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BI-MENSUEL DIRECTEUR POUTIQUE BERTRAND RENOUVINJ Ombres P etite pluie de son- dages sur le futur référendum. Vous voulez la ten- dance ? En gros, 65 % des Français se pro- noncent pour le Oui et 35 % pour le Non. Attention ! Partisans du traité, ne vendez pas la peau de l'ours de manière préma- turée ! Adversaires d'icelui, ne vous laissez pas gagner par la panique î N'oubliez pas que, parmi les personnes interrogées, 40 % ne se pro- noncent pas. Ce qui signifie que les sondeurs ne savent pas du tout ce qui va se passer. Cette incertitude vaut pour tous les sondages politiques : en France et ailleurs, la moi- tié des sondés refusent de répondre aux enquêteurs et les pourcentages d'opinions positives ou négatives sont calculés sur des échantillons qui se réduisent comme peau de chagrin. Pour continuer à vivre, les instituts de sondages doivent réduire ces zones d'ombre peuplées de citoyens qui ont une opinion hostile sur les enquêtes d'opinion. Afin de réduire ces rebelles, les Américains du Nord récompensent en bel et bon argent ceux qui accep- tent de répondre. Ils utilisent aussi diverses techniques de manipulation psychique. Appâts et conditionne- ment: ainsi va la « démocratie d'opinion ». GENOCIDE Non! La France n'est pas coupable Proche-Orient Sortir des fantasmes p. 6/7 Idées Alain Badiou p. 9 DU 7 FEVRIER AU 20 FEVRIER 2005 - 35 e année - Numéro 853 - 3,20

P La France n'est pas coupable · p.4 : Libê - Le nucléaire se fait modeste - p.5 : L'année anglaise - p.6/7 : Les fantasmes sur Israël - p.8 : Balkans - L'économie trafiquante

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Page 1: P La France n'est pas coupable · p.4 : Libê - Le nucléaire se fait modeste - p.5 : L'année anglaise - p.6/7 : Les fantasmes sur Israël - p.8 : Balkans - L'économie trafiquante

BI-MENSUEL DIRECTEUR POUTIQUE BERTRAND RENOUVINJ

Ombres

Petite p lu i e de son-dages sur le fu tu rré fé rendum. Vousv o u l e z l a t e n -dance ? En gros,

65 % des Français se pro-noncent pour le Oui et 35 %pour le Non.

A t t e n t i o n ! Par t isans dutraité, ne vendez pas la peaude l 'ours de manière préma-turée ! Adversaires d ' ice lu i ,ne vous laissez pas gagnerpar la panique î N 'oubl iezpas que, parmi les personnesinterrogées, 40 % ne se pro-noncent pas. Ce qui signifieque les sondeurs ne saventpas du t o u t ce qui va sepasser.

Cette incertitude vau t pourtous les sondages politiques :en France et ailleurs, la moi-tié des sondés re fusen t derépondre aux enquêteurs etles pourcentages d 'opinionspositives ou négatives sontcalculés sur des échantillonsqui se réduisent comme peaude chagrin.

Pour continuer à vivre, lesinstituts de sondages doiventréduire ces zones d 'ombrepeuplées de citoyens qui ontune opinion hosti le sur lesenquêtes d'opinion.

A f i n d e r é d u i r e c e srebelles, les Américains duNord récompensent en bel etbon argent ceux qui accep-tent de répondre. Ils utilisentaussi diverses techniques demanipulation psychique.

A p p â t s e t c o n d i t i o n n e -m e n t : a i n s i v a l a« démocratie d'opinion ».

GENOCIDE

Non!La Francen'est pascoupable

Proche-Orient

Sortir desfantasmes

p. 6/7

Idées

AlainBadiou

p. 9

DU 7 FEVRIER AU 20 FEVRIER 2005 - 35e année - Numéro 853 - 3,20 €

Page 2: P La France n'est pas coupable · p.4 : Libê - Le nucléaire se fait modeste - p.5 : L'année anglaise - p.6/7 : Les fantasmes sur Israël - p.8 : Balkans - L'économie trafiquante

Médias

La mémoiresans le devoir

Si la mémoire d'Auschwitz se réduit à un devoir, le crime métaphysique etphysique perpétré par les nazis ne pourra pas être compris par les

générations futures.

Crime métaphysique :la volonté délibéréed'exterminer la tota-l i té du peup le j u i fprocède de ce qui estspécif ique au projet

hitlérien. Les nazis voulaientrefonder l'Europe en lui don-nant une nouvelle origine : lepeuple al lemand épuré, lapensée allemande p u r i f i é e ,l'homme allemand exclusive-ment identifié à son essencegermanique.

Crime physique : il fal lai tdonc éliminer totalement lep e u p l e j u i f , qu i e s teffectivement, dans son être etdans son existence historique,l'origine de la civilisation fon-dée sur le monothéisme. C'estce qui distingue la politiqueplanifiée d'extermination duPeuple originel de toutes lesautres destructions de peupleset de tous les autres massacresde masse.

Il est donc nécessaire decommémorer le soixantièmeanniversaire de la libérationdu camp d ' A u s c h w i t z demanière particulièrement so-

"royaliste *NSI-MENSUEL F̂ DmECTEW POLITIQUE BERTRAND RENOUVIfv

SOMMAIRE : p.2 : La mémoire sans ledevoir - p.3 : Le jeu de la loi - Chiffres -p.4 : Libê - Le nucléaire se fait modeste -p.5 : L'année anglaise - p.6/7 : Lesfantasmes sur Israël - p.8 : Balkans -L'économie trafiquante - p.9 : Retour auXXe siècle - p.10 : Mr Eddy - La libertéguidait nos pas - p.11 : Action royaliste -p. 12 : Éditorial : La France n'est pascoupable.

RÉDACTION-ADMINISTRATION17, rue des Petits-Champs, 75001 ParisTéléphone/répondeur : 0-1.42.9~.42.57

Télécopie: 01.42^6.05.53Dir. publication : Yvan AUMONT

Com. paritaire 0509 G 84801V ISSN 0151-5772 ,

lennelle puisque cette libéra-tion par l 'Armée soviét iqueest une victoire de notre civili-sation sur le nihilisme.

Voilà qui dépasse le débat,point inutile, sur les responsa-bilités des différents acteursde la guerre. Voilà qui trans-cende infiniment la « concur-rence entre les victimes » quiexiste depuis l'ouverture descamps de concentration et quicontinuera de marquer le tra-vai l de la mémoire doulou-reuse.

Ces conv ic t ions sont as-sénées ici sans précautions destyle. Elles n'empêchent pasla méditation religieuse, la ré-flexion philosophique, la re-cherche h i s t o r i q u e . Aucontraire, elles tentent deprévenir les effets désastreuxdu discours médiatique surl ' o p i n i o n p u b l i q u e e t p l u sparticulièrement sur les jeunesgénérations. Je ne vise pas lesjournalistes de la presse écrite,ni les documentaires télévisés,ni les débats entre personnesqualifiées, mais cette poignéed''animateurs vedettes qui lan-

cent leurs slogans au journalde vingt heures et qui inspi-rent les rédacteurs pressés desallocutions officielles.

Trois formules doivent êtrerécusées, au risque de ne pasêtre compris :

Horreur devant la barbarie ?Ce s e n t i m e n t de l ' h o r r e u rréduit par trop à une réactionnormale, celle qu'on éprouveface à t o u t e mise à m o r tviolente, notre saisissementquant à ce qui s'est passé dansles camps nazis. La dénoncia-tion de la barbarie nous déli-vre de toute interrogation surla mise en œuvre d'un projetradicalement nihil is te dansune société allemande carac-térisée par sa très haute cul-t u r e e t par sa m o d e r n i t étechnologique. Si Auschwitzest le massacre commis par unclan de brutes menées par unfou, le génocide n'est qu 'unmonstrueux dérapage qui n'apas besoin d'être pensé maissimplement dénoncé.

Plus jamais ça ? A u j o u r -d'hui complices, par prudenceet par indifférence, d'idéolo-

gies et de p r a t i q u e sc r i m i n e l l e s , les vedet tesmédiatiques se donnent bonneconscience à peu de f r a i s .Leur rejet de la barbarie lesempêche de se demander si lefa i t de célébrer à l o n g u e u rd 'années la destruction destabous, de récuser tout ordresymbolique au nom de la mo-dernité libérale-libertaire, denoyer toute pensée dans lacommunication, n'est pas unedes causes du déchaînementde la pulsion de mort au paysde Goethe. Hitler fut le plusgrand communicant du XXe

siècle et tous les tabous ontété b r i sés d a n s les campsnazis.

Devoir de mémoire ? Si no-tre devoir de téléspectateurconsiste à répéter des slogansineptes, la mémoire vive seradétruite. La mémoire v ive ,c'est l ' incommunicable quin'est pas tout à fait indicible,c'est la mémoire tissée d'oubliet la mémoire de l ' o u b l i . Ilfau t oublier pour ne pas êtreé tou f f é par la mémoi re ,comme le sont a u j o u r d ' h u icertains de nos amisbalkaniques. Mais nous éprou-vons tous le retour douloureuxde ce qui a été o u b l i é ouenfoui, sans avoir le sentimentde faire notre devoir.

Le devoir de mémoire, c'estce que voudraient s'imposerles vedettes médiatiques, quivivent dans l'instant et qui ontsacrifié leur culture à la com-passion verbeuse. Voici peu.l ' u n de ces animateurs d'an-tenne l i a i t dans une mêmephrase le soixantième anniver-saire de la libération d'Aus-chwi tz et celui du premiermois après le tsunami. C'estavec de telles équivalencesque la mémoire se détruit.

