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1 UNIVERSIT DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS Institut du Droit, de la Paix et du Dveloppement (I.D.P.D.) THORIE DES CONTRATS ADMINISTRATIFS ET MARCHS PUBLICS INTERNATIONAUX THSE Pour le Doctorat en Droit Prsente et soutenue publiquement Par Ibrahim Rfaat Mohamed EL-BHRRY JURY : DIRECTEURS DE RECHERCHES : - Madame Genevive GOURDET, Prsidente de l’Universit de Nice Sophia-Antipolis - Monsieur Ibrahim Ahmed IBRAHIM, Professeur l’Universit d’An-Chams au Caire SUFFRAGANTS : - Monsieur Selim JAHEL, Professeur l’Universit de Paris II (Panthon-Assas) - Monsieur Jean-Baptiste RACINE, Professeur l’Universit de Toulon Mars 2004

Ob e5f969 Theorie Des Contrats Administratifs Et Marches Pu

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THESE DROIT DES CONTRATS

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  • 1UNIVERSIT DE NICE SOPHIA-ANTIPOLISInstitut du Droit, de la Paix et du Dveloppement (I.D.P.D.)

    THORIE DES CONTRATS ADMINISTRATIFS ET MARCHS PUBLICS

    INTERNATIONAUX

    THSE

    Pour le Doctorat en DroitPrsente et soutenue publiquement

    Par

    Ibrahim Rfaat Mohamed EL-BHRRY

    JURY :

    DIRECTEURS DE RECHERCHES :-Madame Genevive GOURDET, Prsidente de lUniversit de Nice Sophia-Antipolis-Monsieur Ibrahim Ahmed IBRAHIM, Professeur lUniversit dAn-Chams au Caire

    SUFFRAGANTS : -Monsieur Selim JAHEL, Professeur lUniversit de Paris II (Panthon-Assas)-Monsieur Jean-Baptiste RACINE, Professeur lUniversit de Toulon

    Mars 2004

  • 2 mes parents

  • 3Remerciement

    Toute ma gratitude mes co-directeurs. Tous deux mont accord des

    conseils pertinents et mont guid dans la bonne direction. Tous deux ont

    fait preuve de patience et de tolrance. Je les remercie de tout cur,

    esprant sincrement que cette uvre soit la hauteur.

  • 4Les opinions exprimes dans cette thse sont propres leur auteur et nengagent

    aucunement lUniversit de Nice Sophia-Antipolis.

  • 5Sommaire

    PREMIRE PARTIE Contrats administratifs et marchs publics internationaux: autonomie ou proximit

    TITRE I - Critres de publicisation et dinternationalisation

    Chapitre 1 - Critre subjectif : qualit des contractantsChapitre 2 - Critre objectif : service public et extranit conomique dinvestissements

    TITRE II- Matrise tatique des modes de passation et dexcution

    Chapitre 1-Modes daccs et octroi des privilges exceptionnelsChapitre 2- Traitement juridique des engagements contractuels

    DEUXIME PARTIELes contrats administratifs dans les marchs publics internationaux : qualificationet rglement des diffrends

    Titre I Problme de la qualification des marchs publics internationauxChapitre 1- Dsaccord sur la qualification : chec de la dlocalisation et rejet de la publicisationChapitre 2 - Internationalit et publicisation : opposabilit ou cohabitation

    Titre II - Lordre juridique de ltat hte dans le rglement des diffrendsChapitre 1 - La loi de ltat dans le concert dordres concurrentsChapitre 2 - Droit public et problme du recours au pouvoir exorbitant

  • 6Abrviations

    A. J. D. A. Actualit Juridique du Droit Administratif. A. J. I. L. American Journal of International Law.A. M. I. Accord Multilatral sur lInvestissement.Adde, Ajouter.Ann. Fr. Dr. Int. Annuaire Franais de Droit International.Ann. Suisse. Dr. Int. Annuaire Suisse de Droit International.Arch. Philo. Dr. Archive de Philosophie du Droit.B. Y. I. L. British Year-book of International LawBull. Civ. Bulltin Civil des arrts de la Cour de CassationC. Civ. Code Civil. C. I. J. Cour International de Justice.C. I. R. D. I. Centre International pour le Rglement des Diffrends

    relatifs aux Investissements.C. M. P. Code des marchs publics.C. N. U. C. E. D. Commission des Nations Unies pour le Commerce et le

    Dveloppement.C. N. U. D. C. I. Commission des Nations Unies sur le Droit du

    Commerce International.C. P. J. I. Cour Permanente de Justice Internationale.CCI Chambre de Commerce InternationalCf. Confrontez.Clunet ou J.D.I. Journal du Droit International.Com. Fr. Dr. Int. Priv. Comit Franais de Droit International Priv.D. P. C. I. Droit et Pratique du Commerce International.D. S. Recueil Dalloz SireyE. D. C. E. tudes et documents du Conseil d'tat. d., dition.et alii, Plusieurs auteurs.F. E. D. Fonds Europens de Dveloppement.F. I. D. I. C. Fdration Internationale dIngnieurs-Conseils.Fasc. Fascicules du Juris-Classeur.GATT General Agreement on Tariff and Trade (Accord

    gnral sur les tarifs et le commerce).I.C.L.Q. International and Comparative Law Quarterly.I.D.I. Institut de Droit International Ibid. Ibidem aux mmes rfrences.Ibidem. Mme auteur, mme ouvrage, mme numro de page. Infra Ci-dessous. J. O. Journal officiel de la Rpublique franaise. J. O. E. Journal Officiel gyptien (Al-garidah El-rassmiah).J. O.C.E. Journal Officiel des Communauts Europennes.

  • 7J.-C. Dr. Adm. Juris-Classeur de Droit Administratif.J.-C. Dr. Int. Juris-Classeur de Droit International.J.-C. P. Juris-Classeur priodique, dition gnrale. L. G. D. J. Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence.Les Petit. Aff. Les Petites Affiches.M. P. I. Marchs Publics Internationaux.O.C.D.E. Organisation de Coopration et de Dveloppement

    conomiques.O. M. C. Organisation Mondiale du Commerce.Obs. Observations.P. G. A. Ptrole et Gaz Arabes.P.U.F. Presses Universitaires de France.R. D. A. 1. Revue de droit des affaires internationales. R. D. P. Revue de droit publicR. F. A. P. Revue franaise d'administration publique. R. F. D. A. Revue franaise de droit administratif. R. J. D. A. Revue de jurisprudence de droit des affaires. R. M. C. Revue du march commun. R.C.A.D.I. Recueil des Cours de lAcadmie de Droit

    InternationalRec./ Lebon Recueil des arrts du Conseil d'tat. Rp. Dalloz Dr. Int. Rpertoire Dalloz (Droit international)Rev. Arb. Revue de larbitrageRev. Belg. Dr. Int. Revue Belge de droit internationalRev. Crit. Dr. Int. Priv. Revue Critique de Droit International Priv Rev. Egyp. Dr. Int. Revue gyptienne de droit internationalRev. Int. Dr. Comp. Revue Internationale de Droit ComparRev. Int. Dr. Econ. Revue Internationale de Droit Economique. Rev. Jur. Poli. Indp. Coo. Revue Juridique et Politique de lIndpendance et de la

    CooprationRev. Trim. Dr. Civ. Revue Trimestrielle de Droit Civil. Rev. Trim. Dr. Com Revue Trimestrielle de Droit Commercial. Soc. Fr. Dr. Int. Socit Franaise de Droit InternationalSpc. Spcialement. Supra Ci-dessus. T. A. Tribunal Administratif. T. C. Tribunal des Conflits. T. Com. Tribunal de Commerce. T. G. I. Tribunal de Grande Instance. Trav. Com. Fr. Dr. Int. Travaux du Comit Franais de Droit International

  • 8INTRODUCTION GNRALE

    Si la complexit de la vie juridique ainsi que lunit des notions juridiques et

    de science du droit ne permettent pas de sparer, en deux modes distincts, le droit

    public du droit priv, les questions ne se posent et ne se rsolvent pas de la mme

    manire lorsquelles mettent en cause, avec ltat () lintrt public et, entre

    particuliers, des intrts purement privs (1).

    1. Il y a fort longtemps que le contrat occupe, parmi les activits de

    lAdministration, une importance stratgique. La passation de contrats entre royaumes

    et ressortissants a enrichi ce phnomne marqu par lextension de linterventionnisme

    conomique. En France, plusieurs accords de construction de canaux furent conclus

    avec des particuliers, conformment la technique moderne de concession douvrage

    public (2). Lexistence de contrats impliquant lAdministration est donc ancienne alors

    que sa conceptualisation ne lest pas dans la plupart des rgimes juridiques. Il a fallu

    attendre la cration du Conseil dtat franais pour quune thorie des contrats

    administratifs voie le jour. Au-del des frontires, lhistoire de ltat contractant (3)

    remonte lpoque de la France ancienne, de la civilisation romaine et de lgypte

    pharaonique. Dinnombrables accords dexploitation de marchandises (4), demprunts

    (5) et dchanges se sont succd, enrichissant ainsi la connaissance juridique. Tout au

    long du Moyen-ge, lEurope a dmarr des activits dexploitation des ressources

    royales par lintermdiaire dhommes daffaires afin de grer au mieux ces rapports

    conomiques. Le XIIIe sicle annona lmergence du capitalisme occidental, marquant

    le commencement dun nouvel essor dans le commerce juridique (6). Au cours de cette

    priode, des oprations dchanges ont rgulirement eu lieu entre les grandes villes

    1 () TROTABAS Louis, Finances publiques, 3e d., Paris, 1969, pp. 4 et s., spc. p. 473.2 () FRIER Prire Laurent, Prcis de droit administratif, d. Montchrestien, Paris, 2001, p. 323, n 556.3 () CISTAC Gilles, Une histoire juridique de ltat contractant dans le commerce international , Annales de l'Universit de Toulouse, T. XLIII, 1995, pp. 172-193.4 () Les Pharaons exploitaient les huiliers, les empereurs romains commercialisaient les arsenaux et les Rois de France des manufactures dart. RIAD Fouad, Les entreprises publiques et semi-publiques en Droit International Priv, R.C.A.D.I., 1963, V. III, Tome 108, p. 565.5 () Divers contrats demprunts passs par des monarques et des trangers se sont rencontrs de faon rgulire. Les emprunts conclus par le roi Salomon, qui au Xe sicle avant J.C. devait de l'argent Hiram, roi de Tyr, ont t rgls par la cession de territoires en Galile, G. CISTAC, op. cit., supra,Annales de l'Universit de Toulouse T. XLIII 1995, spc. pp. 173-74.6 () Ibidem

  • 9commerantes et le capitalisme islamique (7). Ds lors, lactivit contractante de ltat

    ne semble pas avoir faibli ou rgress. Lobservation la plus lmentaire dnote la

    continuit de ce phnomne et son progrs logique. La rvolution industrielle exigeait

    des infrastructures dont la ralisation dpassait la capacit des personnes prives et

    illustrait la transformation du rle de ltat dans les accords dintrt public (8).

    Paralllement, lapparition de gaz et de ptrole a remarquablement mis en vidence ce

    phnomne, vu leur importance pour les tats qui en possdent et pour ceux qui en sont

    dpourvus (9). Au cours du sicle dernier, la scne internationale a connu des

    changements politiques. Les deux grandes guerres ont occasionn la passation des

    marchs de reconstruction entre les entreprises ou gouvernements europens et des

    socits des tats-Unis dAmrique. La rapparition de nouveaux souverains a

    compliqu les rapports commerciaux en raison de lintensit de lintervention de ltat

    providence dans la vie conomique (10).

