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ORGANISATION DE J E U TACTIQUE/PLAN DE JEU GEORGES BOULOGNE, DIRECTEUR TECHNIQUE NATIONAL. Une confusion regrettable règne entre les éléments qui régissent le jeu col- lectif... Cette confusion concerne le mot tac- tique, auquel on fait dire beaucoup plus qu'il ne peut désigner. Le mot sonne dur et net. Il impressionne les dilettantes du football qui s'inclinent devant sa résonance métallique et sa rigueur militaire. Mais il couvre des énormités et permet les interpréta- tions les plus abusives, les plus fantai- sistes ou les plus saugrenues... Ainsi, on range dans le domaine de la tactique les éléments les plus divers et les plus dissemblables : l'organisation de jeu (appelée aussi système ou méthode...) le choix d'un joueur, son jeu de posi- tion, voire son insuffisance ou ses erreurs techniques... le jeu (trop offensif ou trop défensif) d'une équipe, son infériorité ou sa supériorité foncière, son rythme, son style... Il n'est évidemment plus possible d'accepter de telles confusions. Ainsi, on en appelle périodiquement aux meilleurs joueurs ou entraîneurs du moment pour leur taire endosser, à propos de tactique, des déclarations ou des prises de positions aussi fra- cassantes qu'inexactes. C'est regret- table et dangereux. Les grands joueurs de football ont les pieds sur le terrain et une tête solide, habituée à résoudre les problèmes réels du jeu. Ces problèmes les inté- ressent, non les dissertations ou digressions fumeuses sur le football et ses prolongements. Ils ont raison de dire que la tactique est l'affaire des joueurs et qu'elle ne saurait être, pen- dant le match, celle des entraîneurs. Mais on interprète leur pensée et on se trompe grossièrement en extra- polant jusqu'à l'organisation de jeu ce qu'ils ont dit à propos de tactique. Car tous savent plus ou moins claire- ment qu'il y a une différence entre l'or- ganisation de jeu et la tactique, car tous revendiquent justement la liberté tactique mais jouent en fonction et au sein d'une organisation de jeu, dont ils se servent et dont ils reconnaissent l'utilité. Il semble donc nécessaire de définir et de préciser maintenant les princi- paux éléments du jeu collectif : L'organisation de jeu, La tactique. Le plan de jeu... L'ORGANISATION DE JEU L'organisation de jeu concerne la répartition générale des tâches sur le terrain. NECESSITE ET BASES DE L'ORGANISATION DE JEU Il tombe sous le sens que, si plusieurs hommes associent leurs efforts en vue d'accomplir une certaine tâche, il importe de fixer, au moins approxi- mativement, les fonctions de chacun... Dans ses grandes lignes, l'organisation de jeu est déterminée par les buts et les conditions du jeu : définition des objectifs à attaquer et à défendre (buts de 7, 32 m x 2,44 m) ; opposi- tion de deux équipes. Ces deux éléments essentiels déter- minent les dispositions de base logi- quement utilisées dans la pratique du jeu, et d'ailleurs communes à tous les sports collectifs ; placement sur le terrain en fonction de l'objectif à atta- quer et de l'objectif à défendre (zone), ou placement en fonction de l'adver- saire à dominer ou à neutraliser (indi- viduelle). D'autres éléments, propres au football, interviennent dans le dégagement de l'organisation de jeu : forme et dimen- sions du terrain, nombre de joueurs, interdiction du jeu de main, privilèges du gardien, règle du hors-jeu, dimen- sions du but... Enfin, le niveau technique et tactique des joueurs provoque son évolution. EVOLUTION DE L'ORGANISATION DE JEU L'organisation de jeu reposant sur des éléments fixes, (sauf le niveau techni- que et tactique des joueurs), il est cer- tain qu'on peut la dégager théorique- ment de ces éléments. Le souci d'efficacité et l'amélioration technique et tactique des joueurs (les manoeuvres rapides, en particulier le « Une - Deux I » et le jeu à trois ; les permutations incessantes entre atta- Les causes principales de nos erreurs viennent presque toutes du mauvais emploi des mots... Gustave FLAUBERT. 52 Revue EP.S n°117 Septembre-Octobre 1972. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

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ORGANISATION DE J E U T A C T I Q U E / P L A N DE J E U

GEORGES BOULOGNE, DIRECTEUR TECHNIQUE NATIONAL.