Bertrand RENOUVIN

Bulletin d'abonnementNom/Prénom :

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souscrit un abonnement de :D trois mois (20 €) D six mois (30 €) D un an (47 €) D soutien (100 €)

ROYALISTE, 17, rue des Petits-Champs, 75001 PARIS - CCP 18 104 06 N Paris

Royaliste 853

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Le jeu de la loi

La révision de notre loi fondamentale était unacte de raison, décidé dans le souci de la longuedurée. Ce n'est plus qu'une manœuvre tactique,

arrêtée en fonction d'objectifs à court terme.

Au l ieu de conforter laC o n s t i t u t i o n de laV e R é p u b l i q u e , l esr é v i s i o n s qu i s esuccèdent depuis quel-ques années détruisent

sa logique (le quinquennat) oula transforment en déclarationsd e b o n n e s i n t e n t i o n s ( l aparité) et en proclamations re-dondantes (sur la décentrali-sation) sans q u ' o n se préoc-cupe des conséquences.

Les effets logiques se pro-duisent cependant et créent denouvelles confusions auxquel-les on répond par de nouveauxbricolages. Ainsi l ' a ccumula -t ion d ' é lec t ions diverses en2007. qui embarrasse ceux quiont vou lu la réduct ion de ladurée du mandat présidentiel.

N o u s a u r o n s a u s s i l e sconséquences, négatives, duprojet de loi constitutionnellea c t u e l l e m e n t d é b a t t u a uParlement.

Bien entendu, cette révisionest nécessaire si l 'on accepteles termes du traité constitu-tionnel en quest ion puisque« trois catégories de stipula-tions du traité [mettent} encause les conditions essentiel-les d'exercice de la souverai-neté nationale » selon les ter-mes de l'exposé des motifs duprojet de loi en discussion.

Mais les rédacteurs de ceprojet ont ajouté une disposi-tion rédigée par calcul stricte-ment tactique, effectué selonles d i v i s i o n s p rop res à ladroite. Au terme de l'article 2,notre Constitution comporte-rait un nouvel a l i néa à sona r t i c l e 88 a ins i r éd igé :«Art. 88-5.- Tout projet de loiautorisant la ratification d'untraité relatif à l'adhésion d'un

Etat à l'Union européenne etaux Communautés européen-nes est soumis au référendumpar le Président de laRépublique. »

Nul n'ignore que c'est l ' ad-hésion de la Turquie et d'elleseule qui est en question. Faceà la réact ion a n t i - t u r q u e deMM. Sarzozy. Bayrou et deVilliers, Jacques Chirac a crumalin de différer la réponsefinale à la question tu rque end é c i d a n t q u e l e p e u p l efrançais déciderait en dernierressort.

Coup double ! Les anti-turcsétaient privés de leur batai l leet ceux qui se p la igna ien t dudéficit démocratique de l ' U -nion européenne é ta ient con-t r a i n t s de raba isser leurcaquet.

Coup doublement manqué.Les an t i - tu rcs n ' on t pas dé-sa rmé : avec son c y n i s m ehabituel, Nicolas Sarkozy a re-lancé le débat à la mi - janv ie rpou r m i e u x d é f i e r J a c q u e sChirac qui a été obligé de ré-p l iquer sur ce point . Par con-v i c t i o n d é m o - c h r é t i e n n e ,François Bayrou a mis sonpropre fer dans la plaie lors deson congrès et les adhérentsde l 'UDF se sont prononcés àune écrasante majorité pour leOui au traité et pour le Non àla T u r q u i e . Dans le déba tpolit ique, le traité et la Tur-quie sont maintenant des su-jets liés, ce que l 'Elysée etMatignon voulaient éviter.

De plus, en décidant que lesfu tu re s adhésions à l ' U n i o neuropéenne seraient soumisesà référendum, l'Elysée et Ma-tignon créent un lien juridiqueentre le traité constitutionnel

et la question turque . Par lejeu de ses différentes factions,la droite parlementaire est de-venue une machine à fabriquerdu Non : Nicolas Sarkozy sefiche de la Turquie comme dela b a t a i l l e de Lépante maisveut en f inir au plus vite avecJacques Chirac, tout commeFrançois Bay rou qui est leplus européen de la bande.

Face à ces deux adversairesplus ou moins redoutables, leprés iden t de la Répub l iquedispose de l 'appui officiel dela direction socialiste puisquec'est son porte-parole, JulienD r a y , qu i a d é n o n c é le« syndicat de la confusion »qui reprendrait le jeu qu'avaitmené la droite conservatricepour faire tomber le généralde Gaul le sur le ré férendumde 1969. L'empreinte jospi-niste sur le hollandisme, c'estcette pol i t ique de collabora-tion qui a déjà conduit le Partisocialiste à la défa i te . Com-m e n t en e f f e t s ' oppose rradicalement, en 2007, à celuidont on a soutenu les thèsesdeux ans plus tôt ?

Toutes ces manœuvres necomblent pas le déficit démo-cratique puisque les enjeuxdes consultations populairesdemeurent masqués. Les tacti-ques politiciennes ne doiventpas non plus faire oublier queles conditions posées à la Tur-quie vaudront pour les autresadhésions - celle des pays del 'ancienne Yougoslavie et del 'A lban ie . Les par t i sans duOui ont donc inventé un nou-veau système de blocage àmultiples détentes qui s'ajoutea u x m é c a n i s m e s a u t o b l o -quants inscrits dans le traitéconstitutionnel. Sur le cheminde l ' absurde , nous progres-sons.

Annette DELRANCK

Police

Chiffres

Où passent nos impôts ?À ce t t e l a n c i n a n t eq u e s t i o n , Le Figaro(27-1) apporte des élé-m e n t s d e r é p o n s ei n o u ï s : à paye r des

fonct ionnaires qui se tournentles pouces . P r e u v e : le s a inj o u r n a l a n n o n c e « les vraischiffres sur le temps de travaildes policiers ». Ce titre met enalerte. Les s ta t i s t ic iens expli-quen t q u ' i l n 'y a j a m a i s de« vrais chiffres » car toute sta-t i s t ique est une construct ion.De fait, les chiffres p u b l i é s neconcernent que les policiers entenue (donc pas la PJ, la DST,etc.) et sont t i rés de la maincourante informatisée qui nereflète que grossièrement lacomplexité du réel.

C'est à partir de ces donnéesdouteuses que Le Figaro révèleq u ' u n p o l i c i e r en t enue fait« vingt-sept heures de travaileffectif en moyenne [...] dontneuf sur le terrain ». Suit uneavalanche de chiffres qui mon-trent que les effectifs sont malutilisés - ce que tout le mondesait depuis nombre d'années.

La discussion reste ouvertesur ce p o i n t , m a i s q u ' o n neperde pas de vue l 'essentiel :même si un pol ic ier ne passeque neuf heures par semainesur le terrain, il y met en périlsa santé physique, sa vie et sonéqu i l ib re psychique car c'estlui qui est immédiatement conrfronté à la misère sociale.

Des heures mal payées quisont cent fois plus dures à vivreq u e c e l l e s d u l e c t e u r d estatistiques, pressé de publ ierson cl iché sur les fonctionnai-res paresseux : M. Dassault faitinsulter par ses gens les poli-ciers dont il a besoin, plus qued ' a u t r e s , p o u r p r o t é g e r s at r a n q u i l l i t é , son argent et sesu s i n e s . Ce la a u s s i l u i seracompté.

Royaliste 853

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Norme

Libé

e 22 janvier, les salariésde Libération ont ap-prouvé l'entrée d'Edou-ard de Rothschi ld dans

1 J le capital de l'entreprise.L'ancien mao qui se li-

vre à l'un des représentants ducap i ta l i sme f i n a n c i e r , ce laaurait permis un ar t ic le faci-le... mais trompeur. D'abordparce que le sauveur du journalreste minoritaire, ce qui signifieque les choses se passeront endouceur, comme souvent dansle monde de la grande presse.

Ensuite et surtout parce queSerge Ju ly ne t rah i t ni sonpassé ni ses amis. Il a toujoursété dans la norme. Le j euneSerge fut maoïste quand il fal-lait l'être, avec cette niaiserieenthousiaste qui accablait Jean-Paul Sartre... futur fondateurde Libération avec MauriceClavel. Serge July fut ensuitemit ter randis te quand i l é tai tgratif iant d 'être du côté decette puissance-là. MonsieurJu ly se réclama aussi de lagénération morale avant de sefaire le militant des thèses li-bérales-libertaires.

Après tout, pourquoi pas ?Dans une démocratie, il est bonque des journaux expriment lanorme en usage à un momentdonné dans la classe dirigeante.

L'ennui, pour la démocratie,c'est que les trois quotidiensna t ionaux de référence (LeFigaro, Le Monde, Libération)sont de plus en plus liés auxp u i s s a n c e s économiques etfinancières et qu'ils exprimentdes points de vue remarquable-ment normalisés.

Et puis il y la gêne provoquéepar ce titre, criante imposturepour ceux qui se souviennentdu Libération né dans laRésistance. De grâce, Serge,abandonne ce mot vomi par lesgens de ton monde - ceux quisont en train de détruire l'héri-tage de la Libération.

Jacques BLANGY

Dissuasion

Le nucléairese fait modeste

Divisé par deux entre 1990 et 2005, le budget dela dissuasion nucléaire(1) va encore diminuer dansles prochaines années. Est-elle passée de mode ?

e nucléaire militaire nefait plus recette. Lesmédias et les pol i t i -ques préfèrent s ' i n -téresser à la lutte con-

tre le terrorisme et aux opéra-tions extérieures menées parnos armées en Af r ique ouai l leurs . Et pour tan t , sansbruit, notre doctrine nucléaireévo lue . Cer ta ins , a u r a i e n tpréféré une révolution, commeBruno Racine, le Président dela fondation pour la recherchestratégique, qui souhaitait unrapprochement avec Londres.Mais l 'intégration de la dis-suasion anglaise dans la straté-gie américaine n'a pas permisde concrétiser les discussions.

