Upload
christian-roux
View
215
Download
1
Embed Size (px)
Citation preview
Revue du Rhumatisme 77 (2010) S79-S81
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Roux).
© 2010 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Ostéoporose sévère : diagnostic et suivi.
Que retenir pour la pratique ?
Christian Rouxa,*, Cyrille B. Confavreuxb, Bernard Cortetc, Claire Davidd, Ariane Leboimea,
Michel Larochee, Erick Legrandf, Christian Marcellig, Nadia Mehsenh, Julien Paccouc, Thierry Thomasi
aUniversité Paris-Descartes, Service de Rhumatologie B, Hôpital Cochin, Paris, France.bINSERM U831 et Université de Lyon, Service de Rhumatologie, Hospices Civils de Lyon, Lyon, France.cDépartement Universitaire de Rhumatologie, CHU, Hôpital Roger Salengro, Lille, France.dService de Rhumatologie, CHU, Hôpital Sud, 16, boulevard de Bulgarie, Rennes, France.eService de Rhumatologie, Hôpital Purpan, Place du Docteur Baylac, Toulouse, France.fUniversité d’Angers, CHU, Service de Rhumatologie, Inserm U922, Angers, France.gService de Rhumatologie, CHRU, Avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex 9, France.hCHU Pellegrin, Service de Rhumatologie, 1, place Amélie Raba Léon, Bordeaux, France.iINSERM U890 et Service de Rhumatologie, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne, France.
R É S U M É
Dans la continuité des progrès et des engagements réalisés dans la prise en charge de l’ostéoporose, celles
des formes d’ostéoporose sévère, pour laquelle l’indication thérapeutique est indiscutable, constitue
aujourd’hui une préoccupation légitime. D’une part, les données épidémiologiques soulignent la sévérité
des complications liées à l’ostéoporose. D’autre part, l’ostéoporose est désormais une complication
reconnue de plusieurs pathologies chroniques qui, de surcroît, limitent sa prise en charge adéquate.
Le groupe ODISSEE « Ostéoporose Diagnostic et Suivi de la SEvéritE » a été créé en vue d’apporter des
réponses à des questions pratiques dans la prise en charge de cette forme particulière d’ostéoporose.
La méthodologie du projet ODISSEE s’est basée sur la médecine fondée sur les preuves (Evidence Based
Medecine), à l’appui d’une analyse bibliographique exhaustive par plusieurs groupes de travail, et sur l’avis
d’experts rhumatologues français.
Le premier consensus sur le diagnostic, le suivi et la prise en charge de l’ostéoporose sévère a ainsi été
élaboré par le comité scientifi que ODISSEE. Il a été entériné par un groupe de 70 rhumatologues français
réunis lors de la 1re rencontre nationale ODISSEE les 13 et 14 novembre 2009.
© 2010 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés :
Ostéoporose sévère
Fractures
Pratique
Avis d’experts
Guidelines
1. Diagnostic et pronostic de l’ostéoporose sévère
1.1. Quel est l’impact des pathologies associées sur la sévérité
de l’ostéoporose et sur sa prise en charge ?
L’analyse de la littérature montre, de façon indirecte, le rôle
aggravant d’un certain nombre de pathologies sur l’ostéoporose :
maladies infl ammatoires digestives ou articulaires avec ou sans
corticothérapie associée, cancers du sein et de la prostate traités
par chimiothérapie ou hormonothérapie, diabète de type I et
maladie cœliaque. Les études consacrées à l’insuffi sance rénale
modérée et à la dépression, moins convaincantes en raison
d’insuffi sances méthodologiques, vont cependant dans la même
direction.
S80 N. Mehsen et al. / Revue du Rhumatisme 77 (2010) S79-S81
Pour la pratique
Les pathologies associées doivent être prises en compte dans
l’évaluation du risque de fracture et la décision thérapeutique.
La présence d’une ou plusieurs pathologies associées doit
conduire à :
• un dépistage plus systématique de l’ostéoporose ;
• une évaluation plus complète du risque incluant la mesure
de densité osseuse et la rech erche des fractures vertébrales
(par l’imagerie) ;
• un suivi plus soutenu du patient et une intensifi cation
thérapeutique, en fonction du contexte pathologique et
fracturaire.
1.2. Quel lien existe-t-il entre les fractures ostéoporotiques
(autres que la fracture de l’ESF) et la mortalité ?
L’excès de mortalité au décours des fractures vertébrales,
des fractures ostéoporotiques majeures mais aussi des fractures
mineures chez les patients plus âgés (≥ 75 ans) est signifi catif. Il
est marqué dans les premiers mois ou années après la fracture et
est accentué par le nombre et la sévérité dans le cas des fractures
vertébrales.
