spécialisés et vivent de la tristesse oude la colère en raison de cette rupture (Elbow1987). Différentes stratégies sont proposéespour dissiper ces craintes : rencontres indi-viduelles pour sécuriser l’enfant (explicationdu processus de réintégration, précision desattentes du milieu scolaire, identification deses peurs et détermination de moyens pourrésoudre les difficultés envisagées, etc.), activités de gestion du stress, réalisation d’unportfolio ou d’un cahier des souvenirs, consti-

tution d’un coffre à outils qu’il pourra utiliserdans sa classe (procédures illustrant dif-férentes habiletés développées lors de sonséjour, par exemple « Comment résoudre desconflits pacifiquement »). La présence de l’in-tervenant psychosocial du service spécialisélors de la réintégration progressive, ainsiqu’un suivi assuré par ce dernier pendant lespremières semaines de la réintégration, toutcomme la possibilité que l’élève communiqueavec l’intervenant psychosocial du servicespécialisé en cas de besoin lors de sa réinté-gration, sont d’autres stratégies qui pour-raient être mises en oeuvre.

Celle des acteurs clés Il est recommandé qu’un soutien soit offert àl’enseignant de la classe d’origine, afin qu’ilsoit mieux outillé pour composer avec desélèves présentant des difficultés de com-portement. Ce soutien peut être offert parl’intervenant psychosocial de l’école d’origineou par celui du service spécialisé. Ce dernierpeut également rencontrer l’enseignant pourle rassurer, partager avec lui les moyens quis’avèrent efficaces pour gérer les comporte-ments de l’élève et l’amener à avoir desattentes réalistes concernant l’élève réintégré(il ne sera pas « guéri »). On suggère aussi delui remettre un « coffre à outils » comprenantdes techniques d’intervention et des activitésréalisées à La Relance, pour l’aider à bien

encadrer l’élève lors de son retour et favori-ser ainsi le transfert des acquis.

Une rencontre avec le groupe-classe del’élève est également suggérée pour atténuerles craintes des élèves de la classe d’originepar rapport au retour de leur camarade. Onpeut leur expliquer les raisons qui ont amenél’enfant au service de courte durée et le fonc-tionnement de ce dernier. On peut égalementles sensibiliser à ses difficultés et aux moyensqu’ils pourraient prendre pour l’aider à main-tenir ses acquis. Avant la réintégration, onrecommande qu’une réunion soit tenue avectoutes les personnes impliquées auprès del’élève pour faire un bilan de son chemine-ment lors de son séjour, de ses acquis et desdifficultés qui persistent; de cette façonl’équipe-école sera mieux en mesure dechoisir les moyens qui devraient être mis enplace pour favoriser le maintien des acquis etl’adaptation du jeune.

Un ou plusieurs entretiens peuvent aussi être tenus avec les parents pour leur expli-quer le déroulement de la réintégration, fairediminuer leur stress, leur donner des pistespour aider leur enfant et répondre à leursquestions.

Recommandation 6 : Le retour graduel à l’école d’origineIl est recommandé que la réintégration pro-prement dite s’effectue graduellement, surune période d’au moins quatre semaines,durant laquelle les élèves alternent entre desséjours au milieu spécialisé et dans leurclasse habituelle. Idéalement, l’enfant vit uneprogression dans le nombre de journées parsemaine passées dans son école d’origine. Ils’avère important, à ce moment du proces-sus, qu’une personne de cette école, l’inter-venant psychosocial ou l’enseignant, semobilise pour apporter du soutien à l’élève et créer un lien significatif avec lui. Le psychoéducateur du service spécialisé peutégalement continuer à offrir une forme desoutien à l’élève, en venant le visiter occa-sionnellement ou en lui faisant parvenir debrefs messages par l’entremise de sonenseignant ou par Internet. En effet, comme ila été mentionné précédemment, il sembleimportant pour le psychoéducateur de sedétacher graduellement de l’élève, afin que larupture du lien thérapeutique ne fasse pasréagir négativement l’enfant. Toutefois, il ne

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faut pas que le psychoéducateur prenne laplace du personnel de l’école d’originelorsque l’élève retourne à temps plein dansson milieu. C’est aux membres du personnelqu’incombe dorénavant la responsabilité depoursuivre le travail de modification des com-portements amorcé au service de courtedurée, ainsi que d’évaluer et de mesurer lesprogrès de l’enfant après sa réintégration.

Des effets à soulignerDe façon générale, la plupart des éléments dela démarche de réintégration proposée sontjugés par les intervenants scolaires interrogés(enseignants, directions, psychoéducateurs)comme étant pertinents pour favoriser laréintégration des élèves et raisonnablementapplicables dans leur contexte de travail. Lesintervenants du service spécialisé considèrenttoutefois que l’application de toutes cesrecommandations leur demande beaucoupde temps et que les membres de l’équipe-école devraient être davantage impliqués. Les visites de l’enseignant et des parents à La Relance, les rencontres des psychoéduca-teurs dans les classes d’origine et la présenta-tion d’un rapport final font partie des moyensles plus appréciés dans la démarche proposée.

Tous les membres des équipes-écoles inter-rogés ont apprécié les communicationsrégulières avec les intervenants de LaRelance, en particulier lorsque celles-ci se faisaient par téléphone. Les courriels ou lesdocuments papiers ont été peu consultés,plusieurs se contentant de les classer dans ledossier de l’élève sans les lire. La plupartd’entre eux s’entendent pour dire que le faitde recevoir des nouvelles de leur élève ou delui rendre visite à La Relance a eu un impacttrès positif sur leur relation avec cet enfant. Ilapparaît que les personnes qui ont lu les nou-velles et qui sont allés visiter leur élève auservice sont celles qui semblent avoir lemeilleur lien avec les élèves réintégrés et quiapparaissent avoir vécu les réintégrations lesmieux réussies. Tous souhaiteraient recevoirdavantage de nouvelles, même ceux qui n’ontpas consulté les documents. Plusieurs mem-bres des équipes-écoles avouent ne pas avoirvisité le service ou ne pas avoir lu le rapportfinal. Pour les personnes qui l’ont consulté, cerapport semble être un outil très pertinentpour orienter les interventions de l’équipe-école lors du retour de l’élève. Les ensei-gnants, les intervenants psychosociaux et les

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directions d’écoles considèrent que la ren-contre des psychoéducateurs du service avecla classe a eu un impact positif chez les élèveset chez l’enseignant, puisqu’ils sont davan-tage sensibilisés aux difficultés de l’élève et àl’importance de bien l’accueillir. La plupartdes enseignants n’ont pas consulté le coffre àoutils qui leur a été remis, principalement parmanque de temps, mais aussi tout simple-ment parce qu’ils n’y avaient pas pensé.

