Depuis longtemps, Ber-nard Arnault voulait lan-cer une fondation pour

l’art contemporain qui marque-rait Paris d’un geste architec-tural fort et s’adresserait à un très large public, notamment aux jeunes. D’autant que François Pinault, son grand rival (groupe PPR, maintenant Kering), avait le projet - avorté - d’implanter sa propre fondation sur l’île Seguin à Boulogne -Billancourt (finale-ment, elle est au… Palazzo Gras-si de Venise). Restait à trouver l’emplacement et l’architecte.

Vingt ans de persévéranceDès l’origine, Bernard Arnault souhaitait implanter ce monu-ment dans l’enceinte du Jardin d’Acclimatation, un parc histo-rique dédié aux enfants situé dans la partie nord du Bois de Boulogne et concédé en droit de superficie à LVMH, la Ville de Paris en restant propriétaire. Malgré la contrainte sensible

du site - un premier projet a dû être abandonné -, une étude est entreprise sur la faisabilité d’un musée à la place de bâtiments vétustes construits au fil des ans depuis Napoléon III. Mais tous regroupés, ces espaces ne per-mettaient pas la réalisation d’un bâtiment d’envergure, d’autant que le PLU (plan local d’urba-

nisme) autorisait à détruire, à condition de ne pas construire davantage de mètres carrés. C’est alors que le Bowling de Paris, situé lui aussi dans la par-tie sud du parc, est fermé en raison de risques pour le public (amiante, sécurité incendie…) et mis en vente. LVMH le rachète et la Fondation Louis Vuitton dis-

pose de plus de 4000 m2 sup-plémentaires. Une convention d’occupation d’une parcelle d’un hectare du domaine public est alors signée avec la Ville de Pa-ris, fin 2006. Cette fois, le rêve de Bernard Arnault prend forme.

Maître d’ouvrage et architecte en symbioseQuant au choix de l’architecte, il s’est vite imposé. Depuis long-temps, le patron du groupe de luxe témoigne de sa passion pour l’architecture. Exemple: à Tokyo, l’immeuble Dior a été des-siné par Kazuyo Sejima; à New York, Christian de Portzamparc a conçu la LVMH Tower, siège du groupe en Amérique… Aussi, quand, en 2001, Bernard Arnault visite le musée Guggenheim de Bilbao, il est impressionné par la structure innovante du bâtiment et décide de faire appel à son ar-chitecte, l’Américano- Canadien Frank Gehry.Bernard Arnault le convie à visi-

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n Ouverture de la Fondation Louis Vuitton

Paris inaugure un nouveau monument emblématiqueDans quelques jours - le 27 octobre - Paris va vivre un grand moment: l’ouverture d’un nouveau et extraordinaire musée, la Fondation Louis Vuitton. Voulu par Bernard Arnault, le p.-d.g. de LVMH, conçu par Franck Gehry, considéré comme le plus grand architecte vivant, ce bâtiment d’une superbe architecture est dédié à la création artistique contemporaine. N’en doutons pas, il va attirer les foules du monde entier à l’instar de la tour Eiffel, de Notre-Dame, du Louvre ou du Centre Pompidou. Une audace esthétique et une prouesse technique.

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• Bernard Arnault durant les travaux.

• É V É N E M E N T

ter le site. Francophile, l’archi-tecte est aussitôt passionné par le projet. La légende veut que le soir même, dans l’avion qui le ramène à Los Angeles où il a son agence, il ait noircit un carnet de croquis avec, déjà, la silhouette singulière du bâtiment.Bernard Arnault: «Même s’il y a eu d’inévitables tensions, ce que j’ai aimé dans notre collabora-tion, c’est que, depuis le départ, nous avons beaucoup parlé. Nous avons eu un dialogue per-manent, qui m’a donné la sensa-tion de partager la conception au lieu d’en être exclu». Au final, un grand vaisseau de 11 700 m2 dé-ploie ses voiles de verre, chacun drapant avec légèreté la struc-ture intérieure d’un blanc imma-culé, appelée «Iceberg».

