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Ostéoporose des entérocolopathies Christian Roux 1 *, Vered Abitbol 2 , Stanislas Chaussade 2 , Maxime Dougados 1 1 Institut de rhumatologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France ; 2 service d’hépato-gastro-entérologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France entérocolites inflammatoires / maladie cœliaque / maladie de Crohn / ostéoporose coeliac disease / inflammatory bowel disease / Crohn’s disease / osteoporosis Les patients souffrant d’entérocolopathies ont un risque de complications osseuses en raison de la présence de plusieurs facteurs de risque : troubles de l’absorption, résections intestinales, inflammation, corticothérapie, troubles nutritionnel, etc. L’augmentation de la préva- lence de l’ostéoporose au cours de ces maladies intesti- nales est aujourd’hui documentée, et deux études récentes ont montré une augmentation du risque de fracture chez ces patients jeunes [1, 2]. L’évaluation de l’état osseux peut donc être recommandée ; le traite- ment de cette ostéoporose secondaire pose des problè- mes spécifiques. MALADIE CŒLIAQUE La maladie cœliaque de l’adulte, ou entéropathie au gluten, est la cause principale de malabsorption intesti- nale de vitamine D. Celle-ci peut provoquer théorique- ment une ostéomalacie, toujours recherchée lors du diagnostic d’entéropathie. L’ostéomalacie est en fait rare, mais il existe fréquemment des troubles de miné- ralisation. L’ostéoporose est fréquente, liée à la malab- sorption calcique, et à l’hyperparathyroïdie secondaire. Le risque de fracture périphérique est augmenté chez les patients souffrant de maladie cœliaque. Dans une étude cas–contrôles de 165 patients le risque relatif de fracture est de 3,5 (extrêmes : 1,8–7,2) : 25 % des sujets ont eu une à cinq fractures, contre 8 % des témoins. La majorité des fractures est survenue avant le diagnostic, ou chez les patients non compliants au régime. En revanche, le risque de fracture vertébrale n’est pas aug- menté [2]. La densité minérale osseuse est diminuée, inférieure à deux écarts-types (ET) au-dessous du pic de masse osseuse (T-score < – 2) chez la moitié environ des hom- mes et femmes traités pour maladie cœliaque [3-7]. La prévalence de l’ostéoporose est d’environ 25 % au rachis, plus faible au fémur. La diminution de la densité osseuse axiale est particulièrement marquée chez les sujets pour lesquels le diagnostic est récent, ou la mala- die non traitée, par rapport aux patients suivant le régime sans gluten [4, 6, 7]. Plusieurs études prospec- tives ont montré l’évolution favorable de la densité osseuse par le seul régime [8-10]. Cet effet est mesurable dès la première année. Le gain de densité osseuse est variable d’une étude à l’autre : 2 à 15 %. Une augmen- tation d’un ET (soit 10–12 %) est habituellement rap- portée chez les sujets compliants au régime [11]. L’amplitude de cette réponse illustre les troubles de minéralisation qui accompagnent l’ostéopathie. Le gain de densité est toujours plus important chez les patients compliants que pour la moyenne du groupe [12]. Les mêmes résultats sont décrits chez l’enfant et l’adoles- cent [13-15]. Ainsi, chez 30 patients sous régime sans gluten depuis au moins cinq ans, traités dès le diagnos- tic (fait à 11 ± 5 ans), la densité osseuse du rachis lombaire est normale [15]. L’effet du régime se traduit aussi par une augmentation de masse grasse, et du poids, mais pas de la masse maigre [16]. L’hyperparathyroïdie secondaire est un déterminant essentiel de l’ostéoporose chez ces patients. Lorsqu’elle *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (C. Roux). Rev Rhum [E ´ d Fr] 2001 ; 68 : 736-41 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833001001806/SSU

Ostéoporose des entérocolopathies

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Ostéoporose des entérocolopathies

Christian Roux1*, Vered Abitbol2, Stanislas Chaussade2, Maxime Dougados11Institut de rhumatologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France ; 2serviced’hépato-gastro-entérologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France

entérocolites inflammatoires / maladie cœliaque / maladie de Crohn / ostéoporose

coeliac disease / inflammatory bowel disease / Crohn’s disease / osteoporosis

Les patients souffrant d’entérocolopathies ont un risquede complications osseuses en raison de la présence deplusieurs facteurs de risque : troubles de l’absorption,résections intestinales, inflammation, corticothérapie,troubles nutritionnel, etc. L’augmentation de la préva-lence de l’ostéoporose au cours de ces maladies intesti-nales est aujourd’hui documentée, et deux étudesrécentes ont montré une augmentation du risque defracture chez ces patients jeunes [1, 2]. L’évaluation del’état osseux peut donc être recommandée ; le traite-ment de cette ostéoporose secondaire pose des problè-mes spécifiques.