Quant aux parents, ils semblaient peu infor-més de toutes les mesures mises en placepour favoriser la réintégration de leur enfant,à part les visites et les rencontres avec le psychoéducateur du point de service. Seloneux, ces deux éléments sont fort pertinents,car ils les aident à mieux se préparer auretour de leur enfant en classe ordinaire,mais surtout à mieux encadrer leur enfant àla maison. Ils ont également apprécié lescommunications régulières avec les inter-venants de La Relance, mais souhaiteraientque celles-ci soient plus nombreuses et devive voix plutôt que par écrit. Ces communi-cations semblent avoir favorisé une implica-tion plus active des différents acteurs dans leprocessus rééducatif. La plupart des parentsse plaignent toutefois que leur enfant a ététrès peu soutenu par l’équipe-école à sonretour à l’école d’origine.

Les élèves réintégrés ont été particulièrementheureux de pouvoir pratiquer leurs habiletésdans les classes laboratoires, ce qui sembleavoir diminué leur stress par rapport à leurréintégration et leur avoir redonné confianceen leur capacité de s’adapter au contexted’une classe ordinaire. Ils soulignent aussil’importance de réintégrer progressivementcette classe et de continuer à recevoir le sou-tien du psychoéducateur du service une foisréintégrés. Peu se servent de leur coffre à outilslors de leur retour à leur classe d’origine, àmoins que le psychoéducateur de l’école ouleur enseignant choisissent de l’utiliser.

La plupart des doléances concernent lavitesse de la réintégration. En effet, plusieursparents, membres des équipes-écoles etintervenants de La Relance soulignent que lesélèves retournent trop rapidement à tempsplein dans leur école. Ils souhaiteraient que laréintégration se poursuive pendant quelquessemaines de plus.

Des leçons à apprendre de cette expérienceD’après les résultats obtenus, il apparaît quela procédure développée produit un impactpositif sur la réintégration des élèves. Elle estd’ailleurs considérée comme pertinente etsatisfaisante par la plupart des personnesinterrogées. Toutefois, ce ne sont pas toutesles recommandations et tous les outils qui ont été utilisés par les psychoéducateurs duservice, les enseignants, les intervenants psy-chosociaux en milieu scolaire et les directionsd’école. On constate que plusieurs ne sontpas pleinement informés du rôle qu’ils ont àjouer dans la réintégration des élèves. Pourpallier cette situation, il est recommandéd’élaborer deux documents d’information,soit un pour l’équipe-école et un pour les parents. Ce document contenant toutes lesinformations relatives à l’implication et auxengagements de tous les acteurs clés, avant,pendant et après le cheminement au service,serait remis aux personnes concernées lorsde l’admission d’un élève au service spé-cialisé. On y trouverait, entre autres, des ren-seignements relatifs au nombre de visites quechacun effectuera au service spécialisé, auxrencontres auxquelles ils participeront et auxinstruments qu’ils utiliseront. Il pourrait aussidécrire le déroulement de la réintégration, enprécisant le rôle que chacun aura à jouer et lefait que l’intervenant psychosocial en milieuscolaire devra prévoir dans son horaire unepériode pour rencontrer l’élève sur une basehebdomadaire dès son retour. Ce document,tout en favorisant l’échange d’informations,permettrait à tous d’être conscients du rôlequ’ils auront à jouer auprès de l’élève tout aulong de son cheminement au service ainsique des actions concrètes à mettre en placepour favoriser sa réintégration.

Une emphase plus grande devrait égalementêtre mise sur le suivi et la formation des pa-rents ainsi que sur la formation des équipes-écoles, en particulier des enseignants. Afin dene pas alourdir la tâche des intervenants duservice spécialisé, la formation et le suivi desparents pourraient être assurés par des inter-venants du réseau de la santé et des servicessociaux; la formation des équipes-écolespourraient être sous la responsabilité de per-sonnes-ressources mandatées par la commis-sion scolaire. Enfin, malgré les différentsmoyens mis en place pour favoriser les com-munications entre les intervenants du service

RÉINTÉGRER DES ÉLÈVES PRÉSENTANT DES TROUBLES DU COMPORTEMENT :UN EXEMPLE DE DÉMARCHE

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et l’équipe-école d’origine, ce point demeureà améliorer. Les équipes-écoles souhaitentdavantage de communications de la part desintervenants du service spécialisé, mais aussides communications plus régulières directe-ment avec l’élève. Ils aimeraient aussi donnerdes nouvelles de l’école et de la classe àl’élève pour que celui-ci soit davantage motivéà y retourner et qu’il sente que les gens deson école pensent encore à lui. Les écolesétant davantage « branchées », l’utilisationd’Internet serait à promouvoir, en particulierl’utilisation des courriels et du clavardage.

Par ailleurs, comme plusieurs se plaignent duprocessus de réintégration trop rapide, il estrecommandé que la réintégration progressivesoit échelonnée sur une plus longue périodeafin de mieux préparer les élèves et leséquipes-écoles au retour à temps plein. Aussi,il faudrait impliquer davantage les inter-venants psychosociaux des écoles d’originetout au long du séjour de l’élève au servicespécialisé, pour qu’ils soient mieux outilléspour aider les enseignants visés à composeravec des élèves présentant des difficultéscomportementales, et surtout au retour decet élève, afin qu’un suivi soit effectué auprèsde celui-ci pour favoriser le maintien desacquis et poursuivre le travail rééducatif encas de besoin. Enfin, tous devraient être cons-cients qu’une réintégration réussie n’est pas

seulement l’œuvre des intervenants du ser-vice spécialisé, mais aussi de l’élève, de sesparents et des membres de l’équipe-école.

Mme Shirley Carignan est étudiante à lamaîtrise en éducation, Mme Line Massé estprofesseure-chercheuse au Départementde psychoéducation de l’Université duQuébec à Trois-Rivières et Mme CatherineLanaris est professeure-chercheuse auDépartement des sciences de l’éducationde l’Université du Québec en Outaouais.