Une confusion regrettable règne entre les éléments qui régissent le jeu c o l ­lect i f . . .

Cette confusion concerne le mot t ac ­t ique , auquel on fait d ire beaucoup plus qu'il ne peut désigner. Le mot sonne dur et net. Il impressionne les dilettantes du football qui s'inclinent devant sa résonance métallique et sa rigueur militaire. Mais il couvre des énormités et permet les interpréta­tions les plus abusives, les plus fantai­sistes ou les plus saugrenues...

Ainsi, on range dans le domaine de la tactique les éléments les plus divers et les plus dissemblables : l'organisation de jeu (appelée aussi système ou méthode...) le choix d 'un joueur , son jeu de posi­tion, voire son insuffisance ou ses erreurs techniques... le jeu (trop offensif ou trop défensif) d'une équipe , son infériorité ou sa supériorité foncière, son rythme, son style...

Il n'est évidemment plus possible d'accepter de telles confusions.

Ains i , on en appel le pé r i od i quemen t aux me i l l eu rs j oueurs ou ent ra îneurs du m o m e n t pour leur ta ire endosser, à p ropos de tac t ique , des déc la ra t ions ou des pr ises de pos i t ions aussi f r a ­cassantes qu ' inexac tes . C'est regre t ­tab le et dangereux .

Les g rands joueurs de foo tba l l on t les p ieds sur le ter ra in et une tê te sol ide, hab i tuée à résoudre les p rob lèmes réels du jeu . Ces p rob lèmes les in té ­ressent , non les d isser ta t ions ou d igress ions f u m e u s e s sur le foo tba l l et ses p ro l ongemen ts . Ils on t ra ison de dire que la tac t i que est l 'affaire des joueurs et qu 'e l le ne saura i t être, p e n ­dant le m a t c h , cel le des ent ra îneurs . Ma is on in terprè te leur pensée et on se t r o m p e g ross iè rement en ex t ra ­po lan t jusqu 'à l 'o rgan isa t ion de jeu ce qu ' i ls on t d i t à p ropos de tac t ique . Car tous savent p lus ou m o i n s c la i re­m e n t qu ' i l y a une d i f fé rence ent re l 'or­gan isa t ion de jeu et la tac t i que , car tous revend iquen t j u s t e m e n t la l iber té tac t ique mais j ouen t en f o n c t i o n et au sein d 'une o rgan isa t ion de jeu , d o n t

i ls se servent et don t ils reconna issent l'utilité. Il semb le donc nécessaire de déf in i r et de préciser ma in tenan t les p r inc i ­paux é l émen ts du jeu co l lect i f : L 'organisat ion de j eu , La tac t ique . Le p lan de jeu. . .

L 'ORGANISATION DE JEU

L'organisation de jeu concerne la répartition générale des tâches sur le terrain.

NECESSITE ET BASES DE L'ORGANISATION DE JEU Il tombe sous le sens que, si plusieurs hommes associent leurs efforts en vue d'accomplir une certaine tâche, il importe de fixer, au moins approxi­mativement, les fonctions de chacun...

Dans ses grandes lignes, l'organisation de jeu est déterminée par les bu ts et les cond i t ions du jeu : définition des objectifs à attaquer et à défendre (buts de 7, 32 m x 2,44 m) ; opposi­tion de deux équipes.

Ces deux éléments essentiels déter­minent les dispositions de base logi­quement utilisées dans la prat ique du jeu , et d'ailleurs communes à tous les sports collectifs ; placement sur le terrain en fonction de l'objectif à atta­quer et de l'objectif à défendre (zone), ou placement en fonction de l'adver­saire à dominer ou à neutraliser ( ind i ­v iduel le ) .

