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128 BOULEVARD AUGUSTE BLANQUI 75013 PARIS - 01 44 08 69 30 NOV 13 Bimensuel Surface approx. (cm²) : 4004 N° de page : 19-26 Page 1/8 ERES2 8526508300524/FCC/OTO/3 Eléments de recherche : EDITIONS ERES : maison d'édition, uniquement les critiques d'ouvrages, passages significatifs ENFANTS ET NUMÉ- RIQUE Une éducation au bon usage du numérique L'intrusion du numérique et de l'internet dans la sphère publique et privée n'est pas nouvelle, mais elle semble toujours autant questionner les missions éducatives de l'école et des enseignants. À en croire des spécialistes de l'éducation au numérique, la maîtrise technique de l'outil compte moins que la posture de l'éducateur pour qu'Internet devienne un outil créateur de savoirs et de citoyenneté. «fl i u cours du XXI" siècle, tout le monde sera «native», alors il faut passer à l'aire de la «sagesse numé- rique», c'est-à-dire penser à la combinaison de l'humain et de la machine, faire la bonne symbiose entre les deux. Il faut réfléchir aux capacités du cer- veau et aux capacités des machines, laisser à ces dernières ce qu'elles font mieux que le premier et réciproquement». Marc Prensky est d'un naturel enthousiaste Cet américain, est l'auteur du concept contro- versé de « digital natives » désignant les per- sonnes nées avec le numérique Auteur de nombreux ouvrages, cet ancien enseignant à Harlem (New-York) parcourt le monde, pour y donner des conférences et faire la promo de ses livres. Une des idées qu'il développe depuis plus de dix ans et qui a certainement fait son chemin depuis, c'est que le numérique révolutionne le métier d'enseigner La toile regorge de connais- sances, d'informations, elle peut en délivrer bien plus qu'un cerveau humain ou même une bibliothèque classique ne peuvent en contenir Dès lors estime-t-il, «l'enseignant n'est plus la personne qui a toute la sagesse et qui parle. Avant c'était le conférencier, maintenant c'est le guide, c'est l'entraîneur, c'est le partenaire, c'est celui qui fait monter et remonter la pensée des jeunes, mais les jeunes apprennent d'eux-mêmes, ils ont les outils». Cette vision du rôle du numérique dans l'en- seignement se heurte toutefois à des réalités à la fois multiples, complexes et plus terre- à-terre à commencer par le niveau d'équi- pement des écoles Pour l'enseignant le numérique intervient à trois ^^^^^^ niveaux. Tout d'abord il y a une obligation d'enseigne- ment. Tout élève doit pouvoir terminer son CM2 avec le B2i (Brevet informatique et l'in- ternet), c'est-à-dire en maîtri- sant certains des outils du multimédia et de l'Internet Le deuxième niveau qui paraît paradoxalement si simple à Marc Prensky est celui des muta- tions que le numérique pourrait générer dans la posture de l'enseignant, dans ses pratiques et sa pédagogie. Le troisième, et non des moindres c'est, celui de l'éducation à l'usage du numérique Ce demier niveau, l'école ne peut le porter seule (il y va aussi de la responsabilité des parents et des autres structures éducatives fréquentées par les jeunes) mais elle doit y contribuer. Deux fois plus de temps devant les écrans que devant le maître Sociologue, professeure à la Sorbonne et spécialiste auprès de l'Unesco des contenus, des comportements à risques et d'éducation aux médias, Divina Frau-Meigs est l'auteure d'un kit publié en 2007 sur l'éducation aux médias et destiné aux parents, enfants et enseignants «Les enfants passent en France et en Europe 1450 heures devant les écrans par an, ce qui est près du double du temps qu'ils passent devant leurs ensei- ^^^^^^^^^^^ gnants et énorme par «L'ENSEIGNANT N'EST PLUS LA PERSONNE QUI A TOUTE LA SAGESSE ET QUI PARLE. AVANT C'ÉTAIT LE CONFÉRENCIER, MAINTENANT C'EST LE GUIDE.» rapport à celui passé avec les parents C'est leur second temps après le sommeil», assurait-elle à Fenêtres sur cours fin 2011 .«Croire qu'il n'y a pas d'impact de

Page 1/8 ENFANTS ET NUMÉ- RIQUE...numerique et ceux qui n'ont pas encore " f rar\cb\ le pas"', faute d'un accompagnement adapte » 42 organismes se sont associes a la Commission nationale

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ENFANTSET NUMÉ-RIQUE

Une éducation au bonusage du numériqueL'intrusion du numérique et de l'internet dans la sphère publique etprivée n'est pas nouvelle, mais elle semble toujours autantquestionner les missions éducatives de l'école et des enseignants.À en croire des spécialistes de l'éducation au numérique, la maîtrisetechnique de l'outil compte moins que la posture de l'éducateur pourqu'Internet devienne un outil créateur de savoirs et de citoyenneté.