    2. Dans la plupart des ordres nationaux, ces contrats, dpourvus dun rgime

    spcifique, sont tudis sous diverses dnominations et ont rvl une diversit

    smantique : plusieurs juristes occidentaux ont utilis des appellations lies la qualit

    des parties pour faire appel la lex mercatoria ou au droit international public (11).

    Ceux des tats en dveloppement ont mis laccent sur lobjet des projets pour faire

    intervenir le droit public conomique (12). Les travaux dorganes internationaux ont

    7 () EL-KOSHERI Ahmed-Sadek, La conception islamique de lArbitrage , in Aujourdhui lgypte, n 29, Juillet -Aot, 1995, pp. 28-33. 8 () Il en tait ainsi concernant la ralisation du Canal de Suez par des socits franaises, comme FEB, FIVES-LILLEdont la direction fut confie au ressortissant franais Ferdinand de Lesseps, in Lgypte aujourdhui, 1992, pp. 52-55.9 () Ainsi on a pu crire que les hasards de la nature font que certains tats possdent un sous-sol riche en matire minrale, trs recherch sur le march international. Cependant, ces donnes historiques et mmes naturelles font que ces mmes tats nont ni les moyens technologiques ncessaires lexploitation, ni les moyens matriels. Ds lors, ils ont t contraints faire appel aux oprateurs trangers, nomms lpoque le Cartel , SIDIBE Fod-Flamoussa, Les enjeux de la qualification dans le contentieux des actes dinvestissement international, Thse, Nice, 1995, p. 179, n 72 ; en ce sens, LEBOULANGER Ph., Les contrats entre tats et entreprises trangres, conomica, Paris, 1985 ; EL-SAYED Mustafa, LOrganisation des pays exportateurs de Ptrole, L.G.D.J., Paris, 1967, pp. 25 et s.10 () JACQUET Jean-Michel, Ltat oprateur du commerce international , Clunet, 1989, pp. 621 et s.11 () JENNINGS R.Y., State Contracts in International Law , B.Y.B.I.L., 1961, XXXVII, pp.156-182 ; MANN F. A., State Contracts and International Arbitration , B.Y.B.I.L., 1967, XL-VII, pp. 1-37 ; WEIL P., Droit International et Contrats dtat, Mlanges P. REUTER, 1981, p. 549 ; LEBOULANGER Ph., op. cit., supra, conomica, Paris, 1985 ; LALIVE J.F., Les contrats entre tats ou oprateurs tatiques et oprateurs privs tranger ; dveloppements rcents, R.C.A.D.I., 1983, V. III, p. 99.12 () FONTAINE M., Notion du contrat conomique international : Introduction, in le contrat conomique international, dition Bruylant-Pdone, Bruxelles-Paris, 1975, pp. 17-37, spc. pp. 18 et 21 ; LAMATHE Didier, Les relations entre les Gouvernements et les entreprises en matire de grands projets dinvestissement , J.D.I., 1998, pp. 45 et s ; RIAD Fouad, Les contrats de dveloppement conomique , Les Petites-Affiches, n 86, 1986, pp. 17 et s ; HADAD Hafiza, Al-aucoudes al-mobramah

  • 10

    parl d Achats Gouvernementaux , de Marchs Publics trangers ou de

    Marchs Publics Internationaux (13). La diversit dappellations nest pas dnue de

    sens : chacune exprime ou dfend une ide ; celle lie aux adjectifs tranger ou

    international met en relief llment dextranit et renvoie au droit international priv

    et public (14). Celle privilgiant la qualit tatique ou le dveloppement conomique fait

    prvaloir le recours lgitime aux prrogatives de souverainet. Dans une matire aussi

    nuance, lintitul 'marchs' publics internationaux apparat le plus approprie. En se

    plaant entre ces tournures, ce thme dnonce certaine symtrie et neutralit

    smantique. Le terme Marchs , la connotation la plus large, recouvre les grands

    projets dinvestissement ou de dveloppement conomique. Sans susciter de difficults,

    la qualit de ltat ou de ses dmembrements est consolide par lpithte Publics.

    Ladjectif internationaux met en vidence llment dextranit, les besoins du

    commerce international et sa scurit juridique.

    3. Aussi expressives quelles paraissent ltre, les locutions Marchs publics et

    internationaux mritent une tude spare en raison de leur caractre hybride et

    gnrique. En Droit interne, les marchs publics signifient les contrats par lesquels

    une personne publique ou assimile achte, moyennant le versement dun prix

    dtermin, des travaux, fournitures ou services, une personne prive, dans les

    conditions dfinies au Code des marchs publics (15). Cette dfinition a subi certaines

    baeina aldouale wa al-ashkass al-agnabiah, (Les accords conclus entre les tats et les personnestrangres), 1re dition, Dar El-Nahhda El Arabia, Le Caire, 1996 ; SALAH EL DIN Gamal El-din., Aucoude al-daoulah lenacle al-technologiah, (Les contrats dtats du transfert de technologie), Dar-El-Nahda El-Arabia, Le Caire 1996. Certains auteurs occidentaux ont utilis cette terminologie juridique, LEDUCQ X., Les accords de dveloppement conomique, thse prcite, Rouen, 1981 ; WEIL P., Les clauses de stabilisation ou dintangibilit insres dans les accords de dveloppement conomique, Mlanges offert ROUSSEAU Ch., 1974, pp. 300 et s.13 () BARBANT A., Marchs publics trangers, Guide et Pratique, Centre franais du Commerce Extrieur (C.F.C.E.), 1988, T. 1, A, n 2 ; WESTRING GSTA, Marchs publics Internationaux, C.C.I. (CNUCED/GATT), institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (UNITAR), et Banque Internationale pour la reconstruction et le dveloppement conomique, 1985.14 () CITAC G., Le renouvellement du Rle de ltat , op. cit., D.P.C.I., 1996, p. 196.15 () BARACONNIER S., Le droit des marchs publics : dix ans de jurisprudence 1988-1998, d. Juris-Classeur, Dr. Adm., 1999, pp. 3 et s ; Andr DE LAUBADRE, Jean-Clause VENEZIA et Y. GAUDEMET, Trait de droit administratif, Tome 2, 13e dition, L.G.D.J., 1998, n 676, p. 377 ; WESTRING G., op. cit., C.C.I. (CNUCED/GATT), 1985, p. 2. ; ROUGEVIN-BAVILLE M. et autres, Leon de Droit Administratif, Hachette, 1989, pp. 191 et s ; BRECHON-MOULENES Christine, Marchs publics , Rpertoire Dalloz (Droit international), 1998, p. 10, n 44 ; noter contrat et March ne sont pas synonymes ; si tout march est un contrat, tout contrat nest pas forcment un march. Ainsi, lorsquon se place dans une perspective conomique, les termes marchs boursiers ou marchs financiers ne comportent pas le sens de convention. Dans la science juridique, le contrat qui est une convention faisant natre une ou plusieurs obligations ou crant, transfrant un droit rel ,remembre, sans rciprocit, tous les marchs : lachat de biens, de services, et comprend donc non seulement lachat de fournitures mais aussi lacquisition de services dentrepreneurs et de consultants . Le Petit Robert, 1998, pp. 459 et 1351.

  • 11

    modifications : le Conseil dtat franais a intgr dans son orbite les contrats passs

    exclusivement entre des oprateurs publics (16). Les Directives communautaires lont

    largi, en y ajoutant les contrats des personnes prives ds lors quils satisfont les

    besoins dintrt gnral autre quindustriel et commercial et quils sont troitement lis

    la puissance publique (contrle tatique et mcanisme de financement) (17). Cest,

    peut-tre, la raison pour laquelle le nouveau Code franais des marchs publics, en

    vigueur depuis mars 2001 et rform par le dcret n 2004-15 du 7 janvier 2004 (18), a

    modul cette dfinition : les marchs publics sont dsormais les accords conclus

    titre onreux avec des personnes publiques ou prives par les personnes morales de

    droit public autres que les tablissements publics industriels et commerciaux (ltat) ou

    par leurs mandataires, pour rpondre leurs besoins en matire de travaux, de

    fournitures et de services (19).

    4. Cette volution a largi le champ dapplication du code des marchs publics du

    fait que les contrats relevant du commerce priv sont qualifis de publics ds lors

    quils sintgrent dans les instruments dinterventionnisme tatique. Cependant,

    lexpression marchs publics apparat ambigu : dune part, parce que la notion de

    Marchs ne fait gnralement pas lobjet de dfinition (20), pas plus dans les

    droits nationaux. Le march qui renvoie au commerce priv, sintroduit dans les

    instruments de lintervention de ltat ds quil se qualifie de public. Dautre part, tout

    march public engendre linterrogation sur sa nature administrative car, l o la

    thorie des contrats administratifs existe, elle est essentiellement forme des marchs et

    des concessions (21).

    16 () C.E., 20 mai 1998, Communaut Comm. Pimont de Barr, Rc. 20, Conclusions Savoie.17 () FRIER Prire Laurent, Prcis de droit administratif, op. cit., pp. 326 et 353, ns 554-606.18 () Cette rforme est intervenue parce que la prcdente modification de 2001 ne correspondait pas aux souhaits de simplification, de souplesse et defficacit des acheteurs publics. Ds lors, le nouveau code permet de trouver cet quilibre et de responsabiliser les acheteurs publics. Il simplifie les procdures, tout en maintenant lobligation de respecter les principes fondamentaux de la commande publique. Il assure et garantit, tous les stades de la procdure, la transparence et la scurit juridique pour les contractants. http://www.minefi.gouv.fr/minefi/publique/marchespublics/code2004/decret2004-15.pdf19 () Articles 1, 2 et 11 du Dcret n 2001-210 du 7 mars 2001 qui a abrog lancien Code des marchs publics, Journal Official, annexe au n 57 du 9 mars 2001.20 () BRECHON-MOULENES Ch., op. cit., Rp., Dalloz Dr. Int., 1998, pp. 3-10, ns 2 et 44.21 () Cf. ibid., p. 3, n 3; FRIER P.-L., op. cit., Montchrestien, Paris, 2001, n 554, p. 325 ; PAUTOT Serge, Guide dexportation du btiment et des travaux publics, Moniteur, Paris, 1980, p. 28 ; WEIL P., Les critres du contrat administratif en crise, Mlanges offerts Marcel WALINE, 1974, pp. 830 et s ; RICHER Laurent, Droit des contrats administratifs, L.G.D.J., 1995, p. 99 ; Conseil dtat, 23 dcembre 1921, Socit Gnrale darmement, R.D.P., 1922, p. 74, conclusions RIVET ; C.E., 19 janvier 1973, Socit de la rivire du Sant, Rec. 48, C.J.E.G., 1973, J. 239, Conclusion ROUGE VAIN

  • 12

    5. Lorsque les marchs engagent au moins une personne publique pour la

    ralisation des oprations des travaux, de fourniture ou de service, on sinterroge alors

    sur cette qualification. Depuis longtemps, le Tribunal des conflits et le Conseil dtat

    ont fait du caractre administratif de certains accords un pralable pour leur attribuer la

    qualit de march public (22). La plupart des marchs relatifs un bien public sont

    administratifs parce quils sont souvent des marchs de travaux publics (23).