D'autres éléments, propres au football, interviennent dans le dégagement de l'organisation de jeu : forme et dimen­sions du terrain, nombre de joueurs, interdiction du jeu de main, privilèges du gardien, règle du hors-jeu, dimen­sions du but...

Enfin, le niveau technique et tactique des joueurs provoque son évolution.

EVOLUTION DE L'ORGANISATION DE JEU L'organisation de jeu reposant sur des éléments fixes, (sauf le niveau techni­que et tactique des joueurs), il est cer­tain qu'on peut la dégager théorique­ment de ces éléments.

Le souci d'efficacité et l'amélioration technique et tactique des joueurs (les manoeuvres rapides, en particulier le « Une - Deux I » et le jeu à trois ; les permutations incessantes entre atta-

Les causes principales de nos erreurs viennent presque toutes du mauvais emploi des mots... G u s t a v e F L A U B E R T .

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quants...) ont amené les équipes â renforcer l'attaque et la défense devant les buts (deux attaquants et deux défenseurs centraux) en allé­geant l'occupation permanente des zones latérales du terrain.

La nouvelle disposition des joueurs sur le terrain, basée sur ce r e n f o r ­c e m e n t de la défense centra le (et souvent de l'attaque centrale) a amené l'apparition des organisations de jeu qui s'imposent à l'heure actuelle : 4.3.3. (ou 4.4.2.) à dominante zone ; c o u v e r t u r e (ou catenaccio) à domi­nante ind iv iduel le .

ADAPTATION DE L'ORGANISATION DE JEU A partir de ces deux types d'orga­nisation de jeu (et compte tenu de la dominante choisie) les équipes s'or­ganisent en fonction de la valeur et des qualités de leurs éléments constitutifs... Il est inconséquent de chercher à attri­buer une valeur absolue aux organisa­tions de jeu et à leur conférer une rigi­dité qu'elles n'ont pas et ne peuvent avoir... Sur la trame proposée par l'une des organisations de jeu types, les hommes peuvent se disposer diffé­remment selon leurs qualités, leurs aptitudes, leurs moyens, leur complé­mentarité. Ainsi les ailiers et les arrières latéraux, comme les tandems d'attaquants centraux et d'arrières centraux, et les demis.

De même qu'il ne peut y avoir deux joueurs semblables, il n'y a pas deux équipes qui interprètent le 4.3.3. ou la couverture de façon abso lument ident ique . Ce n'est pas possible, car ce sont des hommes aux moyens dif­férents qui assument les fonctions de base ; et ils les assument, évidem­ment, de façon différente.

Il est donc stupide de prétendre que les organisations de jeu actuelles constituent des stéréotypes, trans­formant les joueurs en robots. Il n'est que de comparer les différentes équipes utilisant les mêmes organi­sations de bases pour s'en convain­cre.

Lors de la dernière Coupe du Monde, le Brésil et l'Uruguay, à partir d'une même organisation de jeu (à l'origine 4.3.3. et zone) ont évolué sur des schémas et dans un esprit très diffé­rents.

De même, à partir de l'individuelle, l'Allemagne et l'Italie ont exprimé des

types et un esprit de jeu très dissem­blables.

Il en est, il en a été et il en sera tou­jours de même pour toutes les orga­nisations de jeu : elles p roposent une base générale, les h o m m e s qui les ut i l isent les adaptent et s 'y adaptent .

Un autre faux problème est celui qui consiste à prétendre décider formel­lement de la direction et de l'impor­tance de l'adaptation. En d'autres ter­mes, doit-on adapter l'organisation aux hommes ou les hommes à l'orga­nisation ?

Il est évident que l'adaptation est réciproque et les entraîneurs doivent adapter l'organisation de jeu aux élé­ments dont ils disposent.

IMPORTANCE DE L'ORGANISATION DE JEU Il est toujours, en France tout au moins, de bon ton de nier l'intérêt d'une bonne organisation de jeu (comme celui de toute organisation, d'ailleurs) de refuser l'adaptation nécessaire aux formes modernes de jeu (4.3.3. - 4.4.2., ou couverture) et de prétendre que l'organisation n'a qu'une importance secondaire et qu'elle doit être totalement assujettie aux joueurs. C'est une grave erreur !