MALADIE CŒLIAQUE

La maladie cœliaque de l’adulte, ou entéropathie augluten, est la cause principale de malabsorption intesti-nale de vitamine D. Celle-ci peut provoquer théorique-ment une ostéomalacie, toujours recherchée lors dudiagnostic d’entéropathie. L’ostéomalacie est en faitrare, mais il existe fréquemment des troubles de miné-ralisation. L’ostéoporose est fréquente, liée à la malab-sorption calcique, et à l’hyperparathyroïdie secondaire.

Le risque de fracture périphérique est augmenté chezles patients souffrant de maladie cœliaque. Dans uneétude cas–contrôles de 165 patients le risque relatif defracture est de 3,5 (extrêmes : 1,8–7,2) : 25 % des sujetsont eu une à cinq fractures, contre 8 % des témoins. Lamajorité des fractures est survenue avant le diagnostic,

ou chez les patients non compliants au régime. Enrevanche, le risque de fracture vertébrale n’est pas aug-menté [2].

La densité minérale osseuse est diminuée, inférieure àdeux écarts-types (ET) au-dessous du pic de masseosseuse (T-score < – 2) chez la moitié environ des hom-mes et femmes traités pour maladie cœliaque [3-7]. Laprévalence de l’ostéoporose est d’environ 25 % aurachis, plus faible au fémur. La diminution de la densitéosseuse axiale est particulièrement marquée chez lessujets pour lesquels le diagnostic est récent, ou la mala-die non traitée, par rapport aux patients suivant lerégime sans gluten [4, 6, 7]. Plusieurs études prospec-tives ont montré l’évolution favorable de la densitéosseuse par le seul régime [8-10]. Cet effet est mesurabledès la première année. Le gain de densité osseuse estvariable d’une étude à l’autre : 2 à 15 %. Une augmen-tation d’un ET (soit 10–12 %) est habituellement rap-portée chez les sujets compliants au régime [11].L’amplitude de cette réponse illustre les troubles deminéralisation qui accompagnent l’ostéopathie. Le gainde densité est toujours plus important chez les patientscompliants que pour la moyenne du groupe [12]. Lesmêmes résultats sont décrits chez l’enfant et l’adoles-cent [13-15]. Ainsi, chez 30 patients sous régime sansgluten depuis au moins cinq ans, traités dès le diagnos-tic (fait à 11 ± 5 ans), la densité osseuse du rachislombaire est normale [15]. L’effet du régime se traduitaussi par une augmentation de masse grasse, et dupoids, mais pas de la masse maigre [16].

L’hyperparathyroïdie secondaire est un déterminantessentiel de l’ostéoporose chez ces patients. Lorsqu’elle

*Correspondance et tirés à part.Adresse e-mail : [email protected] (C. Roux).

Rev Rhum [Ed Fr] 2001 ; 68 : 736-41© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S1169833001001806/SSU

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existe, la densité osseuse est plus basse [10] ; un gain dedensité est possible lors du traitement mais il resteinférieur à celui observé chez les patients sans hyperpa-rathyroïdie. L’hyperparathyroïdie est fréquente (25 %des cas) au moment du diagnostic, et chez les patientsdont la maladie digestive n’évolue pas favorablementsous traitement [17]. Chez 35 patients âgés de 50 ± 13ans, compliants au régime sans gluten suivi depuis plusd’un an, dont les taux sériques de vitamine D étaientnormaux (sans apport médicamenteux), une hyperpa-rathyroïdie était néanmoins présente dans 28 % descas. Dans cette étude, la densité osseuse était normaleau rachis et au fémur, mais diminuée au radius (Z-scoremoyen : – 1,40), ce qui correspond aux anomalies den-sitométriques connues de l’hyperparathyroïdie [18].