Références bibliographiquesCARIGNAN, S. Expérimentation d’une démarche pourfaciliter la réintégration d’élèves présentant un troubledu comportement et ayant fréquenté un service decourte durée, mémoire de maîtrise non publié,Université du Québec à Trois-Rivières, 2005.CARIGNAN, S., L. Massé et C. Lanaris. « La réintégrationdes élèves ayant fréquenté un service spécialisé », dans L.Massé, N. Desbiens et C. Lanaris (dir.), Les troubles ducomportement à l’école : prévention, évaluation et inter-vention, Montréal, Gaëtan Morin Éditeur, 2005, p. 319-324.ELBOW, M. « The memory book : Facilitating termina-tions with children », Social Casework : The Journal ofContemporary Social Work, vol. 68, no 3, 1987, p. 180-183.HEWETT, F. M. « The engineered classroom re-visited »,dans R.B. Rutherford, C. M. Nelson et S. R. Forness (Eds.),Bases of severe behavioral disorders in children andyouth, Toronto, Little Brown, 1988, p. 283-289.SANFAÇON, C. « La délicate question de la réintégra-tion », La Foucade, vol. 1, no 1, 2001, p. 5-7.

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Le présent article rend compte d’une recherche-action dont le principal but a été dedévelopper une démarche facilitant la réintégration à leur classe ordinaire d’élèves du pri-maire présentant des troubles du comportement et ayant fréquenté un service spécialiséde courte durée. La recherche visait également à vérifier la pertinence de la démarchedéveloppée, son utilisation effective, le niveau de satisfaction des participants ainsi que lesmodifications à y apporter afin de l’améliorer. Ce projet a été principalement réalisé parl’auteure principale dans le cadre de travaux de maîtrise en psychoéducation (Carignan2005), sous la direction des professeures Massé et Lanaris et en collaboration avec tousles intervenants des points de service, en particulier André Béliveau, l’initiateur du serviceet le tuteur du stage. La démarche proposée a été mise au point au cours du stage profes-sionnel de maîtrise de l’auteure; la recherche qualitative a été réalisée durant la rédactionde son mémoire.

Pour évaluer les perceptions des acteurs clés concernant la démarche de réintégrationdéveloppée, une méthode qualitative a été utilisée. Des entrevues individuelles ont étéréalisées afin de recueillir les témoignages des participants (N = 23). On a interrogé qua-tre élèves du primaire réintégrés dans leur classe d’origine après un séjour au service LaRelance, trois parents parmi ceux de ces élèves, ainsi que cinq enseignants, troisdirecteurs et cinq intervenants psychosociaux qui ont vécu un retour de leur élève. Lespsychoéducateurs et les enseignants des différents points de service de La Relance ontégalement été questionnés pour qu’ils nous livrent leurs impressions sur la démarcheimplantée (N = 6). Les questions posées ont été ajustées pour chacun des participants,selon les éléments de la démarche de réintégration qui ont été appliqués par le psycho-éducateur du point de service où l’élève était accueilli. Pour analyser les données issuesdes entretiens, on a utilisé la méthode de l’analyse de contenu, à l’aide du logiciel infor-matique ATLAS/ti.

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« SANS SOUTIEN, J’AURAIS COULÉ AVEC LE BATEAU » : RÉCIT D’EXPÉRIENCES VÉCUES PAR DES STAGIAIRES

DANS DES CLASSES MULTIÂGESpar Glorya Pellerin, Daniel Martin et Lorraine Nobert

L’L’évolution de l’organisation scolaire auQuébec permet de penser que les classesmultiâges1 doivent maintenant être consi-dérées comme une réalité permanente. Dansle rapport de la Fédération des syndicats del’enseignement (2003), on montrait que lephénomène touchait une classe sur dix etprès de la moitié des écoles québécoises. Orcette réalité a plusieurs visages. En effet, onestimait à 13 p. 100 la proportion de ces clas-ses où on choisit délibérément de regrouperdes élèves d’âges différents pour des motifspédagogiques (les écoles alternatives, parexemple). En revanche, pour l’immensemajorité des enseignants, des administrateursscolaires et des parents, la classe multiâgerésulte d’une contrainte : elle est donc consi-dérée soit comme une tare permanente, s’ils’agit de garder son école ouverte ou d’éviterle transport des élèves (c’est le cas des écolesen milieu rural), soit comme une nuisancetolérée, lorsqu’il s’agit de rationaliser etd’équilibrer les groupes d’élèves, commec’est souvent le cas dans les écoles en milieuurbain.

La recherche (Fradette et Lataille Démoré2003; Veenman 1997; Mason et Burns 1996;Gayfer, Gajadharsing et Hohl 1991) est assezéloquente sur les difficultés associées à la for-mation et au fonctionnement de ces classes :organiser le curriculum et préparer des acti-vités, former et gérer des sous-groupesd’élèves, gérer le temps et les tâches, évaluerla progression des apprentissages, accorderl’attention nécessaire aux élèves en difficulté,etc. Certes, on retrouve ces gestes profession-nels également dans une classe d’un seuléchelon, mais elles n’ont pas un caractèreincontournable et critique comme dans uneclasse multiâge. Voilà sans doute pourquoi,de façon consistante, les enseignants rappor-tent que la classe multiâge cause plus depréoccupations et occasionne un surplus detravail (Benveniste 2000; Mason et Good1996) pour lequel ils estiment souvent êtreinsuffisamment préparés. C’est ainsi que les

difficultés tangibles ou anticipées peuventinsidieusement éroder le sentiment de com-pétence de l’enseignant (Lauer 2000) et le« rendre insatisfait de la qualité de son propretravail » (Gayfer, Gajadharsing et Hohl, p. 19).

Les problématiques associées aux classesmultiâges préoccupent plusieurs étudiantesen formation pratique du programme d’en-seignement primaire et éducation préscolairede l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Au cours de l’année2004-2005, trois d’entre elles, inscrites à leurstage terminal de quatre mois, ont accepté departiciper aux travaux d’une équipe derecherche2 dont le but était d’identifier despratiques prometteuses pour l’enseignementdans des classes multiâges. En jetant un peude lumière sur certains moments ou aspectsde leurs stages, le texte qui suit met en évi-dence des caractéristiques de l’enseignementdans ces classes et relève des gestes profes-sionnels qui leur sont spécifiques.