    Lexpression march public nest alors employe que pour dsigner une catgorie

    particulire de contrats qui est lorigine des contrats administratifs (24). Cette attitude a

    fait lobjet de quelques critiques. Les publicistes ont contest la poursuite de cette

    dmarche classique (25). Ce nest pas parce quun march porte sur un bien du domaine

    public quil doit tre qualifi dadministratif. Quelques arrts rcents ont relativis cette

    pratique. Le tribunal administratif de Strasbourg a admis lapplicabilit du Code des

    marchs publics un contrat de droit priv ou de droit public (26). Le Tribunal des

    Conflits a prcis que la soumission dun contrat au Code des marchs publics

    nemportait pas, par elle-mme, son caractre administratif (27). La juridiction ordinaire

    sest attache cette position. La nature prive dun march de location-vente de

    matriel informatique un tablissement public a t affirme par la Cour franaise de

    Cassation. Cet arrt a contredit la Cour dAppel ayant considr que ce contrat tait

    administratif parce quil constituait un march public de fourniture et quil faisait

    participer le cocontractant lexcution du service public . La Haute Cour a refus

    cette version : la soumission dun contrat aux dispositions du Code des marchs

    BAVILLE ; DRAGO R., Paradoxes sur les contrats administratifs, In Mlanges Jacques FLOUR, pp. 151 et s.22 () C.E., Sect., 11 mai 1956, Socit franaise des transports Gontrand frres, Rec., p. 202, A.J.D.A., 1956. p. 247, conclusions LONG ; Dans deux arrts, le tribunal des conflits a dcid que si le contrat de ladministration est de droit priv, il ne peut prsenter la qualit dun march public. Arrt du 12 juillet 1945, Socit Les docks frigorifiques du Havre, Rec., p. 278 ; arrt du 6 avril 1946, Socit franco-tunisienne darmement, Rec., p. 327 ; De mme, un rcent avis du Conseil dtat a fait du caractre administratif un critre distinctif entre concessions et marchs publics. Avis C.E., N 327-449, 14 octobre 1980, in Les grands arrts du Conseil dtat, Dalloz, 1997, pp. 169-177.23 () RICHER L., Droit des contrats, op. cit., 1re d. L.G.D.J., Paris, 1995, p. 98.24 () DE LAUBADRE Andr, (et alii.), op. cit., T. 1, 13me d. Paris, 1994, pp. 689 et s ; G. VEDEL et P. DELVOLVE, op. cit., T. I, P.U.F., Paris, 1992, pp. 373 et s.25 () RICHER L., Le march public : Problmes actuels de dfinition , C.J.E.G., 1986, pp. 37 et s ; adde, sa note sous lAvis prcit du Conseil dtat, in Les grands arrts du Conseil dtat, op. cit., spc. p. 173.26 () Le Tribunal a jug quun contrat de location-maintenance entre la ville de Strasbourg et une socit de droit priv, ft-il de droit priv, ntait pas administratif, en raison de son objet et de sa nature, exclu du champ dapplication du Code des marchs publics. Tribunal administratif de Strasbourg, 7 juillet 1987, Mme Bloch c./ Ville de Strasbourg, A.J.D.A., 1988, p. 63, note PRTOT.27 () Tribunal des Conflits, 5 juillet 1999, Commune de Sauve c./ Socit Gestetner, A.J.D.A., 1999,p. 554.

  • 13

    publics ne lui confre pas, par elle-mme, le caractre dun contrat administratif (28).

    En outre, portant sur la fourniture dquipement destin au traitement des oprations

    financires, cet accord ne faisait pas participer directement la socit LOCUNIVERS

    lexcution du service public, alors quenfin il ne relevait lexistence de clauses

    exorbitantes (29).

    6. Conformment ces dcisions, la soumission des marchs publics leur Code

    spcifique ninflue en rien sur leur qualification. Fonde par le Conseil dtat franais,

    la thorie des contrats administratifs a connu plusieurs volutions (30). Le Conseil dtat

    sest attribu la comptence dun nombre volutif daccords dvolus cette juridiction.

    Il sagit de contrats lgislativement administratifs (31) et de ceux ayant deux critres de

    distinction : lun est subjectif (qualit des parties) et lautre est objectif (service public

    et clauses exorbitantes). La nature des contrats ne dpend donc pas de la volont des

    parties mais de lobjet de leur convention. Elle doit se faire conformment la prsence

    ou labsence en la matire des critres de telle ou telle qualification. Cest lanalyse du

    juge qui rvle ladministration le choix quelle a effectu. Ceci tant, tout march

    public ne peut tre administratif qu partir du moment o il relve du service public et

    renferme une clause exorbitante. Tout march dpourvu de ces critres serait un contrat

    de droit commun. Il ne faut donc pas confondre le caractre public de laccord avec le

    processus de sa qualification. Un march peut tre public mais soumis au droit

    commun. Cet accord ne serait pas un contrat administratif mais un accord de

    ladministration (32).

    7. Bien quelle soit franaise, la thorie des contrats administratifs a t sollicite par

    dautres tats particulirement en raison de son adaptabilit et de son adquation.

    28 () Cour de Cassation, 1e Ch. Civ., 17 dcembre 1996, in Le Droit des marchs publics : dix ans de jurisprudence 1988-1998, d. Juris-Classeur, Dr. Adm., 1999, n 28.29 () Cf. ibidem.30 () La double juridiction est conue pour soustraire aux juges judiciaires les procs impliquant lAdministration afin que le Parlement ne trouve pas doccasion dinterventionnisme lgal. Cre pour garantir la non-ingrence du Parlement dans les affaires du gouvernement, le Conseil dEtat sest ainsi reconnu comptente en matire contractuelle. Il a commenc par la mise en uvre la dualit des contrats de ltat ou de ses personnes morales. Cette volont dura peu face lexigence dun dessaisissement de la justice ordinaire, engendre par un besoin dintrt gnral. Faute de prcision, le critre de la finalit de lacte devait laisser place la thorie des actes dautorit et des actes de gestion. BADAOUI Saroit, Le fait du prince dans les contrats administratifs, L.G.D.J., Paris, 1954, p. 7.31 () Les contrats administratifs par dtermination de la loi sont notamment ceux de dettes publiques (lois du 17 juillet 1790 et de 1793), ceux de marchs de travaux publics et de fourniture (loi du 28 pluvise an VIII et le dcret du 11 juin 1806). DE LAUBADERE Andr, VENEZIA Jean-Claude et GAUDEMET Yves, Trait de Droit administratif, Tome 1, 13e dition, L.G.D.J., 1998, n 1001, p. 689.32 () George VEDEL et Pierre DELVOLVE, Droit administratif, Presse Universitaire de France, Paris, 1992, pp. 371 et s ; DE LAUBADERE A., (et alii.), op. cit., supra, T. I, 13me dition, L.G.D.J., Paris, 1994, pp. 687 et s ; WEIL P., op. cit., supra, Mlanges Marcel WALINE, 1974, pp. 831 et s.

  • 14

    Linfluence du droit administratif franais sur plusieurs ordres juridiques, y compris le

    systme anglo-saxon, a t souligne, atteignant galement les rgles communautaires

    et le Droit des gens (33). A ce stade de notre dveloppement, on est en mesure de se

    demander si, dans les marchs publics internationaux , le caractre administratif ou

    ordinaire est-il oprant. Dans un monde de plus en plus anglo-saxon, ces qualificatifs

    apparaissent non concluants : on opposerait plutt les contrats de droit crit ceux de

    common Law (34). Plusieurs normes internationales intresses aux M.P.I. nutilisent

    pas ce classement. Lpithte publics est encourue rarement. labor par la Banque

    mondiale en septembre 1996, le dossier type dappel d'offres lintention des

    emprunteurs de tradition de droit civil est presque le seul faire cette distinction (35). Ne

    faisant pas de sparation entre les contrats de droit public et ceux de droit priv, le droit

    communautaire saligne cette position. Applicables aux marchs tant

    publics/administratifs quordinaires, les directives communautaires conduisent le

    rgime drogatoire de droit public un certain isolement (36).

    8. Les intresss par les M.P.I. encouragent donc une pousse lente mais incessante

    vers une rglementation largie, qui internationalise les marchs dinvestissements.

    Pour empcher le retour des protectionnismes nationaux, divers auteurs et organes

    insistent sur linternationalisation de ces oprations. Les expressions appel doffre

    international et march transnational se trouvent dans les travaux de la Banque

    mondiale et des Fonds Europens de dveloppement (37). Ces organes ne prcisent

    cependant pas ce quils entendent par ces expressions, dautant plus que la

    dtermination du caractre international dun accord fait lobjet de discussions (38).

    Dailleurs, rien nempche juridiquement la soumission dun contrat internationalis

    un ordre juridique interne. Ds lors, dire quindpendamment de la seule volont de

    ltat, les M.P.I. sont soumis une rglementation anationale, serait une parole vaine.

    Cette rglementation internationale commune, qui montre de plus en plus des limites et

    33 () Cest le droit administratif international qui rglemente en particulier les rapports juridiques entre Organes internationaux et leurs personnels, WEIL P., Un nouveau champs dinfluence pour le droit administratif franais : le droit international des contrats , Recueil et Documents du Conseil dtat, 1970, pp. 14 et s.34 () BRECHON-MOULENES Ch., op. cit., Rp. Dalloz, Dr. Int., 1998, p. 10, n 4435 () Il sy ajoute certaines directives de la Banque Mondiale concernant la coordination des procdures de la passation des marchs sur leau, lnergie ou la tlcommunication. Cf. ibid., p. 3, n 3, et ns 52 et s.36 () PEZIN charlotte, Les marchs publics et le Code des marchs publics, mmoire de DEA de droit public de lconomie, Paris II, 2001, pp. 22 et s.37 () BRECHON-MOULENES Ch., op. cit., Rp. Dalloz, Dr. Int., 1998, p. 10, n 4438 () Infra, deuxime Partie, Titre 1, chapitre 2, section 2.

  • 15

    dont le toux de couverture est actuellement faible, est rellement absente : on parle, il

    y a quelques temps, de la mise en place dune rglementation internationale des

    marchs publics dont la rflexion sur cette notion est loin dtre acheve (39). Et ceci,

    malgr le renouvellement des questions juridiques poses depuis la dcolonisation (40).

    Les agissements souverains contre les concessions immrites nont pas

    fondamentalement chang la situation conomique des tats en dveloppement. Ils ont

    caus le ralentissement des flux dinvestissements qui a affect la commercialisation de

    savoir-faire des oprateurs occidentaux dont les activits entretiennent des liens troits

    avec lconomie de leurs pays dorigine (41). Il devait y avoir un quilibre ou une

    coordination pour minimiser ces craintes et atteindre des objectifs prpondrants.