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u cours du XXI" siècle, toutle monde sera «native»,alors il faut passer à l'airede la «sagesse numé-rique», c'est-à-dire penser

à la combinaison de l'humain et de lamachine, faire la bonne symbiose entre lesdeux. Il faut réfléchir aux capacités du cer-veau et aux capacités des machines, laisserà ces dernières ce qu'elles font mieux quele premier et réciproquement». MarcPrensky est d'un naturel enthousiaste Cetaméricain, est l'auteur du concept contro-versé de « digital natives » désignant les per-sonnes nées avec le numérique Auteur denombreux ouvrages, cet ancien enseignantà Harlem (New-York) parcourt le monde,pour y donner des conférences et faire lapromo de ses livres. Une des idées qu'ildéveloppe depuis plus de dix ans et qui acertainement fait son chemin depuis, c'estque le numérique révolutionne le métierd'enseigner La toile regorge de connais-sances, d'informations, elle peut en délivrer

bien plus qu'un cerveau humain ou mêmeune bibliothèque classique ne peuvent encontenir Dès lors estime-t-il, «l'enseignantn'est plus la personne qui a toute la sagesseet qui parle. Avant c'était le conférencier,maintenant c'est le guide, c'est l'entraîneur,c'est le partenaire, c'est celui qui fait monteret remonter la pensée des jeunes, mais lesjeunes apprennent d'eux-mêmes, ils ont lesoutils».Cette vision du rôle du numérique dans l'en-seignement se heurte toutefois à des réalitésà la fois multiples, complexes et plus terre-à-terre à commencer par le niveau d'équi-pement des écoles Pour l'enseignant lenumérique intervient à trois ^^^^^^niveaux. Tout d'abord il y aune obligation d'enseigne-ment. Tout élève doit pouvoirterminer son CM2 avec le B2i(Brevet informatique et l'in-ternet), c'est-à-dire en maîtri-sant certains des outils dumultimédia et de l'Internet Le

deuxième niveau qui paraît paradoxalementsi simple à Marc Prensky est celui des muta-tions que le numérique pourrait générerdans la posture de l'enseignant, dans sespratiques et sa pédagogie. Le troisième, etnon des moindres c'est, celui de l'éducationà l'usage du numérique Ce demier niveau,l'école ne peut le porter seule (il y va ausside la responsabilité des parents et desautres structures éducatives fréquentéespar les jeunes) mais elle doit y contribuer.

Deux fois plus de temps devantles écrans que devant le maître

Sociologue, professeure à la Sorbonne etspécialiste auprès de l'Unesco des contenus,des comportements à risques et d'éducationaux médias, Divina Frau-Meigs est l'auteured'un kit publié en 2007 sur l'éducation auxmédias et destiné aux parents, enfants etenseignants «Les enfants passent enFrance et en Europe 1450 heures devant lesécrans par an, ce qui est près du double dutemps qu'ils passent devant leurs ensei-

^^^^^^^^^^^ gnants et énorme par

«L'ENSEIGNANT N'EST PLUS LAPERSONNE QUI A TOUTE LASAGESSE ET QUI PARLE. AVANTC'ÉTAIT LE CONFÉRENCIER,MAINTENANT C'EST LE GUIDE.»

rapport à celui passéavec les parents C'estleur second tempsaprès le sommeil»,assura i t - e l l e àFenêtres sur cours fin2011 .«Croire qu'il n'ya pas d'impact de

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13e

UNIVERSITÉd'automnedu SNUipp

MATERNELLES ELEMENTAIRES ECOLES NUMERIQUESRURALES

Si on est encore lom d unordinateur par eleve et dun TNIou TSI par classe létauxd equipement des ecoles n est pasla premiere source de difficulté lemanque de maîtrise et deressources reste important

Source Reperes et references statistiques 2013

92,8*

I 0.6Nombre d'écolierspar ordinateur

Nombre de TNI ou TBIpour I DOO élevés

Pourcentage Pourcentage Pourcentage d'écolesd'écoles ayant d'écoles disposant ne disposant pasun projet avec d'une charte du d abonnements payantun volet TIGE bon usage de a des ressources

l'mternet pédagogiques en ligne

cette présence d'écran sur leur vie, c'est nierl'évidence».Et la sociologue d'en énumérer au moins un :«c'est à travers la consommation de mes-sages que leur renvoie l'écran, qu'ils guidentleurs valeurs, leurs goûts, leurs habitudes etcela peut effacer, voire mer les valeurs et lesgoûts transmis par les familles ou l'école».Parmi les risques il y a la diffusion d'imagesviolentes ou pornographiques de messagespublicitaires a outrance de propos néga-tionnistes ou promouvant des idéologiesextrémistes, sectaires Si la publication detels contenus n'est pas nouvelle, Internet apour caractéristique de la faciliter, de l'accé-lérer, de la massifier et d'en jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjmouvrir l'accès aux mineursplus qu'avant.Et c'est là que la sociologuereplace le rôle de l'éducateuret de l'enseignant, écornant aupassage le concept de «digitalnatives» «car si les jeunesmaîtrisent peut-être mieux lacouche technique de l'mternetet du multimédia, au niveau ^^^^^Hdes contenus, des conditionsde service de la vie privée, de la propriétéintellectuelle, ils ne maîtrisent rien». Lechamp de l'éducateur c'est d'éduquer à desformes d'autorégulation de l'usage desmédias avec des stratégies d'éducationpour apprendre à l'enfant «à maîtriser lesdifférentes composantes d'un message, latemporalité et éventuellement d'en produirelui même ». Pour Divma Frau-Meigs tout cela«implique une inversion des priorités del'enseignant. Toutes sont déjà là, mais la pre-mière n'est plus la transmission, elle devientsecondaire car Internet est une énormelibrairie en ligne dans laquelle il y a tout etmême plus que ce que l'on veut» Le rôle del'enseignant apprendre à trier l'information,

à l'évaluer, à construire des savoirs àauthentifier les informations. Les compé-tences sont selon la formule de la sociologue«les 7C»: comprendre, créer, critiquer,citoyenneté, consommation et communiquer.Rien de tout cela n'est très éloigné de la mis-sion de l'école aujourd'hui.

