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ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE Guide des politiques et des services de santé mentale Les soins de santé mentale doivent être fournis par les services de santé généraux et les milieux communautaires. Il faut remplacer les vastes institutions psychiatriques centralisées par des services de santé mentale plus appropriés.

ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

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ORGANISATIONDES SERVICES

DE SANTÉ MENTALE

Guide des politiques et des services de santé mentale

“Les soins de santé mentale doivent être fournis par les services de santé

généraux et les milieux communautaires. Il faut remplacer

les vastes institutions psychiatriques centralisées par des services de santé mentale plus appropriés.”

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ORGANISATIONDES SERVICES

DE SANTÉ MENTALE

Guide des politiques et des services de santé mentale

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© Organisation mondiale de la Santé 2010

Tous droits réservés. Il est possible de se procurer les publications de l’Organisation mondiale de la Santé auprès des Editions de l’OMS, Organisation mondiale de la Santé, 20 avenue Appia, 1211 Genève 27 (Suisse) (téléphone : +41 22 791 3264 ; télécopie : +41 22 791 4857 ; adresse électronique : [email protected]). Les demandes relatives à la permission de reproduire ou de traduire des publications de l’OMS – que ce soit pour la vente ou une diffusion non commerciale – doivent être envoyées aux Editions de l’OMS, à l’adresse ci-dessus (télécopie : +41 22 791 4806 ; adresse électronique : [email protected]).

Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’Organisation mondiale de la Santé aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les lignes en pointillé sur les cartes représentent des frontières approximatives dont le tracé peut ne pas avoir fait l’objet d’un accord définitif.

La mention de firmes et de produits commerciaux ne signifie pas que ces firmes et ces produits commerciaux sont agréés ou recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé, de préférence à d’autres de nature analogue. Sauf erreur ou omission, une majus-cule initiale indique qu’il s’agit d’un nom déposé.

L’Organisation mondiale de la Santé a pris toutes les précautions raisonnables pour véri-fier les informations contenues dans la présente publication. Toutefois, le matériel publié est diffusé sans aucune garantie, expresse ou implicite. La responsabilité de l’interpré-tation et de l’utilisation dudit matériel incombe au lecteur. En aucun cas, l’Organisation mondiale de la Santé ne saurait être tenue responsable des préjudices subis du fait de son utilisation.

Imprimé en Suisse

Pour plus d’informations techniques concernant cette publication : Dr Michelle Funk Département Santé mentale et Toxicomanies Organisation mondiale de la Santé CH-1211 Genève 27 (Suisse)Tél. : +41 22 791 3855 Fax : +41 22 791 4160 Courrier électronique : [email protected]

Citation suggérée: Organisation des services de santé mentale. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2003 (Guide des Politiques et des Services de Santé Mentale).

Catalogage à la source: Bibliothèque de l’OMS: Organisation des services de santé mentale.(Guide des politiques et des services de santé mentale) 1.Santé mentale. 2.Service santé mentale - organisation et administration. 3.Politique gouvernementale. 4.Programme national santé - organisation et administration. 5.Mise en œuvre plan sanitaire. 6.Directives planification santé. I.Organisation mondiale de la Santé. II.Série. ISBN 978 92 4 254592 0 (Classification NLM: WM 30)

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Page 5: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Remerciements

Le Guide des politiques et des services de santé mentale a été établi sous la direction du Dr Michelle Funk, Coordonnatrice, Politique de santé mentale et développement des services, et sous l’autorité du Dr Benedetto Saraceno, Directeur, Département Santé mentale et toxicomanies, Organisation mondiale de la Santé.

Ce module a été préparé par le Dr Soumitra Pathare, Ruby Hall Clinic, Inde, le Dr Michelle Funk et Mlle Natalie Drew, Organisation Mondiale de la Santé, Suisse, et le Professeur Alan Flisher, Université de Cape Town, Afrique du Sud. Les Dr Silvia Kaaya, Dr Gad Kilonzo, et Dr Jesse K: Mbwambo, Centre Médical Muhimbili, Tanzanie, et le Dr Ian Lockhart, Université de Cape Town, Afrique du Sud ont également rédigé des documents qui furent utilisés pour la préparation de ce module.

Groupe de coordination rédactionnelle et technique :

Dr Michelle Funk, Siège de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Mme Natalie Drew, Siège de l’OMS, Dr JoAnne Epping-Jordan, Siège de l’OMS, Prof Alan J. Flisher, University of Cape Town, Observatory, République d’Afrique du Sud, Prof Melvyn Freeman, Département de la Santé, Pretoria, Afrique du Sud, Dr Howard Goldman, National Association of State Mental Health Program Directors, Research Institute and University of Maryland School of Medicine, États-Unis, Dr Itzhak Levav, Services de Santé mentale, Ministère de la Santé, Jérusalem, Israël, et Dr Benedetto Saraceno, Siège de l’OMS.

Le Dr Crick Lund, University of Cape Town, Observatory, République d’Afrique du Sud, a assuré la révision technique du module.

Assistance technique :

Dr Jose Bertolote, Siège de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Dr Thomas Bornemann, Siège de l’OMS, Dr José Miguel Caldas de Almeida, Bureau régional OMS des Amériques, Dr Vijay Chandra, Bureau régional OMS de l’Asie du Sud-Est, Dr Custodia Mandlhate, Bureau régional OMS de l’Afrique, Dr Claudio Miranda, Dr Ahmed Mohit, Bureau régional OMS de la Méditerranée orientale, Dr Wolfgang Rutz, Bureau régional OMS de l’Europe, Dr Erica Wheeler, Siège de l’OMS, Dr Derek Yach, Siège de l’OMS, et le personnel du Groupe Preuves et information à l’appui des politiques, Siège de l’OMS, Dr Jean-Luc Roelandt, Directeur et Nicolas Daumerie, Chargé de mission, Centre collaborateur OMS pour la recherche et la formation en santé mentale.

Appui administratif et services de secrétariat :

Mme Adeline Loo, Mme Anne Yamada et Mme Razia Yaseen (Siège de l’OMS).

Présentation et conception graphiques : 2S ) graphicdesign

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L’OMS remercie également les personnes suivantes de leurs rapports d’expert et de leur contribution technique :

Dr Adel Hamid Afana Directeur, Département de la Formation et de l’Éduca-tion, Programme communautaire de la Santé mentale de Gaza

Dr Bassam Al Ashhab Ministère de la Santé, Autorité palestinienne, Cisjordanie

Mme Ella Amir Ami Québec, CanadaDr Julio Arboleda-Florez Department of Psychiatry, Queen’s University,

Kingston, Ontario, CanadaMme Jeannine Auger Ministère de la Santé et des Services sociaux,

Québec, Canada Dr Florence Baingana Banque mondiale, Washington DC, États-UnisMme Louise Blanchette Université de Montréal, Programme de Certificat en

Santé mentale, Montréal, Canada Dr Susan Blyth University of Cape Town, Le Cap, Afrique du SudMme Nancy Breitenbach Inclusion International, Ferney-Voltaire, FranceDr Anh Thu Bui Ministère de la Santé, Koror, République des PalaosDr Sylvia Caras People Who Organization, Santa Cruz, Californie,

États-UnisDr Claudina Cayetano Ministère de la Santé, Belmopan, BelizeDr Chueh Chang Taipei, TaïwanProf Yan Fang Chen Centre de Santé mentale de Shandong, Jinan,

République populaire de ChineDr Chantharavdy Choulamany Hôpital général de Mahosot, Vientiane, République

démocratique populaire laoDr Ellen Corin Centre de Recherche de l’Hôpital Douglas, Québec,

CanadaDr Jim Crowe Président, Association mondiale de la schizophrénie et

des maladies apparentées, Dunedin, Nouvelle-ZélandeDr Araba Sefa Dedeh École de Médecine de l’Université du Ghana, Accra,

GhanaDr Nimesh Desai Professor of Psychiatry and Medical Superintendent,

Institute of Human Behaviour and Allied Sciences, Inde

Dr M. Parameshvara Deva Département de Psychiatrie, Collège de Médecine de Perak, Ipoh, Perak, Malaisie

Prof Saida Douki Présidente, Société Tunisienne de Psychiatrie, Tunis, Tunisie

Prof Ahmed Abou El-Azayem Ancien Président, Fédération mondiale pour la Santé mentale, Le Caire, Égypte

Dr Abra Fransch WONCA, Harare, ZimbabweDr Gregory Fricchione Carter Center, Atlanta, États-Unis Dr Michael Friedman Nathan S. Kline Institute for Psychiatric Research,

Orangeburg, NY, États-UnisMme Diane Froggatt Directrice exécutive, Association mondiale de la

schizophrénie et des maladies apparentées, Toronto, Ontario, Canada

M. Gary Furlong Metro Local Community Health Centre, Montréal, Canada

Dr Vijay Ganju National Association of State Mental Health Program Directors Research Institute, Alexandria, VA, États-Unis

Mme Reine Gobeil Hôpital Douglas, Québec, CanadaDr Nacanieli Goneyali Ministère de la Santé, Suva, Fidji

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Page 7: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Dr Gaston Harnois Centre de Recherche de l’Hôpital Douglas, Centre col-laborateur de l’OMS, Québec, Canada

M. Gary Haugland Nathan S. Kline Institute for Psychiatric Research, Orangeburg, NY, États-Unis

Dr Yanling He Consultant, Ministère de la Santé, Beijing, République populaire de Chine

Prof Helen Herrman Department of Psychiatry, University of Melbourne, Australie

Mme Karen Hetherington Centre collaborateur OMS/PAHO, CanadaProf Frederick Hickling Section of Psychiatry, University of West Indies,

Kingston, JamaïqueDr Kim Hopper Nathan S. Kline Institute for Psychiatric Research,

Orangeburg, NY, États-UnisDr Tae-Yeon Hwang Directeur, Département de Réinsertion psychiatrique

et de Psychiatrie communautaire, Yongin, République de Corée

Dr A. Janca University of Western Australia, Perth, AustralieDr Dale L. Johnson Association mondiale de la schizophrénie et des mala-

dies apparentées, Taos, NM, États-UnisDr Kristine Jones Nathan S. Kline Institute for Psychiatric Research,

Orangeburg, NY, États-UnisDr David Musau Kiima Directeur, Département de la santé mentale, Ministère

de la Santé, Nairobi, KenyaM. Todd Krieble Ministère de la Santé, Wellington, Nouvelle-ZélandeM. John P. Kummer Equilibrium, Unteraegeri, SuisseProf Lourdes Ladrido-Ignacio Department of Psychiatry and Behavioural Medicine,

College of Medicine and Philippine General Hospital, Manille, Philippines

Dr Pirkko Lahti Secrétaire général/Président Directeur général, Fédération mondiale pour la Santé mentale, et Directeur exécutif, Association finlandaise de Santé mentale, Helsinki, Finlande

M. Eero Lahtinen Ministère des Affaires sociales et de la Santé, Helsinki, Finlande

Dr Eugene M. Laska Nathan S. Kline Institute for Psychiatric Research, Orangeburg, NY, États-Unis

Dr Eric Latimer Centre de Recherche de l’Hôpital Douglas, Québec, Canada

Dr Ian Lockhart University of Cape Town, Observatory, République d’Afrique du Sud

Dr Marcelino López Recherche et Évaluation, Fundación andaluza para la integracíon social del enfermo mental, Séville, Espagne

Mme Annabel Lyman Division de la Santé du Comportement, Ministère de la Santé, Koror, République des Palaos

Dr Ma Hong Consultant, Ministère de la Santé, Beijing, République populaire de Chine

Dr George Mahy University of the West Indies, St Michael, La BarbadeDr Joseph Mbatia Ministère de la Santé, Dar es-Salaam, TanzanieDr Céline Mercier Centre de Recherche de l’Hôpital Douglas, Québec,

CanadaDr Leen Meulenbergs Centre interuniversitaire belge pour la Recherche et

l’Action, la Santé et les Facteurs psychobiologiques et psychosociaux, Bruxelles, Belgique

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Dr Harry I. Minas Centre for International Mental Health and Transcultural Psychiatry, St. Vincent’s Hospital, Fitzroy, Victoria, Australie

Dr Alberto Minoletti Ministère de la Santé, Santiago du Chili, ChiliDr P. Mogne Ministère de la Santé, MozambiqueDr Paul Morgan SANE, South Melbourne, Victoria, AustralieDr Driss Moussaoui Université psychiatrique, Casablanca, MarocDr Matt Muijen The Sainsbury Centre for Mental Health, Londres,

Royaume-UniDr Carmine Munizza Centro Studi e Ricerca in Psichiatria, Turin, ItalieDr Shisram Narayan Hôpital St Giles, Suva, FidjiDr Sheila Ndyanabangi Ministère de la Santé, Kampala, OugandaDr Grayson Norquist National Institute of Mental Health, Bethesda, MD,

États-UnisDr Frank Njenga Président de l’Association des psychiatres du Kenya,

Nairobi, KenyaDr Angela Ofori-Atta Unité de Psychologie clinique, École de Médecine de

l’Université du Ghana, Korle-Bu, GhanaProf Mehdi Paes Hôpital psychiatrique de l’Université Arrazi, Salé,

MarocDr Rampersad Parasram Ministère de la Santé, Port of Spain, Trinité-et-TobagoDr Vikram Patel Sangath Centre, Goa, IndeDr Dixianne Penney Nathan S. Kline Institute for Psychiatric Research,

Orangeburg, NY, États-UnisDr Yogan Pillay Equity Project, Pretoria, République d’Afrique du SudDr M. Pohanka Ministère de la Santé, République tchèqueDr Laura L. Post Mariana Psychiatric Services, Saipan, États-UnisDr Prema Ramachandran Commission de planification, New Delhi, IndeDr Helmut Remschmidt Département de la Psychiatrie de l’Enfant et de l’Ado-

lescent, Marburg, AllemagneProf Brian Robertson Department of Psychiatry, University of Cape Town,

République d’Afrique du SudDr Julieta Rodriguez Rojas Integrar a la Adolescencia, Costa RicaDr Agnes E. Rupp Directrice, Mental Health Economics Research

Program, NIMH/NIH, États-UnisDr Ayesh M. Sammour Ministère de la Santé, Autorité palestinienne, GazaDr Aive Sarjas Département de la Protection sociale, Tallinn, EstonieDr Radha Shankar AASHA (Hope), Chennai, IndeDr Carole Siegel Nathan S. Kline Institute for Psychiatric Research,

Orangeburg, NY, États-UnisProf Michele Tansella Département de Médecine et de Santé publique,

Université de Vérone, ItalieMme Mrinali Thalgodapitiya Directrice exécutive, NEST, Hendala, Watala,

Gampaha District, Sri LankaDr Graham Thornicroft Directeur, PRISM, The Maudsley Institute of

Psychiatry, Londres, Royaume-UniDr Giuseppe Tibaldi Centro Studi e Ricerca in Psichiatria, Turin, ItalieMme Clare Townsend Department of Psychiatry, University of Queensland,

Toowing Qld, AustralieDr Gombodorjiin Tsetsegdary Ministère de la Santé et de la Protection sociale,

MongolieDr Bogdana Tudorache Présidente, Ligue roumaine pour la Santé mentale,

Bucarest, RoumanieMme Judy Turner-Crowson Ancienne Présidente, Association mondiale de

la Réadaptation psychosociale, Comité de la Sensibilisation, Hambourg, Allemagne

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Page 9: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Mme Pascale Van den Heede Santé mentale Europe, Bruxelles, BelgiqueMme Marianna Várfalvi-Bognarne Ministère de la Santé, HongrieDr Uldis Veits Commission de la Municipalité de Riga pour la Santé,

Riga, LettonieM. Luc Vigneault Association des Groupes de Défense des Droits en

Santé Mentale du Québec, CanadaDr Liwei Wang Consultant, Ministère de la Santé, Beijing, République

populaire de ChineDr Xiangdong Wang Conseiller régional suppléant pour la santé mentale,

Bureau régional OMS du Pacifique occidental, Manille, Philippines

Prof Harvey Whiteford Department of Psychiatry, University of Queensland, Toowing Qld, Australie

Dr Ray G. Xerri Department of Health, Floriana, MalteDr Xie Bin Consultant, Ministère de la Santé, Beijing, République

populaire de ChineDr Xin Yu Consultant, Ministère de la Santé, Beijing, République

populaire de ChineProf Shen Yucun Institut de la Santé mentale, Université de Médecine

de Beijing, République populaire de ChineDr Taintor Zebulon Président, WAPR, Department of Psychiatry, New

York University Medical Center, New York, États-Unis

L’OMS remercie aussi de leur généreux soutien financier les Gouvernements de l’Aus-tralie, de la Finlande, de l’Italie, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande et des Pays-Bas, ainsi que la Fondation Eli Lilly and Company et la Johnson and Johnson Corporate Social Responsability, Europe.

ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Coordination de la version française

Dr. Jean Luc Roelandt

Psychiatre. Directeur

Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de

la Santé pour la recherche et la formation en santé

mentale (EPSM Lille Métropole, France)

Nicolas Daumerie

Psychologue. Chargé de mission

Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de

la Santé pour la recherche et la formation en santé

mentale ((EPSM Lille Métropole, France)

Comité de lecture et de supervision technique

Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de

la Santé pour la recherche et la formation en santé

mentale (Lille, France) :

Aude Caria

Psychologue. Chargée de mission.

CH St Anne, Paris

Joseph Halos

Directeur de l’ EPSM Lille Métropole

Nicolas Daumerie

Dr Jean Luc Roelandt

Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de

la Santé pour la recherche et la formation en santé

mentale (Genève, Suisse) :

Professeur François Ferrero, Directeur

Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de

la Santé pour la recherche et la formation en santé

mentale (Montréal, Canada) :

Professeur Gaston Harnois, Directeur

Conception graphique de la version française

Service Communication de l’Etablissement Public

de Santé Mentale Lille Métropole

Ateliers Malecot Lomme

Publié par l’Organisation Mondiale de la Santé

sous le titre

«Organisation for services for Mental Health »

2003

© Organisation Mondiale de la Santé 2010

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“Les soins de santé mentale doivent être fournis par les services de santé

généraux et les milieux communautaires. Il faut remplacer

les vastes institutions psychiatriques centralisées par des services de santé mentale plus appropriés.”

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Table des matières

Préface xRésumé d’orientation 2Objectifs et audience cible 9

1. Introduction 11

2. Description et analyse des services de santé mentale de par le monde 122.1 Services de santé mentale intégrés au système de santé général 122.2 Services communautaires de santé mentale 162.3 Services institutionnalisés en hôpitaux psychiatriques 20

3. État actuel de l’organisation des services de par le monde 25

4. Guide pour l’organisation des services 334.1 Principes d’organisation des services 334.2 Établissement d’un mélange optimal de services 354.3 Intégration des services de santé mentale aux services de santé généraux 374.4 Création de services de santé mentale communautaires formels et informels 404.5 Limitation des hôpitaux psychiatriques spécialisés 44

5. Principaux points à considérer dans l’organisation des services de santé mentale 485.1 Soins fondés sur des preuves 485.2 Soins épisodiques par opposition aux soins continus 505.3 Voies vers les soins 515.4 Disparités géographiques 515.5 Soins axés sur les services par opposition aux soins axés sur les besoins 525.6 Collaboration au sein et entre les secteurs 53

6. Recommandations et conclusions 56

7. Scénarios pour l’organisation des services dans des pays ayant diffé-rents niveaux de ressources 57

8. Obstacles et solutions 59

9. Glossaire 69

Références 71

Page 12: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Préface

Le présent module fait partie du Guide OMS des politiques et des services en matière de santé mentale, qui donne des informations pratiques pour aider les pays à améliorer la santé mentale de leur population.

Pourquoi ce Guide ?

Ce Guide est destiné à aider les décideurs et les planificateurs à :

− concevoir des politiques et des stratégies globales d’amélioration de la santé mentale de la population ;

− utiliser les ressources en place de façon à en tirer le meilleur parti possible ;

− offrir des services efficaces à ceux qui en ont besoin ;

− contribuer à réintégrer dans la vie de la communauté sous tous ses aspects les personnes souffrant de troubles mentaux, et à améliorer ainsi leur qualité de vie en général.

Que contient le guide ?

Le Guide consiste en une série de modules d’emploi facile qui traitent les multiples besoins et priorités à considérer dans l’élaboration des politiques et la planification des services. Chaque module porte sur un aspect essentiel de la santé mentale. Le premier, intitulé «La situation de la santé mentale», fait le point de cette situation dans le monde, et donne un résumé du contenu de ceux qui suivent. Il devrait permettre au lecteur de mieux comprendre ce qu’il en est et de choisir ceux des modules qui répondront à ses besoins. Le module «Politiques, plans et programmes de santé mentale» est crucial ; il donne une information détaillée sur le processus d’élaboration des politiques et sur leur application au moyen de plans et de programmes. Après l’avoir lu, les pays peuvent souhaiter s’atta-cher à certains aspects spécifiques de la santé mentale traités dans d’autres modules.

Le Guide se compose des modules suivants :

La situation de la santé mentalePolitiques, plans et programmes de santé mentaleFinancement de la santé mentaleLégislation, droits de l’homme et santé mentaleSensibilisation à la santé mentaleOrganisation des services de santé mentaleAmélioration de la qualité des services de santé mentalePlanification et budgétisation pour l’offre de services de santé mentale

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x

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À élaborer

La situation

de la santé

mentale

Législation et droits humains

Financement

Organisation des services

Sensibilisation

Amélioration de la qualité

Politiques et programmes sur le lieu de travail

Médicaments psychotropes

Systèmes d’information

Ressources humaines et

formation

Santé mentale de l’enfant et de

l’adolescent

Recherche et évaluation

Planification et budgétisation pour l’offre de services

Politiques, plans

et programmes

xi

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Préface

Les modules suivants ne sont pas encore disponibles, mais feront partie du Guide définitif :

Amélioration de l’accès aux médicaments psychotropes et de leur utilisation Systèmes d’information sur la santé mentale Ressources humaines et formation pour la santé mentale La santé mentale de l’enfant et de l’adolescent Les politiques et les services de santé mentale : recherche et évaluation Politiques et programmes de santé mentale sur le lieu de travail

A qui s’adresse le guide ?

Les modules intéresseront :

les décideurs et les planificateurs du secteur de la santé ;les pouvoirs publics aux niveaux fédéral, national/régional et local ;les professionnels de la santé mentale ;les groupes qui représentent les personnes souffrant de troubles mentaux ;les représentants ou associations des familles de personnes atteintes de troubles mentaux et des soignants ;les organisations de sensibilisation représentant les intérêts des personnes atteintes de troubles mentaux ainsi que leurs proches et leurs familles ;les organisations non gouvernementales qui offrent des services de santé mentale ou s’y intéressent.

Comment utiliser les modules ?

− Ils peuvent servir séparément ou ensemble. Ils renvoient les uns aux autres pour plus de commodité. On peut prendre systématiquement connaissance de chacun des modu-les ou n’en utiliser qu’un lorsque l’accent est mis sur un domaine particulier de la santé mentale. Par exemple, un pays qui souhaite légiférer en matière de santé mentale peut trouver utile le module intitulé Législation, droits de l’homme et santé mentale.

− Ils peuvent servir à la formation en matière de santé mentale des décideurs, des res-ponsables de la planification et de quiconque s’occupe de l’organisation, de la prestation et du financement des services. Ils peuvent aussi servir au niveau universitaire. Les orga-nismes professionnels peuvent décider de les utiliser pour la formation des personnes qui travaillent dans le domaine de la santé mentale.

− Ils peuvent servir de cadre aux activités de consultance technique menées par toutes sortes d’organisations internationales et nationales auprès de pays soucieux de réformer leurs politiques et/ou services de santé mentale.

− Ils peuvent être des outils de sensibilisation pour les organisations de soutien des usagers et des familles et les organismes de sensibilisation. L’information qu’ils donnent éduque le public et peut stimuler l’intérêt des politiques, des faiseurs d’opinion, des divers professionnels de la santé et du grand public pour les troubles mentaux et les services de santé mentale.

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Présentation des modules

On trouvera clairement indiqués dans chaque module les objectifs et le public visés. Ils sont présentés de façon progressive pour faciliter aux pays la mise en œuvre des conseils donnés. Il ne s’agit pas de suivre ces conseils à la lettre, ni de les interpréter de façon rigide : les pays sont encouragés à les adapter à leurs besoins et leur situation propres ; ils trouveront des exemples pratiques tout au long des modules.

De nombreuses références renvoient d’un module à l’autre. Le lecteur d’un module peut avoir à en consulter un autre (comme indiqué dans le texte) s’il souhaite des indications plus précises.

Tous les modules doivent être étudiés à la lumière de la politique de l’OMS, qui est de dispenser la plupart des soins de santé mentale dans les services de santé généraux et dans les milieux communautaires. La santé mentale est nécessairement une question intersectorielle qui met en jeu les secteurs de l’éducation, de l’emploi, du logement, des services sociaux et de la justice pénale. Il est important d’avoir des consultations appro-fondies avec les organisations de soutien des usagers et des familles pour élaborer les politiques et dispenser les services.

Dr Michelle Funk Dr Benedetto Saraceno

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ORGANISATIONDES SERVICES

DE SANTÉ MENTALE

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Résumé d’orientation

Introduction

Les services de santé mentale sont le moyen d’assurer des interventions efficaces. De leur organisation dépendent en grande partie leur efficacité et la réalisation finale des buts et objectifs des politiques nationales de santé mentale.

Ce module ne cherche pas à prescrire un modèle unique d’organisation des services de par le monde. La forme exacte de l’organisation et de la prestation des services dépend au bout du compte du contexte social, culturel, politique et économique de chaque pays. Cependant, des résultats de recherche et les expériences de pays de différentes régions du monde indiquent un certain nombre d’ingrédients clés pour des modèles de services couronnés de succès. Ce module indique ces ingrédients de manière à guider les pays dans leur organisation des services de santé mentale.

Description et analyse des services de santé mentale de par le monde

Les différents composants des services de santé mentale sont présentés ci-dessous. Il ne s’agit pas d’une recommandation sur l’organisation des services mais d’une tenta-tive de cartographier largement les services existants.

I) Les services de santé mentale intégrés dans les systèmes de santé généraux peuvent être regroupés d’une façon générale en deux catégories selon qu’ils sont dispensés à titre de soins primaires ou dans des hôpitaux généraux.

Les services de santé mentale dispensés au niveau des soins primaires comprennent les services de traitement et les activités de prévention et de promotion de la santé fournis par les professionnels des soins primaires. En font partie par exemple des ser-vices fournis par les médecins généralistes, les infirmières et autres professionnels de santé travaillant dans les cliniques de soins primaires. Le fait de dispenser des soins de santé mentale par le biais des soins primaires exige des investissements notables dans la formation des professionnels des soins primaires pour qu’ils puissent détecter et trai-ter les troubles mentaux. Une telle formation doit être adaptée aux besoins spécifiques de différents groupes de professionnels des soins primaires, p. ex. médecins, infirmiè-res et agents de santé communautaires. En outre, le personnel des soins primaires doit avoir le temps de réaliser des interventions de santé mentale. Il peut s’avérer nécessaire d’augmenter les effectifs en soins généraux si on souhaite qu’un composant de santé mentale soit fourni en supplément au niveau des soins primaires.