Face à ce constat, JacquesChirac avai t lancé, en pleinaccord avec Lionel Jospin, uneréflexion menée sous l'égidede Jean-Claude Malet, secré-taire général de la DéfenseNationale (SGDN), en 1998.Elle aboutissait à une nouvelledoctrine nucléaire que le Pré-sident de la République expo-sait le 8 juin 2001 lors d 'undiscours à l'Institut des Hau-tes Études de la Défense Na-tionale (IHEDN), qui signaitl'acte de décès de la guerrefroide : la dissuasion nucléairene menace plus uniquementles États disposant de l 'armenucléaire mais redevient glo-bale comme à ses débuts. Ellevise « tous ceux qui vou-draient menacer le territoireeuropéen avec des armesnucléaires, biologiques ouchimiques. S'ils étaient animésd'intentions hostiles à notreégard, les dirigeants de ces

États doivent savoir qu'ilss'exposeraient à des domma-ges inacceptables pour eux ».Concrètement, il s 'agissai td 'adapter notre dissuasion,f a c e à une p u i s s a n c erégionale, à l'enjeu d'un con-fli t qui ne serait pas notresurvie même. Ce concept ne serésume plus à une dissuasionanti-cités mais évolue versune riposte modulable et àgéométrie variable, selon lan a t u r e et la v a r i é t é desmenaces. Cette révision n'ap-paraissait pas être la premièredepu i s la fin de la guer refroide. Déjà, la France avaitdécidé de renoncer au plateaud'Albion, au missile sol-solHadès et au missile nucléaireM-5 d e s t i n é aux t i r sintercontinentaux.

La loi de programmation mi-litaire 2003-2008 tente de dé-cliner ces nouveaux objectifsautour de trois axes, dont leplus original paraît être lanouvelle orientation prise parles sous-marins nucléaires lan-ceurs d ' e n g i n s (SNLE).Initialement, ils étaient des-tinés à tirer leurs seize missi-les le plus rapidement possiblesur des cibles prédéterminées :la frappe était massive pourfaire le plus de victimes possi-bles chez l'adversaire désigné,qui était l'URSS. Désormais,ces sous-marins pourront pra-tiquer un tir fractionné avecdes têtes nucléaires de puis-sance variable (150 kilotonnesau maximum, le minimumreste secret ). Le vecteur uti-lisé à partir de 2008 sera lemissile M-51. La composante

aérienne res tera , pourl'essentiel, fidèle à l 'arsenalactuel avec les missiles air-solmoyenne portée (AMSP) quiseront perfect ionnés et quisont actuellement emportéspar des avions Mirage 2000 etSuper Étendard puis à partirde 2006 par des R a f a l e s .Enfin, notre pays continuerade développer des outils desimulation indispensables de-puis la fin des essais en vraiegrandeur autour, notamment,du laser mégajoule du Com-missariat à l'énergie atomique.

Mais le débat n'est pas clospour l'instant : certains préco-nisent le recours à des armesnucléaires miniaturisées pourt ra i te r ce r t a ines ciblesterroristes. D'autres veulentamputer les crédi ts dunucléaire, tout simplementpa rce que la d i s suas ioncoûterait trop cher. Toutefoisl'Elysée confirmait toujours saligne de conduite notamment,lorsque à l'été 2004, NicolasSarkozy réclamait un gel descrédits du ministère de la Dé-fense dans ce domaine, en ren-dant des arbitrages favorablesà Mme Alliot-Marie. En fai t ,l'armement nucléaire est d'uncoût l imi té et demeureindispensable. On ne refusepas une assurance sur la vie.

Jacques DUCONSEIL

(1) En monnaie constante, lescrédits du domaine nucléaire pas-sent de 6,2 milliards d'euros en1990 à 3,15 milliards d'euros en2005 (source : projet de loi definances pour 2005 - Défense-N u c l é a i r e , espace e t ' s e r v i c e scommuns). En pourcentage, ilsconstituent 31,4 % du budget deséquipements militaires en 1990,20 % cette année et moins de18 % en 2008 (loi de programma-tion militaire 2003-2008).

Royaliste 853

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Grande Bretagne

L'année anglaise

Gagnant des élections britanniques en maiprochain, Tony Blair sera à la fois président du

G8 et de l'Union européenne.Que pourra-t-il faire ?

Depuis le 1er j a n v i e r , leL u x e m b o u r g a s s u m epour six mois la prési-dence de l 'Union euro-péenne mais la Grande-Bretagne assume celle

du G8 qu ' e l l e cumule ra aveccelle de l ' U . E. au 1 e r j u i l l e t .Plus pet i t pays de l 'Union, leg r a n d - d u c h é e s t d o u b l é(comme au cinéma) par le paysqui doit prendre sa suite et qui,selon les règles de la Troïka,l'accompagne dès cet instant entoute circonstance. Les constel-lations sont favorables à Lon-dres auquel revient pour 2005la p r é s i d e n c e du groupe despays les p lus indus t r ia l i sés .Tony Bla i r , Premier m i n i s t r edepuis 1997, n'a j amais cachéson ambition internationale. Il adonné la priorité à la politiquee x t é r i e u r e , q u ' i l c o n d u i tpersonnellement, sur les préoc-cupations intérieures souventla i ssées à son m i n i s t r e desFinances. Il s'est fréquemmentcru indispensable pour ensuiteretomber de haut. Combien defois n ' a - t - i l pas pensé avoirconvaincu, voire contrôler leprésident américain en s'affir-mant son plus fidèle allié pourse retrouver trompé ? Invaria-blement déçu, il a toujours re-monté la pente tel Sisyphe sansj ama i s se décourager , t ou t ehonte bue. Il a régul ièrementre lancé des projets de con-f é r e n c e ou de m é d i a t i o n ,part iculièrement pour le Pro-che-Orient, en vain, sans ja-mais progresser, sans parvenirà dégeler la Maison-Blanchesur le sujet. Tous ses effortsvont-ils connaître le même sorten 2005 ?

La conjoncture est peut-êtredifférente car Blair voudra i t

bien capitaliser au début du se-cond mandat du président Bushsur les bonnes in ten t ions quih a b i t u e l l e m e n t sont manifes-tées à cette occasion. Mais à cestade, Bush s'est réfugié dansdes général i tés , q u a n d i l n ' apas carrément i n q u i é t é p lu tô tque rassuré.

Le débat in te rne à l 'Europen'aide pas non plus le Premierm i n i s t r e . Les di r igeants sonttrop occupés à gagner l e u r sréférendums sur le traité cons-titutionnel dont il n'ignore pasq u ' i l c o n s t i t u e l a p r i n c i p a l epomme de discorde entre sonopin ion p u b l i q u e e t l u i , a ins iq u ' a v e c l e s o p i n i o n s su r l econt inent . 11 ne peut donc pass'affirmer au cœur de l'Europecomme i l s 'en étai t donnél'ambition il y a sept ans.

Que lui reste-t-il ? L'arme desélections dans son propre paysv r a i s e m b l a b l e m e n t en ma iprochain. Normalement, dansune t e l l e conjoncture , le do-m e s t i q u e devrait prédominer.Or c'est l ' inverse. Parce que,en l ' a b s e n c e de r é e l l ealternance, les conservateursdevant connaî t re une défai tehistorique, le débat se réduit àune querelle de personnalités :le chancel ier de l 'Échiquier ,Gordon Brown, se sent libre dene pas s'absorber dans le bud-get et se sent pousser des ailesen c h e r c h a n t à occupe r , luiaussi, un créneau international,au titre du G8, sur le terrain del 'aide au développement. Dèslors, Blair surenchérit et le dé-bat se circonscrit à la politiqueextérieure, non pas l ' I rak oul ' I ran sur lesquels Londres ned i s p o s e guè re de marge demanœuvre, mais sur les ques-

tions de développement où lamorale peut être sauve.

Car le moralisme est ce quifrappe toujours dans le person-nage de Tony Blair qu i , s ' i l vaj u s q u ' a u terme d ' u n nouveaumandat, soit jusqu'en 2010, dé-passera en longévité non seule-ment Margaret Thatcher maiségalement le président Bush etle président Chirac, survivant àces deux derniers. Tenant d'unediplomatie éthique, sans en ra-jouter sur la religion contraire-ment à son a l l ié américain, ilest en mesure de rassemblermieux que les États-Unis au-delà des critères cu l tu re l s . Enmême temps, i l fait pâ l i r lespo l i t i ques extérieures de sespa r t ena i res e u r o p é e n s . LaFrance, qui mêle considérationsh u m a n i t a i r e s e t r é a l i s m estratégique, fait figure, en dépitdes p lus généreuses proposi-tions du chef de l'État, de paységoïste et arrogant, et recule enAfrique. L'Allemagne sociale-démocrate, pourtant p lus in-fluencée qu'on ne le croit pardes préoccupat ions morales,passe pour matérialiste et fon-damentalement intéressée, alorsque personne, ni Français niAllemand, n'égale l'appétit augain des investisseurs britanni-ques : la politique de l'Angle-terre c 'est son commerce, écri-vait déjà Montesquieu. On n'enpa r l e guère mais s e u l e m e n td'aide au développement, d'ini-tiative pour l'Afrique, de pro-gramme anti-Sida, de réductionde la pauvreté, etc. et sur cesplans on peine à suivre.

