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J. Le Sein, 2004, t. 14, n° 2, pp. 133-135 © Masson, Paris, 2004 SESSION IV : LES LÉSIONS MAL CLASSÉES OÙ EN EST-ON DE LA CLASSIFICATION BI-RADS EN ÉCHOGRAPHIE ? Ultrasound update on the BI-RADS classification C. BALU-MAESTRO Centre Antoine-Lacassagne, Nice. Le but de cette classification est comme pour les autres techniques d’imagerie mammaire (mammographie et IRM) d’améliorer l’évalua- tion et la prise en charge des anomalies mammai- res. Il s’agit d’une méthode standardisée pour les comptes rendus, élaborée à partir d’un lexique descriptif illustré concernant à la fois les anoma- lies infracliniques et palpables. Certains aspects sont spécifiques à l’écho- graphie tels que l’échostructure ou l’orientation, d’autres sont communs avec les autres techniques d’imagerie, tels la forme ou les contours des masses. Sans revenir sur les notions descriptives que nous avons à plusieurs reprises et souvent dans le cadre de la SOFMIS, développées et entièrement mises à jour et précisées [1-4] certains éléments du lexique descriptif sont à souligner : la structure échographique du sein dans son ensemble en rapport avec la composition du sein doit être décrite car, d’une part elle affecte la sen- sibilité de la technique, et d’autre part des struc- tures anatomiques normales peuvent être mal interprétées plus particulièrement dans les seins dont l’échostructure est hétérogène ; pour les masses : • il est recommandé de distinguer les ter- mes qualifiant les contours de ceux de la forme : le terme « irrégulier » doit concerner uniquement la description de la forme (non géométrique, les 2 autres termes étant rond et ovale) et ne doit jamais être utilisé pour décrire les contours qui sont bien ou mal définis ; le caractère homogène ou hétérogène de l’échostructure n’est pas pris en compte ; l’orientation verticale des masses et l’atté- nuation postérieure non latérale du faisceau acoustique ne sont des signes utiles que lorsqu’ils sont présents car les cancers dont l’axe est trans- verse avec ou sans renforcement du faisceau ultrasonore sont fréquents. Les fibro-adénomes n’ont jamais une orientation verticale et l’atté- nuation postérieure est un signe de fibrose et peut, lors de l’évolution d’une cicatrice, être asso- ciée à un renforcement du faisceau acoustique ; pour les calcifications, sont différenciés les foyers avec ou sans masse, ceux là apparaissant suspects lorsqu’elle est hypoéchogène ; Enfin, sont caractérisés d’emblée sans équi- voque par l’échographie : — les foyers de microkystes en rapport avec des lésions de dystrophie fibrokystique ou de mé- taplasie apocrine. les kystes compliqués faiblement échogènes sans composante pariétale solide (classés en kys- tes complexes) ; les anomalies épi ou intradermiques ; les corps étrangers ; les ganglions intra-mammaires et axillaires. L’environnement des anomalies est pris en compte : modification du calibre et/ou de l’arbori- sation galactophorique, épaississement ou inter- ruption du ligament de Cooper, œdème, RÉSUMÉ SUMMARY Il s’agit d’un simple commentaire et de quelques ré- flexions sur la classification BI-RADS de l’ACR en échographie publiée fin 2003. The American College of radiology (ACR) Commis- sion on ultra-sound has developed and written a breast ultra-sound lexicon to be used for standardized report- ing of breast ultra-sound findings. The Breast Imaging Reporting and Data System (BI-RADS ultrasound) which has been published since 2003 is discussed for this congress. Mots-clés : échographie, classification BI-RADS. Key words: ultrasonography, Bi-RADS classification. Tirés à part : C. BALU-MAESTRO, Centre Antoine-Lacassagne, 33 avenue Valombrose, 06189 Nice Cedex 2. E-mail : [email protected]

Où en est-on de la classification bi-rads en échographie ?

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J. Le Sein, 2004, t. 14, n° 2, pp. 133-135© Masson, Paris, 2004

SESSION IV : LES LÉSIONS MAL CLASSÉES

OÙ EN EST-ON DE LA CLASSIFICATION BI-RADS EN ÉCHOGRAPHIE ?