Pour les troubles mentaux les plus courants et aigus, ces services peuvent obtenir des résultats équivalents ou même meilleurs que ceux des services plus spécialisés en santé mentale. Cependant, les résultats cliniques dépendent fortement de la qualité des services fournis, celle-ci dépendant à son tour des connaissances du personnel et de ses aptitudes à diagnostiquer et traiter les troubles mentaux courants, ainsi que de la disponibilité de médicaments et d’autres options de traitement psychosocial. Les services de soins primaires sont faciles d’accès et généralement mieux acceptés par les personnes atteintes de troubles mentaux que d’autres formes de services. Ceci est en grande partie imputable à la moindre stigmatisation associée à la consultation de ce type de services. Aussi bien les prestataires que les usagers trouvent en général que ces services sont moins onéreux que d’autres services de santé mentale.

Les services de santé mentale dispensés dans les hôpitaux généraux comprennent un certain nombre de services proposés dans les hôpitaux généraux des districts, dans les hôpitaux universitaires ou les centres hospitaliers faisant partie du système

2

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de santé général. Ces services sont par exemple des unités psychiatriques, des lits de psychiatrie dans des unités générales et des unités de soins d’urgence, ainsi que des cliniques ambulatoires. Il peut également y avoir certains services spécialisés, p. ex. pour les enfants, les adolescents et les personnes âgées. Ces services sont fournis par des professionnels spécialisés dans la santé mentale, p. ex. psychiatres, infirmières en psychiatrie, travailleurs sociaux en psychiatrie, psychologues et médecins spécia-lement formés en psychiatrie. À l’évidence, de tels services nécessitent un nombre adéquat d’employés spécialisés qualifiés et des possibilités de formation adaptées pour ceux-ci.

Les résultats cliniques de ces services sont variables et dépendent de leur qualité et de leur quantité. Dans de nombreux pays, les services de santé mentale des hôpitaux généraux sont en mesure de gérer les urgences comportementales et les troubles épi-sodiques nécessitant uniquement un traitement ambulatoire. En revanche, leur capacité à aider les personnes atteintes de troubles mentaux graves dépend de la disponibilité de services de soins primaires ou de services de santé mentale communautaires complets ainsi que de la continuité des soins offerts par ceux-ci. Les services de santé mentale proposés dans les hôpitaux généraux sont généralement bien acceptés. Mais comme les hôpitaux généraux sont généralement situés dans les grandes villes, il peuvent être difficiles d’accès dans les pays qui ne disposent pas d’un bon système de transports. Pour les prestataires, les services de santé mentale fournis dans les hôpitaux généraux peuvent être plus onéreux que ceux fournis dans les soins primaires, mais moins que ceux fournis dans les institutions spécialisées. Les usagers doivent assumer des coûts de transport et du temps supplémentaire ce qui peut représenter un obstacle dans certains pays.

II) Les services communautaires de santé mentale peuvent être formels ou informels.

Les services de santé mentale communautaires formels sont p. ex. les services com-munautaires de rééducation, les programmes hospitaliers de réorientation, les équipes de crise mobiles, les services thérapeutiques et résidentiels supervisés, les services d’aide et d’assistance à domicile, et les services communautaires pour certains grou-pes de population tels que victimes de traumatismes, enfants, adolescents et person-nes âgées. Les services communautaires de santé mentale ne sont pas basés en milieu hospitalier mais ils doivent être étroitement reliés aux hôpitaux généraux et aux hôpi-taux psychiatriques. Ils fonctionnent au mieux s’ils sont étroitement liés aux services de soins primaires et aux prestataires informels qui travaillent dans les communautés. Ces services requièrent du personnel hautement qualifié et formé, même si de nombreuses fonctions peuvent être dispensées par des agents de santé générale ayant une certaine formation en santé mentale. Dans de nombreux pays en développement, les personnes hautement qualifiées de ce type ne sont pas aisément disponibles, ce qui restreint la disponibilité de tels services à une petite minorité de personnes.

Des services communautaires de santé mentale bien équipés et bien financés offrent à de nombreuses personnes atteintes de troubles mentaux graves la possibilité de rester dans leurs communautés. Ils favorisent ainsi l’intégration. Un haut niveau de satisfaction vis-à-vis des services communautaires de santé mentale est associé à leur accessibilité, à une faible stigmatisation liée à la consultation de ces services pour des troubles mentaux et à une moindre probabilité de violation des droits humains. Des ser-vices communautaires de santé mentale de bonne qualité, offrant une vaste gamme de services pour répondre à des besoins cliniques divers, sont des services qui occasion-nent des coûts importants en argent et en personnel. Des réductions de coûts dans les hôpitaux psychiatriques risquent de mettre de nombreuses années à se manifester.

Les services de santé mentale communautaires informels peuvent être fournis par des membres locaux des communautés autres que professionnels de santé générale ou

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par des professionnels et paraprofessionnels voués à la santé mentale. Les prestataires informels forment souvent le cœur de l’offre de services de santé mentale mais les pays seraient mal avisés de se baser uniquement sur leurs services, même si ceux-ci sont un précieux complément aux services formels et peuvent améliorer les résultats pour les personnes atteintes de troubles mentaux. De tels prestataires sont généralement très bien acceptés et facilement accessibles car ils sont presque toujours situés dans les communautés qu’ils desservent. Bien que ces services soient classés comme informels, ils ne sont pas toujours entièrement gratuits. Par exemple, dans de nombreux pays, les tradipraticiens font payer leurs services et pourraient donc être considérés comme des prestataires de services de santé formels. En outre, des inquiétudes existent au sujet de violations des droits humains en rapport avec les méthodes de traitement employées par certains tradipraticiens et soignants spirituels.

III) Les services de santé mentale institutionnalisés sont par exemple les services spécialisés institutionnalisés et les hôpitaux psychiatriques. Une caractéristique clé de ces services est leur style indépendant et autonome, même s’ils ont parfois des liens avec le reste du système de santé.

Les services de santé mentale institutionnalisés spécialisés sont dispensés par certai-nes cliniques ambulatoires et par certains établissements hospitaliers publics ou privés qui offrent divers services en hôpital. Il s’agit par exemple de services proposés par les unités de soins aigus et de haute sécurité, les unités pour les enfants et les personnes âgées et les unités de psychiatrie médico-légale. Ces services ne sont pas simplement ceux d’hôpitaux psychiatriques modernisés : ils répondent à des besoins tout à fait spécifiques nécessitant un milieu institutionnalisé et de vastes effectifs d’employés spécialisés bien formés. La rareté de ce type de personnel représente un problème sérieux dans les pays en développement. Les services spécialisés sont généralement des centres de recours tertiaires et ils ont principalement affaire à des patients difficiles à traiter. S’ils sont bien équipés et bien financés, ils fournissent des soins de grande qualité et produisent des résultats suffisamment bons pour justifier leur maintien. Presque tous les services spécialisés ont un problème d’accessibilité, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés. Ces problèmes peuvent être liés à un manque de disponibilité, à une situation dans des centres urbains mal reliés par les transports, ainsi qu’à la stigmatisation liée au fait de consulter de tels services. Les services spécialisés sont chers à mettre en place et à maintenir, principalement en raison des investissements importants qui doivent être réalisés dans l’infrastructure et le personnel. Dans de nombreux pays en développement, les coûts des unités spécia-lisées ne sont pas forcément élevés parce que le personnel est moins cher que dans les pays développés, et, bien souvent les investissements sont faibles et les conditions de fonctionnement insuffisantes.

Les hôpitaux psychiatriques spécialisés fournissent principalement des services de séjour de longue durée de type carcéral. Dans de nombreux pays, ils sont soit les seuls prestataires de services de santé mentale, soit ils demeurent un élément essentiel de ces services. Dans de nombreux pays, ils consomment la majeure partie des ressources humaines et financières disponibles pour la santé mentale. Ceci représente un obstacle sérieux au développement d’alternatives sous forme de services communautaires de santé mentale. Les hôpitaux psychiatriques ont souvent de mauvais résultats en raison de divers facteurs tels que mauvaise qualité des soins cliniques, violations des droits humains, nature des soins institutionnalisés et manque d’activités de rééducation. Par conséquent, ils représentent l’utilisation la moins désirable des maigres ressources financières disponibles pour les services de santé mentale. Ceci est particulièrement vrai des pays en développement où les hôpitaux psychiatriques sont les seuls presta-taires de services de santé mentale. La stigmatisation liée aux hôpitaux psychiatriques réduit également leur acceptabilité et leur accessibilité.

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État actuel de l’organisation des services de par le monde

Très peu de pays ont un mélange de services optimal. Certains pays en développement ont étendu la disponibilité des services de santé mentale en les intégrant aux soins primaires. D’autres pays ont rendu les services de santé mentale disponibles dans les hôpitaux généraux. Dans certains pays, on trouve de bons exemples de collaboration intersectorielle entre les organisations non gouvernementales, les institutions universi-taires, les services de santé du secteur public, les services de santé mentale informels et les usagers, de sorte que des services communautaires ont pu se développer. Il y a souvent de grandes disparités entre les régions d’un même pays et les deux types de services ne sont disponibles que pour une petite partie de la population, généralement dans les régions urbaines ou dans des régions rurales choisies.

Dans les pays développés, le processus de désinstitutionnalisation des trente dernières années a réduit le nombre de patients dans les hôpitaux psychiatriques et a conduit à la fermeture de bon nombre d’entre eux. Cependant, ce processus ne s’est pas accompagné d’un développement suffisant de services communautaires, lesquels sont souvent inadéquats et mal répartis. Il n’a pas suffisamment été mis l’accent sur le déve-loppement de soins de santé mentale au niveau des soins primaires. Par exemple, bien que la dépression soit une pathologie fréquente dans les milieux de soins primaires, dans de nombreux pays développés, elle reste souvent non détectée ou insuffisam-ment traitée par les médecins des soins primaires.

Ces expériences à l’échelle mondiale permettent de tirer deux conclusions principales. Premièrement, les services de santé mentale représentent des défis, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés. Cependant, la nature de ces défis diffère. Dans de nombreux pays en développement, les ressources, le personnel et les services font gravement défaut, et ce problème nécessite une attention immé-diate. Dans les pays développés, certains problèmes sont dus à des prestations insuf-fisantes au niveau des communautés, à la nécessité de promouvoir le dépistage et le traitement des troubles mentaux dans les milieux de soins primaires et à la concurrence entre les services psychiatriques généraux et spécialisés. Deuxièmement, des services spécialisés plus chers ne sont pas la réponse aux problèmes. Même sans dépasser les ressources limitées qui sont affectées aux services de santé dans presque tous les pays, on peut améliorer notablement l’offre de services en réorientant les ressources vers des services moins chers, ayant des résultats relativement bons et profitant à un pourcentage relativement élevé de la population.

Guide pour l’organisation des services

Les recommandations comprises dans ce module sont conçues pour former un sys-tème intégré de fourniture et de services et ne doivent pas être considérées isolément les unes des autres. Aucune de ces recommandations ne peut parvenir à elle seule à améliorer les soins aux personnes atteintes de troubles mentaux. L’organisation des services doit se baser sur les principes d’accessibilité, de coordination des soins, de continuité des soins, d’efficacité, d’équité et du respect des droits humains.

Les planificateurs doivent déterminer le mélange exact des différents types de services de santé mentale et le niveau de fourniture de canaux particuliers. En chiffres absolus, les besoins en services d’une sorte ou d’une autre varient beaucoup selon les pays mais, en proportion du total des services, ils sont grosso modo les mêmes dans tous les pays. Il est clair que les services de santé mentale informels assurés par la com-munauté et les services dispensés par le personnel des soins primaires devraient être les plus nombreux, suivis par les services psychiatriques des hôpitaux généraux, les services communautaires de santé mentale formels et, enfin, les services spécialisés de santé mentale. On ne peut pas vraiment justifier la prise en compte des services

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fournis par les hôpitaux psychiatriques. Il y aura toujours besoin d’établissements de séjour de longue durée pour un très petit nombre de patients, même si on fournit de nombreux services communautaires. Cependant, la plupart de ces patients peuvent être pris en charge dans de petites unités situées dans les communautés, ressemblant autant que possible à une vie dans la communauté, ou, à défaut, dans des unités de séjour de longue durée dans des hôpitaux qui fournissent aussi d’autres services spé-cialisés. Des soins de type carcéral dans de grandes institutions telles que les hôpitaux psychiatriques ne se justifient ni par leurs coûts, ni par leur efficacité, ni par la qualité des soins fournis.

L’intégration des services de santé mentale aux services de santé généraux aide à réduire la stigmatisation liée à la consultation de services de santé mentale autonomes. Elle aide aussi à surmonter le manque de professionnels de santé mentale et à encoura-ger un diagnostic précoce des troubles mentaux chez les personnes qui consultent les services de santé généraux pour des symptômes psychosomatiques. Parmi d’autres avantages potentiels, on notera la fourniture de soins dans la communauté et la possi-bilité de faire participer la communauté aux soins. L’intégration des services de santé mentale aux services de santé généraux est la stratégie la plus viable pour étendre les services de santé mentale aux populations mal desservies.

L’intégration peut être poursuivie au niveau clinique, gestionnaire, administratif et finan-cier. Cependant, une pleine intégration présente des avantages et des inconvénients potentiels, de sorte que les pays doivent tenir compte de leurs propres circonstances avant de décider s’ils veulent réaliser une intégration complète ou partielle. Au niveau clinique en tout cas, une bonne intégration est souhaitable. Ceci signifie une intégra-tion aux milieux de soins primaires, l’intégration des services de santé mentale aux hôpitaux généraux, le développement de liens entre les soins primaires et les services secondaires et l’intégration de la santé mentale aux autres programmes sanitaires et sociaux établis. L’intégration aux soins primaires requiert du personnel de soins primaires formé à assu-mer des responsabilités pour l’offre de services de santé mentale et la promotion de la santé mentale. De nombreux pays doivent aussi investir dans du personnel de soins pri-maires supplémentaire de manière à ce que le personnel ait suffisamment de temps pour réaliser des interventions de santé mentale. D’autres questions devant être abordées sont par exemple la fourniture d’infrastructures adéquates, la disponibilité de l’équipement, et, question très importante, la disponibilité des médicaments psychotropes.

L’intégration aux hôpitaux généraux exige la fourniture d’établissements tels que cli-niques ambulatoires et unités psychiatriques dans les hôpitaux généraux ainsi que la disponibilité de professionnels de santé mentale, p. ex. psychiatres, psychologues, infirmières en psychiatrie et travailleurs sociaux.

On ne saurait trop insister sur la nécessité d’une bonne liaison entre les soins de santé primaires et les services de santé mentale secondaires. Un système clair de recours et de liaison doit être mis en place et conduit en consultation avec les prestataires de services au niveau du district et de la région.

Dans les pays en développement, l’intégration des services de santé mentale aux pro-grammes sanitaires et sociaux établis représente une manière faisable et abordable de mettre en œuvre des programmes de santé mentale. On peut ainsi s’occuper de la dépression post-partum (« baby blues ») au sein de programmes plus vastes de santé reproductive, de la santé des femmes dans le cadre de programmes portant sur la violence domestique et des besoins en santé mentale dans le cadre de programmes sur le VIH/sida.Il faut que les pays développent des services de santé mentale formels et informels. Le

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développement de services communautaires est essentiel pour réduire la dépendance vis-à-vis des services institutionnalisés. Dans les pays en développement, en raison du manque de ressources financières et humaines, il faut développer ces services par étapes, en fonction des priorités locales rendant nécessaires des services commu-nautaires spécifiques. Les pays en développement doivent aussi utiliser les réseaux d’organisations non gouvernementales existants pour fournir certains des services communautaires, p. ex. clubs, groupes de soutien, ateliers d’emploi et de rééducation, ateliers protégés, stages d’emploi supervisés, logements résidentiels accompagnés.

La désinstitutionnalisation est un élément essentiel de la réforme des services de santé mentale. Ceci ne signifie pas simplement faire sortir les patients d’hôpitaux de séjour de longue durée. La désinstitutionnalisation exige des changements profonds, notamment l’utilisation d’alternatives communautaires à la place des institutions pour l’offre de ser-vices. L’offre de services dans la communauté doit s’accompagner d’une réduction du nombre de patients dans les hôpitaux psychiatriques. La désinstitutionnalisation peut avoir lieu par étapes une fois que les alternatives communautaires sont en place. Pour y parvenir, un engagement important de la part des planificateurs, des gestionnaires et des cliniciens est nécessaire.

Principaux points à considérer dans l’organisation des services de santé mentale

Pour organiser les services de santé mentale selon les principes ci-dessus, il faut tenir compte des preuves concernant les interventions de santé mentale, des besoins très particuliers des malades mentaux, des moyens qui permettent aux communautés et aux patients d’avoir accès aux services, et d’autres questions structurelles d’impor-tance, comme la nécessité d’une collaboration intersectorielle.

Il existe des preuves que les traitements communautaires permettent des résultats net-tement meilleurs que les traitements et soins hospitaliers, et que les séjours hospitaliers courts sont aussi efficaces que les séjours plus longs. Certaines affections comme p. ex. la dépression peuvent être traitées efficacement par le personnel de soins primaires en utilisant une combinaison de médicaments et de conseils ou de psychothérapie. Pour ce qui est de la schizophrénie, un traitement médicamenteux régulier et des interventions familiales peuvent réduire le taux de rechutes de manière significative et améliorer ainsi la qualité de vie des patients. Les systèmes de soins de santé doivent s’orienter vers les besoins des nombreuses personnes qui souffrent de troubles mentaux graves chroniques. Celles-ci sont mal desservies par un modèle de soins de courte durée, qui privilégie le traitement vigou-reux des épisodes aigus dans l’espoir que la plupart des patients recouvreront la santé presque complètement et n’auront pas besoin d’autres soins jusqu’à l’épisode suivant. Pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves chroniques, une approche de soins continue est mieux appropriée. Cette approche met l’accent sur l’ensemble des besoins des patients, y compris sociaux, professionnels et psycho-logiques.

Les voies menant aux soins, c’est-à-dire les trajectoires par lesquelles les personnes atteintes de troubles mentaux ont accès aux prestataires de services de santé mentale, sont différentes entre les pays développés et les pays en développement, et ce en raison de la différence de niveau de développement des systèmes de santé. Ces voies peuvent parfois entraver l’accès aux services de santé mentale, de sorte que la recher-che d’aide risque d’être retardée et que la probabilité de mauvais résultats à long terme augmente. Les planificateurs doivent concevoir une fourniture de services de nature à surmonter les obstacles, à améliorer l’accès et à réduire ainsi la durée et la gravité des handicaps causés par les troubles mentaux.

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Les planificateurs doivent s’efforcer d’éliminer les disparités entre les services de santé mentale en milieu rural et urbain. Le présent module donne des exemples de program-mes qui s’efforcent de réduire ces disparités.

Les services sont généralement organisés du point de vue des gestionnaires et les usagers doivent s’adapter à la structure particulière du service auquel ils souhaitent accéder. Cette approche axée sur le service est caractéristique de nombreux services de santé mentale. Contrairement à l’approche axée sur les besoins, elle engendre des obstacles importants à l’accès, en particulier pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves, dont les besoins vont au-delà d’interventions purement médicales et thérapeutiques. On s’achemine vers des modèles de prestation de services axés sur les besoins, par exemple la gestion de cas, des programmes de suivi intensif de proximité, et des villages de rééducation psychiatrique dans les zones rurales. Ces modèles sont une reconnaissance du fait qu’en organisant les services, il faut placer les besoins des patients au centre et adapter les services à ces besoins.

Le secteur de la santé à lui seul ne peut pas répondre aux besoins complexes de beau-coup de personnes atteintes de troubles mentaux. La collaboration intersectorielle est par conséquent essentielle. On a besoin de collaboration aussi bien au sein du secteur de la santé (collaboration intrasectorielle), qu’en dehors du secteur de la santé (colla-boration intersectorielle).

Le fait de reconnaître le besoin d’efforts de collaboration représente le premier pas vers le renforcement de la collaboration entre les secteurs et au sein des secteurs. Les organismes de santé mentale et les personnes impliquées dans la planification et la prestation de services de santé mentale doivent prendre les devants et expliquer ces nécessités à d’autres personnes, en particulier aux personnes extérieures au secteur de la santé. On peut améliorer la collaboration en impliquant d’autres secteurs dans la formulation de la politique, en déléguant les responsabilités de certaines activités à des organismes d’autres secteurs, en établissant des réseaux d’information avec les organismes d’autres secteurs et parmi d’autres mesures, en établissant un comité consultatif national avec la participation d’organismes de secteurs autres que celui de la santé mentale.

Les deux dernières parties de ce module présentent des recommandations d’action immédiate, indiquent des obstacles à la mise en œuvre des services et esquissent des moyens éventuels de les surmonter.

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Objectifs et audience cible

Le but de ce module consiste à :

écrire et analyser les services de santé mentale de par le monde en examinant diffé-rents services, leur organisation et leurs activités ;passer en revue l’état actuel de l’organisation des services de par le monde ;faire des recommandations sur l’organisation des services ;aborder des questions cruciales relatives à l’organisation des services ;aborder les obstacles à l’organisation des services et suggérer des solutions.

Ce module intéressera :

les décideurs et les planificateurs du secteur de la santé ; les pouvoirs publics aux niveaux national, régional et local ;les professionnels de la santé mentale ;les personnes atteintes de troubles mentaux et les organisations qui les représentent ;les représentants ou associations des familles et soignants de personnes atteintes de troubles mentaux ;les organisations de sensibilisation représentant les intérêts des personnes atteintes de troubles mentaux, ainsi que ceux de leurs proches et de leurs familles ;les organisations non gouvernementales qui offrent des services de santé mentale ou s’y intéressent.

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1. Introduction

Les services sont le moyen d’assurer des interventions en santé mentale efficaces. L’organisation des services est par conséquent un aspect crucial des soins de santé mentale. Dans l’idéal, la manière dont les services de santé mentale sont organisés ren-force les buts et objectifs de la politique nationale de santé mentale. Des services mal organisés ne parviennent pas à répondre aux attentes et aux besoins des personnes atteintes de troubles mentaux et engendrent des coûts disproportionnés par rapport aux bénéfices.

Ce module ne cherche pas à prescrire un modèle unique d’organisation des services de par le monde. La forme exacte de l’organisation et de la prestation des services dépend du contexte social, culturel, politique et économique. La disponibilité de ressources financières et humaines diffère selon les pays. Les aspirations et valeurs culturelles dif-fèrent elles aussi, même entre les régions d’un même pays. Par conséquent, il est tout à fait improbable qu’un modèle de prestation de services quel qu’il soit puisse répondre pleinement aux besoins de toutes les personnes atteintes de troubles mentaux dans tous les pays.

Cependant, les expériences pratiques et les résultats de recherche de différents pays et régions du monde indiquent un certain nombre d’ingrédients-clés pour des modèles de services couronnés de succès. Le présent module expose ces ingrédients-clés de maniè-re à fournir un guide aux pays pour l’organisation de leurs services de santé mentale. Il est destiné à tous les pays souhaitant restructurer leurs services de santé mentale.

L’organisation des services est un aspect crucial des soins de santé mentale.

La forme exacte d’organi-sation et de prestation des services dépend du contexte local.

Malgré la diversité mondiale, il est possible d’identifier certains ingrédients clés d’une organisation de servi-ces couronnée de succès.

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2. Description et analyse des services de santé mentale de par le monde

La figure 1 donne une représentation schématique de divers composants des services de santé mentale de par le monde. Le cadre a pour but de cartographier largement la diversité des services de différents pays disposant de différents systèmes de santé et de différents niveaux de prestation de soins. Il ne s’agit pas d’une recommandation d’orga-nisation mais d’une tentative de décrire différents types de services.

Figure 1 : Composants des services de santé mentale

Chacune de ces catégories est décrite en détail ci-dessous. Les descriptions sont suivies d’indications sur les implications, les avantages potentiels et les inconvénients de chaque catégorie pour les prestataires de services et pour les personnes atteintes de troubles mentaux.

2.1 Services de santé mentale intégrés au système de santé général

On peut identifier deux catégories de services au sein de la vaste catégorie des services de santé mentale intégrés :

services de santé mentale fournis par les soins primaires ;services de santé mentale fournis par les hôpitaux généraux.

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Services de santé mentale fournis par les soins de santé primaires

Services de santé mentale fournis par les soins de santé

primaires

Système de santé

Services commu-nautaires de santé

mentale

Services institution-nalisés en hôpitaux

psychiatriques

Services de santé mentale fournis par les hôpitaux

généraux

Services de santé mentale commu-nautaires formels

Services de santé mentale

communautaires informels

Services de santé mentale institu-tionnalisés spé-

cialisés

Hôpitaux psy-chiatriques spé-

cialisés

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2.1.1 Services de santé mentale fournis par les soins primaires

Cette catégorie comprend les interventions de traitement, de prévention et de promo-tion de la santé réalisées par des professionnels en soins primaires. Quelques exem-ples sont donnés ci-après. Bien sûr, toutes ces interventions n’ont pas forcément lieu dans chaque pays. En outre, des spécialistes peuvent remplir certaines des fonctions décrites dans les exemples ci-dessous au lieu des professionnels en soins primaires. La manière dont les pays organisent ces activités peut varier en fonction du contexte, p. ex. de l’organisation des services et de la disponibilité de personnel spécialisé.

Voici quelques exemples de prestataires de soins primaires :

a) médecins généralistes, infirmières et autres personnels soignants travaillant dans des cliniques de soins primaires et fournissant des services de diagnostic, de traitement et de recours pour les troubles mentaux ;

b) médecins généralistes, infirmières et autres agents réalisant des visites à domicile pour la gestion des troubles mentaux ;

c) personnel non médical de soins primaires fournissant des services sanitaires de base dans les régions rurales ;

d) personnel non médical de soins primaires impliqué dans des activités de promotion de la santé et de prévention, p. ex. conduite de cliniques d’éducation à la santé men-tale ou dépistage des troubles mentaux à l’école ;

e) agents de soins primaires et de l’aide humanitaire fournissant des interventions d’in-formation, d’éducation, de conseil et de traitement aux victimes de traumatismes dans le contexte de catastrophes naturelles ou d’actes de violence.

Avantages et inconvénients potentiels des services fournis au niveau des soins primaires

I) Ressources humaines : le fait de dispenser des soins de santé mentale par le biais des soins primaires exige des investissements notables dans la formation des professionnels des soins primaires pour qu’ils puissent détecter et traiter les troubles mentaux. Une telle formation doit être adaptée aux besoins pratiques spécifiques de différents groupes de professionnels des soins primaires, p. ex. médecins, infirmières et agents de santé communautaires. De préférence, on fournira des programmes de formation continue plutôt que des ateliers isolés qui n’apportent pas de suivi pour consolider les aptitudes nouvellement acquises. Dans de nombreux pays, ceci n’a pas été pratiqué et les pro-fessionnels en soins primaires ne sont pas bien équipés pour s’occuper de personnes atteintes de troubles mentaux. Celles-ci reçoivent par conséquent des soins qui ne sont pas optimaux. Le personnel des soins primaires est généralement qualifié pour aider les personnes souffrant de troubles physiques, mais est souvent mal à l’aise au contact de personnes atteintes de troubles mentaux. De fait, il se peut que le personnel de santé mentale ne sache pas bien quel est son rôle dans la gestion des troubles mentaux. Des programmes de formation doivent entre autres se pencher sur ces questions.

Une autre question liée à la précédente est qu’une raison essentielle de la réticence du personnel de soins primaires à fournir des services de santé mentale est le manque de temps pour réaliser les interventions requises. Il se peut qu’il faille augmenter les effectifs en soins primaires si on veut que la santé mentale s’ajoute à la pratique de ce personnel. Cependant, on peut aussi dire que les agents de soins primaires peuvent gagner du temps en abordant les problèmes de santé mentale des personnes qui consultent leurs services pour des maux physiques ayant une étiologie psychologique (Goldberg & Lecrubier, 1995 ; Üstün & Sartorius, 1995).