L’ostéoporose peut exister chez les patients asympto-matiques au plan digestif, ou peu compliants au traite-ment, et doit être recherchée [19, 20]. Elle concerne aumoins un tiers des patients adultes qui ont souffert demaladie cœliaque dans l’enfance, et ont arrêté le régimeà l’adolescence [21].

Ces données ont des applications pratiques. Lors de ladécouverte d’une ostéoporose, en particulier chezl’adulte jeune, la recherche d’antécédents digestifs estindispensable. La recherche d’anticorps antigliadinepeut être utile chez les patients asymptomatiques [22].Lorsque l’antécédent de maladie cœliaque est connu,une densitométrie osseuse doit être pratiquée.Lorsqu’elle est basse au rachis et/ou au col, la reprise durégime sans gluten après contrôle coloscopique est effi-cace. Compte-tenu de la fréquence de l’hyperparathy-roïdie secondaire, un apport de calcium de 1 à 1,5 g/jdoit être assuré, et contrôlé, chez ces malades.

ENTÉROCOLITES INFLAMMATOIRES

Les entérocolites inflammatoires concernent 0,5 % dela population, et touchent particulièrement les adultesjeunes. L’incidence de la rectocolite est stable(5–15/100 000), mais on observe une augmentation del’incidence de la maladie de Crohn (10/100 000).L’espérance de vie de ces patients est normale [23], et lescomplications des traitements doivent donc être prisesen compte dans l’évaluation de leur qualité de vie.

Prévalence de l’ostéoporose

Le risque de fracture est augmenté au cours des entéro-colites, en particulier chez les femmes souffrant demaladie de Crohn [24]. Dans une étude de cohorteconduite au Canada, portant sur 6 027 sujets souffrant

d’entérocolite, comparés à 60 270 témoins, les patientsont un risque de fracture ostéoporotique augmenté de40 % [1]. Le risque apparaît augmenté pour toutes lesfractures étudiées. Ce résultat a été observé chez despatients âgés de 36 ± 16 ans (maladie de Crohn) et42 ± 18 ans (rectocolite hémorragique). Le taux defracture est comparable dans les deux maladies, et l’inci-dence des fractures augmente avec l’âge. Ces donnéeschez l’adulte confirment les données classiques en pédia-trie, sur l’augmentation du risque de fracture, en parti-culier vertébrale, chez les enfants souffrant de maladiede Crohn [25]. Nous avons rapporté une prévalence desfractures vertébrales de 7 % dans une population de 84patients souffrant d’entérocolite, âgés en moyenne de39 ans [26].

Cette augmentation du risque de fracture est liée à ladiminution de la densité osseuse confirmée par denombreuses études, à différents sites osseux. En fonc-tion de la population étudiée, du site, et de la technique,on estime de 20 à 30 % la prévalence de l’ostéoporose,de 50 à 60 % la prévalence de l’ostéopénie (tableau I)[26-41]. Les différences entre études s’expliquent par ladifférence des techniques de mesure, des sites étudiés,des définitions choisies (Z- ou T-scores), de la rigueurdans le choix des valeurs de référence. Elles peuventaussi s’expliquer par les origines géographiques : la pré-valence semble faible en Scandinavie. Les enfants et lesadolescents souffrant d’entérocolite ont une ostéopo-rose et un retard de croissance [25, 42].

Cette ostéoporose densitométrique a quelques parti-cularités. Elle est plus fréquente à l’extrémité supérieuredu fémur qu’au rachis [2]. Pour Bjarnason et al. [34],l’ostéopénie et l’ostéoporose fémorales s’observent chez78 et 29 % des patients souffrant d’entérocolites. Cettediscordance possible justifie la mesure systématique àces deux sites de la densité osseuse. Cela peut être lié aufaible index de masse corporelle chez certains patients.Par ailleurs, l’ostéoporose densitométrique a été trouvéedès le diagnostic de maladie de Crohn [31, 33, 34, 35],bien que ceci n’ait pas été retrouvé par tous les auteurs[32].