Ultrasound update on the BI-RADS classification

C. BALU-MAESTRO

Centre Antoine-Lacassagne, Nice.

Le but de cette classification est comme pourles autres techniques d’imagerie mammaire(mammographie et IRM) d’améliorer l’évalua-tion et la prise en charge des anomalies mammai-res. Il s’agit d’une méthode standardisée pour lescomptes rendus, élaborée à partir d’un lexiquedescriptif illustré concernant à la fois les anoma-lies infracliniques et palpables.

Certains aspects sont spécifiques à l’écho-graphie tels que l’échostructure ou l’orientation,d’autres sont communs avec les autres techniquesd’imagerie, tels la forme ou les contours desmasses.

Sans revenir sur les notions descriptives quenous avons à plusieurs reprises et souvent dans lecadre de la SOFMIS, développées et entièrementmises à jour et précisées [1-4] certains élémentsdu lexique descriptif sont à souligner :

— la structure échographique du sein dans sonensemble en rapport avec la composition du seindoit être décrite car, d’une part elle affecte la sen-sibilité de la technique, et d’autre part des struc-tures anatomiques normales peuvent être malinterprétées plus particulièrement dans les seinsdont l’échostructure est hétérogène ;

— pour les masses :• il est recommandé de distinguer les ter-

mes qualifiant les contours de ceux de la forme :le terme « irrégulier » doit concerner uniquementla description de la forme (non géométrique, les

2 autres termes étant rond et ovale) et ne doitjamais être utilisé pour décrire les contours quisont bien ou mal définis ;

• le caractère homogène ou hétérogène del’échostructure n’est pas pris en compte ;

• l’orientation verticale des masses et l’atté-nuation postérieure non latérale du faisceauacoustique ne sont des signes utiles que lorsqu’ilssont présents car les cancers dont l’axe est trans-verse avec ou sans renforcement du faisceauultrasonore sont fréquents. Les fibro-adénomesn’ont jamais une orientation verticale et l’atté-nuation postérieure est un signe de fibrose etpeut, lors de l’évolution d’une cicatrice, être asso-ciée à un renforcement du faisceau acoustique ;

— pour les calcifications, sont différenciés lesfoyers avec ou sans masse, ceux là apparaissantsuspects lorsqu’elle est hypoéchogène ;

Enfin, sont caractérisés d’emblée sans équi-voque par l’échographie :

— les foyers de microkystes en rapport avecdes lésions de dystrophie fibrokystique ou de mé-taplasie apocrine.

— les kystes compliqués faiblement échogènessans composante pariétale solide (classés en kys-tes complexes) ;

— les anomalies épi ou intradermiques ;— les corps étrangers ;— les ganglions intra-mammaires et axillaires.L’environnement des anomalies est pris en

compte : modification du calibre et/ou de l’arbori-sation galactophorique, épaississement ou inter-ruption du ligament de Cooper, œdème,

RÉSUMÉ SUMMARY

Il s’agit d’un simple commentaire et de quelques ré-flexions sur la classification BI-RADS de l’ACR enéchographie publiée fin 2003.

The American College of radiology (ACR) Commis-sion on ultra-sound has developed and written a breastultra-sound lexicon to be used for standardized report-ing of breast ultra-sound findings. The Breast ImagingReporting and Data System (BI-RADS ultrasound)which has been published since 2003 is discussed for thiscongress.

Mots-clés : échographie, classification BI-RADS. Key words: ultrasonography, Bi-RADS classification.

Tirés à part : C. BALU-MAESTRO, Centre Antoine-Lacassagne,33 avenue Valombrose, 06189 Nice Cedex 2.E-mail : [email protected]

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modification des plans anatomiques normaux(peau, tissu graisseux et fibroglandulaire).

L’appréciation de la vascularisation est,lorsqu’elle existe, décrite selon son siège, intra-lésionnelle ou lésionnelle proximale ou globale-ment majorée dans le parenchyme mammaire en-vironnant.

L’intérêt de cette classification BI-RADS estcelui d’une évaluation globale intégrant les autrestechniques d’imagerie et conduisant à des recom-mandations pratiques.