S'il est vrai qu'une bonne organisation doit être adaptée aux joueurs (et ceux-ci à l'organisation) il n'en reste pas moins nécessaire d'avoir une véritable organisation de jeu et une organisation de jeu tenant compte des nécessités du football moderne...

TENDANCE DE L'ORGANISATION DE JEU Toute organisation vise au meilleur rendement, c'est-à-dire, en l'occur­rence a augmenter les chances de victoire.

Cette victoire pouvant être acquise par l'écart minimal (1-0), cet écart étant plus facile à obtenir par un renfor­cement défensif (nombre, qualité et esprit des défenseurs), la tendance au renforcement défensif s'est mani­festée depuis l'origine et renforcée au fil des années.

Cette tendance est inéluctable car elle est liée aux conditions et règles du jeu. Toutes les belles théories sur l'esprit du jeu, toutes les naïves croisades sur l'offensive sont vouées à l'échec tant que les règles du jeu permettront et

favoriseront la victoire par 1 à 0. Seules des dispositions favorisant nettement l'offensive c'est-à-dire augmentant sans équivoque les possi­bilités de marquer des buts, peuvent renverser cette tendance. Dans ce domaine, il sera nécessaire que les techniciens, qui sont tenus pour res­ponsables de l'évolution du jeu et for­tement critiqués à ce titre, inter­viennent un jour pour provoquer la modification des conditions du jeu dans un sens favorable à l'attaque.

CHOIX DE L'ORGANISATION DE JEU Le choix de l'organisation de jeu et son adaptation aux individualités composant l'équipe est l'affaire du technicien responsable. Lui seul peut effectuer ce choix, non les dirigeants peu avertis des problèmes de cet ordre, non les joueurs préoccupés de leur action individuelle, non les jour­nalistes qui ne connaissent pas les éléments du choix.

Mais il est également nécessaire que les joueurs adaptent leur action aux grandes lignes de l'organisation de jeu. Sur le terrain, un joueur ne peut prétendre à la liberté d'action que dans le cadre de sa fonction (qui lui a été confiée compte tenu de ses apti­tudes et de ses possibilités). La liberté excessive d'un joueur se traduit néces­sairement par la servitude d'autres joueurs. Seuls le talent et l'activité exceptionnels d'un joueur peuvent jus­tifier sa liberté et la servitude corollaire de ses équipiers. Mais l'absence, la retraite ou simplement l'affaiblisse­ment du joueur provoquent des pertur­bations profondes au sein de l'équipe.

REALITE DE L'ORGANISATION DE JEU Très vite, les équipes de football se sont organisées et, aujourd'hui, tous les joueurs se disposent suivant des schémas précis, pour remplir des fonctions définies. Les libertaires eux-mêmes estiment que les autres au moins doivent ordonner leurs efforts, ne serait-ce que pour faciliter leur pro­pre action.

A u c u n e équipe ne peut pré tendre faire f i de l 'organisat ion de j eu , car les joueurs sont habitués aux diverses fonctions et les assument spontanément : à tel point, d'ailleurs, que l'attribution d'un numéro ou d'un autre est susceptible de modifier pro­fondément le comportement d'un

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joueur, sans que le responsable technique y puisse quelque chose.

Prétendre concevoir une organisation de jeu originale pour une époque ou une équipe relève de la fantaisie pure et simple ou de l'inconscience : l'évo­lution du jeu fixe des bases impéra-tives qu'on ne peut transgresser impu­nément ; la pratique impose des nécessités qu'il faut accepter et res­pecter.

DES OPPOSITIONS INEVITABLES, MAIS... Cette évo lu t ion p rovoque b ien des levées de boucl iers . Il y a les anciens joueurs qui ne peu­vent admettre qu'on joue proprement au football après eux, et surtout mieux qu'eux.

Il y a les j oueurs réputés qui se sont taillé une large place dans l'ancienne organisation de jeu et qui ne trouvent pas la même place dans la nouvelle... Il y a tous ceux qui parlent de foot­ball depuis dix, vingt ou trente ans, sans avoir jamais compris le jeu, et qui s'affolent de ne plus pouvoir placer leurs clichés et leurs jugements formels.