Les appréhensions de départApprendre que nos dix prochains mois sedérouleront dans un univers partiellementinconnu où des enfants d’âges variésévolueront sous notre responsabilité a dequoi inquiéter plus d’un enseignant.Imaginons qu’en plus, ce contexte soit celuioù se déroule le passage de la vie étudiante àla vie professionnelle! C’est ce défi qu’ontrelevé trois étudiantes en formation desmaîtres lorsqu’elles ont accepté de faire leurdernier stage dans une classe multiâge enmilieu rural3. Anxieuses et inquiètes du sortqui les attendait, elles ont anticipé les écueilsauxquels elles auraient à faire face. La prépa-ration de ce stage, entre autres, leur estapparue comme un défi immense : « Audébut de l’année, j’étais tellement stressée. Ilallait falloir que je planifie en double tout letemps. », « Dans quoi je me suis embarquée?,Comment vais-je faire? », « Suis-je punie pourqu’ils m’envoient là? »

En cours de stage, Geneviève G., GenevièveC. et Catherine ont rapidement découvert quela vie en classe multiâge était loin d’être àl’image de la représentation qu’elles enavaient au tout début. Bien vite, grâce notam-ment à leurs enseignantes associées et à desréseaux de soutien formels et informels, ellesont mis au point quelques stratégies et pra-tiques efficaces4.

Des regroupements utiles et essentielsDes recherches (Fisher et autres 2000;Vincent et Ley 1999) suggèrent qu’une desclés du succès en classe multiâge résideraitdans la capacité de l’enseignante ou de l’en-seignant à mettre en place des regroupe-ments d’élèves appropriés aux situations etaux apprentissages visés. Ainsi, lorsqu’il s’agitd’aborder certains concepts, Geneviève G.,Geneviève C. et Catherine s’entendent pourdire qu’il est parfois plus avantageux de pren-dre à part certains élèves concernés par unenotion particulière et de mettre les autres enaction dans une tâche différente. Il arrivemême que l’on crée une ligne imaginairedans la classe afin de favoriser un enseigne-ment plus personnalisé pour un grouped’élèves, sans trop perturber les autres.Parfois, ces regroupements sont calqués surles cycles existants : les 5e et 6e annéesensemble et les 4e à côté. Par contre, dansune majorité de situations, peu de distinc-tions sont faites entre les élèves de chaqueclasse : « Quand je fais des équipes pour lesactivités d’enseignement apprentissage, ilssont souvent mélangés, presque toujours »(Geneviève G.) Geneviève C. soutient que lefait de travailler avec l’ensemble de songroupe à partir d’une même activité lui per-met de différencier ses attentes selon lesbesoins des élèves : « Quand tu pars avec lamême activité, ça se fait quand même bien.Je poussais un peu plus loin selon les besoinsdes élèves. »

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Toutefois, une préoccupationparticulière émerge de laclasse multiâge où on retrouvedes élèves du préscolaire. Lastagiaire a jugé bon derespecter les périodes « dejeu » des enfants du présco-laire et les périodes « detravail » des élèves du premiercycle. « On doit commencerpar prendre les périodes oùles enfants de maternelle sontabsents pour y aller vraimentavec les nouvelles notions àapprendre. » (Geneviève G.)

De même, Catherine a re-groupé ses élèves à partir descycles existants lors d’activitésde mathématique; elle estd’avis que certains conceptsnécessitent des explicationsparticulières. « Je prenais letemps de sortir les élèves dequatrième pour faire de lamanipulation ou pour voir lesconcepts de division et demultiplication »

Par contre, Geneviève G. s’en-thousiasme devant les projetsréalisés en grand groupe, particulièrement en écriture.Regroupés en équipes hétéro-gènes, les élèves se voyaientalors attribuer des respon-sabilités à la mesure de leurs capacités, et ce,toujours avec l’objectif d’atteindre un produitfinal commun. « Souvent, un élève allaitfournir l’idée, un autre composait là-dessus etun troisième proposait l’idée de départ. Lespetits de la maternelle, c’était l’imaginaire!Des idées, ils en ont, ceux-là! […] Les élèvesde première année trouvaient une façon deformuler leurs idées et ceux de deuxièmeretranscrivaient. » On n’est pas très loin ici dece que plusieurs recherches (King 1996; Little2000; Lloyd 2002; Lolli 1998) ont reconnucomme une pratique gagnante en classe mul-tiâge : donner vie au programme de forma-tion à partir de concepts noyaux qu’ontravaille à des niveaux conceptuels différents.Dowling (2003) rapporte que Bruner auraitsuggéré que le curriculum doit se tisserautour d’idées maîtresses (big ideas). Au lieude choisir une intégration « horizontale »,

c’est-à-dire intégrer des notions ou desmatières différentes, on parlera alors d’inté-gration « verticale » : on enseigne alors à partir d’un même concept noyau, déployéselon des niveaux de complexité variable.

Le discours de chaque stagiaire confirme l’im-portance de pouvoir parfois consacrer touteson attention à un sous-groupe afin derépondre aux besoins de chacun. Par ailleurs,pour y arriver, elles ont jugé essentield’amener leurs élèves à fonctionner de façonautonome : « Des élèves autonomes, concluraCatherine, c’est encore plus payant dans uneclasse multiâge. » Une enseignante qui veutréussir en classe multiâge doit être capablede développer l’autonomie de ses élèves etde mettre en place des tâches où ces dernierspeuvent fonctionner de façon autonome.

Harmoniser sonenseignement aumatériel ou harmoniser le matériel à sonenseignement? voilà la question!Les trois futures enseignantesont dû faire preuve d’ingénio-sité pour créer des situationsd’enseignement-apprentissagerépondant aux besoins deleurs élèves. En effet, commele matériel didactique uniquepour chaque élève était inexis-tant dans leurs classes respec-tives, elles ont instaurédifférents formats d’enseigne-ment qui leur ont permis des’en remettre à ce qu’ellesconsidèrent comme leur « ma-tériel » privilégié : le Programmede formation de l’école qué-bécoise. Pour Catherine, lemanuel scolaire n’occupe plusmaintenant qu’une place com-plémentaire : « Avant monexpérience de cette année, lemanuel était comme unebouée. Maintenant, je sais quele but en enseignement, cen’est pas de passer une pageaprès l’autre, numéro aprèsnuméro; cela n’est pas intéres-sant… »

Pour Geneviève G., les ateliersont été particulièrement utiles pour répondreaux besoins de ses élèves, pour lui permettrede prendre un groupe à part et pour dévelop-per l’autonomie tant recherchée : « Dans untel programme d’ateliers, je déposais desfeuilles dans des paniers au nom de chacunde mes élèves. Je pouvais aller m’asseoir avec certains, faire 2-3 numéros avec eux, ils enfaisaient quelques-uns seuls, je revenais, onréessayait… »

Pour sa part, Geneviève C. privilégie la péda-gogie par projet, considérant pouvoir ainsirépondre aux besoins et surtout aux préfé-rences des enfants : « C’est de partir des élèves,de ce qu’ils ont besoin, d’où ils sont rendus etde les accompagner dans leur cheminement,bien entendu. » En préparant ses projets, elles’assure de différencier, entre autres choses,

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en adaptant ses attentes et en permettant àses élèves de faire part de leurs découvertesselon des modes de présentation différents etadaptés à leur style d’apprentissage.