Comment se servir de Blair ?Telle est la grande question àl a q u e l l e le p ré s iden t Chiracdoit répondre en 2005. La célé-bration de l 'Entente cordialetombée à plat en 2004 rede-vient d'une étonnante actualitéen 2005.

Yves LA MARCK

* CÔTE D'IVOIRE - Réunie encongrès extraordinaire à Abidjanl'Association des rois et chefs tra-ditionnels de Côte d'Ivoire(ANCT-CI) a annoncé la créationd ' u n « Conseil supérieur des roiset chefs t radi t ionnels ». Composéde vingt et un membres et présidépar Nanan Agnin i Bile II. un an-cien diplomate âgé de 70 ans et roidu D j u a b l i n , ce Conseil aura pourtâche principale d'obtenir des auto-rités polit iques du pays un statutofficiel reconnaissant « leur mis-sion d'interface nécessaire et in-dispensable entre les pouvoirs et lapopulation ». Actuellement un i -quement régis par le droi t coutu-mier et par une loi de 1934 datantde l ' é p o q u e c o l o n i a l e , les chefstraditionnels (douze rois, cent qua-r a n t e c h e f s de t r i bus et 11 800chefs de villages) vont sans douteêtre entendus puisque le présidentLaurent Gbagbo leur a déclaré « ilest effectivement important d'avoirun statut pour réglementer, pourremplacer les textes anciens qui necorrespondent plus à la Côte d'I-voire d'aujourd'hui».

t SUÈDE - R o m p a n t avec sonhab i tue l devoir de réserve, le roiCari Gustav XVI avait publique-ment critiqué l 'apathie du gouver-nement devant les conséquencesdu t s u n a m i dans l 'océan Ind ien .Cette i n t e r v e n t i o n i n h a b i t u e l l eavai t soulevé un tollé de la part duparti social-démocrate au pouvoir.Mais apparemment les Suédoisson t d ' u n a u t r e a v i s p u i s q u e ,comme le rapporte Radio Sweden,la cote de popularité du roi quioscille habituellement entre 65 et70 % est passée à plus de 80 %après son intervention.

^ ITALIE — Dans une lettre ques o n f i l s , l e p r i n c e E m m a n u e lPhilibert, est venu remettre person-n e l l e m e n t à R o m e à A m o sLuzzatto. président de la commu-nauté juive italienne, le chef de lamaison de Savoie, le prince VictorEmmanuel a reconnu « les respon-sabilités politiques et morales duroi Victor Emmanuel III dans lapromulgation des lois raciales en1938 ». A l 'époque, le roi ne s'étaitpas opposé et avait accepté de co-signer les lois raciales édictées parBenito Mussolini . «Rien ne peutjustifier une telle violation desdroits de l'Homme et de l'idéemême de la civilisation. C'est uneerreur d'autant plus grave que ceslois ne reflétaient pas les penséeset l'esprit du peuple italien » aajouté le prince.

* BAHREÏN - Procédant à unremaniement ministériel, le roi Ha-mad ben Issa al-Khalifa a fait ren-t r e r u n e d e u x i è m e f e m m e a ug o u v e r n e m e n t . L e n o u v e a uministre, Fatima al-BIouchi, prendla tête du ministère des Affa i ressoc ia les q u i v i e n t d ' ê t r e créé.L'autre femme Nada Haffadh dé-tient le portefeuille de la Santé. Endépit de l'entrée en force des isla-mistes au Parlement en 2002, le roipoursuit donc son projet de faireévoluer la vie poli t ique et socialede son pays.

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rédéric Encel estprofesseur à l'ESG etenseigne les relationsinternationales àl'ENA et à Sciences-Po/Rennes. AvecFrançois Thual, qui

enseigne au Collège interarmées dedéfense et à l'École pratique deshautes études, il a récemment publiéune Géopolitique d'Israël. Simple etaudacieux leur objectif est d'analyserIsraël comme un Etat nationalclassique qui affirme son existence etson projet historique dans unesituation géopolitique ordinaire où semêlent des facteurs religieux,sociaux, stratégiques... Se détacherdes clichés, des slogans, desfantasmes, c'est permettre laformation de jugements fondés -aussi opposés soient-ils.

PROCHE-ORIEI

Sortir cfantasr

• Royaliste : Le dictionnaireque vous publ iez avecFrançois Thual souligne vo-tre volonté de « sortir desfantasmes ». Pourquoi pri-vilégier cet aspect des cho-ses ?

Frédéric Encel : Parce que lesionisme et Israël sont l'objetde fantasmes tout à fa i textraordinaires.

Un exemple : fin 1997, enHaute Egypte, des émeuteséclatent et leurs responsablesdemandent à parler directe-ment au président Moubarak.Celui-ci finit par recevoir unedélégation qui pose sur le bu-reau du p r é s i d e n t u n . . .chewing-gum. Les déléguésaffirment qu' i ls tiennent làune preuve manifeste du com-plot des sionistes qui ont para-chuté des chewing-gums aph-rodisiaques : dès lors, leshommes n'auraient plus pu sa-tisfaire les épouses prises defolie charnelle - l'humiliationdes mâles entraînant la des-truction de la famille musul-mane traditionnelle !

Ce n'est qu 'une anecdoteparmi des milliers d'autres quimontrent la puissance des fan-tasmes qui agitent les esprits- le plus récent concernantl'empoisonnement de YasserArafat.

Bien entendu, les Égyptiensv ivent dans une situationdifficile, les Palestiniens sonten guerre et l'on peut admettrequ'il y ait des comportementsirrationnels. Mais en France,c'est la même chose : on peutparler de tous les pays et detous les gouvernements étran-

gers de manière plus ou moinspassionnée mais sans pourautant tomber dans des excèsirrationnels. Quand il est ques-tion d'Israël, des personnestout à fai t raisonnables - desintellectuels, des universitai-res - se livrent à des interpré-tations délirantes de la politi-que menée par le gouverne-ment de ce pays.

C'est pourquoi nous avonsdécidé, François Thual et moi,d'écrire ce livre afin de rame-ner Israël au passionnel aurationnel, quelles que soientpar ailleurs nos préférences,nos convictions et notre ex-périence de la ques t ion :François Thual n'est pas unspécialiste du Proche Orient,alors que je m'y intéresse detrès près.

Nous avons voulu établir desfaits aussi précis que possi-ble : nous ne doutons pasqu'ils nourriront des opinionsdivergentes ou opposées mais,du moins, ce seront des opi-nions informées. De fait, ce nesont pas les froides observa-tions des géopoliticiens maisles mythes et les mythomanesqui engendrent les grandescatastrophes. C'est pourquoinous voulons avant tout dissi-per les fantasmes.

• Royal is te : En quoiconsistent, fondamenta-lement, le sionisme et l'Étatd'Israël ?Frédéric Encel : Le judaïsme,c'est une religion et un peu-ple : à partir du moment où ily a une ambivalence et chaquefois qu' i l y a, comme dit monmaître Yves Lacoste, la repré-

sentation d'appartenir à unpeuple et pas seulement à unclan ou à une ethnie, il y arevendication de l'État nation.

Je m'explique. Les Juifs sesont regardés comme peu-ple - au sens de la collectivitépolitique - pendant les millepremières années de leur exis-tence et ils avaient organiséune a d m i n i s t r a t i o n duroyaume très cohérente parrapport à ce qu'on observe àla même époque dans les paysvoisins. Après 70. il n'y a plusde royaume, plus de territoirepropre et les t a lmud i s t e sramènent la représentation dupeuple au culte et à la religion.Pendant ces dix-huit siècles,aucun Juif, à ma connaissance,n'a revendiqué le retour à unecité souveraine.

Telle est l 'origine du pre-mier ma len tendu entre lesJuifs et les musulmans. Que cesoit dans l 'Espagne musul-mane ou dans l ' empi reottoman, les Juifs ne récla-ment rien qui soit politique et,dès lors, ils ne posent aucunproblème aux princes et auxsultans. Les Juifs pouvaientdonc fa i re du commerce etprier en toute t ranqui l l i té .Mais attention ! le métier desarmes, les professions juridi-ques et l'exogamie leur étaientinterdit.

Je souligne ces aspects de lacondition des Juifs en paysm u s u l m a n car on ometgénéralement de les rappelerlorsqu'on évoque l'Andalousiemédiévale et la bienveillancedu pouvoir ottoman. Mais jen'oublie pas que la situation

des Ju i f s était, aux mêmesépoques, beaucoup plus diffi-cile dans les royaumes francset en Europe.

• Royaliste : Hors de toutereprésentation fantasma-tique, en quoi le sionismefait-il événement ?

Frédéric Encel : Le sionisme,c'est tout simplement la vo-lonté d 'un certain nombre deJ u i f s de revenir à ce quipréva la i t quelques d ix-hui tsiècles auparavant : un pilieridentitaire principal constituépar le peuple. Le sionismen ' i n v e n t e donc pas g randchose lorsqu'il revendique unÉtat national pour les Juifspuisque les précurseurs du sio-nisme apparaissent dans ledernier tiers du XIXe siècle, enmême temps que s'affirmentles nationalismes européens.

Quant à leur futur territoire,les sionistes avaient au début'des opinions divergentes : cer-tains pensaient à l 'Ouganda,d 'autres à l 'Argentine avantde f a i r e le choix d 'E re t zIsraël - la Terre^promise.

N'oublions pas non plus quele mouvement sioniste n'étaitpas religieux, mais fortementmarqué à gauche avec unetendance marxiste importante.D 'où le co l l ec t i v i sme deskibboutz, sur lesquels flottentdes drapeaux rouges en bernelorsque Staline meurt en 1953.D'ailleurs, Staline soutient lacréation de l'État juif et faitenvoyer des armes lourdes àl'armée israélienne (elles ontjoué un rôle déc i s i f ) parcequ'il est convaincu qu'Israël

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JT

lesnés

va r e j o i n d r e le camp ducommunisme.