Et pourtant, l'évolution s'impose par­tout et l'on passe de la m é t h o d e classique au W . M . c o m m e du f iacre au tax i , et du W . M . au 4.4.2. et à la couver tu re c o m m e de l 'hé­lice au réacteur. . . Aussi inéluctable­ment.

LA TACTIQUE

La Tact ique est la réponse spontanée des joueurs ou de petits groupes de joueurs aux situations qui se présen­tent à eux, aussi bien en attaque qu'en défense, aussi bien sur le plan indivi­duel que collectif. Elle concerne seu­lement des opérations limitées dans le temps, dans l'espace et dans le nombre des participants.

Le sens tac t ique définit la qualité et la rapidité de réaction du joueur aux situations de jeu. Il traduit l'intelligence individuelle et collective dans le jeu. Il a les mêmes bases que l'intelligence, c'est-à-dire une aptitude (le sens du jeu) et une bonne mémoire (clichés de jeu). Il peut être éduqué et enrichi. A la rigueur, il peut être ramené à quelques situations-clés : 1 contre 1, 2 contre 1, 2 contre 2, 1 contre 2, 3 contre 2, 2 contre 3...

Il permet aux joueurs et aux groupes de joueurs une bonne adaptation aux circonstances de jeu placement, sollicitation, couverture, mouvements combinés, adaptation temporaire (offensive ou défensive) en fonction de l'opposition...

Bien qu'elle puisse être et qu'elle soit, en fait, influencée par des répétitions de situations et de mouvements, la tactique doit s'adapter aux circons­tances momentanées du jeu. Elle reste donc dépendante du jugement des joueurs eux-mêmes et de leur interpré­tation de ces circonstances de jeu, ainsi que de leurs possibilités techni­ques.

O R G A N I S A T I O N DE JEU ET TACTIQUE

RAPPORTS DE L'ORGANISATION DE JEU ET DE LA TACTIQUE L'organisation de jeu et la tactique ne s'opposent pas. Elles se c o m p l è ­ten t .

L 'organisat ion de jeu assure une base rat ionnel le à l 'équipe et per­met une meilleure répartition des efforts, donc un mei l leur rendement . Elle donne des positions de base aux joueurs, définit leurs fonctions princi­pales, assure la cohésion de l'équipe, fixe des lignes de développement pour les manœuvres tactiques...

La tac t ique anime l 'organisat ion de jeu et, de logique, la rend v ivante et humaine. Elle facilite l'utilisation judicieuse et opportune des qualités physiques et techniques des joueurs ou des groupes de joueurs. Elle vise, localement, à mettre l'organisation de jeu adverse en défaut (attaque) ou à pallier les défaillances de sa propre organisation de jeu (défense). L'orga­nisation de jeu et la tactique concou­rent donc aux mêmes buts, le m e i l ­leur rendement o f fens i f et d é f e n ­sif , soit par l 'organisat ion générale, rationnelle, pensée et raisonnée (organisation de jeu), soit par l 'act ion locale, instantanée, in tu i t i ve et spontanée (tactique).

L'EQUIPE, UN ETRE HUMAIN ! On compare souvent l'équipe de foot­ball à une machine ou à un robot. C'est une erreur !

Une machine n'a pas d'intelligence. Une machine ne juge pas, ne s'adapte

pas aux circonstances. Quand une machine perd une pièce, elle s'arrête...

Un robot ne répond qu'à des pro­blèmes résolus à l'avance. Il ne crée pas. Toutes les combinaisons sont prédéterminées, car les données sont précises et limitées, ce qui ne peut être le cas des situations de jeu qui sont toujours con t ingen tes et extrê­mement diversifiées.

Une équipe de foo tba l l est c o m p a ­rable à un être humain dont les joueurs représentent les organes importants et remplissent des fonc­tions interdépendantes. Comme les organes, les joueurs ont des fonctions déterminées. Mais, comme dans l'organisme humain, des adaptations, des entraides, des compensations, des « suppléances », se produisent plus ou moins spontanément.