II) Résultats cliniques : le sens commun donne à penser que des services de soins primaires de base donneraient des résultats moins bons que des services spécialisés,

Les services de soins pri-maires peuvent inclure des soins de santé mentale et des activités de promotion de la santé et de prévention réalisées par les profession-nels en soins primaires.

Des investissements impor-tants sont nécessaires pour former les professionnels des soins primaires.

Il se peut qu’il faille aug-menter les effectifs dans les milieux de soins primaires pour dispenser les interven-tions de santé mentale.

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mais tel n’est pas forcément le cas. Pour les troubles les plus courants et aigus, ces ser-vices peuvent atteindre des résultats cliniques égaux ou supérieurs (voir partie 7.1). Trois explications sont possibles pour ce phénomène. Premièrement, il est plus probable que les usagers recherchent une aide précoce en cas de troubles mentaux car les coûts sont moins élevés et l’acceptabilité des services est plus grande. Deuxièmement, le personnel est en mesure de détecter des troubles mentaux à un stade précoce lorsque les usagers consultent pour des problèmes physiques. Troisièmement, les agents de soins primaires peuvent avoir une meilleure compréhension des contextes culturels et interpersonnels des usagers que les agents plus spécialisés. De ce fait, il se peut que les usagers se sentent mieux compris par le personnel de soins primaires. En outre, les prestataires de services peuvent reconnaître quelles sont les forces des contextes culturels et interper-sonnels des usagers qu’ils peuvent exploiter à des fins thérapeutiques. Cependant, les résultats cliniques dépendent fortement de la qualité des services fournis, laquelle est influencée par les connaissances du personnel, ses aptitudes à diagnostiquer et traiter les troubles mentaux courants, le temps dont il dispose et l’accès aux médicaments psy-chotropes et aux traitements psychosociaux.

III) Acceptabilité : en général, les services de soins primaires sont assez bien acceptés par les personnes atteintes de troubles mentaux. Le fait de rechercher de l’aide auprès de services de soins primaires est moins stigmatisé, et ce en partie parce qu’ils fournis-sent à la fois des soins physiques et mentaux. En outre, les services de soins primaires risquent moins d’aboutir à des violations des droits humains des personnes atteintes de troubles mentaux.

IV) Accès : l’accès aux services de soins primaires est bon car ils sont géographiquement proches des usagers et ont généralement des horaires d’ouverture adaptés aux horaires de travail locaux. L’accès est aussi facilité par des coûts indirects relativement bas. Ceci augmente la probabilité que les personnes pauvres fassent appel à ces services.

V) Coûts financiers : ces services ont tendance à être moins chers que d’autres : les coûts des ressources humaines sont plus bas, les établissements occasionnent moins de coûts parce qu’ils sont utilisés conjointement pour les soins généraux, on a moins besoin d’équipements spécialisés et les unités hospitalières sont moins utilisées. Les coûts indi-rects pour les personnes atteintes de troubles mentaux sont aussi plus bas parce que ces services sont géographiquement plus proches des patients, de sorte que ceux-ci font des économies de trajets et de temps.

2.1.2 Services de santé mentale fournis par les hôpitaux généraux

Bon nombre de services de santé mentale peuvent être proposés dans les hôpitaux secondaires des districts ou dans les hôpitaux universitaires/centres hospitaliers tertiaires faisant partie du système de santé général. Des services pour adultes courants sont par exemple des unités psychiatriques, des lits de psychiatrie dans des unités générales, des unités de soins psychiatriques d’urgence, et des cliniques ambulatoires. On trouve des services pour les enfants et les adolescents dans les hôpitaux généraux, universitaires ou pour enfants. Il peut s’agir d’unités psychiatriques pour les enfants et les adolescents et de cliniques ambulatoires pour les enfants/adolescents. On trouve des services pour les personnes âgées dans les hôpitaux généraux et universitaires, p. ex. des unités de géron-topsychiatrie, des lits de psychiatrie dans d’autres unités et des cliniques ambulatoires. Ces services sont fournis par des professionnels spécialisés dans la santé mentale, p. ex. psychiatres, infirmières en psychiatrie, travailleurs sociaux en psychiatrie, psychologues et médecins ayant reçu une formation spéciale en psychiatrie. Des exemples de services de santé mentale proposés par les hôpitaux généraux sont indiqués dans l’encadré 1.

Pour un bon nombre de troubles mentaux, on peut obtenir de bons résultats cliniques en milieux de soins primaires.

Les services des soins pri-maires sont bien acceptés.

Les services des soins pri-maires sont généralement mieux accessibles.

Les interventions de santé mentale dispensées par les soins primaires peuvent être moins chères que d’autres formes de prestation de services.

Certains services de santé mentale peuvent être fournis dans les hôpitaux généraux des districts et dans les hôpitaux tertiaires et univer-sitaires.

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Encadré 1. Services de santé mentale fournis par les hôpitaux généraux

Soins aigus aux patients hospitalisésSoins de stabilisation en cas de criseProgrammes hospitaliers partiels (jour/nuit)Services de consultation de liaison pour les patients consultant en médecine généraleProgrammes ambulatoires intensifs/planifiésSoins de répitConsultations spécialisées/soutien/formation pour les services de soins primairesÉquipes psychiatriques multidisciplinaires reliées à d’autres secteurs de la région ou de la province (écoles, employeurs, services pénitentiaires, assistance sociale) et des organisations non gouvernementales pour la prévention intersectorielle et les initiati-ves de promotion de la santéUnités/services spécialisés pour les personnes atteintes de troubles mentaux spécifi-ques et pour les programmes de rééducation correspondants

Avantages et inconvénients potentiels des services de santé mentale fournis par les hôpitaux généraux

I) Ressources humaines : ces services doivent disposer d’un nombre adéquat de professionnels spécialisés dans la santé mentale, p. ex. psychiatres, psychologues, tra-vailleurs sociaux en psychiatrie et infirmières en psychiatrie. Par conséquent, des inves-tissements sont nécessaires dans des établissements de formation pour ce personnel. Les professionnels de santé mentale en poste dans les hôpitaux généraux présentent de nombreux avantages. Ils peuvent participer à l’enseignement et à la formation pour les étudiants en médecine et les sensibiliser ainsi aux troubles mentaux. Les départements de psychiatrie des hôpitaux généraux peuvent servir de centres de formation de troisième cycle en psychiatrie et peuvent fournir des opportunités de formation pour d’autres pro-fessionnels de santé mentale, p. ex. psychologues, infirmières et travailleurs sociaux.

II) Résultats cliniques : ceux-ci sont variables en fonction de la qualité et de la quantité des services fournis. Dans de nombreux pays en développement, les seuls services de santé mentale proposés dans les hôpitaux généraux sont des unités ambulatoires, des unités de séjour bref pour les cas aigus et des services de consultation de liaison fournis par les unités de psychiatrie aux autres unités médicales. Dans ces circonstances, les services de santé mentale peuvent relativement bien gérer les urgences comportementa-les aiguës, mais n’ont pas grand-chose à proposer aux personnes atteintes de troubles mentaux graves, lesquelles risquent d’entrer dans un cycle d’admission-sortie-réadmissi-on (appelé syndrome de la porte tournante), à moins que des services de soins primaires ou communautaires complets soient également disponibles. L’absence de psychothéra-pie et de thérapies psychosociales limite aussi la capacité de ces services à améliorer les résultats pour les personnes souffrant de troubles non psychotiques.

III) Acceptabilité : les services situés dans les hôpitaux généraux sont souvent bien acceptés par les personnes atteintes de troubles mentaux. Le fait de rechercher de l’aide auprès de ces services est moins stigmatisé qu’auprès des hôpitaux psychiatriques spécialisés. La nature ouverte des hôpitaux généraux fait que des violations des droits humains risquent moins d’arriver que dans des institutions fermées.

IV) Accès : les services des hôpitaux généraux sont le plus souvent situés dans les dis-tricts tandis que les centres tertiaires/universitaires sont souvent situés dans les grandes villes. Particulièrement dans les pays en développement, l’accès aux services basés dans les hôpitaux généraux peut être entravé par les coûts financiers. Le manque de services de transport publics fiables et bon marché dans de nombreux pays peut exclure un grand nombre de personnes n’habitant pas dans les zones urbaines où ces hôpitaux se

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Des ressources humaines spécialisées sont néces-saires pour les services de santé mentale basés dans les hôpitaux généraux.

Les résultats cliniques dépendent de la qualité et de la quantité des prestations.

Ces services sont généra-lement bien acceptés par les personnes atteintes de troubles mentaux.

Les services de santé men-tale basés dans les hôpitaux généraux présentent certains problèmes d’accès mais ont aussi des avantages.

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trouvent. Cependant, les services de santé mentale basés dans les hôpitaux généraux présentent l’avantage d’un accès relativement commode aux examens et traitements spécialisés ainsi qu’au traitement médical pour les maladies physiques associées.

V) Coûts financiers : pour les prestataires, les services de santé mentale fournis dans les hôpitaux généraux reviennent probablement à plus cher que ceux fournis en milieux de soins primaires. Ceci est dû aux coûts de l’infrastructure, aux coûts occasionnés par les séjours hospitaliers, et aux coûts plus élevés en personnel en raison de l’utilisation de personnel spécialisé tel que psychiatres et autres professionnels de santé mentale. En revanche, les services de santé mentale fournis dans les hôpitaux généraux peuvent revenir à moins cher que les services fournis dans des institutions spécialisées. Pour les usagers, les services basés dans les hôpitaux généraux ont tendance à être plus chers que ceux basés en milieux de soins primaires, et ce en raison de coûts indirects tels que voyages et perte d’emploi. Dans les zones rurales, les services basés dans les hôpitaux généraux permettent des économies de transport pour les prestataires, ces coûts étant transférés aux usagers. Ce transfert de charge financière peut représenter un obstacle à l’accès dans les pays en développement, où les coûts indirects sont souvent dispropor-tionnés par rapport à la capacité des gens à dépenser de l’argent directement pour des services de santé mentale.

2.2 Services communautaires de santé mentale

Les services communautaires de santé mentale peuvent être subdivisés en services formels et informels.

2.2.1 Services de santé mentale communautaires formels

Les services de santé mentale communautaires formels se situent dans toute une gamme de milieux et de niveaux de soins, fournis par des professionnels de santé mentale et des paraprofessionnels, c’est-à-dire des personnes travaillant en tant qu’auxiliaires auprès de professionnels. Ces services sont p. ex. les services communautaires de rééducation, les programmes hospitaliers de réorientation, les équipes de crise mobiles, les services thérapeutiques et résidentiels supervisés, les services d’aide et d’assistance à domicile, et les services communautaires pour certains groupes de population tels que victimes de traumatismes, enfants, adolescents et personnes âgées. Les services communautaires de santé mentale ne sont pas basés en milieu hospitalier mais ils doivent être étroitement reliés aux hôpitaux généraux et aux hôpitaux psychiatriques. Ces liens peuvent être par exemple un système de recours bidirectionnel, les hôpitaux généraux et les hôpitaux psychiatriques acceptant les patients pour une gestion à court terme et renvoyant aux communautés les patients aptes à sortir. Les services communautaires de santé men-tale fonctionnent au mieux s’ils sont étroitement liés aux services de soins primaires et aux prestataires informels qui travaillent dans les communautés. L’encadré 2 donne des exemples de services de santé mentale communautaires formels.

Ces services sont plus chers pour les prestataires que ceux fournis en milieux de soins primaires, mais ils peuvent être moins chers que ceux fournis dans les institutions spécialisées.

Les services communautai-res de santé mentale doivent être bien reliés aux soins primaires et secondaires ainsi qu’aux prestataires de services de santé mentale communautaires informels.

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Page 33: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Encadré 2. Exemples de services de santé mentale communautaires formels

Services de rééducationcentres communautaires de santé mentale/cliniques ambulatoiresclubscentres de soins de jourcentres d’accueilgroupes de soutienateliers d’emploi/de rééducationateliers protégésstages supervisésprogrammes de travail coopératifsprogrammes d’emploi accompagné

Programmes hospitaliers de réorientation et équipes de crise mobilesservices mobiles d’évaluation et de traitement de crise (y compris le soir et le week-end), opérant à partir de centres communautaires de santé mentale ou de cliniques ambulatoires

Services de crisebâtiments ordinaires dans le voisinage, avec des professionnels de santé mentale proposant des soins 24 heures sur 24personnel de soutien formé à la santé mentale et pouvant passer la nuit au domicile d’un patient pour apporter un soutien et une supervision en période de crisecentres de crise

Services résidentiels thérapeutiques et supervisésimmeubles d’appartements pour anciens patients (non supervisés)appartements éparpillés, occupés par deux ou trois résidents (non supervisés)foyers de groupes (avec ou sans personnel)foyersfoyers de transitionexploitations agricoles de réinsertion et d’éducationlogements ordinaires

Services de santé à domicileévaluation, traitement et gestion coordonnés par un clinicien de soins à domicile à partir d’un centre communautaire de santé mentalegestion de cas et traitement communautaire intensifcentres de soutien à domicile

Autresservices cliniques en milieux scolaires, professionnels et pénitentiairesservices d’aide par téléphone (« hotline »)programmes d’aide aux traumatisés dans les camps de réfugiés ou les milieux com-munautaires

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Avantages et inconvénients potentiels des services communautaires de santé mentale

I) Ressources humaines : les services de santé mentale communautaires formels nécessitent au moins un peu de personnel ayant un haut niveau de formation et de com-pétences. Cependant, de nombreuses fonctions peuvent être dispensées par des agents de santé ayant un peu de formation en santé mentale. Les services communautaires sont par nature intensifs en main-d’œuvre, ce qui signifie que des effectifs plus importants que pour d’autres services de santé mentale sont nécessaires afin d’optimiser le nombre de personnes atteintes.

II) Résultats cliniques : ceux-ci dépendent de la qualité des prestations. Des services communautaires de santé mentale bien équipés et bien financés offrent à de nombreu-ses personnes atteintes de troubles mentaux graves la possibilité de rester dans leurs communautés. Ils favorisent ainsi l’intégration (voir partie 7.1). De nombreux services communautaires de santé mentale, p. ex. centres de jour, ateliers protégés et logements accompagnés, jouent un rôle crucial dans la fourniture d’un encadrement social aux per-sonnes atteintes de troubles mentaux. Ceci peut avoir un impact positif significatif sur les résultats cliniques et la qualité de vie.

III) Acceptabilité : un haut niveau de satisfaction vis-à-vis des services communautai-res de santé mentale est associé à leur accessibilité, à une faible stigmatisation liée à la consultation de ces services pour des troubles mentaux et à une moindre probabilité de violation des droits humains.

IV) Accès : les services communautaires de santé mentale sont tout à fait accessibles aux usagers, en particuliers à ceux atteints de troubles mentaux graves et ayant besoin d’un appui continu de la part des services de santé mentale. Ces services sont moins stigma-tisants que des hôpitaux psychiatriques, et ceci améliore encore leur accessibilité. Les principaux obstacles à l’accès découlent de leur pénurie, laquelle peut être imputable aux coûts élevés de mise en place et de fonctionnement et au manque de personnel formé. Ces obstacles sont particulièrement nets dans les pays en développement où les services communautaires de santé mentale ne sont généralement disponibles que pour une petite minorité. Les populations rurales et les minorités des pays développés rencontrent des obstacles similaires à l’accès car de tels services ne sont pas disponibles.

V) Coûts financiers : dans de nombreux pays, la désinstitutionnalisation suivie de la mise en place de services communautaires a eu lieu dans l’espoir de réduire les coûts pour les prestataires de services, en particulier pour les prestataires de santé publique. Cependant, l’expérience des dix dernières années indique que les économies réalisées sont minimes, en particulier à court terme. Les prestataires de services communautaires doivent assumer des coûts supplémentaires pour les voyages et le transport du person-nel, en particulier dans les régions rurales. De plus, le nombre d’usagers pris en charge diminue en raison du temps nécessaire pour les trajets. Les services communautaires de santé mentale de bonne qualité, fournissant une vaste gamme de services et répon-dant à différents besoins cliniques sont importants en coûts et en main-d’œuvre. Les éventuelles économies risquent de mettre plusieurs années avant de se manifester. Les économies découlent de la baisse d’utilisation des lits hospitaliers, lesquels sont une ressource onéreuse dans la plupart des pays développés et dans de nombreux pays en développement. Les personnes atteintes de troubles mentaux réalisent des économies parce qu’elles ont moins de trajets à effectuer, les coûts indirects diminuent parce que les services vont vers l’usager plutôt que l’inverse.

2.2.2 Services de santé mentale communautaires informels

En plus des professionnels et paraprofessionnels de santé générale ou de santé mentale, les membres des communautés locales peuvent fournir divers services de santé mentale.

Les services communau-taires de santé mentale ont besoin d’effectifs suffisants en personnel spécialisé. Ceci peut être difficile à obtenir dans les pays en dévelop-pement.

Les services bien équipés ont des résultats relative-ment bons.

Les usagers sont générale-ment très satisfaits de ces services.

Les services communautai-res de santé mentale sont tout à fait accessibles aux usagers.

Les services communau-taires ne sont pas bon marché et ne permettent pas forcément aux prestataires de services de réaliser des économies sur l’ensemble des coûts.

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Page 35: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Bien que ces personnes n’aient pas forcément reçu une formation officielle poussée en santé mentale, elles peuvent fournir une bonne partie des soins nécessaires, en particulier dans les milieux où les personnes atteintes de troubles mentaux vivent à leur domicile avec leurs familles. Les prestataires informels de santé mentale sont différents en fonc-tion de chaque scénario de ressources en santé mentale et de la situation sociopolitique de chaque pays ou région. L’encadré 3 indique quelques exemples de prestataires de services de santé mentale communautaires informels.

Les prestataires de services de santé mentale communautaires informels ne formeront probablement pas le cœur des prestations de santé mentale. Les pays n’ont pas intérêt à se baser uniquement sur leurs services. Par contre, ils représentent un complément utile aux services formels.

Les tradipraticiens ne sont pas faciles à classer dans une catégorie spécifique de services de cette partie. Il peut s’agir de guérisseurs religieux ou spirituels, ou de soignants utili-sant des médecines indigènes ou alternatives. Dans certains pays, ils peuvent faire partie du secteur de santé informel. Cependant, dans beaucoup d’autres pays, ils font payer pour leurs services et doivent donc être considérés comme faisant partie des prestatai-res de services privés formels. Dans de nombreux pays, ils sont le premier recours des personnes atteintes de troubles mentaux, ou même les prestataires des seuls services disponibles. Ils sont très bien acceptés et généralement facilement accessibles parce qu’ils sont souvent membres des communautés locales qu’ils desservent. En dépit du rôle important joué par les tradipraticiens dans de nombreuses sociétés pour les soins aux personnes atteintes de troubles mentaux, il convient de noter que certaines de leurs pratiques ont donné lieu à des violations des droits humains. Il y a en particulier des inquiétudes au sujet de violations des droits de groupes vulnérables, p. ex. enfants, fem-mes et personnes âgées.

Encadré 3. Exemples de prestataires de services de santé mentale communautaires informels

tradipraticiensagents de village ou de communautémembres de la famillegroupes d’entraide et d’usagersservices de sensibilisationbénévoles profanes fournissant une éducation aux parents et aux jeunes sur des questions de santé mentale et un dépistage de troubles mentaux (y compris tendan-ces au suicide) dans les cliniques et les écoleschefs religieux fournissant des informations de santé sur les réactions aux traumatis-mes dans des situations d’urgence complexesservices de soins de jour fournis par la famille, les voisins ou les retraités des com-munautés localesagents d’organisation humanitaires dans des situations d’urgence complexes.

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Les prestataires informels ne peuvent pas être les seuls à fournir des services de santé mentale.

Les tradipraticiens sont un groupe hétérogène.

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Avantages et inconvénients potentiels des services de santé mentale communau-taires informels

I) Ressources humaines : généralement, celles-ci sont faciles à obtenir dans les com-munautés, en particulier dans les communautés rurales et isolées où les services sanitai-res formels sont difficiles à obtenir.

II) Résultats cliniques : ces services peuvent jouer un important rôle de soutien et amé-liorer les résultats pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Ils sont importants pour maintenir l’intégration à la communauté et fournir un réseau de soutien qui réduit le risque de rechutes. Dans de nombreux pays en développement, ils sont la principale source de prestations de santé mentale et ce sont en particulier les personnes atteintes de troubles mentaux aigus, brefs et dus au stress psychosocial qui font appel à eux.

III) Acceptabilité : celle-ci est élevée car les communautés les ressentent comme répon-dant mieux à leurs besoins exprimés. Ces services correspondent généralement aux per-ceptions et aux modèles d’explication et de traitement des troubles mentaux ayant cours dans la communauté. Cependant, il y a certaines inquiétudes au sujet de violations des droits humains, en particulier de l’utilisation de méthodes de traitement traumatisantes et du risque de violation des droits des populations vulnérables, p. ex. enfants, femmes et personnes âgées. Les interventions ne sont pas soumises aux mesures de contrôle de qualité pouvant s’appliquer aux prestataires publics.

IV) Accès : les obstacles sont rares car ces services sont en principe basés dans la communauté et sont très bien acceptés, ce qui réduit le risque de stigmatisation liée à leur utilisation.

V) Coûts financiers : les services de santé mentale informels sont généralement avanta-geux du point de vue financier par rapport à presque tous les services de santé mentale formels (voir le paragraphe sur les tradipraticiens ci-dessus). Cependant, ces services ne sont pas toujours gratuits et les usagers peuvent devoir assumer certains coûts.

2.3 Services institutionnalisés en hôpitaux psychiatriques

La caractéristique clé de ces services est leur style indépendant et autonome, même s’ils ont parfois des liens avec le reste du système de santé. On peut distinguer les services de santé mentale institutionnalisés spécialisés et les hôpitaux psychiatriques spécialisés.

2.3.1 Services de santé mentale institutionnalisés spécialisés

Il s’agit généralement de services publics ou privés spécialisés basés dans un hôpital et proposant divers services dans des unités de séjour et dans des milieux cliniques ambu-latoires spécialisés. Il ne s’agit pas simplement d’hôpitaux psychiatriques modernisés mais de services répondant à des besoins tout à fait spécifiques qui nécessitent un milieu institutionnalisé. En outre, ils ne sont pas censés fournir des services de santé mentale primaires à la population générale mais sont des services de recours secondaires et tertiaires. Ils comprennent des unités de soins aigus et de haute sécurité, des unités spécialisées pour les enfants et les personnes âgées et d’autres services spécialisés tels qu’unités de psychiatrie médico-légale. Des exemples de ces services sont donnés dans l’encadré 4.

Les ressources humaines sont généralement facile-ment disponibles dans les communautés.

Les services informels peu-vent jouer un rôle de soutien important pour les services de santé mentale formels.

Ils sont généralement très bien acceptés dans les com-munautés locales.

Il y a peu d’obstacles à leur accès.

Ils ne sont pas toujours gra-tuits et les usagers doivent parfois assumer des coûts.

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Encadré 4. Exemples de services de santé mentale institutionnalisés spécialisés

soins spécialisés aux patients hospitalisésunités de sécurité moyenneunités de haute sécurité

unités/centres spécialisés dans le traitement de troubles spécifiques et dans les programmes de rééducation correspondants, p. ex. unités de troubles des conduites alimentaires

cliniques ou unités spécialisées dans certains troubles mentaux spécifiques des enfants et des adolescents

services de rééducation pour certains troubles spécifiques des enfants et des adoles-cents, p. ex. autisme et troubles psychotiques

soins de répit

cliniques ou unités spécialisées dans certains troubles spécifiques des personnes âgées, p. ex. maladie d’Alzheimer

Avantages et inconvénients potentiels des services institutionnalisés spécialisés fournis par les hôpitaux psychiatriques

I) Ressources humaines : les services spécialisés nécessitent des effectifs importants en spécialistes de santé mentale formés. La pénurie de ce type de personnel représente un problème sérieux dans les pays en développement. L’absence de personnel formé peut rendre difficile le maintien de la qualité des services souhaitée et fait augmenter le risque que les services dévient vers des soins de type plus carcéral que thérapeutique.

II) Résultats cliniques : les services spécialisés sont en général des centres de recours tertiaires. Les patients atteints de troubles mentaux difficiles à traiter représentent une grande partie des cas. Le succès des services spécialisés dépend fortement de la qualité des services et de l’infrastructure dont ils disposent. Dans les pays développés, où ces services spécialisés sont souvent bien financés et bien équipés, ils fournissent des soins de haute qualité et ont des résultats suffisamment bons pour justifier leur existence. Dans les pays en développement, le manque de fonds, d’infrastructure et de personnel signifie souvent que de nombreux services sont inexistants ou inadéquats.

III) Acceptabilité : comme pour toutes les institutions de santé mentale à part, les services spécialisés sont liés à une stigmatisation sociale et risquent donc d’être mal acceptés. Les usagers des services sont souvent réticents à les utiliser, à part en dernier recours. Ceci n’est pas forcément problématique car les services spécialisés ne sont pas censés encourager les gens à les utiliser comme prestataires de premier recours.

IV) Accès : presque tous les services spécialisés ont des problèmes d’accès, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Bien souvent, ils ne sont pas très disponibles, même dans les pays développés, et presque inexistants dans les pays en développement. Ces services spécialisés sont situés à proximité de gran-des zones urbaines mais souvent à une certaine distance de celles-ci. Les moyens de transport reliant les hôpitaux sont parfois inappropriés, ce qui fait augmenter les coûts liés à l’accès. La stigmatisation liée aux services psychiatriques à part, fournis par des établissements spécialisés, représente un obstacle à leur utilisation. Certains problèmes d’accès ne sont pas facile à résoudre. On peut cependant argumenter que les services spécialisés ne sont pas censés être des services de premier recours faciles d’accès. En

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La pénurie de ressources humaines affecte la qualité des services spécialisés.

Les services spécialisés aident de nombreux patients atteints de troubles mentaux graves et difficiles à soigner.

Les services spécialisés ne sont pas des prestataires de premier recours.

Les services spécialisés sont souvent difficiles d’accès du point de vue géographique.

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outre, pour des raisons de viabilité, les services spécialisés doivent être centralisés et leur accès limité au cas où un recours est demandé par un professionnel.

V) Coûts financiers : les coûts engendrés par la mise en place et le fonctionnement de services spécialisés sont élevés par rapport à d’autres formes de prestations. Ceci est dû par exemple au haut niveau d’investissement nécessaire pour mettre en place des unités spécialisées et aux coûts élevés en personnel en raison du fort taux de personnel par rapport au nombre de patients. En outre, les coûts augmentent parce que les institutions doivent prendre en charge les patients pendant de longues périodes. Dans de nombreux pays en développement, les coûts des unités spécialisées ne sont pas forcément élevés parce que le personnel est moins cher que dans les pays développés, et, bien souvent, les investissements sont faibles, de sorte que les unités fonctionnent dans des conditions insuffisantes. Il est difficile d’évaluer les inconvénients financiers des services de santé mentale spécialisés dans de telles conditions. Cependant, si des services spécialisés de bonne qualité sont fournis dans les pays en développement, les questions financières mentionnées plus haut s’appliquent alors. La répartition exacte de ces coûts entre les prestataires des services et les usagers dépend des dispositions de financement dans chaque pays. Mais même si ces services sont pris en charge par les finances publiques, les usagers assument des coûts indirects pour obtenir les soins.