Il y a donc une constructionpolitique de l'État d'Israël, cequi ne veut pas dire que tousles membres du peuple juifparticipent de cette identiténationale. En Europe, vousrencontrerez beaucoup de juifsqui se définissent comme ci-toyens français, hors de touteautre référence . En Israël ,vous verrez des rabbins qui sedéfinissent par leur foi reli-gieuse sans s'impliquer dansla politique de leur pays.

Il n'y a donc vraiment pasde quoi fantasmer sur le sio-nisme : ni sur sa puissance, nisur les liens entre les Juifs etles Américains. Les États-Unisse sont alliés avec Israël en1967 et les différents gouver-nements américains ne leuront jamais accordé de blanc-seing contrairement à ce qu'onaffirme trop souvent. Mêmeaujourd 'hu i , avec GeorgeW. Bush. Israël n'est qu'unevariable parmi d'autres dansles pr i ses de déc is ionsaméricaines.

Fruit du sionisme, Israël estun État qui n'est pas démocra-tique à 100 % mais qui n'estpas du tout théocratique. Il y aun subtil équilibre entre la re-ligion (le samedi est le jourchômé) et la politique.

• Royaliste : Quelles sont lesprincipales caractéristiquesde la guer re au Proche-Orient ?

Frédéric Encel : Apparem-ment, c'est très simple : deuxcents bombes atomiques d'uncôté, des ka l achn ikov de

l 'autre. . . Sur le terrain, c'estbeaucoup plus compliqué.

Revenons en arrière. Dès1947, la guerre était annoncéeavec les Arabes qu'i l faut d'a-bord considérer commemusulmans. Il ne s'agit pas duchoc des civilisations. Dansl'islam arabe, les musulmansn'ont jusqu'à présent jamaisadmis la représentation desJuifs comme peuple consti-tuant ou r econs t i tuan t unenation. Quand 650 000 juifsvivaient dans la Palestine sousmandat britannique, cela neposait aucun problème. Mais,dans l'islam arabe, une terreconquise par les musulmansne peu t j ama i s être rétro-cédée - ni aux Juifs, ni auxchrétiens. Les Juifs ont cepen-dant une particularité : dans latradition arabo-musulmane, ilsne sont jamais perçus commeune nation. Or, selon la chartedes Nations unies, tout peuplea droit à l'autodétermination.

Si les Ju i f s sont reconnuscomme peuple, ils ont le droitde se constituer en nation, surleur territoire historique...

D'où le problème fondamen-tal : lorsque Itshak Rabin s'as-seya i t en face de YasserArafat, l 'un ne percevait pasl ' au t re pour ce q u ' i l était .Nous sommes là dans les re-présentations : Arafat voyaitRabin et tous les Juifs d'Israëlcomme une anomal ie del 'his toire , comme des gensdisposant d'armes modernes etdu soutien de l'Occident chré-tien mais cependant voués à ladisparition. D'ailleurs, les Pa-lestiniens et leurs amis n'ontcessé d'affirmer qu'Israël étaitsur la voie de la décadence etque les Juifs retourneraientdans les pays d'où ils étaientvenus.

• Royaliste : Et comment lesIsraéliens se représentent-ilsles Arabes ?

Frédéric Encel : Les Arabesne les intéressent pas. Ce qui aapprofondi le fossé. Les Is-raéliens ont refondé un État,sur l'idée, qui se retrouve dansla législation, du retour enEretz Israël. Les écoliers ap-prennent qu'Israël a été oc-cupé pendant dix-neuf siècles.Pendant longtemps, les Is-raéliens ont été persuadés queles Palestiniens n'avaient qu'às'installer dans d'autres paysarabes ; ils ne comprenaientpas pourquoi ils refusaient ded e v e n i r Jo rdan iens ouÉgyptiens. C'est seulementdepuis la première Intifadaqu'ils ont admis que les Pales-tiniens s'étaient dotés d 'uneconscience nationale.

Pour comprendre les guerresau Proche Orient, il faut avoirà l'esprit ce fossé abyssal dansles représentations des Arabeset dans celles des Juifs.

• Royaliste : Comment ana-lysez-vous la situation, de-puis la mort d'Arafat ?

Frédéric Encel : D'abord, ilfaut sortir du sentimentalisme.On a parlé de tendresse à pro-pos des accords d'Oslo - etnous avons vu le résultat san-glant de ces e f f u s i o n sromanesques. Il faut aussi segarder de définir les protago-nistes selon des concepts quin'ont pas grand sens dans lesrelations internationales. Mah-moud Abbas a écrit autrefoisune thèse révisionniste : celan'empêche pas q u ' i l repré-sente aujourd'hui un espoir.Ariel Sharon est un mili tairedur de dur. Mais c'est lui quia décidé le retrait de la bandede Gaza, que la gauche is-raélienne n'a pas été capablede faire. N'oublions pas quec'est l'aimable Shimon Pèresqui a été à l'origine de grossesimplantat ions ju ives quiaujourd'hui posent problème.

L'analyse doit être géopoliti-que : il ne s'agit pas de réglerdes comptes sur le passé, depublier des anathèmes ou defa i re preuve de générositémais de prendre la mesure desrapports de force et d'établiren fonct ion de ceux-ci despropositions raisonnables.

Arafat n'a pas compris quele déclenchement de la se-conde Intifada serait catastro-phique - ce qui a été le cas -alors que Mahmoud Abbas luiavait demandé de renoncer àla militarisation de la lutte. Cedernier est un pragmatique, demême que Sharon, mil i ta i renationaliste qui a démantelédes implanta t ions quand ilétait ministre de la Défense en1982. Sharon n'est ni gentil niméchant, c'est un homme d'É-tat qui tente de réaliser ce quiconvient le mieux pour la dé-fense de sa population - mêmes'il faut en passer par des mo-ments douloureux.

L'espoir, au Proche Orient,est dans cette double recon-naissance des réalités géopoli-tiques à partir de laquelle ildeviendra possible de faire lapaix.

Propos recueillis auxMercredis de la NAR

• Juillet 2000. Camp David IL Ehoud Barak et Yasser Arafat.Deux mains tendues mais une incompréhension réciproque.

Frédéric Encelet François Thual

Géopolitique d'Israël,dictionnaire pour sortir

des fantasmes

prix franco : 23 €.

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Revue

Balkans

Après le déferlement d ' i -mages et de déc lama-tions compassionnelles,dans la dernière décen-nie du siècle dernier, lesmédias font silence sur

les Balkans. Quelques mots surla candidature croate à l 'Unioneuropéenne, un reportage sur lamafia albanaise, quelques phra-ses sur des r é su l t a t s électo-raux . . . Faut - i l s ' i n d i g n e r decette indifférence ? Non. Lesinnombrables images diffuséesnaguère ne permettraient pas decomprendre les s i tuat ions deguerre et les commentaires n'é-taient que des marqueurs idéo-logiques de la pensée correcte.

Pourtant, les nations balkani-ques constituent une partie im-portante de l'Europe et sont ap-p e l é e s à r e j o i n d r e l ' U n i o neuropéenne. Dans quel ordre ?À q u e l l e s c o n d i t i o n s ? Cesq u e s t i o n s s o n t i n f i n i m e n tdélicates. La revue Agir (1) yapporte des réponses variées etcomplexes qui permet tent ded r e s s e r un é ta t g é n é r a l deslieux.

Regards précis sur l 'histoire,sur les stratégies des puissancespendant les récents conflits, surl e s i d e n t i t é s n a t i o n a l e s e treligieuses, bilan et perspecti-ves démographiques, examendu processus d'intégration desB a l k a n s dans l ' U n i o neuropéenne, aperçus sur les ré-seaux criminels, éléments d'a-nalyse économique - par exem-ple sur les investissements di-rects étrangers : de dures véri-tés sont e x p r i m é e s par lesauteurs et certains points sontcontestables.

On se souviendra cependantque, quant aux Balkans, il estdifficile d'être pleinement d'ac-cord avec q u e l q u ' u n d ' a u t r e- et ave c soi-même.

Maria DA SILVACP (1) Agir, Revue générale destratégie, n°19, octobre 2004, prixfranco : 15 €.

Globalisation

L'économietrafiquante

A partir d'une étude rédigée pour le Quaid'Orsay et jetée dans ses oubliettes, Jean de

Maillard expose dans un ouvrage très informé lalogique criminogène de la dérégulation ultra-

libérale.

Du i s q u ' i l es t ques t iond'économie, il est debonne méthode de pu-blier quelques données.Celles qui touchent lesactivités criminelles dé-

pas sen t l ' e n t e n d e m e n t :comme les affaires mafieusesconnues portent sur des cen-taines de millions de dollars,c'est en milliers de milliardsde dollars qu ' i l fau t estimerles sommes qui circulent dansl'économie souterraine. À luis e u l , le marché de lacontrefaçon représente plu-sieurs centaines de milliardsde dollars. Premier paradoxe :la fameuse transparence de lasociété moderne n'est q u ' u nminuscule aspect d 'une opa-cité généralisée. Nous en sa-vons très peu sur les circuits etles pratiques mafieuses et sur-tou t nous ne v o u l o n s passavoir.

Savoir, ce serait reconnaîtreune évidence : la collecte desbiens économiques i l l icites(drogues, femmes et enfants àprostituer etc.), leur vente surles marchés clandestins ou àciel o u v e r t , la ges t ion desf o n d s m a f i e u x e t l eurblanchiment, mobilise de parle monde une foule considéra-ble d'agents et de complices( c a m i o n n e u r s , d o u a n i e r s ,banquiers) qui exécutent destâches impor t an te s ou trèshumbles et reçoivent en retourdes sommes qui font tournerle commerce : vê t emen t s ,véhicules, appartements...