Les catégories d’évaluation individualisentles catégories habituelles de 0 à 5 et la catégorie6 dans laquelle la malignité est prouvée parbiopsie et où l’on se trouve en attente de laprise en charge thérapeutique. Le caractère né-gatif de l’échographie (ACR1) est important àconsidérer lorsque la mammographie est nor-male et qu’existe une anomalie palpable ; cer-tes la probabilité de cancers est très faible, maisnon nulle chez les femmes jeunes et/ou avec desseins radiologiquement denses [5, 6] et une dis-tinction peut être introduite ou en tout cas unerecommandation de surveillance clinique et/oud’une IRM complémentaire proposée pour lesfemmes à risque génétique ou non. Évidem-ment, lorsque l’anomalie est impalpable etl’échographie négative, la conduite à tenir estcelle recommandée par la classification mam-mographique.

Lorsqu’il y a une anomalie, l’évaluation globaleet les recommandations sont établies d’après leplus haut niveau de suspicion ou l’aspect le plusspécifique, lorsque plusieurs techniques sont réa-lisées. La classification permet ainsi de ne pasproposer une surveillance pour les anomalies bé-nignes, tels que les fibroadénomes stables, les ci-catrices ou les images de ganglion intramammaireet les siliconomes (classés ACR2).

La classification permet de ne pas biopsier lesmasses solides bien limitées de forme ovale dontl’axe est horizontal lorsque l’imagerie est concor-dante (opacités classées ACR3 en mammo-graphie ou ACR4 lorsque les contours sontmasqués) ; surtout lorsqu’il existe des signeséchographiques de suspicion, tels qu’une formeirrégulière ou des contours mal définis, d’établirle diagnostic précoce des cancers dans la catégo-rie mammographique ACR3.

Néanmoins, dans cette catégorie ACR3 écho-graphique pour laquelle une surveillance rappro-chée est indiquée une distinction pourrait êtrefaite selon le nombre, le caractère palpable del’anomalie et bien évidemment l’âge : il est clairque les kystes faiblement échogènes (dits compli-qués) multiples ne nécessitent aucune sur-veillance et qu’une anomalie solide palpable,même si les critères de bénignité sont présentschez une patiente de plus de 35 ans, doit êtrebiopsiée (en dehors des masses échogènes).

En ce qui concerne les microcalcifications clas-sées ACR3 en mammographie quel est le gainréel de l’échographie ?

Faut-il justifier de partir à la chasse systémati-que aux microcalcifications dans le seul but d’évi-ter une surveillance lorsque des kystes sontretrouvés ou de permettre le diagnostic de can-cers en présence d’une masse ? Dans ce derniercas, seul un aspect présentant des critères écho-graphiques de suspicion est réellement contributifcar l’association d’une masse aux microcalcifica-tions n’est pas spécifique : un aspect bénin peutexister dans les cancers canalaires in situ et desmasses suspectes dans les fibroadénomes, l’adé-nose sclérosante, les nodules mastosiques ou descalcifications de cytostéotonécrose ; en outre,l’absence de masse n’exclue pas la malignité.Dans les séries de Moon et de Soon [7-9] l’aug-mentation de la suspicion de malignité liée àl’existence d’une masse en échographie est rap-portée dans les calcifications ACR4 et ACR5 etdonc ne modifie pas réellement la prise en charge.

La catégorie ACR4 est très vaste puisque laprobabilité de malignité est comprise entre 3 et94 % et à l’évidence difficile à stadifier. Il y auraitlà un rôle potentiel à jouer par l’IRM en raison desa VPP élevée, mais compte tenu du parc disponi-ble d’une part, et de la valeur des prélèvementsguidés d’autre part, la recommandation standardest celle d’un échantillonnage qui peut être selonl’ACR tissulaire mais aussi cytologique et conce-vable en première approche par des opérateursentraînés à la condition d’une évaluation rigou-reuse.

Dans la catégorie 5 la VPP de l’aspect échogra-phique est supérieure à 95 % et dans cette catégo-rie l’échographie est utile comme outil de guidagedes prélèvements biopsiques.