L'être humain se caractérise par son aptitude à juxtaposer des attitudes et des actions volontaires, pen­sées et organisées, aux fonctions végétatives et aux actes instinc­tifs. Car l'homme, par delà le fonction­nement naturel de ses organes qui assure son existence, est capable d'organiser sa vie de relation et d'in­fluencer, par l'éducation et dans cer­taines limites, sa vie végétative, en vue d'un meilleur rendement ou d'une meilleure adaptation au milieu. Et le football, ce magnifique jeu d'homme, qui doit justement l'essen­tiel de sa prodigieuse popularité à sa parfaite humanité, répond aux carac­téristiques humaines.

Dans cet organisme vivant qu'est l'équipe, l'organisation de jeu corres­pond au système nerveux de relation, soumis à la volonté, et la tactique représente le système nerveux végé­tatif, indépendant de la volonté, mais justiciable d'une certaine éducation. Les deux systèmes se conjuguent et se complètent pour un meilleur fonc­tionnement de la machine humaine.

Il est normal que les joueurs rem­plissent leurs fonctions et coordonnent leurs actions dans le but de fournir certaines tâches offensives et défen­sives. C'est l 'organisat ion de jeu .

Mais il est normal aussi qu'un joueur aille spontanément à l'aide d'un parte­naire, soit pour favoriser son action, soit pour le suppléer. Il est normal que les attaquants se portent au secours de leurs défenseurs submer­gés, et qu'un défenseur se lance dans un espace libre pour solliciter le ballon.

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Il est normal qu'une équipe, dans son ensemble, se regroupe devant son but pour résister à une forte pression de l'adversaire, et qu'elle se porte en bloc à l'avant pour essayer de forcer une défense acculée. Ce sont là des réac­t ions tac t iques qui caractérisent les véritables joueurs et équipes de foot­ball.

Ces adaptations tactiques compensent les défaillances de l'organisation de jeu en défense ou comblent ses lacunes en attaque. Si ces adaptations sont insuffisantes, l'équipe, quelle que soit la qualité de son organisation, manque de valeur foncière.

Il peut aussi arriver que ces réactions tactiques soient exagérées, troublent considérablement l'organisation de jeu et, en définitive, diminuent la valeur de l'équipe, exactement comme certaines réactions de l'organisme peuvent troubler la santé de l'individu.

Il appartient alors à l'entraîneur, médecin de l'équipe, de trouver les délicats ajustements nécessaires pour équilibrer les fonctions (organisation de jeu) et les adaptations (tactique). Mais il ne peut prétendre maîtriser totalement les réactions tactiques spontanées (adaptations) des joueurs, aux attaques ou résistances (stresses) adverses. La plupart de ces réactions sont normales et utiles, et c'est seule­ment leur exagération qui constitue un a f fa ib l issement .

LE PLAN DE JEU

Le plan de jeu concerne les d i s p o ­s i t ions prises en vue d 'une r e n ­cont re dé te rminée . Il change donc à chaque match.

Le plan de jeu ne doit pas altérer pro­fondément l'organisation de jeu, ni la tactique.

Une équipe a ses forces et ses habi tudes. Il faut les respecter, ne serait-ce que parce qu'il est impos­sible de les modifier profondément.

Mais entre le « Good game, boys » ou le « Allez les gars » et la compli­cation il y a possibilité d'éviter les erreurs et les surprises et de prendre des dispositions mineures utiles.

D'abord, apprendre à l 'équipe à se connaî t re e l l e -même, dans une o p p o s i t i o n dé terminée . Car chaque match a sa vérité. Et l'équipe a un visage différent suivant l'opposition.

Quand l'adversaire est connu, on peut prévoir, avec une certaine approxima­tion, sa tenue d'ensemble et ses réac­tions probables. Donc, on peut la préparer à la physionomie générale du match, qu'elle pourra ainsi aborder avec sérénité.

Ensuite, la prévenir de la qual i té et de la f o r m e d ' o p p o s i t i o n qu'elle ren­contrera, tant sur le plan collectif qu'individuel.