Vérité apparente du libéra-lisme : toutes ces ac t iv i téséconomiques régies par la loide l ' o f f r e et de la demande

constituent un marché. Men-songe du libéralisme : ce mar-ché est en f a i t un contre-mar-ché qui ne fonctionnerait passans l 'u t i l i sa t ion de moyensviolents - pensons au marchéde la prostitution.

On p o u r r a i t cependant serassurer en se disant que cecontre-marché est en dehorsde la société normale qui est,quant à elle, dirigée par desgens décidés, sauf exception, àdétruire les mafias.

C'est là une autre illusion,dénoncée avec pertinence parJean de Maillard (1). Les acti-vités illicites ne sont pas enmarge du c a p i t a l i s m eglobalisé. Elles ne sont pas aucœur du système comme unv i r u s , ma i s le cœur dusystème. Elles ne sont pasvouées à rester, malgré tout,hors la loi : elles se légalisent,s ' é t a t i s e n t , s ' i n s t i t u t i o n -nalisent.

Magistrat, spécialiste de lacriminalité internationale, Jeande Maillard décrit de manièredétaillée cette « économie tra-fiquante » qui fonctionne et sedéveloppe parce que les pou-voirs publics acceptent quedes banques tournent commedes blanchisseuses, parce queles gouvernements se serventdes places f inancières off-shore, parce que des États ma-fieux sont apparus en Asie eten E u r o p e , qu i u t i l i s e n tl'armée, la police et les doua-nes pour le commerce de ladrogue et des cigarettes.

C o r r u p t i o n général isée ?Non. Mais l'homme politique

vertueux qui vote une loi ré-pressive augmente la va l eu rdes marchandises i l l icites etaccroît la rentabilité du trafic :l 'ef fe t pervers de la Prohibi-tion s'est aujourd'hui mondia-lisé...

Le laxisme n 'est pas nonp l u s une s o l u t i o n e t l esmeilleures méthodes de traquetechnologique ne sont que desréponses tardives et maladroi-tes aux usages i l légaux desp r o g r è s t e c h n i q u e s - parexemple la cybercriminalité.

De ces a n g o i s s a n t sconstants, Jean de Maillarddonne une interprétation théo-rique générale. Il est dommagequ'il s'appuie sur Max Weberet utilise sa formulation, aussicélèbre qu'insensée, du mono-pole étatique de la violencelégitime : l 'État est légitimelorsqu ' i l refoule la violencesociale par la mise en œuvredu droit politique. Il ne peutdonc y avoir d '« illégalité lé-gitime » ni de « légitimation »de pratiques délictueuses maisseulement des décisions quirendent admissibles, accep-tables, excusables des prati-ques qui restent, en tout étatde cause, illégales.

Cette c r i t i q u e ouvre undébat. Elle ne diminue en rienl 'analyse de la dérégulat ionfinancière qui commence avecla dévaluat ion du dol la r en1971 et qui se confirme grâceà la l i b r e c i r c u l a t i o n descapitaux%Tout ceci sous l'é-gide des États-Unis, qui impo-sent une prétendue « économiede marché » dont ils ne res-pectent pas les règles. Autreparadoxe, chargé de violence.

Sylvie FERNOY03 (1) Jean de Mai l lard - « Lerapport censuré, Critique nonautorisée d'un monde déréglé »,F l a m m a r i o n , 2004 , p r i xfranco : 22 €.

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IdéesRetour auvingtième

siècle

On parle beaucoup en ce moment du philosophe AlainBadiou et de son dernier ouvrage. À juste raison. Lepenseur est o r ig ina l , parfois profond. On peut mêmediscerner en lui une sorte d'aristocrate intellectuel,l i b r e des préjugés les p lus courants, faisant son mie ldes plus hautes déterminations de la culture et traçant

un sillage particulier dans le monde et dans le temps. Voulantfaire une sorte de b i l a n de ce que fut levingtième siècle, il dessine une méthode quia sa pertinence, puisqu 'e l le nous fait décou-vrir des coordonnées qui valent bien certai-nes problématisat ions paresseuses. Resteq u ' A l a i n Badiou entend demeurer presqueférocement fidèle à la radicalité révolution-naire des1 années soixante, soixante-dix, etq u ' i l invoque encore sans frémir le patro-nage de Lénine et de Mao. D 'une certainefaçon, ce siècle, dont il recherche obstiné-ment le secret, demeure le sien, jusque danssa dureté, son absoluité.

Ce secret il le pourchasse dans diversd o m a i n e s : p o l i t i q u e , p h i l o s o p h i e ,psychanalyse, poésie, arts. On retient notam-ment sa f ami l i a r i t é avec que lques poètescomme Pessoa et Saint-John Perse qu ' i l as-socie à Bertholt Brecht, sans oubl ier PaulCelan. J 'avoue mon admiration pour soncommentaire précis et de haute volée, quinous fait comprendre souvent bien mieux

par Gérard Leclerc

qu 'au travers de longs traités théoriques, l 'énigme d 'uneépoque. Alors que ce qu ' i l appelle le petit siècle, et qui faitsuite au siècle avec la victoire libérale des années quatre-v i n g t , s ' a p p l i q u e à l ' a f f i r m a t i o n de l ' i n d i v i d u a l i s m edémocratique, Badiou demeure fasciné par l'aspiration à laTotalité, au Nous, même fusionne! cher à Sartre. Il consentpourtant que le mouvement, la traversée (l'anabase) qui con-d u i t à l ' identification d 'un Je comme Nous à souffert desconvulsions totalitaires. D'où différence d'accent entre Saint-John Perse et Celan. Pourtant, déjà le premier reconnaît : « Ungrand principe de violence commandait à nos mœurs. » Nullesécurité dans le siècle : violence, absence, errance. Avec PaulCelan, l 'éloquence disparaît dans la concision extrême. Dunous sartrien, errant et victorieux, on est passé au fragile appelà être ensemble.

L'enjeu d 'une telle réflexion n'est pas du tout étranger audébat actuel. La fin de la fraternité révolutionnaire a-t-ellesonné la disparition pure et simple du nous ? « Nous refusonsde dire, avec les acteurs de la Restauration : il n 'y a que desindividus en concurrence pour le bonheur, et toute fraternitéactive est suspecte. » Le privilège de l ' intellectuel consiste,sans doute, à établir des relations inattendues entre les motsdes poètes et la réali té sociale et pol i t ique : « Ensemble,notons-le, était le principal et étrange mot d'ordre des mani-festations de décembre 1995. Il n 'y en avait même aucunautre, en tout cas qui soit une invention, qui ait puissance denommer l'anabase des manifestants. » Mais il est une autredimension vingtiémiste aujourd'hui en péril, qui se rapporte-rait plutôt au domaine général des arts et qui concerne lesavant-gardes, celles dont les manifestes n'ont cessé de ponc-tuer le temps, comme autant de volontés de faire toute chose

nouvel le , de marque r une différence décis ive . I l s 'agit dechanger de signe, en trouvant parfois la formule magique quis'empare de la si tuation, p u i s q u ' e l l e est reprise par des mil-liers de gens en marche. C'est aussi la passion du réel quis 'affirme. Le d ix-neuvième avait été l ' è re de l 'u topie et duprojet. Le v ingt ième fut le moment du total invest issementdans l'action, au prix de tous les risques, notamment ceux dela cruauté.

S i g n i f i c a t i v e m e n t , Bad iou a t o u t un c h a p i t r e i n t i t u l écruautés, où avec le secours aussi des poètes il peut posersubjectivement l 'un des aspects les moins contestables dusiècle. Peut-être atteignons-nous là une dimension redoutableoù se révélera un désaccord décisif. Car il apparaît que dansl 'écho que lui donnent les poètes, la cruauté est en que lquesorte justifiée, et donc qu 'e l le se justifie presque de soi un peuà la manière de la violence l én in i s t e accoucheuse de l 'h is -toire : « On est dans le moment où l'individu est en quelquesorte transcendé par quelque chose de plus vaste quelui ( . . . ) Moment où la subjectivité personnelle éclate, sediscute ou se constitue autrement (...) L'idée ne peut prendre

corps que dans un nous, mais le je n 'accèdeà sa dissolution qu 'au risque assumé, voiredésiré du supplice. » N'y a-t-il pas risqued'esthétisation de la souffrance dans unedémarche à la fois orgueilleuse et cynique,celle des grands révolutionnaires toujours aubord de tomber dans le nihi l isme et la ter-reur ?

Le risque réapparaît c lairement en fin dulivre, lorsque Badiou se moque cruellementde la propension actuelle à la compassionpour les victimes. Que dire d'un tel déra-page : « D'où provient en effet qu 'aujour-d'hui il ne soit lourdement question del'homme que sous la forme du supplicié, dumassacré, de l'affamé, du génocide ? Sinonde ce que l'homme n 'est plus que la donnéeanimale d'un corps, dont l'altération lapinsspectaculaire, la seule qui soit vendable (etnous sommes dans le grand marché), on lesait depuis les jeux du cirque est la souf-france ? » Et encore : « Disons que ce que

les démocraties contemporaines entendent imposer à laplanète est un humanisme animal. L 'homme n 'y existe quecomme digne de pitié. L'homme est un animal pitoyable. »Sans contester ce qu ' i l peut y avoir parfois de manipulationpar les sentiments dans beaucoup d'opérations humanitaires,on ne peut laisser passer pareille déclaration du pire stylenietzschéen. La philosophie révolutionnaire n 'unit-el le pasléninisme et fascisme dans une indifférence aristocratique à lapauvre humanité ? Le goût des avant-gardes ne s'origine-t-ilpas dans une volonté transgressive où s 'a f f i rmera ient lesurhomme, l'acteur impitoyable de l'histoire prométhéenne ?

