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12 INITIATIVES SANTÉ * Hors-série Ville-Hôpital * septembre 2017 « Il est actuellement en cours de déploiement en zone pilote par la Caisse nationale d’assurance maladie, assure Michel Gagneux, directeur de l’Agence des systèmes d’information partagés en santé (Asip santé), l’opérateur en charge de la santé numérique au niveau national. Une fois que le patient a donné son autorisation, le pro- fessionnel de santé peut y joindre tous les documents utiles à la coordination des soins. » Le DMP fait des émules Sauf, qu’en réalité, beaucoup de professionnels craignent que le DMP ne devienne un cimetière de données, où les comptes-rendus s’entassent sans qu’il soit possible d’y accéder de manière pratique. Et comme le besoin d’échanger des données ne disparaît pas, d’autres acteurs se sont engouffrés dans la brèche. Certains établissements ont en effet développé des por- tails sécurisés pour communiquer avec les acteurs de la ville. C’est le cas des Hôpitaux de Champagne-Sud, qui ont lancé l’application MyGHT. « Notre idée, c’est de tout faire partir du patient , explique Michaël De Block, directeur de l’information numérique de l’éta- blissement. Il crée un profil, définit ses professionnels de santé favoris, et les fait communiquer entre eux. » La première brique de ce projet concerne les pharmaciens, mais il existe aussi des développements à destination des personnes en situations de handicap, et des Idel intervenant au domicile des patients en HAD ou en Ssiad (services de soins infirmiers à domicile). « C’est une application pour smartphone directement reliée au dossier patient de l’hôpital, détaille Michaël De Block. Avec des autorisations spécifiques, l’infirmière libérale peut accéder à des informations sur le patient et déve- lopper un plan de soins numérisé. Et de notre côté, cela nous permet d’avoir de l’information sur ce qu’elle fait. » Le Messenger du professionnel de santé Accéder au dossier patient est une chose, mais les pro- fessionnels de la ville et de l’hôpital doivent aussi pou- voir s’échanger des messages pour assurer la continuité des soins. La solution ? Les messageries sécurisées. À cet effet, l’Asip santé a développé MSSanté, un outil A u commencement était le classeur. Tous les professionnels qui interviennent à domicile connaissent ce gros volume que l’on laisse chez le patient pour que le médecin coordonnateur de l’hôpi- tal, le généraliste, le kiné ou l’Idel y laisse trace des soins qu’il a effectués. Mais au fil de la prise en charge et des modifications d’ordonnances, le bel agencement devient peu à peu difficilement intelligible. Au point que la plupart des soignants n’attendent qu’une chose : l’in- formatisation de ce satané classeur. Pour résoudre ce genre de problèmes de communication entre ville et hôpital, beaucoup d’espoirs avaient été placés dans le fameux dossier médical partagé (DMP). Lancé en 2004, ce dossier informatique a déjà englouti 500 millions d’euros d’argent public, sans pourtant être entré dans les mœurs. Certains veulent tout de même encore y croire, et le projet a été relancé l’année dernière. OUTILS La communication sera numérique… ou ne sera pas ! Pour assurer la continuité des soins, la ville et l’hôpital doivent être en mesure d’échanger des informations. Du bon vieux dossier papier au DMP, en passant par la messagerie sécurisée, tour d’horizon des mille et un canaux de communication à leur disposition. MESSAGERIES SéCURISéES Qu’en pensent les Idel ? À l’heure actuelle, peu de paramédicaux utilisent des messageries sécurisées. Mais pour ceux qui ont sauté le pas, les choses sont claires : pas question de revenir en arrière. « En tant que professionnel de santé, je dois prendre toutes les précautions nécessaires pour que les données que j’héberge sur mon ordinateur soient en sécurité », indique ainsi Pierre Willotte, Idel breton qui utilise la messagerie sécurisée Apicrypt depuis plusieurs années. C’est lui qui a convaincu le laboratoire d’analyses avec lequel il travaillait de se convertir à cet outil. Il s’en sert aussi pour communiquer avec les médecins du territoire. « Comme ça, je peux dormir tranquille », assure-t-il. Patrick Bretzner a, de son côté, choisi la messagerie MSSanté. « C’est une excellente solution, notamment parce qu’on peut l’utiliser sur un smartphone ou un ordinateur portable », affirme cet Idel de région parisienne. Il s’en sert pour communiquer avec son associé ou avec les généralistes de ses patients. Et les médecins de l’hôpital ? « Pour l’instant, c’est un peu compliqué, ils dépendent du système d’information de leur établissement, regrette l’Idel. Mais nous savons que le CHU de notre secteur va s’y mettre bientôt* CONTINUITÉ DES SOINS PARTAGE D’INFORMATIONS © Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017

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Page 1: OUTILS La communication sera numérique… ou ne sera pas · confiance des professionnels concernés. Pour eux, c’est clair : à l’avenir, la communication ville-hôpital sera