Culture numérique et culturelittéraire ne s'opposent pas

Le psychiatre et psychanaliste Serge Tisse-ron estime-lui que pour grandir l'enfant abesoin «d'apprivoiser les écrans» (lire p28).Après avoir participé en 2012 à la rédaction

UjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjlH du rapport de l'Acadé-mie des sciences L'en-fant et les écrans (lirep26), il préconise uneprogression en 4 étapesde l'usage du numé-rique par les enfants, àdes âges charnières deleur développement 3,6, 9 et 12 ans. Il semontre furibond devant

« LES ENFANTS PASSENT ENFRANCE ET EN EUROPE1450 HEURES DEVANT LESÉCRANS PAR AN, CE QUI ESTPRÈS DU DOUBLE DU TEMPSQU'ILS PASSENT DEVANTLEURS ENSEIGNANTS. »

« CE QUI EST PRIMORDIALC'EST QUE LES ÉLÈVESINTÈGRENT LES REPÈRES DELA CULTURE NARRATIVE. UNENFANT QUI N'APPREND PASAVEC LE LIVRE N'APPRENDRAPAS PLUS AVEC LÉCRAN.»

le concept de «digital natives» «La formulesert d'alibi pour ne rien faire et a été relayéepar tous ceux qui renoncent à l'éducationau numérique» tempête-t-il II s'insurgeaussi contre la notion « d'enfants mutants »parfois utilisée car elle sous-entend «qu'ily aurait quelque chose d'une rupture, deradicalement nouveau qui ferait que nousdevrions regarder ces enfants commeétrangers à nous». «Non les enfants d'au-jourd'hui restent proches de nous et c'estau contraire à nous de ne pas nous éloignerd'eux. Les enfants sont bien fondamentale-ment les mêmes, on leur donne simplementun outi de plus» assène-t-il.Du coup, Serge Tisseron replace l'éduca-teur, l'enseignant, au centre du jeu « Lesrelations au savoir, aux apprentissages àl'identité de l'élève et aux liens sociaux» setrouvent bouleversés certes, maîs culturelittéraire et culture numérique ne s'op-posent pas, au contraire elles s'avèrentcomplémentaires «II faut que les ensei-gnants comprennent que la bonne utilisa-tion du numérique n'est liée que pour unepetite partie à la connaissance des tech-niques du numérique qui s'apprennent aucours de son utilisation. Ce qui est primor-dial c'est que les élèves intègrent lesrepères de la culture narrative» ajoute-t-il,estimant que «la culture du livre resteessentielle car un enfant qui n'apprend pasavec le livre n'apprendra pas plus avecl'écran.» PIERRE IMNETTO

Q CAUSE NATIONALE EN 2014? LA NOUVELLE LIGNE DE FRACTURE«L'écart se creuse entre ceux qui comprennent et qui exploitent pleinement le potentiel dunumerique et ceux qui n'ont pas encore " f rar\cb\ le pas"', faute d'un accompagnement adapte » 42organismes se sont associes a la Commission nationale de I informatique et des libertés (Cnil) pourdemander a ce que leducation numerique soit u ne «grande cause nationale » en 2014 Siiusqu ici lafracture numerique était d abord définie par le taux dequipement des familles cest sans doutemoins le cas aujourd hui Et la ligne de fracture semble se déplacer vers le niveau de connaissanceet de maîtrise du multimedia que possède les individus Pour les signataires de I appel il convientdésormais de «permettre a chacun d entre nous de devenir un citoyen numerique informe etresponsable » Leurs propositions principales consistent a « lancer un evenement d'envergurenationale sur l'éducation au numérique», a « creer une plate-forme collaborative de mutualisationdes contenus disponibles en ligne gratuitement, pour constituer un lieu ou les uns et les autrespeuvent déposer leurs contenus pédagogiques librement et gratuitement accessibles a tous» I lssouha ite également «realiser et diffuser des formats courts, creer des modules d'éducation aunumerique destines aux enfants de 6-12 artset lancer des actions de sensibilisation au numerique àdestination des entrepreneurs» Le numerique grande cause nationale en 20147 Réponse dans lesprochaines semaines

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« L'enfant etles écrans »Pour un usage académiquedu numériqueEn janvier dernier, l'Académie des sciences présentait son avis sur

l'impact du numérique sur les enfants. Le rapport propose une étude et

des recommandations parfois critiquées mais qui peuvent constituer la

base d'un débat entre utilisateurs, pédagogues et scientifiques.

Le 17janvier 2013,l'Académie dessciences remettait au gouverne-ment son avis officiel sur «l'en-fant et les écrans ». lean FrançoisBach et Pierre Léna, membres de

l'Académie des sciences se sont entourésdu psychologue cognitiviste Olivier Houdéet du psychiatre et psychanalyste Serge Tis-seron pour tenter une synthèse des travauxscientifiques en la matière et proposer desrègles de bon usage des écrans. Le rapportcommence par 26 recommandations dontles premières appellent à prendreconscience du phénomène, à l'accepter età s'y adapter pour rester en phase avec lajeunesse tout en prenant du recul par rap-port au virtuel Pas de diabolisation dunumérique maîs la volonté d'une «éducationprogressive, adaptée à chaque âge et orga-nisée en lien avec les parents et les éduca-teurs, indispensable aux enfants pour lespréparer à bien gérer leur rapport cognitif,social et émotionnel au monde des écrans ».S'en suivent des recommandations adaptéesaux différente âges de l'enfant