Elles ont appris à adapter leur planification etleur format d’enseignement aux spécificitésde leur classe. Elles avouent apprécier lematériel didactique mis à leur disposition,mais le considèrent comme un outil parmitant d’autres dont il faut repenser les moda-lités à la lumière des réactions des élèves(Geneviève G.). Le matériel n’est pas une finen soi : « Je préfère de loin travailler sansmatériel qu’avec matériel » (Geneviève C.).« J’ai compris que l’on peut se référer à unevariété de matériel pour aller chercher cer-taines activités, parce qu’on ne peut pas toutréinventer » (Catherine).

Ces prises de conscience ainsi que le travailde planification à partir des intentions et descontenus du programme de formation ontpermis à Geneviève C., Geneviève G. etCatherine de faire un pas de plus dans ledéveloppement de la compétence profession-nelle 3 : « Concevoir des situations d’en-seignement-apprentissage pour les contenusà faire apprendre, et ce, en fonction desélèves concernés et du développement descompétences visées » (MEQ 2001). Compé-tence critique en classe multiâge ! Il semble,en effet, qu’on ne puisse faire l’économied’un effort de réflexion et de planification quiva plus loin que le « prêt-à-utiliser » qu’offrele manuel scolaire. La recherche fait écho auxpropos des trois stagiaires : de façon conver-gente, elles parlent du temps supplémentairequi doit être consacré à la recherche dematériel, à sa préparation ou à son adapta-tion ainsi qu’aux dilemmes liés à l’utilisationdu manuel.

La classe multiâge : avantages et questionnementsEn classe multiâge, quels que soient les éche-lons regroupés, il semble évident pourGeneviève C., Geneviève G. et Catherine queles élèves d’un échelon inférieur profitent dufait que, sans obligation d’apprentissage, ilscohabitent néanmoins avec les apprentis-sages complexes attendus des élèves plusâgés. Selon elles, les plus jeunesapprendraient alors par « imprégnation ». Àcet égard, Geneviève G. note le développe-

ment impressionnant du langage chez sesélèves du préscolaire, un développementqu’elle attribue aux activités communes.

D’un autre côté, Geneviève C. souligne quechacun y trouve son compte en classe multi-âge : les enfants de l’échelon inférieur suiventles pas des élèves de l’échelon supérieur, tan-dis que ces derniers consolident leursapprentissages en accompagnant les plusjeunes.

Il apparaît également que, dans cette mini-société qu’est la classe multiâge, le respect etl’entraide soient des valeurs particulièrementprésentes : « On voit parfois un petit dematernelle donner ses idées à un grand dedeuxième année, qui s’empresse d’accepter.Les grands ont le respect des plus petits. […]On dirait que c’est une société où chacun ason petit rôle : artiste, écrivain, médiateur,etc. » (Geneviève. G.)

Les stagiaires estiment aussi que la planifica-tion et l’évaluation en classe multiâge ne sontpas si différentes qu’en classe à échelonunique et que la différenciation doit êtreprésente partout : « Même dans un groupe àéchelon unique, il y a des élèves moins fortset d’autres qui le sont beaucoup plus. Pour l’enseignante, c’est donc un peu pareil dans la planification et dans l’évaluation. »(Geneviève. C.)

Peu de désavantages à travailler en classemultiâge ont été mentionnés par ces troisnouvelles diplômées, mais elles ont fait étatde certaines préoccupations, notammentcelles relatives au regroupement des élèvesdu préscolaire et au développement optimaldes compétences de chacun et chacune. Est-ilsouhaitable ou bénéfique de faire cohabiterles « petits » avec les « grands » du primaire ?N’y a-t-il pas certains dangers à une scolarisa-tion précoce ? Stagiaires et enseignantes hési-tent tout autant à répondre à ces questions :les précautions sont toujours de mise et tein-tées des représentations que l’on se fait desvisées des programmes d’études. Mêmeinquiétude au sujet de la réussite de tous etde l’équité dans les interventions : le contextede la classe multiâge ne serait-il pas préjudi-ciable à une évaluation précise des élèves ouaux rétroactions ajustées et régulières, ce quiaffecterait leur niveau de performance ?

Une mine d’or : le réseau de soutienÀ la question « Si vous pouviez revenir enarrière, que souhaiteriez-vous changer dansle déroulement de votre expérience en classemultiâge ? », les trois nouvelles enseignantesont répondu qu’elles auraient apprécié pou-voir bénéficier d’un réseau de soutien dès ledébut de leur stage. En effet, l’importance dutravail d’équipe à l’école et l’utilité desréseaux de soutien à l’extérieur sont main-tenant pour elles indiscutables. Catherineajoute même que si elle avait débuté dansl’enseignement dans une telle classe et sanssoutien, elle aurait probablement « coulé avecle bateau ».

Lors des différentes rencontres du réseau desoutien constitué par l’équipe de recherchede l’UQAT, les étudiantes ont mis au jour etanalysé leurs pratiques ainsi que lesretombées de celles-ci sur le fonctionnementde la classe et le développement des compé-tences de leurs élèves. Durant ces échanges,elles ont réalisé qu’elles n’étaient pas seuleset qu’elles pouvaient s’appuyer sur leurenseignante associée ou encore téléphoner àleurs collègues du monde de l’enseignementpour leur demander conseil. Pour les forma-teurs de maîtres, « la capacité de travailler enéquipe constitue l’une des dimensions duprofessionnalisme collectif qui caractérise lemouvement de professionnalisation de l’en-seignement. […] Au primaire, les équipespédagogiques sont des lieux essentiels deressourcement, d’échange d’idées, dematériel et de pratiques, de soutien et desocialisation professionnelle pour les néo-phytes5 ».