12 INITIATIVES SANTÉ * Hors-série Ville-Hôpital * septembre 2017

« Il est actuellement en cours de déploiement en zonepilote par la Caisse nationale d’assurance maladie, assureMichel Gagneux, directeur de l’Agence des systèmesd’information partagés en santé (Asip santé), l’opérateuren charge de la santé numérique au niveau national.Une fois que le patient a donné son autorisation, le pro-fessionnel de santé peut y joindre tous les documentsutiles à la coordination des soins. »

Le DMP fait des émulesSauf, qu’en réalité, beaucoup de professionnels craignentque le DMP ne devienne un cimetière de données, oùles comptes-rendus s’entassent sans qu’il soit possibled’y accéder de manière pratique. Et comme le besoind’échanger des données ne disparaît pas, d’autres acteursse sont engouffrés dans la brèche. Certains établissements ont en effet développé des por-tails sécurisés pour communiquer avec les acteurs dela ville. C’est le cas des Hôpitaux de Champagne-Sud,qui ont lancé l’application MyGHT. « Notre idée, c’estde tout faire partir du patient, explique Michaël DeBlock, directeur de l’information numérique de l’éta-blissement. Il crée un profil, définit ses professionnels desanté favoris, et les fait communiquer entre eux. » Lapremière brique de ce projet concerne les pharmaciens,mais il existe aussi des développements à destinationdes personnes en situations de handicap, et des Idelintervenant au domicile des patients en HAD ou enSsiad (services de soins infirmiers à domicile). « C’estune application pour smartphone directement reliée audossier patient de l’hôpital, détaille Michaël De Block.Avec des autorisations spécifiques, l’infirmière libéralepeut accéder à des informations sur le patient et déve-lopper un plan de soins numérisé. Et de notre côté, celanous permet d’avoir de l’information sur ce qu’elle fait.»

Le Messenger du professionnel de santéAccéder au dossier patient est une chose, mais les pro-fessionnels de la ville et de l’hôpital doivent aussi pou-voir s’échanger des messages pour assurer la continuitédes soins. La solution ? Les messageries sécurisées. Àcet effet, l’Asip santé a développé MSSanté, un outil

a u commencement était le classeur. Tous lesprofessionnels qui interviennent à domicileconnaissent ce gros volume que l’on laisse chez

le patient pour que le médecin coordonnateur de l’hôpi-tal, le généraliste, le kiné ou l’Idel y laisse trace des soinsqu’il a effectués. Mais au fil de la prise en charge et desmodifications d’ordonnances, le bel agencement devientpeu à peu difficilement intelligible. Au point que laplupart des soignants n’attendent qu’une chose : l’in-formatisation de ce satané classeur. Pour résoudre cegenre de problèmes de communication entre ville ethôpital, beaucoup d’espoirs avaient été placés dans lefameux dossier médical partagé (DMP). Lancé en 2004,ce dossier informatique a déjà englouti 500 millionsd’euros d’argent public, sans pourtant être entré dansles mœurs. Certains veulent tout de même encore ycroire, et le projet a été relancé l’année dernière.

OUTILSLa communication seranumérique… ou ne sera pas !Pour assurer la continuité des soins, la ville et l’hôpital doivent être en mesure d’échangerdes informations. Du bon vieux dossier papier au DMP, en passant par la messageriesécurisée, tour d’horizon des mille et un canaux de communication à leur disposition.

Messageries sécurisées

Qu’en pensent les idel ?À l’heure actuelle, peu deparamédicaux utilisent desmessageries sécurisées. Maispour ceux qui ont sauté le pas,les choses sont claires : pasquestion de revenir en arrière.«En tant que professionnel desanté, je dois prendre toutes lesprécautions nécessaires pour queles données que j’héberge surmon ordinateur soient ensécurité», indique ainsi PierreWillotte, Idel breton qui utilise lamessagerie sécurisée Apicryptdepuis plusieurs années. C’est luiqui a convaincu le laboratoired’analyses avec lequel il travaillaitde se convertir à cet outil. Il s’ensert aussi pour communiqueravec les médecins du territoire.

«Comme ça, je peux dormirtranquille», assure-t-il.Patrick Bretzner a, de son côté,choisi la messagerie MSSanté.«C’est une excellente solution,notamment parce qu’on peutl’utiliser sur un smartphone ouun ordinateur portable», affirmecet Idel de région parisienne. Il s’en sert pour communiqueravec son associé ou avec lesgénéralistes de ses patients. Et les médecins de l’hôpital ?«Pour l’instant, c’est un peucompliqué, ils dépendent du système d’information de leur établissement, regrettel’Idel. Mais nous savons que le CHU de notre secteur va s’y mettre bientôt. »

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informatisé pour parcours de soins optimisé ». L’idée ?Remplacer le fameux classeur. « Calipso fonctionnecomme un chat sécurisé », explique Michaël De Block.Chaque professionnel, hospitalier ou libéral, qui passeau domicile du patient y note ses observations, et peutdialoguer avec les autres intervenants. « Et si le patientest de nouveau hospitalisé, nous avons toutes les infor-mations », se réjouit Michaël De Block.