Pour la pratique
Bien que l’effet des traitements sur la mortalité ne soit pas
connu, l’excès de mortalité associé aux fractures ostéoporo-
tiques (non ESF) est un argument supplémentaire pour une
prise en charge précoce des patients ostéoporotiques fracturés.
2. Suivi de l’ostéoporose sévère
2.1. Quel est l’intérêt d’un suivi structural systématique
et comment l’effectuer ?
Compte-tenu de la morbi-mortalité associée aux fractures
vertébrales multiples et de l’absence de traitement capable
de supprimer totalement le risque de récidive fracturaire, un
suivi structural systématique est justifié en cas d’ostéoporose
sévère.
Pour la pratique
Chez les patientes ayant une ostéoporose sévère :
• la mesure de la taille est un 1er outil pour le suivi et le
dépistage de nouvelles fractures vertébrales mais reste peu
spécifi que ;
• les radiographies ne peuvent être faites de façon systé-
matique en raison du coût et de l’irradiation, et doivent
concerner une catégorie de patientes considérés à risque
élevé de fracture vertébrale ;
• l’utilisation de la VFA (Vertebral Fracture Assessment), peu
irradiante et peu coûteuse, réalisée conjointement à l’ostéo-
densitométrie, semble bien adaptée à un suivi des patientes
présentant une ostéoporose sévère.
2.2. Quelle place pour le suivi paramédical
(éducation thérapeutique) dans la prise en charge
de l’ostéoporose sévère ?
Étant une affection chronique, parfois peu symptomatique, et
nécessitant un traitement prolongé, l’ostéoporose peut grandement
bénéfi cier de la participation du patient à un programme d’édu-
cation thérapeutique. L’adhésion au traitement de l’ostéoporose
est améliorée par l’éducation thérapeutique et un suivi infi rmier
Le rhumatologue est certainement le mieux à même de juger de l’in-
térêt d’un tel programme pour le patient. L’infi rmière est le professionnel
de santé tout désigné pour assurer la coordination du programme
auquel pourront collaborer de nombreux autres professionnels de santé.
Pour la pratique
Selon les recommandations de la HAS, un programme d’édu-
cation doit comporter 4 étapes [1] :
• étape 1 : élaboration du diagnostic éducatif (connaissances
du patient) ;
• étape 2 : défi nition d’un programme personnalisé d’éduca-
tion et des priorités d’apprentissage ;
• étape 3 : planifi cation et mise en œuvre des séances d’édu-
cation thérapeutique individuelles ou collectives ;
• étape 4 : évaluation des compétences acquises au cours du
programme.
3. Prise en charge de l’ostéoporose sévère
3.1. Faut-il interrompre le traitement d’une ostéoporose sévère
qui est stabilisée ?
Les preuves d’une effi cacité antifracturaire des traitements anti-
ostéoporotiques sont établies sur des durées allant de 3 à 5 ans, au-delà,
les preuves sont discutables. Par conséquent, la poursuite des traitements
doit alors prendre en compte l’évaluation initiale du risque de fracture
et son évolution après une première séquence thérapeutique de 4-5 ans.
Dans le cas d’ostéoporose sévère, il paraît raisonnable de maintenir le
traitement au-delà d’un délai de 5 ans dans la plupart des situations.
Pour la pratique
Il convient d’évaluer le risque fracturaire après 5 ans en
fonction des facteurs de risque suivants :
• âge de la patiente ;
• survenue de nouvelles FV (réalisation systématique de
nouveaux clichés radiographiques) ;
• persistance ou apparition de facteurs de risque de fractures
(corticothérapie, risque de chute, hypovitaminose D...) ;
• évolution densitométrique et évaluation des marqueurs du
remodelage osseux.
L’attitude thérapeutique sera alors de maintenir le traitement,
de le suspendre avec une réévaluation à 1 an ou encore de réa-
liser une rotation thérapeutique. Cette rotation sera fonction
de la tolérance du traitement, du souhait de la patiente et de
l’apparition d’un risque plus important de FNV vis-à-vis des
FV notamment en cas de traitement préalable par un SERM
ou l’ibandronate.
N. Mehsen et al. / Revue du Rhumatisme 77 (2010) S79-S81 S81
3.2. Que faire lors de la survenue d’une fracture sous traitement
anti-ostéoporotique ?