2.3.2 Hôpitaux psychiatriques spécialisés

Il s’agit d’hôpitaux à l’ancienne mode, fournissant essentiellement des services de type carcéral de long séjour. Dans de nombreux pays, ils sont soit les seuls prestataires de services de santé mentale, soit ils demeurent un élément essentiel de ces services. Ceci peut sembler contradictoire avec les données de l’Atlas de l’OMS indiquant que seuls 37% des pays n’ont pas d’établissements de soins communautaires, que 87% des pays ont déterminé la santé mentale comme étant une activité pour les soins primaires, et qu’une formation régulière du personnel de soins primaires a lieu dans 59% des pays (Organisation mondiale de la Santé, 2001b). Cependant, ces pourcentages ne reflètent pas dans quelle mesure la population est couverte. Ainsi, en Inde, dont la population dépasse le milliard d’habitants, les programmes communautaires de santé mentale exis-tent dans 22 districts et couvrent seulement 40 millions d’habitants (Jacob, 2001).

Avantages et inconvénients potentiels des hôpitaux psychiatriques

I) Ressources humaines : dans de nombreux pays, les hôpitaux psychiatriques fixent la majeure partie des ressources de santé mentale disponibles. Ceci représente un obstacle sérieux au développement de services communautaires de santé mentale. En outre, le personnel souffre d’un taux élevé de burn-out et de perte de motivation et il y a un déclin progressif des aptitudes des professionnels de santé mentale.

II) Résultats cliniques : bien souvent, ces institutions fournissent des soins de type carcéral de qualité extrêmement médiocre. Plusieurs facteurs débouchent sur de mau-vais résultats cliniques, p. ex. soins cliniques médiocres, violations des droits humains, nature du processus de soins institutionnalisé et manque d’activités de rééducation. Les coûts élevés et les mauvais résultats cliniques signifient que ces institutions représentent l’utilisation la moins souhaitable des maigres ressources financières disponibles pour les services de santé mentale. Ceci est particulièrement vrai des pays en développement où les hôpitaux psychiatriques sont les seuls prestataires de services de santé mentale.

III) Acceptabilité : les hôpitaux psychiatriques sont généralement mal acceptés des per-sonnes atteintes de troubles mentaux et des communautés. Une stigmatisation impor-tante est liée aux hôpitaux psychiatriques à part et les gens sont généralement réticents à faire appel à leurs services, sauf en dernier recours. Ceci aboutit à retarder la recherche d’un traitement auprès de tels services, ce qui affecte les résultats cliniques de manière

Les services spécialisés de bonne qualité sont chers en raison des investissements considérables dans l’infras-tructure et le personnel.

Dans de nombreux pays, les hôpitaux psychiatriques consomment une proportion importante des ressources financières et humaines.

Les résultats cliniques sont médiocres en raison de la qualité souvent mauvaise des services fournis dans les hôpitaux psychiatriques.

Les hôpitaux psychiatriques sont souvent liés à la stig-matisation et à des viola-tions des droits humains.

Les gens sont réticents à faire appel à ces services.

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négative. Les hôpitaux psychiatriques des pays en développement et développés ont une histoire de violations graves des droits humains. Au cours des vingt dernières années, ceci a conduit à les fermer ou à les réformer profondément. En dépit des améliorations qui ont eu lieu, il reste de sérieuses inquiétudes au sujet des séjours de longue durée dans les hôpitaux psychiatriques des pays développés et en développement.

IV) Accès : presque tous les hôpitaux psychiatriques ont des problèmes d’accès. En général, ils sont situés à quelque distance des zones urbaines et sont mal reliés par les transports. Les personnes atteintes de troubles mentaux séjournant dans ces institutions risquent d’être isolées de leurs familles parce qu’il est souvent très difficile de recevoir des visiteurs ou de garder le contact avec le monde extérieur. L’accès est aussi entravé par des procédures complexes d’admission et de sortie et par la stigmatisation liée à ces institutions.

V) Coûts financiers : les hôpitaux psychiatriques sont chers et, dans de nombreux pays en développement, ils consomment une part importante du budget destiné aux services de santé mentale, ce qui laisse peu de ressources pour les initiatives communautaires. En Indonésie par exemple, 97% du budget de santé mentale est dépensé pour les hôpitaux psychiatriques publics (Trisnantoro, 2002). Ces hôpitaux se caractérisent souvent par l’immobilité et ont des populations de patients statiques, séjournant pendant de longues périodes.

Les obstacles à l’accès sont importants dans la plupart des pays.

Les coûts financiers élevés laissent peu de ressources pour d’autres services.

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Points essentiels : Services de santé mentale

– On peut en gros classer les services de santé mentale en : (I) services de santé mentale intégrés aux services de santé générale ; (II) services communautaires de santé mentale ; (III) services institutionnalisés fournis par les hôpitaux psychiatriques.

– Les services de santé mentale fournis par les soins primaires nécessitent des investis-sements considérables dans des ressources humaines adéquates et dans une formation appropriée pour les professionnels de soins primaires.

– Les services fournis en milieux de soins primaires peuvent aboutir à de bons résultats cliniques pour les troubles mentaux.

– Les services de santé mentale fournis par les soins primaires présentent des avantages significatifs d’accessibilité, d’acceptabilité et d’économies financières pour les prestatai-res et les usagers.

– Les services de santé mentale fournis par les hôpitaux généraux nécessitent la pré-sence d’effectifs suffisants en professionnels de santé mentale formés.

– Les services de santé mentale communautaires formels doivent travailler en liaison étroite avec les soins primaires et les services secondaires et tertiaires hospitaliers.

– Les usagers et les soignants sont généralement très satisfaits des services communau-taires lorsque ceux-ci disposent de bonnes ressources.

– Les services communautaires de santé mentale ne se traduisent pas par des écono-mies financières immédiates pour les prestataires.

– Dans de nombreux pays, les prestataires de services de santé mentale communautaires informels sont une ressources facilement disponible.

– Les services de santé mentale communautaires informels sont le premier contact et parfois les seuls prestataires dans bien des pays en développement.

– Les services hospitaliers spécialisés sont nécessaires dans la plupart des pays bien que le nombre absolu nécessaire varie suivant les pays et soit nettement inférieur à celui des soins primaires et des services communautaires.

– Dans de nombreux pays, les hôpitaux psychiatriques spécialisés sont liés à la stigma-tisation et à des violations des droits humains.

– Dans de nombreux pays, les hôpitaux psychiatriques spécialisés consomment une part disproportionnée des ressources financières et humaines, de sorte qu’il reste peu de marge pour le développement d’autres services.

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3. État actuel de l’organisation des services de par le monde

Très peu de pays ont un mélange de services optimal. Il y a souvent des disparités géo-graphiques importantes même entre les régions d’un même pays.

De nombreux pays se basent sur les hôpitaux psychiatriques en tant que principaux prestataires des soins de santé mentale. Ces hôpitaux sont généralement situés à une distance considérable des zones urbaines. En outre, les transports publics sont souvent médiocres, ce qui renforce encore la ségrégation des personnes atteintes de troubles mentaux. L’architecture de ces hôpitaux est souvent menaçante : ils sont par exemple entourés de hautes murailles avec des guérites, ce qui reflète la nature carcérale des soins dispensés. Ces institutions sont souvent mal équipées. Il est fréquent que le confort de base, tel que toilettes, lits et espace pour les objets personnels, fasse défaut. Le rap-port personnel/patient est souvent très bas. Il est donc peu probable que les patients bénéficient d’une attention professionnelle individuelle de bonne qualité. Les violations des droits humains en tous genres sont à l’ordre du jour. L’encadré 5 rapporte un extrait d’un rapport de la Commission nationale indienne des droits humains sur le travail des hôpitaux psychiatriques du pays. Il fournit une bonne idée de la nature de ces institutions et de la difficulté à les réformer pour surmonter les problèmes de base.

Encadré 5. Fonctionnement des hôpitaux psychiatriques en Inde

En Inde, la Commission nationale des droits humains a enquêté sur les 37 hôpitaux psy-chiatriques publics du pays où se trouvent près de 18 000 patients. Un rapport d’enquête a été publié en 1999. Les informations ci-dessous sont tirées du rapport et soulignent quelques violations des droits humains les plus graves ayant lieu dans ces institutions.

Le rapport total lits/patients était de 1:1,4, ce qui signifie qu’il était fréquent que les patients dorment à même le sol dans de nombreux hôpitaux. Même dans les hôpitaux ayant un rapport lits/patients de 1:1, de nombreux lits étaient en réparation, de sorte que les patients dormaient sur le sol froid et humide.

Dans les unités des hommes des hôpitaux de Varanasi, Indore, Murshidabad et Ahmedabad, les patients étaient censés uriner et déféquer en public dans un égout à ciel ouvert. Dans de nombreux hôpitaux, les toilettes étaient bouchées. Dans certains hôpitaux, il n’y avait pas de robinets dans les toilettes. Les toilettes étaient très sales dans 13 des hôpitaux (35%).

De nombreux hôpitaux avaient des problèmes d’eau courante, ceci reflétant souvent la pénurie d’eau dans l’État concerné. Les possibilités de stocker de l’eau étaient mauvai-ses dans 26 des hôpitaux (70,2%) et il y avait par conséquent des pénuries d’eau. Les patients devaient dans certains cas quitter leur unité pour obtenir de l’eau. Dans certains hôpitaux, il était difficile d’obtenir de l’eau potable propre. Un seau d’eau commun se trouvait à l’extérieur de chaque unité. Pendant la nuit, lorsqu’ils étaient enfermés, les patients devaient passer une tasse commune à travers les barreaux pour puiser de l’eau. Certains hôpitaux n’avaient pas d’eau chaude pour la toilette, même en hiver. Les dou-ches ouvertes étaient fréquentes (c’est-à-dire pas de salles de bains ou de cabinets de toilette, les patients devaient prendre leur douche dehors). 16 hôpitaux sur 37 (43,2%) avaient des cellules. Dans certains hôpitaux, de nombreux patients étaient enfermés dans une cellule prévue pour une personne. Dans d’autres, il y avait un patient par cellule. De nombreuses cellules n’avaient ni point d’eau, ni linge, ni lit, ni toilettes. Les patients étaient enfermés en permanence et devaient uriner et déféquer dans leur cellule.

Source : Quality assurance in mental health (Assurance de la qualité en santé mentale). New Delhi : Commission nationale des droits humains d’Inde, 1999.

Les violations des droits humains continuent à être un problème important dans de nombreux hôpitaux psychiatriques des pays en développement et dévelop-pés.

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Certains pays en développement ont pris des mesures pour étendre la disponibilité des services de santé mentale en les intégrant aux soins primaires. D’autres pays ont rendu les services de santé mentale disponibles dans les hôpitaux généraux. Malheureusement, ces deux manières de fournir ces services ne sont disponibles que pour une faible part des populations concernées, généralement dans les centres urbains ou dans des régions rurales choisies. Il y a eu peu d’efforts concertés à utiliser les soins primaires en tant que principal véhicule de fourniture des services de santé mentale. Les encadrés 6 et 7 pré-sentent quelques exemples de services intégrés. L’encadré 8 présente des exemples de disparités géographiques dans l’offre de services de santé mentale.

Encadré 6. Exemples de services de santé mentale fournis par les soins primaires dans divers pays

Argentine : dans la province de Neuquen, la coopération entre les médecins généralistes de soins primaires faisant partie du secteur de la santé générale et les psychologues consul-tants du secteur de la santé mentale était entravée par des paradigmes de formation diffé-rents. Les médecins généralistes souhaitaient plus de formation sur les questions de santé mentale et une meilleure coordination avec les psychiatres et psychologues consultants. Le département sanitaire de la province réagit en créant une commission sur la santé mentale, laquelle, entre autres choses, se concentra sur la construction d’un solide réseau de recours et de consultation et sur la formation des médecins généralistes et des infirmières dans les régions rurales reculées. Afin d’élaborer un programme de formation adéquat, la commission convoqua une conférence pour les médecins généralistes et invita des professionnels ayant diverses expériences internationales et formations sur des questions de santé mentale à y participer. Des représentants des domaines soins infirmiers, psychiatrie, médecine de soins primaires, clergé, travail social et droit y participèrent. L’équipe de formation comprenait des personnes venant d’Argentine, du Chili, des États-Unis, du Guatemala, du Royaume-Uni et d’Uruguay. Après une expérience de formation, la commission de santé mentale, comprenant des représentants des domaines de la santé mentale et des soins primaires, coordonna d’autres formations et un suivi à long terme des médecins généralistes et des psychologues locaux en milieux de soins primaires (Collins et al., 1999a). Cette approche d’intégration des soins de santé mentale aux soins primaires opère à plusieurs niveaux. Au niveau du gouvernement de la province, il y a une coopération entre les secteurs de la santé mentale et des soins primaires dans la commission de santé mentale. Au niveau des soins primaires, il y a une large coopération intersectorielle entre différentes professions ayant un rapport avec les questions traitées. Le programme de formation encourage la coopération entre les médecins généralistes, les infirmières et les travailleurs sociaux dans le contexte de fourniture d’un soutien aux familles. Un programme de formation similaire a été élaboré pour les infirmières (Collins et al., 1999a). Dans le contexte de l’approche consultative poursuivie au niveau des soins primaires, certains médecins généralistes en exercice dans les régions rurales se réunissent une fois par mois avec les tradipraticiens pour coordonner le traitement de certaines maladies, renforcer la confiance des communautés dans les médecins géné-ralistes et prévenir des traitements parallèles dangereux impliquant l’utilisation de plantes et de médicaments (Collins et al., 1999b).

Chine : les services de soins primaires généraux sont fournis par des cliniques ambulatoi-res situées dans les hôpitaux généraux de rue, de quartier ou de district (Pearson, 1992 ; Yan et al., 1995). Il existe divers services communautaires au niveau des soins primaires. Il s’agit par exemple de lits à domicile avec visites de personnel basé dans les hôpitaux du district ou du quartier, de groupes de soins infirmiers ou de supervision organisés au niveau de la rue ou de l’association des résidents (Pearson, 1992). À Shanghai, il y a des services téléphoniques pour les adolescents et les personnes âgées (Ji, 1995).

Botswana : les infirmières en psychiatrie travaillant dans les hôpitaux de district de niveau secondaire supervisent un certain nombre de cliniques de soins primaires dans chaque

Dans la plupart des pays, les services fournis par les soins primaires ne sont tou-jours pas utilisés en tant que principal véhicule d’offre de services.

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district. Elles rendent régulièrement visite à ces cliniques et rencontrent les agents de soins primaires ayant détecté des cas vulnérables dans la communauté (Ben-Tovin, 1987).

Guinée-Bissau : avant la guerre qui a eu lieu récemment, un système de soins primaires fonctionnant bien était en place, il disposait d’une infrastructure et d’employés rémuné-rés. Les infirmières des centres de soins primaires étaient formées à détecter et traiter les cas des principaux troubles mentaux rencontrés dans les cliniques (De Jong, 1996).

Inde : le projet du district de Bellary comprenait une formation pour toutes les catégories de personnel de soins primaires et d’assistance sociale, la fourniture des médicaments psychotropes essentiels, un système de dossiers simple et un mécanisme de surveillance du travail du personnel de soins primaires fournissant des services de santé mentale (Murthy, 1998). Les centres de soins primaires fournissent en général des services pré-ventifs et curatifs à 30 000 personnes et disposent d’un ou deux médecins et de 15 à 20 agents de santé de base. Les médecins travaillant dans les cliniques supervisent les agents de santé qui rendent visite aux familles à domicile et effectuent une vaste gamme d’activités sanitaires. Les patients se présentent dans les centres sans rendez-vous. Une consultation moyenne dure entre trois et cinq minutes. Malgré les efforts réalisés en for-mation sur la santé mentale, il semble que le niveau de détection des troubles mentaux par les médecins des soins primaires soit encore relativement faible. Ceci peut être dû au fait que les patients consultent pour des troubles somatiques et que les consultations sont extrêmement rapides (Channabasavanna et al., 1995).

République islamique d’Iran : des efforts d’intégrer les soins de santé mentale ont démar-ré à la fin des années 1980 et le programme a été étendu depuis à l’ensemble du pays. Il y a aujourd’hui des services pour environ 20 millions d’habitants (Mohit et al., 1999).

Pakistan : un modèle de fourniture des soins de santé mentale intégrée aux soins primai-res a été élaboré à l’origine dans deux sous-districts de Rawalpindi (Mubbashar, 1999). Il est maintenant en cours d’extension dans certaines parties de toutes les provinces. La formation en santé mentale a été intégrée au programme de formation des centres de développement sanitaire des districts. Ces centres ont été mis en place pour qualifier le personnel des soins primaires de sorte que ce personnel puisse gérer les problèmes de santé courants qui se présentent. Plus de 2 000 médecins en soins primaires et plus de 40 000 agents de soins primaires (y compris femmes agents de santé et agents de santé pluridisciplinaires) ont bénéficié d’une formation décentralisée dans tout le pays. Plus de 65 jeunes psychiatres ont été formés en santé mentale communautaire de sorte qu’ils puissent servir de ressources pour le développement de programmes de santé mentale communautaire dans ces régions et fournir un soutien de formation, de recours et d’éva-luation pour permettre l’intégration des soins de santé mentale aux soins primaires. Une liste nationale de médicaments essentiels a été formulée. Elle comprend tous les médica-ments neuropsychiatriques essentiels. Un autre aspect essentiel a été le fait d’inclure les troubles mentaux prioritaires dans le système d’information national de gestion sanitaire. Le gouvernement a accepté de financer l’intégration de la santé mentale aux soins pri-maires à l’échelle nationale et un budget à part a été alloué à cet effet.

Tanzanie : des dispensaires ruraux sont fournis par des sources publiques, privées et bénévoles. Ces établissements fournissent des services médicaux de base dans les régions rurales (Ahmed et al., 1996). Dans certaines régions rurales, des villages de réé-ducation agricole offrent des emplois protégés, un contact continu avec les membres des communautés locales et un soutien psychosocial continu par le biais de tradipraticiens, d’agents de santé communautaires et de médecins généralistes. Ces services commu-nautaires représentent une alternative aux services en séjour hospitalier pour les patients à long et moyen terme (Kilonzo & Simmons, 1998).

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Encadré 7. Exemples de services de santé mentale fournis par les hôpitaux généraux dans divers pays

Éthiopie : les services de niveau tertiaire ont élaboré en collaboration un programme de soins de santé mentale au niveau secondaire en formant des infirmières en psychiatrie. 27 hôpitaux régionaux et un centre de santé ont ouvert des unités psychiatriques, chacune d’entre elles conduite par deux infirmières en psychiatrie (Alem et al., 1999).

Népal : les unités psychiatriques de niveau secondaire sont situées dans les hôpitaux des districts. Les établissements de niveau secondaire sont par exemple de petites uni-tés psychiatriques à l’hôpital militaire et dans deux hôpitaux régionaux, ainsi qu’un petit programme communautaire de santé mentale dans trois autres hôpitaux régionaux. Les unités de santé mentale situées à l’extérieur de la capitale n’ont pas de services pour les séjours de longue durée (Tausig & Subedi, 1997).

Tanzanie : des équipes de santé mentale communautaire ont été établies dans des cliniques de niveau secondaire de la capitale. En revanche, de telles équipes n’existent pas dans les régions rurales. Aussi bien dans les zones rurales qu’urbaines, les services de niveau secondaire sont situés dans les unités psychiatriques des hôpitaux de district généraux (Kilonzo & Simmons, 1998).

Tunisie : depuis 1956, 300 nouveaux lits de psychiatrie ont été établis dans de petites unités psychiatriques de cinq hôpitaux généraux dans tout le pays et le nombre de lits du seul hôpital psychiatrique a été divisé par deux.

Encadré 8. Exemples de divers pays en développement ayant une concentration des services de santé mentale dans les zones urbaines

Botswana : des services de santé mentale spécialisés se trouvent dans la capitale et les centres régionaux, tandis que les régions rurales font appel aux cliniques de soins primaires, aux visites d’infirmières en psychiatrie dans ces cliniques et aux tradipraticiens (Ben-Tovim, 1987 ; Sidandi et al., 1999).

Cambodge : bien que 85% de la population vivent dans des régions rurales, il n’y a que peu de ressources de santé mentale dans ces régions, à part les tradipraticiens. Il y a relativement peu de cliniques de santé mentale de districts dans les régions reculées. Les patients parcourent souvent plus de 300 kilomètres à partir des districts et provinces environnants pour atteindre une clinique.

Costa Rica : la plupart des agents de santé mentale sont concentrés dans les milieux urbains. Les régions rurales ont trop peu de personnel (Gallegos & Montero, 1999).

Éthiopie : toutes les institutions psychiatriques tertiaires et la plupart des psychiatres se trouvent dans la capitale. Il y a des hôpitaux régionaux avec des unités psychiatriques dans les régions urbaines et rurales. Il existe des plans d’étendue des services psychia-triques à plus d’hôpitaux de districts et de centres sanitaires des régions rurales. Il n’y a pas de services de santé mentale dans les cliniques de soins primaires, ni en milieu urbain, ni en milieu rural. Les tradipraticiens répondent aux besoins en santé mentale des communautés rurales. Il est courant que les habitants des régions rurales s’occupent à la maison d’un membre de la famille atteint de troubles mentaux (Alem et al., 1999 ; Awas et al., 1999).

Pays de l’ancien bloc de l’Est : les services de santé mentale continuent à être organi-sés par des bureaucraties à planification centralisée et il y a une démarcation nette entre

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l’administration locale et l’administration centrale. L’autorité se situe au centre, c’est-à-dire dans les centres urbains. Les régions rurales reculées sont contraintes de fournir des services conçus et financés par la bureaucratie centrale (Tomov, 1999).

Nigeria : les hôpitaux urbains ont plus de personnel médical et leurs services de soutien fonctionnent plus efficacement que dans les hôpitaux publics des régions rurales (Gureje et al., 1995).

Pakistan : dans les grandes villes, il y a des établissements résidentiels et de soins de jour pour les personnes ayant des difficultés d’apprentissage. Ils fournissent des activités sociales, professionnelles et éducatives. Cependant, l’immense majorité des populations rurales n’a pas accès à ces services (Yousaf, 1997).

Afrique du Sud : il y a près de 500 psychiatres inscrits, mais en raison de facteurs tels que l’émigration et la préférence accordée au travail en région urbaine et dans le secteur privé, il y a des régions du pays, et même des provinces entières, qui disposent d’un seul psychiatre du secteur public pour plus de 5 millions d’habitants.

Tanzanie : dans les régions rurales, le rapport médecins formés à l’occidentale/popu-lation est de 1:20 000 alors que le rapport tradipraticiens/population est de 1:25. dans ces régions, les soins de santé mentale primaires se basent sur les agents médicaux, les infirmières et aides-soignant(e)s en santé mentale. On ne trouve de psychiatres que dans les principaux centres urbains disposant d’établissements psychiatriques régionaux. Le déséquilibre entre le nombre de professionnels de santé mentale dans les zones urbaines et rurales se reflète également dans la présence d’équipes de soins de santé mentale communautaires dans la capitale et leur absence dans les régions rurales

Dans certains pays, on trouve de bons exemples de collaboration intersectorielle entre les organisations non gouvernementales, les institutions universitaires, les services de santé du secteur public, les services de santé mentale informels et les usagers, de sorte que des services communautaires dont le besoin est urgent ont pu se développer. Actuellement, ces activités sont limitées à de petites populations dans les zones urbaines ; l’immense majorité des populations rurales n’a pas accès à de tels services. Il y a un besoin urgent d’encourager de telles activités qui peuvent fournir des services de santé mentale acceptables pour les communautés locales. L’encadré 9 indique des exemples de telles collaborations intersectorielles.

Encadré 9. Exemples de collaborations intersectorielles dans divers pays

Cambodge : il existe une coopération intersectorielle entre les donateurs externes et les services de santé mentale au niveau tertiaire. La fondation canadienne Marcel Roy pour les enfants du Cambodge a financé une clinique psychiatrique dans l’hôpital psychiatri-que de niveau tertiaire, l’Organisation Internationale pour les Migrations a lancé avec le soutien du Conseil norvégien de la santé mentale un projet de formation des médecins en tant que psychiatres.

République tchèque : l’association FOKUS de soins de santé mentale implique une coopération intersectorielle. Ce prestataire de services est devenu une organisation non gouvernementale ce qui lui permet de recevoir des fonds du gouvernement et des dons privés. FOKUS a obtenu des fonds des Ministères des Affaires sociales, de la Santé et de la Culture, de l’Office du travail et du gouvernement municipal de Prague, ainsi que d’organisations donatrices privées étrangères et locales (Holmes & Koznar, 1998).

Les organisations non gouvernementales peuvent jouer un rôle important dans l’offre de services.

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Éthiopie : la coopération intersectorielle a lieu au niveau national entre le Ministère de la Santé, le Département universitaire de psychiatrie et l’OMS. Ces organismes ont lancé en 1986 un programme de formation pour les infirmières en psychiatrie (Alem et al., 1999).

Israël : des conseils régionaux de santé mentale dirigés par des psychiatres sont res-ponsables de la supervision, de la coordination et de l’élaboration de tous les services de santé mentale et de la collecte de toutes les informations relatives à la santé mentale dans chaque région. Chaque conseil travaille avec un comité de coordination régional comprenant des représentants du gouvernement central, des assureurs, des organismes bénévoles, des prestataires et des usagers (Tyano & Mozes, 1998).

Roumanie : le Ministère de la Santé et le Ministère de l’Éducation ont lancé en 2001 un programme de promotion de l’éducation à la santé dans les écoles, programme dans lequel les questions de santé mentale sont bien représentées.

Tanzanie : les villages psychiatriques de rééducation agricole comprennent une réaction intersectorielle par les communautés locales, le secteur de la santé mentale et le secteur de la santé traditionnelle au traitement et à la rééducation des personnes atteintes de trou-bles mentaux graves dans les régions rurales. Les patients et leurs proches vivent dans un village de fermiers, de pêcheurs et d’artisans et sont soignés par le secteur médical et par le secteur traditionnel. Il y a des plans de formalisation de la collaboration entre les soins traditionnels et le secteur de la santé mentale car les premiers pourraient jouer un rôle plus important dans la gestion des troubles liés au stress dans la communauté. Les tradiprati-ciens ont participé aux programmes de formation en santé mentale dans les communau-tés et ont partagé leur savoir et leurs aptitudes à gérer les patients atteints de troubles mentaux. Les plans destinés à renforcer la communication entre le secteur traditionnel et le secteur de la santé mentale prévoient par exemple des réunions et séminaires réguliers (Kilonzo & Simmons, 1998).

Zimbabwe : le Département municipal de la santé d’Harare et la faculté de médecine de l’Université du Zimbabwe collaborent sur un projet de recherche dans le cadre duquel les membres de la communauté et les infirmières de soins primaires cherchent des moyens de traiter les femmes déprimées. La terminologie locale sur la dépression et les conceptions de traitement ont été établies sur la base d’entretiens avec les tradipraticiens et des personnes clés de la communauté telles qu’instituteurs, agents de police, mem-bres du clergé et organisatrices de coopératives de femmes. Les agents de santé ont ensuite présenté les résultats d’une enquête sur les femmes déprimées aux membres de la communauté et ont créé une expression locale pour décrire les symptômes typiques de la dépression. Les participants, comprenant des membres de la communauté locale, des agents de santé et des décideurs, ont été divisés en groupes de travail et ont été chargé d’élaborer des recommandations pour le traitement des femmes déprimées. Ils ont recommandé : 1) un espace privé dans les cliniques de soins primaires pour le conseil sur les problèmes psychiques ; 2) la création d’un répertoire pour améliorer la commu-nication entre les organismes d’aide ; 3) l’utilisation des tradipraticiens, des dirigeants des Églises, des enseignants et des médias pour fournir une éducation à la vie pratique ; 4) l’amélioration de la détection et du traitement de la dépression dans les cliniques de soins primaires (Abas et al., 1995). Le programme de détection et de traitement au niveau des soins primaires a été intégré à une initiative préexistante et très bien développée, à savoir un programme de santé mère-enfant impliquant la coopération entre le secteur de la santé mentale et le secteur de la santé générale. Un lot de santé mentale plus géné-ral a également été intégré au système de soins primaires à Harare sur la base d’une approche coopérative similaire. Des consultations entre des prestataires de santé clés, des décideurs, des universitaires et des organisations non gouvernementales ont eu lieu au niveau municipal et une équipe de recherche multidisciplinaire a été formée. L’objectif était d’identifier les troubles mentaux les plus fréquents parmi les personnes consultant

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les services de soins primaires afin d’élaborer des directives de compréhension et de traitement à ce niveau. Ce projet impliquait une collaboration entre des psychiatres, des chercheurs en sciences sociales, des agents de soins primaires, des tradipraticiens et guérisseurs spirituels ainsi que des médecins généralistes (Abas et al., 1995 ; Patel 2000).