3600 panneaux verriers cintrés et tous différents

Symbole de créativité et de vir-tuosité, le bâtiment comprend des galeries d’exposition dédiées aux collections permanentes, aux expositions temporaires et aux commandes artistiques. Il est complété par un auditorium de 350 places, modulable, des-tiné à accueillir des manifesta-tions pluridisciplinaires.

Les terrasses offrent des points de vue inédits sur Paris et sur l’environnement boisé du Jar-din d’Acclimatation, dont Frank Gehry s’est inspiré pour créer une architecture de verre et de transparence.En effet, ce bâtiment d’exception compte douze verrières. La plus grande s’étend sur 3000 m2, la plus petite sur 600 m2. Elles totalisent 13 500 m2 de voiles vitrées qui ont nécessité 3600 panneaux verriers tous cintrés et tous différents, avec des porte-à-faux de plus de 20 mètres. Pour les rattacher à l’édifice de base, une charpente faite d’inox et d’acier carbone, mais aussi de bois (mélèze), a été produite. Elle comprend 2000 tonnes d’acier carbone, 1500 tonnes d’inox à haute résistance méca-nique, 800 m3 de poutres en bois, 4,5 km de traverses et 10 km de montants cintrés.

Une trentaine de nouveaux brevets technologiquesPlus de 150 000 heures d’études ont été nécessaires pour réaliser le rêve architectural de Franck Gehry. Car la prouesse tech-nique qu’induit la construction de ce bâtiment est exception-nelle. Une centaine d’ingénieurs

de très haut niveau ont travaillé sur les plans pendant la phase de lancement et de mise au point. Plusieurs programmes informatiques hyper-pointus, de ceux utilisés dans l’aviation, ont calculé la résistance de chaque élément. Sans cela, le bâtiment n’aurait pas existé. Et chose rarissime dans le monde de l’architecture, il est riche d’une trentaine de brevets technolo-giques novateurs.L’intérieur du bâtiment se com-pose de onze galeries aux formes simples. La plupart des salles sont des parallélépipèdes, qui permettent de valoriser les œuvres et contrastent avec la créativité incroyable de l’exté-rieur.Ainsi, avec ce nuage de verre posé sur les arbres du Jardin d’Acclimatation, la Fondation Louis Vuitton affiche son enga-gement fort pour l’art contem-porain. Cerise sur le gâteau: en 2062, le bâtiment deviendra propriété de la Ville de Paris. En effet, la convention d’occupation du do-maine public est signée pour une durée de 55 ans. A l’issue de ce bail, l’édifice deviendra musée municipal. Un beau cadeau de Bernard Arnault… n

Michel Levron - Paris

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Frank Gehry, un Grand Monsieur

Malgré son statut considérable, Franck Gehry âgé de 85 ans, est resté un homme simple et plein d’humour. Né à Toronto, il est devenu américain et a monté son agence d’architec-ture à Los Angeles en 1962. Prix Pritzker en 1989 (l’équiva-lent du Nobel), il cultive sa pas-sion pour les églises romanes et les cathédrales. «Quand j’ai vu celle de Chartres, j’ai fait pipi dans mon pantalon», dit-il avec humour et dévotion. L’artiste n’est pas un étranger en France; il est fou de Paris comme de la France de Matisse, de Le Corbusier ou de Derrida.En 2005, «Vanity Fair» a de-mandé à 90 grands architectes, des enseignants et des cri-tiques, de citer les cinq édifices récents les plus marquants au monde. Le musée Guggenheim de Bilbao est largement arrivé en tête.Autres œuvres les plus connues de Franck Gehry: le Ray and Maria Stata Center à Cam-bridge; le Walt Disney Concert Hall à Los Angeles; la Maison dansante à Prague; la Cinéma-thèque française à Paris…

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