    Conscients quil vaut mieux traiter avec Dieu quavec ses saints (42), les investisseurs

    trangers prfrent contracter avec ltat ou ses manations. Ce mode de traitement est

    envisageable car les personnes tatiques octroient ces investisseurs divers privilges et

    concessions. Il est invitable puisquil sagit dtats chargs du commerce extrieur

    dfaut dentreprises capables techniquement et financirement. En effet, les marchs

    publics internationaux sont lourds et engagent des montants trs importants (43). Ils

    constituent un sujet dune trs grande actualit depuis le passage vers lconomie

    du march qui gagne incessamment du terrain. Cest un phnomne qui a vocation

    39 () Cette rglementation intresse essentiellement les tats les plus importants en parts de commerce mondial, do limpression de club de riches, mais aussi parce quelle se rvle largement tributaire du milieu juridique ambiant dans lequel elle sinsre. De telle sorte quelle se voit de plus en plus concurrence par une approche plus en amont de la libralisation des changes ou par le traitement de problmes commerciaux plus aigus. BRECHON-MOULENES Ch., op. cit., supra, Rp., Dalloz, 1998, spc. ns 2 et 44.40 () RECZEI Laszlo, Prface ; In Le contrat conomique international, Bruylant-Pdone, Bruxelles-Paris, 1975, p. 1.41 () LEDUCQ Xavier, Les accords de dveloppement conomique conclus entre un partenaire tatique et une personne prive trangre, thse, Rouen, 1981, p. 1 ; EL-KOUSHERI A.S., Le rgime juridique cr par les accords de participation dans le domaine ptrolier, R.C.A.D.I., 1975, T. 147, V. IV ; G. COHEN JONATHAN, Les concessions en droit international public, thse, Paris, 1966. 42 () BERLIN Dominique, Les Contrats dtats State-contracts et la protection des investissements internationaux , D.P.C.I., 1987, pp. 197 et s.43 () Au cours des annes quatre-vingts, une entreprise publique indienne a conclu un march de construction dun ensemble daluminium avec la socit franaise Aluminium Pechiney de France dune valeur denviron deux milliards de dollars. LEBEN Charles, Les investissements miniers internationaux dans les pays en dveloppement ; Rflexions sur la dcennie coule 1976-1986 ,Clunet, 1986, pp. 883 et s, spc. 941 ; Courant dcembre 2002, la Pologne a sign un march dun montant de trois milliards et demi de dollars pour lachat de 48 avions (chasseurs) avec des socits ressortissantes des tats-Unis dAmriques Ratifi le 18 avril 2003, ce march prvoit la rception des appareils courant 2006 ; En pleine gure de lIraq, ladministration Bush a attribu ses entreprises de grands chantiers de reconstruction et de fourniture qui dpassent trente milliards de dollars titre indicatif, le groupe ptrolier de Texas sest octroy un march dun montant denviron 700 cents millions dollars. Cependant, les appels doffres concernant ces marchs sont entachs dune parfaite illgalit autant par rapport aux rgles de la Organisation Mondiale du Commerce que conformment au Droit des gens.

  • 16

    prendre de lampleur. Denviron 1000 milliards de dollars, leur chiffre daffaires annuel

    affirme la transformation du rle des tats, gros consommateurs par leurs commandes

    publiques. Selon la Banque mondiale, ces investissements sont reprsentatifs de 18 %

    du PIB (Produit National Brut) des pays dvelopps, de 13 % du PIB des pays en

    dveloppement et de 19 % du P.I.B. des tats conomie en transition. Mme si la

    majeure partie de ces achats ont t effectus auprs de fournisseurs nationaux,

    lestimation de 1999 dmontre que les affaires des secteurs publics caractre extrieur

    occupent environ 19 % du march mondial de lapprovisionnement et 16,5 % du

    commerce international (44).

    9. Ces estimations confirment que ces accords sont presque la raison dtre des

    multinationales (45) et linstrument du dveloppement des oprateurs tatiques (46). Ni

    les socits trangres ne peuvent aisment trouver des clients pour ces projets, ni les

    tats ne peuvent compter sur leurs ressortissants en raison de leur incapacit financire

    et technique. Les problmes lis lexcution de ces marchs peuvent alors entraner

    des effets nfastes autant sur les multinationales et sur leurs tats dorigine que sur les

    cocontractants publics (47). Ces problmes peuvent avoir pour chacun des partenaires,

    des consquences catastrophiques : la rsiliation de grands projets peut conduire les

    investisseurs trangers la faillite, tandis que leur chec ou mauvais fonctionnement

    pourrait faire sombrer le gouvernement concern dans des crises politico-conomiques

    (48). voqus depuis les clbres nationalisations (49), de tels diffrends nont pas trouv

    de vritables solutions dans le droit de la protection diplomatique (50). Le droit

    44 () Leur valeur slevait 1.05 billions de dollars. BRECHON-MOULENES Ch., op. cit., Rp. Dalloz, Dr. Int., 1998, p. 2, n 1 ; lvaluation statistique des investissements trangers au cours des dernires dcennies a enregistr des mutations symptomatiques : il devait atteindre les 200 milliards en 1993 pour les dpasser nettement en 1994 avec plus de 240 milliards de dollars, pour atteindre les 350 milliards de dollars en 1996 , JUILLARD E., Investissements , Rp. Dalloz, Dr. Int., 1998, n 30.45 () CISTAC Gilles, Le renouvellement du Rle de ltat dans le Commerce international : lment dune Thorie Gnrale , D. P. C. I., 1996, pp. 176 et s.46 () Infra., premire partie, Titre 1, Deuxime Chapitre, section I.47 () LEDUCQ X., Les accords de dveloppement conomique, op. cit., thse, Rouen, 1981, p. 8.48 () MAYER P., La neutralisation du pouvoir normatif de ltat en matire de contrats dtat ,Clunet, 1986, pp. 5 et s.49 () Ex., nationalisations gyptiennes (canal de Suez), chiliennes, libyennes (B.P., Texaco-calasiatic, Liamco) ou kowetiennes (Aminoil)50 () Bien au contraire, le recours ce droit a occasionn des mesures de reprsailles ou dintervention militaire. LUCIEN Siorat, Les limitations apportes la souverainet des tats par la convention pour le rglement des diffrends relatifs aux investissements privs internationaux, in investissements trangers et arbitrage entre tats et personnes prives, Convention du B.I.R.D. du 18 mars 1965, ditions Pdone, Paris, 1969, pp. 59 et s ; EL-KOSHERI A.S. Stabilit et volution dans les techniques juridiques utilises par les pays en voie dindustrialisation, In Le contrat conomique international, Bruylant-Pdone, Bruxelles-Paris, 1975, pp. 285 et s.

  • 17

    international classique sest toujours dsintress des problmes relevant de ces accords.

    Les dfenseurs des oprateurs trangers ont refus leur soumission aux seules lois

    nationales. Faisant preuve dimagination, ces auteurs ont internationalis leurs

    problmes juridiques (51). Ces doctrines, investies par larbitrage, ont toujours t

    rejetes, surtout par les pays en dveloppement qui ont impos des rsolutions assurant

    la souverainet des tats sur leurs ressources nergtiques. Par voie de lgislation et de

    ngociation, ces gouvernements ont impos aux oprateurs trangers le partenariat et/ou

    la coopration pour raliser leur dveloppement conomique. Toutefois, ces tats ont

    t aussitt confronts des difficults, ncessitant leur passage vers lconomie de

    march cause de la survenance de la crise dinvestissement et de leffondrement du

    bloc sovitique. Ils se sont alors livrs une surenchre des traits internationaux,

    amnageant leurs pouvoirs souverains au nom et sous rserve de lintrt public. La

    neutralisation des risques de nationalisation par le biais de ces conventions de protection

    dinvestissements ne signifie aucunement que le problme soit rsolu sur le plan de

    leffectivit. Ltat daccueil possde toujours son arme lgislative et peut tout

    moment lutiliser, aggravant pour le moins les conditions des socits transnationales

    (52). Dans la science juridique pure, cette intervention ngative peut tre soutenue par un

    argument bas sur la nationalisation procdurale. Pour plus de crdibilit, certains tats

    estiment que ces accords ne sont ni plus ni moins que des contrats administratifs,

    originairement conceptualiss par le systme juridique de lune des puissances

    conomiques mondiales (53). Sagissant de problmes similaires, la thorie des contrats

    administratifs est donc destine jouer un rle essentiel : les M.P.I. impliquent les

    lments de la publicisation. Leurs modes daccs et dexcution se soumettent

    principalement aux rgles applicables aux accords liant lAdministration ses

    personnes locales. Dans les deux catgories daccords, cest ltat stricto ou lato sensu

    qui contracte et qui mne son intervention unilatrale. Toutefois, les accords viss

    impliquent des stipulations conduisant des interprtations paradoxales : les clauses

    darbitrage et de stabilisation ont lapparence dune expression de la souverainet alors

    quelles sont foncirement limitatives de son exercice. cet lment de suspicion

    sajoute limplication de ces accords des lments de lextranit juridique (nationalit

    51 () WEIL P., op. cit., Recueil et documents du Conseil dtat, 1970, pp. 13-25 ; pour le mme auteur, Problmes relatifs aux accords entre un tat et un particulier, R.C.A.D.I., V. III, t. 128, 1969, p. 120. 52 () Modification ou rsiliation unilatrale53 () SIDIBE F.F., Les enjeux de la qualification, op. cit., thse, Nice, 1995, p. 178.

  • 18

    trangre, passation ou excution ltranger) et conomique (flux dinvestissements,

    mis en jeu du commerce international). A ce titre, ils sont des contrats internationaux.

    Leur dimension internationale est affirme cause de leur encadrement par un volet des

    traits bilatraux et des conventions multilatrales. Ce sont des marchs dont la

    passation, lexcution et mme la rsiliation relvent directement ou non des relations

    internationales. Plusieurs investissements trangers trouvent leur centre de gravit ou

    leur irradiation dans les relations dtat tat : combien de chefs dtat ou de

    ministres ne se font-ils pas accompagner dans leur dplacement ltranger par une

    pliade dhommes daffaires qui attendent du voyage la conclusion de profitables

    contrats ? Et combien de grands contrats ne sont-ils pas fonction des relations

    politiques? (54). Limportance des M.P.I. est accrue depuis limplication indirecte

    des tiers (bailleurs de fonds trangers, aides et crdits publics). En effet, des entits

    internationales comme la Banque Mondiale, le Fond Montaire International (F.M.I.) ou

    la Banque Europenne pour la reconstruction et le dveloppement financent ou

    participent des projets dinvestissements publics. Ces spcificits, qui soutiennent leur

    soumission accessoirement aux lois internes, principalement au Droit des gens (55),

    nient leur assimilation aux contrats ordinaires : leur ouverture la concurrence, peu

    naturelle pour les marchs internes, lest encore moins pour les accords internationaliss

    (56).

    10. Cet ensemble de contradictions entrane quelques interrogations majeures : les

    contrats administratifs et les marchs publics internationaux sidentifient-ils les uns aux

    autres ou sont-ils autonomes ? De l, ltat apparat-il dans la majest de sa

    souverainet comme le co-dtenteur dun pouvoir partag avec une socit trangre

    (transnationale ou collectivit territoriale) ? Les M.P.I sont-ils des contrats domination

    tatique, des accords spcifiques ou des contrats proches de ceux de type commercial ?

    Ces Conventions peuvent-elles tre qualifies d administratives ? Les

    enseignements de cette qualification peuvent-ils tre lorigine dun nouveau concept

    du contrat administratif international ? Quel rle joue effectivement le droit public

    interne dans le rglement de leurs problmes contractuels ? Si ces questions cristallisent

    notre proccupation, la ralit du sujet est trop complexe pour tre reflte aussi

    simplement. La lecture de certains arrts et sentences conduit une vision plus floue,

    54 () LAvant-propos de M. WEIL P., in Les contrats dtat la preuve du droit international, Lila LANKARANI EL-ZEIN, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. XVIII.55 () JUILLARD E., op. cit., Rp. Dalloz, Dr. Int., 1998, ns 35-36.56 () BRECHON-MOULENES Ch., op. cit., Rp. D., Dr. Int., 1998, p. 2, n 2.