Les pays développés se basent moins sur les hôpitaux psychiatriques pour fournir les soins de santé mentale. Le processus de désinstitutionnalisation qui a eu lieu au cours des trente dernières années a conduit à une baisse du nombre de patients dans les hôpi-taux psychiatriques et à la fermeture de nombre de ces institutions. Cependant, d’autres problèmes demeurent dans ces pays. Le processus de désinstitutionnalisation ne s’est pas accompagné d’une mise en place suffisante d’établissements résidentiels et profes-sionnels communautaires (Thornicroft & Tansella, 1999). Dans divers pays développés, les structures constitutionnelles nationales et les voies de financement des systèmes de santé ont eu un impact sur le taux de désinstitutionnalisation et sur l’offre de services communautaires de santé mentale de remplacement (Goodwin, 1997). La désinstitution-nalisation a conduit dans les pays d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Ouest à fournir peu à peu des services de santé mentale dans les communautés. Mais ces services sont souvent inadéquats et mal répartis dans le pays.

Même dans les pays développés, il n’a pas suffisamment été mis l’accent sur le déve-loppement de soins de santé mentale au niveau des soins primaires. Par exemple, bien que la dépression soit une pathologie fréquente dans les milieux de soins primaires, elle reste souvent non détectée ou insuffisamment traitée par les médecins de soins primai-res de ces pays. L’accent est aussi mis sur le développement de services spécialisés, p. ex. médico-légaux, au détriment des services psychiatriques installés dans les hôpitaux généraux. Par exemple, au Royaume-Uni, au cours des dernières années, le nombre de lits de sécurité moyenne a nettement augmenté, alors qu’il y a pénurie de lits en psychiatrie générale aiguë et que le taux d’occupation est de près de 100% dans ces unités psychiatriques générales. L’encadré 10 résume un certain nombre d’avantages et d’inconvénients de la désinstitutionnalisation.

Encadré 10. Avantages et inconvénients de la désinstitutionnalisation dans les pays développés

Avantages– La désinstitutionnalisation implique un passage d’établissements de type carcéral vers des programmes de rééducation en milieux communautaires. C’est une approche plus humaine car elle évite les effets psychologiques néfastes d’une hospitalisation de longue durée et se concentre sur la réintégration des patients dans leurs communautés.– Elle implique la prévention des nouvelles admissions en fournissant des services com-munautaires de remplacement et des programmes qui sont censés fonctionner à moin-dres coûts. Elle améliore ainsi l’efficience et le rapport coûts-bénéfices.– Elle implique de renvoyer aux communautés tous les patients hospitalisés ayant bénéfi-cié d’une préparation adéquate. Ceci évite les effets néfastes des séjours hospitaliers de longue durée tels qu’apathie et perte d’intérêt, et fait diminuer en même temps les coûts causés par les hospitalisations à long terme (Thronicroft & Tansella, 1999).

Inconvénients– Bien souvent, la désinstitutionnalisation ne s’est pas traduite par la mise en place de fonds adéquats et à long terme pour le maintien de services publics de santé mentale en milieux communautaires (Talbott, 1978 ; Goodwin, 1997).– La désinstitutionnalisation a fait diminuer les séjours de longue durée mais augmen-ter le nombre de réadmissions, c’est-à-dire de multiples séjours de courte durée pour

Même dans les pays déve-loppés, la désinstitutionna-lisation ne s’est pas accom-pagnée d’une fourniture adéquate de services dans les communautés.

Il existe un potentiel signi-ficatif d’utilisation des services de soins primaires, et ce même dans les pays développés.

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des patients spécifiques nécessitant un traitement hospitalier (Talbott, 1978 ; Breakey, 1996a).– Dans certains cas, elle a conduit à une augmentation du nombre de sans-abris parmi les personnes atteintes de troubles mentaux et à une augmentation du taux de troubles mentaux dans les populations carcérales.

Deux conclusions principales peuvent être tirées des expériences acquises.

– Premièrement, les services de santé mentale représentent des défis, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés. Cependant, la nature de ces défis diffère. Dans de nombreux pays en développement, les ressources, le personnel et les services font gravement défaut. Cette situation nécessite une attention immédiate. Dans les pays développés, les problèmes sont par exemple les suivants : fourniture insuffisante de soins communautaires de remplacement ; nécessité de promouvoir la détection et le traitement des troubles mentaux en milieux de soins primaires ; concur-rence entre les services psychiatriques généraux et les services spécialisés pour ce qui est des besoins et des exigences.

– Deuxièmement, des services spécialisés plus chers ne sont pas la réponse aux pro-blèmes. Même sans dépasser les ressources limitées auxquelles les services de santé sont confrontés dans presque tous les pays, on peut améliorer notablement la prestation des services de santé mentale en réorientant les ressources vers des services qui soient moins chers, dont les résultats soient raisonnablement bons et dont bénéficie un pour-centage assez élevé de la population. Dans la pratique, ceci signifie de renforcer l’offre de services de santé mentale par le biais des soins primaires.

Points essentiels : Organisation actuelle des services

– Très peu de pays ont un mélange de services optimal.

– Dans de nombreux pays, il y a eu peu d’efforts concertés d’utiliser les soins primaires en tant que principal véhicule de fourniture des services de santé mentale.

– Des prestations novatrices, impliquant des efforts de collaboration de plusieurs sec-teurs, existent dans de nombreux pays, mais sont généralement limitées à de petites populations dans les zones urbaines ou dans des zones rurales sélectionnées.

– Dans les pays développés, le processus de désinstitutionnalisation ne s’est pas toujours accompagné d’une fourniture suffisante de services communautaires de remplacement.

– Les services de santé mentale représentent des défis, aussi bien pour les pays en déve-loppement que pour les pays développés, mais la nature de ces défis diffère.

– Des services plus chers et/ou spécialisés ne représentent pas forcément une solution au problème d’accès et de disponibilité des services de santé mentale.

La nature des problèmes diffère entre les pays déve-loppés et les pays en déve-loppement.

Une augmentation du nom-bre de services spécialisés n’améliore pas forcément l’accès aux soins de santé mentale.

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Les personnes atteintes de troubles mentaux ont des besoins complexes, qui che-vauchent souvent plusieurs secteurs professionnels classiques.

Une attention particulière doit être accordée au déve-loppement de systèmes complets et intégrés de prestation de services.

Les systèmes de prestation de services peuvent être organisés autour de princi-pes clés.

4. Guide pour l’organisation des services

Un modèle d’organisation des services unique ne peut pas répondre aux besoins de tous les pays. Les recommandations esquissées dans cette partie sont de grands principes probablement applicables à la plupart des pays. Chaque pays doit les adapter à ses propres circonstances. Les personnes atteintes de troubles mentaux ont souvent une gamme complexe de besoins auxquels les services de santé ne peuvent pas répondre à eux seuls. En outre, différents intervenants de ce secteur auront probablement des pers-pectives individuelles qui peuvent être précieuses pour élaborer les services.

Les personnes atteintes de troubles mentaux, leurs familles et les communautés sont des partenaires à égalité avec les services de santé mentale. Il est important que tous ces intervenants communiquent et collaborent activement entre eux pour répondre aux besoins en question. Les milieux et niveaux de soins doivent être organisés de manière à remplir cet objectif (Organisation mondiale de la Santé, 2001).

4.1 Principes d’organisation des services

Les recommandations ci-dessous s’entendent comme faisant partie d’une réorganisation complète des services. Aucune de ces recommandations ne peut parvenir à elle seule à améliorer les soins aux personnes atteintes de troubles mentaux. L’accent est mis sur un système intégré d’offre de services s’efforçant d’aborder de manière complète les diffé-rents besoins des personnes atteintes de troubles mentaux. Dans un tel système, chaque canal d’offre de services, p. ex. les services en milieux de soins primaires et les services fournis par les hôpitaux généraux, a un rôle important et complémentaire par rapport aux autres. Il faut fournir un éventail de services variés pour pouvoir répondre aux besoins qui peuvent apparaître à différents moments.

Les échecs sont probables, par exemple si on adopte une stratégie consistant à encou-rager le personnel des soins primaires à réaliser des interventions dans le secteur de la santé mentale sans prévoir en même temps des services adéquats au niveau secondaire ou des services communautaires. Aucune des stratégies de réorganisation des services esquissées ci-dessous ne peut suffire à elle seule. Chacune de ces stratégies a besoin d’appui et apportera à son tour un appui à d’autres parties d’un système intégré d’offre de services.

Les principes clés d’organisation des services sont esquissés ci-dessous.

I) Accessibilité : les soins de santé mentale essentiels doivent être disponibles au niveau local pour que les gens n’aient pas besoin de parcourir de longs trajets. Ceci comprend aussi bien les soins ambulatoires qu’hospitaliers et d’autres services tels que la réédu-cation. L’absence de ces services au niveau local représente un obstacle important à l’obtention de soins de santé mentale, en particulier pour les personnes vivant dans des zones rurales reculées. Les services se trouvant à proximité des personnes atteintes de troubles mentaux peuvent fournir une continuité dans les soins d’une manière compa-rativement satisfaisante. Nombre de questions sociales et psychologiques sont difficiles à aborder si les gens doivent parcourir de longs trajets pour contacter les services de santé mentale.

II) Caractère complet : les services de santé mentale doivent inclure tous les établisse-ments et programmes nécessaires pour répondre aux besoins essentiels de la population en question. Le mélange exact de services nécessaires est différent selon la région. Il dépend de facteurs sociaux, économiques et culturels, des caractéristiques des troubles et de la manière dont les services de santé sont organisés et financés (voir partie 6.2).

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III) Coordination et continuité des soins : en particulier pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves, il est capital que les services travaillent de manière coordonnée et s’efforcent de répondre à l’éventail de besoins sociaux, psychologiques et médicaux. Ceci requiert un apport de services qui ne sont pas directement reliés à la santé, p. ex. services sociaux ou de logement. Les personnes atteintes de troubles mentaux ont souvent beaucoup de mal à accéder à divers services essentiels, ce qui aboutit à des résultats médiocres. Les services de santé mentale doivent donc remplir une fonction de coordination et empêcher la fragmentation des soins (voir partie 7.2).

Une manière d’aborder le besoin de continuité consiste à appliquer la méthode d’or-ganisation des services dite sectorielle ou de circonscription. Pendant les années 1960 et 1970, les départements sanitaires en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest ont divisé leurs pays en districts de santé ou circonscriptions hospitalières, c’est-à-dire qu’ils ont défini des bassins géographiques ayant une population de 50 000 à 250 000 habitants (Breakey, 1996b ; Thornicroft & Tansella, 1999). Les équipes de soins des circonscriptions couvraient tous les niveaux de fourniture des services, c’est-à-dire les soins primaires, secondaires et tertiaires, et étaient responsables de l’offre de services de soins de santé pour tous les habitants de la région concernée. Mis à part ses avantages de planification, de budgétisation et de gestion, cette approche présente un important avantage clinique, à savoir que la probabilité de continuité des soins augmente. Ceci est un avantage énorme car de nombreux troubles mentaux ont tendance à être chroniques et requièrent des soins continus pendant de longues périodes.

IV) Efficacité : le développement des services doit se fonder sur les preuves d’efficacité des interventions en question. Par exemple, il y a de plus en plus de preuves pour des interventions efficaces pour de nombreux troubles mentaux, p. ex. la dépression, la schizophrénie ou l’alcoolisme. Ces preuves sont décrites à la partie 7.1 (voir également Organisation mondiale de la Santé, 2001a).

V) Équité : l’accès des populations à des services de bonne qualité doit se baser sur les besoins. Pour assurer l’équité, il faut aborder les questions d’accès et de disparités géographiques. L’équité doit être prise en compte lors de la définition des priorités. Trop souvent, les personnes ayant le plus besoin de services sont celles qui ont le moins de chances ou d’aptitudes à réclamer des services et risquent donc d’être négligées lors de la définition des priorités.

VI) Respect des droits humains : les services doivent respecter l’autonomie des person-nes atteintes de troubles mentaux, les responsabiliser et les encourager à prendre des décisions pour leur vie, et utiliser les types de traitement les moins restrictifs possibles.

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Page 51: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

4.2 Établissement d’un mélange optimal de services

Presque tous les modèles de prestation de services présentés dans la partie 4 ont des forces et des faiblesses. La question clé pour les planificateurs de services est de déter-miner le mélange optimal de services et le niveau de prestation des canaux particuliers. En chiffres absolus, les besoins en services d’une sorte ou d’une autre varient beaucoup selon les pays, mais les besoins relatifs, c’est-à-dire la proportion des différents services par rapport au total des services de santé mentale fournis, sont grosso modo les mêmes dans tous les pays. Il faut planifier les services de manière globale pour créer un mélange optimal.

La figure 2 montre les relations entre les différents composants des services. Il est clair que les services les plus nombreux doivent être ceux d’entraide, les services de santé mentale communautaires informels et les services communautaires dispensés par le per-sonnel des soins primaires, suivis par les services psychiatriques des hôpitaux généraux et les services de santé mentale communautaires formels et, enfin, les services psychia-triques spécialisés. L’accent mis sur la fourniture de soins de santé mentale par le biais de services basés dans les hôpitaux généraux ou de services communautaires doit être déterminé par les forces du système de santé ou de santé mentale existant ainsi que par des variables culturelles et socio-économiques.

L’intégration de services fournis par les hôpitaux psychiatriques ne se justifie pas pour obtenir un mélange optimal de services. Les hôpitaux psychiatriques fournissent essen-tiellement des soins de longue durée de type carcéral. En développant toute une gamme de services communautaires et spécialisés, les hôpitaux psychiatriques deviennent superflus. Il y aura toujours besoin d’établissements de séjour de longue durée pour un très petit nombre de patients, même si on fournit de nombreux services communautai-res. Cependant, la plupart de ces patients peuvent être pris en charge dans de petites unités situées dans les communautés, ressemblant autant que possible à une vie dans la communauté. À défaut, de petites unités de séjour de longue durée dans des hôpi-taux peuvent aussi fournir d’autres services spécialisés (voir également Planification et budgétisation pour l’offre de services de santé mentale). Des soins de type carcéral dans de grandes institutions telles que les hôpitaux psychiatriques ne se justifient ni par leurs coûts, ni par leur efficacité, ni par la qualité des soins fournis.

Les planificateurs doivent prévoir un éventail de ser-vices.

Il faut planifier les services de manière globale pour créer un mélange optimal.

En développant toute une gamme de services com-munautaires et spécialisés, les hôpitaux psychiatriques deviennent superflus.

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Page 52: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Entraide

Soins communautaires informels

Services de santé mentale fournis par les soins de santé primaires

Établissements pour séjours

de longue durée et services spécialisés

Services psychiatriques dans les hôpitaux généraux

Services communau-

taires de santé mentale

bas

élevé

élevé

bas

F R É Q U E N C E DES BESOINS

COÛTS

QUANTITÉ DE SERVICES NÉCESSAIRE

Figure 2 : Mélange optimal de différents services de santé mentale

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Page 53: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

4.3 Intégration des services de santé mentale aux services de santé généraux

Afin de surmonter les problèmes liés aux services à part, il faut intégrer les services de santé mentale aux services de santé généraux. L’intégration des soins fait reculer la stigmatisation qui frappe ceux qui cherchent de l’aide auprès de services de santé mentale autonomes. Dans les pays en développement, qui souffrent d’une pénurie aiguë de professionnels de la santé mentale, la prestation de services de santé mentale dans le cadre des soins de santé généraux est la stratégie la plus viable si l’on veut faciliter aux populations mal desservies l’accès aux services de santé mentale. En outre, les troubles mentaux et les problèmes de santé physiques sont étroitement liés et ont des interactions. Par exemple, les personnes atteintes de troubles mentaux courants comme la dépression et l’anxiété se présentent souvent aux services de soins de santé généraux avec des symptômes somatiques. Un service intégré encourage le diagnostic précoce et le traitement de ces troubles et réduit ainsi les incapacités. Parmi d’autres avantages potentiels, on notera la fourniture de soins dans la communauté et la possibilité de faire participer la communauté aux soins.

L’intégration est un objectif qui peut être poursuivi à tous les niveaux. Au niveau clinique, les soins de santé mentale peuvent être intégrés au niveau primaire, secondaire et tertiai-re des soins de santé généraux. Ceci peut s’accompagner par une intégration de gestion et d’administration ainsi que par le développement de systèmes d’information intégrés (voir également Planification et budgétisation pour l’offre de services de santé mentale). Par exemple, les professionnels de santé mentale travaillant dans le système de santé général peuvent avoir une structure de gestion (gestion hiérarchique) séparée de celle du personnel de soins généraux. Ceci crée parfois des difficultés dans leur travail quotidien et dans leurs relations avec leurs collègues du système de santé général. L’intégration de la gestion peut contribuer à résoudre certains de ces problèmes.

Dans de nombreux pays, les systèmes d’information de santé générale sont séparés de ceux de santé mentale. Ceci crée des difficultés pour les planificateurs et les gestionnai-res du système de santé général car ils planifient les services sans apprécier la charge des troubles mentaux. L’intégration des systèmes d’information de santé mentale aux systèmes d’information de santé générale peut améliorer la situation sanitaire du pays dans son ensemble. Ceci peut également sensibiliser à la nécessité d’améliorer les servi-ces de santé mentale en mettant en évidence pour les planificateurs de santé la charge importante que représentent les troubles mentaux. Cependant, quelques informations spécifiques à la santé mentale doivent être disponibles afin de permettre une planification et une évaluation adéquates des services de santé mentale. Ceci peut exiger de modi-fier les systèmes d’information de santé générale de manière à inclure l’enregistrement des services de santé mentale fournis et utilisés par les personnes atteintes de troubles mentaux.

Une intégration complète, y compris clinique, administrative, de gestion et des systèmes d’information, présente certains inconvénients. Les services de santé mentale peuvent préférer conserver une certaine autonomie, p. ex. des structures de gestion à part aux niveaux inférieurs de gestion. Un certain degré de séparation peut contribuer à protéger le budget de santé mentale et à préserver l’identité professionnelle du personnel.

Lorsqu’ils choisissent entre une intégration complète ou partielle, il est souhaitable que les pays évaluent les avantages et inconvénients potentiels de chaque solution et tiennent compte de la manière dont les services de soins primaires sont organisés. Dans la plu-part des cas, une planification stratégique est nécessaire pour l’intégration des services (encadré 11).

Des soins intégrés font reculer la stigmatisation, répondent à la pénurie de ressources humaines et améliorent l’accès aux services de santé mentale pour les populations mal desservies.

Une intégration complète présente des avantages et des inconvénients.

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Encadré 11. Planification stratégique pour l’intégration des services de santé mentale

Les principales questions de planification stratégique sont les suivantes :

(I) Déterminer comment réaliser l’intégration de la santé mentale au système de presta-tions de santé générale. Ceci implique de définir des modifications d’organisation et de déterminer les responsabilités.

(II) Budgétiser de nouveaux postes, établissements, équipements et moyens de transport.

(III) Planifier les équipes de santé mentale et leurs responsabilités.

(IV) Préparer des descriptions d’emplois pour différents professionnels et soutenir le per-sonnel à tous les niveaux de soins, c’est-à-dire les agents de santé primaire, les agents de santé mentale et les superviseurs, et spécifier leurs responsabilités en liaison avec la couverture des diverses affections mentales ciblées.

(V) Planifier : la formation officielle du personnel en ayant besoin, la formation en cours d’emploi, la formation médicale continue, l’insertion de la santé mentale dans le pro-gramme des institutions de formation aux métiers médicaux et paramédicaux.

(VI) Stratégies de mobilisation et d’implication des membres des communautés et des usagers à tous les niveaux d’activité.

À la base, l’intégration aux soins de santé généraux implique :

l’intégration des services de santé mentale aux milieux de soins primaires ;l’intégration des services de santé mentale aux hôpitaux généraux ;le développement de liens entre les soins primaires et les services secondaires situés dans les hôpitaux généraux ;l’intégration des soins de santé mentale à d’autres programmes sanitaires et sociaux établis.

4.3.1 Intégration des services de santé mentale aux milieux de soins primaires

Dans les pays ayant des ressources limitées, l’intégration des soins de santé mentale au système de prestations de santé générale implique obligatoirement leur intégration aux soins primaires. En premier lieu, ceci requiert une formation du personnel de soins primai-res. Les agents de soins primaires doivent assumer des responsabilités croissantes de promotion de la santé mentale et de prestation de services de santé mentale. Les agents de santé en institutions de formation et ceux qui se trouvent déjà sur le terrain doivent être réorientés vers l’offre de services en milieux de soins primaires. Il faut également les équiper des connaissances et des aptitudes leur permettant de fournir ces services. Il se peut que les agents de soins primaires soient réticents à assumer ce rôle. Par exemple, ils peuvent trouver que la gestion des troubles mentaux ne fait pas partie de leur rôle. Ils peuvent être mal à l’aise à l’idée de s’occuper de troubles mentaux ou ignorer et éviter les personnes atteintes de ces troubles. Dans ce cas, les résultats cliniques, qui dépendent largement des connaissances et des aptitudes du personnel de soins primaires, ne sau-raient être satisfaisants. En outre, l’acceptabilité des services sera réduite si le personnel mal formé ignore les troubles mentaux ou ne leur accorde pas autant d’attention qu’aux problèmes physiques. Des solutions à ces problèmes sont proposées dans la partie 9.

Les agents de soins primaires doivent être préparés à participer à ce processus. Leurs tâches, leurs obligations et leurs responsabilités doivent leur être exposées et ils doivent y participer activement. Il faut les former à la promotion de la santé mentale et à la pré-vention et à la gestion des troubles mentaux prioritaires. La formation doit comprendre

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Le personnel de soins primaires a besoin de for-mation et d’aptitudes pour pouvoir traiter les troubles mentaux.

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toutes les catégories d’agents de santé et d’autres agents dont le travail touche à la santé mentale de la communauté, p. ex. personnel de sécurité et réceptionnistes dans les établissements de santé.

Les documents de formation doivent comprendre un choix adéquat de ceux proposés par l’équipe de planification nationale ainsi que d’autres documents disponibles au niveau local ou élaborés pour le programme en question de manière à répondre aux besoins spécifiques de la communauté. Un guide de formation est disponible (Organisation mon-diale de la Santé, 1982).

Le facteur temps doit être pris en compte si le personnel de soins primaires doit se consa-crer au travail de santé mentale de manière adéquate. Dans bien des pays, le personnel de soins primaires est surchargé de travail, doit dispenser de multiples programmes de soins, et se préoccupe essentiellement des troubles physiques. Dans une telle situation, il faut augmenter le nombre d’agents de soins primaires pour qu’ils puissent assumer le travail de santé mentale supplémentaire (voir Planification et budgétisation pour l’offre de services de santé mentale).

Pour que l’intégration réussisse, il faut que le personnel de soins primaires soit cor-rectement supervisé. Les professionnels de santé mentale doivent être régulièrement disponibles pour le personnel de soins primaires afin de donner des conseils sur la gestion et le traitement des personnes atteintes de troubles mentaux. Une supervision régulière ne saurait être remplacée par un système de recours aux soins secondaires et tertiaires. L’absence de supervision peut aboutir à un taux plus élevé de recours pour des problèmes mineurs qui pourraient être gérés par le personnel de soins primaires si celui-ci était supervisé sur place. Un membre de l’équipe de santé mentale des services de soins secondaires peut par exemple rendre visite à l’équipe de soins primaires une fois par semaine ou par quinzaine pour fournir une supervision. Ce professionnel de santé mentale doit être disponible pour discuter des difficultés dans la gestion et pour fournir des conseils d’interventions pouvant être réalisées par le personnel de soins primaires. Ce modèle de supervision a bien fonctionné en Inde (Murthy, 1998).

D’autres questions devant être abordées sont par exemple la fourniture d’infrastructures adéquates, la disponibilité de l’équipement, et, question très importante, la disponibilité des médicaments psychotropes. La délimitation de quelques troubles mentaux ciblés à traiter au niveau des soins primaires permet de simplifier les exigences pour ce qui est de la gamme de médicaments. Une liste de médicaments peut être établie à différents niveaux de soins conformément aux recommandations de l’OMS sur les médicaments essentiels. Toutes les principales catégories peuvent être rendues disponibles à tous les niveaux, la gamme de choix étant plus étroite au niveau des soins primaires. Les achats en gros de médicaments génériques permettent de limiter les coûts et d’assurer un approvisionnement continu tout au long de l’année. Cette approche permet aussi de simplifier la formation car les agents de soins primaires n’ont besoin de connaissances et d’aptitudes que dans l’utilisation de quelques médicaments choisis (voir Planification et budgétisation des services de santé mentale et Financement de la santé mentale).

4.3.2 Intégration des services de santé mentale aux hôpitaux généraux

Les services de santé mentale basés dans les hôpitaux généraux peuvent fournir des soins secondaires aux patients des communautés, ainsi que des services à ceux qui sont admis pour des troubles physiques mais ont également besoin d’interventions de santé mentale. L’intégration aux hôpitaux généraux exige des infrastructures et des ressources humaines (voir Planification et budgétisation pour l’offre de services de santé mentale). Les infrastructures nécessaires sont p. ex. des lits pour les troubles mentaux aigus, des services ambulatoires, des équipements pour les tests spécialisés tels que tests psycho-logiques, des équipements pour les soins spécialisés et des médicaments.

Dans de nombreux pays, pour que l’intégration réus-sisse, il faut plus de person-nel de soins primaires.

Pour que l’intégration aux soins de santé généraux réussisse, il faut une infras-tructure et des ressources humaines adéquates.

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Les ressources humaines nécessaires sont p. ex. du personnel spécialisé de santé men-tale tels que psychiatres, psychologues, infirmières en psychiatrie et travailleurs sociaux. Ce personnel doit être responsable de la formation et de la supervision des agents de soins primaires. Il se peut que certains de ces agents spécialisés soient insuffisamment orientés vers les soins de santé mentale au niveau primaire et les prestations de services communautaires et aient eux-mêmes besoin d’une formation.

4.3.3 Mise en place de liens entre les soins primaires, secondaires et tertiaires

Les soins primaires sont à la fois une porte d’entrée et un point de recours pour les soins de santé mentale et la prévention. Pour répondre aux besoins en soins et en soutien social des personnes atteintes de troubles mentaux, il faut mettre en place un système de recours et de liaison clair. Celui-ci doit être opéré en consultation avec le district et la région. Des réunions régulières des prestataires de services doivent avoir lieu pour contrôler et améliorer le système de recours et pour évaluer comment on répond aux besoins des patients.