Pour conclure à un échec thérapeutique, la démarche diagnos-
tique suivante est proposée :
• éliminer un traumatisme conséquent et une affection intercur-
rente ;
• vérifi er que le traitement antérieur était apte à réduire l’incidence
des fractures concernées ;
• vérifi er la bonne observance thérapeutique et la supplémentation
par vitamine D et calcium adaptée ;
• vérifi er que le délai de survenue de la fracture par rapport à
l’initiation du traitement soit suffi sant.
Une modifi cation du traitement est proposée chez les patients
« non répondeurs cliniques », c’est-à-dire un traitement pris au
moins depuis 1 an et une observance correcte. Le type de switch
thérapeutique recommandé n’est pas défi ni dans la littérature
même si, après survenue d’une fracture sous traitement bien suivi,
il peut être envisagé de changer d’approche thérapeutique et de
mode d’action.
3.3. Quelle défi nition de l’échec thérapeutique adopter
dans l’ostéoporose sévère ?
La défi nition d’une réponse inadéquate aux traitements retenue
par le comité ODISSEE est la suivante : « Est défi nie comme réponse
inadéquate à un traitement de l’ostéoporose post-ménopausique la
survenue, chez une femme présentant une ostéoporose sévère ayant
des apports vitamino-calciques corrects et une bonne adhésion au
traitement (supérieure à 80 %) objectivée par une bonne réponse
tissulaire (marqueurs osseux bas pour les anti-résorptifs, gain densi-
tométrique pour le ranélate de strontium), d’un des critères suivants :
• une nouvelle fracture de fragilité majeure (après au moins 1 an
de traitement) ;
• plusieurs fractures de fragilité mineures ;
• une baisse de la DMO supérieure à la plus petite valeur signifi ca-
tive (0,03 g/cm2) à 5 ans ou plus tôt en cas de fracture mineure
(sous réserve de conditions de réalisation satisfaisantes de
l’examen). »
Confl its d’intérêts
B. Cortet : interventions ponctuelles : activités de conseil (MSD,
Lilly, Novartis, Servier, AMGEN, Roche, GSK, Medtronic).
N. Mehsen : essais cliniques : en qualité de co-investigateur,
expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (Roche, BMS,
Sanofi , Amgen) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant
et d’auditeur (Novartis, Servier, Roche, BMS, Procter & Gamble, MSD,
Wyeth) ; versements substantiels au budget d’une institution dont
elle est responsable (trésorière de AARCR).
J. Paccou : conférences : invitations en qualité d’intervenant
(Novartis, Lilly, Amgen, Wyeth).
C. Roux : interventions ponctuelles : activités de conseil (MSD,
Lilly, Novartis, Servier, Amgen, Roche, Wyeth, Abbott) ; subventions
de recherche et/ou honoraires (Amgen, Roche, Servier, Novartis,
Lilly, MSD, Abbott, Wyeth).
C. B. Confavreux : interventions ponctuelles : rapports d’exper-
tise (Lilly) ; conférences : invitation en qualité d’intervenant
(Ardix, Novartis, Lilly) ; invitations en qualité d’auditeur (frais de
déplacement et d’hébergement pris en charge par une entreprise)
(Amgen, Lilly).
M. Laroche : essais cliniques : en qualité d’investigateur
principal, coordonnateur ou expérimentateur principal et de
co-investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à
l’étude (Amgen, Lilly, Pierre-Fabre, Procter & Gamble, MSD, Roche,
Novartis) ; interventions ponctuelles : rapports d’expertise et
activités de conseil (Amgen, Lilly, Pierre-Fabre, Procter & Gamble,
MSD, Roche, Novartis).
C. David, A. Leboime, E. Legrand : aucun confl it.
T. Thomas : essais cliniques : en qualité de co-investigateur,
expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (Amgen,
MSD, Servier, Roche, Lilly) ; interventions ponctuelles : activités
de conseil (Amgen, MSD, Servier, Roche, Novartis, Daichii Sankyo,
Procter & Gamble, Lilly, Ipsen, Pierre-Fabre) ; conférences : invita-
tions en qualité d’intervenant (Amgen, MSD, Servier, Roche, Novartis,
Daichii Sankyo, Procter & Gamble, Lilly, Ipsen, Pierre-Fabre).
C. Marcelli : interventions ponctuelles : activités de conseil
(MSD-Chibret) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant
(Lilly, MSD-Chibret, Amgen, Novartis) ; conférences : invitation en
qualité d’auditeur (frais de déplacement et d’hébergement pris en
charge par une entreprise) (Amgen) ; versements substantiels au
budget d’une institution dont il est responsable (Lilly, MSD-Chibret,
Amgen, Novartis).
Référence
[1] HAS. Recommandations de bonnes pratiques. Structuration d’un
programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ
des maladies chroniques. Juin 2007.