  • 19

    rejetant toute rponse formelle. Le pouvoir de la justice tatique est largement nuanc et

    la plupart des sentences arbitrales ont t rendues dans un climat politique caractre

    exceptionnel (57). Malgr les efforts quelle a consacrs ces accords, la doctrine reste

    trs divise. Lintrt quelle manifeste leur gard est considrable, mais rien nest

    dfinitivement tranch (58). Ainsi, ce sujet constitue, pour la recherche, un apanage

    privilgi : si linfluence des contrats administratifs sur les contrats dtat a t voque

    par des cours, des rapports ou des sentences, cette thorie na pas t fondamentalement

    confronte aux M.P.I. (59). Le rle rserv aux contrats administratifs et son droit dans

    ce domaine est alors non ngligeable. Se plaant au carrefour des toutes les branches du

    droit (60), les M.P.I. sont dpourvus de rgime spcifique (61). Les divers Codes des

    marchs publics nvoquent les problmes lis aux marchs passs ltranger ni pour

    les soustraire de leur champ dapplication ni pour les inclure parmi les contrats qu'ils

    rglementent (62). En dehors mme de ces codes, aucune rglementation particulire ne

    les rgit : les Codes dinvestissements ne leur offrent pas de solutions spcifiques (63). Il

    sagit donc dune vritable lacune lgislative qui est lorigine du paradoxe concernant

    une littrature tout la fois abondante et insuffisante sur des accords dont les diffrends

    affectent lintrt public (64). Cest elle qui a pouss la doctrine voquer la prsence

    57 () Il sagit de circonstances des nationalisations, pouvant tre considres comme un droit transitoire, KAHN Philippe, Souverainet de ltat et Rglement du Litige ; Rgime Juridique du Contrat dtat , Rev. Arb., 1985, pp. 639 et s.58 () On verra quune solution comme celle de la dlocalisation ne rgne pas en thorie, mme si elle lest en pratique. Voyez la seconde partie, Titre I, Chapitre 1.59 () A lexception de la rcente thse de Abdel-aziz Mohamed Ali BAKR, Fikrat al-hccde al-dari abra alhdoude ; drassah fi al-nzam al-quanouni Llhoucoudes almobramah baein al-douale wa al sharkate al-agnabiah, (La notion de contrat administratif au-del des frontires ; une tude dans lergime juridique des accords conclus entre tats et personnes trangres), thse, Universit de Hilwan, le Caire, 2000.60 () Droit international public, droit international priv, droit public et du droit priv, AUDIT Mathias, Les conventions transnationales entre Personnes publiques, prface de Pierre Mayer, L.G.D.J., Paris, 2002, p. 5, n 11 ; RIGAUX F., Droit public et droit priv dans les relations internationales, Pdone, 1977, p. 1. 61 () TAMOUR Mustapha K., La conception du contrat cl en main et son application dans le systme gyptien , Rev. Juri. Polit. Indp. Coop., 42e anne, 1988, pp. 382-409, spc. p. 397 ; BOUDAHRAIN Abdellah, Problme dadaptation du droit marocain aux contrats internationaux cl en main , Rev. Juri. Polit. Indp. Coop., 1988, pp. 442 et s., spc. p. 452.62 () PEZIN Charlotte, Les marchs internationaux etop. cit., mmoire de D. E.A., Paris II, 2001, p. 37.63 () TAMOUR M. K., op. cit., supra, Rev. Juri. Polit. Indp. Coop., 42e anne, 1988, pp. 382-409, spc., p. 397 ; BOUDAHRAIN Abd., Problme dadaptation du droit marocain , op. cit., Rev. Jur. Poli. Ind. Coop., 42e anne, 1988,, pp. 442 et s.64 () Ni sur les principes de base, ni sur les analyses de la pratique et de la jurisprudence, ni sur lnonc de rgles de droit positif, WEIL P., Problmes relatifs aux contrats passs entre un tat et un particulier, R. C. A. D. I., 1969, Vol. III, T. 128, pp. 101 et s., spc. p. 102.

  • 20

    dun grand vide (65) non rempli : jusqu nos jours, lon ne connat toujours pas

    de principe gnral du droit international propre aux marchs publics (66).

    11. Il est ds lors concevable que leurs contentieux de passation et dexcution

    soulvent inlassablement plusieurs dbats et polmiques : les publicistes de droit interne

    sintressent aux atteintes de ces accords lunit de ltat et ses dmembrements,

    sinterrogeant encore sur la capacit de ceux-ci dans leur conclusion. Ils ne se

    proccupent pas de leur qualification ni de leur rgime juridique. Les internationalistes,

    proprement dit, examinent lappartenance de ces marchs au Droit des gens

    originairement conu aux seuls rapports tatiques. Les spcialistes du droit international

    priv se trouvent directement concerns par ces accords et par leurs problmes

    spcifiques. Les caractres hybrides de ces conventions affectent leur incorporation

    dans une discipline ignorant des rgles bilatrales en matire de droit public (67). Ces

    controverses relvent vraisemblablement de lattachement de chacun des spcialistes

    un aspect qui est le sien. Or, mme si les M.P.I. sont aux frontires de plusieurs

    disciplines juridiques, le fait de les envisager sous lempire dune seule revient nen

    proposer quune vision tronque. Pour sen dtacher, il faudra alors associer et concilier

    les visions poses en vue dessayer llaboration dune thorie juridique. Cette tentative

    devrait tre plurilatrale car la publicisation, cest--dire la nature administrative des

    accords dinvestissements, quoique acceptable en thorie, risque fort dtre exclue par la

    pratique. En effet, la publicisation pure et dure des M.P.I. parat marginale vu lhostilit

    de larbitrage son gard et lgard du droit public. On ne doit pas alors sarrter sur

    lampleur de sa transposition qui reste problmatique. On doit analyser ses liens avec la

    dlocalisation, mesurer la place de son droit dans le rglement des diffrends et prciser

    si les solutions quil fournit sont bnfiques.

    12. Aussi ambitieux quil puisse ltre, lobjectif visant assigner aux contrats

    administratifs une place respective dans le rgime des M.P.I. se heurte des difficults

    thoriques et pratiques. Le pouvoir daccs aux informations sur des marchs rcents ou

    importants en est une. La confidentialit de ces projets et labsence de publicit de

    certains arbitrages conduisent naccepter quun chantillonnage. Si celui-ci devient

    plus important quauparavant, la publication par extraits peut rendre difficile

    65 () Cf. ibid., p. 102.66 () BRECHON-MOULENES Ch., op. cit., Rp. Dalloz, Dr. Int., 1998, p. 3, n 32 et p. 8, n 44 ; dans ce sens, dans le domaine dinvestissement, il nexiste pas-du moins pas encore de systme international comme il existe en matire commerciale et montaire , JUILLARD E., Investissements , Rp. Dalloz, Dr. Int., 1998, n 87, p. 15.67 () AUDIT M., Les conventions transnationales, op. cit., L. G. D. J., Paris, 2002, p. 6, n 12.

  • 21

    lenracinement des dcisions prises ou handicaper la perfection analytique. Il est

    regrettable que le Tiers-Monde, habituellement confront ces affaires, refuse la

    publication de ces dernires pour enrichir ses revues ou chroniques juridiques (68). Cet

    obstacle ne nous est pas particulier. Il est constamment accentu par les auteurs

    confronts aux tudes des contrats impliquant au moins un oprateur tatique (69). Notre

    tude est galement marque par des enjeux acadmiques. La dtermination de

    linternationalit dun contrat est prement discute. La distinction entre des notions

    comme le commerce et linvestissement souffre de difficults smantiques. Dailleurs, il

    rsulte du caractre quasiment jurisprudentiel des contrats administratifs que

    lapprciation de leurs critres distinctifs est relative et volutive. Elle est relative dans

    le sens o la dfinition de chacun de ces critres diffre dun tat un autre en raison de

    la diversit de leurs intrts et cultures juridiques. Elle est volutive dans la mesure o

    les solutions des praticiens peuvent tre nuances en labsence de textes dterminants.

    Les juristes concerns se trouvent alors au centre de confrontations puisquil sagit

    daccords placs au carrefour des lois classiques. Dans une seule affaire, nous

    constaterons que les motivations des arbitres et leurs qualifications diffrent de celles

    opres par les juges tatiques. Face ces considrations, le traitement de certaines

    questions risque de nous confronter des contraintes et hsitations, sinterrogeant sur la

    dualit du droit : le droit en thorie et le droit en pratique (70).

    13. Malgr ces difficults, on laisse prsager de laccomplissement dune analyse

    quilibre la lumire de clbres affaires, en particulier celles impliquant lgypte ou

    ses manations personnalises. Pour ce faire, on doit se concentrer sur la problmatique

    aborde, mme si la curiosit intellectuelle peut attirer ltude des questions primaires

    au dtriment dautres qui auraient pu mriter un traitement plus pouss. Ce pralable

    tant pos, il est indispensable de limiter le champ de la recherche avant de tracer la

    68 () Ainsi la soulign un auteur il est regrettable de constater que le rglement darbitrage franco-algrien nait pas t publi en Algrie. Est-ce que les autorits hsitent devant sa qualification ? Le problme de sa compatibilit avec la loi algrienne est-il pos ? En quels termes ? , Abdel-Whab BEKHECHI, Quelques lments de rflexion sur la pratique algrienne du contrat dtat, in les contrats internationaux et Pays en voie de dveloppement, pp. 223-249, spc. note de bas de page 247.69 () M. WEIL a fait savoir que sils (les contrats dtat) ne sont pas tous secrets, nombre de ces contrats demeurent inconnus et force est de sappuyer sur un chantillonnage que lon espre du moins reprsentatif , in principes gnraux du droit et contrats dtat, In Mlanges GOLDEMAN B., p. 388 ; M. TAMOUR M.-K. a mis en vidence que les sources des documentations sont limites en raisons des grands secrets qui entourent ces contrats , in La conception du contrat cl en main , op. cit.,Rev. Juri. Polit. Indp. Coop., 42e anne, 1988, pp. 382-409, spc. p. 397 ; adde, EL-YOUNSI Malika, Les rgles matrielles du droit des contrats dtats la lumire de la jurisprudence arbitrale contemporaine, thse, Paris II, 1994, p. 10.70 () Ex. , le problme de la qualification.

  • 22

    mthode envisage. Le choix se portera, dune part, sur les marchs publics/contrats

    administratifs pour se consacrer aux accords similaires aux conventions vises. Dautre

    part, il sintressera aux marchs publics internationaux lis aux grands projets. Cette

    dlimitation est ncessaire car ltat simplique dans des marchs courants ou

    importants, instantans ou de longue dure. Il sagit bien des accords de dveloppement

    dun territoire ou dune zone dtermine. Il peut sagir de marchs passs avec des

    oprateurs du Tiers-Monde ou des tats dvelopps. Ces accords peuvent relever de

    ressources primaires ou de secteurs secondaires. Corrlativement aux contrats

    administratifs (71), ils ralisent des missions lies lintrt gnral ou au service public.

    Les M.P.I. connaissent des formes nommes ou innomms , riches en quantit, en

    qualit et en complexit. Ils peuvent revtir des formes nouvelles ou classiques (72) :

    accords de ressources naturelles (concessions ptrolires, contrats de participation ou de

    partage de production), marchs de services et de travaux publics (notamment le

    groupement de contrats, les marchs Build, Operate, Transfer B.O.T. (73), conventions

    de transfert technologique (coopration industrielle (74)(75), contrats cl en main (76)).