ConclusionLe cheminement professionnel de ces troisstagiaires, même s’il ne peut prétendrereprésenter l’ensemble des réalités, demeureextrêmement intéressant pour la compréhen-sion de l’enseignement en classe multiâge.Les constatations et les pistes de travail« découvertes » par les trois stagiaires validentl’idée qu’enseigner en classe multiâgerequiert la maîtrise de certains actes profes-sionnels spécifiques (Fradette et LatailleDémoré 2001; Vincent et Ley 1999). Certes,ces gestes restent à formaliser de façon pré-cise; toutefois, lorsqu’on met en perspectiveles expériences de ces stagiaires avec ce quela recherche a mis au jour, on peut néan-moins en nommer quelques-uns :

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« SANS SOUTIEN, J’AURAIS COULÉ AVEC LE BATEAU » : RÉCIT D’EXPÉRIENCES VÉCUES PAR DES STAGIAIRES DANS DES CLASSES MULTIÂGES

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— savoir quand et comment former desgroupes homogènes ou hétérogènes;

— repérer dans le curriculum des conceptsnoyaux et les transformer en tâches quisollicitent des niveaux conceptuels dif-férents, mais qui ont une unité théma-tique;

— prendre du recul face au manuel scolaire;

— prévoir un système de tâches qui rend lesélèves autonomes et responsables de leurcheminement dans ce système;

— gérer des multitâches (les élèves ne fontpas la même chose et ne finissent pas tousleur travail en même temps);

— choisir un système de tâches qui mobiliseet valorise la coopération;

— enseigner l’autonomie et la coopération;

— colliger la progression des élèves en uti-lisant des méthodes qualitatives (portfolio,rapports anecdotiques, etc.).

Le développement de ces actes profession-nels passe probablement par une modifica-tion des représentations que l’on se fait ducurriculum et de la recherche de l’ho-mogénéité. En effet, tout notre système d’éducation est fondé sur la recherche de laplus grande homogénéité, laquelle nous aconduit à former des groupes d’élèves dumême âge, qui doivent apprendre la mêmechose, en même temps. Au fil des années,nous avons accumulé une expérience quinous permet d’être assez efficaces pourenseigner dans un tel contexte. Or, même siplusieurs reconnaissent qu’un contexted’hétérogénéité comporte plusieurs avan-tages (on peut penser ici à l’autonomie, lasocialisation, la métacognition, l’étayage parles pairs), l’expertise pour enseigner efficace-ment dans ce contexte est plus fragile etmoins répandue. Ce n’est pas pour rien quela plupart des travaux (cités dans le présentarticle) qui ont porté sur les classes multiâgessignalent les besoins de formation, la sur-charge de travail, voire le sentiment d’incom-pétence ressenti par les enseignants à qui onconfie pour la première fois ces groupesd’élèves.

Le cheminement des trois stagiaires constituedonc un exemple de développement d’unrépertoire de pratiques et d’une modificationdes représentations au regard du travail dansdes classes multiâges. Lorsqu’on leur offriraun premier contrat ou un premier poste (enclasse multiâge, probablement), il est moinsprobable qu’elles voient le curriculumuniquement comme une suite de cyclesannuels ou bisannuels devant préparer lesélèves pour le cycle suivant. Il y a plus dechances qu’elles adoptent une vision du pro-gramme dans un continuum et qu’elles réus-sissent également à inscrire leur acteprofessionnel dans autre chose que le mo-dèle dominant de la classe unique.

En mettant ainsi l’accent sur les pratiquesenseignantes, ce texte pourrait laisser croireque la solution aux difficultés associées à laclasse multiâge se trouve entre les mains desenseignants. Pourtant, le fardeau de l’excel-lence en classe multiâge ne peut reposeruniquement sur leurs épaules. Malgré labouffée de vent frais apportée par un pro-gramme unifié et un cadre de référence surl’évaluation des apprentissages, malgré uneformation des maîtres de plus en plusadéquate, malgré les aménagements consen-tis par les organisations scolaires, la classemultiâge au Québec souffre encore de l’ab-sence d’un cadre d’orientation ou d’un énon-cé de politique qui viendrait la sortir de ce quiressemble souvent à une tente à oxygène!

Mmes Glorya Pellerin et Lorraine Nobert etM. Daniel Martin sont professeurs àl’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Références bibliographiquesBENVENISTE, L. A. et P. J. McEWAN. « Constraints toImplementing Educational Innovations : The Case ofMultigrade Schools », International Review of Education,vol. 46, no 1-2, 2000, p. 31-48.DOWLING, D. C. « The Multi-age Classroom », ScienceTeacher, vol. 70, no 3, 2003, p. 42-46.FÉDÉRATION DES SYNDICATS DE L’ENSEIGNEMENT. Lesgroupes à plus d’une année d’études, 2003.http://www.fse.qc.net/stock/fra/doc646-1855.pdf;http://www.fse.qc.net/stock/fra/doc482-1445.pdf;http://www.fse.qc.net/stock/fra/doc482-1444.pdfFISHER, R., M. LEWIS ET B. DAVID. « The Implementationof the Literacy Hour in Small Rural Schools », Universityof Plymouth, 2000.FRADETTE, A. et D. LATAILLE DÉMORÉ. « Les classes àniveaux multiples : point mort ou tremplin pour l’innova-tion pédagogique », Revue des Sciences de l’Éducation,vol 29, no 3, 2003, p. 589-608.GAYFER, M., J. GAJADHARSING et J. HOHL. Les classes

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1 Dans le présent texte, nous utilisons le terme « multi-âge » pour désigner les classes à plus d’un échelon. Leterme « multiprogramme » convenait sans doutelorsqu’il y avait plusieurs programmes, ce qui n’estpeut-être plus le cas depuis l’avènement duProgramme de formation de l’école québécoise.

2 Ce projet, amorcé en 2003, est le fruit d’une collabo-ration entre l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, les commissions scolaires de larégion et la Direction régionale de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec du ministèrede l’Éducation, du Loisir et du Sport.

3 Nous tenons à préciser que les trois stages se sontdéroulés en milieu rural, là où la survie des écolesdépend souvent d’un regroupement en classes multi-âges, étant donné la faible population scolaire. Cetteréalité sera donc à prendre en considération dans lespropos qui suivent.

4 Il existe, on le sait, des différences importantes dans lacomposition des classes multiâges selon qu’on soit enmilieu rural ou en milieu urbain. Les propos qui sui-vent témoignent d’expériences vécues en milieu rural.

5 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC. La forma-tion à l’enseignement. Les orientations. Les compé-tences professionnelles, 2001.

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L u s , v u s e t e n t e n du s

L’HOSTIE, MONIQUE ET

JEAN-LOUIS BOUCHER, (DIR.).L’ACCOMPAGNEMENT EN ÉDUCATION.UN SOUTIEN AU RENOUVELLEMENT DES PRATIQUES, QUÉBEC, PRESSES

DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC, 2004, 192 P.