Donc éviter les surprises des pre­mières minutes, déjouer les pièges, reconnaître aussitôt les dévelop­pements adverses, réagir de la meil­leure façon aux formes de jeu (force ou finesse, simplicité ou astuce) et aux principes d'organisation (zone ou indi­viduelle).

Enfin, déterminer les forces de l'équipe et les faiblesses adverses, et essayer d'en profiter en répétant à l'entraîne­ment une ou deux combinaisons tac­tiques susceptibles de porter leurs fruits.

Sans évidemment, se faire trop d'illu­sions sur les chances de réussite d'un mouvement non automatisé, et sur­tout sur l'aptitude des joueurs à utiliser et même à se le rappeler au-delà d'un certain laps de temps. Après 20 à 30 minutes, les habitudes ont géné­ralement repris le dessus, et l'équipe joue avec ses automatismes anciens.

Ces restrictions ne doivent toutefois pas réduire à néant les possibilités du plan de jeu.

Le plan de jeu permet de donner des atouts supplémentaires, mineurs mais intéressants, à l'équipe.

Et, surtout, c'est la s o m m e des plans de jeu exposés et utilisés tout au long d'une carrière qui fait la valeur tacti­que des joueurs...

CONCLUSIONS

Ainsi, organisation de jeu, tactique et plan de jeu concourent à donner de la valeur et de l 'e f f icaci té au jeu d'équipe. L'organisat ion de jeu est générale et permanente : dans ses grandes lignes, elle se retrouve toujours sem­blable, aux mêmes époques, sous toutes les latitudes, sous ses deux dominantes (zone ou individuelle) : elle ne peut et ne doit pas être changée sans une longue préparation.

La tac t ique est c o n t i n g e n t e et spontanée : elle est adaptée aux

circonstances momentanées de jeu ; elle est instantanée.

Le plan de jeu, quant à lui, est tem­poraire et adapté : il vaut seulement pour la durée d'une opposition déter­minée ; et il est adapté à cette oppo­sition.

Peut-on fixer une h iérarchie entre ces trois éléments du jeu collectif ? Oui, sans doute, à condition de ne pas commettre l'habituelle erreur qui consiste à donner une valeur trop formelle ou trop absolue à la « hiérar­chisation » de trois éléments complé­mentaires, donc indispensables les uns aux autres.

L'organisat ion de jeu permet d'ob­tenir un meilleur rendement d'un ensemble, mais l'amélioration est limitée. Il est bon toutefois de rappe­ler que, tous autres facteurs égaux, une équipe organisée obtiendra de bien meilleurs résultats et surtout des résultats plus suivis et plus constants qu'une équipe dont le jeu est laissé à l'inspiration des joueurs ou même d'un grand joueur. Il est bon aussi d'insister sur le fait qu'il n'existe pas de grandes équipes qui ne soient sérieusement organisées.

Le plan de jeu permet d'aborder une confrontation déterminée avec le maximum d'atouts et surtout d'éviter des surprises désagréables.

Mais l'élément prépondérant reste la valeur tac t ique qui, avec les valeurs physique, technique et morale constitue la valeur fonc iè re de l 'équipe et détermine son ap t i tude à répondre e f f icacement aux c o n d i ­tions du jeu. Ce qui fait la fo rce d 'une équipe, c'est d'abord la qua l i té des joueurs qui la composent, donc, la s o m m e des valeurs indiv iduel les .

C'est ensuite, leur so l idar i té , leur c o m p l é m e n t a r i t é , leur espri t c o l ­lect i f , leur en ten te , la bonne c o n j u ­gaison de leurs e f f o r t s , c'est-à-dire la valeur tac t ique de l 'équipe.

L 'organisat ion de j e u , la bonne organisation de jeu, c'est-à-dire une organisation répondant aux nécessités du football moderne, bien adaptée et bien assimilée, n'intervient qu'ensuite.

Il est certain qu'une bonne équipe est formée d'un ensemble de bons joueurs se comprenant et se c o m p l é t a n t bien et parfaitement organisés.

G. B O U L O G N E

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