À tout âge, pratique modéréeet autorégulée

Avant 2 ans, le rapport rappelle des étudesqui montrent les effets négatifs des écransnon interactifs tels que les DVD et la télévi-sion sur le développement des enfants. Parcontre les tablettes numériques sont consi-dérées comme utiles au développementsensori-moteur de l'enfant pour peu queleur utilisation ne soit pas exclusive et soli-taire.Après trois ans, l'entrée dans le jeu symbo-lique protégerait davantage l'enfant desécrans car il apprend à distinguer le réel duvirtuel. Mais déjà, le rapport préconise unepratique modérée et autorégulée des écransUne nécessité réaffirmée pour les 6-12 ans,car la surconsommation d'écrans à cet âgeaurait des effets délétères sur le sommeil etla vision et surtout, prédéterminerait l'usageexcessif des écrans à l'adolescence. Lesauteurs font donc appel à l'école pour enga-ger une éducation au numériqueAprès 12 ans, internet est présente comme

un outil puissant pour mettre le cerveau enmode hypothético-déductif et donc formerl'esprit et l'intelligence des jeunes. De mêmeles jeux vidéo amélioreraient les capacitésd'attention visuelle et de concentration. Lesjeux en réseau ou les réseaux sociauxauraient pour leur part des effets béné-fiques sur la socialisation des jeunes. Lesdernières recommandations rappellent lesrisques de pathologies liées aux écranssans les dramatiser car souvent liées àl'adolescence plus qu'aux écrans. Parcontre, les effets de la violence à l'écran quisont reconnus doivent être prévenus

Un avis controversé

Dès sa sortie, certains ont reproché au rap-port son manque de sciennficité Pourtant,mi-octobre, le texte a reçu le prix Roberval,mention jeunesse qui récompense uneœuvre consacrée à l'explication de la tech-nologie. Il refléterait davantage l'opinion etles travaux de ses auteurs plutôt que celuides nombreuses études scientifiques quimettent en évidence un effet des écrans bienplus délétère D'autres regrettent cet appelà la prise en charge individuelle ou familialede l'éducaton au numérique qui ferait fi desréalités sociales du rapport à l'écran et exo-nérerait les pouvoirs publics et l'industriede leurs responsabilités. Si Serge Tisseronreconnaît que l'urgence de la sortie de l'avisa en effet favorisé la prise en compte destravaux des contnbuteurs, il rejette l'accu-sation de laxisme vis-à-vis des écrans. «Laquestion n'est pas de savoir si les écranssont beaucoup ou un peu dangereux, elleest de savoir ce qu'on fait pour qu'ils lesoient moins». Quant au côté peu social deleur travail la critique est jugée injuste et ily répond «Nous avons refusé de culpabili-ser les parents, mais nous avons au contrairepréconisé des actions avec les écoles, lesvilles les institutions, si ce n'est pas dusocial, qu'est-ce que c'est"?» SLEXISBBSEBKIHE

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Le cerveau met lamain à la pâteAttention, arrêt sur images!Dans la classe des CE2-CM1 de l'école Chavanne à St-Chamond, on essaie de comprendre ce quise passe dans notre cerveau quand on regarde des écrans. Des séances tirées d'un module de«la main à la pâte» mais adaptées par l'enseignant.

Sur le tableau blanc défilent alter-nativement les images d'unmarteau et d'une bougie. Quandils voient le marteau, les élèvesdoivent taper du poing sur la

table. Ils doivent souffler quand c'est la bou-gie qui apparaît, mais seulement si celle-ciest allumée. Fou rire général après ce pre-mier essai chez les écoliers de Chavanne,un hameau de St diamond (42). « C'est dela science» a dit le maitre Julien MassonC'est nouveau et drôle pour les CE2 maisles CMlont déjà vécu l'année dernière cespetites expériences qui permettent de com-prendre comment réagit notre cerveau faceaux écrans Alors on se prend au jeu Lavidéo est relancée et on recommence plusconcentrés. « Qu'est-ce qui vous pose pro-blème?» demande le maitre. «Ca va tropvite, l'excitation nous fait rater, c'est la bou-gie, on souffle tout le tempsdès qu'on lavoit» répondent Jeannette, Cyrille et Adrien.«Et à quelles autres situations cela vousfait-il penser?» poursuit le maitre. Lesélèves pensent au jeu «Jacques a dit», àdes pas de danse, à la conduite automobile.«Oui vous l'avez compris, on parleaujourd'hui des automatismes des chosesqu'on fait sans y penser.» La maitrise desautomatismes, c'est la 9e des 20 séancesdétaillées dans le module de la main à lapâte intitulé «Les écrans, le cerveau et . .l'enfant» Un module élaboré l'an demieren relation avec l'avis de l'Académie dessciences sur l'enfant et les écrans Julienl'utilise pour la 2e année consécutive