    71 () Concessions, marchs publics, occupation de domaine public, accords passs avec les usagers, FRIER P.L., Prcis de droit administratif, op. cit., n 553, p. 325.72 () FEUER G., Contrats Nord-Sud et transfert de technologie, in Les contrats internationaux et pays en voie de dveloppement, sous la direction de CASSAN, Paris, 1989, pp. 137-158 ; OMAN C., Les nouvelles formes des investissements internationaux en pays en voie de dveloppement, O.C.D.E., 1984, pp. 154 et s ; ELLAINGAN H., Les nouvelles formes dinvestissement dans les pays dAfrique Zone Franche, thse, Nice, 1998.73 () Les contrats de construction, transfert, opration engagent linvestisseur tranger par la construction et lexploitation dun projet dinfrastructure dans un dlai au terme duquel louvrage sera totalement restitu ladministration sans remboursement. Il sy ajoute les contrats Build, Transfer (B.T.) et Build, Transfer, Operate (B.T.O.). Le contrat Build, Transfer concerne la construction dune infrastructure transfrable aussitt au pouvoir public en contrepartie de loctroi linvestisseur dun autre projet favorable au remboursement des apports investis et la ralisation des profits. Le march Build, Transfer, Operate ralise un ouvrage dont la proprit sera transfre l'tat, mais lexploitation restera au constructeur dans un certain dlai. LUU VAN DAT, Investissements trangers en B.O.T. , Rev. Int. Dr. Compar, N 4, 1997, pp. 869 et s, spc. p. 870 ; VADCAR Corinne, Droit dinvestissement ; Rgime applicable linvestissement direct tranger en droit international , d. Juris-Classeur, Droit international, 1999, Fasc. 565-50, p. 16 ; LAMATHE Ddier, Les relations entre les gouvernements et les entreprises en matires de grands projets dinvestissement , Clunet, 1998, pp. 45-65, spc. p. 47.74 () KAHN Ph., Typologie du contrat de transfert de technologie, in Transfert de technologie et dveloppement, 1977, pp. 435-465.75 () La coopration est un contrat par lequel des oprateurs nationaux et trangers mettent en commun certains de leurs moyens pour raliser un projet industriel. DUBISSON M., Les caractres juridiques de coopration en matire industrielle et commerciale , D.P.C.I., 1984, T.X, n 3, pp. 298-306. Cet accord suppose le ralliement de divers oprateurs pour la ralisation dun ou des projets, tout en prservant chacun son autonomie. La coopration est toute opration qui, en allant au-del de la vente ou de lachat implique la cration dune communaut dintrts, sur une certaine dure, ayant pour but la constitution davantages mutuels . PREVISANI A., Les caractres juridiques principaux des statuts lgaux de coopration , D.P.C.I., 1984, p. 340 ; LEBOULANGER Ph., Les contrats entre tats et personnes prives, op. cit., pp. 13 et s.76 () Les Contrats cl en main engagent loprateur tranger (par ses moyens techniques et humains) livrer un ensemble industriel prt fonctionner, en garantissant sa performance dans une

  • 23

    Il sy ajoute les accords de coopration dcentralise, appels contrats ou actions para-

    diplomatiques (77).

    14. Avant daborder le vif du sujet, il faut alors prciser la dmarche opre. Les

    contrats administratifs et les M.P.I. ne sont pas fondamentalement diffrents : certains

    techniques et concepts se retrouvent ici et l. Ces accords impliquent une personne

    publique, remplissent les mmes missions et relvent des mmes modes daccs. Ils ont

    des liens communs travers les problmes soulevs et les solutions adoptes. Les dfis

    auxquels ils sont confronts et leurs rponses sont mls. Les marchs publics internes

    et internationaux constituent une modalit et un objet de linterventionnisme tatique :

    contractant, ltat sengage par le biais dun march. Lgislateur, il sinterpose entre les

    parties pour rglementer certains accords ou dcider leur fin anticipe. On peut

    comprendre quen raison de cette proximit la comparaison nait gure jusquici tent

    les auteurs. Mais, on ne doit pas oublier que la substance de chaque catgorie et ses

    enjeux diffrent. Cet ensemble de paradoxe suscite un essai de confrontation des

    accords tudis car lintuition de leur unit et celle de leur autonomie ne se vrifient

    priode au moins gale trois ans. A son tour, ce type daccords connat une diversit typologique. De lexpression cl en main, les oprateurs tatiques ont fait natre les contrats produit en main, march en main, ou march cost and fees. ELLAINGAN H., Aspects juridiques des nouvelles formes dinvestissements dans les pays dAfrique zone franche, thse, Nice, 1998, pp. 111 et s ; LAMATHE, D., Les nouveaux accords internationaux dindustrialisation : esquisse dun manifeste dans les rapports Nord-Sud , J.D.I., 1992, pp. 81 et s ; SALAH ELDIN G. El., Aucoude al-daoulah lenacle al-technologiah, Dar-El-Nahda El-Arabia, Le Caire, 1997, p. 103 ; AWAD-Allha Shibha EL-HAMED EL-MARAHGI, Aoucoud almonshaate al-snahiah bain Al-douales wa al-sharikates al-khassa al-agnabia, (Contrats dtablissements industriels entre les tats et les socits prives trangres), Dar-El-Nahda El-arabia, 1993 ; FEUER G., Contrats Nord-Sud et transfert de technologie, in les contrats internationaux et Pays en voie de dveloppement, Paris, 1989, p. 146 ; DUBISSON M., La ngociation des marchs internationaux, Paris, 1983, pp. 172 et s ;TUTS Michel, Lvolution des contrats cl en main , D.P.C.I., T. III, 1977, n 5, pp. 603 et s77 () Ce sont les marchs des collectivits territoriales relevants de plusieurs tats. Labsence dun contenu juridique conceptualisant leurs formes est lorigine de leurs diversits typologiques. Ainsi une simple dclaration dintention aurait cd celle de la coopration transfrontire, crant des droits et d'obligations. Utilise pour la premire fois en 1985 dans une circulaire du Premier ministre franais sur laction extrieure des collectivits locales, lexpression coopration dcentralise recle ce phnomne. Il sagit de relations transfrontalires, cest--dire qui dpassent la frontire commune et impliquent llment dextranit, critre requis de linternationalisation. L'article 1/ a de l'avant-projet de la convention dfinit la coopration extra-territoriale comme visant tablir des rapports entre collectivits ou autorits territoriales de deux ou plusieurs Parties, autres que les rapports de coopration transfrontalire LUCHAIRE Y., Le cadre inter-franais de l'action extrieure des collectivits territoriales, in Le droit de la coopration interrgionale en Europe, ouvrage collectif sous la direction de la Commission de lUnion Europenne et de l'Assemble des rgions d'Europe, Paris, L.G.D.I., 1995, p. 178 ; FILALI Osman, Un nouveau champ dexploration pour le droit international priv ; La coopration transfrontalire entre les collectivits publiques infra-tatiques , Rev. Crit. Dr. Int. Priv, 1997, pp. 404 et s, spc. 410 ; BURDEAU Genvive, Les accords conclus entre autorits administratives ou Organismes publics des pays diffrents, in Mlanges Paul REUTER, pp. 111 et s : AUDIT Mathias, Les conventions transnationales entre Personnes publiques, L.G.D.J., Paris, 2002 ; LEMAIRE Sophie, Les contrats des personnes publiques internes en droit international priv, thse, Paris I, mars 1999.

  • 24

    qu travers une analyse trs pousse. Ce sont donc les traits spcifiques aux marchs

    publics internationaux qui mritent un traitement particulier (Partie I). Cette analyse

    entend dvelopper les critres distinctifs de ces contrats et mesurer le rle de ltat dans

    leurs modes daccs et dexcution pour savoir si leur autonomie est conteste. Elle

    permettrait denrichir la connaissance de ces accords, dclairer leur identit, de briser

    leur obscurit et de dgager lambigut concernant leur qualification. Cest donc

    travers le pont jet entre ces marchs et leur confrontation que lon pourra ensuite

    valuer la place de la thorie des contrats administratifs et de son droit lors du rglement

    des diffrends (Partie II).

    PREMIRE PARTIE

    CONTRATS ADMINISTRATIFS ET MARCHES PUBLICS INTERNATIONAUX : AUTONOMIE OU

    PROXIMITE

  • 25

    15. Synonyme de lindpendance, de la souverainet ou de la personnalit,

    lautonomie est le droit de se gouverner par ses propres lois. Synonyme de voisinage ou

    de parent, la proximit est en revanche la situation dune chose qui est peu de

    distance dune autre voire des plusieurs qui lui sont proches (78). Ceci tant, contrats

    administratifs et marchs publics internationaux sont-ils fondamentalement diffrents ?

    La rponse cette question dpend dautres interrogations : les critres distinctifs des

    contrats administratifs associent-ils les accords objet de comparaison ? Les

    engagements suscrits dmontrent-ils un traitement dgal gal ou un rapport de

    domination ? Doit-on faire prvaloir sur llment dextranit et les intrts qui sy

    attachent la prsence dans les M.P.I. dun oprateur tatique et laccomplissement dun

    service public pour identifier ces accords aux contrats publics de lAdministration ? En

    dpit dune similitude incontestable et irrductible entre les marchs confronts, on doit

    examiner ces questions travers lanalyse de leurs critres de distinction (Titre I). Cette

    analyse ne garantit pas une parfaite conclusion : aussi classique quil parat ltre,

    lobjectif annonc souffre de complexits lies aux points de dissemblance et daffinit

    entre ces conventions. On peut avoir limpression quune certaine unit rgne dj entre

    ces marchs et on doit craindre lventuelle perplexit ou indcision. Il va de soi que ces

    marchs constituent une modalit dinterventionnisme, voquant la matrise tatique de

    78 () Petit Robert, Grand format, Paris, 1997, pp. 163 et 1812.

  • 26

    leurs modes daccs et dexcution. Cette intervention, cest--dire lexercice par ltat

    de ses fonctions, tablit une seconde zone dombre et un autre terrain de discussion. Elle

    engendre la question de savoir si ltat intervient suffisamment pour incorporer les

    accords viss dans le concept du rgime exorbitant ? Dans quelle mesure ltat abdique-

    t-il son pouvoir souverain en matire dinvestissement ? Par-del les diffrences qui

    sparent les deux figures contractuelles et leurs points de contact, ils ne se vrifient pas

    si on ne confronte pas lensemble des lments qui relvent ou occasionnent leur

    passation et excution (Titre II).