Cet ouvrage collectif aborde l’accompagne-ment des enseignants en éducation sousdeux angles : d’abord, les défis, les exigenceset les conditions de l’accompagnement sontexposés; puis, diverses expériences menéesau primaire, au secondaire, au collégial et àl’université sont présentées. Cet ouvrage estné d’un besoin de renouvellement des pra-tiques d’accompagnement des enseignantsen vertu de la réforme.

Le premier angle situe l’accompagnementdans le contexte de la réforme et soulève cer-

tains défis que pose le changement dans lavie professionnelle des enseignants. C’estdans un esprit d’ouverture à la collaborationentre accompagnateurs et enseignants queles auteurs traitent, entre autres, du proces-sus de transformation des personnes dansune optique d’apprentissage pour tous, de lacoconstruction dans l’accompagnement où ladémarche devient celle des deux partenaires,et enfin, du nécessaire rapprochement entrele milieu universitaire et le milieu scolaire.

Le second angle est basé sur des expériencesd’accompagnement réalisées au cours derecherches menées par les auteurs. Cesderniers insistent sur la nécessité de respecterle parcours des enseignants; de partir deleurs pratiques plutôt que d’imposer lechangement; de les accompagner en étant àleurs côtés. Ils considèrent également que le

forum électronique, comme lieu de discus-sion interactive, est une formule d’accompa-gnement qui s’est avérée efficace.

Le contenu de cet ouvrage s’inscrit, sans con-tredit, dans une approche de coconstructiondes savoirs et savoir-faire des uns et desautres. Les modèles d’accompagnement sug-gérés sont autant de moyens utiles pourenvisager, consolider ou améliorer le rôled’accompagnateur. Qu’il soit conseiller péda-gogique, formateur de maîtres, superviseurde stage ou chercheur universitaire, le lecteurse sentira, à coup sûr, partie prenante decette approche.

Joanne Pharand

pour favoriser l’apprentissage. Tout en s’éveil-lant à la vie sociale, le jeune apprend à sonrythme et selon ses champs d’intérêt : ilapprend à vivre avec lui-même et avec lesautres. « La confiance en soi, la motivation, lacuriosité, la maîtrise de soi et les capacitésd’adaptation sont des qualités indispensableset déterminantes pour s’intégrer au mondede demain. Leur développement est l’objectifpremier de cette pédagogie qui propose unenseignement individualisé, respectant lerythme d’apprentissage de chaque enfant1. »

Comme Maria Montessori, l’auteure est con-vaincue que les forces du développementfont partie de l’être vivant et que l’œuvred’éducation consiste à conserver la sponta-néité et à éloigner tout ce qui pourrait affai-blir et empêcher les enfants de s’épanouir.

Un livre utile et pratique, un langage accessi-ble, un texte simple et un recueil de pistesd’activités intéressantes, variées et stimu-lantes. Les références sont fondées sur l’ex-pertise de la pratique. Bref, un outilintéressant pour favoriser le développementglobal de l’enfant. À placer proche de soi, enclasse, pour s’y référer!

Donald Guertin

1 Quatrième de couverture

MISSANT, BÉATRICE.DES ATELIERS MONTESSORI À L’ÉCOLE.UNE EXPÉRIENCE EN MATERNELLE,PARIS, ÉDITIONS ESF, 2001, 124 P.

Une enseignante d’expérience, BéatriceMissant, raconte son contact avec l’approchede Maria Montessori. Elle nous rappelle quiest cette figure de la pédagogie contempo-raine, tout en faisant un clin d’œil à d’autresfigures qui ont marqué le monde de l’éduca-tion. Enfin, elle expose des façons de mettreen place, en classe de maternelle, des acti-vités qui vont dans le sens de la théorie diteouverte de Maria Montessori. Celle-ci fut lapremière femme médecin de l’Italie, cequ’elle a réussi à faire malgré les contrainteset les obstacles qu’elle a dû surmonter. C’estdans les quartiers pauvres de Rome qu’elleouvrira sa première école dite nouvelle et àpédagogie ouverte. Elle devient un modèle àtravers le monde et suscite un tel intérêt quedes centaines d’écoles semblables voientrapidement le jour dans plusieurs pays de laplanète. Lors de séjours en Inde, elle rencon-trera le Mahatma Gandhi et vivra plusieursannées dans ce pays.

Le livre de Mme Missant est particulièrementdestiné aux enseignantes du préscolaire, lamaternelle. Fondée sur le jeu, cette approchepédagogique mise sur la curiosité de l’enfant

DE LA RELAXATION À L’APPRENTISSAGE…

L’éducation préscolaire repose sur un postu-lat très simple : celui de favoriser ledéveloppement global de l’enfant tout enstimulant l’ensemble de ses potentialités.Pour ce faire, les expériences d’apprentissagequi lui sont proposées sont riches, variées etsusceptibles de l’aider à mieux comprendre lemonde. La maternelle représente un lieuprivilégié d’épanouissement pour l’enfant. Oncible le développement de six compétences :Agir avec efficacité dans différents contextessur le plan sensoriel et moteur (développe-ment psychomoteur), Affirmer sa personna-lité (développement affectif), Interagir defaçon harmonieuse avec les autres (déve-loppement social), Communiquer en utilisantles ressources de la langue (développementlangagier), Construire sa compréhension dumonde (développement cognitif) et Mener àterme une activité ou un projet (développe-ment de méthodes de travail).

(Programme de formation de l’école québé-coise – Éducation préscolaire. Enseignementprimaire, p. 51-68).

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Au cours de la maternelle, et même au coursdu premier cycle du primaire, les enseignantsdes tout-petits peuvent utiliser des outils oudes agents de stimulation favorisant tout par-ticulièrement le développement psychomo-teur, affectif, langagier et cognitif, tels que le CD de relaxation (vol. 2) produit parNadimadi. Sur une trame sonore toute endouceur, Nadia, la narratrice, emmène lestout-petits dans un univers d’exploration descinq sens. Ce voyage dans l’imaginaire del’enfant représente à la fois un bel apprentis-sage langagier et une prise de conscienceextraordinaire de la richesse des cinq sens,tout en créant une atmosphère feutrée derelaxation. À noter qu’il existe un autre CD dela même collection (vol. 1), intitulé Relaxationpour les tout petits – Au cœur des saisons.