Piégés par les images

Retour à la séance avec le test de «Stroop».Cette fois les élèves sont par groupes detrois, avec un chronomètre et une ardoise.Ils doivent mesurer le temps mis par un desleurs pour énumérer d'abord les couleursde 20 carrés disposés en deux lignes surune feuille. Il faudra dire ensuite la couleurde l'encre utilisée pour écrire les noms deces couleurs (ici la couleur de l'encre estconforme au nom de la couleur). Enfin, ilfaut indiquer la couleur de l'encre d'unetroisième série de mots mais là, sans confor-mité, avec par exemple le mot bleu imprimé

en rouge. Un diagramme tracé au tableaupar le maitre permet de reporter lesmesures des élèves et bien sûr de se rendrecompte que la troisième lecture est pluslente et génère plus d'erreurs «On estpiégé dit Alicianne parce qu'on a deuxinformations en même temps». Marie, elle,a mis la feuille à l'envers «Je lisais moinsbien et je pouvais mieux me concentrer surla couleur de l'encre.» Mais que nousapprennent ces expériences? Pour les CE2,le côté ludique et utilitaire du travail primedans cette première séance «ça nous aideà nous concentrer » disent-ils. Les CM I vontplus loin en liant les expériences à celtesde l'année passée. «On peut comprendre

comment fonctionne notre cerveau com-ment on peut être piégé par les imagescomment on réagit face aux écrans ». C'estbien la finalité du module. A travers desséances sur la mémoire, les sensations, laperception le sommeil, il s'agit de poser unregard scientifique élémentaire sur le cer-veau et d'explorer les raisons pour les-quelles les écrans sont si fascinants etcaptivants Pour Julien les séances aidentles élèves à se connaître en train d'ap-prendre. « Le module est pertinent mais trèsdense. Je ne le fais pas intégralement, etj'adapte les séances à ma classe»,www fondation lamap org/ir/cerveauALEXISBISSERKINE

O U SEMAINE SANS ECRANSDans le module de la mam a la pate, I élaboration d une «charte pour bien utiliser des ecrans» sert de filrouge aux différentes séances Si Julien Masson n a pas retenu cette modalite cest que la dimensiond education au bon usage des ecrans est tres presente au niveau de I ecole tout entière qui organisechaque annee une «semaine sens ecrans» Cette semaine-la lecole est ouverte jusqu a 19hOO etpropose aux enfants des activites et des jeux avec I aide des parents et des associations C est I occasionde redécouvrir I intérêt des jeux de societe des jeux exterieurs des jeux avec les copains Maîs celapermet aussi de parler avec les élevés de leur mode de consommation des ecrans «On s'est aperçu quepour certains élevés, la tele était un mode d'endormissement régulier» dit Julien qui défend le cotemilitant de cet engagement d equipe «C'est un defi a relever, il n'y a rien a gagner» poursuit-il «Owmaisdes fois, on est a deux doigts de craquer'» conclut une eleve

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Taire du numérique

Q LE PLAN NUMÉRIQUE SE FAIT ATTENDRE«Faire rentrer I ecole dans I ere du numerique» cetait un des grands objectifsaffiches dans la loi d orientation et de programmation de I ecole En decembredernier Vincent Paillon a annonce une strategie de developpement pour lapériode 2013 2017 maîs d évidence peu a ete fait mis a part la mise en ligne deSchool for kids tandis que celle de M@gistere se prépare ll est vrai que le plann a ete ni chiffre ni finance ll promet pourtant des services numeriques pour lesélevés les parents et les professeursavec un catalogue de mesures descontenus pour apprendre I anglais en primaire des sujets dexamens avec leurscorrections la demateriahsation de demarches administratives un «campusnumerique» un reseau social pour les enseignants des espaces numeriques detravail le renforcement de la formation au C2I2E Apres avoir mis en place uncomite strategique et un conseil du numerique educatif le ministre a reçu enseptembre dernier un rapport sur la structuration d une filiere dédiée aunumerique educatif et les preconisations qui en découlent montrent a quelpoint tout ou presque reste a faire En attendant la France reste le 24e paysde I OCDE sur 27 pour I utilisation du numerique dans I education

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noble conquête dè l'hommeVotre livre «3,6,9,12,apprivoiser les écrans etgrandir» vient de sortir.Pourquoi faudrait-ilapprivoiser les écrans pourgrandir?Les écrans peuvent nous apporterénormément a condition desavoir les utiliser maîs si nous neles apprivoisons pas, nous risquons de nous sentir menacés etde ne pas bénéficier de tous leursbienfaits. Les troupeaux de che-vaux sauvages étaient menaçantspour les premiers groupes dechasseurs cueilleurs maîs desque l'homme a apprivoisé le che-val, il est devenu sa plus nobleconquête. Il faut que l'informa-tique devienne au XXIe siecle laplus noble conquête de l'homme,c'est a dire que nos enfants enapprennent toutes les possibili-tés Pour ne pas se noyer dans lesecrans, il faut avoir acquis un cer-tain nombre de reperesDes reperes sur les ecrans eux-mêmes, pourquoi et comment ilsnous captivent, nous font perdrela notion du temps peuvent perturber notre sommeil maîs aussides reperes temporels qui permettront à l'enfant de trouver sonchemin dans les écrans C'estpour cela que j'insiste sur laculture narrative que la pratiquedu livre de l'histoire ou du théâtre

«IL FAUT QUEL'INFORMATIQUE DEVIENNEAU XXI1 SIËCLE LA PLUSNOBLE CONQUÊTE DELHOMME.»

permet d'acquérir Elle donne lapossibilité de construire sa proprehistoire avec les écrans sansperdre de vue ce qu'on y cherche.Les troupeaux d'écrans sauvagesparcourent sans cesse notre quo-tidien ll nous faut les domestiquer en les introduisant au bonmoment en se préparant à leursdangers et en prenant dans la i