La catégorie 6 non présente en mammographie,introduite dans cette classification BI-RADSéchographique est une catégorie destinée aux lé-sions dont la malignité est histologiquementprouvée avant l’institution d’une thérapeutiquechirurgicale ou néoadjuvante (l’ACR réduisantd’ailleurs cette précédente option à la chimiothé-rapie alors qu’existe validée l’hormonothérapienéo-adjuvante). Actuellement, Il y a quelques dif-ficultés à situer l’intérêt réel de cette catégoriesupplémentaire.

Enfin, l’utilisation dans le futur de l’échogra-phie en dépistage est évoquée sans en définirpour l’instant les groupes bénéficiaires.

Bien évidemment, l’intérêt majeur de cetteclassification est la réduction du caractère opéra-teur dépendant de l’échographie nécessitantautant un apprentissage qu’une discipline.

Baker [10] a évalué, à partir de 152 échogra-phies mammaires, la qualité technique des exa-mens pratiqués dans 86 structures différentesselon les guidelines de l’ACR concernant à la fois

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les critères techniques et la qualité du marquagede l’image, ainsi que la qualité de l’interprétationpar des 2e lectures, reconvocations, corrélations,radio-histologiques ou suivis.

Il en résulte que seulement 39,5 % des examensd’échographie mammaire sont correctement do-cumentés selon les critères de l’ACR, incluantdans 9,2 % des cas un équipement inadéquat (fré-quence < 7 MH), dans 14,7 % des cas une focali-sation inappropriée et dans 4,6 % des cas un gaininadapté. La reproduction de l’examen ne con-cerne qu’un seul plan de coupe et qu’une seule di-mension dans respectivement 14 % et 23 % descas ; l’identification du patient est incomplètepour 25 % des examens. En ce qui concerne l’in-terprétation 23/152 interprétations sont discor-dantes (15,1 %) les erreurs les plus fréquentessont représentées par la méconnaissance de cer-tains aspects normaux, tels que les siliconomes,les ganglions intra-mammaires, les lobules grais-seux ou de celle de la technique de balayage (ec-tasies canalaires interprétées comme des masses).

L’opérateur méconnaît la séméiologie puisquepour 2 cancers les aspects étaient interprétéscomme des images échographiquement bénigneset 2 lésions (un cancer et un fibroadénome)n’étaient pas détectées ; enfin, 2 fois les imagessont incorrectement corrélées à la mammographie.

À l’évidence, comme en mammographie laclassification BI-RADS permettra par l’acquisi-tion d’un lexique adapté et en homogénéisant lespratiques de garantir la qualité du diagnostic sé-nologique à la condition d’un enseignement ri-goureux.

RÉFÉRENCES

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[3] BALU-MAESTRO C, CHAPELIER C, BLEUSE A, CHAU-VEL C, HÉRY MD. Diagnostic échographique des lé-sions mammaires. Feuillets de Radiologie 2002 ; 42, 3 :179-190.

[4] BALU-MAESTRO C, CHAPELIER C, BLEUSE A, CHAU-VEL C, DAUSSE F. Place de l’échographie dans le dépis-tage du cancer du sein. Le Sein 2003 ; 2 : 127-134.

[5] DENNIS MA, PARKER SH, KLAUS AJ, STAVROS AT,KASKE TI, CLARK SB. Breast biopsy avoidance : the va-lue of normal mammograms and normal sonograms inthe setting of a palpable lump. Radiology 2001 ; 219 :186-191.

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[7] MOON WK, IM JG, KOH YH, NOH DY, PARK IA. US ofmammographically detected clustered microcalcifica-tions. Radiology 2000 ; 217 : 849-854.

[8] MOON WK, MYUNG JS, LEE YJ, PARK IA, NOH DY,IM JG. US of ductal carcinoma in situ. RadioGraphics2002 ; 22 : 269-281.

[9] SOO MS, BAKER JA, ROSEN EL, VO TT. Sonographi-cally guided biopsy of suspicious microcalcifications ofthe breast: a pilot study. AJR Am J Roentgenol 2002 ;178 : 1007-1015.

[10] BAKER JA, SOO MS. Breast US : assessment of techni-cal quality and image interpretation. Radiology 2002 ;223 : 229-238.