    TITRE ICRITRES DE PUBLICISATION ET DINTERNATIONALISATION

    16. Tout contrat administratif doit combiner deux critres distinctifs : lun subjectif

    (prsence dune personne publique), lautre objectif (service public et clauses

    exorbitantes). Il nen est pas toujours ainsi car il existe des contrats que la loi pr-

    qualifie d administratifs . Il sagit daccords dont les conflits sont lgislativement

    confis au juge administratif, sans dtermination de leur nature ou de leur droit :

    contrats de travaux publics (loi du 18 pluvise, An VIII), de ventes dimmeubles de

    ltat, doccupation du domaine public (article L. 84, Code du domaine de ltat),

    daffermage des taxes municipales (dcret du 17 mai 1809) (79). Au-del de cette

    exception, la nature administrative dun contrat exige la prsence cumulative ou

    suppltive des critres subjectif et objectif de cette qualification (80). Ds lors, celle-ci

    79 () TRUCHET D., Le contrat administratif, qualification juridique dun accord de volonts , in le droit contemporain des contrats, bilan et perspectives, conomica, Paris, 1985, pp. 185-205, spc. 201 et s. En droit gyptien, les contrats de fournitures et de travaux publics se qualifient dadministratifs, (article 5 de la loi n 9 de 1949, art. 10 de la loi n 165 de 1959 et art. 11 de la loi n 47 du 1972). EL-TAMAOUI Sulaiman, Ausses al-aucoud al-dariah ; drassah mocaranh, (Les fondements des contrats administratifs ; tude compare), 5e dition, Maktabette Ain-Chamess, Le Caire, 1991, pp. 57 et s., (en Arabe) ; v. en Droit Libyen, KADIDI Khaled, Contrats internationaux des travaux publics en droit libyen, thse, Dijon, 1978, p. 364. 80 () Le Conseil dtat franais se satisfait de la prsence alternative de lun des deux critres pour la publicisation du contrat. Au lendemain de larrt Bertin, le contrat tait administratif, soit par son objet, soit par ses clauses ; un seul de ces lments suffisait pour le rendre administratif WEIL P., Le critre

  • 27

    ne dpend pas seulement de la simple prsence de ladministration, partenaire daccords

    de toute nature. La dcision du Tribunal des Conflits dans laffaire Entreprise Solon et

    Barrault dmontre cette affirmation. Ces marchs de travaux passs par la S.N.C.F. ont

    t qualifis de contrats de droit priv et non de droit public (81). En revanche, conclus

    entre des particuliers, certains accords, comme ceux des travaux mandats par

    lAdministration ou raliss pour son compte, sont susceptibles dtre administratifs

    (82). Les contrats passs par des personnes prives pour la gestion dun service public

    sinsrent dans le cadre de laction administrative (83). Tout accord conclu dans ce cadre

    devrait pouvoir tre administratif, et la porte de la notion de cette action ne devrait pas

    tre limite par la nature juridique de lorganisme qui lassure (84). Ainsi manifest, le

    critre objectif permet de complter ou de remplacer la fonction du critre subjectif :

    Tout contrat administratif devrait avoir des clauses exorbitantes ou confier lun des

    cocontractants lexcution ou la participation lexcution dun service public (85).

    17. Paralllement, les M.P.I. doivent avoir ces lments constitutifs. Dune part, tout

    march public international doit tre conclu entre tat et personne prive trangre

    (86). Le nom tat est compris ici dans un sens large qui englobe ltat lui-mme et ses

    dmembrements. Il est entendu dans un sens troit, excluant tout autre sujet de Droit

    des gens (87).Cet lment, insuffisant lui seul, convient au point du dpart une tude

    (88). Il doit nanmoins se joindre un critre objectif : objet, buts viss et manifestation

    du contrat administratif en crise, in Mlanges offert Marcel WALINE, 1974, pp. 831 et s., spc. p. 842 ; par ailleurs, en sa qualit de Tribunal des conflits, la Cour Constitutionnelle gyptienne exige la prsence cumulative des ces critres dans le contrat administratif. Tout contrat de ce genre doit impliquer une personne publique, excuter ou participer lexcution dun service public et contenir au moins une clause exorbitante, Arrt du 26 fvrier 1972, Allmagmouha 13me anne kadaiah (Le groupe 13me

    judiciaire), p. 263 ; Affaire n 10 de 1974, Cf. Allmagmouha 4me anne kadaiah, 29 juin 1974 ; affaire n 7 du 19 janvier du 1980, Cf. Allmagmouha 1re anne judiciaire, EL-TAMAWOI S., op. cit., supra, Le Caire, 1991, pp. 60-62.81 () Tribunal des Conflits, 17 janvier 1972, SNCF c./ Entreprise Solon et Barrault, Rec. 1972, p. 944, note MODERNE. 82 () Conseil dtat, 2 juin 1961, Rec. 1961, p. 365 ; A.J.D.A., 1961, p. 345, Conclusions BRAIBANT.83 () WEIL P., op. cit., Mlanges offert Marcel WALINE, 1974, pp. 831 et s., p. 840.84 () PREVOST A. A la recherche du critre du contrat administratif : qualits des contractants , R.D.P., 1971, p. 817 ; WEIL P., op. cit., supra, Mlanges offert Marcel WALINE, 1974, spc. p. 841.85 () Conseil dtat, 24 avril 1968, Socit concessionnaire franaise pour la construction et lexploitation du tunnel routier du Mont Blanc, Rec., 1968, p. 256. 86 () Les contrats conclus entre tat, sujet du droit international, et personne prive trangre MAYER P., La neutralisation du pouvoir normatif de ltat , op. cit., Clunet, 1986, pp. 5 et s ; add, LEBOULANGER Ph., op. cit., conomica, Paris, 1985, pp. 7 et s ; Les contrats reprsentants un oprateur priv tranger et un oprateur tatique , LEDUCQ X., Les accords de dveloppementconomique, op. cit., thse, Rouen, 1981, p. 1. 87 () WEIL P., Problmes relatifs aux contrats passs entre un tat et un particulier, R.C.A.D.I., T. 128, v. III, 1969, pp. 98 et s.88 () JACQUET J.M., Le contrat dtat , d. J.-C., Dr. Int., 1998, fasc. 565-60, pp. 1 et s.

  • 28

    de certaines stipulations distinctives. Aucune qualification de ces marchs ne serait

    satisfaisante sans recours ces lments qui motivent la prsence de ltat dans ces

    accords et peuvent argumenter le recours aux pouvoirs rglementaires ou lgislatifs (89).

    18. Les M.P.I. sont donc les accords par lesquels le pouvoir public saccorde avec

    les entreprises prives, dans le cadre dune conomie concerte, en vue dobtenir leurs

    concours la planification ou dautres tches de la politique conomique (90). Ils

    sont des contrats semi-publics entre un tat ou une organisation gouvernementale et une

    personne trangre ; ils portent sur la construction de complexe industriel et

    saccompagnent daccords dassistance technique, dont fait partie la commercialisation

    de ressources naturelles. Ces contrats tentent de rgler lensemble des rapports

    susceptibles de natre entre les deux contractants. Ils se prsentent sous forme juridique

    standardise, marque par la prsence de clauses financires, conomiques et

    juridiques, et permettent lusage de divers droits et privilges exorbitants inhabituels

    (91). Cette dfinition a le mrite de prciser que si les contrats dtat exigent la prsence

    de celui-ci, tout contrat dtat nest pas forcment un march public international (92).

    Dune varit infinie, les contrats dtat peuvent tre de contrats simples et peuvent

    relever de marchs de grands projets. Or, sils se rduisent aux accords importants, ils

    sont lexpression consubstantielle des marchs publics internationaux. Si les contrats

    dtat ont une dimension ample impliquant les accords extrieurs de ltat dans leur

    ensemble, ils constituent alors leur forme essentielle. Cette apprciation objective

    stale aux actions extrieures des collectivits territoriales (93). Comme les contrats

    dtat, ces accords impliquent les mmes sujets, remplissent les mmes objets et

    revendiquent les mmes modes daccs. Dans le cadre de ces donnes, on est en mesure

    de se demander si les critres des contrats administratifs et des M.P.I. sont-ils

    identiques ? Les concepts dinvestissements et de dveloppement remplissent-ils une

    fonction de service public ? La dfinition de la clause exorbitante apparat-elle dans les

    89 () Cf. ibid., p. 2 ; BEKHECHI Abdul., Quelques lments de rflexion sur , op. cit., in les contrats internationaux et les pays en voie de dveloppement, conomica, Paris, 1989, pp. 223 et s ; BERLIN Dominique, Le rgime juridique international des accords entre tats et ressortissants dautres tats, thse, Paris, 1981, p. 34.90 () FONTAINE M., op. cit., in le contrat conomique international, spc. p. 21.91 () REGLI J.P., Contrats entre tat et personnes prives trangres, thse, Lausanne 1989, p. 19. 92 () JUILLARD Patrick, Contrats dtat et investissements, in Contrats internationaux et pays en voie de dveloppement, sous la direction de CASSAN H., Paris, 1989, pp. 159 et s ; LEBEN Ch., Retour sur la notion de contrat dtat et sur le droit applicable celui-ci , In Mlanges HUBERT Thierry, dition Pdone, Paris, 1998, pp. 248 et s.93 () FILALI Osman, Un nouveau champ dexploration pour le droit international priv ; La coopration transfrontalire entre les collectivits publiques infratatiques , Rev. Crit. Dr. Int. Priv, 1997, pp. 404 et s.

  • 29

    engagements de protection juridique ? Pour y rpondre, il convient de traiter le critre

    fonctionnel (Chapitre II) aprs ltude du critre organique (Chapitre I).

    CHAPITRE 1CRITRE SUBJECTIF : QUALIT DES CONTRACTANTS

    19. Le critre organique est relativement prcis. Pour quil y ait contrat administratif

    ou march public international, il faut gnralement la prsence dune personne

    publique. Dans lordre national ou international, ltat doit soccuper dactivits

    trangres ses prrogatives de puissance publique. Il doit remplir les tches classiques

    (activits sociales et pdagogiques). Le Tiers-Monde doit planifier lconomie, raliser

    son infrastructure car la prcarit implique la raret des secteurs privs aptes se

    charger de missions denvergure ou dimportance stratgique. Le chmage, la pnurie

    financire et le retard, auxquels sajoute le no-colonialisme ou imprialisme, exigent

    lintervention dentits tatiques. Ces facteurs manifestent le rle prpondrant des pays

    en dveloppement dans la vie conomique. Dans ces territoires, le secteur public est

    dominant. Ltat reste le principal investisseur, commerant et le seul oprateur

    conomique (94).

    94 () MEZGHANI Ali., Souverainet dtat et participation larbitrage , Rev. Arb., 1985, spc. pp. 564 et 65 ; GILLE C., Le renouvellement du rle de ltat dans le Commerce international , D.P.C.I., 1996, pp. 176-178.

  • 30

    20. Apanages privilgis du Tiers-Monde, les M.P.I. impliquent davantage les tats

    dvelopps qui soutiennent louverture de leurs collectivits territoriales sur les actions

    infratatiques (95). Cette tendance peut se traduire par la prsence gouvernementale dans

    des projets sophistiqus, comme laccord du tunnel de la Manche entre les tats

    franais et britannique (96). Ainsi, ici comme l, ltat moderne soccupe de projets de

    grande envergure et ralise de grands programmes de transfert technologique. Il

    surcharge ses diplomates de missions dencouragement des flux dinvestissements (97).

    Ces volutions nentranent cependant pas denvahissement du droit priv par le droit

    public. Il ny a pas eu publicisation du droit (98) du seul fait de la participation de ltat

    aux oprations conomiques. Sans doute les enjeux de la mondialisation ont-ils enclin

    ltat la privatisation progressive de plusieurs secteurs publics. Nanmoins, cette

    tendance (assimilation de ltat aux particuliers) ne domine pas tous les secteurs

    dactivits : si elle a russi rduire le domaine de lintervention de ltat, elle ny est

    pas parvenue dans les domaines stratgiques. Dans ces conditions, le cocontractant

    tatique traduit une notion juridique vaste qui englobe les contrats conclus par ltat ou

    une de ses manations et comprend un concept restreint qui se dsintresse des contrats

    passs avec dautres sujets du droit international public (99). Il faut alors identifier ltat

    qui ne se dtache pas aisment dune souverainet assortie dexceptions et de problmes

    spcifiques : non reconnaissance dun pays contractant par celui du juge du fond ou

    implication de ltat souverain dans les accords administrativement agres par un

    Ministre comptent. Lies la dualit de la personne tatique, ces difficults, rares en

    matire interne, touchent les marchs publics internationaux, mme si la prsence de

    ltat est une priorit smantique.