La sécurité, c’est la santéMais au fait, pourquoi développer des messageriessécurisées, alors qu’il serait aussi simple d’utiliser desservices de mail ou de chat ordinaires ? «Attention, c’estinterdit par la loi », rappelle Michaël De Block. Et pasquestion de se rabattre sur les envois par fax, qui sont,selon lui, « faciles à pirater ». Michel Gagneux ne ditpas autre chose : « Aujourd’hui, c’est trop grave, les mes-sageries de type Gmail sont des vecteurs d’insécurité etde captation trop faciles pour pouvoir échanger de ladonnée personnelle, affirme le directeur d’Asip santé.Non seulement ces données peuvent être publiées, maiselles peuvent aussi être utilisées à des fins commercialesou discriminatoires. » La même question se pose pourles problématiques liées au dossier patient. « Notre GHTsubit chaque jour 600 attaques de pirates », témoigneMichaël De Block. Et de confier : « Mon cauchemar, ceserait une attaque mettant les données personnelles desusagers sur Internet. C’est un enjeu de crédibilité : les gensne nous feraient plus confiance, et le projet s’écroulerait. »C’est pourquoi l’ensemble des projets, qu’ils concernentles dossiers informatisés ou les messageries, doiventutiliser des serveurs sécurisés agréés pour hébergerdes données de santé. Le ministère de la Santé a autoriséà ce jour une centaine d’entreprises à fournir ce typede service. Celles-ci doivent répondre à des exigencesstrictes de confidentialité ou de traçabilité, ce qui sup-pose de mettre en place des procédures d’authentifi-cation ou de chiffrement particulières.

un futur tout numériqueCe système d’hébergement agréé semble avoir laconfiance des professionnels concernés. Pour eux, c’estclair : à l’avenir, la communication ville-hôpital seranumérique ou ne sera pas. « Je pense que dans cinq ans,tous les professionnels de santé, tous les établissements,tous les laboratoires de biologie, tous les cabinets deradiologie échangeront par messagerie sécurisée, préditMichel Gagneux. Tous les Français auront un DMP, lesstructures de soins auront elles-mêmes un dossier infor-matisé et seront toutes en mesure de partager les donnéesde santé pour améliorer le parcours de soins. »Michaël De Block va même plus loin. « Je pense que lacommunication ville-hôpital, c’est le nouveau modèle dela santé, affirme-t-il. L’avenir de l’hôpital est en dehorsde l’hôpital. Lui permettre de mieux communiquer avecles autres professionnels, c’est lui permettre de faire davan-tage de prévention. La technologie n’est qu’un outil auservice de cette transformation. » * aDrieN reNauD

sécurisé gratuit et facile à implémenter, selon sesconcepteurs. « À ce jour, près de 60 000 boîtes aux lettresMSSanté ont été ouvertes, dont 3 000 par des infirmières,affirme Michel Gagneux. C’est encore modeste, mais çadémarre ! » Mais comme pour le DMP, des solutions alternativesse développent parallèlement à celle promue par lespouvoirs publics. C’est notamment le cas de la messa-gerie sécurisée Apicrypt, fondée par des médecins deDunkerque dans les années 1990. Ses promoteurs affir-ment mettre en relation quotidiennement 70 000 pro-fessionnels de santé, médicaux et paramédicaux, enville comme à l’hôpital. Un développement qui n’a pasété sans heurts, ses concepteurs accusant régulièrementAsip Santé de faire obstruction au développement deleur solution. Au niveau local aussi, les solutions fleu-rissent. Les Hôpitaux de Champagne-Sud ont, parexemple, développé dans le cadre du projet MyGHTun module baptisé Calipso, pour cahier de liaison

Hors-série Ville-Hôpital * septembre 2017 * INITIATIVES SANTÉ 13

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Dossiers informatisésou messageries, tousdoivent utiliser desserveurs sécurisésagréés pour hébergerdes données de santé.

QuesTioNs À

BERTRAND LE RHUN MANAgER géNéRAL DU PRojET E-TERRIToIRE

INNovANT CooRDoNNé SANTé-SoCIAL (ETICSS)*

«Un dossier à l’intersection de tous»À quel besoin le projet eTicssrépond-il ?Aujourd’hui, tout le mondefonctionne en silo : l’hôpital, le médecin, l’infirmière… Chacun a son propre systèmed’information, et les données ne se croisent pas. L’idée estdonc d’avoir un dossier qui ne remplace pas ce qui existe, mais qui se situe à l’intersectionde tout le monde.

concrètement, comment cedossier fonctionne-t-il ?Nous avons développé un outilinterfacé avec les logiciels métierdes professionnels, notamment

accessible depuis le navigateurde leur smartphone. Les donnéessont partagées en fonction des droits des différentsprofessionnels. Une infirmière,par exemple, pourra avoir accèsà certains résultats de labo. Nous avons dépassé la barre des 1000 dossiers créés, et nous mobilisons une centaine de professionnels autour desétablissements du nord de laSaône-et-Loire. Avec le projeteTicss, nous partageons del’information à un instant donné,pour des personnes quiinterviennent autour du patient.

ProPos recueiLLis Par a.r.

* Projet développé par l’ARS Bourgogne-Franche-Comté, dans le cadre du programme d’investissement Territoire de soins numériques (TSN).

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