Pourtant, il arrive à Alain Badiou de désigner avec perti-nence les défauts les plus graves de ce libéralisme économiquequ'il exècre (malheureusement il exècre tout autant le libéra-lisme pol i t ique dont il faudrait - l 'exemple de Tocquevillea idan t - l e distinguer soigneusement). Exaltant le projet del'homme nouveau qui suppose la rupture et la fondation d'unmonde politique nouveau, notre philosophe l'oppose à la non-volonté actuelle. Et pourtant « c'est aujourd'hui avec lesmanipulations génétiques, qu 'on s 'apprête là à changer réel-lement l'homme, à modifier l'espèce » Mais ce changement necorrespond à aucun projet. Nous donnons dans l'automatismedes choses. L'observation est pleinement justifiée, mais elle necorrige pas l'aristocratisme forcené et cruel dont l'admirateurde Mao demeure, en dépit de ses raffinements culturels, lepartisan passionné. Badiou a du succès, nous dit-on ? Leretour à la radicalité n'est pas forcément une bonne nouvelle.

CCS Alain Badiou - « Le Siècle », Coll . L'ordre philosophique, Seuil,prix franco : 24 €.

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Refrains

Mr Eddy

Ses a f i c i o n a d o s lepressentaient, cet albumnous le confirme : leschansons d 'Eddy Mit-che l l p o s s è d e n t u n e

f o r c e v i s u e l l e , u n t emponarrat if . C'est donc un réelplaisir que de non seulementles entendre mais les lire et lesregarder comme on redécou-vre un vieil album souvenir.

Sous le crayon de différentsdessinateurs - donc autant destyle et de lecture - dix-huitchansons de Mr Eddy s'illus-trent et se déc l inent commeautant de petites histoires. Ony rencontre quelques-uns desgrands noms de la BD con-t empora ine : Floch, Dany,Taymans, Springer ou Griffopour n ' e n c i t e r q u ' u nminimum. On re t rouve unepoésie tantôt mélancol iquetantôt ironique. On se coltineavec le désenchantement dumonde moderne ou les rêvesd 'espaces i n f i n i s à j amai sinaccessibles. On p e u t , uninstant, fermer les paupières etalors sons et images se mêlentrendant vaguement groggy etheureux de l'être.

L'éditeur a eu l 'excellenteidée de mettre les textes deschansons ainsi i l lus t rées etd'intercaler de brefs entretiensde Mr Eddy où l'on s'aperçoitque ce dernier est aussi éruditen bandes dessinées q u ' e ncinéma. Alors ne mégotonspas notre pla is i r et précipi-tons-nous acheter ce fort belalbum.

Bruno DIAZ

D3 « Les C h a n s o n s de MrEddy », album de BD accompa-gné d 'un CD audio, Éd. Soleil,prix franco : 34.90 €.

Partisan

La libertéguidait nos pas

Les témoins et les acteurs se font rares, raison deplus pour encore et encore les écouter, savoir ce

qu'ils ont fait et vécu alors même que l'imbé-cillité au front de taureau se déchaîne à salir leur

héroïsme et amoindrir leurs mérites.

Soixante ans ont passé ; teur souligne ce fait comme sion sait ce que furent les l 'engagement de ces dernierscamps d 'ex te rmina t ion relevait du surnaturel, commu-nazis, u l t ime étape pour nistes en rupture avec les direc-tant de résistants, hom- tives officielles du parti et qui„,„„ „* f , I A : A , n 'ava ient pas a t tendu, après

oixante ans ont passe ;on sait ce que furent lescamps d 'ex te rmina t ionnazis, ul t ime étape pourtant de résistants, hom-mes et f e m m e s , déjà

marqués dans l e u r corps pard'épouvantables tortures. Jac-ques Baumel fut l ' u n de cescombattants de l 'ombre qui apu 'échapper à la capture. CeCévenol, protestant convaincu,jeune médecin fut l 'un des pre-miers à refuser l 'humiliation dela défaite ; il entra dans la clan-destinité pour occuper rapide-ment les fonctions de secrétairegénéral des mouvements unisde la R é s i s t a n c e . « Lieuxgéométriques des trois princi-paux mouvements de la Résis-tance en zone sud. » À cepos te , i l f u t u n t é m o i nprivilégié. Le regard qu'il portesur les hommes de l'ombre,leurs combats, parfois leur riva-l i t é e t m ê m e ce r t a inestrahisons, présente - à défautde nouvelles révélations - ungrand intérêt.

La liberté guidait nos pasn ' e s t pas une h i s t o i r e de laRésistance. C'est une série deportraits, d'anecdotes, de rappelde faits sai l lants , ses courtsc h a p i t r e s d i s e n t l a v ie , l e sluttes, la mort, parfois aussi lesourire et même l 'amour dansun étrange univers. Ces pagesont aussi été éc r i t es par unpartisan, engagé dans le gaul-lisme ; elles en portent naturel-lement la trace, il faut accepterce regard sans que l 'honnêtetéde l'auteur puisse être le moin-drement mise en cause.

Qui fu ren t les Résistants ?Des gens de tous bords, de tousmilieux : sans parti, socialistes,démocrates, royalistes et Pau-

l ' o p é r a t i o n Ba rba rosa , q u eMoscou « les autorise à se sen-tir Français. » Réaction spon-tanée contre l ' inacceptable, ir-rationnelle même tant la partieengagée contre les Allemandset leur armée semblait un pariinsensé.

Amateurs, ils le furent tous, ycompris les militaires dont laformation ne les avait pas pré-parés à ce genre de guerre, cequi, parfois même, leur fut unhandicap supplémentaire. Con-tre toute logique tant leur vo-lonté de vaincre est farouche,ces résistants de la premièreheure se rassemblent, s'orga-nisent, se structurent, ils luttent.Surgissent alors des difficultésd'ordre interne : qui va fédérerun ensemble s i hétérogène,pour quels objectifs politiquesà mettre en œuvre après la vic-toire ?

Trois conceptions s'affron-tent : les nostalgiques de la IIIe

République, les gaullistes et lescommuni s t e s . C o m m u n i s t e sdont l 'auteur oppose l'héroïsmedes s imples mi l i t an t s au cy-nisme de leurs dirigeants, em-ployant tous les moyens, mêmeles plus douteux, afin de colo-niser le mouvement. Opposi-tions doctrinales, querelles depersonnes , J acques Baume lrapporte la véritable haine quiopposait Jean Moulin et PierreBrossolet te dont i l suggèrequ'elle fût à l 'origine de la fint ragique de ces deux f iguresemblématiques. Rappeler celac'est dire que la Résistance fut

1'-œuvre d 'hommes avec leurspass ions , l e u r s peu r s , l e u r sfaiblesses, ce n'est pas amoin-drir le mérite de l 'ensemble, deces Soutiers de la gloire,innombrables, « qui moururentdans l'obscurité pathétique descales ».

De beaux portraits « de résis-tants injustement oubliés »,beaucoup de noms connus, desfigures splendides que l'auteur,à son poste, a rencont rées :Berthie Albrecht, Geneviève deGaulle, le général Delestraint,Cavaillès et Michelet, le philo-sophe et le s a in t . . . Desintrigants, des ambitieux, descarriéristes aussi, dont, selonBaumel , l ' e x e m p l e typ ique ,jusqu 'à la caricature, demeureF r a n ç o i s M i t t e r r a n d à« l'ambition dévorante » dontle portrait dressé dans ces pa-ges rejoint celui fait par HenriFrenay dans son beau La nuitfinira. Après avoir refusé à deGau l l e de servir sous l ' u n i -forme dans l ' a r m é e d ' I t a l i e« ce qui ne correspondait pas àson plan de carrière »l'homme entra en Résistance.« Nous ne mesurions pas songénie si particulier à tout com-pliquer et à faire naître sousses pas intrigues, conflits et dif-ficultés de toutes sortes. »

Aléa s d ' u n e a v e n t u r e h u -maine exceptionnelle que la ré-sistance dans sa globali té a susurmonter. L'idéal de liberté àr e c o n q u é r i r v a l a i t c e ssacrifices, ils furent consentis.Les faiblesses de certains, rap-pe lées avec p e u t - ê t r e t ropd'insistance, ne doivent pas oc-culter l'immense courage de lagrande majorité de ces combat-tants de l'ombre. Le livre deBaume l es t un t é m o i g n a g ecaptivant, il doit être lu.

Michel FONTAURELLECP Jacques Baume! - « La libertéguidait nos pas », Pion, pr ixfranco ; 19 €.

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Le 25 janvier, bravant le vent glacé, plusieurs dizaines deroyalistes s 'étaient rassemblés devant le 7 du quai

Voltaire, à Paris, où était situé en 1944 le siège clandestindu réseau de renseignement créé par Hubert de Lagarde. Ils'agissait de commémorer le 60e anniversaire de la mort, en1945, de ce royaliste au camp de Dora et d'y associer lamémoire des autres résistants royalistes assassinés par lesnazis.

Dans son al locution, François-Marin Fleutot, instigateurde cette manifes ta t ion , rappela brièvement les principauxépisodes de l 'act ion d 'Hubert de Lagarde et énuméra lesnoms de quelques-uns des royalistes morts pour la Francelibre : Jacques Rcnouv in (mort eu camp de Mauthausen) ,Raymond T o u b l a n c (mor t eu camp de Neuengamme) ,Honoré d 'Estienne d 'Orves (fusi l lé au mont Valér ien) ,Henri Veit ( f u s i l l é à Bel for t ) . . . Une gerbe fut ensu i tedéposée par Philippe Boiry, président de la Centurie desplus jeunes combattants volontaires de la Résistance. Aprèsune minu te de s i lence et de recue i l lement , l 'assistanceentonna Le Chant des partisans.