    21. Les partenaires de la personne publique (socits transnationales, voire

    collectivits territoriales) branlent le choix dun ou plusieurs ordres juridiques. Leur

    prsence ne doit pas tre banalise puisquils jouissent dun remarquable poids

    95 () BURDEAU G., Les accords conclus entre autorits administratives ou organismes publics de pays diffrents, In Mlanges Paul REUTER, p. 107 ; SCHNEIDER Catherine, La souverainet de ltat au carrefour du droit international et du droit administratif ; Rflexions sur les dveloppements rcents du droit transnational de l'action extrieure des collectivits infra-tatiques, In Mlanges Gustave PEISER, Paris, 1995, pp. 423-449.96 () MORAND-DEVILLER J., EUROTUNNEL : le contrat relatif la construction du Tunnel sous la Manche , Les Petites-Affiches, 20 septembre 1995, n 113, p. 4.97 () GEORGE ELIN, Le principe de la souverainet sur les ressources nationales et ses incidences juridiques sur le commerce international, R.C.A.D.I., 1976, T. 149, V. 1, pp. 2 et s., spc. p. 10.98 () MEZGHANI A., op. cit.,, 1985, p. 565.99 () WEIL P., op. cit., R.C.A.D.I., T. 128, V. III, 196, spc. pp. 104 et s.

  • 31

    conomique. Dans le commerce international, ltat contractant na pas en face lui

    les partenaires habituels quil domine dans les contrats administratifs. Il est en face de

    lui des autres oprateurs conomiquement bien souvent plus fort que lui, ils dominent

    sans tre domins (100). Le volume croissant de ces entits et leur influence sur

    lconomie ont enclin les tats en dveloppement amnager les typologies

    contractuelles classiques. Ces pays ont ainsi russi remplacer les concessions par la

    participation ou la coopration afin de rpondre des considrations extra-juridiques :

    ltat moderne ne peut plus tolrer lexistence sur les territoires nationaux des

    enclaves conomiques contrles par des socits trangres (101). Cette intolrance

    avait trouv son souffle dans les rsolutions de lO.N.U. (102) qui ont fond lappel

    rvolu vers un nouvel ordre conomique. Elle sest inflchie sous la pression dune

    mondialisation conduisant les tats aux enchres dexonration au dtriment de la

    souverainet tatique. Il faut alors sinterroger sur limportance et la pertinence de

    lextranit vocation multinationale, transnationale voire infra-tatique

    Section Itat souverain ou tat Administration

    22. Pour raliser ses missions, ltat met en uvre des plans impliquant la passation

    de plusieurs projets contractuels. Il peut sengager stricto sensu, par le biais de ses

    hautes autorits, avec ses nationaux ou avec des socits transnationales. Ne soulevant

    pas de difficult en matire interne, la prsence tatique nest pas sans consquence

    pour les accords caractre international. Il est admis que ltat est une personne

    morale de droit public qui, en tant que telle, se diffrencie des autres personnes du

    mme type (tablissements publics ou collectivits territoriales). Cette distinction,

    quasiment connue dans tous les systmes juridiques, voque un certain nombre

    dinterrogations. Ltat contractant sidentifie-t-il ltat-Administration ou sengage-

    t-il en sa qualit de sujet du Droit des gens ? Lorsquil traite avec des trangers, doit-il

    tre men perdre ses attributs, sassimilant ainsi aux simples contractants ? (Sous-

    section I). Sujet de son propre droit et du droit international, ltat, qui sautolimite

    100 () CISTAC G., Le renouvellement du rle de ltat , op cit., pp. 168 et s.101 () et laction tatique se dirige ncessairement vers lintgration du secteur ptrolier dans le rouage de lconomie nationale , EL-KOSHERI A. S., Le rgime juridique cre par les accords de participation dans le domaine ptrolier, R.C.A.D.I., 1975, V. IV, T. 147, pp. 221-393, spc. p. 230.102 () Principe de la souverainet des tats sur leurs ressources naturelles et Charte de droits et devoirs conomiques des tats.

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    comme il lentend, bnficie de sa pleine souverainet dans la dtermination de son

    rgime juridique, conomique et social (103). Ltat constitue un complexe divis en de

    multiples organes ou autorits chargs de tches particulires et se compose dentits

    centrales ou fdrales, dpartementales et locales. Ltat peut crer de nouvelles

    institutions ou en transformer dautres. Il peut leur attribuer un caractre administratif,

    mixte, voire une qualit conomique et commerciale. Tout comme ltat, ces entits

    sont habilites la passation de plusieurs contrats pour remplir leurs missions initiales.

    Sur lensemble du territoire, elles peuvent tre menes contracter avec des oprateurs

    trangers. Ce phnomne introduit une interrogation sur la capacit de ces entits

    insrer certaines stipulations (clause arbitrale) et sur limplication de ltat dans les

    accords de ses autres personnes morales (Sous-section 2).

    Sous-section ILtat stricto sensu contractant et ses concepts thoriques

    23. Lorsque ltat est directement reprsent dans un accord, sa dfinition ne suscite

    pas de difficult dapprciation dans la sphre des rapports intertatiques ou inter-

    partes. Ltat se dfinit par ses lments prcis en droit constitutionnel et en droit

    international (104). Ltat est une collectivit compose dune population soumise un

    pouvoir souverain sur un espace territorial (105). Cependant, lutilisation du terme tat

    nest pas toujours aise. Tout discours juridique sur lui veille lambigut de ce terme.

    Il y a bien des dfinitions de ltat selon langle sur lequel on se place. Ltat dtenteur

    de souverainet parat comme un centre de pouvoir qui impose des normes obligatoires

    aux acteurs juridiques exerant sur son territoire. La multiplicit des sens qui lui sont

    confrs est lorigine de diverses ambiguts. Plusieurs auteurs ont not que ltat

    103 () Ainsi, ltat peut adopter un systme socialiste, mixte ou capitaliste libral.VEHOVEN Joe, Les contrats entre tats et ressortissants des autres tats, in le contrat conomique international, Paris-Pdone, 1975, pp. 120 et s ; LEDUCQ X., Les accords de dveloppement conomique, op. cit., thse, Rouen, 1981, p. 282 ; Cour de Cassation, Ch. Civ., 21 juillet 1987, socit Italienne c./ Banque Commerciale Congolaise, Rev. Crit. Dr. Int. Priv, 1988, spc. pp. 347-48 et s, note RMOND-GOUILLOUD M.. 104 () HAURIOU A., GICQUEL J., Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, 7me d. 1980, p. 97.105 () Avis de la Commission darbitrage pour le problme de la paix en Ex-Yougoslavie, 29 novembre 1991, R. G.D.I.P., 1992, p. 264.

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    est une personne morale d'un type tout fait particulier, et parler de ltat comme

    personne morale ce nest saisir quune petite partie de sa ralit (106). La dfinition

    attribue ltat souverain nest donc pas suffisante sur le plan contractuel (107). Elle

    est, certes, un lment indispensable pour parler dun tat, mais sa qualit de

    contractant exige un lment substantiel. La Charte de La Havane a tent dlaborer

    une dfinition particulire ltat commerant. Elle lui a confi la qualit de

    cocontractant du droit Priv lorsquil ngocie avec des trangers ou contrle ses

    manations impliques avec eux dans des relations conomiques ou commerciales (108).

    Cette dfinition a t critique puisquelle ne distinguait pas ltat de ses

    dmembrements, participant indpendamment de lui aux investissements ou au

    commerce international (109). Cette critique a incit certains rechercher une

    apprciation adquate de ltat contractant travers lvaluation statistique de ses

    activits extrieures et lexamen de leurs effets sur son conomie nationale (110).

    24. Ces apprciations nont pas dlimit la frontire entre les qualits souveraine

    et contractante de ltat. Une telle distinction est essentielle. Les actes de ltat

    souverain et ceux de ltat contractant ne relvent pas forcement dun seul systme

    juridictionnel. La pratique est riche denseignements propos des tats qui modulent

    leurs qualits au gr de leurs besoins ou de ceux de leurs entits. Il est difficilement

    imaginable que ltat contractant ne tienne pas compte des intrts du souverain ou que

    ce dernier ne vienne au secours du contractant (111). Malgr son intrt, la distinction

    sus-indique est une dmarche malaise. Les deux qualits fusionnent en une seule

    entit : ltat. Elles sont loin dtre identifiables car, en se liant par des contrats et en les

    106 () DREYFUS F., F. DARCY, Les Institutions politiques et administratives de la France, 3me

    dition, conomica, Paris, 1989, p. 207.107 () Ainsi, la non-reconnaissance dun tat par celui du juge du for nest gure indispensable en matire conflictuelle. Ltat non-reconnu peut contracter et ester en justice condition quil soit stable, effectif et oprationnel. COSNARD M., La soumission des tats aux tribunaux internes face la thorie des immunits des tats, Publication de la R.G.D.I.P., 1996, pp. 83 et s. Dans une affaire opposant la Banque de la Rpublique Dmocratique du Vietnam, la Cour dAppel de Paris a trac ce principe essentiel. Bien que cette manation relevait dun tat non reconnu par la France, la Cour lui a accord les immunits de juridiction et dexcution considrant quelles rsultent de lindpendance et de la souverainet de ltat, non de sa reconnaissance. La personnalit dun tat se fonde sur lexercice effectif des comptences tatiques internes et internationales, sur un territoire dtermin o son gouvernement est obi par la majorit de sa population. Par ces faits, la Rpublique Dmocratique du Vietnam et ses entreprises doivent bnficier en France de limmunit ncessaire lexercice de leurs actes , MAYER P., Le Droit International Priv, 6me d. Montchrestien, 1998, p. 209, n 325 ; RAID Fouad., Les contrats de dveloppement conomique, Contrats conclus entre les tats en dveloppementet les Multinationales , Les Petites-Affiches, 1986, n 86, p. 23.108 () CISTAC G., Le renouvellement du rle de ltat , op. cit., D.P.C.I., 1996, p. 173.109 () MAYER P., op. cit., , pp. 5 et s. 110 () CISTAC G., op. cit., D.P.C.I., 1996, pp. 168-182.111 () JACQUET J.-M., op. cit., d. Juris-Classeur, Dr. Int., 1998, fasc. 565-60, p. 25, n 121.

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    rsiliant, ltat exerce sa souverainet (112). Ce constat est marqu par sa prennit. La

    Cour Permanente de Justice Internationale la solennellement affirm : lengagement

    contractuel de ltat nest pas une restriction mais une manifestation de la souverainet.

    Celle-ci est un concept difficilement compatible avec lapplication des normes

    juridiques (113). Concevable est alors la position dune doctrine divise.

    Linternationaliste de droit public nie ltat contractant la dualit entre souverain et

    Administration (I), celui de Droit priv tend lassimiler aux oprateurs ordinaires du

    droit commun. Ces deux visions sont contestes : lune est malmene, lautre est

    exagre (II).

    I / De lidentification entre tat souverain et tat-Administration

    A) La thorie