Apprentissage langagier. Parmi les objectifsdu nouveau programme du préscolaire, cer-tains concernent les préalables de la littératie.L’enfant y développe sa capacité d’explorerles sonorités de la langue et d’améliorer seshabiletés de communication orale ayant traità la compréhension et à l’expression. La com-munication se développe, entre autreschoses, à partir de différentes productionssonores, et l’enfant découvre le plaisir dejouer avec les mots et avec les sonorités de lalangue. Ultimement, il prendra conscience del’écrit en associant, par exemple, des mots àdes images.

Le CD 5 cadeaux, 5 sens constitue uneprémisse intéressante pour préparer lesenfants à associer mentalement des mots àdes images dans un premier temps et, par lasuite, à associer ces images aux mots écrits.En utilisant des images très évocatrices etsimples, une analogie est faite entre les senset « les portes et fenêtres d’une maison » quipermettent « de voyager entre l’intérieur etl’extérieur pour explorer tout ce qui nousentoure ». Le vocabulaire est à la fois riche etimagé. Selon le sens sollicité, la narratrice faittantôt référence à un « parfum de fraîcheur,de sel et de couleur bleue », en évoquant lesodeurs marines, tantôt au « jus de la pomme,sucré et pétillant », en rappelant l’importancede bien prendre son temps pour goûter, ouencore, elle parle du « pelage du petit lion quiressemble à du velours ».

Découverte des cinq sens. C’est peut-êtrecet aspect de l’apprentissage qui frappe leplus. Même l’adulte se sent interpellé, le plussimplement du monde, par le fait que les cinqsens sont effectivement des cadeaux. Enprésentant le goût, la narratrice rappelle que« chaque partie de la langue a de petitsdétecteurs appelés papilles » qui permettentde distinguer les goûts amer, acide et sucré,que « la peau est pleine de petits trousmicroscopiques », que la vue « est le cadeauque nous offrent les yeux… » Le voyage del’enfant dans cet univers imaginaire contribueà son développement cognitif en favorisant« une prise de contact avec le milieu qui l’en-toure pour le découvrir, le comprendre et s’yadapter » (p. 62 du programme).

La relaxation. Dès le début du « voyage », lavoix très douce de la narratrice se fait com-plice, en conviant les tout-petits à un partageintime de ces merveilleux trésors que cons-tituent les cinq sens. Pour piquer la curiositédes enfants, Nadia leur propose d’embléeune devinette. Ensuite, très lentement, elle lesfait compter, pour bien scander l’explorationdes cinq sens au rythme de respirations pro-fondes. Elle les fait aussi inspirer et expirer defaçon consciente et répétée. Cet apprentis-sage axé sur le développement psychomo-teur permet à l’enfant de découvrir lesdiverses réactions et possibilités de son corps,de se sensibiliser à l’importance d’en prendresoin et d’agir en toute sécurité. L’enfant trou-ve « des moyens de se détendre et d’adopterde bonnes postures et de saines habitudes devie » (p. 54 du programme).

Le texte sonore s’apparente à un mélangesubtil de différents outils de relaxation in-cluant la respiration, la posture et la concen-tration. Bref, une sorte de yoga juvénile, quiprédispose l’enfant à une meilleure prise deconscience de son corps, à une baisse de sonniveau d’excitabilité et au développement desa mémoire visuelle, auditive et kinesthé-sique. « En vivant des expériences diversifiées,l’enfant apprend à se reconnaître comme unêtre unique ayant des goûts, des champs d’in-térêt et des besoins qui lui sont propres. » (p. 56 du programme) Au fil des écoutes,l’enfant apprend graduellement à intégrer

l’outil relaxation comme un moyen ludique,adapté à ses besoins et facile d’accès.

La relaxation doit aussi être vue comme unremède contre la violence à laquelle, quelque soit son milieu social, l’enfant serainévitablement exposé, tôt ou tard, que cesoit à l’école ou ailleurs. En se relaxant, l’en-fant construit son monde intérieur, il apprendà se connaître, à apprivoiser son corps et às’en servir pour se faire du bien. Il n’a nulbesoin de recourir à la violence ou à l’agres-sion pour se valoriser. La relaxation stimulesa tempérance et sa réceptivité aux bonneschoses et elle chasse les pensées négatives.

Nous suggérons, pour permettre l’appropria-tion de l’apprentissage de chacun des cinqsens sans risquer de saturer la capacité d’at-tention des tout-petits, de ne faire l’explo-ration que d’un seul sens à la fois. Dans unpremier temps, l’accompagnement d’unadulte peut être souhaitable pour guider l’en-fant dans sa compréhension et ses exercicesrespiratoires.

Pour les petits apprenants d’une langue seconde ou d’une langue tierce, la tramesonore est également produite en anglais eten espagnol.

Martine DelsemmeConseillère pédagogiqueCommission scolaire Lester-B.-Pearson

Références bibliographiquesBARRAQUÉ, P. Relaxation et détente des enfants. Unchemin pour grandir, Éditions Jouvence, 2004.MANENT, G. Les apports de la relaxation, Éditions LeSouffle d’Or, 2005 :[http://news.manent.tk/articles]NADIMADI. Relaxation pour les tout-petits, 5 cadeaux, 5 sens, vol. 2, [disque compact].MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION Programme de formationde l’école québécoise – Éducation préscolaire,Enseignement primaire, 2001, p. 51-68.UNIVERSITÉ DE PAIX, Le yoga et la relaxation pour enfants et adolescents : [http://www.universitedepaix.org]

LUS, VUS ET ENTENDUS

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Si vous résidez au Québec, vous pouvez maintenant vous abonner à Vie pédagogique ou, le cas échéant, procéder à votre changement d’adresse sur le site Internet de la revue : http://www.viepedagogique.gouv.qc.ca

2. Donald embarque sur le pèse-personne dans la salle de bain et déclare : « Je veux savoir combien je coûte! »

1. Une éducatrice demande aux enfants : Comment appelle-t-on le bébé du porc? Un « portfolio », répond Sophie.

h is t o ir e de r ir e

Chers lecteurs et lectrices, cette rubrique vous est ouverte. Ne soyez pas égoïstes, faites-nous partager les « bons » mots de vos élèves ou les faitscocasses, absurdes même, dont vous êtes les témoins dans vos classes ou dans l’école. Adressez vos envois à : Vie pédagogique, Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 600, rue Fullum, 10e étage, Montréal (Québec) H2K 4L1. Sous la direction de M. Daniel Charest, enseignantd’arts plastiques, les illustrations qui suivent ont été réalisées par des élèves de la Polyvalente des Monts, de la Commission scolaire desLaurentides.

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