Même si les services spécialisés de santé mentale sont bien développés, il est important d’améliorer la coordination entre ceux-ci et les soins primaires. Dans le cas contraire, les soins se répètent souvent ou sont mal coordonnés, de sorte que des retards ont lieu lorsque les agents de soins primaires recherchent de l’aide pour des patients en situation de crise.

4.3.4 Intégration des soins de santé mentale à d’autres programmes sanitaires et sociaux établis

Dans les pays en développement, d’autres priorités sanitaires de base sont en concur-rence avec la santé mentale pour obtenir des fonds (voir Politiques, plans et programmes de santé mentale). Au lieu de faire concurrence aux autres programmes, il est préférable que les programmes de santé mentale collaborent avec les autres. Par exemple, un pro-gramme destiné à s’occuper de la dépression post-partum peut représenter un complé-ment intéressant à un programme de santé reproductive plus vaste. Les programmes de lutte contre le VIH/sida représentent une autre possibilité d’étendre les services de santé mentale pour couvrir des populations vulnérables. De telles approches collaboratrices doivent être étendues à des programmes qui ne sont pas directement liés à la santé, p. ex. les questions de santé mentale de la femme peuvent être couvertes par des program-mes de lutte contre la violence domestique.

4.4 Création de services de santé mentale communautaires formels et informels

Les services de santé mentale communautaires formels sont le pendant dans la commu-nauté des services secondaires basés dans les hôpitaux généraux. Il s’agit par exemple de centres de jour pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves qui ne sont plus hospitalisées, de programmes hospitaliers de réorientation, d’équipes de crise, de foyers de groupes, de foyers de transition et de services de gestion de cas. Pour plus d’exemples de services communautaires formels, voir l’encadré 12. Pour de nombreux pays en développement, il ne sera pas possible de développer immédiatement tous ces services. Dans ce cas, il est souhaitable que les planificateurs décident quels services représentent des priorités immédiates et qu’ils concentrent les efforts et les ressources sur le développement de ceux-ci. D’autres services peuvent être développés par étapes avec le temps.

En outre, dans de nombreux pays en développement, certains de ces services com-munautaires, tels que foyers de transition ou foyers de groupes, ne sont peut-être pas requis au même point que dans les pays développés en raison du meilleur soutien familial disponible. Ceci ne signifie pas que les familles doivent prendre entièrement en charge le suivi des personnes atteintes de troubles mentaux graves. Cependant, les services

Les liens entre les soins pri-maires et les autres niveaux de soins sont essentiels.

L’intégration à d’autres programmes sanitaires et sociaux peut aider à surmonter le manque de ressources.

Les services de santé men-tale communautaires for-mels sont le pendant dans la communauté des services secondaires basés dans les hôpitaux généraux.

Les familles sont une impor-tante ressource et elles ont besoin d’un soutien actif de la part des services commu-nautaires.

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communautaires doivent être conçus de manière à soutenir les familles qui s’efforcent de s’occuper de leurs proches atteints de troubles mentaux.

Les pays en développement doivent aussi utiliser les réseaux d’organisations non gou-vernementales existants pour fournir certains des services communautaires. Il peut s’agir p. ex. de clubs, de groupes de soutien, d’ateliers d’emploi ou de rééducation, d’ateliers protégés, de stages supervisés et de logements résidentiels avec ou sans personnel. Des exemples de Tanzanie et du Zimbabwe (encadré 9) illustrent l’utilisation de ressources disponibles pour fournir des services communautaires. Les encadrés 12 et 13 propo-sent d’autres exemples d’utilisation de ressources formelles, telles qu’organisations non gouvernementales, et informelles, telles que voisins et chefs religieux, pour fournir des services communautaires.

Encadré 12. Services de santé mentale communautaires formels et informels novateurs

Chine : des unités de soins psychiatriques sont constituées de voisins du patient, d’agents retraités et de membres de la famille qui aident à prendre soin des patients atteints de troubles mentaux (Pearson, 1992).

Chine, Inde et Malaisie : les gouvernements passent des contrats avec les organisations non gouvernementales pour s’occuper des personnes âgées sans enfants dans de petits foyers résidentiels (Levkoff et al., 1995).

Inde : les enseignants sont formés en tant que conseillers pour fournir des interventions thérapeutiques aux écoliers (Nikapota, 1991). Des bénévoles profanes fournissent des services d’intervention de crise dans certaines grandes villes indiennes (Murthy, 2000).

Mongolie : des centres de jour communautaires, situés dans des tentes d’habitation traditionnelles rondes et transportables de Mongolie, les yourtes, ont démarré en 2000 sur le terrain des centres sanitaires des districts de Songinokhairkhan et de Chingletei à Oulan-Bator. Une réussite importante à Chingletei a été la mise en place d’une cantine au centre de jour pour le personnel médical et dentaire. Le personnel a construit des bancs et des tables à partir de meubles endommagés et a utilisé de la vieille vaisselle et de vieux couverts de l’hôpital ou de chez eux pour équiper la cantine. Malgré la stigmatisation et l’exclusion importantes rencontrées par les personnes atteintes de troubles mentaux en Mongolie, le personnel médical et soignant de ce centre sanitaire allait volontiers manger dans cette cantine (Organisation mondiale de la Santé, 2000).

Les organisations non gou-vernementales sont égale-ment une ressource utile.

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Encadré 13. Répondre aux besoins de santé mentale dans les milieux manquant de ressources : innovations des organisations non gouvernementales en Inde

Les organisations non gouvernementales ont acquis une expérience considérable dans les soins de santé en Inde, en particulier pour ce qui est de la santé reproductive et des services et de la recherche en pédiatrie. Au cours des dernières années, un nombre crois-sant d’organisations non gouvernementales se sont mises à développer des programmes novateurs de soins de santé mentale. En 1999, une tentative de coordination des organi-sations non gouvernementales travaillant sur des programmes de santé mentale a permis d’identifier plus de 50 initiatives dans le pays. Les plus courantes impliquaient la réédu-cation, la responsabilisation des personnes atteintes de troubles mentaux graves et la fourniture d’écoles pour les enfants atteints de handicaps mentaux. Cependant, l’éventail d’organisations non gouvernementales s’est considérablement étendu, conformément à la conscience croissante de la diversité des problèmes liés aux troubles mentaux, p. ex. toxicomanies, troubles mentaux chez les enfants, démence et violence. Les quatre organisations non gouvernementales décrites ci-dessous travaillent dans différents domaines de la santé mentale, intègrent la recherche, la formation et l’offre de services, et collaborent activement avec d’autres secteurs du système sanitaire et social. Toutes ont reçu des fonds de diverses sources, y compris donations individuelles et d’entreprises, fondations, organismes donateurs et gouvernement.

La Fondation de Recherche sur la Schizophrénie, située dans la ville de Chennai, au sud du pays, est l’un des prestataires les plus connus en Inde pour les services intégrés complets destinés aux personnes atteintes de troubles mentaux graves. Elle a été créée en 1984 par des professionnels de médecine travaillant dans une faculté de médecine locale. Elle fournit aujourd’hui des services communautaires, ambulatoires, des soins de jour et des soins résidentiels aux patients atteints de troubles mentaux graves, y compris toute une gamme de services de rééducation psychosociale. Elle joue un rôle important de sensibilisation aux droits des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier pour la reconnaissance officielle des handicaps causés par les troubles mentaux. Il s’agit de l’un des principaux organismes du pays pour ce qui est de la recherche sur tous les aspects de la schizophrénie. Son Étude Longitudinale de Madras est l’étude de ce type la plus largement citée sur les résultats de la schizophrénie dans un pays en développe-ment. La Fondation est un Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la forma-tion en santé mentale.

La Société Sangath se trouve dans l’État de Goa sur la côte occidentale de l’Inde. Elle a été créée en 1996 par une équipe de professionnels de santé travaillant dans le secteur du développement des enfants et des adolescents. En l’espace de cinq ans, elle est devenue le principal prestataire de services de conseil communautaires multidisciplinaires pour les enfants et les familles de la région, avec plus de 350 recours par an. La Société a étendu ses services de la clinique vers la communauté, avec des programmes visant à améliorer le développement des enfants, p. ex. intervention précoce pour les bébés à haut risque, et vers les écoles, avec des programmes visant à améliorer la prise de conscience et les méthodes d’enseignement pour les enfants handicapés. Elle collabore activement avec les pouvoirs publics, des institutions universitaires et d’autres organisations non gouver-nementales dans le but de maximiser le potentiel de développement de chaque enfant. Il s’agit d’un organisme important pour la recherche sur la santé mentale des femmes et des adolescents et qui a également coordonné la plus grande étude randomisée contrô-lée du pays sur le traitement de la dépression par les soins généraux.

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La Fondation de Recherche Clinique T.T. Ranganathan a été créée en 1980 par une femme dont le mari avait beaucoup souffert des conséquences d’un alcoolisme grave. La Fondation a été pionnière pour toute une gamme de programmes de lutte contre l’alcoolisme, avec des services dispensés à tous les niveaux de soins, depuis la com-munauté jusqu’à un hôpital entièrement équipé. L’innovation essentielle de la Fondation a été d’instaurer des camps de proximité ayant lieu pendant deux semaines pour fournir des services en rapport avec l’alcoolisme dans les régions rurales. Ainsi, les services sont amenés directement dans les communautés, et les personnes n’ont pas besoin de parcourir de longues distances pour rechercher des soins spécialisés. L’hôpital TTK de la Fondation, qui fournit toute une gamme de traitements médicaux et psychologiques contre l’alcoolisme, a traité plus de 10 000 patients depuis ses débuts en collabora-tion avec le Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des Drogues. L’hôpital a été récemment reconnu par l’OMS en tant que Centre régional de formation.

Ashagram est une organisation non gouvernementale située dans le district de Barwani, dans l’État du Madhya Pradesh en Inde occidentale. Il s’agit d’une des régions les plus pauvres du pays, avec un niveau élevé d’analphabétisme, de graves dégradations de l’environnement et une large population tribale. Ashagram a été créée par des profanes dans les années 1980 en tant que colonie de relocalisation pour les personnes handica-pées par la lèpre. Depuis, elle est devenue une communauté vivante, avec une éducation primaire, des services de santé complets et diverses unités permettant des revenus. Les services de santé mentale ont été instaurés en 1996 pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves. Le modèle communautaire participatif a été utilisé pour assu-rer que les services soient accessibles et en accord avec les normes culturelles locales. L’organisation a été largement conduite par les agents de santé mentale des villages avoisinants ayant reçu une éducation de base. Le programme sur la santé mentale a été conduit parallèlement à des services pour les personnes atteintes de handicaps phy-siques. Les personnes devant entrer à l’hôpital pour des troubles mentaux pénétraient donc dans une unité utilisée aussi par d’autres patients. Le programme de santé mentale a entre-temps été étendu pour couvrir les troubles mentaux courants.

Source : Patel V, Thara R, eds. Meeting mental health needs in developing countries: NGO innovations in India. Sage India (à paraître).

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Page 60: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

La désinstitutionnalisation n’est pas un événement immédiat, mais un proces-sus planifié.

La désinstitutionnalisation doit être précédée par le développement d’alternati-ves de services communau-taires.

4.5 Limitation des hôpitaux psychiatriques spécialisés

Les hôpitaux psychiatriques sont chers à gérer et à entretenir. Ils produisent des résultats cliniques médiocres, ils sont liés à des handicaps croissants plutôt que décroissants, ils stigmatisent les patients, les familles et toutes les personnes atteintes de troubles mentaux, et ils sont associés à des violations des droits humains. Par conséquent, il est important de réduire la dépendance vis-à-vis des hôpitaux psychiatriques en tant que prestataires de soins de santé mentale. La désinstitutionnalisation fait donc forcément partie d’une réforme de la fourniture des services de santé mentale.

Cependant, la désinstitutionnalisation ne signifie pas simplement renvoyer chez eux les personnes se trouvant en séjour hospitalier de longue durée. Il s’agit d’un processus impliquant des modifications significatives et systématiques, et au cours duquel les services communautaires remplacent peu à peu les services institutionnalisés. La pres-tation de services dans les communautés doit accompagner la diminution du nombre de personnes en hôpitaux psychiatriques. À long terme, on peut s’attendre à ce que les économies réalisées en fermant les hôpitaux psychiatriques compensent l’augmentation des dépenses en services communautaires. Pendant la période de transition en revan-che, les services engendreront des coûts de gestion doubles (voir Financement de la santé mentale).

La désinstitutionnalisation doit aborder les effets potentiellement négatifs du transfert des fonctions de l’hôpital psychiatrique classique vers la communauté. Ceux-ci sont décrits dans l’encadré 14. De plus, les activités et services suivants doivent être en place avant le transfert des patients des hôpitaux vers les communautés.

I) Des services de santé mentale doivent être disponibles dans les établissements de soins primaires. Ceci exige de former les médecins de famille, les infirmières et autres agents de soins primaires à détecter et traiter les troubles mentaux.

II) Des lits, des équipements et du personnel spécialisé doivent être disponibles dans les hôpitaux généraux ou dans la communauté pour la gestion des rechutes aiguës exigeant une hospitalisation de courte durée.

III) Le personnel des hôpitaux psychiatriques existants doit être formé à assumer des emplois en milieux de soins généraux, y compris supervision du personnel de soins primaires et fourniture de services de santé mentale dans les hôpitaux généraux.

IV) Des médicaments psychotropes doivent être disponibles en milieux de soins primai-res et dans les hôpitaux généraux.

V) Des services de santé mentale communautaires formels et informels doivent être introduits pour aider à la réinsertion dans la communauté.

Une fois les alternatives communautaires ci-dessus en place, la désinstitutionnalisation peut avoir lieu en suivant les étapes ci-dessous.

I) La première étape consiste à stopper les admissions en hôpitaux psychiatriques et à orienter les patients vers les unités psychiatriques des hôpitaux généraux.

II) Il faut travailler avec les familles des patients devant sortir de l’hôpital afin d’apporter aide et assistance aux familles et aux patients lorsque la sortie a lieu.

III) On commencera par faire sortir les patients les moins handicapés et on continuera peu à peu avec les patients de plus en plus handicapés.

Une minorité de patients atteints de troubles mentaux graves et de handicaps profonds ont besoin d’un soutien supervisé 24 heures sur 24. Ces patients peuvent être transférés dans de petites unités résidentielles communautaires avec une supervision 24 heures sur 24 fournie par du personnel soignant ou autre, à condition que ces unités soient disponibles.

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La désinstitutionnalisation exige un fort engagement des planificateurs, des gestionnaires et des cliniciens. En outre, il faut obtenir un accord de tous les intervenants au sujet du rythme et du calendrier du processus. L’exemple du Brésil montre que la désinstitution-nalisation peut réussir même si les ressources sont limitées (encadré 15). L’exemple du Royaume-Uni montre que les soins communautaires offerts aux patients institutionnalisés pendant de longues périodes peuvent améliorer leur qualité de vie si un programme de prestations bien planifié et bien équipé est en place (Leff & Treiman, 2000). On peut offrir des incitations financières aux prestataires de services s’ils remplissent les objectifs de délais, aussi bien pour le développement de services communautaires que pour la sortie des patients des institutions de long séjour. Ces incitations financières comprennent des augmentations d’allocations budgétaires pour les services communautaires, des fonds supplémentaires pour la relocalisation communautaire des patients sortant de séjours de longue durée en institutions et des incitations offertes aux organismes communautaires de santé mentale pour la réduction de l’utilisation des lits (voir Financement de la santé mentale et Planification et budgétisation pour l’offre de services de santé mentale).

Encadré 14. Effets du transfert des fonctions des hôpitaux psychiatriques classiques vers les soins communautaires

Source : Thornicroft G, Tansella M (2000). Balancing community-based and hospital-based mental health care: the new agenda. Genève : Organisation mondiale de la Santé

Un fort engagement de tous les intervenants est néces-saire.

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Fonctions des hôpitaux psychiatri-ques classiques

Effets du transfert vers les soins commu-nautaires

Évaluation et traitement physiques Traitement plus approprié en milieux de soins primaires ou en hôpitaux généraux

Traitement actif dans le cadre de séjours à court terme et intermé-diaires

Traitements maintenus ou améliorés mais résultats éventuellement non généralisables

Garde à long terme Généralement améliorée en foyers résidentiels pour les patients ayant besoin d’un soutien à long terme de haut niveau

Protection vis-à-vis de l’exploitation Certains patients continuent à être vulnérables à l’exploitation physique, sexuelle et financière

Services de soins de jour et ambu-latoires

Peuvent être améliorés si des services locaux accessibles sont développés ; une négociation des responsabilités est souvent nécessaire entre les organismes de soins sanitaires et sociaux

Services d’ergothérapie, d’emploi et de rééducation

Améliorés en milieux normaux

Abri, vêtements, alimentation et reve-nus de base

Sont en danger, il faut donc clarifier les respon-sabilités et la coordination

Répit pour les familles et les soi-gnants

Moins de répit pour les familles et les soignants car le lieu de résidence est généralement le domicile. Il convient de mettre en place des centres de soins de jour

Recherche et formation De nouvelles opportunités apparaissent grâce à la décentralisation

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Encadré 15. Exemples de modèles de désinstitutionnalisation dans la pratique

Brésil

Depuis 1991, le nombre de lits psychiatriques a diminué de 30%. Entre 1997 et 2001, le nombre de centres communautaires de santé mentale, appelés centres de soins psy-chosociaux, est passé de 176 à 295. Divers projets ont eu lieu dans la région du sud-est, celle qui a le produit intérieur brut le plus élevé du pays. Dans l’État de São Paulo, la ville de Santos, qui compte plus de 400 000 habitants, avait un hôpital psychiatrique extrêmement lucratif d’une capacité autorisée de 260 patients. En réalité, il hébergeait 575 patients, nombre d’entre eux pour alcoolisme. Plusieurs accusations de mauvais traitements et de décès pour cause de violence conduisirent le gouvernement de l’État à réaliser une évaluation de l’hôpital en 1989, sur la base de laquelle l’hôpital fut fermé. Cinq centres de santé mentale, appelés centres d’attention psychosociale, furent éta-blis en reprenant le modèle de Trieste en Italie. Avec la participation des associations d’usagers et des fonctionnaires publics, cette chaîne de centres a évolué au point que des ateliers ont été mis en place pour fournir aux patients du travail rémunéré. L’hôpital psychiatrique a finalement été fermé. Cette expérience est l’une des plus importantes dans le processus de réforme au Brésil (Alves & Valentini, 2002).

Cuba

Le développement de services de santé mentale à Cuba est un bon exemple d’organisa-tion de services suivant différents modèles au cours des 50 dernières années.

– Modèle de l’asile (jusqu’en 1959) : il y avait peu de services de santé mentale. On comptait un psychiatre pour 150 000 habitants. Les services étaient centralisés à La Havane et se trouvaient principalement dans de grands hôpitaux psychiatriques (un lit pour 2 200 habitants).

– Modèle hospitalier (1960 à 1986) : les services de santé mentale furent intégrés au système national de santé et les ressources furent augmentées et décentralisées dans l’ensemble du pays pour améliorer l’accès, la couverture et la qualité. Les services psy-chiatriques des hôpitaux psychiatriques et généraux furent transformés en communautés thérapeutiques. On s’attacha à développer les ressources humaines. Le nombre de lits psychiatriques augmenta. Il y avait 11 hôpitaux psychiatriques, 15 services psychiatri-ques dans des hôpitaux généraux et 4 services psychiatriques dans des hôpitaux pour enfants.

– Modèle ambulatoire et de soins primaires (1987 à 1995) : certains services de santé mentale furent incorporés aux soins primaires, 20 unités d’intervention de crise furent créées et deux cliniques psychiatriques ambulatoires furent mises en place dans des municipalités, en dehors des hôpitaux généraux. En même temps, 30 hôpitaux de jour prirent leurs fonctions et le nombre de services psychiatriques passa à 23 dans les hôpi-taux généraux et 10 dans les hôpitaux pour enfants. Le nombre de lits psychiatriques passa à 1 pour 1 100 habitants. La politique de développement des ressources humai-nes, introduite pendant la période précédente, conduisit à une augmentation nette du nombre de psychiatres (1 pour 9 000 habitants).

– Modèle de psychiatrie communautaire (à partir de 1996) : le modèle ambulatoire et de soins primaires était considéré comme devant être amélioré car l’épidémiologie psychiatrique était inchangée, le rapport coûts-bénéfices était médiocre, les usagers étaient mécontents et la population participait peu. En faisant participer un grand nombre d’intervenants, on formula une nouvelle politique, avec les centres communautaires de santé mentale en tant qu’élément essentiel des services. Ces centres fonctionnent avec des équipes multidisciplinaires (y compris des psychiatres) et ils utilisent toute infrastruc-

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ture disponible au niveau local (établissements de santé, écoles, usines, établissements communautaires, etc.). Ils sont bien reliés aux centres de soins primaires (médecins de famille et infirmières) et aux diverses organisations appartenant à d’autres secteurs que celui de la santé. Fin 1999, 111 centres communautaires de santé mentale étaient accré-dités. Cette stratégie a permis de comprendre les besoins de la population dans chaque localité, d’élaborer des plans d’action adéquats et de réduire la demande en hospitalisa-tions (Barrientos, 2001).

Points essentiels : Recommandations pour l’organisation des services

– Les planificateurs des services doivent s’efforcer d’organiser un éventail de services de santé mentale.

– En chiffres absolus, les besoins en services d’une sorte ou d’une autre varient selon les pays mais, en proportion du total des services, ils sont similaires dans tous les pays.

– Dans de nombreux pays, l’intégration des services de santé mentale aux soins primai-res est une stratégie viable pour améliorer l’accès aux soins de santé mentale.

– L’intégration aux soins primaires exige une formation du personnel de soins primaires à identifier et traiter les troubles mentaux.

– Dans certains pays, le personnel de soins primaires est déjà surchargé de travail et l’in-tégration des soins de santé mentale aux soins primaires exige d’augmenter les effectifs en chiffres absolus.

– L’intégration des services de santé mentale aux hôpitaux généraux requiert des profes-sionnels spécialisés dans la santé mentale dans ces hôpitaux ainsi qu’une infrastructure et autres équipements.

– L’intégration des services de santé mentale à des programmes sanitaires et sociaux généraux existants et ciblés sur des populations vulnérables est une stratégie utile pour surmonter les restrictions budgétaires et améliorer la portée des services de santé men-tale.

– Pour que l’intégration et la désinstitutionnalisation réussissent, il faut établir dans le pays des services communautaires de santé mentale.

– Les pays doivent envisager d’utiliser les réseaux de services existants, en particulier ceux qui sont fournis par les organisations non gouvernementales.

– Les grands hôpitaux psychiatriques ne se justifient ni par leurs coûts, ni par leur effica-cité, ni par la qualité des soins qu’ils fournissent.

– La désinstitutionnalisation ne se limite pas à faire sortir les patients des hôpitaux de long séjour. Il s’agit d’un processus de réorientation des prestations, d’une perspective principalement institutionnalisée à une perspective communautaire.

– La désinstitutionnalisation doit suivre, et non précéder, la mise en place de services communautaires de remplacement.

– Un petit nombre de patients ont besoin d’établissements de long séjour et peuvent être logés dans de petites unités dans la communauté ou dans de petites unités hospitalières de long séjour.

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Page 64: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Il est clairement prouvé que, pour de nombreux troubles, les traitements communau-taires donnent des résultats nettement meilleurs que les traitements hospitaliers.

5. Principaux points à considérer dans l’organisation des services de santé mentale

Les recommandations ci-dessus relatives à l’organisation des services de santé men-tale doivent tenir compte de quelques questions clés. Il s’agit notamment des preuves des interventions de santé mentale, des besoins particuliers des personnes atteintes de troubles mentaux, de la manière dont les communautés et les patients accèdent aux ser-vices et d’autres questions structurelles importantes telles que le besoin de collaboration intersectorielle.

5.1 Soins fondés sur des preuves

Les preuves de quelques stratégies de prestations souvent recommandées sont indi-quées ci-dessous.

5.1.1 Traitement communautaire et soins sans admission à l’hôpital

Onze études réalisées dans des pays développés ont comparé les effets des traitements communautaires avec ceux des soins hospitaliers usuels (Braun et al., 1981 ; Conway et al., 1994). Les résultats sont indiqués dans le tableau 1, le signe + indiquant des résul-tats significativement meilleurs que dans les groupes de contrôle et le signe = indiquant qu’il n’y a pas de différence entre les groupes. Toutes les études n’ont pas mesuré les mêmes variables. Les trois dernières études impliquaient des équipes multidisciplinaires, un accès 24 heures sur 24, une intervention de crise, une sensibilisation aux patients, des soins continus et un soutien résidentiel non institutionnalisé ou des centres de jours en tant que composants des programmes communautaires. Le tableau 1 montre que le traitement communautaire était lié à des résultats nettement meilleurs que les traitements et soins hospitaliers.

Tableau 1. Études comparant les effets de traitements communautaires avec ceux des soins hospitaliers usuels

Étude Symptomato- Adaptation Taux Durée de Satisfaction Moins de Emploi Charge pour

logie psychosociale d’admissions/ séjour des patients médicaments la famille

globale réadmissions hospitalier

1 + + 2 + + + + + 3 + + + + + 4 + + + + + 5 + + + + + 6 + + + + + 7 + + + 8 + + + = + 9 + + + + 10 + + + + 11 = = +

5.1.2 Admissions hospitalières suivies d’un traitement communautaire

Treize études contrôlées réalisées dans des pays développés ont comparé l’utilisation de séjours hospitaliers de courte durée ou de soins de jour de substitution avec des patients de contrôle recevant des soins hospitaliers de longue durée (Braun P et al., 1981). Le tableau 2 indique qu’en cas d’admission hospitalière, un séjour bref est aussi efficace qu’un séjour long.

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Page 65: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

La désinstitutionnalisation donne de bons résultats.

Tableau 2. Études comparant les résultats de séjours hospitaliers brefs ou de soins de jour de substitution avec ceux de séjours hospitaliers longs

Étude Symptomatologie Adaptation Taux d’admissions/ Durée de séjour Emploi Charge pour

globale psychosociale réadmissions hospitalier la famille

1 = + = + 2 - + = 3 = + = + 4 + 5 + 6 + + = + + 7 = = = 8 = (un an) = 9 = (deux ans) = =10 = _ 11 = _ 12 + + 13

5.1.3 Traitement et soins communautaires pour les personnes atteintes de trou-bles mentaux graves

Un choix de cinq études valables comparant des groupes de contrôle avec les soins communautaires pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves ayant pré-cédemment été hospitalisées pendant de longues périodes est présenté au tableau 3 (Braun et al., 1981), le signe + indiquant des résultats significativement meilleurs que dans le groupe de contrôle et le signe = indiquant qu’il n’y a pas de différence entre les groupes. Le tableau 3 montre que le traitement et les soins communautaires étaient liés à une amélioration des résultats.

Tableau 3. Études comparant des groupes de contrôle avec les soins communau-taires pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves ayant précédem-ment été hospitalisées pendant de longues périodes

Étude Symptomatologie Fonctionnement Taux d’admissions/ Subsistance Emploi Charge pour

globale social réadmissions indépendante la famille

1 = 2 = + + 3 + + + +4 + + 5 + +

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5.1.4 Traitement des principaux troubles mentaux

Il y a des preuves nettes que les principaux troubles mentaux peuvent être efficacement traités et que les taux de rechute peuvent être réduits grâce à une combinaison d’inter-ventions de psychopharmacologie et de rééducation psychosociale. Dans le traitement de la schizophrénie par exemple, une combinaison de traitement médicamenteux régulier et d’interventions familiales peut faire baisser le taux de rechutes de près de 50% à moins de 10% (Leff & Gamble, 1995 ; Dixon & Lehman, 1995).