SERGE TISSERONSerge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, docteur en psychologie,enseignant à l'université Paris-X. Il a publié de nombreux essais,notamment sur les secrets de famille, la resilience et nos relations auximages et aux nouvelles technologies numériques ll est co-auteur durapport de l'Académie des sciences. «L'enfant et les écrans» et vient depublier «3, 6,9,12, apprivoiser les êcrans et grandir» chez Ërès. Le livres'accompagne d'une campagne d'éducation aux ecrans relayée par lesite « www.apprivoiser les ecrans.com». Il recevra le 6 novembre, unAWARD décerne par la <r Family Online Safety Internet» qui recompensechaque annee quèlques personnalités ayant particulièrement contribuedans le monde à des actions de prévention des dangers des écrans etd'éducation familiale i/ir/u semvtisseroncom

culture du livre ce qu'on ne trouvera pas dans les ecrans

3, 6, 9,12, pourquoi cetteprogression en 4 étapesdans les usages dunumérique?Ce sont des chiffres qui parlenttout de suite aux parents et auxenfants. Trois ans, c'est l'âge pos-sible pour rentrer en maternelle,six ans, c'est le passage au CP,neuf ans c'est l'âge ou l'enfantsait lire et écrire enfin, douze ansc'est l'âge ou l'enfant a trouve sesreperes au college. L'idée c'estdonc de s'appuyer sur ces reperespour creer de nouveaux rituelsc'est à dire que l'enfant aitconscience de franchir une étapeimportante entre un avant ou ilavait certains droits et devoirs etun apres ou il en a d'autres. Créerdes rituels c'est instituer desmoments ou l'enfant verra sonstatut social changer. Pas de teléavant 3 ans pas de console de jeupersonnelle avant 6 ans Internetapres 9 ans et les reseaux sociauxapres 12 ans. Ce ne sont pas denouvelles interdictions maîs despossibilités pour les parents d'an-ticiper le developpement de l'enfant et de pouvoir lui dire parexemple «tu auras un téléphonemobile quand tu entreras au col-lege» L'éducation ce n'est passeulement introduire les bonneschoses au bon moment c'est aussifaire que l'enfant développe une

curiosité anticipatnce de ce quiva lui arriver et qu'il soit valoriseau moment ou il franchit uneetape Nous sommes dans uneculture ou les rituels ont disparuEt si les adultes n'en proposentpas, les enfants s'en construisentOn le voit par exemple quand lesgarçons de ll 12 ans jouent a desjeux vidéo hyper violents comme«Ca ll o f duty» ou «GTA» Ils yjouent de façon tres répétitivestéréotypée sans y comprendregrand-chose ni percevoir l'hu-mour ou les references que cesjeux contiennent parfois. Il s'agitbien d'un rituel initiatiquepuisqu'ils y jouent un an ou deuxet passent ensuite à « Mmecraft»un jeu ou on assemble des cubes '

Comment définir cettenouvelle culture numériqueet en quoi s'oppose-t-elle àla culture littéraire?Le rapport de l'Académie dessciences «L'enfant et les ecrans»permet de comprendre que nouspouvons rapporter nos différentes formes d'intelligence, àdeux formes principales La premiere est celle que les neuros-c i e n t i f i q u e s a p p e l l e n tl'intelligence cristallisée ouséquentielle, parce qu'elleassemble différentes unitescomme les lettres, les mots, lesphrases et est orientée dans letemps C'est elle qui est mise àcontribution dans les langages

parlé et écrit qui se déroulentdans la duree et racontent deshistoires. La culture du livre quiculmine avec le roman y est associee car c'est une culture de l'his-toire et de la narration ll y atoujours un avant, un pendant etun apres L'être humain a inventel'écriture puis l'imprimerie pourprendre en relais cette intelligence séquentielle. Maîs il a aussiinventé la peinture, la photographie et maintenant les ecrans caril lui fallait aussi satisfaire sa deuxieme forme d'intelligence, l'intel-ligence spatialisée Elle a toujoursexisté maîs elle n'avait pas desupport jusqu'à l'invention dunumerique. Bien sûr, on la faisaitfonctionner en regardant untableau ou une photo maîs, avecle numérique les écrans sontdevenus interactifs et cette intel-ligence peut être davantageencore mise à contributionnotamment dans une perspectiveéducativeOn s'aperçoit par exemple que lesgens qui pratiquent beaucoupInternet sont capables de retrouver leur chemin en mémorisantnon pas des schémas narratifsmaîs des contiguïtés d'images.Ces deux formes d'intelligencesont complementaires, la preuvec'est qu'elles cohabitaient dans laculture orale. Les conteurs tra-çaient des images au sol pour ali-menter leur récit, les chamanesdéroulaient des images tisséessur des tapis, les hommes préhis-toriques se servaient de leursdessins rupestres comme de«mythogrammes», Même dansles bibles manuscrites, les enlu-minures n'ont pas de fonctionnarrative et l'image et le texteracontent chacun leur propre h isfoire. C'est bien l'invention dulivre imprimé qui nous a faitperdre cette complémentarité carl'image en a ete expulsée ou aservi d'illustration au texte.Aujourd'hui on a la possibilité deretrouver cette complémentaritéavec le nume-rique Sur Internet,

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128 BOULEVARD AUGUSTE BLANQUI75013 PARIS - 01 44 08 69 30

NOV 13Bimensuel

Surface approx. (cm²) : 4004N° de page : 19-26

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ERES28526508300524/FCC/OTO/3

Eléments de recherche : EDITIONS ERES : maison d'édition, uniquement les critiques d'ouvrages, passages significatifs

des ecrans maîs il ya de bonnes raisons

d'apprendre a les gerer La culturetraditionnelle du livre et la nou-velle culture des ecrans sont par-faitement complementaires maîsil faut comprendre ce que cha-cune peut apporter de mieux pourle leur demander Les ecrans ont