Dans les études prospectives, une diminution de ladensité osseuse est régulièrement trouvée, en particulierdu fait de la corticothérapie. Des pertes osseuses de 5 à10 % ne sont pas rares dans l’année au cours de laquellese produit une poussée d’entérocolite traitée par corti-cothérapie à fortes doses [41]. La densité osseuse eststable chez les patients quiescents. Ces résultats sontcomparables à ceux observés au cours des rhumatismesinflammatoires. Les patients traités par colectomie et

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anastomose iléoanale, donc guéris de la maladie, et sanscorticothérapie, ont une évolution spontanément favo-rable de la densité osseuse, même en présence d’unepouchite [43].

Mécanisme de l’ostéoporose

Il n’existe pas d’augmentation de prévalence de l’hypo-vitaminose D par rapport à la population générale aucours des entérocolites, sauf en cas de résections intes-tinales étendues [26, 29].

L’étude des marqueurs du remodelage osseux montreune tendance au découplage de l’activité cellulaireosseuse. Il a en effet été rapporté à la fois une augmen-tation de la résorption osseuse [34], et une diminutionde la formation [26]. Cette réduction de l’ostéoforma-tion peut être liée aux corticoïdes, mais des taux basd’ostéocalcine ont été rapportés chez des sujets ne rece-vant pas de corticothérapie [26].

On dispose d’une seule étude histomorphométriqueréalisée chez 19 patients souffrant d’entérocolite, rece-vant tous des corticoïdes [44]. Le résultat essentiel estune réduction de l’ostéoformation, sans augmentationdes paramètres de résorption osseuse. Il est importantde noter qu’aucun de ces patients n’avait de troubles dela minéralisation. La réduction de l’ostéoformation peutêtre interprétée comme une conséquence directe de

l’inflammation digestive, selon le modèle expérimentalde colite aiguë chez le rat [45]. Après injection rectaled’acide trinitrobenzénesulfonique, la colite est maxi-male en trois semaines. La perte osseuse est de 33 %,provoquée par une diminution majeure des paramètresde formation. Cette dernière se corrige de manièreparallèle à la cicatrisation intestinale.

Ainsi l’inflammation [46, 47] et la prise de corticoï-des se conjuguent pour provoquer l’ostéopathie au coursdes entérocolites. D’autres mécanismes interviennent.Il est connu que l’intoxication tabagique est plus fré-quente au cours de la maladie de Crohn que dans lapopulation générale ; par ailleurs ces patients ont uneréduction spontanée des apports alimentaires en cal-cium et en vitamine D [48]. Enfin il a été suggérérécemment que certains marqueurs génétiques pour-raient permettre d’identifier les patients à risque d’ostéo-porose, qui semble plus fréquente chez les patientsayant un polymorphisme des gènes codants pour l’IL-6et l’IL-1 RA [37].

Traitement

Les patients souffrant d’entérocolite sont à haut risqued’ostéoporose, mais il existe peu d’études thérapeuti-ques conduites dans cette population. Le traitementhormonal substitutif a le même bénéfice que dans la

Tableau I. Retentissement osseux des maladies inflammatoires.

Auteurs, réf. Effectifs Type de l’étude Méthode de mesure Ostéopénie :fréquence–variation annuelle

Abitbol et al. [26] 84 Transversale DXA 43 %*Hessov et al. [27] 36 Transversale Histomorphométrie

(volume trabéculaire osseux)17 % (< sujets contrôles)

Compston et al. [28] 75 Transversale AMP et TDM 31 % (< – 2 ET)Vogeslang et al. [29] 31 Transversale AMP et radiographies standard

(épaisseur corticale)45 % (< sujets contrôles)

Pigot et al. [30] 61 Transversale DXA 59 %*Ghosh et al. [31] 30 Transversale DXA 46 %*

Berstein et al. [32] 50 Transversale DXA 48–64 %*Silvennoinen et al.[33]

145 Transversale DXA 30 %*

Bjarnason et al. [34] 79 Transversale DXA 51–77 %*Jahnsen et al. [35] 120 Transversale DXA 30–50 %*Pollak et al. [36] 104 Transversale DXA 42 %*Schulte et al. [37] 83 Transversale DXA 34 %Motley et al. [38] 54 Longitudinale TDM – 2,7 %/anMotley et al. [39] 70 Longitudinale AMP et TDM – 3 %/anClements et al. [40] 39 Longitudinale AMP – 2,5 %/anRoux et al. [41] 35 Longitudinale DXA – 3 %/an (Crohn)

– 6 %/an (RCH)

AMP : absorptiométrie monophotonique ; TDM : scanner ; DXA : absorptiométrie à double énergie X ; *< – 1 ET.