Les programmes visant à lutter contre la dépression chez les mères et à réduire ainsi les effets néfastes sur les enfants se sont avérés efficaces. Ils peuvent être dispensés en milieux de soins primaires, par exemple par des visiteurs sanitaires et des agents de santé communautaires (Cooper & Murray, 1998). Il y a également des preuves que le personnel de soins primaires peut traiter la dépression efficacement en associant médi-caments et psychothérapie ou conseil (Mynors-Wallis et al., 1996 ; Schulberg et al., 1996 ; Ward et al., 2000 ; Bower et al., 2000 ; Sriram et al., 1990).

Une description complète d’interventions ayant un bon rapport coûts-bénéfices est dis-ponible (Organisation mondiale de la Santé, 2001a).

5.2 Soins épisodiques par opposition aux soins continus

Dans la plupart des pays, particulièrement dans les pays en développement, les systè-mes de santé sont conçus pour fournir des soins sur la base d’un modèle de soins de courte durée. Celui-ci privilégie le traitement vigoureux des épisodes aigus, dans l’espoir que la plupart des patients recouvreront la santé presque complètement et n’auront pas besoin d’autres soins jusqu’à l’épisode suivant, s’il y en a un. Ce modèle fonctionne bien pour un petit nombre de maladies transmissibles et certains prennent sa défense parce qu’il permet de rationner les ressources spécialisées et décourage la dépendance. Cependant, il convient mal aux besoins de nombreuses personnes atteintes de troubles mentaux dont les affections répondent seulement en partie au traitement et sont étroite-ment liées à des difficultés dans la vie quotidienne.

De nombreux troubles mentaux, en particulier ceux qui sont chroniques ou suivent un schéma de rémissions et de rechutes, sont mieux gérés par des services qui adoptent un modèle de soins continus. Ceci souligne la nature à long terme des troubles et le besoin d’apport thérapeutique continu. Une approche de soins continus met aussi l’accent sur la nécessité d’aborder l’ensemble des besoins des patients, y compris sociaux, profes-sionnels et psychologiques. Une telle approche exige donc un degré de collaboration nettement plus grand entre les différents organismes de soins.

La méthode de prestations sectorielles ou de circonscription est un exemple d’organisa-tion des services permettant de maintenir la continuité des soins. L’équipe de circons-cription est responsable de fournir les soins en continu aux personnes vivant dans une zone géographique définie.

Des soins continus efficaces requièrent une coordination des besoins du patient en soins médicaux et sociaux dans la communauté. Dans de nombreux pays développés, cet accent mis sur la coordination a conduit à la mise en place de modèles de soins basés sur la gestion de cas. La gestion de cas comprend des stratégies visant à réduire la fragmentation des services en mettant en place des personnes de contact pour la coor-dination des soins (voir partie 5.5).

La dépression peut être effi-cacement gérée au niveau des soins primaires.

Le modèle de soins continus aide à abor-der l’ensemble des besoins des personnes atteintes de troubles mentaux graves.

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5.3 Voies vers les soins

Les voies vers les soins sont les chemins qui mènent les personnes atteintes de troubles mentaux aux prestataires de services de santé mentale. Ces voies influencent l’organi-sation des services.

Dans les économies de marché établies, les voies vers les soins les plus courantes sont p. ex. :

le système de soins primaires,les recours à partir d’établissements médicaux secondaires et tertiaires,les recours à partir d’autres sources telles que les écoles, les travailleurs sociaux et les tribunaux.

Dans les pays en développement, les voies vers les soins les plus courantes sont p. ex. :les agents de santé des villages,les infirmières,les cliniques de soins primaires,les tradipraticiens,l’accès direct aux services spécialisés dans le secteur public ou privé.

Ces voies peuvent empêcher l’accès aux services de santé mentale pour les raisons suivantes :

faible conscience des services disponibles,manque de soins primaires bien organisés,liens inadéquats entre les services,manque de connaissances dans les populations rurales au sujet des causes et des traite-ments des troubles mentaux, d’où une sous-utilisation des services de santé mentale,formation inadéquate des médecins généralistes et des tradipraticiens dans le domai-ne de la santé mentale, d’où de faibles taux de détection, de traitement et de recours pour les troubles mentaux au niveau des milieux de soins traditionnels et primaires,pas d’identification active des cas dans la communauté par les services de santé men-tale, les usagers devant trouver les voies disponibles et y accéder par eux-mêmes,difficulté d’accès au services spécialisés, en partie en raison de la nécessité d’un recours professionnel aux programmes spécialisés.

Ces obstacles aboutissent souvent à des résultats négatifs tels qu’une recherche ou une obtention de soins retardée jusqu’au développement complet d’un trouble, ce qui fait aug-menter le risque de résultats à long terme médiocres et de coûts de traitement élevés.

Les planificateurs de services doivent organiser les services de manière à surmonter ces obstacles, à améliorer l’accès et à réduire ainsi la durée et la gravité des handicaps causés par les troubles mentaux. Certains pays se sont efforcés de surmonter ces obstacles en améliorant la communication avec les communautés locales afin d’améliorer la visibilité des services de santé mentale formels. Les communautés ont besoin d’informations sur la disponibilité des services de santé mentale. Ces informations doivent être diffusées par des moyens formels et informels. Les agents de santé des communautés et les agents de soins primaires peuvent activement promouvoir les questions de santé mentale et faire un travail de dépistage précoce dans les communautés. La création de mécanismes de recours clairs des soins primaires aux soins secondaires et vice versa est également une stratégie permettant de surmonter les obstacles aux soins (voir partie 9).

5.4 Disparités géographiques

Dans tous les pays en développement, il y a un déséquilibre de ressources entre les services de santé mentale en milieux ruraux et en milieux urbains. Des programmes

---

-----

----

-

-

-

Les voies établies vers les soins et les traitements peuvent entraver l’accès aux services et aboutir à des résultats médiocres.

Il faut aborder les disparités géographiques.

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ruraux novateurs sont donc nécessaires dans les pays ne disposant pas de ressources de santé mentale de base telles que centres de soins primaires et unités psychiatriques. Dans de nombreux pays, le personnel soignant est réticent à travailler dans des régions rurales reculées en raison du manque d’équipements généraux. Il peut être nécessaire de fournir des incitations financières ou autres incitations professionnelles pour pousser le personnel à aller travailler dans des régions reculées. Dans les pays ayant des transports corrects, un service de proximité offert par les services de santé mentale primaires ou secondaires à des régions rurales ou reculées peut représenter une option faisable pour étendre les services. Une autre stratégie consiste à former des agents dans les villages à identifier les troubles mentaux de base et à leur fournir une supervision hebdomadaire ou mensuelle par le biais de visites de professionnels de santé mentale (voir partie 10, obstacle 2 et solutions).

5.5 Soins axés sur les services par opposition aux soins axés sur les besoins

Pour être efficaces, les services de santé mentale doivent se concentrer sur les besoins des patients atteints de troubles mentaux et fournir des services répondant à ces besoins. Cependant, les services de santé mentale rencontrent souvent des problèmes de mise en œuvre de ce principe de soins bien compris et bien accepté.

De nombreux services, y compris ceux de soins, de travail social, de sécurité sociale et de logement, sont organisés de manière hiérarchique, avec des distinctions entre les niveaux de services et entre les prestataires. Ces distinctions sont par exemple des dispositifs de gestion séparés, des budgets séparés et des différences entre les modes d’entrée dans les services, c’est-à-dire dans les systèmes de recours. Ces services se sont souvent développés indépendamment les uns des autres. Par exemple, le budget de la santé est sous la responsabilité du ministère de la santé, tandis que le budget du loge-ment est contrôlé et dépensé par le ministère du logement. Dans la plupart des cas, ces dispositions organisationnelles se basent essentiellement sur une perspective de gestion et les usagers doivent s’adapter aux structures particulières des services auxquels ils ont besoin d’accéder.

De telles dispositions organisationnelles peuvent représenter des difficultés considéra-bles pour les personnes atteintes de troubles mentaux. En théorie, les usagers devraient pouvoir passer sans problème d’un niveau de service à un autre et d’un prestataire à un autre, en fonction de leurs besoins. Mais pour les personnes atteintes de troubles mentaux, les structures organisationnelles sont souvent des obstacles qui les empêchent d’obtenir les soins dont elles auraient besoin.

Pour aborder ce problème, il est essentiel de concevoir les services de manière axée sur les besoins et non axée sur le service. Ceci signifie que les services doivent s’adapter aux besoins des usagers, et non l’inverse.

La coordination des soins est un aspect important du développement de soins axés sur les besoins. Dans de nombreux cas, il faut que les services de santé mentale entrent en liaison et coordonnent les activités d’organismes extérieurs au secteur de la santé, p. ex. logement, emploi et sécurité sociale, pour obtenir les services dont les patients ont besoin.

La mise en œuvre d’une structure de services axée sur les besoins ne nécessite pas forcément des ressources financières supplémentaires. Par contre, elle nécessite un engagement à adapter les services aux besoins des patients. Si par exemple les patients doivent parcourir de longs trajets pour se rendre dans les cliniques, on peut répondre à leurs besoins en ouvrant les cliniques l’après-midi plutôt que le matin. Ceci n’a pas de répercussions financières sur les services.

L’organisation des services ne tient pas toujours compte des besoins des personnes atteintes de troubles men-taux.

Il est possible de mettre en œuvre efficacement un modèle de prestations de services axés sur les besoins.

Le point essentiel est que les services doivent vérifier les besoins des populations loca-les afin d’augmenter la proba-bilité de satisfaire aux besoins des personnes atteintes de troubles mentaux.

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Les points essentiels sont de contrôler les besoins des populations au niveau local, de tenir compte de la manière dont les populations locales accèdent aux services, et de modifier les prestations de service de manière à augmenter la probabilité que les besoins des patients seront satisfaits.

Dans de nombreux pays développés et dans certains pays en développement, on se déplace vers des modèles de prestations axées sur les besoins. Des exemples sont les modèles de courtage et la gestion de cas intensive pour les patients atteints de troubles mentaux graves (Stein & Test, 1980) ou un modèle de rééducation psychosociale en milieu rural en Tanzanie (encadré 9). Ces modèles reconnaissent que les besoins des patients doivent être pris en compte avant tout et que l’organisation des services doit s’adapter pour les satisfaire.

5.6 Collaboration au sein et entre les secteurs

Les personnes atteintes de troubles mentaux ont des besoins complexes qui chevau-chent différents secteurs de services. Il est improbable que le secteur de la santé à lui seul puisse répondre à tous les besoins en soins sociaux de ces personnes. De plus, dans les pays en développement, le secteur de la santé mentale est parfois relativement petit comparé à d’autres secteurs éventuellement aptes à compléter ses activités. Par conséquent, la collaboration est un aspect essentiel pour améliorer les résultats obtenus pour les personnes atteintes de troubles mentaux.

On a besoin de collaboration aussi bien au sein du secteur de la santé (collaboration intrasectorielle), qu’en dehors du secteur de la santé (collaboration intersectorielle).

La collaboration au sein du secteur de la santé comprend des liens avec les soins pri-maires et secondaires, des liens entre le secteur de la santé mentale et le secteur de la santé générale aux niveaux primaire, secondaire et tertiaire, des liens avec les systèmes de médecine traditionnelle, des liens avec les organisations non gouvernementales du secteur de la santé, des liens avec des organismes donateurs nationaux et multilatéraux dans le secteur de la santé et des liens avec des organisations internationales telles que l’OMS.

La collaboration en dehors du secteur de la santé comprend le travail avec les pouvoirs publics et des organismes non gouvernementaux s’occupant de logement, d’emploi, de protection sociale, d’éducation, de justice pénale et autres.

5.6.1 Exemples de niveaux de collaboration

La collaboration intersectorielle peut avoir lieu entre les organismes mentionnés ci-des-sus à différents niveaux.

a) À la base, la collaboration peut signifier d’échanger des données et des informations, ce qui permet d’améliorer la prise de conscience entre collaborateurs.b) À un niveau supérieur, les organismes sont impliqués dans la consultation et la pla-nification, mais des services spécifiques continuent à être dispensés par un organisme particulier.c) Une collaboration plus intensive signifie que les organismes travaillent en commun à la planification et à la fourniture de nouveaux services.d) Le niveau le plus élevé de collaboration implique des dispositions de financement commun et de responsabilités de gestion communes pour certains services élaborés en commun par les organismes qui collaborent.

La collaboration au sein et entre les secteurs est essentielle pour répondre aux besoins complexes des personnes atteintes de trou-bles mentaux.

La collaboration peut avoir lieu à différents niveaux.

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5.6.2 Renforcer la collaboration

La toute première exigence pour que la collaboration soit efficace est que les organis-mes concernés acceptent le fait que des efforts de collaboration sont nécessaires. Les organismes de santé mentale et les personnes impliquées dans la planification et la prestation de services de santé mentale doivent prendre les devants et expliquer ces nécessités à d’autres personnes, en particulier aux personnes extérieures au secteur de la santé, de manière à les convaincre. Quelques moyens de renforcer la collaboration : impliquer d’autres secteurs dans la formulation de la politique ; déléguer la responsabilité de certaines activités à des organismes d’autres secteurs ; mettre en place des réseaux d’information impliquant des organismes d’autres secteurs ; établir des comités consul-tatifs nationaux avec des représentants des organismes intéressés des secteurs autres que celui de la santé mentale (encadré 16).

Encadré 16. Stratégies de renforcement de la collaboration

Les domaines de collaboration de base comprennent l’échange d’informations sur : la philosophie, la politique et la gamme d’activités en cours ; les secteurs de réussite ; les problèmes existants ; les secteurs de besoins. Les visites personnelles sont très effica-ces pour construire des réseaux et des passerelles. Il convient de les compléter par des réunions, des ateliers de brainstorming, des bulletins d’information, des conversations téléphoniques, des courriers et l’utilisation de sites Internet lorsque cela est possible.

Formulation de la politiqueLa formulation de la politique doit impliquer autant de secteurs concernés que possi-ble. Le gouvernement peut décider de déléguer la tâche de rassembler des idées et de rechercher un consensus à un organisme tel qu’une institution universitaire ayant de l’ex-périence dans ce domaine. Ceci peut impliquer par exemple d’organiser une réunion de planification avec tous les intervenants pour clarifier les intérêts des participants vis-à-vis de la politique de santé mentale.

Délégation de responsabilitéCertains organismes gouvernementaux, p. ex. des hôpitaux régionaux consultants, peu-vent prendre la responsabilité de la formation et de la supervision des agents de santé mentale dans leur région. Les organisations professionnelles peuvent remplir la fonction et la responsabilité de production de documents éducatifs ou pédagogiques pour les agents de santé mentale. Les gouvernements peuvent fournir des fonds à des orga-nismes bénévoles pour qu’ils offrent des services de santé mentale aux communautés. Une méthode classique consiste pour les gouvernements à établir des contrats avec des institutions ou des individus dans les universités pour la surveillance et l’évaluation des activités dans le secteur de la santé mentale. Dans bien des cas, cette approche a un meilleur rapport coûts-bénéfices que la mise en place d’organisations de recherche au sein du ministère de la santé.

Information et coordination des programmes de santé mentaleIl est important de maintenir ouverts des canaux de communication afin d’assurer la cohérence entre les différents secteurs impliqués dans la promotion de la santé mentale. La motivation de tous les acteurs et de tous les intervenants nécessite que ceux-ci soient informés en permanence de ce qui a lieu. La communication peut être assurée par le biais de supports électroniques, de dossiers et de bulletins d’information.

Mise en place de stratégies ou de réseaux d’information et de communicationLe processus de mise en place de réseaux, de systèmes d’information et de stratégies de communication suit souvent le processus d’élaboration de la politique. Les interve-nants doivent éventuellement être impliqués dès le départ, c’est-à-dire qu’ils définissent

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Les organismes peuvent considérablement bénéficier de la collaboration.

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ce qu’ils doivent communiquer et comment mettre en œuvre la communication. Par conséquent, le résultat sera probablement dicté par la situation objective du pays en question.

Mise en place de comités nationaux de conseil et de coordination

Il est important que des comités nationaux de planification, représentant tous les interve-nants, définissent les divers comités consultatifs, leurs fonctions et leurs membres. Ces comités comprendront de préférence des représentants de tous les intervenants. Les organisations faîtières peuvent représenter plusieurs organismes au sein de ces comités de manière à ce que ceux-ci restent petits et fonctionnels.

Points essentiels : Principaux points à considérer dans l’organisation des services de santé mentale

– Les pays développés offrent des preuves comme quoi les traitements communautaires sont aussi efficaces, voire plus efficaces que les traitements hospitaliers.

– Il y a des preuves indiquant que la dépression peut être traitée avec succès en milieu de soins primaires.

– Les troubles mentaux chroniques ou sujets aux rechutes sont mieux gérés par des services ayant une approche de soins continus, mettant l’accent sur la nature durable de ces troubles et le besoin d’apports thérapeutiques continus.

– Les voies vers les soins des pays en développement sont différentes de celles des pays développés. Les voies existantes peuvent entraver l’accès aux soins dans certains cas et doivent éventuellement être réformées.

– Il faut aborder la question des disparités géographiques dans les prestations de servi-ces de santé mentale.

– Les services de santé mentale doivent adopter une approche axée sur les besoins.

– Les besoins complexes des personnes atteintes de troubles mentaux chevauchent plusieurs secteurs et le secteur de la santé mentale ne peut pas y répondre à lui seul. La collaboration est par conséquent nécessaire au sein du secteur de la santé et avec des secteurs autres que celui de la santé.

– La première étape vers une collaboration efficace consiste à reconnaître que celle-ci est nécessaire.

– Quelques moyens de renforcer la collaboration : impliquer d’autres secteurs dans la formulation de la politique ; déléguer la responsabilité de certaines activités à des orga-nismes d’autres secteurs ; mettre en place des réseaux d’information impliquant des organismes d’autres secteurs ; établir des comités consultatifs nationaux avec des repré-sentants des organismes intéressés des secteurs autres que celui de la santé mentale.

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6. Recommandations et conclusions

Un certain nombre de recommandations générales sur la manière d’organiser les services de santé mentale pour optimiser la fourniture de soins de haute qualité sont suggérées ci-dessous. Elles doivent être envisagées et adaptées en fonction du contexte spécifique de chaque pays.

– Dans la mesure du possible, on fermera les grandes institutions psychiatriques centra-lisées et on fournira des alternatives communautaires mieux appropriées. Dans bien des pays, il peut ne pas être réaliste de prendre cette voie immédiatement. À court terme, on réduira la taille de ces institutions, on améliorera les conditions de vie des patients et on formera le personnel à fournir des soins dans les communautés et à améliorer la qualité des soins. On transformera ces institutions en centres de traitement actif et de rééducation.

– Dans la mesure du possible, on stoppera les nouvelles admissions en hôpitaux psychia-triques. Les patients devant être hospitalisés seront reçus dans les unités psychiatriques des hôpitaux généraux.

– Les ressources financières et humaines disponibles seront réorientées des grands hôpitaux psychiatriques vers les services de santé mentale en milieux de soins primaires et les services communautaires de santé mentale.

– On accordera la priorité à l’intégration des services de santé mentale aux soins primai-res et aux hôpitaux généraux. L’intégration forme la base de la réorientation des services d’une perspective institutionnelle vers une perspective communautaire.

– Dans les pays en développement, on proposera des services de santé mentale spécia-lisés dans les hôpitaux généraux au niveau des districts.

– Les soins de santé mentale informels, fournis par les familles, les groupes d’entraide ou les bénévoles, seront renforcés en améliorant la compréhension générale des troubles mentaux et de leurs causes, les traitements disponibles et les aptitudes à la gestion. On renforcera les groupes de soutien et d’éducation pour les familles et autres soignants.

– On utilisera des incitations financières négatives pour décourager l’utilisation des soins en institutions psychiatriques spécialisées ; on utilisera des incitations financières pour promouvoir les soins dans les hôpitaux généraux et les communautés.

– Dans les pays en développement, les spécialistes de santé mentale seront utilisés à bon escient pour la formation et la supervision d’agents de santé mentale moins spécialisés.

– Le fossé existant entre les prestations en régions rurales et urbaines et le manque de prestations dans toute population mal desservie sera réduit en étendant la portée des services de santé générale et des services communautaires de santé mentale.

– La formation des professionnels de la santé comprendra les aspects psychosociaux des soins ainsi que des aptitudes et connaissances relatives aux traitements médica-menteux adéquats.

– On tiendra compte des exigences à court et long terme pour la formation des agents de santé spécialisés et généraux. Dans les pays en développement, il est justifié de ren-forcer la formation des agents de santé générale à court et long terme. On portera aussi attention à l’accroissement à long terme des effectifs spécialisés.

– La participation des organisations d’usagers et de familles à la planification et à la pres-tation des services sera encouragée et renforcée.

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Page 73: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

7. Scénarios pour l’organisation des services dans des pays ayant différents niveaux de ressources

Ces scénarios utilisent deux pays fictifs similaires à ceux décrits dans Politiques, plans et programmes de santé mentale.

Pays A avec 10 millions d’habitants et un faible niveau de ressources.

– Il y a deux hôpitaux psychiatriques dans le pays, lesquels limitent les admissions aux personnes présentant une psychose grave et un comportement perturbateur.

– Les traitements ambulatoires sont disponibles dans quatre villes seulement et cou-vrent 40% de la population.

– Le pays a 20 psychiatres, 30 psychologues et 80 infirmières en psychiatrie. Ils passent environ 30% à 50% de leur temps en cabinet privé et dans l’enseignement.

– Il y a un bon réseau de centres de soins primaires et des soins primaires de base sont disponibles dans presque toutes les zones rurales et urbaines.

Les buts essentiels de l’organisation des services doivent être d’améliorer l’accès aux services ambulatoires et hospitaliers dans tout le pays, en particulier pour les personnes vivant dans les zones rurales, et d’aider les personnes atteintes de troubles mentaux à rester dans leurs communautés.

Les étapes suivantes doivent être entreprises.

a) Il faut définir des priorités pour certaines affections mentales. Il est important de consul-ter les communautés lors des décisions sur les priorités de sorte qu’elles sentent que leurs besoins sont écoutés. Ceci peut avoir lieu en réalisant de vastes consultations avec les professionnels de santé mentale, les chefs des communautés, les personnes atteintes de troubles mentaux et leurs familles. Une telle consultation peut aboutir à deux résultats. Il se peut, soit que la communauté et les professionnels identifient des troubles mentaux courants, p. ex. dépression et anxiété, comme devant faire l’objet d’actions prioritaires parce qu’ils affectent la vie de nombreuses personnes et que les handicaps cumulés sont beaucoup plus importants que ceux causés par les troubles mentaux graves, soit qu’ils décident que les troubles mentaux graves chroniques doivent être prioritaires parce qu’ils causent des han-dicaps importants pour les personnes concernées, des souffrances pour les familles de ces personnes et une perturbation de la vie sociale d’autres membres de la communauté.b) L’étape suivante consiste à assurer que le nombre limité de professionnels de santé mentale est utilisé de manière à obtenir un bénéfice maximal. Dans la mesure du possi-ble, on utilisera les professionnels de santé mentale pour la formation, la supervision et la gestion des cas envoyés en recours plutôt que pour la fourniture directe de services à toutes les personnes atteintes de troubles mentaux.c) Des services directs seront fournis par les agents de soins primaires qui devront être for-més et supervisés par les professionnels de santé mentale. Les agents de soins primaires doivent recourir aux professionnels de santé mentale pour des cas spécifiques, et ceux-ci leur fourniront des consultations spécialisées, établiront des plans de traitement et renver-ront les patients aux agents de soins primaires pour mise en œuvre de ces plans.d) Des lits d’admission doivent être mis à disposition dans autant d’hôpitaux généraux que possible. Chaque hôpital général doit donc avoir au moins un psychiatre, un psycho-logue et quatre infirmières en psychiatrie dans son unité d’admission. Les professionnels de santé mentale doivent également fournir un service de consultation de liaison aux patients admis pour des troubles physiques.e) Les patients en long séjour dans les deux hôpitaux psychiatriques doivent être évalués pour ce qui est de leurs besoins à long terme en traitement et en soins. On s’efforcera d’évaluer le niveau de soutien requis pour permettre aux patients de vivre dans leur com-

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munauté. Un premier pas consiste à stopper les admissions dans ces deux hôpitaux et à réorienter les patients vers l’hôpital général le plus proche de chez eux. Un plan clair doit être tracé dans le but de faire sortir les patients de ces hôpitaux sur une période de cinq ans. Ce processus doit commencer par les patients les moins handica-pés et les familles prêtes à les accueillir chez elles. Le traitement continu des troubles mentaux des patients doit être confié aux centres de soins primaires locaux et il faut four-nir un contrôle régulier du traitement par les professionnels de santé mentale se trouvant dans les hôpitaux généraux les plus proches de leur domicile.f) Une formation doit être mise en place pour le personnel travaillant dans d’autres pro-grammes de santé, p. ex. dans les programmes de lutte contre le VIH/sida, et pour le personnel travaillant dans les services de santé reproductive et de pédiatrie.

Pays B avec 10 millions d’habitants et un niveau de ressources moyen.

– Certains centres de soins primaires fournissent des traitements de base pour les troubles mentaux et une organisation non gouvernementale a un programme de com-pétences pratiques et d’environnement scolaire sain.

– La plupart des ressources de santé mentale sont concentrées dans deux villes : il y a deux unités de séjour dans des hôpitaux généraux et il y a un grand hôpital psychia-trique.

– Il y a 100 psychiatres, 40 psychologues, 250 infirmières en psychiatrie et 40 ergothé-rapeutes.

Le but principal de l’organisation des services est d’étendre l’accès à ceux-ci pour les populations mal desservies, en particulier dans les zones rurales.

Le pays doit entreprendre les étapes suivantes.

a) Il faut définir les affections mentales prioritaires (voir pays A ci-dessus). b) Tous les centres de soins primaires, en particulier ceux situés dans les zones rurales, doivent fournir un traitement de base pour les troubles mentaux. Ceci nécessite une for-mation en santé mentale pour le personnel des centres de soins primaires et une super-vision hebdomadaire continue fournie par des professionnels de santé mentale.c) Certains professionnels de santé mentale doivent consacrer une partie significative de leur temps de travail à s’occuper des recours du personnel de soins primaires qui demandent l’avis d’un spécialiste.d) On mettra en place des cliniques ambulatoires dans tous les centres de soins primai-res. Ces cliniques fonctionneront au départ en tant que cliniques spécialisées et auront lieu une fois par semaine. On mettra des médicaments psychotropes à disposition dans tous les centres de soins primaires.e) On établira des liens de recours entre les centres de soins primaires et les unités psy-chiatriques des hôpitaux généraux. Ce processus peut être soutenu en divisant le pays en secteurs et en définissant la circonscription de chaque unité psychiatrique. Les cen-tres de soins primaires de la circonscription de l’unité psychiatrique d’un hôpital général auront recours aux professionnels de santé mentale de cette unité et seront supervisés par ceux-ci.f) On mettra en place des lits psychiatriques d’hospitalisation dans tous les hôpitaux généraux. Les hôpitaux généraux situés dans les zones rurales et dans d’autres régions où l’accès est difficile seront prioritaires pour les fonds et les ressources humaines.g) On collaborera avec l’organisation non gouvernementale pour fournir des services aux enfants et aux adolescents. Des membres du personnel de l’organisation non gouverne-mentale seront formés à détecter les troubles mentaux et à des aptitudes de conseil de base.h) On mettra en œuvre un plan visant à diminuer peu à peu le nombre de lits dans le grand hôpital psychiatrique (voir pays A ci-dessus).