O APRÈS LA TÉLÉ : TROIS FIGURES POUR JOUER

«On va louer comme au theâtre on fait semblant de se frapper des'embrasser ou de se battre » C'est la consigne de rappel des reglesdonnee en début de séance du «jeu des trois figures» Un jeu derôle cree par Serge Tisseron a destination des classes maternellespour permettre aux enfants de prendre du recul par rapport aI impact des images télévisuelles sur eux Sa particularité est que lescénario de jeu est construit a partir des images que les enfants ontvues chez eux et que chaque enfant est invite a jouersuccessivement tous les rôles agresseur victime ou redresseur detort, d'où son nom Selon son auteur et les enseignants qui l'ontteste au cours d'une recherche-action depuis 2007, le jeu permet dereduire les violences scolaires entre les jeunes enfants et développela tendance a faire appel a l'adulte pour resoudre les problèmeswwwyapakdbe/files/publication/TA_46 troisFigures Web pdf

on a du texte et de I image et lescultures narrative et spatial iseepeuvent se métisser a nouveau

On peut alors ne pas avoirpeur des écrans?

Il n y a pas de raison d'avoir peurdu gaz maîs on fait en sorte queles tuyaux ne fuient pas ll n'y adonc pas de raison d'avoir peur

beaucoup a nous apporter maîs ilne faut pas leur demander cequ'ils ne peuvent pas nous donnerNotamment dans le domaine del'éducation des jeunes enfants oucest la culture du livre qui est laplus performante ll faut aussiapprendre a utiliser l'immensepouvoir des ecrans dans le sensde la socialisation En effet, on

peut aller sur internet pour intera-gir avec d autres a travers desforums ou des jeux en reseau,maîs on peut y aller aussi demaniere tres solitaire et rêvassersans f in sur des sites de vente enligne par exemple Les ecranspeuvent donc être une formidablepossibilité pour aider notre socia-lisation ou au contraire un formi-dable danger de nous faireéchapper a cette socialisationMaîs la plupart des gens s'ensortent tres bien Une etudemontre en effet que les personnesqui ont le plus de lien sur interneten ont également plus dans la rea-hte En revanche ceux quiregardent beaucoup la televisionont moins de liens sociaux réels

«Digital natives»,«mutants», les enfants nésavec le numérique sont-ilsles mêmes que ceux desgénérations précédentes?

L'expression «digitalnatives» merend furieux Beaucoup de parentspeuvent se dire «mon enfant estun digital native, il a ça dans lesang il est ne avec et donc lais-sons-le se débrouiller et nous lesvieux, mettons-nous a sonecoute» La formule sert d'alibipour ne rien faire et a ete relayéepar tous ceux qui renoncent al'éducation au numerique Et c'estune catastrophe Toutes les etudesmontrent que les seniorsapprennent aussi vite voire plusvite que les enfants et les adoles-cents a gerer les applications inter-net pour peu qu'ils en prennent letemps On les a démobilises en lestraitant de «digital immigrants»au lieu de leur permettre d'abor-

«IL N'Y A PAS DE RAISOND'AVOIR PEUR DES ÉCRANSMAIS IL Y A DE BONNESRAISONS D'APPRENDREÀ LES GÉRER.»

der le numerique et d'y reussircomme les enfants et les adosavec une curiosité décomplexéeL'expression «les enfants mutants»est une nouvelle catastrophe carelle sous-entend qu'il y auraitquelque chose d'une rupture radi-cale qui ferait que nous devrionsregarder ces enfants commeétrangers a nous On peut parlerde mutation sociale et technolo-gique maîs le mot «mutant» aune tradition litteraire et pas scien-tifique il désigne une nouvelleespèce qui menace les anciennesCe n est vraiment pas la meilleurefaçon de porter un regard empa-thique sur nos enfants Non, ilsrestent proches de nous et c'est aucontraire a nous ne pas nous éloi-gner d'eux

Le numérique à l'écolemodifie-t-il le métier, laposture et le rôle del'enseignant?

De tous les changements provo-ques par le numerique quatreconcernent spécifiquement lesenseignants Ce sont les relationsau savoir, aux apprentissages, al'identité de l'élevé et aux liensLa relation au savoir est boulever-sée car on passe du modele deI''«un», un lecteur, un livre, d'unetransmission verticale a unmodele du « plusieurs», plusieurs

O SITE COLLABORATIF:LA MÉMOIRE DES CATASTROPHES«J'ai fonde I institut pour l'histoire et la memoire des catastrophes (IHMEC)parce que en tant que psychanalyste et psychiatre, i ai ete confronte a desgens qui avaient vécu des traumatismes prives ou collectifs Je me suisinteresse a la resilience et a ses différentes definitions J'avais montre dansun « Que sais-je ' » que fe resilience individuelle est toujours hasardeuse,difficile a prévoir sfa mesurer a/ors que la resilience collective est souventplus importante Le ministere du developpement durable m'a contacte et je/eur ai propose de faire un site collaboratif pour que les gens qui ont vécudes catastrophes puissent trouver un espace ou témoigner ou bien lire destemoignages de gens qui ont vécu que/que chose de proche On invite lesenfants a témoigner de ce que leurs parents leur racontent ou a recueillirautour d'eux des temoignages d inondations, de tempêtes Ils'ag/t depermettre aux gens de trouver les mots pour parler de leur traumatisme, decreer des liens autour de ce traumatisme etde témoigner des catastrophesdupasse aux générations futures afin que ces dernieres y soient préparées sielles se reproduisent » S Tisseronhttp ̂ memoiredescatastrophes org