Aux côtés d ' Y v a n Aumont et de Bertrand Renouv in ,représentants le Comité directeur, de nombreux militants dela Nouvelle action royaliste sont venus prendre part à cettemanifestation.

MERCREDIS DE LA NAR

CONGRES

Le Congrès a n n u e l de laNAR se t iendra les 19 et 20mars 2005. Rappe lons quetous les adhérents de la NARpeuvent participer au t r ava i ldes commissions (le 19 mars).Bonne occasion pour ceux denos lecteurs qui voudraients'impliquer plus à fond dansnotre action d'adhérer à laNAR (formulaire envoyé sursimple demande). Les thèmesretenus pour cette année sont,d'une part, "La réforme descorps centraux de l'État" et,d ' a u t r e p a r t , "Ledémantèlement du droitsocial"

Merci de noter cette date survos agendas.

RELIURES

Nous mettons à la disposi-tion des lecteurs qui désirentconserver leur collection dujournal , une très belle reliureple ine toile bleue f rappéed ' u n e f l e u r de lys e t aveci n s c r i p t i o n « Royaliste »dorée.

> Cette r e l i u r e permet dec o n t e n i r 52 n u m é r o s dujournal . Elle est vendue auprix de 15 6 franco.> Nous disposons aussi d'an-ciens numéros du journal pourcompléter les collections (prixfranco : 2,60 € pièce).!> V e n d u s a u s s i par annéecomplète (47 € f ranco) de1977 à 2004 (sauf 1979).

^ A Paris, chaque mercredi, nousaccueillons nos sympathisants dansnos l o c a u x ( 1 7 , rue des P e t i t s -Champs, Paris 1er, 4e étage) pour undébat avec un conférencier, person-nalité politique ou écrivain.^ La conférence commence à 20heures très précises (accueil à par-tir de 19 h 45 - Entrée l ibre , uneparticipation aux frais de 1,50 € estdemandée), e l l e s'achève à 22 h.Une carte d'"abonné des mercredis"annuel le (8 €) permet d'assistergratuitement à toutes les conféren-ces et de recevoir chaque mois leprogramme à domicile.4 Après la c o n f é r e n c e , à 22heures, un repas amical est servipour ceux qui désirent poursuivreles discussions (part ic ipat ion auxfrais du dîner 5 €).

• M e r c r e d i 9 f é v r i e r :Mouvement intellectuel et or-ganisation politique, journalquotidien et l igue mil i tante ,l 'Action française a marquéson époque - celle de la IIIe

République — avant de lier sonsort au r ég ime de Vichy.Après plus de trente années decombats virulents et de polé-miques impitoyables, que res-te-t-il de ce courant principa-lement représenté par CharlesMaurras ? Longtemps, les fi-délités passionnées et les hai-nes farouches ont troublé lesjugements. Les émotions sontretombées et la parole appar-t i e n t m a i n t e n a n t a u xhistoriens. Professeur d'his-toire contemporaine à l 'Uni-versité de Lille 3, auteur d 'unouvrage sur la condamnationde l'A.F. par le Vatican. Jac-ques PREVOTAT v ient depublier un « Que sais-je ? »sur ce courant monarchis teabsolutiste. Nous lui avonsd e m a n d é d ' e x p o s e r

« L' inf luence de l 'Act ionfrançaise » sur son temps etdans la seconde moit ié duXXe siècle. Quelques témoinsse j o i n d r o n t à not re i n v i t épour animer le débat.• Mercredi 16 f évr i er -Grand reporter au Figaro, trèsapprécié pour ses d ia loguesavec Christophe Barbier sur i-télévision, Éric ZEMMOURest l ' a u t e u r de s ix l i v r e s ,parmi lesquels une biographied'Edouard Balladur, une ana-lyse très remarquée de Jac-ques Chirac («L'homme quine s'aimait pas », voir Roya-liste n° 789) et un r o m a nbalzac ien (« L'Autre ») quiconte, avec cruauté, l'ascen-sion vers les sommets d ' u nhomme qui ressemble fort auprésident de la République. Acet observateur qui fait preuved ' u n e r a r e i n d é p e n d a n c ed'esprit, nous avons demandéde n o u s e x p l i q u e r « Ladroite » : ses caractéristiquese s s e n t i e l l e s , s e s l u t t e si n t e r n e s , l e s e n s de s e sv i c t o i r e s , la n a t u r e de sad o m i n a t i o n , l e po ids des« a f fa i r e s », les cert i tudes,mal connues, parfois étrangeset inquié tan tes , qui animentses principaux dirigeants.• Mercredi 23 février et 2mars - Pas de conférence enraison des vacances d'hiver.

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« mercredis » et avoirl'accès gratuit à toutes

les réunions, prenez une"carte d'abonné" (8 €

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La France n'estpas coupable

AAuschwitz le 27 janvier,M. Chirac a tenu des pro-pos inacceptables. Évo-

quant les juifs français victimesdu nazisme, le président de laR é p u b l i q u e a déc la ré ceci :« Votre souvenir, celui de ce« monde qui fut », est pour laFrance plus qu'une douleur. Ilest la conscience d'une faute. Ilest une exigence de responsabi-lité ».

Les citoyens français commé-morent dans la dou l eu r lesoixantième anniversaire de lalibération des camps. Au souve-nir du génocide, ils savent mieuxqu'avant la guerre les responsa-bilités qu'ils doivent prendre. Ilsn'ignorent pas que les collabora-teurs de l'Occupant ont appelé àla persécution des Juifs, l'ont or-ganisée et mise en œuvre. Ilsn'oublient pas non plus que lestraîtres ont été jugés, condamnésà la prison ou à la peine de mortà la Libération - quand ils n'a-vaient pas été exécutés par laRésistance.

Contrairement à ce qu 'aff i r -ment quelques p l u m i t i f s , cessouvenirs tragiques demeurentvifs et ils ont été transmis. Maisla pol i t ique de co l labora t ionmenée par certains individus, pu-nis pour leurs crimes, n'autorisepas le président de la Républi-que française à proclamer à laface du monde, lors d'une céré-monie particulièrement solennel-le, que la France a conscienced'une faute.

Cette opinion est scandaleuse :elle trouble les esprits, elle di-vise les citoyens, elle provoqueune immense colère.

Il faut cependant opposer defroides raisons aux propos tenuspar M. Chirac. L'important n'estpas de lui faire part de l'indigna-tion d'une collectivité et de la

blessure ressentie par plusieursde ses membres, mais de dénon-cer son irresponsabil i té en cemoment précis de l'histoire : ce-lui où les rescapés des campsnazis transmettent ce qu'ils ontvécu à leurs enfants, à leurs pe-tits-enfants et à l'ensemble desgénérations qui n'ont pas subi lepoids de la guerre.

On appelle cela le devoir demémoire (1) sans jamais penseraux possibles errements de ceuxqui font la dictée. Le devoir,pour M. Chirac, c'est l 'obliga-

tion d'enseigner l'histoire d'unefaute, la mémoire d'une terri-f i a n t e c u l p a b i l i t é . Pour l u i« notre pays a reconnu en 1995ce que fut la réalité de sonhistoire. Ce que furent ses res-ponsabilités ». Selon lui, « c'estdans cet esprit que nos profes-seurs ont le devoir et la missionde transmettre et de transmettreencore toute la vérité sur cesannées ».

Comme si la vérité pouvait te-nir dans ce mélange de dolo-risme et d ' invent ions histori-ques.

La vérité a été énoncée par legénéral de Gaulle dès 1940 etpar tous nos chefs d'État jus-qu'en 1995 : Vichy fut un pou-voir de fait, non un État de droit.

Vichy était illégitime selon tou-tes les définit ions de la légiti-mité : le dictateur autoproclaméacceptait la destruction de l'u-nité du pays et la perte de l'indé-pendance nationale, ne garantis-sait pas la sûreté des citoyens,récusait les droits de l'homme etdirigeait le pays sans Consti-tution.

Tous les actes de ce pouvoir defait étaient illégaux, pour cetteseule raison que la loi est l 'ex-pression de la volonté généraleet que celle-ci ne p o u v a i t enaucune manière s'exprimer (2).

Si l'on reconnaît aujourd'hui lalégalité d'un pouvoir qui a cons-tamment violé la Déclaration de1789 et les principes générauxdu droit (égalité, non-rétroacti-vité des lois . . . ) , alors il faut entirer toutes les conséquences :dire que la condamnation à mortdu généra l de G a u l l e é ta i tjustifiée, dire que les Résistantsétaient les voyous et les terroris-tes dénoncés par la presse vi-chyste et pourchassés par laMilice.

En vieil expert des poids etmesures, M. Chirac a remerciéles « Résistants, militants politi-ques et syndicaux, patriotes,condamnés parce qu'animésd'une certaine idée de l'homme,de la nation, de la société, de laFrance, votre patrie ( . . . ) ».Mais ce fut après avoir reniéleur conviction première : l'idéesimple et jus te que la Franceétait à Londres avec le généralde Gaulle, à Alger avec le Gou-.vernement proviso i re , q u ' i l sétaient eux-mêmes, à Koufra, àBir Hakeim, dans leurs réseauxet leurs maqu i s , la Francecombattante.

M. Chirac a-t-il jamais su cequ'il en est de la France ?

Bertrand RENOUVIN

(1) cf. mon article en page 2.

(2) cf. l'article de Jacques Blangy, Vi-chy un « État républicain » ! dansRoyaliste n° 793, page 4.