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Obstacle 1

Il se peut que le personnel de soins primaires recevant une formation à des aptitudes en santé mentale n’ap-plique pas les connaissances nouvellement acquises dans le travail quotidien. En Guinée-Bissau par exem-ple, les agents de soins primaires n’appliquaient pas de leur propre chef leurs aptitudes à identifier et traiter les principaux troubles mentaux (De Jong, 1996).

Solutions

1. Des supervisions et consultations régulières avec une équipe de professionnels de santé mentale se sont avérées efficaces pour les infirmières en soins primai-res en Guinée-Bissau.

2. La réticence à fournir des conseils psychosociaux peut être due à une réticence culturelle à parler ouvertement de problèmes psychiques, à une croyance persistante en l’origine somatique de petits troubles mentaux, ou au fait que les symptômes sont attribués à un facteur sur-naturel traditionnel – aussi bien par les agents de soins primaires que par les patients. Dans cet exemple, les infirmières en soins primaires ont éventuellement besoin d’une formation supplémentaire au sujet des besoins en conseil psychosocial. L’exemple du Zimbabwe (Abas et al., 1995 ; Patel, 2000) permet de supposer qu’une recherche orientée vers la communauté et utilisant des informateurs clés pourrait aider à identifier les formula-tions idiomatiques locales courantes des petits troubles mentaux et à créer des recommandations de traitement. Celles-ci doivent former la base d’un programme de diagnostic et de traitement pertinent du point de vue culturel et proposé par les infirmières en soins primaires. Le composant éducatif doit consister en un apprentis-sage de l’identification et du traitement de ces formu-lations idiomatiques de petits troubles mentaux sur la base des informations recueillies auprès des infirmières et de la communauté.

3. Le Cambodge représente l’inverse du problème rencontré en Guinée-Bissau, à savoir la résistance de certains enseignants en santé mentale locaux à intégrer les concepts traditionnels aux documents de formation en santé mentale (Somasundaram et al., 1999). La solution est similaire à celle de l’exemple

8. Obstacles et solutions

Certains des obstacles qui entravent l’organisation des services de santé mentale sont exposés ci-dessous et des moyens de les surmonter sont proposés. Les solutions indi-quées ne sont pas forcément les seules applicables pour obtenir des services de santé mentale efficaces et appropriés.

Obstacle 1

Problèmes de motivation du personnel de soins primaires à appliquer leurs connaissan-ces dans le domaine de la santé mentale.

Solutions

Supervision régulière.

Utiliser les formulations idio-matiques locales pour les troubles mentaux en tant que base de la formation.

Démontrer les correspon-dances entre les catégories locales et occidentales de troubles mentaux.

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de Guinée-Bissau, à savoir qu’il faut démontrer aux agents de santé locaux comment les formulations idiomatiques locales des troubles mentaux complè-tent ou coïncident avec les catégories occidentales de troubles mentaux. Les questions interculturelles doivent donc faire explicitement partie des documents de formation.

Obstacle 2

Les pays géographiquement étendus, pauvres et dont la population est principalement rurale peuvent avoir du mal à établir des réseaux fonctionnels de santé mentale au niveau des soins primaires en raison du manque de ressources financières et humaines dans les cliniques de soins primaires reculées.

Solutions

L’exemple du Botswana illustre le fait que des infirmiè-res en psychiatrie rendant régulièrement visite à des cliniques de soins primaires rurales reculées représen-tent une méthode d’un bon rapport coûts-bénéfices pour répartir le rare personnel sur de vastes régions géographiques (Ben-Tovim, 1987). L’utilisation d’infir-mières en psychiatrie serait encore plus efficace si des agents de santé mentale des villages les aidaient à identifier les cas vulnérables dans la communauté. De tels agents de santé mentale identifieraient les patients et les enverraient à la clinique de soins primaires le jour où l’infirmière en psychiatrie fait sa visite. Une autre possibilité consiste à former des agents de santé men-tale communautaires bénévoles dans les villages sur la base du concept de formation des groupes noyaux (Somasundaram et al., 1999).

Obstacle 3

Pour de nombreux pays, la prestation de soins de santé mentale présentant un bon rapport coûts-béné-fices peut être renforcée en insistant sur la coopération intersectorielle. Cependant, ce processus n’est pas simple.

Solutions

1. Les exemples de la Tanzanie (Kilonzo & Simmons, 1998), du Zimbabwe (Abas et al., 1995), du Cambodge (Somasundaram et al., 1999) et de l’Inde (encadré 6) illustrent le fait que des approches coopératives peu-vent avoir lieu au niveau national ou local et peuvent rapprocher les membres des communautés locales, les prestataires de services et les organismes sociaux. La coopération entre les services de santé mentale, les services de santé générale, les tradipraticiens et les membres des communautés est très importante

Obstacle 2

Les pays géographiquement étendus peuvent avoir du mal à mettre en œuvre des servi-ces de santé mentale coor-donnés au niveau des soins primaires.

Solutions

Visites régulières d’infirmières en psychiatrie aux cliniques de soins primaires désignées.

Formation d’agents de santé communautaires dans les villages.

Obstacle 3

Un manque de coopération intersectorielle entrave le développement de services de santé mentale novateurs et présentant un bon rapport coûts-bénéfices.

Solutions

Programmes créant des liens entre les services de santé mentale, les services de santé générale, les tradipraticiens et les communautés locales.

Coordonner un réseau de collaboration pour fournir les services de santé mentale.

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Page 77: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

car elle permet le développement de services de santé mentale appropriés et présentant un bon rapport coûts-bénéfices au niveau primaire.

2. Des services tels que villages agricoles de réédu-cation psychiatrique et le conseil sur la dépression au niveau des soins primaires sont structurés sur la base d’un réseau de coopération entre les services de santé mentale et divers autres secteurs. Ces services sont le produit de la coopération intersectorielle et, dans les pays en développement, il peut être utile d’envisager le système de santé mentale comme un collaborateur d’autres secteurs dans la fourniture de personnel (psychiatres, infirmières en psychiatrie, infirmières en soins primaires, aides-soignant(e)s, tradipraticiens, enseignant(e)s, agents de santé de village, etc.), de services (psychiatrie, soins primaires, soins tradition-nels, éducation), et d’éléments de services (pharma-cothérapie, conseil, tisanes, exercices de relaxation et de méditation).

Obstacle 4

Les services existants font souvent obstacle au dépis-tage précoce et au traitement des troubles mentaux. L’entrée tardive des usagers dans le système de santé mentale spécialisé est souvent due à des contacts précédents infructueux avec des prestataires de soins traditionnels ou primaires. Ceci est dû aux raisons suivantes.

1. Il peut y avoir un manque de connaissances des populations rurales au sujet des causes et des traite-ments des troubles mentaux.

2. Un manque de formation en santé mentale et de coordination des activités des tradipraticiens, du per-sonnel de soins primaires et des professionnels de santé mentale peut contribuer à entraver le dépistage précoce et le traitement au niveau des soins primaires.

3. Il se peut que le personnel de soins primaires reste dans les cliniques ou les bureaux au lieu de rendre visite activement aux communautés pour promouvoir la santé mentale et identifier les personnes atteintes de troubles mentaux et ayant besoin d’un traitement.

Solutions

1. Mise à part une formation spécialisée pour le person-nel de soins primaires, des pays ayant une approche des soins communautaire active, p. ex. la République tchèque et l’Inde, ont amélioré la communication avec les communautés locales et ont ainsi rendu mieux visi-bles les voies menant aux services de santé mentale. Lorsque les agents de santé des communautés et les

Obstacle 4

Les services ne détectent pas les personnes atteintes de troubles mentaux en raison de la fragmentation des soins, de l’ignorance et du manque de communication au sujet de la santé mentale.

Solutions

Une éducation sanitaire active et un dépistage précoce dans les communautés au niveau des soins primaires aide à améliorer les résultats et à faire baisser les coûts des soins.

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Page 78: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

agents de soins primaires sont actifs dans la promo-tion de l’éducation sanitaire et le dépistage précoce, les personnes vulnérables et leurs familles ont plus de chances de connaître et d’utiliser les services de santé mentale plutôt que les tradipraticiens.

2. Il est possible d’améliorer les canaux de communi-cation si :

(a) des agents de santé de la communauté et des médecins généralistes offrent des consultations à domicile ; (b) des réunions sont organisées régulièrement avec des membres des communautés tels qu’enseignant(e)s, chefs religieux et tradipraticiens ;c) un dépistage des principaux troubles mentaux a lieu dans les communautés à l’aide d’une échelle d’éva-luation telle qu’un questionnaire général sur la santé (Breakey, 1996c).

3. Un réseau réciproque de communication entre le personnel de soins primaires et les services de santé mentale spécialisés aux niveaux secondaire et tertiaire est nécessaire pour les cas complexes de troubles mentaux graves et de comorbidité.

Obstacle 5

Dans de nombreux pays, les fonds, le personnel et les services de santé mentale sont concentrés dans les institutions de niveau tertiaire. Inversement, une appro-che axée sur la communauté renforce :

(1) des services orientés vers des groupes de popula-tions particuliers ;(2) du personnel multidisciplinaire ;(3) un traitement de proximité, évitant de perturber les réseaux familiaux et sociaux, de préférence à des milieux institutionnalisés.

Cependant, le personnel de santé mentale ayant suivi une formation médicale et les bureaucraties adminis-tratives responsables de l’organisation des services de santé mentale opposent souvent une résistance à cette approche communautaire décentralisée de four-niture des services (Gallegos & Montero, 1999 ; Rezaki et al., 1995 ; Tomov, 1999).

Solutions

1. Il est possible de surmonter la résistance du personnel à un décalage des ressources vers les milieux de soins secondaires et primaires des communautés en restruc-turant les programmes d’enseignement de manière à inclure les approches communautaires et de santé publi-que de gestion des questions de santé mentale.

Un réseau réciproque de consultation impliquant les trois niveaux d’offre de ser-vices.

Obstacle 5

La concentration des ressour-ces financières et humaines dans les institutions de santé mentale tertiaires.

Résistance du personnel de santé mentale et administratif à passer aux soins commu-nautaires.

Solutions

Restructurer les programmes d’enseignement pour qu’ils comprennent une approche de santé publique à la santé mentale.

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Page 79: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

2. Un effort concerté est nécessaire au niveau national pour impliquer le personnel tertiaire existant dans les changements structurels. Si le rôle du personnel n’est pas diminué mais redéfini avec leur participation, il est probable que la résistance à la redistribution des fonds sera moins grande. Par exemple les psychiatres, les psychologues et les infirmières en psychiatrie peuvent jouer divers rôles, allant des soins cliniques directs à la planification et à la consultation.

3. L’exemple des pays de l’ancien bloc de l’Est indique que le personnel de santé mentale et les administra-tions centralisées opposent souvent une résistance à la réorientation des priorités des services, même si les lacunes des prestations sont reconnues par les usa-gers et les gouvernements nouvellement élus (Tomov, 1999). Dans ce contexte, les gouvernements peuvent souhaiter contourner les bureaucraties centralisées en décalant des fonds vers des organisations non gouver-nementales ou autres prestataires à but non lucratif qui offrent des services de santé mentale décentralisés et axés sur la communauté au niveau secondaire et pri-maire. En République tchèque par exemple, FOKUS, une organisation non gouvernementale fournissant divers services de santé mentale, reçoit des fonds de plusieurs ministères (Holmes & Koznar, 1998).

4. À mesure que les ressources sont décalées des services de santé mentale tertiaires vers les services secondaires et primaires dans les communautés, on peut s’attendre à un accroissement de la collaboration intersectorielle entre les ministères du gouvernement, les prestataires privés à but non lucratif et les organi-sations non gouvernementales.

Obstacle 6

Certains pays en développement ont plus de services résidentiels communautaires et de services ambula-toires de santé mentale que d’autres. Néanmoins, peu de pays en développement ont suffisamment de ces services dans leurs régions rurales et il se peut que les services communautaires soient inadaptés aux enfants, aux adolescents et aux personnes âgées dans les zones urbaines ou rurales.

Solutions

1. Décaler les ressources financières et humaines des milieux institutionnels de niveau tertiaire et secondaire vers les milieux communautaires de services de niveau secondaire et primaire. Les exemples de pays ayant géré ce changement (p. ex. Inde, Israël) indiquent que ceci peut avoir lieu par le biais d’initiatives nationales ou régionales impliquant :

Le rôle du personnel de soins tertiaires peut être redéfini en relation avec des fonctions cliniques, consultatives et de planification.

Décaler des fonds des presta-taires tertiaires vers des orga-nisations non gouvernemen-tales, des services de soins primaires ou de santé mentale axés sur les communautés.

La coopération intersectorielle est cruciale pour décaler les ressources du niveau tertiaire vers d’autres niveaux de soins de santé mentale.

Obstacle 6

Manque de services de santé mentale communautaires.

Solutions

Initiatives nationales et régio-nales de planification de l’al-location des ressources, de la formation du personnel, de l’évaluation des performances et de la coopération intersec-torielle.

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Page 80: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

allocation des ressources,formation du personnel,suivi du personnel formé,coopération intersectorielle avec les familles des usagers, les membres des communautés, d’autres catégories d’agents de santé et les services édu-catifs et sociaux.

2. Sans un fort intérêt du gouvernement à fournir des alternatives communautaires aux services institution-nalisés, peu de progrès aura lieu à part un marché privé confidentiel en milieu urbain. Ceci est particu-lièrement vrai des services de santé mentale destinés aux enfants, aux adolescents et aux personnes âgées qui ont besoin de prestations particulières dans le domaine de la législation, de la formation du personnel et des allocations budgétaires.

Obstacle 7

Certains pays se sont efforcés de décaler les presta-tions de santé mentale vers le niveau de soins primai-res, p. ex. à l’aide de programmes visant à intégrer les services de santé mentale à un réseau préexistant de soins primaires s’occupant de la santé physique. Ces efforts rencontrent de nombreux obstacles.

– Les médecins généralistes, les infirmières et les agents de santé communautaires travaillant dans les centres de soins primaires manquent généralement de formation en santé mentale, bien qu’ils soient le premier recours des patients atteints de troubles men-taux. Il en va de même des médecins généralistes en cabinets privés.– Sans une formation continue et un suivi actif du per-sonnel de soins primaires, l’intégration d’un élément de santé mentale au dépistage et à la gestion des problè-mes de santé ne réussira probablement pas.– Dans de nombreux pays en développement et déve-loppés, les consultations ne durent qu’à peu près cinq minutes. Par conséquent, bien des aptitudes acquises en formation dans le domaine de la santé mentale par les agents de soins primaires sont gâchées car il est bien difficile de mettre en œuvre ses connaissances ou ses services en si peu de temps.– Les médecins généralistes ne suivent pas toujours les patients à long terme et ne communiquent pas toujours avec la famille ou avec les tradipraticiens au sujet des problèmes de santé mentale dans la com-munauté.

Solutions

1. La solution aux deux premiers points consiste à changer l’accent de la formation des agents de soins primaires et à construire un réseau solide de consul-

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Le développement de servi-ces communautaires de santé mentale exige une coopéra-tion entre les prestataires de services et le personnel du département de la santé.

Les services communautaires de santé mentale destinés aux enfants, aux adolescents et aux personnes âgées ont besoin d’un engagement du gouvernement et de presta-tions particulières au niveau national et régional.

Obstacle 7

Problèmes de fourniture des services de santé mentale en milieu de soins primaires.

Solutions

La formation des équipes éta-blies de soins primaires doit avoir lieu dans les milieux de services et comprendre des programmes de diagnostic et de gestion et des consulta-tions de suivi.

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Page 81: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

tation et de recours qui permette un accès facile aux professionnels de santé mentale au niveau secondaire et tertiaire. La formation des équipes établies de soins primaires doit avoir lieu de préférence dans les milieux où elles voient les patients et doit comprendre des méthodes simples de diagnostic et de gestion des troubles mentaux courants et graves.

2. La formation de nouveaux agents de soins primaires dans le domaine de la santé mentale nécessite de ne plus mettre l’accent sur le modèle psychiatrique ins-titutionnalisé, mais sur le modèle communautaire de santé publique (Ozturk, 2000).

3. Une solution consiste à relier les besoins en santé mentale à des questions de santé générales ayant une priorité nationale plus importante, mais étant en rap-port avec la santé mentale, p. ex. le sida. Ceci permet d’obtenir des fonds pour la formation du personnel de soins primaires à diverses aptitudes de santé mentale. Par exemple, les besoins en aptitudes de conseil dans le cadre d’un programme de prévention du sida a conduit à une formation appropriée du personnel de soins primaires en Afrique du Sud (Freeman, 2000). Dans le contexte des soins primaires, le secteur de la santé mentale doit travailler en étroite coopération avec le secteur de la santé générale au niveau national afin de tirer profit de telles opportunités de formation. D’autres liens entre la santé mentale spécialisée et les questions de santé générale peuvent consister à intégrer :

un élément de santé mentale de l’enfant aux soins de santé mère-enfant,un élément de santé mentale de l’adolescent à des programmes de prévention du sida et des toxico-manies,des questions de santé mentale de l’enfant et de l’adolescent à l’éducation sanitaire à l’école,un élément de santé mentale gériatrique aux pro-grammes de santé des familles et aux visites à domicile.

4. Le problème de la rapidité des consultations dans certains pays pourrait être résolu à l’aide d’une appro-che plus active du dépistage précoce dans la com-munauté. Ceci permettrait aux médecins généralistes de gagner du temps au niveau des diagnostics et de mettre en place des programmes de gestion, le suivi étant réalisé par des agents de santé. En Inde, où les agents de santé primaires rendent déjà visite aux com-munautés locales au sujet de questions de santé géné-rales (Channabasavanna et al., 1995), la promotion de la santé mentale et le dépistage précoce pourraient être intégrés à ces activités. Ceci permettrait de rendre les tâches de diagnostic et de gestion des médecins

-

-

-

-

Le secteur de la santé men-tale doit relier ses propres initiatives à des priorités de santé générales afin d’obtenir des fonds pour les services de santé mentale au niveau primaire.

Promotion active de la santé mentale et dépistage précoce par les agents de santé men-tale primaires ou communau-taires locaux.

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Page 82: ORGANISATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE

généralistes mieux réalisables dans le temps limité dont ils disposent pour les consultations.

5. Si le modèle national de soins primaires implique des soins anonymes par des médecins généralis-tes sans contacts continus personnalisés entre les patients et les médecins (Üstün & Von Korff, 1995), il est souhaitable que des agents de santé communau-taires ou des infirmières de la clinique réalisent des visites périodiques de suivi auprès des patients dans leur communauté.

Obstacle 8

De nombreux pays ont moins de ressources de santé mentale en milieu rural qu’en milieu urbain. C’est le cas particulièrement pour tous les services tertiaires ainsi que pour les services spécialisés pour les enfants, les adolescents et les personnes âgées. En plus du besoin de décaler des ressources financières et humaines des soins tertiaires vers les soins secondaires et primaires en milieu communautaire (voir obstacle 5 ci-dessus), il y a aussi un besoin de décaler des ressources des milieux urbains vers les zones rurales. La solution à la première question peut aboutir à ce que les zones urbaines développent une panoplie de services de santé mentale communautaires secondaires et primai-res tandis que les régions rurales reculées restent sans ressources et sans services comparables. Le fait de décaler des fonds vers les zones rurales ne débouche pas toujours sur une augmentation significative du nombre de professionnels de santé mentale dans ces zones et ceci représente un problème majeur pour les services de santé mentale car ils dépendent fortement des ressources humaines. Un décalage significatif de l’infrastructure de santé mentale des zones urbaines vers les zones rurales n’aura probablement pas lieu dans les pays en développement car les restrictions financières qui s’appliquent aux budgets nationaux de santé sont trop importantes.

Solutions

1. La formation d’agents communautaires locaux pou-vant assumer certaines des responsabilités de dépis-tage précoce de membres vulnérables de la commu-nauté et participer à la gestion à long terme de ces patients après consultation d’un médecin généraliste ou d’une infirmière en soins primaires. Les aptitudes à développer seront p. ex. l’attention portée aux diffé-rences entre les besoins en santé mentale des enfants, des adolescents et des personnes âgées en raison de leur stade de développement.

2. Formation à des aptitudes de santé mentale pour les instituteurs des communautés rurales pour qu’ils

Obstacle 8

La tendance urbaine : il y a moins de ressources humai-nes et infrastructurelles pour les services de santé mentale dans les régions rurales.

Solutions

Former les agents de santé des communautés rurales au dépistage précoce et à prêter attention aux besoins des enfants, des adolescents et des personnes âgées.

Former les instituteurs des communautés rurales à pro-mouvoir la santé mentale et à dépister précocement les problèmes chez les enfants et les adolescents.

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puissent promouvoir la santé et dépister les problèmes de santé mentale des enfants et des adolescents.

3. Formation à des notions de santé mentale pour les chefs religieux et de village locaux, y compris des élé-ments en rapport avec les enfants, les adolescents et les personnes âgées.

4. Formation à des aptitudes de santé mentale pour les agents de soins primaires, consultations et suivi continus par des spécialistes de santé mentale comme exposé plus haut (voir obstacle 7).

Obstacle 9

En dépit du manque relatif de services de santé men-tale dans bien des pays, en particulier dans les régions rurales, il n’y a eu que peu d’efforts durables d’intégrer un élément de santé mentale aux soins primaires. En outre, les services communautaires résidentiels et ambulatoires sont rares dans les régions rurales, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Un obstacle majeur à la planification de soins primaires de santé mentale et de services communautaires est le manque d’initiative au niveau national pour obtenir une coopération entre les soins de santé mentale, les soins primaires et d’autres sec-teurs impliqués dans la santé mentale, p. ex. éducation, services sociaux, services pénitentiaires, organisations non gouvernementales et organismes donateurs.

– Si une coopération entre ces secteurs est absente au niveau national, il est comparativement difficile de la mettre en place au niveau tertiaire, secondaire et primaire de prestation des services.

– L’efficacité et l’accessibilité des services de santé mentale existants peuvent être compromises par un manque de coopération intersectorielle au niveau de la prestation des services.

– Différents ministères du gouvernement peuvent avoir des programmes psychosociaux similaires sans coor-dination ni rationalisation de leurs ressources.

– Il peut y avoir un manque de coordination entre les prestataires de services et les organismes sociaux travaillant avec des populations cibles, p. ex. la police, les services pénitentiaires, l’assistance sociale, l’édu-cation et la religion organisée.

– Il peut y avoir un manque de coordination entre les services de santé mentale et des participants impor-tants du secteur informel, p. ex. familles de personnes atteintes de troubles mentaux et tradipraticiens. Cette carence réduit la visibilité et l’accessibilité des services

Former les chefs religieux et de village à la promotion de la santé et aux soins aux per-sonnes âgées.

Obstacle 9

Insensibilité nationale à la nécessité d’une approche intersectorielle.

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pour le groupe cible et les usagers potentiels.

Solutions

1. Les exemples de l’Inde (encadré 6) et d’Israël (enca-dré 9) indiquent qu’il faut que le gouvernement régional ou national prenne l’initiative d’approches intersecto-rielles pour combler les lacunes des services de santé mentale à tous les niveaux de soins.

2. Les approches intersectorielles doivent commencer par une coopération au niveau national ou régional entre les pouvoirs publics et les prestataires de ser-vices de santé mentale, y compris organisations non gouvernementales, prestataires du secteur public, et prestataires du secteur privé à but lucratif.

3. Une approche intersectorielle peut être copiée aux différents niveaux de soins en renforçant l’importance du réseau de consultation.

4. Au niveau tertiaire, ce réseau signifie que les spé-cialistes de santé mentale établissent des liens avec des champs spécialisés apparentés dans leurs propres institutions. Il s’agit aussi de créer des liens avec les représentants régionaux de la police, de l’éducation et de l’assistance sociale, avec les organisations non gouvernementales et les assureurs pour ce qui est de la planification et de la mise en œuvre de services spécialisés, p. ex. pour les enfants, les adolescents et les personnes âgées.

5. Au niveau secondaire, le réseau comprend des agents de santé mentale consultant d’autres secteurs, p. ex. représentants municipaux locaux de la police, de l’éducation, de la religion organisée, d’autres services sociaux et d’organisations non gouvernementales. Les consultations doivent comprendre la coordination, la planification et la mise en œuvre des équipements communautaires de santé mentale et des services de rééducation. De plus, il est souhaitable d’établir des consultations régulières avec les familles des personnes atteintes de troubles mentaux et les tradi-praticiens.

6. Au niveau primaire, le réseau comprend des consul-tations avec les agents de santé de la communauté locale et des contacts individuels avec la police, les enseignant(e)s, le clergé, les organisations non gouvernementales, les membres de familles et les tradipraticiens. Ces consultations doivent couvrir la coordination, la planification et la mise en œuvre de l’éducation à la santé mentale au niveau primaire, de la prévention des troubles mentaux et de la promotion de programmes en milieu communautaire.

Solutions

Le gouvernement régional ou national doit prendre l’initia-tive d’actions intersectorielles pour combler les lacunes des services de santé mentale.

Coopération entre les pou-voirs publics et tous les pres-tataires de services de santé mentale.

Coopération entre les presta-taires tertiaires, les pouvoirs publics régionaux, les orga-nisations non gouvernemen-tales et les assureurs pour la planification des services spécialisés.

Coopération entre les pres-tataires secondaires, les pouvoirs publics locaux, les organisations non gouverne-mentales et les chefs de com-munauté ou religieux pour la planification des services de santé mentale dans la com-munauté.

Coopération entre les pres-tataires primaires, les institu-tions locales, les organisations non gouvernementales et des individus des communautés pour la mise en œuvre de programmes de promotion de la santé mentale et de pré-vention des troubles mentaux.

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9. Glossaire

Coûts indirects / Coûts encourus par les personnes atteintes de troubles mentaux et leurs familles et autres que les coûts directs des services. Par exemple, il se peut que les personnes atteintes de troubles mentaux doivent payer des frais de transport pour atteindre des services se trouvant à une grande distance, ou il se peut que ces personnes subissent des pertes de revenus pour avoir été absentes de leur lieu de travail afin de se rendre dans une clinique. Les familles peuvent perdre des revenus si un membre de la famille doit rester à la maison pour s’occuper d’un proche atteint de troubles mentaux.

Financement double ou parallèle / Fourniture de ressources financières pour le fonc-tionnement d’un service existant et d’un nouveau service pendant une période de transi-tion pendant laquelle il peut y avoir un recoupement au niveau des services proposés et du ou des groupe(s) desservi(s). Le but est de supprimer le service existant une fois que le nouveau service sera pleinement opérationnel et en mesure de répondre aux besoins du ou des groupe(s) identifié(s) en tant que cible(s).

Institutions fermées / Institutions dont le travail n’est pas ouvert aux examens et contrô-les réalisés par des organismes extérieurs et qui n’encouragent pas de tels examens. Ce terme ne renvoie pas aux institutions qui ont fermé leurs portes et ne fonctionnent plus.

Services autonomes / Services de santé mentale fonctionnant généralement de manière isolée et sans liens solides avec le reste du système de santé. Ils ont peu d’interdépen-dance ou de dépendance vis-à-vis d’autres parties du système de santé pour répondre aux besoins de leurs patients.

Syndrome de la porte tournante / Cycle d’admission hospitalière, de sortie et de réad-mission. Ceci peut arriver par exemple en raison de la non adhésion aux médicaments ou du manque de suivi par des services communautaires, de sorte que le patient atteint de troubles mentaux subit des rechutes.

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ISBN 978 92 4 254592 0