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ecrans, plusieurs auteurs. L'ensei-gnant doit intégrer ce modelecollaboratif de type Wikipedia oucertains apprentissages peuventêtre introduits par un eleve trescompétent ou par un debat voireune controverse entre les élevés.La relation aux apprentissagesest modifiée car il faut faire fonc-tionner les deux types d'mtelligence et inviter constamment lesenfants a passer du narratif auvisuel et du visuel au narratif.L'identité est transformée car lesjeunes intériorisent l'idée qu'ilsauront probablement plusieursmetiers, lieux de vie couples Onpeut leur apprendre a jouer avecdes identités multiples au traversde rôles et de personnages quidéfendront chacun leur point devue Enfin l'Internet modifie éga-lement la relation aux autres etc'est un formidable outil qu'onpeut utiliser pour aller à la ren-contre d'autres communautés

Enseigner l'usage des outilsnumériques, les intégrerdans ses pratiquespédagogiques, éduquer àun usage responsabled'Internet, la tâche del'enseignant est complexe.Comment tenir cesdifférents objectifs?

Il faut que les enseignants com-prennent que la bonne utilisationdu numérique n'est liée que pourune petite partie a la connaissancedes techniques du numerique quis apprennent au cours de son uti-lisation Ce qui est primordial e estque les élevés intègrent lesreperes de la culture narrativeC'est-a-dire qu'ils soient capablesde penser les situations avec unavant un pendant et un apres, uneséquence narrative minimale etde les articuler ensuite avec une

conjonction de coordination,«maîs ou et donc or m car». Celaleur permet d'aller ensuite dansles ecrans sans s'y perdre ll estimportant aussi de pratiquer l'al-ternance c'est-à-dire qu'aprèsavoir eté dans un ecran, inviter

«LA CULTURETRADITIONNELLE DU LIVREET LA NOUVELLE CULTUREDES ÉCRANS SONTPARFAITEMENTCOMPLÉMENTAIRES.»

l'enfant à raconter ce qu il y a faitet donce creer des henset revenirà la narration1 «j'ai cliqué sur

Q BELGIQUE : PRÉVENIR U\ MALTRAITANCEYapaka est un programme de prevention de la maltraitance initie par leministere de la Federation Wallonie-Bruxelles de Belgique ll coordonneI aide aux victimes et propose des pistes aux parents et aux éducateurspour prevenir ou eviter la maltraitance A ce titre yakapa propose denombreux documents, des formations et lance des campagnes desensibilisation Trois d entre elles sont initiées par les travaux de SergeTisseron On y trouvera en effet des formations au «leu des trois figures»une campagne contre la tele pour les moins de trois ans et une autour de«3, 6, 9, 12 maîtrisons les ecrans» mvwyapakobe

Q CHIFFRES: LES ECRANS ET NOUSEn 2010 la television reste I ecran le plus regarde avec une moyenne de troisheures par jour contre trois quarts d heure pour I utilisation domestique deordinateur (qui comprend aussi le temps passe sur Internet via d autres

equipements comme les tablettes ou lessmartphones) D apres letude deInsee parue en mars 2013,97% des menages étaient equipes de television

en 2010, la moitié avait deux appareils et 15% en avaient trois Les jeunesâges de ll a 14 ans passent en moyenne deux heures parjour devant latelevision et cinquante minutes devant un ordinateur Les enfants regardentpresque aussi souvent seuls la television que le reste de la population 35%du temps quand I enfant appartient a une famille monoparentale 28% s'il estdans une famille avec un couple En revanche lenfant est seul les trois quartsdu temps quand il est devant son ordinateur Le temps passe devant latelevision est stable depuis 10 ans maîs dans le même temps I usage del'ordinateur et d'mternet a beaucoup progresseSource INSEEpremiere-n ° 1417 Murs 20B

cette fenêtre maîs je ri ai pas eul'information que ie cherchaisdonc je suis revenu en arrière et

» Cette culture du livre resteessentielle car un enfant qui n'ap-prend pas avec le livre n'appren-dra pas plus avec l'écran Lesécrans ne sont pas la panacée auxapprentissages, ils sont une nou-velle opportunité maîs on les pratiquera d'autant mieux qu'on auraun bagage culturel avant de lesfréquenter Je pense égalementqu'il faut introduire les ecranscomme des outils d'interactionset d'échanges et éviter de commencer avec un ecran par enfantcar on induit alors un modeled'utilisation solitaire. Dans un pre-mier temps, il est préférable queles enfants interagissent d'abordphysiquement entre eux autourd'un ecran sans connexion inter-net. Quand ils auront compris quel'écran est un espace d'échangeet d interaction, ils pourrontéchanger à distance J'insiste

aussi sur la nécessaire consulta-tion de plusieurs bases de don-nées et sources d'informationdifférentes Avec Internet, on vapouvoir stimuler chez les enfantsla capacite a poser les bonnesquestions. Si on va sur Googlesans avoir la bonne question, ona tous les risques de ne pas avoirla bonne réponse ou d'être égarépar la réponse reçue Or poser labonne question c'est le début dela démarche scientifique. Audébut dinternet, il y a eu unefronde des enseignants qui ont ditque rien ne remplacerait l'enseïgnant comme support deconnaissance. Maîs si, Internetvaut mille fois mieux que l'ensei-gnant comme support deconnaissance, en revanche rien nevaut l'enseignant pour adapter lesconnaissances aux competencesdes élevés ou pour recueillir lesquestions des enfants et leur per-mettre de les reformuler PROPOSRECLEIlilS PAR ALEXIS BISSERKINE ET PIERRE MAGNETTO