738 C. Roux et al.

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population générale, selon une étude ouverte prospec-tive conduite chez 47 femmes [49].

Le bénéfice du calcium et de la vitamine D est contro-versé. Dans une étude prospective randomisée contreplacebo, l’administration de l g de calcium et de 250unités de vitamine D s’est révélée inefficace [50]. Chezdes patients ayant une maladie de Crohn active, et unT-score rachidien moyen de – 2,3, l g de calcium et1 000 unités de vitamine D ne modifient pas la densitéosseuse après un an. Un résultat similaire a été trouvédans une population de maladie de Crohn en rémis-sion, ayant un T-score de – 1,2 [51]. En revanche, dansune population plus large d’entérocolites, dont plus dela moitié en poussée, et ayant une densité osseusediminuée (Z-score < – 2), l’administration de l g decalcium et de 800 unités de vitamine D provoque uneaugmentation statistiquement significative de la densitérachidienne de 3,2 % en un an [52].

L’administration de calcium et de vitamine D ne peutprévenir la perte osseuse induite par une poussée de lamaladie, ou de fortes doses de corticoïdes. En revanche,son administration est utile chez les sujets carencés [53].

Chez ces sujets jeunes, la reprise d’activité physiquepeut participer à l’amélioration de l’état osseux [54].

En raison du mécanisme de cette ostéoporose secon-daire, le fluorure de sodium a été étudié. Dans uneétude prospective contrôlée, chez 33 patients ayant unemaladie de Crohn et une ostéopénie, l’administrationde 50 mg de fluorure de sodium, associée à l g decalcium et 1 000 unités de vitamine D, a été comparéeà l’administration du calcium et vitamine D seuls à lamême dose. Dans le groupe recevant le fluor a étéobservée une augmentation de la densité osseuse, cor-rélée à l’augmentation de l’ostéocalcine et des phospha-tases alcalines [55]. En revanche, dans une étudecontrôlée contre placebo, le fluor n’est pas plus efficaceque le calcium et la vitamine D pour améliorer ladensité osseuse dans un groupe de patients ayant uneentérocolite active et une ostéoporose sévère [52].

Les bisphosphonates ont fait la preuve de leur effica-cité au cours des ostéoporoses cortisoniques. Les patientssouffrant d’entérocolite ont toutefois été le plus souventexclus des essais thérapeutiques, en raison de la craintede confusion des effets digestifs de la maladie, et destraitements. L’alendronate à la dose de 10 mg/j aug-mente la densité osseuse du rachis de 4,6 ± 1,2 % et dufémur de 3,3 ± 1,5 % après un an, selon une étudeprospective conduite chez 28 patients ayant une enté-rocolite en rémission, et une densité osseuse peu dimi-nuée (T-score = – 1) [51]. Le traitement a été bien

toléré. Bien qu’il s’agisse d’un essai randomisé, il fautnoter que les marqueurs biochimiques de la résorptionosseuse étaient plus élevés à la visite initiale chez lespatients du groupe alendronate que chez les patients dugroupe placebo. Par ailleurs, ce résultat obtenu chez lespatients en rémission ne s’applique pas forcément à despatients recevant de fortes doses de corticoïdes. Cerésultat est intéressant, puisque la très faible absorptiondigestive des bisphosphonates par voie orale ne permet-tait pas de prédire cette réponse chez les patients ayantune entérocolite.

CONCLUSION

Au cours des entérocolites inflammatoires il existe unrisque d’ostéoporose, dû à un découplage des activitéscellulaires osseuses. La pratique d’une densitométrie,du rachis et de l’extrémité supérieure du fémur, est utiledans cette population à risque, en particulier lorsquel’usage des corticoïdes à fortes doses est envisagé. Laprévention de l’ostéoporose cortisonique doit être sys-tématiquement envisagée. L’usage des bisphosphonatespar voie intraveineuse mérite d’être étudié dans cettepopulation.

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